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Oral portugais - Um falcão no punho, Maria Gabriela Llansol

Etapes :
- lecture
- traduction du passage
- explication de texte

Inscrit sous le signe de la rupture et marqué par l’expérience de l’exil qui fut aussi celle
de l’écrivaine, Um Falcão no Punho constitue le premier volume d’une trilogie qui comprend
deux autres journaux : Finita. Diário II (1987) et Inquérito às Quatro Confidências. Diário III
(1996).

L’extrait proposé est issu du journal Um Falcão no Punho (1985), de Maria Gabriela
Llansol. L'écrivaine portugaise dévoile à travers ce journal une conception complètement
nouvelle de ce dernier, elle rejette les codes habituels attendus dans ce type de narration, où le
“je” cède la place à de nombreuses figures, réflexions, et toute autre sorte d’intervenants qui
enrichissent le texte et surprennent toujours plus le lecteur. Il est ponctué d’un paratexte
textuel qui rappelle le parcours de vie de l’auteur présenté plus haut puisqu’il s’organise de
façon irrégulière entre le Portugal et la Belgique et comprend les dates respectives du 27 mars
1979 et du 15 septembre 1983 comme début et fin d’écriture.
L’extrait que nous allons analyser est tout particulièrement révélateur de la singularité
de la plume de Llansol et de la place particulière qu’occupe avant tout le projet d’écriture
dans ce qu’il permet, ce qu’il rend possible et dans ce qu’il ose défaire et bouleverser de ce
qui est établi comme tel. Le passage en question date du 3 juin 1983 et se situe au Portugal, à
Lisbonne. Bien que nous ne soyons pas favorables à l’idée d' interpréter le texte par rapport à
la vie de l’auteur, le détail de la ville de Lisbonne aura cependant une importance non
négligeable dans notre analyse comme nous le verrons par la suite.
Le passage se situe postérieurement à la rencontre de la voix narrative, du “je” avec
Regina Louro. Cette figure, apparaît sans doute comme un prétexte qui a donné suite, en un
second temps, à un débat sur l’écriture et la position du lecteur. Notre extrait comprend 3 des
points abordés “la vérité comme matière” “la genèse et signification des figures” et
“l’exemple de la figure du lecteur”. Rien que ses titres révèlent le caractère presque
philosophique que déroule la voix narrative à propos de l’écriture qu’elle va interroger dans
toutes ses dimensions c’est-à-dire la fonction de l’écriture et son contenu, dans laquelle “la
vérité” peut être la matière, celle du créateur comme l’illustre le mot “genèse”, l’instance qui
serait à l’origine de la genèse desdites “figures” et celle du récepteur “la figure du lecteur”
qui va être convié à cette réflexion sur l’écriture et qui va être placé dans un rôle nouveau,
très singulier et éloigné de celui que nous avons pour habitude de jouer, une place qu’il nous
ai peu coutume d’occuper.
Nous pouvons nous demander, au cœur de cette introspection de la voix narrative,
dans quelle mesure cette réflexion est révélatrice du projet d’écriture si singulier mené
collectivement par l’instance, les figures et le lecteur ?
Afin de répondre à cette question posée nous allons adopter un modèle de commentaire
linéaire, où dans un premier temps nous traiterons ce qui relève de la fonction de l’écriture
qui, dans sa forme multiple, permet une approche vers la vérité. Dans un second temps, nous
aborderons le point de vue du créateur du projet d’écriture en lien avec ses créations appelées
“figuras”. Enfin, nous traiterons la position particulière du lecteur, qui apparaît comme partie
intégrante et contributive de ce projet d’écriture.

Avant de procéder au commentaire de l’extrait donné je vais avant tout en lire un passage. Il
s’agit d’un fragment correspondant au troisième point énoncé par la voix narrative “Exemplo:
a figura do ledor”. Lecture : Mas eu soube que posteriormente essa forma azulada podia
tornar-se num apelo a um livro porque ela desejava intensamente compreender a decifração
dos meus próprios sinais. O que podia suscitar só por si a dinâmica de um novo texto. Talvez
o leito de um rio, por mutação de leitor em leito. É um processo muito semelhante ao da
composição sonora. A figura nunca é um inerte, mas um princípio activo, cuja harmónica e
trajectória se esvaem se o impedirem de agir segundo o seu próprio princípio. Com a
experiência, e o aperfeicoamento técnico, aprende-se a escrever deste modo, como se aprende
a conduzir um planador segundo a feição dos ventos.

Suite à cette traduction, je vais vous énoncer la traduction du passage donné qui s’étend de la
ligne 11 “A medida que ousei sair” à la ligne 17 “delineamentos”. Traduction : “A mesure
que j’ai osé sortir de l’écriture représentative dans laquelle je me sentais si mal, comme je me
sentais mal en communauté, et à Lisbonne, je me suis trouvée sans normes, surtout mentales.
Je me sentais infantile à donner vie à des personnages de l’écriture réaliste car cela voulait
aussi dire que je devais leur donner la mort. Comme cela arrive parfois. Le texte irait
fatalement vers l’expérimentalisme ineffable et/ou hermétique. Dans de telles circonstances,
j’ai identifié progressivement des “nœuds constructifs” du texte que j’appelle des figures, et
qui, en réalité, ne sont pas nécessairement des personnes mais des modules, des contours, des
tracés.”
Je vous remercie pour votre attention, je vais maintenant procéder au commentaire et à
l’analyse de l’extrait.

I. L’écriture comme matière de vérité dans une dialectique entre l’intime et


l’extime
Notre passage s’ouvre sur un titre défini précédemment par la voix narrative comme “point
abordé” lors de l’échange avec Regina Louro. Il s’intitule “A verdade como matéria” “la
vérité comme matière” qui vient faire écho avec le point précédent qui ne concerne pas notre
extrait mais qui était “l’écriture comme recherche de la vérité” et qui renvoient tous deux à
une valeur de maxime, une règle de conduite dans l’écriture. Le statut qu’attribue la voix
narrative à la vérité est assez particulier puisque quelque chose d’aussi vaste voire même
“inaccessible” nous disait-elle dans le point précédent, peut s’ériger comme matière au sein
de l’écriture. Elle apparaît toutefois comme un concept qui demeure vaste voire paradoxal
comme le dit l’instance “a verdade nao é subjectiva, nem objectiva”. La vérité est une matière
qui est en mouvement, et ne peut être fixée qu’une fois achevée, lorsqu’une personne arrive à
la fin de sa vie et répond, “ao justo apelo” au juste appel, à une voix extérieure à soi. La
manière dont la voix narrative décrit la vérité peut nous interpeller, elle conçoit en effet la
vérité comme un “contorno final”, cette idée de contour, de tracé, de forme est fondamentale
dans cette description du projet d’écriture et est un terme clé de notre passage. L’auteur pose
ensuite deux questions qui prennent la forme d’une opposition où d’une part “qui suis-je”
mènerait le sujet à être esclave “escravo” et d’autre part “qui m’appelle” serait la question
que poserait une “homem livre” un homme libre. L’opposition que pose l’auteur est en ce
sens explicite. La question “quem sou” se réfère uniquement à notre condition en tant qu’être,
du point de vue de l’individu, en séparation formelle avec ce qui lui est extérieur. Là où, en
revanche, “qui m’appelle” est une question qui intègre l’être à l’extérieur, elle le met en
relation, le connecte avec ce qui existe autour de lui, ce qui en fait un homme libre, ouvert au
monde qui l’entoure et non prisonnier comme le serait celui qui ne saurait pas recevoir cet
appel que l’autre émet. L’écriture serait donc la forme qui permettrait ce contact avec la
matière de la vérité, la forme de cet appel ferait avancer le sujet vers sa vérité, bien que
comme nous le rappelle llansol elle soit propre à chacun “de cada um”.
On peut ainsi voir dans ce premier titre et la première partie de notre analyse comme une
introduction établie par la voix narrative, qui expose le pacte qui est fait avec la réalité,
l’extérieur où l’on voit d’emblée la conception de l’écriture développée par l’auteur. Loin
d’elle l’idée de livrer en effet dans ce journal des confessions intimes orientées vers soi et
pour soi, la voix narrative sait recevoir cette matière, cette forme ce “contorno” et la traite
dans son écriture qui devient ainsi, moyen de vérité, de connaissance, bien que jamais
pleinement exhaustif. L’instance narrative rappelle de ce fait, à juste titre, ce que serait la
vaine entreprise que celle d’écrire sur soi, en ne parlant que de soi, qui ne mènerait à aucune
vérité puisqu’il n’y aurait pas d’appel, de volonté de communiquer, en refusant de se mêler à
l’extime. La vérité est en ce sens une matière qui cherche sa forme, et qui ne la trouve que
dans ce contact singulier entre l’intime et l’extime (individu et altérité), lorsque l’homme,
homem, l’individu est enclin à communiquer avec l’extérieur.
Pose l’écriture comme accès à cette matière qu’est la connaissance, la vérité

II. La dépossession de l’instance narrative face au tourbillon de l’ordre figural

Dans un second temps, la voix narrative expose le deuxième point abordé intitulé “la genèse
et la signification des figures”. Avant tout le substantif “genèse” indique que nous
progressons dans cette réflexion sur l’écriture qui va aborder à présent le point d’origine de
l’acte de création vers le produit créé appelé communément “figuras” dont l’instance prétend
nous donner la “signification”. Elle commence tout d’abord par établir un cadre de son
rapport à l’écriture au passé, avant qu’elle ait osé et je cite “sair da escrita representativa”,
sortir de l’écriture représentative, qui lui provoquait un inconfort. L’instance ajoute que ce
sentiment de mal-être était le même que celui ressenti “na convivencia”, en communauté, en
société, et également à Lisbonne. On remarque ici que le Portugal est cité et qu’il apparaît
comme un lieu de limites, un cadre duquel la voix narrative a voulu s’éloigner pour
finalement se retrouver “sem normas” c’est-à-dire libre et le texte ajoute “sobretudo
mentais”. En ce sens, on peut remarquer la présence problématique de deux points majeurs
qui semblent être des freins à l’écriture et à l’imagination : la société et Lisbonne. L’auteur a
sans doute subi les attentes du canon littéraire exigées par la tradition portugaise, c’est ce
pourquoi, comme dit précédemment, le lieu d’écriture de cette réflexion est fondamental
puisque l’on distingue une volonté de l’auteur de se détacher de ce qui se rapporte au
Portugal, qui mène fatalement à une écriture de l’enfermement, à ce qui est prévisible,
attendu par la société de son temps. Elle souhaite alors se distinguer de l’écriture réaliste, au
sein de laquelle l’auteur, le créateur occupe une place “infantil”, puisqu’il et je cite “da vida
ás personagens” ce qui implique “dar a morte”. Ces personnages n’auraient en ce sens aucune
substance, ils ne seraient réduits qu’au simple produit de création et de destruction de
l’auteur. Ce type d’écriture ne semble avoir aucun intérêt, il en viendrait même à être un frein
pour le texte qui serait fatalement et je cite “inefável e/ou hermético”.
Après avoir décrit ce passé de l’écriture, depuis cet éloignement, la voix narrative affirme
avoir identifié ce qu’elle appelle des “nœuds constructifs” du texte “nós construtivos” puis
“figuras”. Ce processus d'identification n’est cependant pas quelque chose d’innée mais de
progressif comme le précise le texte et je cite “identifiquei progressivamente”. Loin du
créateur qui a le rôle exclusif du destin de ses personnages “personagens”, leur donnant vie et
mort. On se confronte ici à une voix narrative qui se laisse porter par ces figures qui
apparaissent progressivement, et sous une forme vague, presque métonymique : “módulos,
contornos, delineamentos”. Cette énumération venant définir ce qu’est une figure est
fondamentale pour comprendre comment elle conçoit les figures, et comment ces dernières
fonctionnent au sein de son œuvre. Un module, un contour, un tracé sont tous des parties d’un
tout, d’un programme informatique, d’un dessin, etc.
Après avoir défini la substance quelque peu vague et complexe de ce qu’est une figure, la
voix narrative dévoile des exemples plus précis “uma pessoa que realmente existiu pode ser
uma figura”. Une personne historique peut dans cette logique être sortie, dépossédée de la
réalité de laquelle il émerge, de sa réalité pour être transposée à dans cet ordre figural. Il en
est de même pour une phrase, je cite “um frase (“éste e o jardim que o pensamento permite”).
Dans cet exemple la phrase acquiert un espace propre, son espace figural mis entre guillemets
et clos entre parenthèses, qui n’est pas sans nou rappeler par ailleurs le “hortus conclusus”
(jardin enclos) espace sécurisant qui est presque protagoniste dans la géographie multiple que
nous dessine l’auteur (aux côtés de l’espace de la maison qui occupe également une place
centrale dans son oeuvre).
Ces exemples aident à cerner la diversité de ce que peuvent être les figuras, qui, comme le
précise le texte, adoptent le “mesmo titulo”. Les figures ont le même poids, une phrase, un
animal, une chimère pour reprendre les exemples cités, auraient la même valeur, le même
statut dans le texte, elles occuperaient le rôle commun de figures.
L’instance narrative poursuit sa réflexion, et affirme avoir appelé ces figures, “mais tarde”
dans le temps, encore une fois cette idée de processus, “cenas fulgor”. C’est justement ces
figuras ou “cenas fulgor” qui renferment cette tension métonymique dont nous parlions
précédemment où se conjuguent le contour et le noyau, je cite “na verdade, os contornos as
que me referi emvolvem un nucleo cintilante”. C’est ce noyau que renferment les figures qui,
réunies, font avancer le texte comme unité “unidade” et je cite “segue o fio que liga as
diferentes cenas fulgor”. A l’instar des figures, leur noyau, c’est-à-dire la fusion de ces
dernières entre elles est également de nature diverse et peut être une image, une pensée, un
sentiment ou même un dialogue” (écho à Bach et Pessoa ou celui de Regina Louro, à
l’origine, qui est le produit d’une rencontre, et son résultat est le dialogue avec cette figure
qui créer cette réflexion qui est elle même une cena fulgor).
Enfin, pour clôturer cette deuxième partie, on observe que l’importance des figures
s’intensifie et prend toujours plus d’ampleur et de diversité dans sa substance, son essence, sa
forme. La voix narrative précise en dernier lieu l’intensité que crée “parfois” “Acontece”
l’unité des noyaux. Ce parfois est fondamental car il rappelle à juste titre là encore, la
supériorité voire la toute puissance des figures sur le texte, son évolution et comme nous le
voir sa forme, ce qui l’éloigne d’autant plus du schéma de l’écriture réaliste où nous avions
ces personnages dont “a vida” e “a morte” étaient contrôlés, gérés par le créateur. Dans leur
nature, comme nous avons pu le constater, très diverse, l’unité des noyaux peut venir à
posséder une, je cite “identidade formal”. Ils acquièrent de fait une matérialité, leur propre
identité au sein du texte. L’auteur qui semble même nous parler et nous orienter dans notre
lecture, nous rappelle de prêter attention à la typographie, à la forme des figures, je cite :
“(daí a importância formal dos meus textos, até ao nível gráfico)”. L’ensemble, l’unité des
figures prend ainsi une présence physique et formelle retirant au lecteur et même à l’auteur
ou (à la créatrice pour rester dans le champs lexical de la genèse) tout ancrage, tout repère,
toute “norma”, provoquant ce que la voix narrative appelle “um vórtice” et amplifiant l’effet
d’étrangeté du discours, toujours en mouvement, dans ce tourbillon, ce vortex de noyaux, de
figures, qu’est cet ordre figural sous toutes ses formes, qui, quant à lui devient toujours plus
fort, plus intense, et je cite : “esse vórtice confirma-se, e o nó construtivo adensa-se.”.

III. Le lecteur comme matière active et productive dans l’oeuvre

Enfin, comme si la voix narrative voulait faire une transition avec ce qui a été dit
précédemment, elle aborde le cas du lecteur. Le titre je cite “Exemplo: a figura do ledor”
renvoie une fois de plus, au changement de matière que produit ce projet d'écriture si
singulier dans lequel le lecteur perd son rôle habituel et se transforme en “exemplo” en cas
pratique, réduit même, à une forme spectrale, figurale. Son état se dégrade et se dépossède de
sa matière originelle pour devenir, je cite une “forma azulada, sem aspecto humano”. Cette
dépossession semble être la première étape par laquelle le lecteur passe avant de pénétrer le
texte de l'œuvre.
Tout comme pour les figures, la voix narrative rappelle son analyse progressive, au fil du
temps, qu’elle indique par “soube que posteriormente”, qui l’a amenée à déceler la mutation
de cette forme bleutée vers je cite un “apelo a um livro porque ela desejava intensamente
compreender a decifração dos meus proprios sinais”. Le lecteur apparaît ici comme une
forme insistante, présente au cœur du texte, soucieuse de décrypter le langage presque codé,
propre à l’auteur. De plus, “Proprios sinais” ouvre le chemin vers une terminologie
linguistique de l’ordre de la communication, où ce processus de déchiffrement, de décodage
que fait le lecteur le rend actif au sein du texte, provoque une “dinâmica” qui irait même
jusqu'à créer je cite “um novo texto”.
A partir de cette étape d’entrée du lecteur dans le texte, il subi comme les autres figures, ce
processus de mutation, renforcé dans ce passage d’une part, par l’allitération de la liquide
palatale ‘l’ dans le jeu de mot “leito de um rio, por mutação de leitor em leito” où celui qui lit
se met à écrire le texte, à être le texte. Cette étape de symphonie des sons de “composiçao
sonora” pour citer le texte, est le point culminant de l’adhésion participative du lecteur au
texte, il s’érige alors comme un “principe activo”, qui génère les gammes de cette harmonie
ou encore les courbes de la trajectoire du texte pour citer les deux exemples donnés. D’autre
part, la présence progressive et intensifiée du lecteur est marquée dans ce dernier point par
l’omniprésence du champ lexical du mouvement en cours, du processus, puissent en
témoigner les termes suivants : “tornar-se num”, “dinâmica”, “rio”,“mutação”, “processo”,
“composição”, “harmônica”, “trajectória”.
Ils renvoient tous à cette idée de composition progressive, rendue possible par le lecteur qui
s’efforce depuis sa matière mouvante, d’appréhender le texte, également en mouvement
constant, dont la finalité est incertaine.
Pour finir, la voix narrative adopte un ton presque didactique, où elle nous dévoile comment
elle a appris à écrire ainsi, tout en étant traversée par les figures et leur intensité. Elle s’est
alors armé de deux principes, je cite “a experiência e o aperfeiçoamento técnico” qui rappelle
l’idée de temps, de processus qui est omniprésent dans cette réflexion sur l’écriture et sa
réception. Elle défend l’idée d’une écriture ouverte, compréhensive, attentive qui saurait se
plier aux caprices de l’intensité des figures, ou comme l’introduit la comparaison de notre
passage, “como se aprende a conduzir um planador segundo a feição dos ventos”, qui saurait
s’adapter à la nature des vents. Les figures, sont elles aussi régies par cette même force
instable, presque impulsive imposée à l’auteur comme au lecteur (également figures au sein
du texte) qui doivent apprendre à la recevoir. C’est une belle image et presque morale
pourrait-on dire celle que nous donne la voix narrative, de pas aller contre les vents, se laisser
porter par ce dernier, aussi divers et imprévisibles soient-ils.

En conclusion de cette analyse, on observe que ce passage est l’un des rares extraits où le
discours semble être aussi structuré. Les parties de notre commentaire ont tenté de refléter les
étapes de la réflexion menée par la voix narrative qui nous a dévoilé sa conception de
l’écriture et son approche dans la dimension de sa matérialité (vérité comme matière), son
évolution (apparition des figures et dépossession du “je”), et sa réception (rôle fondamental
du lecteur qui devient figure, il participe et agit dans le texte).
Le récit à la première personne est d’autant plus intéressant dans ces rencontres
spectrales, cette genèse des noyaux scintillants, puisque cela nous donne l’impression d’être
au coeur de la subjectivité de l’auteur, là où, cette dernière mène pourtant une quête infinie
vers l’extérieur, l’ordre figural, et brise les codes et schémas attendus de la littérature réaliste
ardemment critiquée. On ne peut y voir une relation d’autorité, de propriété voire même de
cadre dans ce projet d’écriture, car le lecteur, les figures, l’instance narrative sont des êtres
libres. A l’instar de la relation qui s'établit entre le fauconnier et le faucon, le vol du faucon,
symbolisé au cœur du poing de Llansol, est libre dans son tracé, dans sa trajectoire jamais
définie, sans cesse en mouvement et irrévocablement imprévisible.

Idées supp pour questions prof :

- Cette action de briller, d'irradier, fait perdre l'unité du texte, le fait éclater en
fragments autonomes qui, décontextualisés et re-signifiés, opèrent en eux-mêmes ; cet
éclatement "se produit par la production d'images qui présentent la réalité d'une
manière différente, discontinue et fragmentaire"
- La scène lumineuse se manifeste comme un réel, elle est réelle dans "une présence qui
devient une image" ; elle suspend les significations auxquelles nous sommes habitués
et compose un espace régulé par l'affectivité, qui permet la communication entre les
êtres humains, les animaux et les plantes, suggérant une communication universelle.
- Il y a toute une dialectique dans ce passage entre la matière et le contour de la vérité,
le contour et le noyau des figures, des cenas fulgor, l’extérieur et l’intérieur du journal
(créateur, contenu) et lecteur.

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