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INTRODUCTION
La version post-freudienne de la représentation discursive de soi. Pour qui lui prête cette
origine, l’autofiction est née d’une perte, celle du jugement lucide et désintéressé du sujet
aux prises avec son passé. On la proclame alors avatar moderne de l’autobiographie, genre
à jamais ruiné, puisque frappé d’une suspicion qui mine la sincérité sur laquelle il repose.
(Zufferey, 4)
Cette conception de l’autofiction atteste qu’elle n’est pas l’autobiographie. Cette distinction tire
sa quintessence de la racine de ce néologisme, « fiction ». Partant, de ce fait, l’on perçoit que
l’[auto]fiction entant que production littéraire n’a point pour principe de re-produire la réalité.
Au contraire, comme toute production artistique, elle repose sur la création des œuvres de
l’esprit. Car elle nécessite un effort de stylisation, de modelage et de réinvention du social par
des mots.
En effet, parler de la présence de Jack London dans ses œuvres ne revient pas à montrer
que ses œuvres sont strictement autobiographiques. Néanmoins, force est de reconnaitre que
selon Raphael Baroni, l’auto-fiction peut servir tantôt à authentifier le roman réaliste
contemporain, tantôt à conférer, par la logique narrative, une valeur générale à l’anecdote
autobiographique. Le rejet réciproque des catégories (auto-, fiction) nous apparaît finalement
très relatif, puisque c’est par leur réunion dans une opération d’hybridation qu’est généré le
nouveau genre (Zufferey, 9). Il nous importe de mettre en lumière, que par ce procédé, l’auteur
s’insère dans la diégèse. Tout de même, dans son univers romanesque, Jack London s’identifie
à la population victime d’une relation sociale fondée sur la domination et la servitude. Le
rapport de l’auteur à la vie sociale se dévoile dans les effets de stylisation établis sur un lien de
cause à effet qui s’interprète à partir des signes qui figurent dans le texte. Claude Duchet déclare
par conséquent : « L’enjeu [de la sociocritique], c’est ce qui est en œuvre dans le texte, soit un
rapport au monde. La visée, de montrer que toute création artistique est aussi pratique sociale,
et partant, production idéologique, en cela précisément qu’elle est processus esthétique, et
d’abord parce qu’elle véhicule tel ou tel énoncé […] » (Duchet, 1979, 3). Dans l’extrait ci-
dessus, Duchet maintient que l’œuvre romanesque entretient un rapport d’interdépendance avec
la société de l’auteur. C’est à juste titre qu’un romancier peut se trouver engagé dans la
représentation de la vie sociale par l’effet des œuvres matérielles qui imprègnent le texte. Aussi
analyserons-nous comment l’auteur stylise les réalités sociales à partir de ses expériences
propres. Encore, il convient de révéler les effets littéraires en montrant sa prise de position. Et
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enfin, nous démontrerons comment des tendances sociales conflictuelles s’imbriquent pour
créer l’effet de l’onirique au sein du texte romanesque.
Situons la réflexion autour de cet axe dans un cadre pragmatique. Nous exclurons,
d’emblée, toute indécidabilité que l’on pourrait qualifier d’ordre ontologique telle qu’elle se
présente dans le cas d’une narration omnisciente qui n’offre pas d’informations sur l’instance
narrative, outre le fait qu’elle narre. La visée pragmatique de cette étude nous emmène à retenir
exclusivement des romans qui favorisent la détermination de l’instance narrative. En d’autres
termes, il sera question des œuvres qui, tout en relatant l’histoire, placent l’acte de la narration
au centre des questionnements. Nous dégagerons les enjeux esthétiques des procédés narratifs.
À cet effet, nous expliquerons par exemple, comment et pourquoi le pronom déictique « je »
énonciateur peut devenir la personnification du narrateur ou de l’auteur.
Le terme déictique dérive de deixis. Et, Rivara Réné dans son œuvre intitulée : Langue
du récit : introduction à la narratologie énonciative, le définit comme « le phénomène par
lequel un élément d’une langue reçoit sa valeur désignative de son rapport à une situation
d’énonciation particulière » (Rivara, 2000, 59). Ce déictique « je » très présent dans l’univers
fictionnel de London assume, certes, une fonction d’énonciation mais aussi matérialise l’auteur
dans le texte. À cet effet, l’on perçoit que ce pronom « I », en français, « je » tout en ramenant
au Moi social, prend en charge les propos soutenus par chaque segment textuel. Ce mode de
représentation qui s’apparente à l’autobiographie se justifie par le passage suivant :
I went on “The Road” because I couldn’t keep away from it; because I hadn’t the price of
the railroad fare in my jeans; because I was so made that I couldn’t work all my life on
“one same shift”; because—well, just because it was easier to than not to.
It happened in my own town, in Oakland, when I was sixteen. At that time, I had attained
a dizzy reputation in my chosen circle of adventurers, by whom I was known as the Prince
of the Oyster Pirates». (TR, 274)
L’auteur précède tout propos de la première personne du singulier qui engage sa responsabilité
tout en racontant. « I » détermine, alors, son attachement à ses idéaux. Il est une marque
sacrificielle de son engagement dans une lutte idéologique au côté de la classe prolétaire dont
il est issu. L’expression « my own town, in Oakland » intervient sur un plan référentiel. Cette
approche est soutenue, en particulier, par les positions théoriques de V. Colonna. Selon lui, dans
l’autofiction, « l’écrivain est au centre du texte comme dans une autobiographie (c’est le héros),
mais il transfigure son existence et son identité » (Colonna 2004, 75). Par cette modalité de
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transfiguration, l’auteur met en œuvre une entreprise autofictionnelle qui se trouve infléchie
vers le fantastique et le biographique. Selon sa biographie, il est effectivement né à Oakland.
Ici, son expérience de vagabondage prend symboliquement la place de l’objet de ses
rêves. Le narrateur se sent dès cet instant affranchi des relations de subordination qui le lient
aux employeurs. Ceci constitue une joie relative pour lui. Mais cette joie instable d’outrepasser
les principes de bonnes mœurs ne peut être qu’éphémère. Par exemple, dans (TR), London
l’auteur-narrateur confirme :
At six I quit work and headed for the railroad yards, expecting to pick up something to eat
on the way. But my hard luck was still with me. I was refused food at house after house.
Then I got a “hand–out.” My spirits soared, for it was the largest hand–out I had ever seen
in a long and varied experience. It was a parcel wrapped in newspapers and as big as a
mature suit–case. I hurried to a vacant lot and opened it. First, I saw cake, then more cake,
all kinds and makes of cake, and then some. It was all cake. No bread and butter with thick
firm slices of meat between—nothing but cake; and I who of all things abhorred cake most!
(TR, 203).
Partant de l’idée que la description, de soi ou d’un autre, a pour condition fondamentale
l’opération énonciative d’un sujet, la représentation tend, dans la perspective référentielle,
à être assimilée à une projection éminemment personnelle. L’exercice du dire,
l’énonciation, bien plus que les contenus descriptifs eux-mêmes, porte à la communication
l’expérience de l’auteur qui se donne, à la limite, comme une expérience « absolument »
singulière […] Et l’activité langagière ne pourrait donc fournir, en deçà de toute référence
objective, qu’une image de son origine énonciative. Parler du monde ou d’autres choses
fictionnelles reviendrait à parler exclusivement de soi, à se saisir dans l’autre ou l’autre
dans soi, de sorte que tout discours se donnerait, par son ancrage énonciatif, d’une certaine
manière comme autobiographique. (Zufferey, 11)
Well, it’s this way. You see, I don't know much about the land, and people, and things, and
I never had anybrothers or sisters or playmates. All the time I did n't know it, but I was
lonely —sort of missed them down in here somewhere. He placed a hand over his breast.
"Did you ever feel downright hungry? Well, that’s just the way I used to feel, only a
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different kind of hunger, and me not knowing what it was. But one day, oh, a long time
back, I got a-hold of a magazine and saw a picture— that picture, with the two girls and
the boy talking together. I thought it must be fine to be like them, and I got to thinking
about the things they said and did, till it came to me all of a sudden like, and I knew it was
just loneliness was the matter with me. (TCD, 59)
Ce passage dévoile la frustration subie par cet adolescent. Et cette situation qui fait de lui un
abrouti perdure depuis des années. La raison courante s’explique par le fait que les sociétés
industrialisées de l’époque sont des sociétés de classes. Et les riches maintiennent leur
hégémonie par leur domination matérialiste écrasante. Ils sont propriétaires de toute chose et
partout— propriétaires de bateaux en mer et des usines sur terre.
Les parents pauvres sont contraints à une impuissance financière qui les empêche
d’assurer un encadrement et un développement normal de leurs progénitures. Par conséquent,
très souvent les enfants désertent la maison familiale à la recherche d’un mieux-être. Ils y vont
la tête pleine d’illusions. Par ailleurs, le phénomène de délinquance juvénile découle de diverses
causes. Certains sont orphelins, d’autres, ambitionnent de découvrir le monde extérieur et
prennent le risque de courir l’aventure bien avant d’achever l’école secondaire. D’autres encore
fuient les railleries des parents qui finissent par détériorer le climat de convivialité au sein des
familles. Tel est l’exemple de Bronson Joe qui est de la même classe que sa petite sœur Bessie.
Malheureusement pour lui, celle-ci a des résultats scolaires bien meilleurs que les siens. Joe ne
peut plus supporter les frustrations et rêve d’aller en aventure :
Oh, father, you don't understand, you can't understand! Joe broke forth at
last. I try to study—I honestly try to study; but somehow—I don't know how
—I can't study. Perhaps I am a failure. Perhaps I am not made for study. I want
to go out into the world. I want to see life—to live. I don't want any military
academy; I 'd sooner go to sea—anywhere where I can do something and be
something. (TCD, 27)
L’interjection « oh » dans « Oh, father, you don't understand, you can't understand! » démontre
que Joe en a assez des frustrations. Il manque de concentration et de dévouement pour les
études. Dans ce bref passage, la récurrence des adverbes de négation exprime son refus total de
retourner à l’école. En réalité, il s’avoue vaincu d’office selon la phrase négative suivante :
« Perhaps I am a failure. Perhaps I am not made for study ». Ceci signifie en français : Peut-
être suis un cancre et ne mordrai-je jamais à l’étude ? »
Il se forge, déjà, un idéal de liberté qui se résume à l’errance. Et cette perception des
choses se déploie dans cette gradation ascendante « visiter le monde », « voir la vie » et « vivre
enfin ». Ceci atteste qu’il se sent prisonnier vis-à-vis des exigences éducatives et scolaires. En
outre, la pression familiale n’en demeure pas moins troublante qu’elle lui fera faire une
dépression future. Car il n’arrive pas à satisfaire les attentes de ses parents qui exigent plus
d’efforts de sa part. Il y a un parallèle entre la vie du narrateur et celle de l’auteur. Au fait, sa
bibliographie nous informe qu’il abandonne l’école à l’âge de seize ans pour une aventure en
mer. Cette expérience montre que l’auteur, tout en parlant de Jack-le-matelot, se représente lui-
même. En d’autres termes, ses romans sont pour la plupart le récit de ses aventures.
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Listlessness and carelessness have characterized his term's work, so that
when the examinations came he was wholly unprepared. In neither history nor
arithmetic did he attempt to answer a question, passing in his papers perfectly
blank. These examinations took place in the morning. In the afternoon he did
not take the trouble even to appear for the remainder (TCD, 26 )
L’on note que le déictique « je » est utilisé aussi pour rendre des témoignages. À ce
niveau, l’auteur nourrit le besoin de faire revivre les scènes de certains faits poignants. Par
exemple, il s’en sert pour relater la mésaventure choquante de Frisco kid. Car un jour, il est
arrêté par la police pour avoir profité d’un espace ouvert pour assouvir le besoin d’un lit chaud :
I suppose. I crawled into a haystack to sleep one night, because it was warmer, and along
comes a village constable and arrests me for being a tramp. At first they thought I was a
runaway, and telegraphed my description all over. I told them I did n't have any people, but
they would n't believe me for a long while. And then, when nobody claimed me, the judge
sent me to a boys' 'refuge' in San Francisco." [..] I thought I 'd die in that 'refuge.' It was
just like being in jail. We were locked up and guarded like prisoners. Even then, if I could
have liked the other boys it might have been all right. But they were mostly street-boys of
the worst kind. (TCD, 63)
La production linguistique peut être considérée : soit comme une suite de phrases, identifiée
sans référence à telle apparition particulière de ces phrases (elles peuvent être dites, ou
transcrites avec des écritures différentes ou imprimées, etc.) soit comme un acte au cours
duquel ces phrases s’actualisent, assumées par un locuteur particulier, dans des
circonstances spatiales et temporelles précises. Telle est l’opposition entre l’énoncé et la
situation de discours, parfois appelée énonciation. Cependant lorsqu’on parle, en
linguistique on prend ce terme en un sens plus étroit […] ce que la linguistique retient, c’est
l’empreinte du procès d’énonciation dans l’énoncé. (O. Ducrot et T. Todorov, 1972,405)
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Il apparaît donc justifiable que l’opinion de l’auteur se traduit dans l’énoncé par des déictiques
temporels, spatiaux, et pronominaux. Ils donnent des points d’ancrage au discours, une force à
l’histoire d’avoir une assise sociale. C’est pourquoi le caractère onirique de l’histoire se déploie
parfois sous formes de métaphores obsédants-- les noms des lieux, des habitudes de l’auteur,
ses fréquentations et ses désirs s’y glissent— Dans (TR) par exemple, l’on observe une série
d’expériences du narrateur en compagnie des vagabonds à travers Washington, Montréal, San
Francisco, Californie, Londres et Ottawa auxquelles se réfèrent l’« ici » et l’ « ailleurs ».
But to return to Ottawa. At eight sharp in the morning I started out after clothes. I worked
energetically all day. I swear I walked forty miles. I interviewed the housewives of a
thousand homes. I did not even knock off work for dinner. And at six in the afternoon, after
ten hours of unremitting and depressing toil, I was still shy one shirt, while the pair of
trousers I had managed to acquire was tight and, moreover, was showing all the signs of an
early disintegration. (TR, 203)
Le roman fonctionne en interface d’une part entre le lecteur et ceux pour qui il plaide. D’autre
part, il joue le rôle d’informateur auprès des autorités devant agir pour le changement des
conditions de vie des opprimés. C’est pourquoi l’auteur utilise le « I » narratif en vue de créer
plus d’émotion et de théâtraliser au mieux leur amertume. Ce pronom matérialise son
implication dans les faits. En effet, l’on peut associer la certitude de l’origine énonciative à un
jeu visant à contourner les conventions littéraires destinées à perturber l’illusion référentielle.
Par conséquent, avec l’usage répétitif de la première personne, l’auteur met en relief la
personnalité du narrateur. Il lui attribue les rôles les plus poignants et les tâches les plus
expressives.
Dans La croisière du Dazzler, l’on assiste à une variation de narrateurs qui se relaient.
Ainsi dans le chapitre VII intitulé « Père et fils » de ce roman, la narration de l’histoire
commence par la troisième personne. À ce niveau, l’auteur plante un décor riche en signes. Il
prépare le lecteur à un événement imminent dans une introduction très descriptive et
présentative.
D’entrée de jeu, le narrateur omniscient « Il » sait tout et le lecteur ne sait rien de lui.
Mais quand Mr. Browson entre en scène pour tenir son discours décisif devant son fils Browson
Joe, l’on observe l’apparition brutale de la première personne « Je ». Le père en amarre de la
décision inébranlable de son fils, Joe qui rêve d’aller en aventure. D’ailleurs, ce désir ardent
perturbe ses résultats scolaires et sa perception de l’école. Cette réalité se perçoit dans l’extrait
suivant :
It’s a way young birds have, Mr. Bronson remarked, turning to Joe with a serious smile;
and I dare say you are on the verge of a somewhat similar predicament, my boy, he went
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on. I am afraid things have reached a crisis, Joe. I have watched it coming on for a year
now—your poor scholarship, your carelessness and inattention, your constant desire to be
out of the house and away in search of adventures of one sort or another. (TCD, 26)
Par contre, London fait entrer un narrateur homodiégétique dans l’histoire pour
raconter les faits essentiels de l’intrigue. Par cet effet de stylisation, l’usage de « I » dans la
narration des souvenirs personnels permet de supplanter le récit de source indécidable. « I»
devient le gage de sa présence ou de la prise en charge de la narration. Il devient dès lors, un
auteur-narrateur qui focalise moins les autres personnages. Ceci se constate par exemple à
travers le récit des souvenirs douloureux de l’opposition des parents bourgeois de Ruth à ses
fiançailles avec Martin. Par conséquent, « I » énonce un récit historique ou vécu de la part du
narrateur individualisé qui transparaît pour mettre à la connaissance du lecteur ses souvenirs
refoulés. Par ce glissement, le romancier met en scène l’interaction de la mémoire individuelle
et de la mémoire collective dans le récit narratif.
Dans Martin Eden l’auteur met en scène deux personnages auxquels l’on peut attribuer
la narration : l’un impersonnel, « He » et l’autre individualisé « I ». Vers les dernières pages de
ce roman, l’auteur surgit brutalement pour confirmer sa présence en produisant l’histoire à la
première personne du singulier. Ce qui montre plus ou moins sa volonté de se substituer au
narrateur.
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And now, when I speak, you check the thought unuttered on your lips and hang on my lips
and pay respectful attention to whatever I choose to say. I tell you your party is rotten and
filled with grafters, and instead of flying into a rage you hum and haw and admit there is a
great deal in what I say. And why? Because I’m famous; because I’ve a lot of money. Not
because I’m Martin Eden, a pretty good fellow and not particularly a fool. I could tell you
the moon is made of green cheese and you would subscribe to the notion, at least you would
not repudiate it, because I’ve got dollars, mountains of them. And it was all done long ago;
it was work performed, I tell you, when you spat upon me as the dirt under your feet.” (ME,
901)
Ce passage relaté à la première personne du singulier se présente sur le plan énonciatif comme
un moyen conséquent pour mettre fin au jeu d’écriture romanesque qui permet de voiler
l’identité du narrateur dans le texte. En d’autres termes, le déictique « I » révèle la volonté de
London à œuvrer pour instaurer la responsabilité identitaire de l’auteur. Il s’attèle à éponger le
caractère impersonnel de l’énonciation pour répondre aux attentes des lecteurs concernés en
termes de voix. « I » intervient donc pour servir de voix de témoignage qui prononce le verdict
d’une vie organisée autour de l’intrigue. C’est ce qui justifie ce récit à la première personne. Il
s’agit évidemment de la restriction de l’information narrative au seul « savoir » du narrateur.
L’information du héros au cours de l’histoire est complétée par ses informations antérieures.
Le tout reste à sa propre disposition parce qu’il est devenu le narrateur homodiégétique.
Par ailleurs, London fixe le mythe judéo-chrétien : Il développe une relation entre
Dieu, le père pourvoyeur, et Dieu, le fils médiateur, et le peuple en quête d’un soulagement.
Respectivement, les autorités incarnent Dieu et le romancier London représente Dieu, le fils
médiateur, qui plaide pour l’amélioration des conditions de vie de ses concitoyens américains
frappés de chômage.
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textuel tout en fournissant des scènes à son imagination. Joël Zufferey rend compte de ce
procédé énonciatif dans l’avant-propos de son ouvrage intitulé L’autofiction : variations
génériques et discursives. Il déclare à cet effet :
Francois Rosset montre que Sollers pense effectivement se retrouver dans l’autre : raconter
Sade, Casanova ou Mozart c’est « être » Sade, Casanova ou Mozart ; cette identification
repose sur une opération langagière éminemment consciente, qui maintient la présence de
l’énonciateur dans son discours quel qu’en soit l’objet : dire l’autre consiste alors à
représenter des attitudes fondamentales du moi. (Zufferey, 12)
Le lecteur n’est point passif, il réinvente les événements. Au fait, lorsqu’un lecteur lit
un texte, il participe à sa théâtralisation. Il devient, dès lors, un acteur et donc intégré au texte
qui absorbe ses sens et active sa sensibilité. À cette vie imaginaire du lecteur, s’ajoutent des
images mentales imprégnées d’expériences et de préférences du lecteur. Dans (TR), par
exemple, dès l’entame du premier chapitre, intitulé « confession », l’auteur plonge son lecteur
dans un véritable fantasme au-delà du texte. Il écrit :
There is a woman in the state of Nevada to whom I once lied continuously, consistently,
and shamelessly, for the matter of a couple of hours. I don’t want to apologize to her. Far
be it from me. But I do want to explain. Unfortunately, I do not know her name, much less
her present address. If her eyes should chance upon these lines, I hope she will write to me.
(TR, 189).
Ce passage commence par le déictique spatial "quelque part" qui exprime l’idée d’un souvenir
lointain. Ce déictique devient plus expressif quand l’on se rend compte qu’il est employé pour
situer l’événement dans un contexte géo-spatial, "dans l’Etat de Nevada". Le lecteur se voit
transporté vers le monde hors du texte particulièrement, les États-Unis d’Amérique. Il s’insère
dès lors dans une réalité sociale. Cet effet de réalité spatiale se perçoit mieux par opposition au
déictique spatial "ici". Dans "Je ne cherche point ici à faire mes excuses", "ici" représente le
roman entant que support médiatique, expression tangible d’une réalité fictionnelle.
Il y a donc une volonté pour l’auteur de transporter son lecteur vers l’imaginaire que
produisent les effets de représentations fictionnelles. Par la magie des mots, le lecteur entre
dans le rêve de l’auteur. Et le caractère onirique de ce bref passage est renforcé par les lexèmes
"hasard" et "voudra". Le premier ouvre la porte sur le vaste monde de l’irréel, en particulier, le
monde du rêve où toute espérance est permise. Le deuxième matérialise le souhait, la volonté
de voir les choses se faire.
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force à me matérialiser dans le contrat social qui articule la dynamique de la vie fictionnelle des
personnages par la production des effets du réel fantasmé.
Les différents titres ou surnoms énumérés dans cette citation qui sont relatifs aux
déictiques pronominaux, « je », « j’ », « m’ » et « moi» se rapportent à « I », le narrateur.
"Pilleurs d’huitres", "Kid-le-Matelot" et "Kid-de-Frisco" ces syntagmes montrent d’une part
que le narrateur a connu une crise identitaire. D’autre part ces étapes de sa vie traduisent les
étapes de l’évolution de son rêve. En réalité, ceci rappelle la réalité historique et sociale des
peuples noirs américains qui, au lendemain de l’abolition de l’esclavage, changent leurs noms
pour se débarrasser de leur vieux statut d’esclave.
Chez Jack London, le changement perpétuel de nom rime avec le rêve américain. De
la part de l’auteur, ceci témoigne de son désir de démontrer que l’objet du rêve n’est jamais
épuisé. Il repose sur une mobilité sociale et un dynamisme psychique. D’avantage, il se
transforme en un perpétuel désir protéiforme :
Perhaps the greatest charm of tramp–life is the absence of monotony. In Hobo Land the
face of life is protean—an ever changing phantasmagoria, where the impossible happens
and the unexpected jumps out of the bushes at every turn of the road. The hobo never knows
what is going to happen the next moment; hence, he lives only in the present moment. He
has learned the futility of telic endeavor, and knows the delight of drifting along with the
whimsicalities of Chance. (TR, 218)
Le rêve entretient donc l’esprit imaginatif des jeunes personnages assoiffés de liberté dans la
fiction de Jack London. En d’autres termes, London associe aux personnages jeunes, le désir
de l’aventure.
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par des énigmes. Par exemple, au cours d’un voyage frauduleux en train, il est surpris de voir
les gardes freins faire irruption dans le wagon où il est caché. Heureusement, il s’aperçut que
la porte de gauche n’est pas fermée. Pour montrer l’ampleur du risque, il s’adresse à son lecteur
en ses termes : « Now, gentle reader, just suppose that the other door had been locked. Behold
theprecariousness of human life. For lack of a dollar, I’d have gone to the quarries and served
three months as a convict slave. So would the gay–cat. Count me out, for I was hopeless; but
consider the gay–cat » (TR, 301-2). Le narrateur utilise le mode impératif pour étaler ses
sentiments de manière à manifester une attente de la part de son lecteur. Les lexèmes tels que
"suppose" et "réfléchis" sont des verbes qui expriment un mouvement de l’esprit. Il désire que
son auditoire, en d’autres termes, la société toute entière se rende compte de la précarité de la
vie du pauvre. L’expression " aimable lecteur " signale bien l’interpellation de l’interlocuteur
hors du texte que le narrateur perçoit tout en étant dans le texte. Ici, il manifeste une double
conscience. Car il n’ignore pas les conséquences pénitentiaires auxquelles il expose son âme en
entreprenant ce voyage frauduleux. Il serait emprisonné et condamné au travail forcé dans les
carrières.
À ce niveau, le romancier joue sur la sensibilité des lecteurs par le biais d’un narrateur
témoin oculaire des événements. Il cherche par moment à faire partager ses sentiments et ses
sensations avec son lecteur. L’on constate que le narrateur manifeste une double conscience. Il
a conscience de sa présence dans le texte et hors du texte. Il sert de pont entre la société
imaginaire et la société réelle. Aussi annonce-t-il: « I tell you this so that you may fully
appreciate what I shall describe in the next paragraph» (TPA, 47). À travers ce syntagme verbal,
il dit à ces lecteurs qu’il leur donne ces précisions pour qu’ils puissent apprécier pleinement ce
qu’il va leur décrire dans le prochain paragraphe »). Ici, « je » assure la fonction régie car il
commente l’organisation et l’articulation de son texte, en intervenant au sein de l’histoire. Il
s'adresse directement aux lecteurs potentiels, « vous ». Il leur annonce qu’il est l’auteur du
prochain paragraphe et donc du roman. Il a conscience de l’acte de production du roman et, par
ricochet, de sa présence réelle en société. Ce dispositif narratif met en exergue le rapport entre
liberté et l’espace. L’auteur, par cette esthétique, élargit le cadre spatial de la narration. Il peut
faire des suggestions :
And there are thirty-five thousand of them, men and women, in London Town this night.
Please don’t remember it as go to bed; If you are as soft as you ought to be, you may not
rest so well as usual. But for old men of sixty, seventy and eighty, ill-fed, with neither meat
nor blood, to greet the dawn unrefreshed, and to stagger through the day in mad search for
crusts, with relentless night rushing down upon them again, and to do this five nights and
days—O dear, soft people, full of meat and blood, how can you ever understand? (TPA,
47)
Dans le passage ci-dessus, le pronom "you" incarne les lecteurs potentiels qui devront s’abstenir
de lire le roman s’ils sont trop "sensibles". Ici le narrateur remplit la fonction idéologique car il
interrompt son histoire pour apporter un propos didactique. En effet, le narrateur
hétérodiégétique peut alors dévoiler tout ce que le narrateur homodiégétique perçoit et tout ce
qu’il pense. Il est donc question d’une focalisation interne pour parler comme Genette. Le
narrateur est capable de juger et d’apprécier tout le texte à travers le hors texte, en d’autres
termes, le méta-texte. Dans (TPA) qui expose un enfer humain, il énonce qu’il lit beaucoup sur
la misère et voit un peu, mais celle-ci dépasse tout ce qu’il peut imaginer. C’est pourquoi, il
ajoute ceci: « I tell you this so that you may fully appreciate what I shall describe in the next
paragraph» (TPA, 47). Il pense même que le récit qu’il compose doit être expurgé, ou sinon il
ne peut jamais être publié dans un magazine. Cette citation démontre que l’imaginaire social se
donne à lire dans les diégèses narratives. Dans les romans de Jack London, les effets du réel
11
marquent un certain enracinement de l’histoire. Celle-ci trouve sa pertinence dans le fait qu’elle
accrédite et justifie fort opportunément la condition même du monde diégétique dans son
originalité générative et génératrice, comme condamnée, à son bon gré et par sa nature même,
à se déterminer dans le parcours qui le remodèle à chaque fois. À cet effet, dans son ouvrage
théorique, Penser les représentations fictionnelles, Jean-Marie Kouakou conçoit que : « Toutes
les occurrences fictionnelles ont, pour ainsi dire, un correspondant dans le passé, dans les
mythes, dans les rêves, les phantasmes, la vie réelle elle-même, etc., dont l’auteur d’une œuvre
donnée a plus ou moins fait l’expérience » (Kouakou, 41). L’on peut, de ce fait, affirmer que
les goûts et les saveurs du texte tirent leurs sources de l’inconscient de l’auteur. Ces
connaissances refoulées se rapportent au vécu de l’auteur et nourrissent le jeu de fixation de
l’identité sociale de la production romanesque. La diégèse devient un lieu d’impression de la
personnalité de son auteur. Il y inscrit ses souvenirs, sa perception des choses ou ses convictions
personnelles qui matérialisent sa présence dans le texte.
Dans Martin Eden, le héros, personnage éponyme est dépeint par le narrateur
omniscient qui relate l’histoire à la troisième personne. Il rappelle le vécu du héros avant de
s’interroger sur les fondements des faits courants par des tournures énigmatiques. Ce faisant, il
invite explicitement les lecteurs à explorer les causes justificatives des faits. Ainsi, le narrateur
omniprésent, Martin, le personnage principal devenu un célèbre écrivain, rappelle ce qui suit :
Dans cet extrait de texte, les énigmes ont pour rôle de susciter le besoin de découverte. En
d’autres termes, ils poussent le lecteur vers une curiosité en le maintenant suspendu aux
discours doucereux du narrateur. Quand ce narrateur raconte l’histoire à travers les mots, il se
déploie un monde nouveau qui se laisse appréhender progressivement par le lecteur.
Il apparaît évident qu’on puisse tracer l’identité sociale du texte à travers un jeu de
mots sélectionnés dans le texte. En réalité, ceci signale la considération d’un phénomène géo-
spatial donné. Par exemple, aujourd’hui, les jeunes délinquants sont désignés sous le vocable
de « microbes » en Côte d’Ivoire et aux États-Unis, ils sont désignés par les lexèmes
« vagabonds du rail », « rats de quai » ou « chats gais » à travers l’univers fictionnel londonien.
Ces vocables, en réalité, sont des sociolectes relatifs à la société de l’auteur américain qu’est
Jack London. De même, le vocable « maison blanche » évoque la nation américaine et dévoile
la “nationalité” du roman. Ce sociolecte révèle le rêve de l’auteur de voir naître une nation de
justice. Car, en Amérique, la maison blanche symbolise le siège des hautes instances de
décisions.
Pour conclure ce point, nous disons que le narrateur chez Jack London raconte
l’histoire tout en ayant conscience de la société de l’auteur. Il apparaît à la fois présent dans le
roman et dans la société. Il semble donc évident qu’un narrateur puisse être à la fois l’auteur.
Dès lors, l’on pourrait parler en termes d’écriture de soi, voire de réinvention de soi.
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L’auteur puise l’essentiel de ses inspirations de sa vie passée forgée par ses rêves
d’enfance. Il évoque des événements à partir des espaces référentiels vécus : Washington,
Toledo, Londres, Cleveland, New-York, Oakland, San Francisco, les universités. Romancées,
ses expériences d’apprenti écrivain retracent son existence réelle en société sur le territoire
américain et européen à travers la fonction testimoniale que le narrateur assure. Les noms
propres de villes attestent la vérité de son histoire, le degré de précision de sa narration, sa
certitude vis-à-vis les évènements et ses sources.
Disons que ses œuvres sont des récits autobiographiques. Par exemple : dans la préface
de Les vagabonds du rail, traduction de The Road, Francis Larcassin révèle cette marque de
présence de l’auteur dans les romans. Il est en effet écrit : « Enfin, la plus nombreuse, l’armée
du « Général » Kelly, de San Francisco, [compte] plus de deux mille hommes parmi lesquels
Jack London » (Larcassin, 460). Le nom de l’auteur figure donc clairement dans cette citation
et ramène à l’expérience de l’auteur lors de la marche populaire des chômeurs sur la capitale
politique. Par conséquent, l’on peut déduire que cet événement fictif se situe au confluent du
réel et de l’imaginaire. Cette technique d’écriture qui concilie fiction et réalité permet donc à
l’auteur d’insérer l’intrigue dans la chronique de l’histoire américaine. Ce fait inscrit l’auteur
dans le combat pour une Amérique égalitaire dont les mouvements culminent vers les années
1960, période marquée par les mouvements des droits civiques.
Il les raconte avec précision de dates, des heures, des saisons et des noms des
personnages qui parfois demeurent les mêmes d’un roman à un autre. Ce qui renvoie l’esprit
d’un véritable lecteur de London au rapprochement très étroit de la société fictionnelle de
London et celle de l’existence réelle de l’auteur dans son environnement. L’on retrouve très
souvent chez London l’art de créer un parallèle entre sa vie et celle de certains personnages tout
en déformant un petit peu les circonstances. Mais, il prend soin de maintenir l’essentiel de
l’histoire afin de produire la sensation du réel. En guise d’illustration, il découvre le monde des
écrivains grâce à deux vagabonds. Cette réalité transparaît dans une interview que révèle la
préface de préface de Les vagabonds du rail : « L’enrichissement de sa personnalité, la
naissance de sa foi à la vie, il les doit à deux vagabonds (l’un d’eux était peut-être A n°1) un
avoué —déchu de Philadelphie lui donnera la soif de la culture ; un intellectuel à la dérive
rencontré à Boston lui communiquera la passion de Marx et Spencer » (Larcassin, 466). Cette
citation est un témoignage matérialisé dans cette préface qui se retrouve fictionnalisé dans
Martin Eden. Une sorte de similitude se dresse aisément entre cette expérience de sa vie et celle
de Martin Eden, le personnage éponyme d’appartenance familiale modeste —classe ouvrière.
Le contact entre Martin Eden et les Morses, une famille de bourgeois lui inspire en
amont l’amour pour Ruth Morses. En aval, il se doit de répondre aux conditions d’éligibilité au
mariage de la fille bourgeoise. Pour y parvenir, il se lance dans un programme d’auto-éducation
afin de devenir un écrivain célèbre digne de demander Ruth en mariage parce que les parents
de la fille doivent approuver son statut social et financier. Au fait, Arthur Morse présente
Martin, un pauvre jeune homme marin très peu éduqué à sa famille de la classe des riches
comme son sauveur d’une attaque des bandits. Par la suite, Martin parvient à réaliser ses
ambitions grâce aux conseils de Ruth Morse. Par interprétation, le parallélisme se perçoit à
travers le caractère providentiel de son entrée dans le monde des bourgeois. Par analogie, Ruth
et Arthur ne sont rien d’autre que ces intellectuels « vagabonds » qui initient l’auteur à la
littérature. Ce genre de reproduction ou de rapprochement entre le vécu de l’auteur et sa fiction
foisonne l’univers romanesque de London. Cette stylisation de son expérience est
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métaphorisant et l’on découvre l’inconscient de l’auteur qui influence ses écrits sous forme de
métaphores obsédants.
Très intègre, Buck est un symbole qui imprègne ce roman sous la forme d’image dans
la succession des événements et sa fonction essentielle est d’évoquer une idée autre que
l’expérience d’un chien. Buck est par interprétation la pièce formatée par le langage écrit de
l’auteur en vue d’imprimer dans la conscience du lecteur la possibilité de déjouer la force
d’oppression—l’ordre social établi par la suprématie de sa connaissance et par la force de son
esprit. De chez Judge Miller, Buck passe entre les mains de plusieurs propriétaires, subit des
combats atroces aux yeux de ses maitres. À la fin de l’histoire, il devient le maître de la jungle.
Par analogie, l’auteur retrace l’expérience de sa propre vie. Sa biographie montre qu’il
abandonne la maison familiale dans sa tendre enfance se livre aux durs combats de la vie
auxquels le chemin du succès expose tout rêveur.
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2.1. LA CONSCIENCE SOCIALE
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de la domination bourgeoise. Il décrie le déterminisme social en s’opposant à l’expansion du
chômage. Au moyen des textes romanesques, il dramatise des révoltes populaires telles que des
marches des chômeurs sur la capitale politique.
En somme, les romans de London ont un lien étroit avec son monde et son temps. Il
révèle pour ainsi dire les insuffisances de sa société avec un très grand réalisme. Cette société
qui l’a vu naître et grandir, influence le cadre spatio-temporel de ses productions romanesques.
L’enfance de l’auteur se lit aisément à travers ses romans. Cette période de son
existence émaillée de déséquilibres psychologiques du fait de ses conditions de vie sociales,
transparaît dans ses romans.
Enfant illégitime, il est à la charge de sa mère. Son enfance fut troublée par des
maladies et le perpétuel déplacement de ses parents. Ses premières années d’adolescence sont
marquées de brutalisme. Il était connu sous l’appellation de Prince des pilleurs d’huitres. Il va
continuer son aventure d’adolescence en se joignant aux rats de quais. Il se lance plus tard à la
conquête de l’or sans issue favorable dans le Klondike.
Comme la plupart des jeunes de son époque, il éprouve le besoin de vivre hors du
cadre familial. De façon générale, personne ne peut prévoir le motif d’orientation du vecteur de
déplacement des jeunes. Ils ressentent presque tous un désir commun de devenir l’autre. Sous
un autre angle, l’on peut concevoir que l’enfant se trouve toujours insatisfait de ce qu’il est.
C’est là, l’expression complexe de cette incomplétude qui le pousse à l’aventure.
Dans Martin Eden, Ruth la fille des bourgeois tombe amoureuse de Martin Eden,
un pauvre marin. De même, dans le la croisière du Dazzler, Joe abandonne la vie civilisée de
sa maison pour lier amitié avec Frisco Kid, un vagabond. Une amitié si tendre qu’il se trouve
dans l’incapacité de se séparer de lui. Le récit de ces liens d’affection représente une
reviviscence de la mémoire d’enfance de l’auteur qui découle de l’inconscient de l’auteur et de
son rêve de liberté. En effet, les enfants ne manifestent pas de comportements différentialistes.
Ils représentent un idéal de vie collective sans distinction de classe sociale. Cette réécriture d’un
amour inconditionnel qu’expérimentent les personnages enfants est une métaphore de la
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cohésion sociale et de la tolérance des classes, par ricochet, d’une grandeur figurative 1du rêve
américain. En d’autres mots, l’écriture de l’auteur se prête comme un dépôt ou un répertoire de
la psychologie humaine. Aussi le texte londonien se présente-t-il comme un réseau figuratif très
complexe où se déploient les trois dimensions : actorielle, spatiale et temporelle du plan
figuratif.
De plus, ce désir de gommer les barrières sociales s’exprime aussi dans les romans
sous forme de mélange de genres : des poèmes, des chants, des fables, des rapports de police,
des témoignages, des procès des tribunaux et des lettres. Tous ces genres se retrouvent en toile
de fond dans le roman londonien. Ceci reflète la quête de matériaux pour construire le rêve
américain. Une preuve tangible d’une vie plus libre dans laquelle les différences constituent
une richesse qui ne peut prendre forme que dans un cadre spatio-temporel.
1
Termes qu’utilise Louis Panier en sémiotique pour désigner un élément du contenu déterminé et reconnaissable
dans un texte , et qui a des correspondants hors du texte, soit dans "le monde" (réel ou fictif) auquel renvoie le
texte, soit dans d’autres textes.
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