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Laboratoire : Dynamique des milieux

arides, Aménagement et Développement


Régional

LA DYNAMIQUE URBAINE ET LE
DEVELEPPEMENT DANS LE
MAROC ORIENTAL

Coordination : Pr. Miloud ZERROUKI & Pr. Hrou AZZI


Titre de l’ouvrage : LA DYNAMIQUE URBAINE ET LE


DEVELOPPEMENT DANS LE MAROC
ORIENTAL.

Editeur : Publication FLSH - Oujda


Coordination : Pr. Miloud ZERROUKI & Pr. Hrou AZZI
Recueil, mise en page et conception de la couverture : Bilal BOUGI

Comité scientifique :

Miloud ZERROUKI, FLSH - Oujda.


Hrou AZZI, FLSH - Oujda.
Abdelhak ESSADEK, FLSH - Oujda.
Moustapha ELYAZIDI, FLSH - Oujda.
ABDERRAHMANE EL HARRADJI, FLSH - Oujda.
Mohammed BOUSSELAM, FLSH - Oujda.
Mohammed SABRI Mohammed, FLSH - Oujda.
Noureddine BOUAMMALI, FLSH - Meknès.
Mohammed ATOUANI, CRMEF - Oujda.

Les articles publiés dans cet ouvrage n'engagent que leurs auteurs.

OUJDA 2020
Ouvrage collectif : La dynamique urbaine et le développement dans le Maroc Oriental

SOMMAIRE

PREFACE……………………………………………………………………2

 Les espaces productifs dans la nouvelle géographie économique :


revue de littérature
BERRAK A. et AZZI H……………………………………………….. ....... 4

 L’immobilier résidentiel et touristique sur le littoral de l’Oriental


Marocain
HADDOUTI K., ZERROUKI M. et ZARROUK H………………........… 16

 Modélisation du réseau viaire urbain et de l'accessibilité aux


équipements collectifs - cas de la ville d’Oujda
ASSIOUI M., ESSADDEK A., DERBOUCHI K. et MEHDAOUI M…....29

 Retombées économiques et sociales du tourisme côtier sur


l’Oriental Marocain
HADDOUTI K. , ZERROUKI M. et ZARROUK H. ……………………..43

 Migration internationale et ses effets sur l’appréciation des


marocains du monde : cas des émigres Oujdi
BOUAMMALI N……………………………………..………………..…..57

1
Ouvrage collectif : La dynamique urbaine et le développement dans le Maroc Oriental

L’IMMOBILIER RESIDENTIEL ET TOURISTIQUE


SUR LE LITTORAL DE L’ORIENTAL MAROCAIN

HADDOUTI Khalid 1, ZERROUKI2 Miloud et ZARROUK1 Hakym

Résumé
La région de l’Oriental Marocain a connu récemment une forte
évolution du secteur immobilier. Par ailleurs, le récent regain d’intérêt au
tourisme sur son littoral a entrainé une dynamique remarquable du
secteur de l’immobilier spécialement dans ses sites touristiques. Afin d’y
analyser les interactions tourisme/immobilier, nous adoptons des
paramètres tels que la nature de l’immobilier (touristique/résidentiel), les
formes du parc et les types de promoteurs immobiliers et ce, compte tenu
du contexte de la promotion touristique. Les rapports entre le tourisme et
l’immobilier sont certains dans ce littoral. Une primauté du volet
résidentiel au détriment de la composante touristique est notée surtout
dans les principaux sites balnéaires. Cette prédominance ne profite pas
cependant à la capacité d’hébergement en déficit lors de la saison
estivale. L’insuffisance de conversion, en Résidences Immobilières de
Promotion Touristique (RIPT), des résidences secondaires quasiment
vacantes durant toute l’année, l’essor de l’appartement comme nouveau
type du parc immobilier et la montée de la présence des professionnels de
l’immobilier face au début du déclin des auto-producteurs sont des faits
saillants des mutations constatées.
Mots clés : Immobilier résidentiel, tourisme, littoral oriental du Maroc.

‫العقار السكني والسياحي بالساحل الشرقي لممغرب‬

‫ باإلضافة إلى‬.‫ شيجت جية الذخق السغخبية مؤخ اخ تصػ ار كبي اخ في قصاع العقار السبشي‬:‫ممخص‬
‫ أدى االىتسام الستججد بالدياحة عمى ساحل ىحه الجية إلى ديشامية ممحػضة في العقارات‬،‫ذلظ‬
‫ ومغ أجل دراسة العالقات بيغ الدياحة وىحا الشػع مغ‬.‫ خاصة في السػاقع الدياحية‬،‫السبشية‬
‫ سشعتسج معاييخ كصبيعة العقار (سياحي أو سكشي) وأشكال الدكغ وأنػاع السشعذيغ‬،‫العقار‬
.‫ وذلظ في ضل سياق جيػد التشسية الدياحية التي شيجتيا الجية في العقجيغ األخيخيغ‬،‫العقارييغ‬

1
Docteur en géographie humaine.
2
Enseignant de l'enseignement supérieur, FLSH d’Oujda.

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Ouvrage collectif : La dynamique urbaine et le développement dans le Maroc Oriental

،‫إن الخوابط بيغ الدياحة والعقارات مؤكجة وممسػسة عمى الداحل الستػسصي الذخقي‬
‫حيث نمسذ وجػد أسبقية لمسكػن الدكشي عمى حداب السكػن الدياحي خاصة في السشتجعات‬
‫ فإن ىحا التػجو ال تتختب عشو أي زيادات في الصاقة االيػائية التي‬،‫ ومع ذلظ‬.‫الداحمية الخئيدية‬
‫ ويعتبخ كل مغ عجم تحػيل السشازل الثانػية التي تكاد‬.‫تذكػ عج اد خالل مػسع االصصياف‬
‫ وبخوز الذقق كشػع ججيج مغ‬،)RIPT( ‫تكػن شاغخة عمى مجار العام إلى إقامات سياحية‬
‫ فزال عغ الػجػد الستدايج لمسيشييغ في القصاع العقاري الحي يعخف بجاية‬،‫السشتجات العقارية‬
ِ ‫تخاجع‬
.‫ أبخز التحػالت التي لػحطت مؤخ اخ بالداحل الستػسصي الذخقي‬،‫لمسشتج الحاتي‬

.‫ الداحل الذخقي لمسغخب‬، ‫ سياحة‬،‫ عقارات سكشية‬:‫كممات مفاتيح‬

Introduction
Au Maroc, le tourisme et l’immobilier (associé aux travaux
publics) comptent parmi les secteurs économiques essentiels : leurs
implications socioéconomiques et spatiales y sont indéniables.
Respectivement, ils contribuent à hauteur de 6,6% et de 6,3% au PIB
national, ainsi qu’à la création d’un million et de 532 000 emplois directs
en 2017 (Harraou, 2019). À l’instar de certaines régions du Maroc,
l’Oriental a connu, au cours des quinze premières années du XXIème
siècle, une forte évolution du secteur immobilier selon l’enquête
nationale de logement (Ministère de l’Habitat, 2015), source des chiffres
cités dans ce paragraphe. Avec ses 7% du parc logement national, cette
région fait partie des huit grandes régions abritant environ 80% de ce
parc. En ce qui concerne le parc vacant, il est semblable à la moyenne
nationale (9%), cependant le parc à usage touristique est relativement
moins important dans cette région. Quoiqu’il en soit, l’enquête en
question estime des besoins importants en logement pour les années
avenir (75427 en 2020 et 119565 unités en 2025). Des données
restreintes concernant les communes du Littoral Méditerranéen Oriental
(Fig. 1) du Maroc sont inaccessibles. Le regain d’intérêt au tourisme sur
le L.M.O a entrainé une dynamique remarquable du secteur de
l’immobilier spécialement au niveau des principaux sites touristiques de
ce littoral. Certes ce fait a quasiment un trait dominant dans ces sites,
mais, des situations diverses sont à nuancer. La nature de l’immobilier
(touristique/résidentiel), les formes du parc, les types de promoteurs
immobiliers sont les principaux paramètres adoptés pour mettre en relief
l’essentiel des mutations de ce secteur. Cela se fera dans le cadre de
l’interrogation sur les interactions entre les deux secteurs, immobilier et
touristique.

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Ouvrage collectif : La dynamique urbaine et le développement dans le Maroc Oriental

Figure 1 : Localisation du L.M.O du Maroc

Source : HADDOUTI K., 2018

1. Tendance de l’immobilier sur le littoral de l’Oriental


Il importe de faire le point tout d’abord sur l’origine de la
dynamique de l’immobilier, observée récemment sur les sites du L.M.O.
Auparavant, ses principaux sites touristiques demeuraient de petits
centres d’estivage sous équipés dont la timide et lente évolution urbaine
et immobilière reflètent tous les aspects de l’anarchie et de la
marginalisation touristique .
Cette situation a profité spécialement à une classe aisée issue
surtout des grands centres urbains de la région y compris les Marocains
Résidents à l’Étranger (MRE), qui y ont acquis des résidences
secondaires sous forme de villas ou de Maisons Marocaines Modernes
(M.M.M), ce qui a été la source de problèmes de gestion insurmontables
(BERRIANE, 1995). Ce fait a été plus notable à Saïdia qui comptait
594 puis 1902 unités respectivement en 1983 et 1997, et à Arekmane dès
les années 1979 et 1980 au niveau du quartier situé à l’extrême est de sa
plage (fig. 2). Nador représente une exception vu la particularité de ses
activités économiques tournées vers le commerce et la pollution de son
rivage lacustre à l’époque.

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Ouvrage collectif : La dynamique urbaine et le développement dans le Maroc Oriental

Figure 2: Urbanisation touristique du littoral d’Arekmane dans les années


1970 et 1980

Source : K. HADDOUTI, 2018 (photo aérienne de 1958, restitution de 1996


et Google Earth de 2015)

La distinction entre immobilier touristique et résidentiel permet de


constater une nette prédominance du dernier. En effet à Saïdia, le premier
pôle touristique du L.M.O, de vastes terrains sont ouverts récemment à
des opérations immobilières importantes. Au niveau de sa nouvelle
station touristique (N.S.T.S), la priorité a été attribuée à l’immobilier
résidentiel même si cela s’est déroulé de manière implicite : la superficie
réservée à ses huit projets résidentiels, destinés spécialement à la vente,
dépasse 68 ha, contre seulement 30 ha pour l’hôtellerie classique. En plus
ces blocs résidentiels sont réalisés dans les délais prévus, contrairement
aux hôtels programmés initialement. Effectivement, jusqu’au début de
2016, le taux de ces réalisations est de 82,2% pour l’immobilier
résidentiel et de 44,4% pour le touristique .
En termes de superficie consacrée aux projets de la station, le taux
global de réalisation n’a pas dépassé 42,8%, y compris les voiries (soit
272,3 ha sur les 641,8 ha à occuper). Compte tenu des différents pôles de
cette station, le taux de réalisation est très contrasté : il est de 33,3 %
pour le pôle golfique, de 44,4% pour l’hôtellerie et de 100% pour la
marina.

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Ouvrage collectif : La dynamique urbaine et le développement dans le Maroc Oriental

Figure 3 : État d’avancement du projet de la N.S.T.S (la fin de 2015)

Source : HADDOUTI K., 2017 (PA 2010 de Saïdia et fiche technique de la NSTS)

Le produit des appartements se singularise par sa performance en


termes de réalisations puisque sur les 8 terrains qui lui ont été consacrés,
sept sont déjà construits, soit 82,23% de leur superficie. Celui des villas a
pareillement une performance non négligeable, car sur les quatre
parcelles dédiées à ce produit, trois sont déjà mises en œuvre, soit
72,15% de sa superficie totale.
Concernant la répartition spatiale des réalisations, c’est la partie
ouest de la station qui a connu les taux de réalisation les plus
satisfaisants, notamment les pôles résidentiel et touristique. Les
équipements de loisirs, d’animation touristique et sportive ainsi que les
parcs de la partie est connaissent un retard dans leur mise en œuvre. À
partir de 2017 une réanimation de l’investissement touristique était
remarquée dans cette station. Elle concerne surtout l’hôtellerie et
l’animation (le 2ème terrain de golf en cours de construction et l’aqua-parc
qui a ouvert ses portes en 2018).
C’est le cas aussi du projet d’aménagement touristique et urbain de
la lagune de Bouarg (Marchica), où l’investissement alloué au volet
résidentiel est quatre fois plus important que celui alloué à l’hôtellerie
(respectivement 13,64 et 3,3 millions de Dh). En plus, des villas et des
appartements de haut standing étaient les premiers produits immobiliers
commercialisés dès 2014 au niveau de la cité d’Atalayoun.

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Ouvrage collectif : La dynamique urbaine et le développement dans le Maroc Oriental

Tableau 1: Répartition des produits immobiliers des cités


d'Atalayoun et des Deux Mers (Surface Hors Œuvre Nette «SHON»)
Cité des Deux
Cité d’Atalayoun Totaux
Mers
Produits
m² m² m²
Unités Unités Unités
(SHON) (SHON) (SHON)
Chambres d’hôtels 370 32740 280 28000 650 60740
Appartements 2230 214880 193 28950 2423 243830
Villas 650 191170 320 86400 970 277570
Commerces et Services --- 14030 --- 5790 --- 19820
Source : Agence pour l’aménagement et la Mise en Valeur de la lagune de
Marchica, 2016

Les deux premières cités du projet en question, dont les travaux


sont en cours, comptent 3390 unités immobilières résidentielles (villas et
appartements) contre 650 chambres d’hôtels. Le poids de la partie
résidentielle apparait plus important lorsqu’on examine les superficies
des fonciers qui y sont consacrées : 52 ha pour l’immobilier résidentiel
contre seulement 6 ha pour le touristique.
Par ailleurs, en dehors de ces deux projets touristiques structurants
du L.M.O, les opérations immobilières ont quasiment un caractère
résidentiel, notamment dans la partie Est de ce littoral. À l’ouest de
Melilla, la commune d’Iaazzanene constitue une exception par le projet
de résidences touristiques (83 villas et appartements) mis en place sur
une fraction de sa plage par des promoteurs privés. D’autres communes,
qui viennent à peine adhérer à l’activité touristique en se dotant de leurs
premiers établissements d’hébergement touristique dès 2010, ne
connaissent pas de sensibles opérations immobilières. C’est l’exemple de
Tazaghine et de Trougout dans la province de Driouch (figure 1 ci-
dessus).
L’évolution des projets promus par l’État au L.M.O, qui consiste en
la "déviation" d’une grande partie du foncier de ces projets vers un
immobilier purement résidentiel, suscite beaucoup d’interrogations. La
première de ces interrogations est d’ordre socioéconomique. En effet, la
création d’emploi par les projets touristiques fortement prétendue et
attendue ne serait guère réalisée du fait que c’est l’immobilier touristique,

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Ouvrage collectif : La dynamique urbaine et le développement dans le Maroc Oriental

en l’occurrence l’hôtellerie classique, qui est censé engendrer ces postes


d’emploi. La deuxième de ces interrogations est de nature éthique :
comment peut-on céder des lots de terrains à des "prix symboliques" à
des promoteurs pour qu’ils y bâtissent de l’immobilier vendu à des fins
résidentielles ? À titre d’exemple, 93 ha de la propriété de l’État ont été
cédés au prix de 20,17 Dh/m² au profit de l’Agence pour l’Aménagement
du Site de la Lagune de Marchica (A.A.S.L.M) en 2010 (El Yadimi,
2015), en vue de réaliser la cité d’Atalayoun au moment où la valeur
minimale d’une telle cession à Nador est de 1600 Dh/m² en 2006
(Direction des impôts, 2018). Ne serait-il pas plus judicieux d’annoncer
des projets comme celui de la N.S.T.S en tant que projet touristique et
résidentiel dès le départ? La différence serait considérable : les fonciers
destinés au volet résidentiel auraient été vendus en contrepartie de leurs
valeurs réelles. Ces pratiques ne sont pas nouvelles au Maroc.
Effectivement, Berriane a remarqué cette "déviation" sur le littoral de
Tétouan, aménagé antérieurement en évoquant un glissement
spectaculaire vers la promotion immobilière et le développement du
résidentiel au détriment de l’hôtellerie (BERRIANE M., 2009, 13). Par
ailleurs, s’agit-il d’un effort d’adaptation à une évolution qualitative de la
demande en hébergement touristique, en offrant des Résidences
Immobilières de Promotion Touristique (RIPT)?
La loi n° 01-07 relative aux RIPT définit cette résidence comme
celle dont les unités de logement appartiennent à un ou plusieurs
copropriétaires et dont un pourcentage minimal d'unités de logement, fixé
par voie réglementaire, qui ne peut être inférieur à 70%, est géré par une
société de gestion qui assure l'homogénéité de la résidence et la
permanence de son exploitation. Cette nouvelle forme d’hébergement
touristique, très répandue sur la rive nord de la Méditerranée, est
appréciée pour sa vocation à augmenter la capacité d’accueil touristique
en transformant les résidences secondaires en établissements
d’hébergement touristiques formelles. À cet effet, le Maroc a adopté une
loi régulant les RIPT. Il s’agit de la loi 01-07, promulguée en 2008 pour
compléter la loi 61-00 portant sur les établissements touristiques .
À l’échelle nationale, les RIPT devraient créer environ 40000 lits
supplémentaires soit 15% de la capacité d’accueil nationale, dont 80%
dans les stations balnéaires (CHARKANI N., 2009, 4). Au niveau du
L.M.O, le développement de la RIPT est en mesure de compenser le
déficit en lits touristiques enregistré surtout à Nador, à Saïdia et à Ras El

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Ouvrage collectif : La dynamique urbaine et le développement dans le Maroc Oriental

Ma pendant la haute saison, un déficit qui se répercute sur les prix de


location atteignant des chiffres trop exagérés (le prix d’un appartement
de qualité médiocre a dépassé 1000 Dh la nuit à Saïdia dans le secteur
informel). Ce ne sont cependant pas les résidences secondaires qui
manquent dans ce littoral. Celles-ci demeurent fermées et inexploitées
quasiment toute l’année, étant donné que la plupart de leurs propriétaires
sont soit des RME, soit des résidents des principales villes de la région
de l’Oriental qui ne visitent que rarement le L.M.O. Dans ce contexte,
Les RIPT sont censées constituer une réserve stratégique pour la capacité
litière de ce littoral.
En contrepartie, le défaut d’entreprises de gestion de ce type
d’hébergement touristique limite largement la conversion suffisante des
résidences secondaires en réel immobilier locatif à vocation touristique
(RIPT). Il en résulte que, jusqu’à 2012, le L.M.O ne compte que deux
établissements en la matière : Mediterranea-Saïdia Gestion (2010) et
Madame Vacances Maroc qui est chargée de gérer la résidence du même
nom située à la station balnéaire Saïdia au niveau de la marina. C’est dire
encore une fois, qu’il s’agirait d’une dérive du projet touristique mis en
œuvre dans cette ville, puisque la même volonté de créer la N.S.T.S
devrait persister afin de transformer les nombreuses résidences
secondaires quasiment vacantes toute l’année en réelle RIPT. L’absence
d’incitation fiscale, telle que des exonérations de la TVA à l’achat de
l’immobilier, peut expliquer partiellement le non décollage de cette
nouvelle forme d’établissements touristiques aussi bien au niveau du
L.M.O qu’à l’échelle nationale.

2. L’appartement : une nouvelle forme d’immobilier au L.M.O


La nouvelle dynamique immobilière dans le littoral étudié est
marquée par la montée en force de l’appartement en tant que nouveau
type émergeant de l’immobilier résidentiel, et ce au détriment de la
maison marocaine moderne (M.M.M). Cette mutation est constatée
spécialement au niveau des principaux sites touristiques de ce littoral :
Saïdia et Nador et dans une moindre mesure Ras El Ma. À Nador par
exemple, les appartements faisaient rares avant l’an 2000. L’inventaire
de la variable "appartement ancien" au niveau du territoire de la ville
confirme ce fait : seules trois zones parmi les cinquante de ce territoire,
telles qu’elles sont définies par la direction des impôts, renferment cette
variable. De même, hormis la partie nord-est du quartier Al Andalous qui
abritait un bloc d’appartement au début du nouveau millénaire, c’est la
M.M.M qui régnait à Saïdia.

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Ouvrage collectif : La dynamique urbaine et le développement dans le Maroc Oriental

Figure 4 : Référentiel des prix des transactions immobilières à Nador en


2015

Source : Direction générale des impôts, 2015


Certes, le changement dont il s’agit s’inscrit dans le cadre d’une
évolution à plusieurs dimensions, sociale et culturelle en particulier, de la
société marocaine qui tolère de plus en plus ce genre de logement,
qualifié de collectif. C’est un comportement apparu sur les grandes villes
du Maroc (Casablanca et Rabat…) avant de se répandre dans d’autres
villes de tailles moindres, et d’autres régions y compris la région de
l’Oriental. Cependant, ce comportement est favorisé aussi par la hausse
des prix du foncier constructible à Nador et à Saïdia. La récente flambée
de ces prix a comme origine la spéculation induite par le regain d’intérêt
touristique à l’Est du L.M.O d’une part, et par la planification urbaine et
ses contraintes réglementaires concernant la construction clandestine de
logements sur des terrains non lotis d’autre part. En fait, l’acquisition
d’une M.M.M, ayant constitué pour longtemps le principal mode de
logement à Nador également, devient progressivement coûteuse. Selon le
graphique ci-dessus (Fig.4), on peut estimer la moyenne des prix de la
M.M.M (de R+1) et de superficie couverte moyenne (200 m²) à 2 350
000 Dh pour les récentes et à 2 250 000 pour les anciennes. Il s’avère que
ces prix sont inaccessibles à la majorité de la population, par rapport aux
prix des appartements (de taille moyenne de 100 m²) qui sont compris
entre 625000 Dh pour les anciens et 130 000 Dh pour les neufs. En outre,
les maisons à prix relativement abordable sont souvent situées dans des
quartiers moins favorisés, sous équipés et moins sûrs tels que Tirakkae et
Oulad Boutayeb .

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Ouvrage collectif : La dynamique urbaine et le développement dans le Maroc Oriental

Nonobstant, la mise en tourisme des quartiers limitrophes de la


lagune de Nador ne semble pas avoir de réels effets sur leur secteur
immobilier. Les principaux quartiers au centre-ville et les deux axes
routiers (boulevards) menant vers Zeghanghane et Selouane et renvoyant
au poids du secteur commercial précédemment évoqué continuent de
structurer ce secteur. Assurément, les chiffres donnés par la Direction
Générale des Impôts (D.G.I), ci-dessus citées, permettent de conclure que
les produits immobiliers les plus valorisés à Nador demeurent ceux de
ces zones. Ce fait est dû à plusieurs facteurs : la maîtrise des opérations
immobilières se trouvant dans ces quartiers sous équipés qui font partie
du périmètre d’aménagement de l’A.A.S.L.M; les contraintes
d’expansion urbaine relatives à sa situation géographique et la rareté en
pression de terrains à bâtir qui en découle.
D’autre part, l’appréciation de l’appartement en tant que résidence
secondaire, notamment à Saïdia et Ras El Ma est motivée par le souci
sécuritaire, selon certains nouveaux acquéreurs d’appartements que nous
avons questionnés lors de la réalisation d’une enquête résident au L.M.O,
sachant que ces stations deviennent de vraies villes fantômes hors la
courte haute saison touristique.

3. Producteurs de l’immobilier: primauté des professionnels face à


des auto-producteurs en régression
À défaut de typologie officielle et détaillée des acteurs immobiliers
au Maroc, nous parlerons de producteurs immobiliers au sens large pour
traiter des promoteurs exerçant cette activité à titre professionnel (publics
et privés) et des auto-producteurs (auto-promoteurs). L’enquête
nationale sur le logement montre la prédominance de l’autopromotion
comme principal mode de production de l’immobilier résidentiel,
puisqu’elle concerne environ 92% des constructions produites. Les
promoteurs privés et publics en assurent respectivement la production de
6% et 2%. Nous n’avons pas trouvé de statistiques relatives aux
producteurs de l’immobilier touristique au Maroc.
La nature des producteurs de l’immobilier intervenant dans la zone
en étude répond à une logique particulière dans le temps et l’espace.
L’arrivée en force de l’appartement comme nouveau type d’immobilier
est initié le plus souvent par des promoteurs relevant du secteur public.
L’intervention initiatrice de l’acteur public, en l’occurrence le groupe Al
Omrane, revêt aussi d’autres aspects inhérents aux objectifs qui lui sont
assignés : il assume des missions portant principalement sur la création
de logement, l’aménagement foncier … (d’après la présentation du
groupe Al Omrane disponible sur son site internet).
25
Ouvrage collectif : La dynamique urbaine et le développement dans le Maroc Oriental

Ainsi, c’est l’ancien Établissement Régional d’Aménagement et de


Construction (ERAC) qui a construit les premiers blocs d’appartement à
Nador au niveau du quartier Laari Cheikh. De même pour Saïdia qui a
connu ses premiers logements sociaux grâce à ce groupe. Ce dernier a
entamé d’importantes opérations foncières et immobilières dans l’arrière-
pays du L.M.O. C’est le cas surtout de la Zone d’Urbanisation Nouvelle
(Z.U.N) à Selouane où les trois dernières tranches (4, 5 et 6) sont dédiées
spécialement au logement collectif, des projets Borjwaoullout et Bni
Snassen à Berkane, du projet « Imarkane » à Zaio, du projet
d’Albassatine à Ahfir, etc. La contribution de ce groupe à la lutte contre
l’habitat insalubre au L.M.O s’est concrétisée par la résorption du
bidonville de Sidi Ali à Nador en relogeant ses résidents au niveau de la
Z.U.N de Selouane .
Les promoteurs publics comptent aussi parmi les précurseurs de
l’immobilier touristique sur le littoral. À cet effet, des acteurs publics à
vocation touristique ont été créés spécialement pour mener à bien des
projets touristiques et urbains au L.M.O. C’est le cas d’une part, de la
S.D.S (filiale de la CDG) chargée de relancer le projet de la N.S.T.S
prenant ainsi le relais du groupe Addoha, et d’autre part de la société
Marchica-Med. Ces opérateurs ont la particularité d’œuvrer sur la frange
littorale et lacustre. La présence de promoteurs étrangers est relativement
limitée à la côte. Mis à part l’aménageur-développeur Fadesa qui a mis
en place les premières œuvres de la N.S.T.S, l’action de ce type de
promoteurs consiste spécialement en la mise en œuvre d’établissements
ou d’équipements touristiques. La construction d’hôtels tels que l’hôtel
Mercure à Nador et l’hôtel Barcelo à Saïdia ainsi que la réalisation de
parcours de golf à Saïdia et Marchica (Cité d’Atalayoun) sont des
exemples à citer. De moyens et petits promoteurs viennent par la suite
pour investir dans l’immobilier, à la fois au niveau du L.M.O et de son
arrière-pays. Les projets de ces acteurs s’orientent davantage vers le volet
résidentiel : des logements (appartements ou villas) et des lotissements de
superficies relativement restreintes. Ils interviennent le plus souvent à un
second plan par rapport au front de mer et aux projets touristiques de
grande envergure récemment implantés.
Au niveau du littoral en question, en général et dans la station
balnéaire de Saïdia en particulier, le recul de la M.M.M a logiquement
entraîné une sensible régression du poids des auto-promoteurs.
Effectivement des ménages, qui ne sont pas des professionnels de la
construction immobilière, sont dans leur majorité les constructeurs de
leur propre logement au L.M.O, souvent à titre de résidences secondaires.
Ces ménages deviennent des maîtres d’ouvrage et les travaux de

26
Ouvrage collectif : La dynamique urbaine et le développement dans le Maroc Oriental

construction sont alloués à ce qu’on appelle le tâcheronnat autonome


(VINCENT M. & ROYON M., 1988). La hausse évoquée des prix du
foncier limite de plus en plus la possibilité d’existence de ce genre de
producteurs d’immobilier au L.M.O. Par ailleurs, l’acquisition de
produits immobiliers fournis par les promoteurs professionnels nécessite
souvent des travaux de finitions, du fait que ces produits sont soient
semi-finis ou finis mais présentant des tâches de rectifications ou
d’achèvement, vu la qualité moindre de la majorité des appartements
vendues clés en main.

Conclusion
Les rapports entre le tourisme et l’immobilier sont certains dans le
L.M.O. Ils constituent un aspect des implications spatiales du tourisme et
ses mutations renvoyant à un remarquable effet d’entraînement de la
dynamique touristique récente de ce littoral sur le secteur de
l’immobilier. Des mutations notables sont mises en évidence dans ce
contexte. Une primauté du volet résidentiel sur plusieurs plans, au
détriment de la composante touristique est notée surtout dans les
principaux sites balnéaires y compris au sein des projets touristiques
structurants de ce littoral. Ce fait soulève plusieurs interrogations d’ordre
socioéconomiques et éthiques. Cette prédominance ne profite pas
cependant à la capacité d’hébergement en déficit pendant la saison
estivale. Effectivement, on constate une insuffisance de conversion en
RIPT des résidences secondaires qui sont quasiment vacantes durant
toute l’année. L’essor de l’appartement comme nouveau type du parc
immobilier, aussi bien au L.M.O qu’à son arrière-pays, est un autre fait
saillant des mutations évoquées. Ce fait est favorisé par plusieurs facteurs
dont la hausse des prix du foncier, spécialement sur les principaux sites
de ce littoral. Il en découle une remontée en force de la présence des
professionnels de l’immobilier face au début du déclin de celle des auto-
producteurs de la M.M.M, et ce en particulier dans des sites à forte valeur
touristique. Les acteurs publics demeurent pionniers de la promotion
immobilière dans l’espace étudié. Ils sont aussi parmi les précurseurs de
l’immobilier touristique, de l’ouverture de nouvelles zones à la
promotion immobilière à vocation résidentielle spécialement en arrière-
pays, et de l’arrivée de l’appartement au L.M.O.

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Ouvrage collectif : La dynamique urbaine et le développement dans le Maroc Oriental

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