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LE PLAN DU COURS
Première partie : L’Itinéraire spirituel et missionnaire de saint Paul
Chap. I. Les sources
1. Paul selon ses lettres
2. Paul selon les Actes des Apôtres
3. Les différences entre les deux sources
4. Valeur et utilité des Actes des Apôtres
5. Explication des divergences entre les lettres de saint Paul et les Actes des Apôtres
a) L’historiographie lucanienne
b) L’image de Paul dans les Actes des Apôtres
Chap. II. La chronologie paulinienne
1. Les points de repère
a) La comparution devant Galion
b) Le remplacement de Félix
c) La famine en Judée
2. Le problème des voyages à Jérusalem
3. Les chronologies
a) Les chronologies longues et courtes
b) Le tableau de quelques chronologies des lettres pauliniennes
Chap. III. Paul, avant l’événement de Damas
1. Le lieu d’origine et le milieu de vie
2. Le pharisien et sa formation
3. Le persécuteur de la communauté chrétienne
Chap. IV. L’événement de Damas
1. Selon les Actes des Apôtres
2. Selon les lettres de saint Paul
3. Les ressemblances entre les Actes des Apôtres et les lettres de saint Paul
4. Les différences entre les Actes des Apôtres et les lettres de saint Paul
5. L’interprétation de l’événement
Chap. V. Paul et son expérience de Dieu
1. Les expériences mystiques de Paul
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a) La définition de la mystique
b) Les récits des expériences mystiques de Paul
c) Le ravissement dans le ciel
d) La glossolalie
2. La théophanie fondatrice de la vocation et de la mission prophétique de Paul
Chap. VI. La vie apostolique de Paul
1. Les trois voyages missionnaires de Paul selon les Actes des Apôtres
2. Les relations de Paul avec les Églises
3. La captivité et la mort
Chap. VII. L’influence de la vocation de Paul sur sa mission
1. L’appel de Dieu et la réponse de l’homme
2. Les souffrances de Paul authentifient sa mission
3. L’apôtre est un serviteur
4. La radicalité de la vie apostolique
5. Le thème de l’imitation
6. L’annonce de l’Évangile
Chap. VIII. Paul et le monde juif
1. Le juif de la diaspora
2. La loi et l’Ancien Testament
3. La contestation judéo-chrétienne
4. Paul et Qumran
5. Le rôle-clé de Paul
Chap. IX. Paul et le monde grec
1. L’influence hellénistique
2. Les religions à mystère
3. Paul, un homme de son temps
Chap. X. Le genre épistolaire
1. L’importance du genre épistolaire dans la Bible
2. La distinction entre la lettre et l’épître
3. L’authenticité du corpus pauliniens
4. L’identification des écrits pauliniens
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1
Voir M. BRISEBOIS, Introduction à saint Paul et à ses lettres, Paulines, Montréal, 1984.
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Faut-il conclure que le portrait de Paul qui se dessine dans les Actes des Apôtres
n’est pas le même que celui qui apparaît dans les lettres de Paul ? Peut-être, mais il faut
tenir compte du but de l’auteur et des circonstances qui ont déterminé la rédaction de son
ouvrage.
I.4. LA VALEUR ET L’UTILITE DES ACTES DES APOTRES
On doit cependant reconnaître la valeur des Actes des Apôtres, valeur confirmée
par des données extrabibliques. On ne peut nier que certains détails historiques, fournis
2
Voir R. E. BROWN, L’Église héritée des apôtres, Coll. Lire la Bible 76, Paris, Cerf, 1987, p. 105.
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uniquement par les Actes des Apôtres, rendent de grands services à l’étude biblique. En
effet, comment pourrait-on élaborer une quelconque chronologie de l’apôtre sans le
renseignement clé de la comparution devant Gallion (Ac 18,12) ou encore de celui de la
famine en Judée (Ac 11,28-30) ? On peut aussi ajouter que l’auteur des Actes des Apôtres
est particulièrement bien informé des conditions sociales, politiques et religieuses du
monde du Ier siècle, donc du milieu dans lequel Paul a évolué.
Les renseignements qu’il donne dans ces domaines sont utiles et précieux à
condition que l’on tienne compte de ce qu’il a voulu dire et dans quel contexte il le dit. Il
n’est pas question d’«amalgamer sans examen préalable le livre des Actes et les Épîtres,
car les Actes nous situent devant des difficultés particulière plutôt que d’accroître et
d’assurer notre documentation»3.
I.5. L’EXPLICATION DES DIVERGENCES ENTRE LES LETTRES DE
SAINT PAUL ET LES ACTES DES APOTRES, A PROPOS DE L’APOTRE
a) L’HISTORIOGRAPHIE LUCANIENNE DANS LES ACTES DES APOTRES
L’auteur anonyme des Actes des Apôtres que la tradition depuis Irénée (histoire
ecclésiastique) a coutume de nommer Luc 4 fut le pionnier de l’historiographie chrétienne.
Les Actes des Apôtres sont une œuvre historiographique consacrée à la naissance et à
l’expansion de ce qui était alors considérée comme une secte religieuse. Comme tout
historien, Luc vise la quête de la vérité.
Luc, dans les Actes des Apôtres, se conforme aux lois de la littérature
historiographique gréco-romaine et juive attestée par de nombreux auteurs antiques, tels
que Hérodote, Thucydide, Polybe, Flavius Josèphe, Tacite, Eusèbe… 5 Mais alors que les
grecs établissent la vraisemblance des événements, les juifs exposent la vérité de Dieu qui
gouverne le monde. C’est ainsi que dans le prologue des Actes des Apôtres, Luc affirme
reproduire les événements accomplis parmi nous (Ac 1,11), c’est-à-dire au sein de la
communauté des croyants, célébrant son histoire comme lieu sotériologique ou lieu de
l’avènement du salut.
b) L’IMAGE DE PAUL DANS LES ACTES DES APOTRES
3
G. BORNKAMN, Paul, apôtre de Jésus-Christ, Genève, Labor et Fides, 1971, p. 23.
4
Cf., R. E. BROWN, Op. Cit, p. 99.
5
ARTOG, L’histoire d’Homère à Augustin, (Point 388), Paris, Seuil, 1999.
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L’absence dans les Actes des Apôtres de toute mention de l’activité épistolaire de
Paul, alors que celui-ci est évoqué dans dix-sept des vingt huit chapitres du livre,
démontre que Luc ne disposait pas des écrits pauliniens. D’ailleurs, la confrontation du
texte lucanien avec les écrits pauliniens laisse transparaître des différences. «Le Paul de
Luc est de caractère plus modéré que le Paul de la correspondance avec les Galates et les
Corinthiens»6. C’est donc à peine que Luc accorde à Paul le titre de disciple.
Cette différence entre les deux sources s’explique par le fait qu’entre le moment de la
rédaction des Actes des Apôtres et celui de la fixation ou l’adoption du canon des lettres
pauliniennes, il s’est écoulé une période au cours de laquelle on a assisté à un phénomène
complexe et multiforme de la réception de Paul.
Cette réception de l’apôtre Bovon, connu deux formes. D’un côté, Paul a survécu
dans les écrits rédigé en son nom : ce sont les lettres dites deutéro-pauliniennes (Col,
Eph et 2Th) et les pastorales (1-2Tim, Tite). D’un autre côté, la mémoire de l’apôtre a été
magnifiée par le rappel de son action : C’est le cas des Actes de Paul plus tard (vers 200),
des actes apocryphes de Paul. D’un côté Paul survit comme document, de l’autre comme
monument7.
S’inscrivant dans la veine de cette explication, Daniel Marguerat, estime que la
réception de Paul s’est organisée autour de trois pôles : biographique, canonique et
doctoral.
Sur le pôle biographique, Paul est considéré comme le héros de l’Évangile, le
missionnaire des nations dont on raconte les faits et les actes. Cela prépare une
hagiographie dont témoignent les «actes de Paul».
Sur le pôle canonique, Paul est l’écrivain. Ses écrits sont recueillis, recopiés, mis
en une collection qui prépare leur réception dans le canon du Nouveau Testament
(les lettres Pauliniennes).
Sur le pôle doctoral, Paul est le docteur de l’Église. Ses sentences sont imitées
dans les lettres pseudépigraphes (Col., Ép., 2Th., Past.).
Ces trois types de réceptions sont parallèles et synchronique, ils voient le jour entre
l’an 70 et 100. Ils représentent trois façons d’assumer l’absence de l’apôtre, soit en fixant
6
Cf. R. E. BROWN, Op. Cit., p. 96.
7
Voir F. BOVON, Paul comme Document et Paul comme Monument, dans J. ALLAZ et alii, Chrétien en
conflit. L’Épître de Paul aux Galates, (Essais bibliques 13), Genève, Labor et Fides, 1987, p. 54-54.
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La comparution de Paul devant Gallion est le point fixe sur lequel toutes les
chronologies pauliniennes sont établies. Même si la date de cet événement n’est pas
mentionnée dans les Actes des Apôtres, la découverte d’une inscription à Delphes, en
Grèce, en 1905 nous a apporté des précisions :
Tibère Claude César Auguste Germanicus pontife souverain en la douzième année de
son tribunat, acclamé empereur pour la 26 e fois, salue la ville de Delphes… mon ami
Lucius Julius GALLION, proconsul d’Achaïe, m’informe…
8
Cf. D. MARGUERAT, L’aube du christianisme, Coll. Le monde de la Bible no60, Genève, Labor et
Fides, Paris, Bayard, 2008, p.400-401.
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cités plus haut, dans la tentative de déterminer la date du début de l’engagement spirituel
et missionnaire de Paul. En effet, le récit de l’événement de Damas en Ga 1—2 met ces
indications en rapport avec les voyages de Paul à Jérusalem.
Dans sa lettre, Paul mentionne deux voyages à Jérusalem après l’événement de
Damas :
Premier voyage : Paul a fait ce voyage trois ans après la révélation de Damas
«pour faire la connaissance de Céphas» et Paul ne serait resté auprès de lui que
quinze jours «sans voir aucun autre apôtre, sauf Jacques, le frère du Seigneur»
(Ga 1,18-19).
Deuxième voyage : Paul serait retourné à Jérusalem quatorze ans plus tard en
compagnie de Barnabas et de Tite. Il nous dit qu’il y serait monté «à la suite
d’une révélation» (Ga 2,1-2). L’apôtre est allé exposer son évangile d’abord à
tous les frères et ensuite «aux personnes les plus considérées». Cette rencontre
s’est soldée par une chaude poignée de mains et l’unité de l’Église a été sauvée
(Ga 2,9).
Les Actes des Apôtres rapportent plusieurs voyages à Jérusalem. Certains auteurs en
dénombrent jusqu’à cinq (Ac 9,26-30 ; 11,30 et 12,25 ; 15,4 ; 18,22 ; 21). Si l’on retient
que notre but est de déterminer la date de l’événement de Damas, seuls les trois premiers
nous intéressent :
Premier voyage : Paul l’a effectué après son évasion de la prison de Damas. Ce
voyage souligne les tentatives de Paul pour s’intégrer à la communauté
chrétienne. Cette intégration a été réalisée grâce au concours de Barnabas (Ac
9,26-30).
Deuxième voyage : ce voyage a été décidé par les disciples dans le but de venir en
aide aux frères de Judée aux prises avec une grande famine. Après «une
campagne de souscription» les sommes recueillies furent confiées «aux mains de
Barnabas et Saul». L’aller et le retour de ce voyage pourraient être rapportés par
Ac 11,30 et 12,25. Il faut noter cependant que 12,25 pose certaines difficultés
d’interprétation.
Troisième voyage : ce voyage a été organisée par l’Église d’Antioche à la suite
d’un conflit qui a éclaté à cause de la venue d’apôtres judéo-chrétiens qui
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Nous avons montré les difficultés qui se posent pour établir une chronologie de la vie de
Paul, nul besoin de dire qu’essayer d’établir une chronologie des lettres est aussi difficile.
Les seuls indices que nous possédions sont dans les lettres elles-mêmes. Voici quelques
positions :
48/49 Assemblée de Jérusalem
-14 ans
34/35 Rencontre de Céphas
-3 ans
31/32 Conversion sur la route de Damas
TOB BJ PERROT BORNKAMM DOCKX CAMBIER
e
1 Th Début 51 50/51 50/51 Printemps 50 1 moitié 50 51-52
2 Th Peu après 1 Th Après 1 50/51 54 1e moitié 50 51-52
Th
1 Co Printemps 56 Pâque 57 Avant 54/55 ? Avant 57
pentecôte 55 Pâque 54
2 Co Fin 56/57 Fin 57 55/56 54/55 ? 54 57
Ga Hiver 56/57 57 55/56 54 Fin juillet 54/55
54
Rm 57/58 Hiver 55/56 Hiver 55/56 54/55 57
57/58
Col 61/62 54/57 61/63 60/63 ? Proche d’Ép - 63-67
58/60 100ap. J.C.
Ep Post-apost. 61/63 - - - 63-67
Phm 61/63 ? 61/63 60/63 ? 54/55 - 63-67
1 Tm Après 63 Vers 65 63/67 Première Été 65 ?
décennies
2 Tm 64/67 ou début Avant 67 63/67 - 67 ?
e
2 s.
Tt Après 63 Vers 65 63/67 - 65 ?
Hé Proche de la Vers 67 Avant 70 - - ?
mort de Paul
Paul est né à Tarse en Cilicie –au sud de la Turquie actuelle – au début notre ère
(Ac 21,39 ; 22,3). Il est difficile de préciser la date exacte de sa naissance. D’aucuns
proposent, avec une marge d’erreur, l’an 7 de notre ère. Cela veut dire que Paul serait
d’une douzaine d’année plus jeune que Jésus, qui, lui serait né en 4 avant notre ère. Mais
ils ne se sont jamais rencontrés du vivant de Jésus.
La ville de Tarse où est né Paul, comptait environ 300.000 habitants. C’était un
port international ; le commerce y était florissant. Cité cosmopolite à cause de sa situation
au carrefour des routes du pays et de sa proximité de la Méditerranée, elle était ouverte à
toutes les races et à toutes les cultures. Grecs, Orientaux, Juifs et nomades s’y côtoyaient
en toute liberté. La communauté juive y était nombreuse et bien vue ; elle ne vivait pas en
ghetto. Attirés par le commerce, mais aussi par l’ambition de gagner des prosélytes, les
juifs réussissaient à faire respecter leur religion et leurs coutumes.
Tarse était aussi un centre important de la culture hellénistique. Elle avait une
université de grande renommé qui rivalisait avec celles d’Athènes et d’Alexandrie. Au
point de vue religieux, comme toutes les grandes villes portuaires, elle connaissait un
syncrétisme confus et passionné.
Paul était un enfant de cette ville extraordinaire et c’est dans ce milieu de
contraste et d’effervescence mais aussi de grande liberté qu’il grandira. Il sera, comme sa
ville natale, un être de contraste, bondissant et passionné, mais aussi un être sensible et
généreux. Son esprit enrichi par les cultures juive et hellénistique lui permettra de
s’ouvrir aux problèmes du monde.
Du point de vue socioculturel, tout sépare donc Jésus de Paul. Jésus est un
Galiléen. Il vient d’une contrée de lacs et de villages. Fils d’un charpentier, il n’était pas à
Jérusalem dans son milieu naturel. Il n’était jamais sorti de la Palestine et toute sa
mission s’est déroulée dans le contexte religieux du Judaïsme. Paul, lui, est un citadin, de
Tarse en Asie mineure. C’est un intellectuel de haut vol. Il est de plus pharisien ; membre
de ce groupe que Jésus avait du affronter si souvent qu’il le lui rendre. Tout donc sépare
Paul de Jésus : la naissance, la culture, le métier, l’origine, la langue. Jésus est un homme
de la campagne et de la Palestine ; Paul est un homme des villes et du grand large, nourri
de la double culture, juive et gréco-romaine.
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Paul aurait été «un homme petit de stature, à la tête chauve, aux jambes arquées,
vigoureux, ayant les sourcils joints, avec un nez légèrement bombé». Il appartenait à une
famille de vieille juive. Selon la tradition la plus stricte, il avait été circoncis le huitième
jour. Par ses parents, il pouvait se rattacher «à la race d’Israël», «à la tribu de Benjamin»
et se déclarer «Hébreu, fils d’Hébreu» (Ph 3,5). Par son Père, il était un citoyen romain
(Ac 16,37-38 ; 22,25-26.29 ; 23,27 ; 25, 10-11) ce qui était un privilège envié. On peut
donc supposer qu’une certaine aisance régnait au sein de sa famille.
A sa naissance, Paul a reçu le nom juif de Saul et le nom grec de Paul (Petit). Les
Actes des Apôtres, le nomment Saul jusqu’en 13,9, ensuite Paul. Le changement
d’appellation correspond au fait que Paul commence alors à évangéliser le monde grec.
Cependant, Paul dans ses lettres, se présente toujours sous son nom grec malgré son
attachement à la religion juive. Il avait un métier, celui de tisserand (Ac 18,3). La
pratique d’un métier était de règle chez les rabbins. Ils devaient eux-mêmes assurer leur
subsistance afin d’enseigner la Torah (la loi) gratuitement.
Ainsi donc Paul avait opté pour se prendre matériellement en charge par son
métier de tisserand et subvenir à ses propres besoins en travaillant de ses mains. «Tout en
reconnaissant le droit à la subsistance de ceux qui annoncent l’Évangile (1Co 9,6-14 ; Ga
6,6 ; 2Th 3,8), il préféra travailler de ses propres mains (1Co 4,12) pour n’être à la charge
de personne (1Th 2,9 ; 2Th 3,8 ; 2Co 12,13). Il n’accepta de l’aide que des Philippiens
(Ph 4,10-19 ; 2Co 11,8)»9
III.2. LE PHARISIEN ET SA FORMATION
Paul appartenait au pharisaïsme, branche de la religion juive qui était composée
de laïcs -6000 environ- regroupés en petites confréries. Ils étaient d’une fidélité
rigoureuse pour l’observance de la loi, la pratique des lois de pureté et des prescriptions
des dîmes. Très attachés aux «traditions des pères» (Ga 1,14), les pharisiens d’avant 70
exerçaient sur le peuple une certaine influence. Au plan de la doctrine, ils croyaient que
l’histoire du monde avait un but et que Dieu ordonnait les événements en fonction de ce
but. La venue d’un Messie, guide et sauveur de son peuple, était pour eux le point
culminant de l’histoire.
9
J. PRADO FLORES, Le secret de saint Paul, Nouan-le-Fuzelier, éd. des Béatitudes, 1999, p. 17.
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Si, comme tous les pharisiens, Paul croit à la résurrection des morts (Ac 23,6-10 ;
26, 6-8), il fonde sa doctrine sur la résurrection de Jésus-Christ lui-même (1Co 15,12.20-
21). Nous pensons qu’il pourrait être possible que Paul ai reçu une certaine formation
rabbinique alors qu’il était un jeune homme. Le texte de Ga 1,14 laisse entendre cette
possibilité. C’est la position de P. Bonnard dans son commentaire de Galates. Il suit le
père Lagrange contre A. Loisy et voit avec raison dans ce verset «une allusion au fait que
Paul, jeune homme, avait dû suivre l’enseignement d’une école rabbinique à Jérusalem ;
les contemporains seraient alors ses camarades d’études»10.
III.3. LE PERSECUTEUR DE LA COMMUNAUTE CHRETIENNE
Paul a été un persécuteur de la foi chrétienne au zèle débordant (cf. Ga 1,14). Le
christianisme lui apparaissait comme une apostasie par rapport à la loi et la foi chrétienne
comme une négation de son idéal. Avant d’être un apôtre, Paul a été un persécuteur de la
foi chrétienne et lui-même le reconnaît :
«Car je sui le plus petit des apôtres, moi qui ne suis pas digne d’être appelé apôtre
parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu» (1Co 15,9).
«Car vous avez entendu parler de mon comportement dans le judaïsme, naguère :
avec quelle frénésie je persécutais l’Église de Dieu et je cherchais à la détruire»
(Ga 1,13).
«…pour le zèle, persécuteur de l’Église…» (Ph 3,6).
10
P. BONNARD, L’épître de Saint Paul aux Galates, Paris Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1972, p. 29.
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c) En Ac 26,9-18, le récit est encore fait à l’occasion d’un discours prononcé par
Paul. Cette fois, c’est devant le roi Agrippa. L’insistance est mise sur le message
reçu du Christ, par Paul et la mission qui s’en suivit. Ananie n’est pas mentionné.
Dans ces trois récits nous trouvons la question : «Pourquoi me persécutes-tu ?», Qui
est la clé pour comprendre la révélation que Paul a reçue : le Christ ressuscité est vivant
dans son Église. Elle rejoint le but théologique de l’auteur.
IV.2. SELON LES LETTRES DE SAINT PAUL
Paul dans ses lettres rappelle l’Événement de Damas à plusieurs reprises, mais
curieusement il ne fait pas de longs récits :
a) En Ga 1,15 Paul écrit : Mais lorsque celui qui m’a mis à part depuis le sein de ma
mère et m’a appelé par se grâce, a jugé bon de me révéler en moi son Fils…
b) En 1Co 9,1 et 15,8-10, il dit simplement : N’ai-je pas vu le Christ ? En tout
dernier lieu, il (le Christ) m’est aussi apparu à moi l’avorton.
c) En Ph 3,12, il déclare : …j’ai été saisi moi-même par Jésus-Christ.
On peut remarquer que Paul dans ses lettres insiste sur la révélation de Dieu, la vision
du Christ et le fait que le Christ l’a saisi. Il semble que pour l’apôtre l’événement se soit
plutôt passé à l’intérieur de lui-même.
IV.3. LES RESSEMBLANCES ENTRE LES ACTES DES APOTRES ET LES LETRES DE
PAUL
a) Paul persécuteur de l’Église : Ac 9,1-2 ; 22,3b-5 ; 26,9-11 // 1Co 15,9 ; Ga
1,13.23 ; Ph 3,6.
b) La présence de la christophanie : Ac 9,5 ; 22, 7-8 ; 26,14-18 // 1Co 9,1 ; 15,8.
c) L’événement en face de Damas : Ac 9,3 ; 22,6 ; 26,12-13 // Ga 1,17.
d) Un lien entre l’événement et l’évangélisation des païens : Ac 22,15 ; 26,16-18 //
Ga 1,16.
IV.4. LES DIFFERENCES ENTRE LES ACTES DES APOTRES ET LES LETTRES DE
PAUL
a) Des grands discours de Ac 22 et 26, il n’y a aucune trace dans les lettres. Et
pourtant en Ga 1, Paul défend l’authenticité de son apostolat, il aurait pu alors
décrire l’événement avec plus de détails. S’il ne l’a pas fait, il faudrait peut-être
supposer que l’événement fut moins spectaculaire que les Actes ne le décrivent.
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b) La lumière des Actes n’implique pas une vision du Christ en personne, alors que
dans les lettres Paul est catégorique : en 1 Co,1 il ne peut être plus précis «N’ai-je
pas vu le Christ ?», en en 1 Co 15,8, il déclare que le Christ lui est apparu de la
même façon qu’aux autres privilégies des apparitions postpascales.
c) Paul affirme avoir reçu son évangile et son mandat apostolique de Dieu sans
aucune médiation humaine (Ga 1,11-12). Selon Ac 9 et 22 l’Église est intervenue
en tant qu’intermédiaire dans la personne d’Ananie.
Ces différences entre les Actes des Apôtres et les lettres de Paul font surgir une
question : «L’auteur des Actes peut-il vraiment être un collaborateur de Paul ayant
accompagné celui-ci pendant un certain temps ?...Cette question complexe…devient à
nouveau actuelle…Il faudrait que nous cessions de présupposer, sans plus, que Luc ait été
informé directement par Paul de la vision de Damas»11.
IV.5. L’INTERPRETATION DE L’EVENEMENT
Paul est un personnage fascinant. Nous sommes obligés d’admettre que le
Pharisien fier et respecté, homme de prestige, droit et sincère, à la foi robuste n’était
sûrement pas un homme brisé lors de sa rencontre avec le Christ. L’événement de Damas
a changé le cours de sa vie mais l’homme a gardé son ardeur.
Paul a interprété cet événement comme «une grâce de Dieu qui a révélé en lui son
Fils» (Ga 1,16). Il se présente toujours à ses communautés comme l’apôtre qui a été
appelé. La mention de cet appel figure dans les en-têtes (adresse) de Rm, !Co et Ga. Trois
lettres seulement font exception à cette règle : Ph, 1Th et Phm. Cette affirmation est
souvent suivie du sens et du but de cet appel : «mis à part pour annoncer l’Évangile de
Dieu…» Rm 1,1), «pour conduire à l’obéissance de la foi parmi tous les peuples…» (Rm
1,5).
Pour Paul Damas c’est :
Le Christ qui se révèle (Ga 1,16)
Le Christ qui apparaît (1 Co 15,8)
Le Christ qui saisit (Ph 3,13)
En vue d’une mission à remplir : annoncer l’Évangile (1Co 1,17).
11
LOHFINK, La conversion de Paul, Paris, Cerf, 1962, pp. 36-37.
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Manifestement Paul entend dire qu’il a fait l’expérience du Ressuscité comme d’un
être salvifique…Il n’entend, certes, pas écarter l’aspect «visuel» de la vocation mais les
déclarations décisives sont à ses yeux celles où il décrit sa réquisition et la mission qui lui
est confiée, c’est-à-dire son établissement dans la condition d’apôtre.
De cet événement on peut retenir quatre choses :
La première est le lien répété entre l’illumination et la persécution des chrétiens ;
c’est au cœur de son acharnement contre des hérétiques que Paul a été retourné.
Deuxièmement, l’illumination a consisté à voir, tout d’un coup que le pendu de
Golgotha était le Fils, le Vivant, et que Dieu est du côté de la victime et non du
bourreau. C’est Pâques.
La troisième note posée par Paul dans ce récit de la résurrection, c’est la grâce. La
re-naissance est un pur cadeau : «Ce que je suis devenu, c’est la grâce qui l’a fait
de moi» (1Co 15,10).
Enfin, le quatrième élément à retenir est le lien qu’établit Paul entre révélation et
vocation d’évangéliser les nations. Son regard sur Dieu change, il découvre que
Dieu de l’Alliance avec le monde entier, et qu’il l’offre sans condition. «Ce qu’il
pense traduit ce qu’il est, et ce qu’il est lui a été donné»12.
CINQUIEME CHAPITRE : PAUL LE MYSTIQUE : SON EXPERIENCE DE
DIEU
V.1. LES EXPERIENCES MYSTIQUES DE PAUL
A. DEFINITION DE LA MYSTIQUE
Selon saint Thomas d’Aquin, la mystique est une «cognitio Dei experimentalis»,
ce qu’on pourrait traduire en français par une connaissance expérimentale de Dieu. C’est
à juste titre qu’il sied d’éviter de traduire «experimentalis» par «expérimental». Car ce
dernier vocable fait appel à une expérience sensible et réitérable, tandis que l’adjectif
«expérientiel» renvoie à la singularité, à l’unicité, à l’irréductibilité, à l’évanescence, et à
la non réitérabilité de l’événement. Il s’agit, comme l’écrit D. Marguerat, «d’un mode de
perception immédiate du divin, qui recherche et met en œuvre une conscience intime de
12
D. MARGUERAT, Paul de Tarse, Un homme aux prises avec Dieu, Poliez-le-Grand, Éd. du Moulin,
Paris, Desclée de Brouwer, 1999 et 2000, p. 28-29.
P a g e | 20
13
IDEM, L’aube du Christianisme, p. 161.
P a g e | 21
14
Voir A. SCHWEITZER, La mystique de l’apôtre Paul, Paris, Albin Michel, 1962.
15
D. MARGUERAT, L’aube du christianisme, p. 193.
P a g e | 22
donné accès : elles sont ineffables. Il n’est pas permis à un homme de les redire. Il
s’abstient de se prévaloir de ses extases.
Il insiste pour que ses interlocuteurs s’en tiennent à ce qu’ils voient et entendent
de lui, plutôt qu’à ses expériences mystiques invisibles. Les dons de l’extase ou les
révélations divines ne sont pas ordonnés à la mise en valeur de soi-même ou à
l’autoglorification de ceux qui en sont les bénéficiaires. En effet, l’expérience mystique
ne fait pas d’eux des surhommes ou des anges. C’est pourquoi, Paul dit notamment :
«pour cet homme-là je ne m’enorgueillirai pas» (v.5).
Enfin, au lieu de l’enchantement, l’extase renvoie l’apôtre à l’expérience de sa
faiblesse humaine. Les infirmités physiques étaient attribuées au péché conscient ou
inconscient, individuel ou collectif. L’écharde dans la chair était un mal physique dont
souffrait visiblement Paul. Ce mal était donc connu de ses auditeurs. C’est dire combien
une telle épreuve était humiliante, insupportable et de nature à «éviter à Paul tout
orgueil». Aussi, par trois fois, Paul prie-t-il Dieu de l’en délivrer, mais sa demande n’est
pas exaucée. La réponse de Dieu, la grâce dont il s’agit ici, c’est la vocation à l’apostolat.
En effet, l’appel de Dieu est toujours un don gratuit, un rôle et une identité reçue, que
l’apôtre est appelé à expérimenter à travers sa faiblesse et la fragilité de son humanité. Et
c’est à travers cette faiblesse de l’apôtre que se manifeste, se déploie et s’accomplit la
force de la grâce divine.
Loin de distraire ou de mener à l’évasion, l’extase renvoie à la réalité de la
rudesse, de la fragilité et de la contingence humaines. Elle ne fait pas de Paul un ange, un
être désincarné : elle le renvoie à l’épaisseur de la réalité de son humanité et de ses
limites corporelles qu’elle l’invite à assumer. La perception mystique et immédiate de la
présence et de la réalité divines n’affranchit son bénéficiaire à l’abri des limites de sa
corporéité et de son humanité, en ce qu’elles ont de contraignant, de gênant et de pénible.
Bien au contraire, elle l’y renvoie comme au mystère de l’incarnation du Christ et de sa
passion. Il n’est, en effet, pas de mystique authentique sans la croix.
Les choses se passent comme si l’expérience extatique ou mystique de Dieu
impliquait la participation à la passion et à la croix du Christ. Et comme ce dernier,
l’apôtre doit savoir que «la puissance de Dieu donne toute sa mesure dans la faiblesse»
(2Co 12,9). La mystique de Paul est participation à la passion du Christ. Au creux de
P a g e | 23
cette saisie immédiate et illuminée de la présence divine, l’apôtre expérimente, dans son
corps, la réalité de sa fragilité et des limites humaines qui, paradoxalement, deviennent le
lieu de la manifestation et de la perception de la puissance du Christ. Alors dans sa
faiblesse, il devient capable d’expérimenter la puissance de Dieu. «Le sacrifice voulu par
Dieu, c’est un esprit brisé ; Dieu, tu ne rejettes pas un cœur brisé et broyé» (Ps 51,19).
On peut alors comprendre cette conclusion de Paul au terme du récit de son
ravissement au ciel : «Donc, je me complais dans les faiblesses, les insultes, les
contraintes, les persécutions, et les angoisses pour le Christ. Car lorsque je suis faible,
c’est alors que je suis fort» (2Co 9,10).
Il ne s’agit cependant ni de masochisme ni de sadisme. Paul ne prend aucun
plaisir aux épreuves. Il accepte de s’inscrire dans la logique de sa condition d’apôtre qui
exige qu’il marche à la suite du Christ, en renonçant à lui-même et en portant sa croix
(Cf. Mt,16,24 ; Mc 8,34 ; Lc 9,23).
En 2Co 4,10, Paul exprime cette corrélation entre la communion au ministère du
Christ et la faiblesse en ces termes : «Mais ce trésor, nous le portons dans les vases
d’argile, pour que cette incomparable puissance soit de Dieu et non de nous. Pressés de
toutes parts, nous ne sommes pas écrasés ; dans les impasses, mais nous arrivons à
passer ; pourchassés, mais non rejoints ; terrassés mais non achevés ; sans cesse nous
portons dans notre corps l’agonie de Jésus, afin que la vie de Jésus soit elle aussi
manifestée dans notre corps».
D. PARLER EN LANGUES
La troisième expérience mystique de Paul est évoquée en ces termes : «Grâce à
Dieu, je parle en langues plus que vous tous, mais, dans une assemblée, je préfère dire
cinq paroles intelligibles pour instruire aussi les autres, plutôt que dix mille en langues»
(1Co 14,18).
«Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous» (1Co 12,7).
Et non pour se singulariser ou jouer au charismatique, ou encore moins, cultiver
l’irrationalité et l’ésotérisme. Tout charisme ou don particulier de l’Esprit doit être
ordonné à l’édification de tous. «C’est pourquoi celui qui parle en langues doit prier pour
avoir le don de l’interprétation. Si je prie en langues, mon esprit est en prière, mais mon
intelligence est stérile» (1co 14,14).
P a g e | 24
18
L’intertexte : la perception, par le lecteur, de rapports entre une œuvre et d’autres qui l’on précédée ou
suivie. L’intertextualité désigne la présence physique d’un texte dans un autre texte, par citation, allusion
ou plagiat.
19
J. BECKER, Op. Cit., p. 91.
P a g e | 26
passé. Il a été forcé de partir pour Corinthe où il a organisé une autre communauté qui
occupera une grande place dans sa vie (Ac 18,1-18). Après un long séjour d’un an et
demi dans cette ville, il poursuit son voyage et enfin descendit à Antioche (Ac 18,18b-
23a).
Le bilan de ce voyage est aussi positif : fondation d’églises jusqu’en Grèce ;
communauté chrétiennes de Macédoine et d’Achaïe bien organisées pour lesquelles Paul
gardera une affection particulière. L’Évangile l’emporte de plus en plus. Contre une telle
force, que peuvent les échecs auprès des Juifs, les coups, les procès ? Tout cela ne
compte plus…Paul lui-même l’écrira à maintes reprises dans ses lettres.
c) TROISIEME VOYAGE : Ac 18,23—21,6 (DE 52 A 58)
Durant le troisième voyage, Paul a visité les églises de Galatie et de Phrygie (Ac
18,23). Après avoir passé par le haut pays, il est arrivé à Ephèse où il est demeuré plus de
deux ans. Nous avons peu de détails sur son séjour. Les Actes des Apôtres racontent des
épisodes particuliers, mais restent silencieux pour le reste du temps. Et c’est la fin. Ce
voyage se confond avec un autre voyage à Jérusalem que Paul a effectué dans le but de
porter la collecte à l’église des saints (Ac 24,17).
Ce voyage est dominé par plusieurs annonces de la captivité de l’apôtre, captivité
qui semble imminente. Paul fait ses adieux à Milet (Ac 20,22-25). A Tyr, les disciples lui
demandent de ne pas monter à Jérusalem (21,4). A Césarée, le prophète Agabus décrit
d’une manière symbolique le sort qui est réservé à Paul (21,10-11). Mais Paul est
inflexible, malgré les supplications des disciples, il poursuit son voyage et arrive à
Jérusalem où les frères lui font bon accueil (21,17-26). Mais il sera arrêté (21,27-40).
Paul est essentiellement un missionnaire, un fondateur d’églises. Le monde alors
connu a été le lieu de son apostolat. Il fondait des Églises pourvus de leurs ministres et de
leurs moyens propres et capables de se prendre en charge, puis s’en allait ailleurs pour
poursuivre la même tâche missionnaire. Ses lettres montrent qu’il gardait un profond lien
de communion avec les Église qu’il avait fondées et dont il se considérait comme père
spirituel.
VI.2. LES RELATIONS AVEC LES EGLISES
Les relations de Paul et de ses communautés sont d’une qualité exceptionnelle. En
tant qu’apôtre, il est conscient qu’il détient une responsabilité envers les églises qu’il a
P a g e | 29
fondées et le message d’évangile dont il est porteur. Cette responsabilité lui donne des
pouvoirs certes, mais elle lui dicte surtout des devoirs qui déterminent son comportement.
S’il affirme avec vigueur son autorité, c’est avec une profonde tendresse qu’il s’adresse
aux membres de ses églises.
Non seulement il les aime, mais il doit en conséquence les avertir, les éduquer et
les corriger (1Co 4,14). Il peut leur demander d’imiter sa conduite. Il a le droit de
s’informer de leur façon de vivre le message qu’il leur a enseigné. Cette relation père/fils
et mère/enfant est présente très souvent dans ses lettres. Il est clair que le fait d’avoir
fondé ces églises crée chez Paul un lien très fort, un attachement viscéral. Et parler de
l’amour de Paul pour ces communautés nécessiterait de longs développements. Cet
amour est tellement grand que toutes les souffrances qu’il a subies s’effacent devant la
préoccupation quotidienne qui l’habite : le souci de toutes les églises (2Co 11,28).
Paul a puisé cette notion de paternité dans le terrain vétérotestamentaire et dans le
passé oriental rempli de sagesse. Mais il l’a exploitée à fond et lui a donné une dimension
et une portée insoupçonnée jusqu’alors. Il s’est perçu comme le père qui engendre ses
enfants bien-aimés ; la mère qui enfante et réchauffe sur son sein les enfants qu’elle
nourrit. Cet engendrement et cet enfantement se font par l’Évangile.
VI.3. SON SOUCI PASTORAL : L’ORGANISATION DE LA GRANDE COLLECTE
Paul s’est soucié des autres églises en particulier de l’église de Jérusalem. Les
Actes des Apôtres et les lettres de Paul font mention d’une ou plusieurs collectes dans les
communautés chrétiennes de l’époque de Paul en faveur de l’église de Jérusalem. Cette
église a toujours vécu dans un état précaire dont elle n’a jamais réussi à se relever
d’ailleurs.
La collecte organisée par Paul a été une grande entreprise réalisée dans un but de
charité, mais aussi dans un but politique : faire l’unité de l’Église. Les pagano-chrétiens
en donnant de leurs biens aux «saint» de Jérusalem démontraient ainsi qu’ils
comprenaient «la lettre et l’esprit de l’Évangile tout aussi bien qu’eux». Paul s’y révèle
un organisateur-né.
Sa préoccupation est d’assurer la spontanéité des dons et garantir la sécurité de
leur livraison. Aussi une réflexion théologique profonde sur l’offrande non seulement des
biens matériels, mais aussi de soi-même (2Co 8,3-5). Paul sait présenter la collecte
P a g e | 30
comme un service mais aussi comme une source d’action de grâce (2Co 9,12). La grande
collecte a donc été organisée par Paul pour la gloire de Dieu dans un grand esprit de
solidarité chrétienne. Son but est de maintenir l’unité de la foi et l’amour entre les
chrétiens des deux grandes nations du monde, les Juifs et les Païens.
VI.4. LA CAPTIVITE ET LA MORT
Le mystère le plus total enveloppe la dernière période de la vie de Paul. Le récit
des Actes des apôtres s’arrête brusquement en disant que Paul a vécu à Rome deux ans en
liberté surveillée, tout en continuant son apostolat (Ac 28,30-31). Pour reconstituer la fin
de la carrière de Paul, nous n’avons que des sources fragmentaires dont l’authenticité est
discutée (les lettres pastorales et la première lettre de Clément, de même que le canon de
Muratori). L’apôtre selon ces sources serait mort martyr, ce que laisse présager Ac 20,22-
25 (à comparer avec 21,13).
Une hypothèse admise par plusieurs historiens affirme que la captivité décrit en
Ac 28,30 s’est terminée par une libération de Paul. Trois indices s’accordent avec cette
hypothèse :
a) Le procès de Paul devant les officiers romains à Jérusalem et à Césarée
(23,29 ; 25,18.25 ; 26,31-32) aurait prouvé que sa cause était excellente.
Impossible donc de s’attendre à une condamnation à mort ;
b) Le genre d’emprisonnement que Paul a subi à Rome – en résidence surveillée
– 28,30 ne permet pas de supposer un dénouement fatal et la peine capital ;
c) Enfin les passages des Pastorales reconnus comme authentiques ne peuvent
convenir à aucun moment de la carrière de Paul avant sa captivité romaine.
Paul aurait-il réalisé son rêve d’aller évangéliser l’Espagne (Rm 15,24) ? Clément
de Rome et le canon de Muratori le supposent. De plus certains passages de Tite et de
Timothée laissent entendre que Paul aurait voyagé après son premier emprisonnement
(1Tm 1,3 ; 2Tm 4,13.20 ; Tt 1,5 ; 3,12) avant d’être de nouveau arrêté et de subir un
deuxième emprisonnement (2Tm 4,16-18). La tradition chrétienne a relié son martyre à
celui de Pierre sous la persécution de Néron (64-68)21.
SEPTIEME CHAPITRE : L’INFLUENCE DE LA VOCATION DE PAUL SUR SA
MISSION
21
R. E. BROWN et J. P. MEIER, Antioche et Rome, berceaux du christianisme, (LD 131), Paris, Cerf,
1988, p. 132.
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quelqu’un en mission, c’est donc un acte d’autorité qui confie une charge à une autre qui
le remplace.
C’est en Ga 1,6—2,14 que Paul montre qu’il a pleinement conscience d’être un
envoyé de Dieu. Pour lui, tout part de Damas. Avant Damas, il avait une certaines
connaissance de l’Évangile puisqu’il persécutait les chrétiens mais il n’acceptait pas que
Jésus mort sur la croix soit le Christ. Un crucifié ne pouvait pas être le Messie, car
«Maudit, quiconque est pendu au bois» (Ga 3,13 ; Dt 21,23)
Ce dévoilement de sa vocation nous renseigne sur l’appel qui parvient à Paul sous
forme de révélation et qu’il considère comme une grâce ; il nous apprend que la mission
spécifique de l’apôtre est l’évangélisation des païens et Paul a répondu à l’appel de Dieu.
Pour lui, la vocation apostolique est d’abord une grâce. De plus, personne ne l’a influencé
d’une façon quelconque dans sa prise de décision de s’engager dans l’apostolat chrétien.
A cet appel, l’apôtre répond aussitôt sans consulter personne. Son apostolat du
début est caractérisé par la hâte eschatologique qui, à l’époque, était normale puisqu’on
attendait le retour du Christ pour la fin du siècle. Annoncer le mystère du Christ comme
Fils de Dieu devient donc pour lui son travail, sa charge spécifique. Il en répondra devant
Dieu. Sa vocation a été une affaire personnelle entre Dieu et lui.
L’assemblée de Jérusalem illustre bien le charisme du discernement lié à l’autorité
dans l’Église et qui doit présider au dialogue en cas de divergence. «Vous le savez, frères,
c’est par un choix de Dieu que, dès les premiers jours chez vous, les nations païennes ont
entendu de ma bouche la parole de l’Évangile et sont devenues croyantes. Dieu qui
connaît les cœurs et leur a rendu témoignage, quand il leur a donné, comme à nous,
l’Esprit Saint» (Ac 15,7-8). «L’Esprit Saint et nous-même, nous avons en effet décidé de
ne vous imposer aucune autre charge que ces exigences inévitables…» (Ac 15,28). Le
discernement apparaît donc comme écoute, disponibilité et docilité à l’Esprit Saint.
Pourtant, l’accord de Jérusalem paraphé par les notables, n’a pas réglé les
problèmes chez certains personnages plus intolérants. Un juif n’avait pas le droit de
manger avec les païens…subitement, Pierre ne fréquente plus l’assemblée chrétienne, il
se tient à l’écart, pourquoi ? Parce que des judéo-chrétiens de l’église de Jacques, venus
de Jérusalem sont arrivés à Antioche…
P a g e | 33
Devant l’attitude de Pierre, Paul est choqué. Si Pierre, après les accords de
l’Assemblée de Jérusalem, est encore hésitant, rien ne va plus. Et Paul, lui, n’a pas le
choix, s’il veut. Il doit respecter la vérité de l’Évangile et s’opposer à Pierre, quoi qu’il
advienne. D’ailleurs, Pierre n’est pas seul à avoir déserté l’assemblée communautaire :
Barnabas et plusieurs autres chrétiens l’ont suivi. Paul intervient donc devant tout le
monde :
Si toi qui es Juif, tu vis à la manière des païens et non plus à la juive, comment
peux-tu contraindre les païens à se comporter en Juifs ? (Ga 2,14).
L’apostrophe est cinglante. Paul a été très courageux. Sa prise de position montre
que l’apôtre était sûr de sa mission et de son autorité dans l’Église.
En résumé Ga 1,6—2,14 est la preuve autobiographique de l’authenticité de
l’Évangile et de l’apostolat de Paul. Ces deux chapitres sont essentiels pour comprendre
sa vocation voire toute vocation chrétienne. Tout en rendant compte de l’événement de
Damas, de l’apostolat qui s’en est suivi, l’Assemblée de Jérusalem et de l’incident
d’Antioche, Paul présente les critères de l’Évangile authentique et de l’apostolat
véritable. Il prouve par l’histoire de sa vie que :
a) Sa prédiction est authentique, il ne doit son évangile qu’à Dieu seul et non à
des influences humaines (Ga 1,11-24) ;
b) Son autorité apostolique et la qualité de sa prédication se sont vérifiées dans
ses premiers contacts avec l’église de Jérusalem (Ga 2,1-10) ;
c) L’incident d’Antioche atteste son autorité personnelle et la validité de son
Évangiles (Ga 2,11-14).
VII.2. L’APOTRE EST UN SERVITEUR
Paul a compris sa mission comme une charge, comme un service qui lui était
confié (1Co 9,16-17 ; 2Co 5,18-21 ; Ga 1,10). Il donne une définition précise de
l’apostolat : c’est un service (en grec : diakonia). Les apôtres sont des serviteurs de Dieu
et du Christ. Leur tâche est de transmettre à d’autres le message qu’ils ont reçu :
l’Évangile.
L’apôtre, le serviteur, ne se laisse jamais impressionner par les jugements et les
critiques. La seule personne qui a droit de juger son travail apostolique, c’est Dieu car
c’est lui qui lui a confié la charge. Il est d’ailleurs tellement difficile de juger si l’un ou
P a g e | 34
toute épreuve… (2Co 12,12). Ainsi il décrit ses souffrances et la manière de souffrir pour
l’Évangile. Voici les obstacles qu’il a rencontrés :
- Les attaques personnelles : 2Co 12,10 ; Ac 13,45 ; 2Co 1,15ss22 ; 2Tm 4,14.
- Les problèmes de la prédication : Ph 3,2 ; 1Co 15,32 ; 2Tm 4,17 ; 2Co 11,26 ;
Ac 28,22 ; 15,1 ; 9,26-30 ; 2Co 11,13 ; 2Co 6,8. La prédication de la croix fut
la croix de la prédication Ga 5,11.
- Les crises psychologiques
- Les problèmes civils à Philippes de Macédoine
- Les attaques physiques
- Les échecs pastoraux
- Sa vocation apostolique mise en cause
- Dans ses voyages fréquents il dut affronter tous les climats : froid et nudité,
tempêtes, rois naufrages, la fatigue inhérente et les assauts des brigands, les
crues des rivières, les dangers de ville et du désert, la faim et la soif 2Co
11,25-29.
- Le danger de mort chaque jour et à toute heure
- Une grande tristesse et une douleur incessante en son cœur
- L’écharde dans son corps
La principale préoccupation de l’apôtre était le souci de toutes les Église (2Co
11,28). Veiller à son unité, à sa formation et à son développement jusqu’à ce qu’elle
devienne semblable au Christ (cf. Ép. 4,13). Et sa pire souffrance fut la trahison des faux
frères (Ga 2,4 ; 2Co 11,26). Ceux avec qui il avait mangé et célébré la fraction du pain,
ceux qu’il avait choisis et soutenus mais qui ensuite lui tendirent des pièges par-derrière,
qui l’espionnèrent pour restreindre sa liberté (Ga 2,4) ou sortir ses phrases hors de leur
contexte et l’accuser ensuite par d’odieuses calomnies (Rm 3,8 ; 5,20 ; Ga 3,22).
La vie de Paul est une course d’obstacles permanents. Il vit cette première
condition de l’apôtre : souffrir à cause de l’évangile. Toutefois, ce n’est pas la douleur en
elle-même qui confère à l’apostolat son authenticité, mais bien la manière dont elle est
affrontée. L’équation n’est donc pas : je souffre, donc je suis apôtre. La clé se trouve dans
la manière dont je supporte la souffrance (2Co 6,4 ; Rm 5,3), cela n’a rien à voir avec la
22
J. PRADO FLORES, Le secret de saint Paul, Nouan-le-Fuzelier, Éditions des Béatitudes, p. 129-132.
P a g e | 36
résignation passive face aux situations impondérables de la vie mais se réfère davantage à
la «science de savoir souffrir».
VII.4. LA RADICALITE DE LA MISSION APOSTOLIQUE
Pour Paul, le comportement d’un apôtre – d’un chrétien en général – est d’une
exigence radicale. Nous retrouvons ce qu’il pense d’une telle exigence dans la lettre aux
Philippiens.
La foi au Christ qui a permis à Paul d’accueillir le salut de Dieu ne peut pas ne pas
se manifester en amour. Amour de Dieu, amour du Christ et amour des autres. Et qu’est-
ce que l’amour sinon la «connaissance du Christ» - au sens biblique – pratiquée dans le
concret de la vie. Afin de se faire mieux comprendre, Paul s’est donné en exemple.
Cet exemple et celui d’un apôtre, bien sûr, mais il ne faut pas oublier encore une
fois qu’il s’adresse à des chrétiens. Pour lui, un apôtre est un chrétien et un chrétien est
un apôtre. Cela est important pour avoir une idée juste de sa christologie. Son discours
sur le Christ s’adresse à tous ceux qui ont la foi. L’exigence et la radicalité de la vie
chrétienne sont les mêmes que l’exigence et la radicalité de la vie apostolique. Et les deux
sont semblables à l’exigence et à la radicalité de la Croix.
Où est-ce que Paul a trouvé la théologie de la croix ?
C’est un fait que le mot croix est absent de l’A.T., ce qui n’est d’ailleurs même
pas étonnant. La croix comme instrument de supplice était d’origine perse (peuple
barbare). C’est passer chez les romains à travers les perses. On sait aussi que cette peine
était connue des grecs. La peine de la croix était réservée aux criminels et aux esclaves,
lorsqu’ils contestaient le pouvoir romain.
Dans le N.T., ce qui va provoquer l’emploi du mot croix, c’est la crucifixion de
Jésus. Il revient à peu près 80 fois dans le N.T. (stauros, stauroô). Il est cependant à
remarquer que plusieurs écrits du N.T. l’évitent, parce que l’horreur était lié à la
crucifixion. C’est dans les épîtres qui sont de la main de Paul qu’on voit développer la
théologie de la croix.
A côté de la croix, il y a le mot bois de la croix. La présence de la théologie de la
croix chez Paul est liée à deux faits :
La crucifixion de Jésus,
P a g e | 37
La mission de Paul est spécifique l’annonce de l’Évangile (1Co 1,17). On sait que
le mot évangile – en grec : euaggelion - signifie «bonne nouvelle». Tantôt il désigne le
contenu de cette nouvelle, tantôt sa proclamation. C’est un terme classique pour annoncer
la victoire et inviter le peuple à se réjouir en célébrant des festivités et des sacrifices. Le
terme «évangile» fait partie du langage courant à l’époque du Nouveau Testament. Nous
le trouvons dans les grandes prophéties messianiques : Is 52, 7; 61,1; Na 2,1; Ps 68; 96.
Dans ces textes il est sous forme du participe substantivé. On a utilisé ce mot comme
terme technique pour signifier la proclamation de la Bonne Nouvelle de Jésus. Toutefois
on le conçoit, le prononcée, car il s’agit de la proclamation de Jésus Christ lui-même en
tant que réalisateur du salut.
Cependant Paul a respecté les deux sens du mot :
Le premier sens, le contenu du message, est mis en lumière au chapitre 9 de la
première lettre aux Corinthiens. Ce contenu est quelque chose de très précieux puisque
l’apôtre est prêt à souffrir et à renoncer à ses droits pour ne pas faire obstacle à l’Évangile
du Christ : 1Co 9,15-19.
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rabbiniques à sa manière innovatrice de voir les choses : pour lui, tout esclavage est aboli,
donc dépassé, même celui de la «lettre», aussi il a interprété l’Ancien Testament à partir
du mystère du Christ. Son exégèse est essentiellement christologique. Comme méthode, il
a utilisé la typologie et l’allégorie.
VIII.3. LA CONTESTATION JUDEO-CHRETIENNE
La contestation par des adversaires de tout acabit a été le pain quotidien de Paul.
Les juifs (non convertis à la foi chrétienne) et les judéo-chrétiens ont été, semble-t-il,
ceux qui ont le plus contrecarré son apostolat : les premiers ne lui ont pas pardonné son
intégration au christianisme, ils l’ont considéré comme un renégat; les seconds lui ont
reproché sa grande liberté face à la loi et «aux traditions des pères».
Paul a su accomplir l’unification par sa fougue apostolique, par sa fidélité au
message authentique de l’Évangile et par son sens de l’adaptation. Mais cela ne s’est pas
fait sans heurts et sans oppositions. Chacune de ses lettres contient plus ou moins de
traces de sa vie polémique contre ses adversaires.
A Corinthe, l’église est divisée de l’intérieur par les «partis» (1Co 1—4) mais il y
a aussi l’offenseur (2Co 7,12) et les «super-apôtres» (2Co 11,5) qui sont à l’œuvre
aussitôt après le départ de Paul. Le premier n’est pas facile à identifier; les seconds sont
probablement des judéo-chrétiens, ministres du Christ (2Co 11,25). La deuxième lettre
aux Corinthiens est toute entière rédigée par Paul dans le but de défendre son apostolat. Il
y fait sa propre apologie avec beaucoup de passion. Très souvent même la colère
l’emporte.
L’église de Philippes a été aussi le théâtre de luttes pour la foi. Les «opposants
d’origine juive ou en relation avec le judaïsme» (Ph 3—4) sont à l’œuvre. Paul ne les
ménagera pas. Il avertira ses chrétiens de ne pas se laisser berner par tels apôtres :
«Prenez garde aux chiens! Prenez garde aux mauvais ouvriers! Prenez garde aux faux
circoncis!»
Enfin la lettre aux Galates nous montre une église en pleine crise. Les agitateurs
prêchent «un autre Évangile» et «jette le trouble» parmi les chrétiens (Ga 1,7-8). De plus
ils contestent l’authenticité de l’apostolat paulinien. Ils sapent l’autorité de l’apôtre et ils
font tout pour les détacher de lui. Ils font miroiter à leurs yeux la possibilité d’une grande
sainteté en acceptant la circoncision.
P a g e | 41
Qui sont ces agitateurs? Ils pourraient être des chrétiens d’origine juive hellénisée
pour lesquels la circoncision est un sujet de discussion. Ils pourraient être d’anciens
païens devenus prosélytes juifs avant d’avoir été baptisés. Quoi qu’il en soit ces judaïsant
sont des partisans farouches du judaïsme et ils veulent resserrer les liens avec cette
religion alors que Paul prêche la liberté chrétienne.
Le ministère apostolique de Paul n’a pas été de tout repos et beaucoup de ses
souffrances lui sont venues justement des Juifs. Cependant il faut reconnaître que ces
groupes adverses n’étaient pas l’ensemble de la communauté juive, puisqu’en définitive
beaucoup de chrétiens étaient comme Paul des Juifs convertis (2Co 3,16) qui
comprenaient le vrai sens du message de la libération chrétienne prêchée par lui.
VIII.4. PAUL ET QUMRAN
«Tant Jésus de Nazareth, l’annonceur sinon le fondateur du christianisme que Paul
de Tarse, le premier et le brillant théoricien, appartenaient à la société judaïque la plus
représentative, le second plus encore car culturellement bilingue. La littérature juive qui
s’en dégage impose comme deux majeurs à l’existence et à l’identité judaïque : le Temple
et la Torah. Ces deux réalités constituent l’espace symbolique voir idéologique d’une
double préparation : du Temple métaphorique de chrétiens et de la religion sans Temple
du système rabbinique. Par ailleurs, on s’accordait sur un corps encore mal défini de
livres saints, la loi et les prophètes, disait-on. Les diverges provenaient de l’interprétation
seule.
Les livres de références demeuraient les mêmes pour le judaïsme comme pour le
christianisme. Mais la doctrine chrétienne s’affirmera sur base d’une interprétation
radicale différente, et par elle, s’exprimera la rupture. Quels sont donc les points de
rupture du christianisme par rapport au judaïsme?
1o Avec Jésus de Nazareth et Jean le Baptiste, ainsi qu’avec Paul de Tarse, la
tradition judaïque se trouva libérée des pudeurs de l’anonymat (Maître de justice,
Interprète, Surveillant, Instructeur, Messie, Prêtre… Ces idées nouvelles s’expriment
dans un corps de récits, de messages et bientôt de doctrines, appelées globalement
«Évangile».
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23
Voir l’épître aux hébreux.
24
Cf. A. PAUL, Qumran et les Esséniens. L’éclatement d’un dogme, Paris, Cerf, 2008, p. 89-90.
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25
1Q 21 1 1 3-7.
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manifeste et se réalise. C’est en lui, avec lui et par lui que les hommes sont justifiés,
sauvés, non pas à cause de leurs mérites, mais par la grâce découlant de la mort et de la
résurrection du Christ. Tel message dont Paul a été chargé par Dieu lui-même à
l’intention de toutes les nations sans distinction.
Aussi le chrétien est-il invité à rechercher la connaissance du Christ, c’est-à-dire
la communion avec lui et la participation à sa mort et à sa résurrection. Et cela comporte
une transformation intérieure qui se traduit par la naissance à la vie nouvelle en Christ et
par un comportement désormais régi par l’amour de Dieu et du prochain. Foi et vie,
vérité et morale sont intimement liées et imbriquées, dans cette existence nouvelle dans le
Christ.
«A celui qui peut, par sa puissance qui agit en nous, faire au-delà, infiniment au-
delà de ce que nous demandons et concevons, à lui la gloire dans l’Église et en Jésus-
Christ, pour toutes les générations, au siècle des siècles. Amen». (Ép. 3,20).
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26
Cette deuxième partie est constituée principalement de larges extraits tirés d’un ouvrage collectif :
Maurice CARREZ, Pierre DORNIER, Marcel DUMAIS, Michel TRIMAILLE, Lettres de Paul, de
Jacques, Pierre et Jude, Coll. Petite Bibliothèque des Sciences Bibliques, Nouveau Testament no3, Paris,
Desclée, 1983.
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La lettre que Paul écrit aura donc un double but. Elle sera tout d’abord une lettre
d’action de grâce, de félicitations et d’encouragement. Dans le cadre d’une action de
grâce qui se prolonge sur les trois premiers chapitres, Paul se réjouit de la fécondité de
l’œuvre d’évangélisation réalisée à Thessalonique et il encourage ses chrétiens à affermir
leur foi au milieu des persécutions (1—3). Il entrepend ensuite de corriger les déviations
qui se dessinent dans la communauté. Il répond aux inquiétudes suscitées par les décès
survenus et la vive attente de la Parousie (4,13—5,10). Il exhorte la communauté à une
version de vie sur les points particuliers du laxisme sexuel (4,1-8), de l’amour fraternel
(4,9-10) et de l’oisiveté (4,11-12).
I.1.3. L’AUTHENTICITE ET LE BUT DE 2 THESSALONICIENS
Si l’authenticité paulinienne de 1Th n’est pas sérieusement mise en doute, il n’en
est pas ainsi de 2 Th. Les opinions sur son origine sont partagées.
Selon certains, 2Th ne peut pas avoir été écrit par Paul, pour deux raisons
principalement :
L’enseignement de 2Th 2,1-12 s’oppose à celui de 1Th 5,1-6. La première épître
enseigne l’arrivée soudaine et imprévisible de la Parousie. La deuxième affirme que des
signes bien perceptibles vont précéder cette arrivée. De plus, jamais dans la suite de ses
écrits Paul ne fera allusion au scénario précurseur de la Parousie décrite en 2Th : la
montée de l’apostasie et la venue de l’Antichrist.
Le vocabulaire, le style et la structure de deux écrits ont beaucoup de
ressemblances. Des phrases entières de 1Th semblent reprises en 2Th presque mot à mot.
Pour en avoir une idée, on compare les trois premiers versets de chacune des épîtres. 2Th
aurait été écrit plusieurs années après 1Th par un écrivain chrétien qui connaissait 1Th et
avait pour but de compléter l’enseignement de cette épître sur les événements des
derniers temps.
Quel qu’en soit l’auteur, il ne fait pas de doute que la deuxième lettre a été écrite
essentiellement pour présenter le scénario apocalyptique du ch. 2,1-12. L’auteur de la
lettre a voulu répondre aux questions et aux inquiétudes de certains chrétiens qui
s’étonnaient de ce que le jour du Seigneur n’arrivait pas aussi rapidement qu’ils l’avaient
escompté.
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Les deux lettres aux Thessaloniciens ont depuis toujours été considérées dans
l’Église comme inspirées et faisant partie du canon des Écritures.
I.2. LA STRUCTURE DE 1 ET 2 THESSALONICIEN
I.2.1. 1THESSAOLNISIEN
1,3-10 : le vécu des Thessaloniciens.
2,1-12 : le vécu des apôtres lors de la fondation de l’église.
2,13-16 : le vécu des Thessaloniciens. Paul rend grâce de ce que les Thessaloniciens ont
bien accueilli la Parole au milieu des persécutions subies de la part de leurs compatriotes.
2,17—3,8 : le vécu des apôtres depuis la fondation de l’église.
4,2-8 : la sainteté. Dieu donne son Esprit pour vivre son appel à la sainteté.
4,9-12 : l’amour fraternel.
4,13-18 : l’espérance pour les morts au moment de la Parousie.
5,1-11 : la vigilance. Le jour du Seigneur viendra à l’improviste, comme un voleur.
5,12-22 : les exigences de la vie communautaire.
5,23-28 : Souhaits et salutations.
I.2.2. 2THESSALONICIEN
2Th est très semblable à 1Th quant au vocabulaire et aux thèmes abordés. Sa
structure également s’apparente à celle de 1Th, tout en étant plus simple.
1,1-2 : Adresse et salutations
1,3-12 : Action de grâce pour le vécu théologale.
2,1-12 : Les signes qui précéderont la Venue du Seigneur.
2,13-17 : Action de grâce pour l’élection par Dieu des Thessaloniciens.
3,1-15 : Directives pour la vie chrétienne.
3,16-18 : Souhait et salutations.
Pour chaque section de 2Th on trouve des parallèles dans 1Th, excepté pour 2,1-
12. Cette section traite de la Venue du Seigneur comme 1Th 4,13—5,11, mais elle porte
des éléments nouveaux d’enseignement qui ne sont pas dans la première lettre. Selon
2Th2,1-12, le jour de la Parousie ne viendra pas avant que ne se soient produits deux
événements : la révélation de l’impie et l’apostasie.
I.3. LA THEOLOGIE DES LETTRES AUX THESSALONICIENS
I.3.1. LA VIE CHRETIENNE
P a g e | 55
uns pour les autres (1Th 3,12). Cette croissance, finalement, est un don du Seigneur (1Th
3,12).
Si les chrétiens peuvent vivre les valeurs théologales, c’est parce qu’ils ont été choisis
et appelés par Dieu (1Th 1,4; 2,12; 4,7; 5,24; 2Th 1,11; 2,13-14). La prise de conscience
de l’amour et de l’appel de Dieu ainsi que leurs fruits de vie théologale conduit Paul à
l’action de grâce (1Th 1,2-4) Paul invite par le fait ceux-ci à se reconnaître aimés et élus
de Dieu et entrer dans un même mouvement d’action de grâce. L’être et l’agir des
chrétiens tout à la fois manifestent la gloire du Seigneur et les rendent participants à cette
même gloire (2Th 1,12).
I.3.2. LA SPIRITUALITE MISSIONNAIRE
L’élection chrétienne reste mystérieuse. Elle n’est connue que par les signes
qu’elle produit. Paul en a retenu deux : tout d’abord l’attitude des fidèles qui accueillent
la Parole (1Th 1,6; 2,13-14), mais aussi l’attitude des apôtres qui leur ont transmis cette
Parole (1Th 1,5; 2,1-12).
L’annonce de l’Évangile à Thessalonique a été un événement de grâce (1Th 1,5).
La parole proclamée n’est pas que parole d’homme, mais parole de Dieu (1Th 2,13). Elle
possède une force propre, une efficacité spéciale qui lui vient de la puissance même de
l’Esprit Saint (1Th 1,5). En la transmettant avec cette assurance qui provient de Dieu
(1Th 2,2), Paul a le sentiment d’exercer une paternité spirituelle qui lui permet de s’offrir
à l’imitation de ses «enfants» (1Th 1,6; 2,11; 2Th 3,9).
L’annonce de la Parole, pour être authentique, pose des exigences chez le
missionnaire. En 1Th 2,1-12, Paul livre un peu de sa spiritualité missionnaire. Ce passage
permet de dégager six caractéristiques d’un apostolat authentique :
1. Le courage (v. 2)
2. La motivation saine (v. 3-6)
3. L’affection humaine (v. 7-8)
4. La disponibilité et la gratuité (v. 9)
5. L’authenticité de vie (v. 10)
6. L’interpellation adaptée à chacun (v. 11-12).
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Paul considère de son devoir de prier pour les chrétiens dont il est responsable :
une prière qui est d’abord action de grâce (1Th 1,2; 2,13; 3,9; 2Th 1,3; 2,13) mais aussi
demande (1Th 3,10-13; 5,23-24; 2Th 2,16-17; 3,5-16).
I.3.3. LA PAROUSIE
Les deux lettres aux Thessaloniciens ont été écrites à une communauté qui
attendait vivement la Venue (Parousie) 27 du Seigneur. Paul donne un enseignement sur
cette Venue dans trois passages où il répond aux questions et préoccupations de la
communauté chrétienne (1Th 4,13-18; 5,1-11; 2Th 2,1-12).
a) Tous unis au Seigneur
En 1Th 4,13-18, Paul répond à un premier problème que se posait la
communauté : les chrétiens qui sont morts vont-ils ressuscités pour la parousie? Seront-ils
là pour participer au règne du Seigneur? Paul répond que les morts dans le Christ (v.16)
ne seront pas désavantagés par rapport aux vivants. Ils ressusciteront d’abord et c’est tous
ensembles, vivants et morts, que nous irons à la rencontre du Seigneur pour participer à
sa gloire et demeurer pour toujours avec lui (v.17).
Notre espérance est fondée sur le Christ ressuscité et la puissance de Dieu qui l’a
ressuscité (v. 13-14). La réalité nouvelle qui nous attend et motive notre espérance tient
en cette phrase : Tous ceux qui auront vécu unis au Christ se verront unis ensembles et
avec le Seigneur pour toujours (v.17).
b) Le moment de la Parousie
Une deuxième question hantait les Thessaloniciens : quand se produira la Parousie
du Seigneur (5,1)? Bien que partageant leur attente d’une Venue prochaine du Seigneur
(cf. «nous les vivants» 4,15; voir 1Co 15,51), Paul affirme que la réponse à cette question
est incertaine. Nul ne connaît le Jour du Seigneur. Il viendra à l’improviste, «comme un
voleur dans la nuit» (5,2). Soyons donc toujours prêts et vigilants (5,4-6). Cet
enseignement de Paul reprend celui de Jésus dans les Évangiles (Mt 24,36-44).
La question du moment de la Parousie n’est pas une question importante. La seule
chose urgente, c’est que les chrétiens se montrent «fils de la lumière, fils du jour» (5,5),
c’est-à-dire qu’ils vivent dans la foi, l’amour et l’espérance (5,8).
27
«Parousie» provient du grec parousia, employé sept fois dans nos épîtres et signifiant la «présence» ou la
«venue». L’espérance juive était centrée sur l’attente du Jour du Seigneur, qui correspondait à l’instauration
de l’ère messianique. Plus tard, dans ses autres épîtres, Paul expliquera que la Venue du Seigneur s’est déjà
opérée dans la résurrection du Christ et le règne messianique est inauguré.
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28
BUSCEMI, San Paolo, pense à l'an 5'; mais on peut aussi avancer à l'an 56 (Cf. allusion à la Pâque en 5,7-
8)
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Ces nouvelles alarmantes parviennent à Paul lors de son séjour à Ephèse au cours de
son troisième voyage (Ac 19; 1 Co 1,11). D'autres nouvelles inquiétantes lui arrivaient : un
cas d'inceste (5,1-13); le procès entre chrétiens devant les tribunaux païens (6,1-11), des cas
de débauche (6,12-20); des désordres dans la célébration de l'Eucharistie (11,2-34); des
erreurs doctrinaux concernant la résurrection. Les Corinthiens avaient aussi posé certaines
questions à Paul concernant la virginité et le mariage (1 Co 7); la viande offerte aux idoles
(1 Co 8 - 10); l'usage de dons spirituels (12 -14).
On peut déduire de 2 Co 1,12 – 2,13 que Paul a écrit la 2 Co pour justifier sa propre
décision d’annuler le voyage programmé. Pour cette raison, certains l’ont accusé de légèreté
dans sa décision. Alors il écrit pour justifier son agissement. Ce prétexte contingent le
conduit à écrire une véritable justification théologique de son ministère apostolique (Cf.
aussi Paul de Tarse (LD 165 : Paul et l’exercice de l’autorité apostolique), Cerf, Paris, 1996,
pp. 119-138) qui va de 2,14 à 7,4. Les principes théologiques sont rappelés en fonction de la
justification et de la définition qu’il donne de son ministère apostolique.
Même chose dans les chapitres suivants. Pour convaincre les Corinthiens à être
généreux, Paul évoque des principes de foi en 2 Co 8-9. De même dans les chapitres 10-13,
Paul défend sa personne et sa dignité d’apôtre contre les accusations de ses adversaires. Là
aussi il utilise des principes de la foi.
29
Jean ROUQUETTE, "Un seul corps", nourriture et sexualité dans la première épître aux Corinthiens", in
Le corps et le corps du Christ dans la première épître aux Corinthiens (LD 114), 143-145, Paris, Cerf, 1983
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En 11, 18 Paul dit avoir entendu qu’il y a la division dans la célébration de la Cène.
Et il ajoute qu’il y croit. Donc il ne s’étonne pas, car il sait déjà qu’il y a division dans les
idées dont il a parlé amplement dans les chapitres 1-4. Les divisions que les Corinthiens
portaient dans leurs cœurs se manifestent donc dans les réunions cultuelles aussi. Paul ne
s’en étonne donc pas. Alors les deux passages ne sont pas contradictoires.
En 8,1-13 et 10,23 – 11,1 Paul reconnaît aux chrétiens la liberté de manger les
viandes sacrifiées aux idoles ; mais il conseille d’y renoncer dans le cas où cela offenserait
la conscience des faibles et les ferait retomber dans l’idolâtrie. C’est pourquoi, après avoir
rappelé l’histoire des pères au désert, qui furent rentrés à l’idolâtrie (10,1-13), il exhorte les
Corinthiens à prendre distance par rapport à l’idolâtrie ; et donc à ne pas manger les viandes
sacrifiées aux idoles, si pour eux manger ces viandes signifie être en commun avec les
démons (10,14-23). De cette admonition, il reprend le sujet en 10,23 – 11,1 pour réaffirmer
le principe général déjà lancé en 8,1-13.
La conclusion tirée de l’enseignement de Paul est la suivante : « A celui qui croit,
tout est permis ; mais par respect à ne pas manger la viande sacrifiée aux idoles ». En 8,1 –
11,1 Paul change d’affirmation en fonction d’interlocuteur différent : « les forts » et « les
faibles » dans la foi.
Les trois titres : Jésus, Christ, Seigneur sont empruntés à la tradition. Mais 1Co
1,24 présente Christ comme «puissance de Dieu» (traditionnel) et comme «sagesse de
Dieu» (nouveau titre). En 1Co 10,4, «le Rocher» est le symbole du Christ préexistant ; en
1Co 15,45, il semble bien que «le dernier Adam» soit une création de Paul. Les novations
sont peu nombreuses. La dépendance à l’égard du christianisme primitif est plus grande
qu’on ne le suppose souvent.
De la vie de Jésus, Paul a retenu la belle formule christologique qui montre son
abaissement et qui est d’un mouvement semblable à Ph 2,6-8, à savoir 2Co 8,9. Sa
douceur et sa bonté 2Co 10,1 ; 5,16-17 ne semble pas faire allusion à une connaissance
historique du Christ, mais bien plutôt à une connaissance que Paul aurait eue de lui à vues
humaines. Ce même texte montre le pouvoir créateur du Christ. «Si donc quelqu’un est
dans le Christ, il est une création nouvelle ; le monde ancien est passé, une nouvelle est
là».
Le Christ, second Adam, ouvre une nouvelle lignée parmi les hommes. Il est
esprit qui donne la vie (1Co 15,45-47). Trois précisions sur la mort sont rapportées par 1
et 2Co : «Christ est mort pour nos péchés» (1Co 15,3), «un seul pour tous» (2Co 5,14),
«Celui qui n’avait pas connu le péché, Dieu l’a, pour nous, identifié au péché» (2Co
5,21). Paul créera une expression pour exprimer la forte communion avec le Christ : «En
Christ» exprime ainsi le lien actuel et «avec Christ» le lien eschatologique. De plus, Paul
n’a pas limité son regard à l’humanité. En 1Co 8,6, il affirme que résident dans le Christ
tous les pouvoirs qui donnent existence à l’univers et qui le maintiennent ensuite : «Il n’y
a pour nous qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et pour qui nous existons ; et un
seul Seigneur, Jésus Christ, par qui sont toutes choses, et nous par Lui…».
L’Esprit comme le Christ habite dans les croyants (1Co 3,16) qui «sont justifiés
par l’esprit de notre Dieu» (1Co 6,11). Enfin en 2Co 2,13-18, le Seigneur Christ libère
par l’Esprit le sens spirituel des Écritures.
P a g e | 64
II.3.2. L’ECCLESIOLOGIE
L’ecclésiologie est largement présente, soit par l’usage abondant du mot église,
soit par la présence de la réalité même. Tantôt le mot ecclésia est employé au singulier ;
l’église ou la communauté, tantôt il est au pluriel : les églises. L’église peut être en
rapport avec un lieu : Cenchrée pour Corinthe en Rm 16,1ss ; Corinthe 1Co 1,2ss ; 2Co
1,1ss, de l’Asie 1Co 16,19ss, l’église qui est dans la maison d’Aquila et de Prisca 1Co
16,19ss, les églises de Galatie 1Co 16,1ss, ou de Macédoine 2Co 8,1ss.
L’Église est l’objet d’une croissance de la part de Dieu (1Co 3,6) et d’une
édification (1Co 3,9-11 ; 14,5.12.26 ; 2Co 12,19). L’Église est le temple de Dieu,
sanctuaire de l’Esprit de Dieu (1Co 3,16). Si les groupes humains sont multiples et
pluriels, l’Église est unique. Nous sommes un seul corps, et nous en sommes les membres
(1Co 12,12 ; 6,15-17), membres du Christ. De ce fait, les croyants appartiennent encore à
ce siècle, mais sont aussi déjà dans l’autre (1Co 1,11 ; 2Co 4,4), en marche vers l’homme
renouvelé (2Co 7,31).
C’est sans doute dans les épîtres aux Corinthiens que se manifeste le mieux la
tension de la vie chrétienne entre le «déjà sauvé» et le «pas encore» dans le Royaume de
Dieu, entre notre vie promise à la résurrection et déjà inspirée actuellement par ses effets
et notre vie non encore ressuscitée (1Co 15,1-58 ; 2Co 5,1-10).
II.3.3. LA MISSIOLOGIE
L’église de Corinthe est une église apostolique parce que Paul en a posé une fois
pour toutes le seul fondement valable, à savoir, Jésus-Christ (1Co 3,10-11). Son apostolat
représente la totalité du groupe apostolique. Les Corinthiens seront une église de Dieu en
acceptant d’imiter l’apôtre (1Co 4,16 ; 11,1), il leur faut pour cela exercer le ministère de
P a g e | 65
la Nouvelle Alliance (2Co 3,3-6). De ce fait, l’Église de Corinthe, par son existence
même, est comme un sceau qui authentifie la mission apostolique de Paul (1Co 9,2),
marquée elle-même du sceau du Christ (2Co 1,22).
Cette apostolicité ne garde sa valeur que par le maintien du seul Évangile (2Co
11,4-5). Elle veille précisément sur ce qui empêche la foi de dériver vers un «autre»
Évangile. A ce prix, toute la communauté, Apôtre y compris, animée par un même Esprit,
resplendit et reflète la glorieuse présence du Seigneur (2Co 3,18—4,6). A ce titre, le
ministère de la réconciliation, C’est-à-dire celui de l’accueil de tous par le Christ, s’il est
en premier lieu celui de Paul et des Apôtres, est aussi celui de toute la communauté : tous
ambassadeurs au nom du Christ et chargés d’adresser l’appel de Dieu (2Co 5,19-20).
De même que l’apôtre est solidaire des autres apôtres, une communauté
apostolique est solidaire des autres communautés : Corinthe est une communauté
œcuménique (1Co 16,1-4 ; 2Co 8—9). L’apostolicité d’origine et en quelque sorte
fondatrice de Jérusalem se trouve interpellé par l’universalité intensive (locale, Corinthe)
et extensive (dans l’espace : Thessalonique, Philippes, Troas, Éphèse, Colosses…). Les
points forts de certaines communautés sont mis en tension avec les points faibles des
autres : les différences de vie, d’intensité, de formulation deviennent sources
d’approfondissement.
C’est l’hymne à l’amour (1Co 1-13) qui est le plus explicite : l’amour ne disparaît
jamais, c’est-à-dire qu’il n’est pas atteint par la mort et qu’il appartient aussi bien au
présent qu’à l’avenir des temps de la perfection : L’Amour et l’avenir eschatologique.
L’agapê, c’est l’amour du Christ en nous. Secret de la vie apostolique, il est aussi
le secret de la vie de tout croyant : «L’amour du Christ nous étreint à cette pensée qu’un
seul est mort pour tous et donc que tous sont morts. Il est pour tous afin que ceux qui
vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour
eux» (2Co 5,14-15). «Dans l’amour» devient alors synonyme de «en Christ» (1Co 13,4-
P a g e | 66
7 ; 16,24) ou de «avec Dieu» (2Co 13,11). Dans tous les textes où l’apôtre Paul décrit
l’amour du chrétien, il est possible de substituer Christ à amour, on obtient alors un
saisissant portrait du Christ : L’Amour et le Christ.
Pour terminer 2Co en associant dans une formule trinitaire : grâce et communion
(2Co 13,13) aussitôt après avoir évoqué le Dieu d’amour et de paix. Les dons les plus
extraordinaires n’ont aucune valeur sans l’agapê (1Co 13,1-3). Les signes de l’esprit sont
ainsi un amour authentique (2Co 6,6 ; 8,8) voir la douceur (1Co 4,21). Celui qui possède
l’amour est lui-même possédé par Dieu (2Co 8,24) : L’Amour et l’Esprit Saint.
La plupart des textes déjà cités pour mettre en valeur le lien plus qu’étroit entre
amour et Christ ou bien amour et Saint Esprit pourraient aussi intervenir dans la
description de la vie chrétienne. Ainsi 1Co, 13,13 ; 2Co 5,14 ; 8,7. C’est que l’amour est
un fruit, une grâce, un don, un esprit saint, une force, un dynamisme, une plénitude.
L’amour est la voie par excellence qui inspire la vie quotidienne du croyant : L’Amour et
la Vie Chrétienne.
Il ne s’inquiète pas de ses résultats. Aimer davantage quitte à être moins aimé
(2Co 12,15). L’amour ne vise pas son propre intérêt, ne recherche pas sa propre
satisfaction, s’oppose à l’égoïsme (1Co 13,5) et trouve sa joie dans la vérité (1Co 13,6).
Tout le chapitre 13 de 1Co serait à commenter. Mais Paul insiste sur le caractère public et
démonstratif de l’amour à l’opposé du zèle rusé et captateur (2Co 8,7-8.24). C’est la
présence du Christ au sein même des relations avec les autres : L’Amour Fraternel.
De plus, ces deux éléments combinés ont permis à l’apôtre d’enrichir en reliant
esprit saint et amour ; ce lien donne à l’amour son caractère d’authenticité et de vérité.
C’est en ce sens que l’hymne à l’amour est profondément christologique, théologique et
pneumatologique.
résurrection du Christ dans le passé ou sur celle des croyants dans l’avenir, mais bien
encore sur les effets quotidiens de la résurrection dans la vie des croyants. Les
affirmations n’ont pas encore pris le caractère spécifiquement existentiel que l’on
trouvera en Colossiens, mais ces dernières sont déjà annoncées. Aux deux événements
qui bordent le temps nouveau, résurrection du Christ et résurrection des croyants, Paul
ajoute la nouveauté de vie qui est la marque constante du baptême avec le ressuscité.
30
Roland MEYNET,"Composition et genre littéraire de la première section de l'épître aux Galates", in
Paul de Tarse (LD 165), p. 51-64
P a g e | 69
L’épître aux Galates est bien plus qu’un texte apologétique, dans lequel Paul
défendrait sa propre conception de la mission. Ce qui est en jeu, ce n’est pas une
«pastorale», une méthode missionnaire particulière, c’est la nature même de l’Évangile,
sa «vérité» (2,5.14). Qu’il y ait deux types possibles d’évangélisation, l’un adapté aux
circoncis, l’autre aux païens, Paul ne le conteste pas. (2,7-9). Mais il n’y a et ne peut y
avoir qu’un seul Évangile, annoncé par tous les apôtres (cf. 1Co 15,11), Evangile que
Paul résume en quelques versets d’une densité exceptionnelle (2,16-21).
L’homme n’est pas justifié par la pratique de la Loi, mais seulement par la foi au
Christ Jésus (2,16). L’accès à la justification est le même pour le juif et pour le païen, en
sorte que l’on peut dire, à ce niveau, que les anciennes catégories n’ont plus cours : «Il
n’y a plus ni Juif, ni Grec, ni esclave ni homme libre» (3,28).
L’épître aux Galates est par excellence la charte de la liberté chrétienne, comme le
montre d’ailleurs la répétition du substantif eleutheria (liberté : 2,4 ; 5,1.13) de l’adjectif
eleutheros (libre : 3,28 ; 4,22.26) et du verbe eleutheroun (libérer : 5,1). Ce ne sont pas là
simplement des mots, car «c’est pour que nous soyons vraiment libres que le Christ nous
a libérés» (5,1). Paul caractérise ses adversaires en disant qu’ils sont «des faux frères, des
intrus qui, s’étant insinués, épiaient notre liberté, celle que nous avons en Jésus Christ»
(2,4). La «vérité de l’Évangile», c’est d’être l’Évangile de la liberté.
L’écriture affirme clairement qu’Abraham a été justifié par la foi (Ga 3,6 citant
Gn 15,6). La déclaration catégorique de Gn 15,6 est d’ailleurs conforme au principe
général qu’on peut lire en Ha 2,4 : «celui qui est juste par la foi vivra». Prétendre qu’on
est justifié par la loi est donc contraire à l’Écriture. De plus, l’expérience ne montre-t-elle
pas que la loi a été incapable de justifier qui que ce soit ? (Ga 3,22).
Quand Abraham a été justifié par la foi, il n’y avait pas encore de loi : celle-ci
n’est venue que 430 ans plus tard (3,17) ; elle ne peut donc être la cause de la
justification. Et qu’on ne dise pas que le dessein de Dieu a pu être modifié au cours des
âges, la loi venant abolir ce que la Promesse avait fixé. Les promesses faites à Abraham
sont un «testament» solennel, le testament de Dieu, qui ne peut être modifié par aucune
disposition, subséquente (3,15).
P a g e | 70
Ce que Dieu a promis à Abraham et à tous les peuples, c’est la bénédiction. Les
bénédictions promises à Abraham ne concernaient pas seulement un peuple particulier,
mais toutes les nations (Gn 12,3). Ce n’est donc pas par la descendance charnelle que
l’on est fils d’Abraham, mais par la foi31.
Les judaïsant se réclament d’Abraham par une filiation toute charnelle, et non par
celle de la foi en la promesse. Or, si l’on se réfère au cas d’Abraham, on voit que la
filiation charnelle (celle d’Ismaël) est celle de l’esclavage, alors que celle qui résulte de la
foi en la promesse (celle d’Isaac) est celle de la liberté. Seuls donc ceux qui sont fils
d’Abraham selon la foi (païens aussi bien que Juifs) deviennent héritiers de la promesse
et accèdent à la liberté (4,22-31).
Paul souligne la distance entre la Loi et Dieu en ajoutant : la Loi a été promulguée
par les anges, ce qui lui confère une infériorité au regard d’une promesse directe de Dieu.
Ensuite cette Loi a été transmise par la main d’un médiateur : Moïse a eu affaire à un
ange. Paul ne s’intéresse ainsi qu’à la signification actuelle et à l’autorité de la Loi.
31
Cf. L. CERFAUX, L’itinéraire spirituel de saint Paul, Paris, Cerf, 1966, p. 98.
32
IDEM, p. 100.
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Il convient de noter les passages dans lesquels le mot chair n’a pas de sens
péjoratif ni même de portée morale. Il désigne alors l’humanité en générale (2,16), soit la
nature humaine considérée dans le domaine qui lui est propre : 1,16 ; 2,20 ; 4,13.23 ;
6,13. Ces passages ne sont pas à prendre en considération.
En d’autres cas, la chair est considérée comme liée aux réalités qui ont fait leur
temps (la Loi, la Servitude). Elle s’oppose alors à l’Esprit qui est l’agent des temps
nouveaux. Lorsque les Galates sont tentés d’adopter les pratiques du judaïsme, ils n’ont
pas conscience d’en venir à la chair, alors qu’ils avaient commencé par l’Esprit (3,3).
C’est l’Évangile du crucifié que Paul a prêché aux Galates, dès le début de son
séjour parmi eux (3,1), quitte à ce que cette annonce soit apparemment scandaleuse
(3,13). Un véritable apôtre est «crucifié avec le Christ» (2,19) ; c’est là le seul titre de
gloire qu’il puisse revendiquer. Plus largement, «tous ceux qui sont au Christ ont crucifié
la chair avec ses passions et ses désirs» (5,24) Source de grâce et de salut, la croix du
Christ est une exigence de vie pour tout chrétien. Il n’y a là ni masochisme ni dolorisme
morbide, car la mort en croix avec le Christ débouche sur la vie véritable (2,20-21), sur la
nouvelle création (6,15).
La date à laquelle l'Evangile parvint à Rome est inconnue de même, d'ailleurs, que le
nom des premiers évangélisateurs de la ville. On peut raisonnablement penser que ce fut
dans les années quarante de notre ère, et que les missionnaires s'adressèrent d'abord aux
Juifs qui posaient sur place de plusieurs synagogues. La première trace historique d'une
présence chrétienne à Rome se trouve être un édit de Claude par lequel les Juifs de la ville
en furent expulsés. L'historien romain Suétone (70-128 ap. J.-C.) connaît cet édit : "Comme
les Juifs se soulevaient continuellement à l'instigation de Khristos, il (Claude) les chassa de
Rome" (Suétone, Vie de Claude, XXV).
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Les Actes des Apôtres sont témoins du même événement. Lorsque Paul arrive à
Corinthe au cours de son second voyage missionnaire, en 49 ou 50, il trouve sur place un
couple de Juifs déjà chrétiens, Aquilas et Priscille, qui viennent précisément d'arriver à
Rome à la suite de l'édit de Claude : "Après cela, s'étant éloigné d'Athènes, il (Paul) vint à
Corinthe. Et, ayant trouvé un Juif du nom d'Aquilas, originaire du Pont, récemment arrivé
d'Italie, ainsi que Priscille sa femme, du fait que Claude avait prescrit à tous les Juifs de
s'éloigner de Rome, il fit connaissance avec eux; et du fait qu'ils étaient du même métier, il
se mit à demeurer chez eux et travailler; ils étaient en effet, de leur état, fabricants de tentes"
(Ac 18,1-3).
La date de l'édit de Claude est controversée. Claude règna de 41 à 54 de notre ère.
Selon certains témoignages, l'édit daterait du début de son règne, c'est-à-dire des années 41-
42; selon d'autres, il faudrait le reporter aux années 49-50. Quoi qu'il en soit de la
chronologie précise, la mesure impériale fut suivie d'effets : tous les Juifs de Rome durent
quitter la ville. La communauté juive non chrétienne se vida complètement. Et il ne resta de
l'Eglise sur place que quelques membres d'origine païenne qui avaient rejoint les juifs
chrétiens dans un même attachement au Christ.
Claude mourut sur ces entrefaites, en 54. Sa mort fut perçue par les juifs de Rome
exilés comme l'occasion de rentrer chez eux. Néron, son successeur, favorable aux courants
religieux originaires d'Orient, ne s'y opposa pas. De retour dans la capitale, les Juifs
chrétiens trouvèrent une communauté chrétienne qui avait grandi sans eux et qui, de ce fait,
avait perdu contact avec ses racines juives. Elle ne respectait plus les fêtes juives ni les
règles alimentaires de la Kashrout, plus rien des observances de la Tora constitutives de la
jeune communauté chrétienne avant l'édit de Claude. Il en résulta de nouvelles dissensions,
non plus au sein de la communauté juive comme celles qui avaient provoqué la décision
impériale, mais cette fois-ci entre chrétiens. Les chrétiens d'origine juive n'étaient pour ainsi
dire plus chez eux à leur retour, subissant des pressions de la part des pagano-chrétiens pour
qu'ils abandonnassent toute pratique de la Tora (Rm 14,1 - 15,13). Telle est sans doute la
situation délicate par laquelle passe l'Eglise de Rome lorsque Paul lui écrit.
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Paul, pendant ce temps, séjourne trois mois à Corinthe au cours de son troisième
voyage missionnaire (Ac 20,2). Il envisage de quitter bientôt la ville et de rentrer à
Jérusalem pour y porter l'argent qu'il a collecté auprès des communautés qu'il a fondées.
Mais il a peur d'y être mal reçu. Les positions qu’il a prises depuis quelques années en tant
qu'apôtre des païens sont en effet peu acceptées de Jacques de Jérusalem et de son entourage
(Ga 2,11-14). Il craint même que les responsables de l'Eglise mère ne le renvoient avec son
argent, ce qui serait la pire des humiliations (Rm 15,30-33).
Ainsi s'explique pour une part l'intérêt que Paul porte à la loi et à la question juive
dans l'épître aux Romains. L'oeuvre n'est pas du tout, comme on l'a longtemps affirmé, un
traité intemporel dans lequel Paul se plairait à synthétiser sa pensée, mais bien un écrit de
circonstance, comme d'ailleurs toutes ses autres lettres. Rédigée à Corinthe pendant un
séjour de trois mois assez mouvementé du fait des difficultés locales, elle puisa ses
caractéristiques dans les circonstances qui l'aident à voir le jour : sa vigueur sa compléxité,
son unité profonde. Nous sommes sans doute, selon la chronologie qui tend aujourd'hui à
s'imposer, en l'an 54 de notre ère.
importante pour la compréhension du texte. Loin d'être un traité théorique dans lequel Paul
exposerait l'essentiel de sa théologie à un public virtuel, l'épître aux Romains se révèle alors
être une oeuvre de circonstance, bel et bien adressée ! une Eglise particulière. Et cela
conditionne le propos, y compris ce qui y est écrit de la loi.
Au chrétien d'origine juive qui est attaché à la loi, il fallait montrer que la loi elle-
même énonce ses propres limites, en même temps elle annonce l'Evangile. C'est un long
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travail de déconstruction (relatif au statut et à la fonction de la loi) qu'opère Paul ( Cf. Aletti,
Israël et la loi, L.D. 173, couverture, page finale)
Dans la langue française, le mot justice est ordinairement compris comme désignant
la vertu qui demande que l’on rende à chacun son dû. Il implique une idée d’équivalence
entre deux valeurs : il est «juste» de compenser un dommage subi, par une réparation
correspondante. Tel n’est pas le sens qui convient quand il s’agit de la «justice de Dieu».
C’est dans cette ligne qu’il faut comprendre le verbe justifier. Dire que Dieu justifie
l’homme ne signifie pas qu’il lui donne raison, qu’il reconnaît son innocence ou ses
mérites personnels, qu’il proclame son «bon droit». Cela veut dire que, librement, par
fidélité à lui-même, Dieu prononce sur l’homme un verdict de grâce qui le sauve du
péché et lui donne, de façon totalement gratuite, accès aux biens de la promesse. Dès lors,
tout orgueil humain est disqualifié. Il n’est demandé à l’homme que de recevoir, dans
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l’humilité et la confiance, une grâce qui ne relève pas de ses mérites antérieurs. Il est
justifié non parce qu’il était dans son bon droit, mais parce que Dieu est fidèle.
La justification, dont il est question en Rm, c’est la situation nouvelle dans laquelle se
trouve désormais l’homme «gracié», c’est-à-dire objet de la grâce. Dire que Dieu déclare
l’homme juste, c’est dire qu’il le crée réellement tel ; le Nouveau Testament n’hésite pas
à parler de nouvelle création (Ga 6,15), ou de résurrection (Rm 6,3-11). L’homme justifié
vit de l’Esprit qui habite en lui (8,9), qui le conduit (8,14), après l’avoir fait enfant de
Dieu, donc héritier de Dieu et cohéritier du Christ (8,17 ; Ga 4,6-7).
b) LA FOI
C’est par la foi que l’homme accède à la justification. La foi dont il s’agit ici n’est pas
d’abord l’adhésion intellectuelle à un certain catalogue de vérités, mais une remise totale
de l’homme à Dieu considéré comme seul capable de la sauver. Elle pourrait s’exprimer
simplement par cette prière du publicain de la parabole : «Fais miséricorde au misérable
que je suis» (Lc 18,13). C’est pour avoir eu cette attitude d’humble accueil à l grâce que
le publicain «descendit chez lui justifié» (Lc 18,14).
Il est important de remarquer que Paul ne dit jamais que la foi justifie (comme si le
croyant, par sa foi, était l’auteur de sa justice). Il affirme toujours que c’est Dieu qui
justifie «par» la foi ou que l’homme est justifié (sous-entendu par Dieu) «par la foi», «au
moyen de» la foi.
Il faut bien comprendre que Paul ne s’intéresse pas au premier Adam pour lui-
même, mais seulement dans la mesure où il met en valeur le second. Ce n’est pas d’abord
d’Adam mais du Christ que Paul va parler. C’est l’incorporation au Christ qui mène
l’apôtre à présenter Adam comme celui en qui toute l’humanité est incluse, perspective
qui est celle des contemporains de Paul.
IV.3.4. LE BAPTEME
baptême. La vie chrétienne est l’expression concrète du mystère pascal, auquel le baptisé
a été configuré, «assimilé» (Rm 6,5).
En dépit de la brièveté de ses séjours à Philippes, Paul resta toujours attachés aux
chrétiens de cette ville. C’est avec une tendresse toute particulière qu’il s’adresse à eux
(Ph 1,7-8 ; 4,1.10). La lettre aux Philippiens «est la plus affectueuse, la plus tendre de
toutes celles que Paul a écrites. C’est une suite d’effusion qui défie l’analyse» (Osty).
Faisant exception à la règle qu’il s’est fixée (1Co 4,12 ; 9,15.18 ; 1Th 2,9 ; 2Th 3,8 ; Ac
20,34), Paul accepte de recevoir des Philippiens de l’argent et des secours (Ph 4,10-16 ;
2Co 11,8-9), ce qui témoigne d’une simplicité de rapport dont on n’a pas d’autres
exemples dans la carrière de l’apôtre.
L’Apôtre exprime ses idées au fur et à mesure qu’elles lui viennent à l’esprit
1. L’adresse de la lettre 1, 1-2
2. L’action de grâce 1,3-11
3. Les nouvelles personnelles 1,12-26
4. Première série d’exhortation 1,27—2,18
se glorifier de ses mérites ; il n’a aucune raison de «s’enorgueillir» (3,3), verbe qui
souvent revient en Rm, 1Co et plus encore en 2Co. Succomber à cette tentation d’orgueil
serait faire fi de la croix du Christ (3,18 ; cf. Ga 6,12-14).
V.3.2. L’EVANGILE
Or, si courte que soit l’épître aux Philippiens, le thème de l’Évangile y revient très
souvent. Paul est voué à la défense de l’Évangile (1,16) ; peu importe qu’il soit
prisonnier, puisque sa captivité tourne au profit de l’Évangile (1,12). S’il loue les
Philippiens, ce n’est pas seulement à cause de leur générosité, mais encore parce qu’ils
ont «pris part à l’Évangile» (1,5), à la «défense et l’affermissement de l’Évangile» (1,7),
à l’exemple de Timothée, ce fidèle «serviteur de la cause de l’Évangile» (2,22). Les
croyants doivent lutter pour l’Évangile (4,3), «mener une vie digne de l’Évangile» (1,27),
«tenir ferme et combattre ensemble, d’un même cœur, pour la foi de l’Évangile» (1,27).
V.3.3. LA JOIE
Si le thème de la joie n’a jamais été absent des écrits pauliniens, il revient avec
une particularité : l’insistance dans la lettre aux Philippiens (9 fois le verbe «se réjouir», 2
fois le verbe «se réjouir avec», 5 fois le mot «joie»). Non seulement Paul, malgré sa
captivité et la perspective d’un martyre possible, déborde de joie (1,1.18 ; 2,17 ; 4,1.10),
mais, comme aux chrétiens de Rome (Rm 12,12) ou de Corinthe (2Co 13,11), il demande
à ceux de Philippes de se réjouir avec lui (2,18.28 ; 3,1 ; 4,4).
V.3.4. L’UNION DU CHRETIEN AU CHRIST ET L’UNION DES CHRETIENS
DANS LE CHRIST
Saisi par le Christ (3,12), Paul désire ardemment quitter cette vie terrestre pour
rejoindre définitivement son Seigneur (1,23). Mais en attendant cette échéance ultime, il
poursuit sa course (3,12-14). Il peut dire alors «pour moi vivre c’est le Christ» (1,21). En
toute confiance, il attend des cieux «le Seigneur Jésus Christ qui transformera notre corps
de misère, pour le conformer à son corps de gloire (3,21).
Cette intimité avec le Christ est maintes fois exprimées par la formule «dans le
Christ», ou «dans le Christ Jésus», ou «dans le Seigneur».
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A l’exemple de Paul, qui met dans le Christ seul sa fierté (1,26) et son espérance
(2,24), les Philippiens sont «dans le Christ Jésus» (1,1). C’est «dans le Christ» ou «dans
le Seigneur» qu’ils doivent tenir bon (4,1) accueillir les frères (2,29), vivre en bonne
intelligence (4,2), se réjouir (3,1 ; 4,4), annoncer l’Évangile (1,14), recevoir la paix et les
autres dons de Dieu (4,1.19). Ainsi unis au Christ parce qu’ils sont «en lui», les
Philippiens ne pourront qu’être étroitement unis entre eux.
Adresse : 1,1-2
Partie dogmatique : les richesses de la foi chrétienne : 1,3—2,5
Action de grâce pour les nouvelles reçues : 1,3-8
Prière s’épanouissant en hymne au Christ : 1,9-20
Richesse de l’espérance apportée par l’évangile, 1,21-29
Le souci de Paul pour la communauté : 2,1-5
Partie parénétique : conséquences de la foi chrétienne : 2,6—4,6
La véritable circoncision : 2,6-15
La condition céleste du Chrétien : 2,16—3,4
La communauté des hommes nouveaux : 3,5-17
La vie des chrétiens dans le monde : 3,18—4,6
Complément : 4,1-17
Envoi de Tychique et d’Onésime : 4,7-9
Salutation des compagnons de Paul : 4,10-14
Salutations aux destinataires : 4,15-17.
2. L’eschatologie est décrite comme réalisée33. On remarque peu d’indication pour une
attente eschatologique en Col, tandis que Paul attendait la parousie imminente dans
d’autres lettres (1Th 4, 15 ; 5, 23 ; 1Co 7, 26). L’idée d’un future retour du Christ
apparaît en 3, 4, mais les croyants sont encouragés à rendre les choses d’en haut une
réalité présente (3, 1-2). Les chrétiens sont déjà ressuscités avec le Christ (2, 12 ; 3,
1), tandis que dans les autres lettres la résurrection est une attente future (1Co 6, 14 ;
2Co 4, 14).
- Une note particulière sur l’eschatologie se remarque dans la théologie du
baptême. Tandis qu’en Rm 6,1-4, le baptême concerne le futur, en Colossiens, il
évoque le salut accompli. Dans le baptême les croyants ne sont pas seulement
morts avec le Christ, mais aussi ressuscités avec lui.
33
Maurya P. Horgan, «Colossians» in NJBC, 877.
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Le rôle des croyants est de rester fermes, attachés à la tête de qui le corps entier
tire la croissance que Dieu lui donne. Chaque croyant doit instruire et avertir l’autre
(3, 16). Il n’y a pas de description des offices spéciaux ou structures spéciales dans
l’Eglise. Toutefois Paul se présente comme apôtre (1, 1).Lui, Epaphras et Tychique
sont appelés des ministres, compagnons de service dans le Seigneur (1, 7.23 ; 4, 7).
La lettre aux Ephésiens fut apportée par Tychique lorsqu’il apportait celle aux
Colossiens (Ep. 6, 21-22 ; Col. 4, 7-9). C’est pendant les années de captivité que Paul
mûrit ses idées en vue de nouvelles synthèses. A cause de certaines similitudes et des
parallélismes avec l’Epître aux Colossiens, on suppose que l’Epître aux Ephésiens a été
écrite au même moment que celle aux Colossiens, et ils ont un seul porteur.
Quels sont les buts essentiels de l’épître ?
L’épître a un but didactique. Nous avons signalé ci-haut que l’Apôtre avait
séjourné à Ephèse pendant trois ans. Pendant cette période, Paul en a profité pour
convertir les païens et les enrichir dans la saine doctrine. La plupart des convertis étaient
des chrétiens issus du paganisme. Ce but didactique surgit presque dans tous les écrits de
l’âge apostolique où les dépositaires de la Révélation, conscients de leur proche
disparition, se sentent obligés de consigner les précieuses vérités qui leur ont étés
confiées34.
Ainsi, Paul se sent obligé d’affermir toujours les pagano-chrétiens. F. Godet dira :
« L’auteur veut engager les Eglises en majeure partie pagano-chrétiennes, qui relève de
sa mission en Asie, à élever leur conduite morale à toute la hauteur de sainteté que
réclame la dignité de membres du Corps du Christ, qui leur appartient à l’égal des
membres de l’ancien peuple élu »35.
34
KUEN A. op. cit.., p. 215 .
35
GODET Cité par KUEN A., op. cit., p. 217.
P a g e | 82
Par ailleurs, le contenu du mystère révélé à Paul n’a d’autre visée que
l’intégration des païens dans le mystère d’unité. Les païens sont cohéritiers, forment un
même corps et participent à la même promesse en Jésus Christ par l’Evangile (3,6).
Grâce aux dons spirituels que le Christ offre à ses croyants, ils parviendront à conserver
une unité de la foi et de la connaissance du fils de Dieu (4, 13). L’unité de l’Esprit est
conservé lorsque chacun reconnaît les dons de l’autre sachant que tout les charismes si
divers soient-ils, contribuent à la même tâche : l’édification du corps unique »36.
L’unité que Paul cherche à restaurer n’est autre que celle de mettre ensemble juifs
et anciens païens. Pour y arriver, Paul exhorte les pagano-chrétiens à renoncer aux
péchés qui scandalisent les juifs et les empêchent d’être en communion avec eux.
L’Epître a également un but prophylactique. La prophylaxie est l’ensemble des
mesures prises pour prévenir l’apparition ou la propagation d’une maladie ou de
plusieurs maladies37. En effet, il y avait certaines menaces des doctrines étrangères dans
les églises de Colosses et d’Ephèse. Et Paul ne pouvait pas se taire devant ces menaces.
Dans l’Epître aux Colossiens, sa meilleure arme contre l’erreur est un exposé approfondi
de la vérité concernant le Christ. Chez les Ephésiens, il enseigne les grandes doctrines
concernant l’œuvre de Dieu, de Jésus Christ et du Saint-Esprit, la vocation de l’Eglise,
corps universel dans lequel se trouvent ensemble les vrais croyants. L’apôtre veut ainsi
vacciner les chrétiens contre les instructions des doctrines étrangères qui raviraient à Dieu
la gloire (1, 6, 12,14) à Jésus Christ sa prééminence (1, 21-23) et attristeraient le Saint-
Esprit qui a scellé les croyants (1, 13 ; 4, 30).
Pour parvenir à combattre toutes ces maladies, il faut que les lecteurs aient
confiance aux hommes que Dieu a donnés à son Eglise tels que : les apôtres, les
prophètes, les évangélistes et les pasteurs et les docteurs pour leur fonctionnement (4, 11-
12) et leur croissance spirituelle, alors ils ne se laisseraient pas emporter à tous vents de
doctrine par la tromperie des hommes, par leurs ruses par les moyens de séduction.
Avec ce but, Paul cherche à mettre les croyants en garde contre les erreurs qui
pourraient détruire L’Eglise. A ce sujet, John Eadie dira : « Dans les Ephésiens, des
principes sont posés qui pourront constituer une barrière contre l’introduction de
36
KUEN A., op. cit., p. 219.
37
Nouveau Petit Dictionnaire Larousse, Paris, Librairie Larousse, 1972, p. 829.
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l’erreur théosophique. L’Epître peut donc être gardée comme étant de nature
prophylactique plus tôt que corrective »38.
Adresse : 1,1-2
Partie dogmatique : les richesses de la foi chrétienne
Hymne décrivant les richesses spirituelles apportées par le Christ : 1,3-14
Prière pour l’illumination de la communauté : 1,15-23
Nous sommes tous sauvés de la colère par la grâce de Dieu : 2,1-10
Vous êtes devenus participants de la promesse : 2,11-22
Paul instrument de la révélation du mystère : 3,1-13
Prière pour l’illumination des croyants : 3,14-21
Partie parénétique : conséquences de la foi chrétienne
L’unité du corps du Christ : 4,1-16
Le renouvellement du jugement : 4,17-24
Rapports mutuels entre les membres d’un même corps : 4,25—5,2
Rupture avec les pratiques païennes : 5,3-21
Principes de vie domestique : 5,22—6,9
Dernières consignes : 6,10-20
Complément
Envoi de Tychique : 6,21-22
Salutations finales : 6,23-24.
Dans l’hymne d’ouverture l’Epître trace toute l’histoire du salut qui s’origine dans
le Père, se réalise dans le Fils et s’offre dans l’esprit. Sa structure est trinitaire et le Christ
est au centre : Il est cité 11 fois précédé de nombreuses prépositions ; en lui, par lui, dans
lui, sous lui.
1ère strophe : notre élection par Dieu (4-6)
2ème strophe : notre rédemption par Jésus Christ (7-12)
3ème strophe : le sceau de l’Esprit Saint (13-14)
38
EADIE J., cité par KUEN A., op.cit, p.221.
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a. L’Eglise est venue comme un phénomène cosmique qui englobe toute la création (1,
21-23 ; 3, 9-11), tandis que dans les autres lettres Paul envisage Eglises dans le sens
de communautés locales (1Co 1, 2; Ga 1, 2 ; Phm 2 ; sauf 1Co 12, 28 ; 15, 9 ; Ga 1,
13;). L’Eglise a pour fondation les Apôtres et les prophètes (2, 19-22) dans Ep,
tandis qu’en 1Co 3, 1 c’est le Christ lui-même.
b. La tension polémique entre Gentils et Juifs n’existe pas dans la lettre aux Ephésiens.
L’auteur ne considère pas la conversion des Païens comme une occasion de
provoquer la jalousie d’Israël (Cfr Rm 11). Dans l’épître aux éphésiens juifs et Païens
ensemble ont été réconciliés avec Dieu dans un seul corps par la croix (2,16). Le mur
de la haine a été détruit (2, 14).
c. L’eschatologie de l’épître aux Ephésiens est une eschatologie réalisée. On ne parle ni
de la palousie ni d’une fin du monde imminent. L’accent est mis sur le présent : Les
chrétiens sont déjà ressuscités avec le Christ et sont assis avec lui dans les cieux (2, 5-
6). Or dans les autres lettres Pauliniennes, les chrétiens participent à la mort du
Christ, mais la participation à sa résurrection reste une espérance non encore
accomplie (Rm 6, 5 ; Ph 3, 10-11).
39
Ca Ev n° 50 ; Jésus. Treize textes du N.T. par P.-Marie Beaude et alii, Cerf, Paris,1984, p. 52.
40
Delhez C., Apprendre à lire la bible, St Paul Afrique, Kinshasa, p. 121.
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En créant les hommes, Dieu poursuit un projet : les faire participer à sa plénitude.
Avant même la création, Dieu a formé pour chacun d’entre nous le vœu que nous
partagions un jour son bonheur. Dieu ne prédestine jamais à la damnation. Mais ce
projet d’amour comporte aussi la liberté de l’homme ; la liberté peut refuser ce à quoi
Dieu nous a prédestinés. La liberté est créée pour réaliser le projet de Dieu mais, elle
est aussi capable de dire non. C’est pourquoi à la fin de l’épître Paul exhorte les
chrétiens au combat de la foi (6, 10-20)
VIII.1.2. LA STRUCTURE
A cette époque, la situation des esclaves dans l’empire romain est en lente
amélioration. L’épicurisme et le stoïcisme ont eu une influence sensible sur le sort qui
leur est fait.
Dans le passage bien connu de la lettre à Lucilius n o47, Sénéque n’hésitera pas à
poser la question : «Que dira-t-on ? Ce sont des esclaves ? Mais ils sont des hommes…»
Pour arriver là, il aura fallu des siècles… Paul en écrivant aux Galates s’était montré plus
hardi encore : «Il n’y a plus ni juifs, ni grec ; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre ; il
P a g e | 86
n’y a plus ni l’homme et la femme, car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus Christ» (Ga
3,28).
Joël Schmidt dans son livre sur l’esclavage dans l’empire romain résume bien la
situation : «L’Église a pénétré partout ; elle n’entend pas privilégier une classe plutôt
qu’une autre, ni nuire aux riches pour servir les pauvres, ni libérer les esclaves pour
ruiner les grands propriétaires et finalement l’économie générale de l’empire…»
Si, comme les autres croyants, les esclaves sont appelés à témoigner de leur foi au
Christ, ce sera là où ils sont, avec les occasions que leur fournit leur situation particulière
… Bref, l’Évangile agit plus par l’intérieur que par l’extérieur.
Le Paraclet promis par le Christ a entre autres comme tâche de mener l’Église à la
vérité toute entière. «Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous introduira dans
la vérité toute entière» (Jn 16,13). A son époque, Paul n’a pas réalisé toutes implications,
ni tiré toutes les conséquences de la dignité conférée à l’homme et à tout homme par
l’incarnation du Verbe. Il en sera de même, jusqu’à une époque encore récente, à propos
de l’esclavage et de la colonisation.
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Onésime, esclave de Philémon, s’est enfui de chez son maître. Toute une série de
questions se posent : comment a-t-il rencontré Paul? Était-il déjà converti? Est-ce au
dehors? Est-ce en prison? Connaissait-il déjà l’apôtre à Colosses? Ou seulement de
réputation? A-t-il voulu le rejoindre, ce qui expliquerait la liberté avec laquelle Paul l’a
accueilli, exerçant en quelque sorte un droit d’asile?
Ce qui est sûr – et sur ce point Col 4,9 est formel -, c’est que des liens d’amitié
profonde existent aujourd’hui entre Paul et Onésime, qui retourne à Colosse avec
Tychique, porteur de deux lettres à Philémon et aux Colossiens.
«Reçois-le comme moi-même» déclare Paul. Il n’hésite pas à glisser cette formule
commerciale : «…si tu me tiens pour associé» (17). Philémon est un membre généreux de
l’Église de Colosse (5-7), converti par Paul (19) et resté très lié à l’apôtre (1). De ce fait,
Paul ne doute pas qu’il accueille Onésime de telle sorte qu’il ne soit plus esclave, mais
frère bien-aimé. Avec habileté, en un style éblouissant, Paul suggère que Philémon
pourrait fort bien dans la suite confier Onésime à Paul comme collaborateur.
Exception faite du billet à Philémon, les Pastorales sont les seules lettres adressées
à des individus, ce qui d’ailleurs n’empêche pas que, derrière eux, des communautés
soient visées (cf. les salutations finales).
Timothée, originaire de Lystres en Lycaonie, était fils d’un père païen et d’une
mère juive devenue chrétienne. Paul, l’ayant sans doute rencontré au cours de sa première
mission (Ac 14,8-20), se l’attacha définitivement au cours de son deuxième passage à
Lystres. C’est alors qu’il le circoncit «à cause des juifs qui se trouvaient dans ces
parages» (Ac 16,1-3).
Tite, païen de naissance, embrassa la foi chrétienne sans être obligé de se faire
circoncire (Ga 2,1-5). Au plus fort de la crise corinthienne, il remplit avec brio une
difficile mission de conciliation (2Co 7,6-16). Chargé de la collecte au profit des
chrétiens de Jérusalem (2Co 8,6), il se montra digne de la confiance qui lui avait été faite
(2Co 12,17-18). D’après Tt 1,5, Paul l’aurait envoyé en Crète pour y organiser les églises
naissantes. Autant qu’on puisse en juger, Tite semble avoir été un homme de caractère en
même temps que diplomate souple et avisé. Ce qui ne va pas toujours de pair
Adresse 1,1-2
1. Timothée et l’annonce de l’Évangile 1,3-20
a) Timothée lutte contre les faux docteurs : ils se méprennent sur le «dessein de Dieu
et sur le rôle de la foi, ils se prétendent indûment les spécialistes compétents 3-11.
b) Timothée peut, à travers l’exemple de Paul, persécuteur devenu apôtre, découvrir
la puissance de la grâce de Dieu qui veut témoigner à tous sa miséricorde. Une
doxologie, peut-être d’origine liturgique conclut le passage 12-17.
c) Timothée, à la suite de Paul et avec la grâce qu’il a lui-même reçue par une
intervention des prophètes de la communauté, doit combattre le bon combat 18-
20.
2. Timothée et l’organisation du culte 2,1-15
a) Le caractère universel de la prière de l’Église 1-7. Il faut prier pour tous les
hommes, car «Dieu veut que tous soient sauvés et parviennent à la connaissance
de la vérité», ainsi que l’atteste une formule de foi qui remonte aux origines.
b) Les formes concrètes de la prière 8-15. Paul indique comment les hommes et les
femmes doivent se comporter dans les assemblées liturgiques.
3. Timothée et les ministres de l’Église 3,1-16
a) Les qualités requises des épiscopes 1-7
b) Les qualités requises des «diacres» et, sans doute, des «diaconesses» 8-13
c) L’Église et «le mystère de la piété» 14-16. En attendant qu’il puisse le rejoindre,
Paul rappelle à Timothée comment il doit se comporter dans l’Église, «maison du
Dieu vivant». Une hymne au «mystère de la piété» conclut le passage.
4. Timothée et la charge pastorale 4,1—6,2a
a) Timothée devra combattre les faux ascétismes (condamnation du mariage, tabous
alimentaires) : tout ce que Dieu a créé est bon 1-5
b) Timothée sera un bon serviteur (ministre) s’il se nourrit de la bonne doctrine,
s’exerce à la piété, lit et proclame la Parole de l’Écriture, exhorte et enseigne avec
courage, confiant dans le charisme qu’il a reçu par une intervention prophétique et
l’imposition des mains du collège presbytérale 6-16.
c) Timothée saura comment se comporter vis-à-vis des diverses catégories de fidèles
5,1—6,2a : chrétiens en général, veuves, anciens, esclaves.
Conclusion 6,2b-21
- La véritable piété opposée aux faux docteurs 3-10
- La belle profession de la foi de Jésus, modèle de la foi du vrai croyant 11-16
- Avertissement aux riches 17-19
- Exhortation finale («Garder le dépôt») et salutations 20-21.
Adresse 1,1-4
1. Tite et l’organisation de l’Église 1,5-16
a) Dans chaque ville de Crète, Tite devra installer des Anciens ayant des aptitudes
nécessaires 5-9
b) Tite aura à combattre les faux docteurs judaïsant 10-16.
2. Tite et la vie chrétienne de fidèles 2,1—3,11
a) Devoirs particuliers à certaines catégories de fidèles 1-15 : vieillards, femmes
âgées, jeunes gens, esclaves. Fondement doctrinal de ces exigences : Dieu s’est
acquis un peuple saint, pain d’ardeur pour les «belles œuvres».
b) Devoirs des chrétiens en général 3,1-8 : Les croyants sauront se soumettre aux
autorités et se montrer accueillants à tous. Fondement doctrinal de ces exigences :
le chrétien, par son baptême, est né à une vie nouvelle.
c) Devoirs propres à Tite en matière doctrinale 3,9-11 : Tite devra fuir les vaines
recherches et rompre avec «l’homme hérétique».
Conclusion 3,12-15 : Informations concernant les déplacements de plusieurs
collaborateurs de Paul. Salutations.
Dieu, appelé «Père» dans l’adresse de chacune des trois lettres, est le créateur de
tout ce qui existe (1Tm 4,3-4), le dispensateur généreux de tout bien (1Tm 7,17). A lui
s’adresse l’hymne solennelle de 1Tm 6,15-16. Poussé par son amour miséricordieux et
fidèle (Tt 3,4-5; 2Tm 2,13), il veut le salut de tous les hommes (1Tm 2,4), qu’il appelle
en vertu de son dessein de grâce (2Tm 1,9). Le terme de «Sauveur» est particulièrement
apte à le désigner (1Tm 1,1; Tt 1,4).
IX.3.1.2. LE CHRIST
Le Christ est Dieu véritable (Tt 2,13) et homme véritable (1Tm 2,5), issu de la
race de David (2Tm 2,8). L’incarnation est chantée dans une hymne liturgique (1Tm
3,16) qui n’est pas sans affinité avec celle de Ph 2,6-11. Venu dans le monde pour sauver
les pécheurs (1Tm 1,15), le Christ reviendra à la fin des temps, en une manifestation
(«épiphanie») glorieuse (Tt 2,13; 2Tm 4,1.8).
L’Esprit a glorifié (litt. «Justifié» 1Tm 3,16) Jésus à la Résurrection. Il habite dans
les croyants (1Tm 1,14), après les avoir engendrés à une vie nouvelle par le baptême (Tt
3,5). Il aide les responsables de l’Église à garder intact le «dépôt» de la foi (2Tm 1,14).
IX.3.1.4. LE SALUT
En deux textes de tonalité très paulinienne, l’auteur décrit le dessein de salut
conçu par Dieu «avant les temps éternels dans le Christ Jésus et maintenant manifesté par
l’apparition de notre Sauveur, le Christ Jésus» (2Tm 1,9-11; Tt 3,5-8). En ces deux
passages, l’auteur insiste sur le fait que ce n’est pas en vertu de leurs œuvres que les
hommes ont accès à la justification (Tt 3,7) ou au salut (Tt 3,5; 2Tm 1,9).
IX.3.1.5. L’EGLISE
P a g e | 91
L’Église est comparée à une maison dont les ministres sont les intendants (Tt 1,7).
Peuple de Dieu que le Christ s’est acquis, le rachetant de ses iniquités et le purifiant par
son sacrifice (Tt 3,14), l’Église se rattache aux apôtres : c’est par l’imposition des mains
de Paul que Timothée a été établi dans sa charge (2Tm 1,6) et c’est par l’imposition des
mains de Timothée que les presbytres sont consacrés au ministère (1Tm 5,22).
La théologie des Pastorales est déconcertante. D’une part en effet, ces épîtres
contiennent des exposés qui reprennent les grands thèmes pauliniens; d’autre part, on y
trouve des passages qui (fond et forme) en sont apparemment très éloignés.
Les traits pauliniens ne manquent pas, nous avons déjà pu le constater plus haut :
conscience du péché et impuissance de l’homme à mérité par lui-même la justification
gratuite du salut offert par Dieu en Jésus Christ, l’unique rédempteur de tous les hommes,
rôle essentiel de la foi, importance du baptême, affirmation du dessein éternel de Dieu
(cf. le «mystère» de 1Tm 3,16). Les règle morales concernant les esclaves ou les
chrétiens face au pouvoir établi sont les mêmes que celles qu’on lit dans les grandes
épîtres. La conviction que les souffrances de l’apôtre peuvent concourir au bien spirituel
des fidèles (2Tm 2,10) rappelle des développements pauliniens connus.
IX.3.2.2. LES DIFFERENCES
- L’auteur revient à plusieurs reprises sur la nécessité des «bonnes, belles œuvres»
(1Tm 5,10.25; 6,18; Tt 2,7.14; 3,8.14; 2Tm 4,5.18). Cette expression est absente
des grandes épîtres.
- La morale chrétienne semble se résumer en un humanisme équilibré, assez
éloigné des engagements radicaux et compromettants («une morale bourgeoise»
dit Dibelius).
- L’Esprit Saint, s’il est bien l’agent de la renaissance baptismale, est tout autant le
garant du dépôt confié. On ne le voit pas agissant, comme en 1Co par exemple, en
suscitant des charismes variés.
- L’amour-charité n’est plus la vertu par excellence, le «lien de la perfection» (Col
3,14), qui dépasse tous les charismes (1Co 12,31—13,13); c’est une vertu parmi
d’autres (1Tm 2,15; 4,12).
- La grâce pourrait sembler n’être qu’un secours extérieur qui vient soutenir les
efforts de l’homme (Tt 2,12).
Les différences avec les grandes épîtres sont donc réelles. Il ne faut pourtant pas
les exagérer.
Loin de faire des œuvres la source de justification, Tt 3,5-7 rejette énergiquement
une telle conception. Que la foi doive s’épanouir en œuvres concrètes. Paul l’avait déjà
affirmé (Rm 2,7; 2Co 9,8; Ga 5,6; 2Th 2,17). Il est bien vrai que l’Esprit Saint tient peu
de place dans les Pastorales, mais sa mention est également rare en Col (1 fois) et en 2Th
(1 fois). L’opposition entre la foi conçue comme adhésion vitale à la personne du Christ
(Paul) et la foi comprise comme l’acceptation d’un credo (Pastorales) n’est que relative.
Paul n’ignore pas la foi «objective» ou «enseignée» (Ph 1,27; Col 2,7) et les Pastorales
connaissent la foi «subjective» ou «vécue» (1Tm 1,16; 2Tm 3,15).
P a g e | 93
Elle ne comporte pas de nom d'auteur. Alors que Tertullien l'attribuait à Barnabé1
(De Pudicitia 20), elle est considérée par certains comme une épître de l'apôtre Paul, par
d'autres comme d'un autre auteur.
Arguments contre le fait que ce soit Paul de Tarse qui ait rédigé cette épître :
Origène disait à ce sujet : « Pour moi, si je donnais mon avis, je dirais que les pensées
sont de l'apôtre ; mais la phrase et la composition sont de quelqu'un qui rapporte les
enseignements de l'apôtre ». Divers noms ont été proposés, notamment celui d' Apollos
(dont il est question en 1 Co 1, 12), mais aussi Clément Romain, Silas ou Luc.
Arguments pour le fait que ce soit l'apôtre Paul qui ait rédigé cette épître :
Quel est l'auteur de l'épître aux Hébreux ? Paul ? Barnabé ou Apollos, sur les
instructions de Paul ? ...
L'accord n'existe pas entre les exégètes au sujet de l'auteur anonyme de l'épître
aux Hébreux.
L'attribution à l'apôtre Paul lui-même date de la plus haute antiquité. Elle est
toujours tenue fermement par l'Église catholique et par l'ensemble des Églises
orthodoxes. Le plus ancien papyrus qui nous l'ait conservée, le P 46, daté des environs de
l'an 200, l'insère parmi le corpus paulinien, entre l'épître aux Romains et la première aux
Corinthiens!
Paul lui-même évoque Barnabé dans 1 Co 9,6, où l'on ne discerne pas la moindre
trace de rivalité. La présence de Barnabé à Rome est signalée par les Recognitiones
pseudo-clémentines et les Actus Petri cum Simone. Ces romans ont pu conserver un
souvenir historique.
On sait que l'Église d'Occident a longtemps hésité avant d'admettre cette épître
comme paulinienne. Tertullien au début du IIIe siècle l'attribuait formellement à Barnabé.
Le portrait psychologique que l'auteur trace de lui-même dans He 13,18-19 correspond
exactement aux éloges de Barnabé qu'on trouve dans les Actes, spécialement en Ac
11,22-24. Déjà il "encourageait" les disciples. La mise en commun des ressources, que
l'épître préconise (cf. He 13,16), fait penser à la générosité de Barnabé mise en exergue
dans les Actes. (Cf. Ac 4,37). Il avait été surnommé Barnabé, c'est-à-dire "fils
d'encouragement" (Ac 4,36), par les apôtres eux-mêmes. Toute l'épître aux Hébreux se
présente comme "un discours d'encouragement" (He 13,22) et renferme d'innombrables
exhortations.
semble bien que l'épître aux Hébreux s'adresse, d'Italie, aux chrétiens d'Antioche,
spécialement à ceux d'origine juive, parmi lesquels Barnabé s'apprêtait à retourner. S'il y
jouissait d'un immense prestige, il n'exerçait pas cependant d'autorité proprement dite. Il
se recommandait aux chefs de la communauté.
Un juif, originaire d'Alexandrie, versé dans les Écritures. Le père Spicq a exposé
dans une étude très fouillée6, que l'auteur de notre épître était non seulement de culture
alexandrine mais encore un familier de l'œuvre de Philon, un philonien converti au
christianisme. "Démontrant par les Écritures que Jésus est le Christ" (Ac 18,28), la
formule de Luc dans les Actes définit au mieux le propos de l'épître aux Hébreux.
On ne voit pas cependant comment Apollos aurait acquis un tel ascendant auprès
des judéo-chrétiens de Palestine ou d'Antioche, comment il les aurait connus, pour leur
adresser ces exhortations et leur annoncer qu'il allait les revoir... Ce qui évoque à
nouveau la crédibilité de la paternité paulinienne et l'autorité qu'elle suppose auprès des
diverses Églises primitives.
Cette épître s’adresse à des chrétiens sortis du judaïsme, qui restaient encore
attachés à son culte et à ses cérémonies et qui, ne voyant pas la réalisation de leurs
espérances en Christ comme Messie terrestre, exposés au contraire à la persécution,
étaient en danger de se décourager et de retourner en arrière vers l’ancien ordre de
choses. L’Esprit Saint leur fait voir que cet ordre de choses terrestre n’était que
transitoire, et établit la supériorité du christianisme, du nouvel ordre de choses où tout est
céleste et permanent. Pour cela, tout en montrant en quoi les deux systèmes, tous deux
établis de Dieu, sont semblables, il fait ressortir leurs contrastes, et démontre ainsi que le
premier, consistant en ombres et figures, a dû faire place au second qui ne renferme que
les réalités.
Juifs : pour eux, le christianisme, nouvelle relation avec Dieu, se soude, pour ainsi dire, à
une relation antérieure. Il n’en était pas de même des gentils qui, à proprement parler,
n’avaient eu de relations antérieures qu’avec les démons (1 Cor. 10:20-22).
Les chapitres 1 et 2 expliquent que Jésus est plus grand que les anges.
Les chapitres 3 à 7 comparent Jésus à Moïse et à la loi de Moïse et témoignent qu'il est
plus grand que l'un et l'autre. Ils enseignent aussi que la Prêtrise de Melchisédech est plus
grande que celle d'Aaron.
41
La doctrine du Christ, EDIFAC, Henri Blocher, 2002, P. 247.
P a g e | 97
Quels sont les indices externes (en dehors de l’Épître aux Hébreux) qui tendent à
démontrer que Jésus est bien le grand-prêtre ?
Jésus s’applique à lui-même le psaume 110 (dans Matthieu 22,43-45), qui est le
psaume qui relie la royauté au sacerdoce (Melchisédech).Dans Jean 17, Jésus prie pour
ses disciples… « Sanctifie-les par ta vérité : ta parole est la vérité. »… « Et je me
sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés par la vérité. »…On
appelle cette prière : la prière sacerdotale. Jésus intercède pour les siens, il les sanctifie
par sa propre sanctification. On cite parfois la longue robe du Christ, avec la ceinture d’or
sur la poitrine (Ap 1,13), qui rappellerait le vêtement sacerdotal d’Aaron.
Ces indices ont un certain d’intérêt, mais n’ont pas un très grand poids. « C’est
l’Épître aux Hébreux qui fait du sacerdoce de Jésus-Christ son thème, sinon unique, du
moins principal. »43 Pour faire une étude complète du sujet, il faudrait étudier l’Épître aux
Hébreux en entier. En effet, toute l’Épître expose l’office sacerdotal de Jésus. Nous nous
limiterons à relever les grandes lignes de cette merveilleuse Épître.
Dans son premier chapitre, l’Épître aux Hébreux cite de nombreux psaumes pour
montrer la supériorité de Christ sur les anges, dont le psaume 110…Dans sa partie
centrale, il reprend le psaume 110 et explique le lien entre Christ et Melchisédech…
Reprenant l’exemple d’Aaron, il fait le parallèle entre Aaron et Christ. Dieu l’a appelé…
Hé 5,4 Dieu l’a proclamé…Hé 5,10 « Perfectionné »44 pour l’accomplissement de sa
mission…Hé 5,9 Jésus est intervenu, « pour assurer les conditions objectives de la
communion des hommes avec Dieu » 45 La purification des péchés… Hé 1,3 La
sanctification des enfants de Dieu…Hé 2,11; 10,10 Le perfectionnement…Hé 10,1.14
« Jésus, enfin, comme tout grand-prêtre, est pris d’entre les hommes et, par
l’expérience de la faiblesse et de la tentation, peut compatir avec ceux qu’il représente.
42
La doctrine du Christ, EDIFAC, Henri Blocher, 2002, P. 247.
43
La doctrine du Christ, EDIFAC, Henri Blocher, 2002, P. 248.
44
Il n’est pas devenu parfait comme s’il ne l’était pas déjà dès le commencement. Le mot
grec, teleiow, signifie : avoir fini, accomplir, avoir achevé, parfaitement…
45
La doctrine du Christ, EDIFAC, Henri Blocher, 2002, P. 248.
P a g e | 98
»46 Les conclusions de l’auteur sont très claires et sans équivoque. Hé 2,17; 4,15 « Rien
ne manque à Jésus-Christ pour qu’il réalise ce dont Aaron était la figure. »47
Hé 8,3 : Tout souverain sacrificateur est établi pour présenter des offrandes et des
sacrifices; d’où il est nécessaire que celui-ci ait aussi quelque chose à présenter. Jésus
devait donc avoir quelque chose à offrir, il s’est offert lui-même en sacrifice. Le
sacerdoce de Christ n’est pas transmissible, il est exclusif. Il existe cependant un lien
évident entre les rituels lévitiques et l’oeuvre qu’a accompli Jésus. « L’oeuvre de Jésus a
été le modèle dont Moïse a confectionné une « image », une « ombre ». »48 Hé 8,5
Aaron était un « type » que Jésus a accompli Jésus est la victime expiatoire. Les
animaux immolés étaient des « types » de Christ. Les sacrifices expiatoires de l’Ancienne
Alliance avaient une valeur prophétique et provisoire, annonçant un sacrifice ultime et
parfait. On peut aussi remarquer le lien qui existe entre le fait que le corps des animaux
était brûlé « hors du camp » et le fait que Jésus ait souffert « en dehors de la porte ». Hé
13,11-14 Il s’agit d’une belle invitation aux Hébreux à sortir du judaïsme pour se joindre
à Jésus-Christ.
C’est le sang qui, versé sur l’autel (le propitiatoire), rendait « propice ou
favorable » celui qui avait offert le sacrifice. Hé 9,22 « Le fait central du salut n’est pas
tant le crucifiement ni même la résurrection du Christ que l’entrée du grand-prêtre dans le
46
La doctrine du Christ, EDIFAC, Henri Blocher, 2002, P. 249.
47
La doctrine du Christ, EDIFAC, Henri Blocher, 2002, P. 249.
48
La doctrine du Christ, EDIFAC, Henri Blocher, 2002, P. 249.
49
La doctrine du Christ, EDIFAC, Henri Blocher, 2002, P. 250.
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temple des cieux. »50 Hé 9,12 On comprend bien que la crucifixion et la résurrection
étaient « nécessaires » pour que Christ puisse entrer dans le temple des cieux. Mais, «
C’est l’ascension qui marque le début du service liturgique dans le ciel. » 51Hé 8,1-2 Le
sacrifice de Christ est un sacrifice unique. Contrairement aux sacrifices de l’Ancienne
Alliance qui devaient être répétés constamment. Hé 7,26-27 Christ continue d’intercéder
pour nous, en « invoquant » l’efficacité de sa mort sacrificielle. Hé 7,25 La force de
l’intercession sacerdotale réside dans l’efficacité permanente de sa mort (son sang) pour
effacer les péchés.
A) Sacerdoce royal
50
SPICQ, cols. 1071s. cf. La doctrine du Christ, EDIFAC, Henri Blocher, 2002, P. 250.
51
La doctrine du Christ, EDIFAC, Henri Blocher, 2002, P. 250.
52
La doctrine du Christ, EDIFAC, Henri Blocher, 2002, P. 251.
53
La doctrine du Christ, EDIFAC, Henri Blocher, 2002, P. 252.
54
La doctrine du Christ, EDIFAC, Henri Blocher, 2002, P. 252.
P a g e | 100
B) Sacerdoce éternel
Même si l’Épître aux Hébreux parle de Melchisédech comme de quelqu’un qui est
toujours vivant, il ne faudrait pas conclure qu’il est toujours vivant de façon charnelle.
Rappelons-nous la parole du Seigneur concernant Abraham, Isaac et Jacob… Matthieu
22.32 : … Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob ? Dieu n’est
pas Dieu des morts, mais des vivants. Le fait que l’auteur aux Hébreux parle d’un
Melchisédech vivant, nous indique le caractère « spirituelle et éternel » de son sacerdoce
versus le caractère « charnel et temporel » du sacerdoce d’Aaron. Jésus-Christ n’est pas
sacrificateur selon l’ordre d’Aaron, il est sacrificateur selon l’ordre de Melchisédech. Son
sacerdoce est royal et éternel !
pas la réalisation des promesses pour l’avenir, on croit que ce sera ainsi (cf. Rom. 8 : 24 ;
Héb. 2 ; 8 et 9) et la foi constitue l’évidence pour leur réalité.
Plutôt que de présenter un simple argument théorique, l’auteur fait appel à des cas
réels. Il traverse l’histoire des relations entre Dieu et Israël pour montrer que les héros
d’Israël avaient la foi et vivaient en conséquence. Ils n’ont pas reçu ce qui était promis
tout de suite (vv.13 & 39) mais ils n’ont pas abandonné pour autant. Ils ont vécu dans la
foi et ainsi Dieu les approuvait (cf. v.5). v.3 est une charnière étant le début du parcours
de Genèse mais aussi une illustration de la nature de la foi. Il faut de la foi pour croire
que Dieu a tout créé de rien (cf. Rom. 1 : 18 – 21). La foi représente le fait de simplement
accepter ce que Dieu a dit (cf. Psa. 33 : 6 – 9). Ceci reflète notre espoir éternel : Dieu a le
pouvoir de réaliser les choses qu’on ne voit pas encore.
Le récit de Hénoc révèle aussi un aspect de la nature de la foi en tant que style de
vie. Genèse dit qu'il marcha avec Dieu (cf. Mic. 6 : 8). Ici, les termes grecs traduisent
l'idée : il plaisait à Dieu, il lui était agréable. Mais ce qui est important dans cette histoire
n'est pas le style du départ de Hénoc mais le fait qu'il marchait par la foi – ce qui est le
seul moyen en tout temps d'être agréable à Dieu (Rom. 3 : 28). Il faut placer sa confiance
dans la personne de Dieu et dans ses promesses (cf. Jac. 1 : 5 - 8). Noé aussi était accepté
à cause de sa foi et sauvé, physiquement et spirituellement par sa foi (Gen. 6 : 8 - 14, 22).
Noé illustre le fait que la foi est une confiance dans ce que Dieu révèle (cf. v. 1). Noé
était sauvé parce qu'il a agi lorsque Dieu a dit que le monde serait détruit par l'eau
(malgré le fait que cela devait lui sembler ridicule). Noé préférait agir en fonction de ce
que Dieu disait que de ses propres sens. Ainsi, ses actes ont condamné le monde parce
qu'il était la preuve vivante que Dieu avait parlé mais que le monde avait refusé
d'accepter son message.
P a g e | 102
Leur motivation était leur confiance en Dieu. Ils avaient compris qu’il valait
mieux se satisfaire de ce que Dieu offrait que le monde. L’auteur note que leur espoir
allait au-delà d’un pays sur terre et ils étaient donc détachés des choses de ce monde (cf.
Héb. 10 : 34 ; 1 Pi. 2 : 11). Ils vivaient pour hériter les promesses éternelles de Dieu.
L’auteur a déjà rappelé aux chrétiens qu’il ne faut pas se compromettre pour gagner ce
monde (Héb. 10 : 36 ; cf. Mc 8 : 36). Même s’ils n’ont pas vu de leur vivant les réalités
promises ils s’en réjouissaient d’avance (vv.39 & 40 ; Jn 8 : 56). Dieu reconnaît son
peuple par cette foi (cf. Mc 8 : 38).
CONCLUSION
Après avoir évoqué et qualifié dans leurs convergences et leurs divergences, les
deux sources scripturaires de renseignements sur la vie et la doctrine de saint Paul, à
savoir les Actes des Apôtres et les épîtres pauliniennes elles-mêmes, la première partie du
cours se penche sur son itinéraire avant et après sa conversion. Elle est clôturée par
l’évocation des conditions et des influences qui ont entouré l’activité missionnaire et
épistolaire de l’Apôtre des Gentils.
La deuxième partie du cours a passé en revue les diverses épîtres de sant Paul et
dégagé la théologie de chacune d’elles, à partir de sa structure et du contenu des thèmes
qu’elle aborde. Un accent particulier est mis sur les questions théologiques qui appellent
et ouvrent des perspectives de recherche, du quadruple point de vue dogmatique, morale,
pastorale et spirituel.
Les épîtres aux Thessaloniciens montrent comment Paul a abordé et résolu les
problèmes qui se posaient dans l’Église de Thessalonique à propos de l’attente de la
parousie. Cette attente qui invite à raviver la foi, l’espérance et la charité en vue du retour
du Christ.
Dans l’épître aux Philippiens, Paul se montre très attachant et affectueux. Il y livre
l’essentiel de sa christologie autrement dit de son évangile de la croix. Dans l’hymne de
Ph 2,6-11, Paul présente le Christ obéissant jusqu’à la mort, comme modèle de la vie et
de l’agir du chrétien. Cette obéissance exprime l’humilité qui permet à tous les fidèles de
partager les sentiments du Christ et de s’aimer dans la reconnaissance et le respect
mutuels, et de vivre dans la joie et l’unité.
Dans l’épître aux Galates, Paul aborde la question de la justification par la foi en
Jésus Christ et de la liberté chrétienne. La foi au Christ libère de la loi ancienne mais
c’est pour accorder la liberté dans l’Esprit qui permet de vivre de l’amour et de la liberté
des enfants de Dieu.
Dans l’épître aux Romains, Paul développe les enseignements qu’on trouve déjà
dans l’épître aux Galates, sur la justification et le salut par la foi, nouvelle naissance par
le baptême, et appartenance au Christ ressuscité.
Ecrits de circonstance, de par leur nature, plutôt que des traités de théologie, les
épîtres pauliniennes sont à comprendre et à interpréter comme telles, en tenant compte
des questions et des situations historiques particulières et spécifiques auxquelles elles
répondent et correspondent. Cela vaut, en particulier, pour les textes parénétiques dont la
portée exacte est à déterminer en fonction du questionnement et des situations spécifiques
auxquels ils correspondent. En effet, «la lettre tue, tandis que l’esprit vivifie».
P a g e | 105
Quant à l’épître aux Hébreux, elle s’adresse à des chrétiens sortis du judaïsme, qui
restaient encore attachés à son culte et à ses cérémonies et qui, ne voyant pas la
réalisation de leurs espérances en Christ comme Messie terrestre, exposés au contraire à
la persécution, étaient en danger de se décourager et de retourner en arrière vers l’ancien
ordre de choses. L’Esprit Saint leur fait voir que cet ordre de choses terrestre n’était que
transitoire, et établit la supériorité du christianisme, du nouvel ordre de choses où tout est
céleste et permanent. Pour cela, tout en montrant en quoi les deux systèmes, tous deux
établis de Dieu, sont semblables, il fait ressortir leurs contrastes, et démontre ainsi que le
premier, consistant en ombres et figures, a dû faire place au second qui ne renferme que
les réalités.