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Antibiotherapie locale en ophtalmologie


Local antibiotherapy in ophthalmology
P. Robert, M. Rocher, L. Beral, P.-Y. Robert

Résumé : L’antibiothérapie locale en ophtalmologie, et son utilisation en pratique courante, représente un


enjeu majeur pour plusieurs raisons. Le bon usage des antibiotiques conditionne non seulement l’efficacité
thérapeutique pour le patient, mais également l’émergence de résistances bactériennes, ou encore l’équilibre
de flores commensales. Enfin, l’utilisation raisonnée des antibiotiques joue un rôle dans la maîtrise et les
Mots-clés :
dépenses de santé liées aux infections oculaires. De nombreuses molécules sont utilisées pour traiter et pré-
Antibiothérapie venir les infections oculaires. Cet arsenal thérapeutique est en constante évolution. D’une part, l’avènement
Collyre de nouvelles molécules relance l’espoir de mieux traiter les maladies bactériennes. D’autre part, certaines
Conjonctivite molécules anciennes sont menacées de disparaître du marché faute de rentabilité commerciale ou de don-
Kératite nées fiables sur leur efficacité et leur toxicité. Nous essayons ici de faire le point sur l’ensemble des molécules
Blépharite disponibles actuellement, leurs caractéristiques, pharmacocinétiques et pharmacodynamiques, leur toxicité
Antibioprophylaxie potentielle, leur efficacité rapportée dans la littérature, et leurs indications. La richesse de l’antibiothérapie
Pharmacocinétique locale en ophtalmologie réside dans sa diversité.
© 2022 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract: Local antibiotherapy in ophthalmology, and its usage in common practice, represents a major issue
for many reasons. The good use of antibiotics not only determines the therapeutic efficacy for the patient, but
Keywords:
also the emergence of bacterial resistance, and the balance of the commensal flora. Finally, the reasoned use
Antibiotherapy of antibiotics has a role to play in the health expenditures caused by ocular infections. Many molecules are
Eyedrops used to treat and prevent ocular infections. This therapeutic arsenal constantly evolves. On the one hand, the
Conjunctivitis development of new molecules raises the hope to better handle bacterial disease. On the other hand, some
Keratitis old molecules are threatened to be withdrawn from the market, for lack of commercial profitability or reliable
Blepharitis data on their efficacy and toxicity. We try here to highlight the whole of molecules available at present, their
Antibioprophylaxis pharmacological characteristics, kinetics, potential toxicity, their efficacy as reported in the literature, and their
Kinetics indications. The wealth of local antibiotherapy relies on its diversity.
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Plan réduction de l’utilisation des antibiotiques. Si une diminution ini-


tiale a bien été observée, la consommation est depuis largement
■ Introduction 1 repartie à la hausse. En 2018 sortait un nouveau slogan, « Ils sont
précieux, utilisons les mieux ». Ce dernier rappelle que les objec-
■ Rappels d’antibiothérapie générale 2 tifs fixés il y a bientôt 20 ans sont loin d’être atteints, et qu’il
Introduction 2 nous faut plus que jamais promouvoir une utilisation raisonnée
Différents antibiotiques utilisés en administration locale et mieux adaptée des antibiotiques.
en ophtalmologie 3 Durant des millénaires, les épidémies ont été un fléau pouvant
■ Spécificités de l’antibiothérapie locale en ophtalmologie 7 décimer des populations entières, contre lequel l’humanité était
Microbiologie 7 démunie. À titre d’exemple, on estime aujourd’hui que l’épidémie
Résistance aux antibiotiques en ophtalmologie 7 de peste noire qui a sévi au XIVe siècle en Eurasie et en Afrique du
Pharmacocinétique 7 Nord a fait en Europe entre 25 et 40 millions de morts en 5 ou
■ Effets secondaires des antibiotiques en collyre 8 6 ans, soit entre un tiers et la moitié de la population européenne
Allergie 8 de l’époque.
Toxicité sur la surface oculaire 9 L’avènement de la pénicilline au milieu du XXe siècle a repré-
Cas de la femme enceinte ou allaitante 9 senté pour beaucoup la victoire de la médecine sur les maladies
■ Indications de l’antibiothérapie locale en ophtalmologie 9 infectieuses.
Conjonctivites bactériennes 9 La réalité est pourtant bien plus nuancée.
Kératites bactériennes 11 D’une part, de nouvelles épidémies ont de nouveau fait la
Blépharites bactériennes 12 une des médias, au premier rang desquels figurent le syndrome
Antibioprophylaxie 13 de l’immunodéficience acquise (sida), la maladie de Creutzfeldt-
Jacob, les fièvres hémorragiques virales, ou plus récemment la
■ Règles de prescription de l’antibiothérapie locale 14 COVID-19. Si les antibiotiques arrivent à traiter un grand nombre
Quand effectuer une analyse microbiologique ? 14 d’infections bactériennes, il est à présent reconnu que toutes les
Qui prescrit l’antibiotique oculaire de surface ? 14 infections ne sont pas vaincues.
Traitements adjuvants 14 D’autre part, l’écologie bactérienne, à l’échelle de la planète,
Combinaisons qui ne marchent pas 15 d’un centre de soins ou chez un simple patient, s’adapte aux anti-
Médecine fondée sur les preuves 15 biotiques. Des résistances acquises aux antibiotiques apparaissent
Conclusion 15 désormais très peu de temps après leur mise sur le marché, et les
dernières années ont montré toute la difficulté de développer de
nouveaux antibiotiques pouvant apporter une alternative dans le
 Introduction traitement des bactéries hautement résistantes.
Enfin, il est à présent connu que les bactéries des flores com-
En 2002, le ministère de la Santé lançait le désormais célèbre mensales jouent un rôle central dans de nombreux mécanismes
slogan « Les antibiotiques, c’est pas automatique » afin d’alerter physiologiques, et ces bactéries aussi peuvent être impactées par
prescripteurs et utilisateurs des risques d’une utilisation exces- une antibiothérapie. Il faut donc tenir compte au moment de la
sive des antibiotiques. Ce slogan était accompagné d’objectifs de prescription non seulement du risque d’émergence de résistances,

EMC - Ophtalmologie 1
Volume 39 > n◦ 2 > juin 2022
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0343(22)64345-4

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mais également du risque de déséquilibre de la flore commensale Tableau 1.


du patient. Flore conjonctivale prélevée au moment de l’intervention (glaucome ou
Après des rappels d’antibiothérapie générale, nous développons cataracte) de 126 frottis conjonctivaux positifs [1] .
ici les critères microbiologiques, pharmacologiques, toxiques et Nombre de souches %
galéniques des antibiotiques topiques en ophtalmologie, pour une
utilisation mieux adaptée aux différentes infections oculaires. Staphylococcus epidermidis 109 86,5
Staphylococcus aureus 7 5,5
Enterococcus 3 2,4
 Rappels d’antibiothérapie Proteus mirabilis 2 1,6

générale Proteus vulgaris 1 0,8


Streptocoques non hémolytiques 11 0,8
Introduction Streptocoques ␣ hémolytiques 1 0,8
Enterobacter 1 0,8
L’antibiothérapie, contrairement aux autres médicaments, est
dirigée contre des organismes vivants. Ces derniers ont la faculté Corynébactéries 1 0,8
de développer des résistances vis-à-vis de ces molécules, ce
qui n’est pas possible pour les cellules du corps humain. Par Tableau 2.
conséquent, une mauvaise utilisation des antibiotiques peut Principales bactéries en cause dans les infections de la surface oculaire.
avoir comme conséquences d’une part l’absence d’efficacité sur
Type d’infection Terrains particuliers Germes en cause
l’infection, mais aussi l’émergence de germes résistants, qui vont
grever le pronostic du patient. Kératite Non porteur de lentilles Staphylocoque
Pour éviter les erreurs de prescriptions, certaines règles sont à Streptocoque
respecter. Elles nécessitent une bonne connaissance des antibio- Porteur de lentilles Klebsiella
tiques (pharmacologie), de l’infection à traiter (microbiologie), Serratia
et du devenir de l’antibiotique dans l’œil (pharmacocinétique et Escherichia coli
pharmacodynamique oculaire). Proteus mirabilis
Il faut répondre à plusieurs questions avant d’instaurer un trai- Pseudomonas
tement antibiotique. Conjonctivite Non porteur de lentilles Staphylocoque
Streptocoque
Quel est le diagnostic ? Enterococcus faecalis

La première à se poser est celle du diagnostic. Celui-ci repose Porteur de lentilles Bacilles Gram négatifs
Pseudomonas
en matière d’infectiologie sur trois critères : le patient (terrain), le
site infecté et le germe en cause. Enfant Haemophilus influenzae
En matière d’ophtalmologie et d’antibiothérapie locale, la Streptococcus pneumoniae
réponse du site est en règle générale simple : la cornée, la conjonc- Nouveaux nés Gonocoque
tive ou la paupière. Blépharite Staphylocoque
Pour ce qui est du patient, étant donné la quasi-absence
d’effet systémique des produits, peu de terrains particuliers sont à
prendre en compte. On retiendra la femme enceinte ou allaitante, longtemps au-dessus de la concentration minimale inhibitrice
ou des allergies à des antibiotiques. (CMI) du germe. Les bêtalactamines sont des exemples d’agents
En ce qui concerne le germe en cause, il n’est pas tou- possédant ce mode d’action. Ceci implique donc pour des molé-
jours facile d’obtenir un prélèvement qui mettra en évidence cules à demi-vie courte que leur administration soit fréquente, de
le ou les germes présents au sein du foyer infectieux. Cepen- manière à conserver une concentration au-dessus de la CMI.
dant, l’écologie classique est connue, ce qui permet d’adapter le Pour les antibiotiques concentration-dépendant, c’est le rap-
spectre de l’antibiotique aux germes potentiellement en cause. port concentration maximale (Cmax)/CMI qui est prédictif de
Les Tableaux 1 et 2 [1, 2] résument les principaux germes présents l’efficacité du produit. La Cmax correspond à la concentration
dans les culs-de-sac conjonctivaux (Tableau 1) et retrouvés dans maximale obtenue après administration du produit. Les ami-
les infections de surface (Tableau 2). Enfin, le terrain joue un rôle nosides font partie de ce groupe d’antibiotiques. De plus, ces
dans le diagnostic microbiologique ? À titre d’exemple, on évo- antibiotiques bénéficient d’un effet postantibiotique qui se traduit
quera rapidement une infection à Pseudomonas aeruginosa chez par la rémanence de leur action même si leur concentration dimi-
un patient porteur de lentilles ; tandis que dans le cadre d’une nue au-dessous de la CMI. Pour ces raisons, il s’agit d’antibiotiques
infection sexuellement transmissible (IST), on se méfiera particu- qui ne s’administrent qu’une fois par jour en systémique, pour
lièrement d’une infection à gonocoque ou à chlamydia. obtenir une Cmax la plus élevée possible, tout en profitant de
leur effet postantibiotique.
La posologie choisie dans le cadre d’une administration sys-
Quel antibiotique choisir ? témique dépend de son mode d’action, mais aussi du site de
Une fois que l’on a répondu à la question du diagnostic et que l’infection et du germe en cause. Le but de cette adaptation de
l’on a éliminé une étiologie ne nécessitant pas une antibiothéra- posologie est d’obtenir au site de l’infection, c’est-à-dire au contact
pie (infection virale, allergie, inflammation non infectieuse), il est du germe, une concentration efficace d’antibiotique, c’est-à-dire
alors possible de choisir le traitement adéquat. supérieure à la CMI du germe. Alors qu’en traitement systé-
Ce choix repose, à nouveau, sur les trois critères évoqués plus mique, la diffusion des antibiotiques n’est pas la même pour
haut, en rajoutant en plus l’antibiotique, l’aspect économique et chacun d’entre eux et pour tous les tissus, l’administration locale
l’aspect écologique. d’antibiotiques en ophtalmologie permet de s’affranchir de cette
En ce qui concerne l’antibiotique, il faut s’assurer que la ou réflexion étant donné les doses importantes délivrées localement.
les bactéries à traiter sont incluses dans son spectre d’activité. Lorsque l’on choisit de prescrire un antibiotique, on peut être
Ce dernier ne doit pas pour autant être trop large, au risque de amené à en prescrire plusieurs en association. La prescription
déséquilibrer les flores commensales du patient. d’une association dépendra du lieu de l’infection, du terrain sous-
Il faut également prendre en compte son mode d’action. jacent, de la bactérie en cause et même de l’antibiotique choisi.
En effet, le mode d’administration va dépendre du mécanisme Certains germes, comme les staphylocoques, ne doivent pas être
d’action de l’antibiotique, qui peut être temps-dépendant ou traités en monothérapie sous peine de faire émerger des souches
concentration-dépendant. résistantes et ceci est particulièrement vrai avec certains antibio-
Pour que les antibiotiques temps-dépendant soient efficaces, tiques comme les fluoroquinolones (FQ), la rifampicine ou l’acide
il faut que leur concentration au site de l’infection soit le plus fusidique.

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Tableau 3.
Collyres et pommades antibiotiques à usage ophtalmologique disponibles en France en officine, en 2021 [2] .
Famille Molécule Nom commercial et Conservateur Conditionnement
présentation
Macrolides Azythromycine Azyter® 15 mg/g collyre Non Unidoses
Fluoroquinolones Norfloxacine Chibroxine® 0,3 % collyre Benzalkonium chlorure Flacon
Ciprofloxacine Ciloxan® 0,3 % Benzalkonium chlorure (collyre) Flacon
collyre/pommade
Ofloxacine Exocine® 0,3 % collyre Benzalkonium chlorure Flacon
Monoox® 1,5 mg/0,5 ml Non Unidoses
Quinofree® 1,5 mg/0,5 ml Non Unidoses
Aminosides Tobramycine Tobrabact® 0,3 % Benzalkonium chlorure Flacon
Tobrex® 0,3 % Benzalkonium chlorure Flacon (collyre)
collyre/pommade
Autres Tétracycline Auréomycine Evans® 1 % Non
pommade
Acide fusidique Fucithalmic® 1 % gel Benzalkonium chlorure
Rifamycine Rifamycine Chibret® Non Flacon (collyre)
1 MUI/100 g collyre/pommade
Associations Néomycine + Atébémyxine® Benzalkonium chlorure Flacon
d’antibiotiques polymyxine B collyre/pommade
Cébémyxine® Benzalkonium chlorure Flacon
collyre/pommade
Associations avec un Tobramycine Dexaméthasone Tobradex® collyre Benzalkonium chlorure Flacon
anti-inflammatoire Tobramycine Dexaméthasone Todexal® collyre Benzalkonium chlorure Flacon
Néomycine Dexaméthasone Chibro-Cadron® collyre Benzododécinium bromure Flacon
Framycétine Dexaméthasone Frakidex® collyre/pommade Benzalkonium chlorure (collyre) Flacon (collyre)
Néomycine + Dexaméthasone Maxidrol® collyre/pommade Benzalkonium chlorure (collyre) Flacon (collyre)
polymyxine B
Oxytétracycline Dexaméthasone Sterdex® pommade Non
Néomycine Triamcinolone Cidermex® pommade Non

Dans le choix de l’antibiotique doit aussi être pris en compte son Les bêtalactamines sont bactéricides et fonctionnent sur un
impact écologique. En effet, l’antibiotique ne va pas se contenter mode temps-dépendant. Elles agissent en se fixant sur les pro-
d’éradiquer le germe en cause dans l’infection, mais va aussi être téines enzymatiques liant la pénicilline (protéines de liaison aux
actif sur la flore commensale du patient. Ceci entraîne, d’autant pénicillines [PLP]). Elles inhibent ainsi la synthèse du peptidogly-
plus si le spectre d’action est large, la sélection de germes résis- cane, composant essentiel de la paroi bactérienne.
tants, qui par la suite peuvent diffuser dans la population générale. Les mécanismes de résistance aux bêtalactamines comprennent
C’est en se posant l’ensemble de ces questions que l’on peut la production de bêta-lactamases (entérobactéries), la diminution
choisir au mieux l’antibiothérapie la mieux adaptée à l’infection de la perméabilité de la membrane externe (bacilles Gram néga-
présentée par le sujet, en tenant compte de la bactérie, du site de tif), les systèmes d’efflux, et la modification des PLP (cocci Gram
l’infection, du patient, du ou des produits utilisés, de l’écologie et positif).
de l’économie. Ceci permet d’optimiser la prescription, et, utili- Le spectre des bêtalactamines est très large mais varie selon
sés comme ceci, les antibiotiques resteront des alliés de choix, en les molécules, et certaines bactéries échappent à leur action, par
préservant leur efficacité pour le futur. résistance naturelle ou acquise.
Les effets secondaires sont rares et sont dominés par les réac-
tions allergiques. Cependant, il est à présent admis que les
Différents antibiotiques utilisés phénomènes d’allergie croisée entre pénicillines et céphalospo-
rines sont très rares. À l’exception de quelques céphalosporines
en administration locale en ophtalmologie de première génération ayant une structure moléculaire proche de
Diverses familles d’antibiotiques peuvent être utilisées en oph- celle des pénicillines (radical R1 identique), les céphalosporines de
talmologie, que ce soit sous forme topique (en collyre, en gel ou en deuxième et troisième génération peuvent donc être utilisées chez
pommade) ou en préparation injectable. Il peut s’agir d’un anti- les patients présentant des antécédents de réaction allergique aux
biotique seul, d’une association d’antibiotiques ou encore d’une pénicillines [3] .
association entre un antibiotique et un anti-inflammatoire.
Les différentes molécules disponibles en France sous forme En ophtalmologie
topique en 2021, que ce soit seul ou en associations, ainsi que Si les bêtalactamines constituent la majorité des molécules
leurs caractéristiques, sont résumées dans les Tableaux 3 à 5 (anti- antibiotiques utilisées par voie générale, leur utilisation en oph-
biotiques disponibles en France), (mode d’action et résistance), et talmologie est limitée du fait de leur instabilité en solution qui
(spectre antibactérien). rend leur usage impossible sous forme topique. En revanche,
elles peuvent être utilisées sous forme de collyres renforcés pré-
parés en pharmacie hospitalière dans le traitement des kératites
Bêtalactamines
bactériennes avec facteurs de gravité (ticarcilline, céfazoline et
Généralités ceftazidime notamment). Enfin, l’utilisation du céfuroxime en
La famille des bêtalactamines est la plus ancienne famille injection intracamérulaire en fin d’intervention de chirurgie de la
d’antibiotiques connue. Elle comprend les pénicillines, les cépha- cataracte a montré son efficacité dans la prévention des endoph-
losporines, les carbapénèmes et les monobactames. talmies postopératoires et son usage est aujourd’hui recommandé

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Tableau 4.
Modes d’actions, bactéricidie et résistances des antibiotiques utilisés en ophtalmologie.
Mécanisme d’action Mode d’action Bactéricidie Résistance
Fluoroquinolones Inhibition de la topoisomérase i.v. Concentration-dépendant Bactéricide Mutation du gène
et de l’ADN gyrase
Aminosides Inhibition de la synthèse Concentration-dépendant Bactéricide Acquisition de plasmides ou de
protéique (sous-unité 30S) transposons ou mutation
Acide fusidique Inhibition de la synthèse Bactériostatique Mutation du gène
protéique
Tétracycline Inhibition de la synthèse Bactériostatique Acquisition de gènes
protéique (sous-unité 30S)
Chloramphénicol Inhibition de la synthèse Bactériostatique/bactéricide Acquisition de plasmides
protéique (sous-unité 50S)
Rifampicine Inhibition de la synthèse de Temps-dépendant Bactéricide Mutation du gène
l’ARNm
Macrolides Inhibition de la synthèse Temps-dépendant Bactériostatique Mutation de la cible/inactivation
protéique (sous-unité 50S)
Glycopeptides Temps-dépendant

i.v. : intraveineuse ; ADN : acide désoxyribonucléique ; ARN : acide ribonucléique.

Tableau 5.
Spectre des antibiotiques utilisés en ophtalmologie. (Pour les bactéries sauvages. Le tableau ne tient pas compte de l’évolution des résistances).
Fluoroquinolone Acide fusidique Aminosides Chloramphénicol Rifampicine Tétracycline Macrolides
Cocci Gram Staphylocoque + + + − + + −
positif Streptocoque Nouvelles FQ − − + + + +
Entérocoque Nouvelles FQ − − − + −
Bacille Gram Entérobactérie groupe 1 + − + + + − −
négatif Entérobactérie groupe 2 + − + − − −
Entérobactérie groupe 3 + − + − − − −
Pseudomonas aeruginosa + − + − − − −
Haemophilus influenzae + − + + + +

FQ : fluoroquinolones.

par la Haute Autorité de Santé (HAS) [4, 5] . Il est à noter que le la condensation et le déroulage de l’ADN. La conséquence est un
céfuroxime peut être utilisé chez les patients présentant une aller- arrêt de la synthèse de l’ADN bactérien et donc une interruption
gie isolée à la pénicilline, du fait du risque très faible d’allergie de la chaîne protéique nécessaire à la bactérie. Cela entraîne un
croisée [3] . effet bactériostatique dans un premier temps, puis d’autres pro-
cessus interviennent en cascade pour aboutir à la bactéricidie.
Fluoroquinolones Ces molécules ont une très bonne biodisponibilité, et une très
bonne pénétration intraoculaire lorsqu’elles sont utilisées par voie
Historique topique.
La famille des quinolones est la première famille d’antibiotiques
entièrement conçue par l’homme. La première quinolone (l’acide Mécanismes de résistance et spectre
nalidixique), développée en 1962 par recombinaison d’une molé- Le mécanisme de résistance principal est la survenue de
cule de chloroquine, avait un spectre limité aux germes à Gram mutations chromosomiques sur les gènes codants pour la topoi-
négatif, et une demi-vie assez courte. somérase IV ou l’ADN gyrase. Ces mutations apparaissent
Une deuxième génération de quinolones apparut en 1978. spontanément et l’administration de la FQ sélectionne les
La première FQ (la norfloxacine) avait un spectre plus étendu mutants résistants. Les FQ sont donc de plus en plus concernées
aux bactéries à Gram négatif et une demi-vie prolongée. Cette par l’émergence de résistances, et de nombreuses recomman-
molécule a évolué ensuite pour augmenter sa demi-vie, avec dations visent désormais à limiter leur utilisation. D’autres
l’apparition de la pefloxacine, de l’ofloxacine et de la ciprofloxa- mécanismes comme des pompes à efflux existent aussi vis-à-vis
cine. L’efficacité a été ensuite augmentée en sélectionnant la forme des FQ.
lévogyre de l’ofloxacine (lévofloxacine). Le spectre des FQ a évolué au fil des générations de molécules.
Une troisième génération de molécules a vu le jour dans les Elles sont toutes actives sur les staphylocoques, mais les anciennes
années 1980, qui permettait une meilleure efficacité sur les germes FQ ne sont pas actives sur les streptocoques. En revanche, la lévo-
à Gram positif : témafloxacine, sparfloxacine, grepafloxacine, gati- floxacine et la moxifloxacine ont été développées pour avoir dans
floxacine. leurs spectres les streptocoques et en particulier le pneumocoque.
Enfin, une quatrième génération a été développée depuis les Les entérobactéries sont majoritairement sensibles aux FQ. La
années 1990, qui combine efficacité sur les germes à Gram posi- ciprofloxacine est, quant à elle, la plus active sur P. aeruginosa.
tif, les germes à Gram négatif, et les anaérobies : clinafloxacine,
gemifloxacine, trovafloxacine, moxifloxacine. Effets secondaires et contre-indications
Les FQ sont dans la majorité des cas bien tolérées. Les effets
Mode d’action secondaires varient selon la molécule utilisée. On retrouve des
Les FQ sont bactéricides et fonctionnent sur un mode tendinopathies pouvant aller jusqu’à la rupture tendineuse, une
concentration-dépendant avec un effet postantibiotique. Elles photosensibilité, des anomalies du système nerveux central (hal-
agissent en inhibant la synthèse de l’acide désoxyribonucléique lucinations, dépression, convulsions, etc.), des allongements du
(ADN). Leurs cibles sont la topoisomérase IV et l’ADN gyrase (aussi QT à l’ECG, des insuffisances rénales. Les FQ sont contre-
appelée topoisomérase II), qui sont des enzymes impliquées dans indiquées chez les enfants. Chez les femmes enceintes, les FQ

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doivent être évitées même si aucune toxicité sur les cartilages de Les mécanismes de résistance consistent en une modification
conjugaison n’a été rapportée à ce jour chez des enfants de mères de la cible (mutation du gène ermC), une inactivation (estérase,
traitées par FQ pendant la grossesse. L’allaitement doit être sus- glycosyltransférase, etc.), ou une pompe à efflux.
pendu si leur utilisation est nécessaire. Cependant, leur usage par Le spectre des macrolides comprend les cocci à Gram positif et
voie oculaire est possible avec prudence quel que soit le terme de négatif, ainsi que les bacilles à Gram positif. Ils sont en revanche
la grossesse et au cours de l’allaitement. moins efficaces sur les entérobactéries et le Pseudomonas.
Les effets secondaires par voie systémique sont essentiellement
En ophtalmologie marqués par une intolérance digestive. Il existe, comme avec de
Les FQ sont couramment utilisées comme traitement de pre- nombreux antibiotiques, des interactions avec de nombreux pro-
mière intention des kératites et abcès de cornée ne nécessitant duits. On citera par exemple les dérivés de l’ergot de seigle, la
pas de collyres renforcés. La ciprofloxacine et l’ofloxacine ont carbamazépine, etc.
une autorisation de mise sur le marché (AMM) comme traitement
des infections oculaires sévères (conjonctivites sévères, kératites et En ophtalmologie
ulcères cornéens) que l’on utilisera volontiers en association pour
L’azithromycine a une AMM pour le traitement des conjonc-
limiter l’apparition de résistances bactériennes.
tivites bactériennes purulentes et des conjonctivites trachoma-
Les FQ de quatrième génération ne sont, à ce jour, pas encore
teuses. Elle peut également être utilisée en cures courtes répétées
disponibles en France, à l’exception de la moxifloxacine, qui
dans le traitement des blépharites associées à une rosacée ocu-
bénéficie d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) nomi-
laire [6] . Enfin, les macrolides sont utilisés par voie systémique
native.
comme traitement du trachome dans les zones d’endémie.

Aminosides
Généralités Acide fusidique
La famille des aminosides comprend de nombreuses molécules, Généralités
qui sont des dérivés de la streptomycine, isolée en 1943 à partir L’acide fusidique est habituellement bactériostatique, mais il
de Streptomyces griseus. devient bactéricide à forte concentration. Il agit en bloquant la
Les aminosides sont bactéricides et fonctionnent sur un synthèse protéique au moment de la translocation de l’acide ribo-
mode concentration-dépendant avec un effet postantibiotique. Ils nucléique (ARN)m au sein du ribosome.
agissent en inhibant la synthèse protéique, leur cible étant la sous- La résistance à l’acide fusidique peut survenir de deux façons :
unité 30S du ribosome bactérien. Ils ont une mauvaise diffusion soit par mutation du gène fusA, qui encode pour la cible, soit par
tissulaire. mécanisme d’efflux.
Les mécanismes de résistance sont variés. Il peut s’agir d’une Le spectre de l’acide fusidique comprend S. aureus et S. epidermi-
modification de la cible, d’une inactivation enzymatique de la dis, H. influenzae, et Moraxella catarrhalis, en revanche il n’est pas
molécule, ou d’une diminution de son transport vers l’intérieur très actif sur les streptocoques et entérocoques, et il est inactif sur
de la bactérie. les bacilles à Gram négatif qui ont une résistance naturelle.
Le spectre des aminosides est large. Ils sont actifs contre les Peu d’effets secondaires sont rapportés avec l’acide fusidique.
germes à Gram négatif et contre les staphylocoques. Ils ne sont On retrouve des ictères, des thrombophlébites lors de l’utilisation
cependant pas actifs contre les streptocoques et en particulier le par voie veineuse et des thrombopénies réversibles. Lors de
pneumocoque en raison d’une mauvaise pénétration au travers de l’administration locale de préparations ophtalmiques, il peut y
la paroi bactérienne. En revanche, en association avec une bêta- avoir un prurit ou un picotement local.
lactamine, on observe une synergie d’action liée à une meilleure
pénétration des aminosides grâce à l’activité antipeptidoglycane
En ophtalmologie
des bêtalactamines.
Les aminosides administrés par voie systémique possèdent deux L’acide fusidique sous forme de gel a l’AMM pour le traitement
principaux effets secondaires : une néphrotoxicité et une ototoxi- des conjonctivites, des kératites bactériennes simples, des ulcères
cité (avec atteinte cochléaire et/ou vestibulaire). La préexistence cornéens, des blépharites staphylococciques et des orgelets.
d’une insuffisance rénale, l’association à d’autres drogues néphro-
toxiques ou ototoxiques, ou encore une durée de traitement
supérieure à 10 jours sont des facteurs de risque. Il semble qu’une Tétracyclines
dose quotidienne soit moins toxique que la même dose adminis- Généralités
trée en injections quotidiennes multiples. On trouve au sein de cette classe plusieurs représentants : la
tétracycline, la doxycycline, la minocycline.
En ophtalmologie Les tétracyclines sont bactériostatiques, mais peuvent devenir
Sous forme topique, on retrouve la gentamicine, la tobramy- bactéricides si la CMI des germes est très basse. Ils agissent en
cine et la néomycine. La tobramycine est recommandée par la inhibant la synthèse protéique, leur cible étant la sous-unité 30S
HAS comme traitement probabiliste des conjonctivites graves, des du ribosome bactérien. Ce sont des molécules liposolubles, qui
kératites bactériennes simples et des ulcères cornéens, ainsi que ont une bonne pénétration tissulaire.
pour les blépharites et les orgelets dans sa forme pommade. La résistance passe par l’acquisition de gènes via des éléments
mobiles. On retrouve des gènes pour des pompes à efflux, pour
Macrolides une protection ribosomale, et une inactivation enzymatique.
Le spectre des tétracyclines est large, on retrouve dans celui-ci
Généralités des Gram positifs, des Gram négatifs, des germes intracellulaires,
Les macrolides sont des molécules glucidiques issues de Strepto- et des germes anaérobies à Gram positif.
myces erythaeus, qui présentent un grand cycle lactone ou « olide » Parmi les effets secondaires principaux, on retrouve une photo-
qui justifie leur nom. Le chef de file est l’érythromycine et de sensibilité, une coloration permanente des dents chez les enfants
nombreux antibiotiques en dérivent. Ces dérivés possèdent une (jaune/gris), et des troubles digestifs.
meilleure tolérance, de meilleures caractéristiques pharmacociné-
tiques et un spectre antibactérien étendu.
Les macrolides sont classiquement bactériostatiques, mais ils En ophtalmologie
peuvent être bactéricides à forte concentration pour certains En ophtalmologie, seule l’oxytétracycline est utilisée par voie
germes (staphylocoques, streptocoques, Haemophilus influenzae), locale, et elle n’est à ce jour disponible qu’en association avec la
particulièrement l’azithromycine. Ils fonctionnent sur un mode dexaméthasone sous forme de pommade. En revanche, les tétra-
temps-dépendant. Ils agissent en inhibant la synthèse protéique, cyclines peuvent être utilisées par voie générale dans le traitement
leur cible étant la sous-unité 50S du ribosome bactérien. de la rosacée oculaire [7, 8] .

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21-780-A-20  Antibiotherapie locale en ophtalmologie

Rifamycines Polymyxines
Généralités Généralités
Cette famille est constituée des dérivés de la rifamycine B, molé- Les polymyxines sont bactéricides et fonctionnent sur un mode
cule naturelle isolée à partir de Nocardia mediterranei. On utilise en concentration-dépendant. Les polymyxines agissent sur la mem-
pratique clinique la rifampicine et la rifabutine. brane bactérienne en s’intégrant dans la bicouche lipidique, ce
Les rifamycines sont bactéricides et fonctionnent sur un qui provoque une rupture de l’intégrité osmotique et ainsi la lyse
mode temps-dépendant. Ces molécules agissent en inhibant de la bactérie.
l’élongation de l’ARNm par blocage de la sous unité ␤ de Le spectre des polymyxines est limité aux bacilles à Gram néga-
l’ARN polymérase ADN-dépendante. En revanche, elles n’ont pas tif. La résistance est avant tout naturelle pour les bactéries à Gram
d’action sur l’ARN polymérase des mammifères. positif et les cocci à Gram négatif. Il y a peu de résistances acquises.
La résistance est la conséquence de la sélection de mutants Les effets secondaires sont dominés par une toxicité rénale
porteurs de la mutation sur le gène rpoB qui code pour la sous importante qui limite fortement son utilisation. La colistine par
unité ␤ de l’ARN polymérase. Cette mutation apparaît naturel- voie intraveineuse est donc un antibiotique de dernier recours
lement avec une fréquence de 10−8 . Cette apparition rapide de utilisé dans les infections à P. aeruginosa multirésistant.
mutation impose d’utiliser ces molécules en association et d’éviter
de les prescrire au long cours. En ophtalmologie
Le spectre des rifamycines comprend la plupart des bactéries La polymyxine B est utilisée sous forme topique en association
à Gram positif (staphylocoques, streptocoques), certaines myco- avec la néomycine dans le traitement des conjonctivites et des
bactéries (Mycobacterium tuberculosis, M. kansasii, etc.), et certains kératites bactériennes simples.
germes à Gram négatif (méningocoque, H. influenzae, Brucella,
Legionella pneumophila). En revanche, cette classe n’est pas active Phénicolés
sur les entérobactéries. Il faut faire attention à la posologie de Généralités
cette molécule, car elle varie en fonction du germe que l’on désire
La famille des phénicolés comprend deux membres : le chlo-
traiter. Pour une infection à mycobactérie, la posologie est de
ramphénicol et le thiamphénicol.
10 mg/kg par jour en une prise, alors que pour une infection à
Les phénicolés peuvent être bactériostatiques ou bactéricides,
germe pyogène elle est de 20 à 30 mg/kg par jour en deux prises.
en fonction de leurs cibles : ils sont bactéricides sur des germes
La tolérance est globalement bonne. On peut noter comme
importants comme H. influenzae, Streptococcus pneumoniae, Neis-
effets secondaires des nausées et vomissements, ainsi que de très
seria meningitidis. Ils agissent en inhibant la synthèse protéique,
rares complications hépatiques. L’administration discontinue ou
leur cible étant la sous-unité 50S du ribosome bactérien. Le chlo-
la ré-administration après une courte période peut être à l’origine
ramphénicol a une excellente pénétration intraoculaire.
de syndrome d’hypersensibilité. La rifabutine, autre médicament
Une résistance naturelle aux phénicolés est observée chez
de la même classe, peut être à l’origine d’uvéite. Il faut prévenir le
quelques bactéries. Une production d’enzymes entraînant une
patient de la coloration orange de ses urines et larmes, ainsi que
acétylation de la molécule peut être acquise via un plasmide.
des lentilles de contact.
Le spectre des phénicolés est large. En effet, ils sont actifs
sur les staphylocoques, les streptocoques, un certain nombre
En ophtalmologie
d’entérobactéries, et les anaérobies. En revanche, les bacilles à
La rifamycine est recommandée par la HAS comme traitement
Gram négatifs non fermentant sont en général résistants.
probabiliste des conjonctivites, des kératites bactériennes simples
Le chloramphénicol par voie systémique a pour principal effet
et des ulcères cornéens, ainsi que pour les blépharites et les orge-
secondaire la survenue d’aplasies médullaires irréversibles. Il s’agit
lets dans sa forme pommade. Elle est particulièrement utile chez
d’un effet secondaire très rare (1 cas sur 20 000 à 60 000 sujets
l’enfant puisqu’elle est active sur H. influenzae et sur les strepto-
traités) mais dont le pronostic est très sombre (plus de 50 % de
coques. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de
décès).
santé (Afssaps), devenue depuis l’Agence nationale de sécurité
du médicament et des produits de santé (ANSM), recommande En ophtalmologie
d’ailleurs depuis 2010 son utilisation dans la prévention des oph- Depuis son apparition dans les années 1950, le chloramphé-
talmies néonatales chez les nouveau-nés à risque [9] : « le collyre à nicol sous forme topique a été un traitement de choix pour le
base de rifamycine semble la meilleure alternative pour la prophylaxie traitement et la prévention des infections de la surface oculaire.
des infections conjonctivales du nouveau-né » ; « une antibioprophy- C’est un antibiotique à large spectre, peu onéreux, qui est actif
laxie conjonctivale néonatale est recommandée en cas d’antécédents sur jusqu’à 94 % des pathogènes oculaires, avec une efficacité
et/ou de facteurs de risque d’infections sexuellement transmissibles comprise entre 91 à 93 % dans les infections oculaires.
(IST) chez les parents. Dans ces situations, il est recommandé d’instiller Mais au début des années 1980, des aplasies médullaires attri-
une goutte de collyre à base de rifamycine dans chaque œil du nouveau- buées au chloramphénicol collyre ont entraîné l’arrêt définitif de
né à la naissance ». Aucune toxicité du produit donné par voie sa prescription aux États-Unis, mais pas en Grande-Bretagne ni
topique ophtalmologique n’a été signalée. dans les pays scandinaves. Une abondante littérature est dispo-
nible sur le sujet depuis 20 ans.
Glycopeptides Au total, sept cas d’anémie aplasique après chloramphénicol
topique ont été rapportés [10] . Ces cas ne sont cependant pas
Généralités comparables en termes de dose et de durée de traitement, et la
Cette classe comprend la vancomycine et la teicoplanine. responsabilité directe et univoque du chloramphénicol n’est pas
Les glycopeptides sont bactéricides et fonctionnent sur un prouvée, d’autant plus que la pénétration systémique du chloram-
mode temps-dépendant. Ils inhibent la synthèse de la paroi bac- phénicol sous forme de collyre est considérée comme nulle par la
térienne en bloquant la synthèse du peptidoglycane. plupart des auteurs.
Le spectre des glycopeptides est restreint aux germes à Gram Une méta-analyse de deux études de cohorte portant sur respec-
positif uniquement. tivement 19 et 21 millions de patients a été publiée en 1998 [11] .
Le principal effet secondaire est une néphrotoxicité dose- Parmi cette population, 426 cas d’anémie aplasique ont été notés.
dépendante. Aucun d’entre eux n’avait pris de chloramphénicol collyre. Une
comparaison a été faite à un groupe témoin de 3118 patients
En ophtalmologie hospitalisés pour raison non-hématologique, qui incluait sept
La vancomycine n’est pas commercialisée sous forme de collyre patients ayant pris du chloramphénicol collyre.
en pharmacie d’officine. Cependant, en milieu hospitalier, elle est Le chloramphénicol est une cause reconnue d’anémie aplasique
fréquemment utilisée, après préparation magistrale, au sein d’une lorsqu’il est administré par voie générale, à la fréquence moyenne
association de collyres renforcés dans le traitement des abcès de de 1 pour 50 000 patients. En revanche, aucune étude n’a pour
cornée avec critère de gravité. l’heure prouvé qu’une simple goutte de collyre pouvait amener

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Antibiotherapie locale en ophtalmologie  21-780-A-20

au niveau de la moelle une quantité de produit suffisante pour taux de S. aureus résistants à la méticilline, ainsi qu’une augmenta-
entraîner une telle réaction. tion significative de la résistance à d’autres antibiotiques comme
Devant tous ces soupçons, la question du rapport béné- la tétracycline, l’érythromycine ou le cotrimoxazole [17] .
fice/risque du chloramphénicol en collyre a fait l’objet d’un débat Enfin, à Toronto, Lichtinger et al. ont montré sur 1701 pré-
dans la communauté ophtalmologique, et sa prescription s’est lèvements réalisés entre 2000 et 2010 une augmentation de la
autolimitée en France, aux États-Unis et dans toute l’Europe résistance à la méticilline [18] .
du Sud, ce qui a conduit au retrait de sa commercialisation en Cette augmentation des résistances aux antibiotiques obser-
France. Les pays du nord de l’Europe (Grande Bretagne, Alle- vée en ophtalmologie sur les dernières décennies n’a encore que
magne, pays scandinaves) continuent cependant à l’utiliser à peu d’impact thérapeutique à l’heure actuelle, notamment grâce
grande échelle, et aucune littérature supplémentaire n’est venue aux caractéristiques pharmacocinétiques uniques de l’œil qui per-
confirmer les craintes exprimées il y a maintenant plus de 25 ans. mettent l’obtention de concentrations élevées d’antibiotiques sur
Il faut souhaiter que dans les années à venir, le chloramphénicol le site infectieux. Pour autant, il est primordial de promouvoir une
retrouve la place qu’il mérite dans notre arsenal thérapeutique utilisation raisonnée et vigilante de ces molécules afin de prévenir
d’antibiothérapie en collyre. l’émergence de nouveaux mutants résistants.

Comment limiter l’apparition de souches


 Spécificités de l’antibiothérapie résistantes aux antibiotiques en pratique ?
locale en ophtalmologie Les bactéries développent des résistances aux antibiotiques
lorsqu’elles sont mises en contact de ces antibiotiques à des doses
Microbiologie insuffisantes. Lorsque l’on instille un collyre, une partie non négli-
geable du produit actif se retrouve rapidement dispersé au niveau
La surface oculaire est colonisée par une flore bactérienne rési-
des muqueuses lacrymales et respiratoires, où réside en perma-
dente, qui joue un rôle de barrière, et empêche la colonisation par
nence une flore commensale.
des bactéries pathogènes. Chez le sujet tout-venant, cette flore est
Pour éviter l’apparition ou la sélection de souches résistantes, il
avant tout composée de bactéries à Gram positif, et en premier
convient donc de traiter par antibiotiques seulement les infections
lieu les staphylocoques à coagulase négative. Chez les porteurs
bactériennes, d’assurer une dose efficace d’emblée, et de traiter
de lentilles de contact, cette flore commensale est différente, car
suffisamment longtemps (8 jours) pour assurer la destruction de
elle est contaminée par une flore manuportée, dominée par les
toutes les bactéries ciblées. A contrario, les schémas thérapeu-
bactéries à Gram négatif (Tableau 2).
tiques à éviter sont les traitements antibiotiques de longue durée
Une infection de la surface oculaire peut être liée à un germe
à dose faible, les traitements de trop courte durée, ou les prescrip-
présent dans la flore commensale et qui provoque une infection à
tions d’une molécule à spectre inadapté.
la faveur d’un traumatisme, ou à la contamination extérieure par
un germe pathogène étranger à la flore commensale.
Chez le non porteur de lentilles de contact, les germes les
plus fréquemment responsables d’infections bactériennes de la
Pharmacocinétique
surface oculaire sont des germes à Gram positif, en particulier La pharmacocinétique étudie « ce que l’organisme fait à un
des staphylocoques. En revanche, chez les porteurs de lentilles médicament », c’est-à-dire le devenir d’une molécule au sein de
de contact, les bacilles à Gram négatif, y compris P. aeruginosa, l’organisme après son administration. Elle fait le lien entre la dose
ont une incidence plus importante, de même que les amibes administrée d’une part, et la concentration retrouvée sur le site
(notamment Acanthamoeba) et les champignons (Fusarium) [12, 13] . infectieux d’autre part.
Enfin, dans les conjonctivites liées aux imperforations des voies La pharmacodynamique étudie « ce que le médicament fait à
lacrymales du nourrisson, les germes de la sphère oto-rhino- l’organisme », c’est-à-dire la relation entre la concentration de la
laryngologique (ORL) des enfants dominent, notamment les molécule d’une part, et son effet biologique d’autre part, que ce
streptocoques S. pneumoniae et H. influenzae. soit en termes d’efficacité ou de toxicité.

Résistance aux antibiotiques Principes généraux de pharmacocinétique


en ophtalmologie Le traitement des infections oculaires superficielles ne
pose en principe pas de problème de pharmacocinétique, et
Les résistances aux antibiotiques sont connues pratiquement l’administration locale permet d’obtenir des doses in situ bien
depuis qu’existent les antibiotiques, et l’émergence de bactéries supérieures à n’importe quelle autre voie, même systémique.
résistantes n’a cessé d’augmenter depuis les années 1960 [14] . Tous les collyres se répartissent dans l’ensemble du film lacry-
Plus encore, les antibiotiques nouvellement arrivés sur le mar- mal, et au contact immédiat de la conjonctive bulbaire, de
ché donnent lieu quelques années après, systématiquement, à une l’épithélium cornéen, de la face interne des paupières, et de la
apparition importante de résistances dans l’écologie microbienne. muqueuse canaliculaire.
Certaines molécules peuvent pénétrer dans le tissu cornéen,
Revue de la littérature lorsqu’elles ont un poids moléculaire faible et une lipophilie satis-
Plusieurs études rétrospectives portant sur une large banque faisante. La pénétration intracornéenne est également modifiée en
de prélèvements oculaires réalisés dans différents centres sur cas d’altération de l’épithélium cornéen, ainsi qu’avec un support
de longues périodes ont montré une même tendance à visqueux qui augmente le temps de rémanence du principe actif.
l’augmentation des résistances. La concentration d’antibiotiques dans les larmes diminue
Knauf et al., dans une étude rétrospective portant sur 35 308 pré- ensuite progressivement au cours du temps en raison de la dilution
lèvements, ont montré une diminution de la sensibilité de six dans le film lacrymal, de la résorption au niveau de la conjonctive,
groupes de germes de référence à la ciprofloxacine entre 1988 de l’élimination par les canaux lacrymaux, et de la pénétration
et 1997 : P. aeruginosa, Staphylococcus aureus, staphylocoques à dans la cornée voire dans la chambre antérieure.
coagulase négative, Enterococcus spp., Acinetobacter anitratus et Le principe d’une antibiothérapie superficielle est d’obtenir des
Enterobacter cloacae [15] . concentrations efficaces supérieures aux CMI et inférieures aux
Dans une autre étude rétrospective portant sur 1053 prélève- concentrations toxiques pendant un temps de contact maximal
ments provenant de kératites bactériennes entre 1993 et 1997, qui dépend de la viscosité, du pH, de l’osmolalité, du type de
Goldstein et al. ont montré une augmentation du pourcentage de molécule et des adjuvants contenus dans le collyre. Cela est sur-
S. aureus résistant à la ciprofloxacine et à l’ofloxacine [16] . tout vrai pour les antibiotiques bactéricides temps-dépendants, et
Adebayo et al. ont montré sur 20 180 prélèvements réalisés à dans une moindre mesure pour les antibiotiques concentration-
New York entre 1997 et 2008 une augmentation significative du dépendants.

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Cinétique des antibiotiques Chloramphénicol. Le chloramphénicol est une molécule de


bas poids moléculaire qui pénètre bien dans l’œil et atteint
Fluoroquinolones
des concentrations efficaces contre H. influenzae et Haemophilus
Les progrès techniques réalisés dans la conception des FQ de parainfluenzae, L. pneumophila, M. catarrhalis, N. meningitidis, Pas-
deuxième, troisième puis quatrième génération ont permis d’en teurella multocida et S. pneumoniae [28] .
améliorer la pénétration intraoculaire au fil des années. Une lit- Tétracyclines. Les tétracyclines ont une bonne pénétration
térature importante est disponible sur le sujet, et montre que ces intracellulaire, et de ce fait représentent un traitement de choix
molécules ont une bonne biodisponibilité même par voie topique. pour les bactéries intracellulaires telles que Chlamydiae, dont la
Les FQ de deuxième génération ont une bonne pénétration résistance reste rare.
intracornéenne et intracamérulaire, obtenant des concentrations Rifamycine. La rifamycine est une molécule de bas poids
supérieures aux CMI 90 de la plupart des bactéries responsables moléculaire qui pénètre bien dans l’œil. Par voie orale, des concen-
d’infections de la surface oculaire. À titre d’exemple, la concentra- trations intraoculaires efficaces allant jusqu’à 20,0 ␮g/ml dans
tion intracornéenne de la ciprofloxacine après instillation topique l’humeur aqueuse et 15,2 ␮g/ml dans le vitré ont été retrouvées [29] .
est efficace contre la plupart des germes, puisque la CMI 90 de la Linézolide. Le linézolide a une bonne pénétration intrao-
ciprofloxacine est en général en dessous de 1 ␮g/ml, excepté pour culaire et atteint des concentrations conjonctivales, intracor-
certains germes comme S. aureus résistants à la méticilline, Bac- néennes et intracamérulaires efficaces contre la plupart des
teroides fragilis, certains streptocoques (CMI de la ciprofloxacine germes à Gram positif responsables de kératites infectieuses et
pour le pneumocoque : 1 à 4 ␮g/ml), les entérocoques, les Acine- d’endophtalmie [30] .
tobacter, Stenotrophomonas maltophilia, Burkholderia cepacia et les
Clostridium. Molécules à faible pénétration intraoculaire
Les FQ de troisième et quatrième génération (lévofloxacine, Aminosides. Les aminosides appliqués par voie topique sont
moxifloxacine, gatifloxacine, besifloxacine) ont une meilleure connus comme des molécules diffusant peu. Les aminosides
biodisponibilité et un meilleur rapport Cmax/efficacité, mais éga- semblent pénétrer dans la chambre antérieure à des concentra-
lement une moindre toxicité, et un spectre plus large, que les FQ tions infrathérapeutiques, même si des traces de gentamicine et
de première génération [19] . de tobramycine ont été détectées dans l’humeur aqueuse après
Parmi les nombreuses études disponibles sur le sujet, on peut administration avec des lentilles de contact [31] . La framycé-
citer celle de Solomon et al., qui a comparé les concentrations tine n’est pas capable de pénétrer dans l’œil en raison de sa
obtenues en chambre antérieure après instillation de moxifloxa- faible lipophilie (AMM). La micronomicine pénètre difficilement
cine, gatifloxacine et ciprofloxacine dans un contexte de chirurgie la cornée, mais des concentrations jusqu’à 32 mg/ml peuvent
de la cataracte. La moxifloxacine et la gatifloxacine avaient une être obtenues dans l’humeur aqueuse sur des cornées remaniées
concentration significativement plus élevée que la ciprofloxacine, (AMM).
et la moxifloxacine avait une concentration significativement Macrolides. Les macrolides sont des grosses molécules, et ont
plus élevée que la gatifloxacine [20] . une pénétration intraoculaire faible. Des concentrations théra-
D’autres études similaires ont abouti aux mêmes conclusions. À peutiques d’azithromycine ont cependant pu être détectées dans
titre d’exemple, McCulley et al. ont montré que la moxifloxacine la cornée après administration topique chez le lapin, alors que la
et la gatifloxacine avaient des concentrations en chambre anté- clarithromycine n’a aucune pénétration intraoculaire [32] .
rieure supérieures aux FQ plus anciennes, avec une supériorité de La cinétique des macrolides permet en revanche une durée de
la moxifloxacine sur la gatifloxacine [21] . présence allongée sur site. Cochereau et al. ont retrouvé des doses
En outre, des études se sont intéressées à la pénétration intra- thérapeutiques d’azithromycine sur la surface oculaire 7 jours
vitréenne des FQ de quatrième génération par voie topique, après un traitement de 3 jours par collyre à 1,5 % [33] . Cette effi-
notamment de la moxifloxacine. cacité persistante sur une longue durée explique l’utilisation de
Une étude de Lai et al., dans laquelle 27 patients rece- l’azithromycine en cures courtes, par exemple dans le traitement
vaient de la moxifloxacine ou de l’ofloxacine en collyre toutes des blépharites associées à une rosacée.
les 10 minutes pendant l’heure précédant une vitrectomie, Bêtalactamines. Les bêtalactamines ont une faible pénétra-
retrouvait des concentrations intravitréennes de moxifloxacine tion intraoculaire.
supérieures aux CMI 90 de la plupart des bactéries respon- Polymyxine B. La polymyxine B est un polypeptide de haut
sables d’endophtalmie [22] . A contrario, deux autres études poids moléculaire (environ 1200 Da) qui n’a aucune pénétration
similaires retrouvaient des concentrations intravitréennes de intraoculaire.
moxifloxacine et de gatifloxacine, après administration topique,
inférieures aux CMI 90 des germes habituellement responsables
d’endophtalmie [23, 24] , bien que, dans ces différentes études, les Collyres renforcés
modalités d’instillation des collyres ne soient pas identiques. Afin d’augmenter la dose de produit actif qui pénètre au
Enfin, des études ont comparé les concentrations intravi- cœur d’un abcès cornéen, la plupart des pharmacies hospitalières
tréennes obtenues après utilisation de la moxifloxacine par voie fabriquent des collyres à partir de la forme injectable des anti-
orale ou topique. Fuller et al. ont retrouvé des concentrations biotiques, avec une dose forte de principe actif. Ces préparations
après administration par voie orale supérieures aux CMI 90 de sont élaborées de façon extemporanée, et ont une durée de stabi-
la plupart des germes responsables d’endophtalmie, ce qui n’était lité limitée, allant de quelques heures à quelques jours. L’avantage
pas le cas pour la voie topique [25] . Fukuda et al. ont trouvé des des collyres fortifiés est à la fois de permettre un large choix dans la
résultats similaires, en mettant en lumière que si les concentra- molécule utilisée, bien au-delà des seules molécules du commerce,
tions en chambre antérieure étaient supérieures par voie topique, et de fournir une concentration renforcée au niveau de l’abcès.
la pénétration intravitréenne restait meilleure par voie géné-
rale [26] .
Si ces études sont en effet prometteuses, il n’est donc pas envi-
sageable à l’heure actuelle de traiter les endophtalmies par collyre  Effets secondaires
topique, les voies générale et intravitréenne restant supérieures. des antibiotiques en collyre
Autres molécules à bonne pénétration intraoculaire Allergie
Acide fusidique. L’acide fusidique est commercialisé sous la L’allergie aux substances actives ou aux conservateurs peut
forme d’un gel d’émulsion microcristalline à 1 %. Sa disponibilité entraîner une irritation conjonctivale lors du traitement des
sous forme de gel facilite son utilisation dans le traitement des conjonctivites bactériennes. Parmi les substances allergisantes les
blépharites. Sa pénétration dans la chambre antérieure est satis- plus souvent incriminées figurent la néomycine et le chlorure de
faisante, en effet des taux thérapeutiques ont été retrouvés dans benzalkonium, conservateur fréquemment utilisé dans les collyres
l’humeur aqueuse plus de 12 h après une instillation unique [27] . en flacon [34] .

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Par précaution, il convient de ne pas prescrire par voie locale un ◦ corticothérapie locale,
produit ayant entraîné une réaction allergique lors d’une adminis- ◦ port de lentilles de contact,
tration préalable par voie locale ou générale. ◦ obstruction des voies lacrymales, trouble de la statique pal-
pébrale ;
• terrains à risque :
Toxicité sur la surface oculaire ◦ monophtalmes,
◦ enfants,
Tous les collyres sont susceptibles de porter atteinte à l’intégrité
◦ patients peu compliants.
de la surface oculaire, par toxicité directe du principe actif ou du
conservateur. Quelques cas ont été rapportés.
Un cas de conjonctivite pseudomembraneuse a été rapporté
après traitement par gentamicine topique [35] . De rares cas de sté- Conjonctivites bactériennes
nose canaliculaire acquise après traitement topique ont été décrits Parmi les conjonctivites, seules les conjonctivites bactériennes
avec le chloramphénicol et la tobramycine [36] , ou encore avec des présentant des critères de sévérité justifient un traitement par anti-
collyres fortifiés [37] . biotique. Sont donc exclues d’emblée les conjonctivites d’autre
La ciprofloxacine, la gatifloxacine et la norfloxacine en collyre origine (virale, toxique, allergique, trophiques, liées à une mala-
provoquent des dépôts superficiels cornéens liés à la cristallisation die immunitaire ou une insuffisance lacrymale). De plus, dans les
du produit [38–40] . conjonctivites bactériennes sans critère de sévérité, le traitement
par antibiotique topique n’a pas montré de supériorité face au
Cas de la femme enceinte ou allaitante placebo à 8 jours de traitement [41] .
Le caractère bactérien d’une conjonctivite est signé par la pré-
Les recommandations de prescription des collyres antibio- sence de sécrétions purulentes, et les critères de sévérité d’une
tiques chez la femme enceinte ou allaitante émises par l’AMM conjonctivite bactérienne sont :
et par le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT) • sécrétions purulentes importantes ;
sont résumées dans la Tableau 6. Ces recommandations sont • chémosis ;
basées sur des données de toxicité disponibles pour les anti- • œdème palpébral ;
biotiques systémiques ; cependant, les doses administrées et le • larmoiement important ;
passage systémique des antibiotiques utilisés par voie topique • baisse de l’acuité visuelle, même modérée ;
étant généralement faibles, certains antibiotiques déconseillés ou • photophobie ;
contre-indiqués par voie systémique peuvent être dans certains • non-réponse au traitement initial.
cas utilisés avec prudence par voie topique. En présence de ces critères de sévérité ou de facteurs de risque,
Les recommandations de l’Afssaps sont les suivantes : une consultation en ophtalmologie est recommandée.
• lors de la grossesse :
◦ sont déconseillés : kanamycine, chloramphénicol,
◦ sont à éviter par prudence : triméthoprime, aminosides (sauf
Efficacité de l’antibiotique local
kanamycine), colistine, acide fusidique, tétracyclines à partir dans les conjonctivites purulentes
du 2e trimestre, La réponse à la question du traitement antibiotique dans les
◦ peuvent être prescrits : tétracyclines au cours du 1er trimestre, conjonctivites bactériennes a été abordée dans une méta-analyse
rifamycine, FQ ; Cochrane de niveau 1 portant sur trois études en 2001, mise
• lors de l’allaitement : à jour en 2005 avec deux nouvelles études, puis en 2012 avec
◦ est contre-indiqué : chloramphénicol, six nouvelles études [42–44] . La question était de savoir si un
◦ sont à éviter par prudence : tétracyclines au-delà de 10 jours traitement antibiotique était justifié dans les conjonctivites bac-
de traitement, colistine, acide fusidique, FQ, tériennes aiguës (< 4 semaines). La méta-analyse a retenu au total
◦ peuvent être prescrits : tétracyclines si traitement de moins 3673 patients regroupés sur les 11 études. Elle indique que la
de 10 jours, triméthoprime, aminosides, rifampicine. conjonctivite bactérienne aiguë guérit sous placebo, mais que
Les recommandations du CRAT diffèrent de celles de l’Afssaps le traitement antibiotique entraîne une rémission clinique plus
pour certains cas : rapide. Même si le placebo n’a par définition pas de pouvoir anti-
• lors de la grossesse : le CRAT autorise la prescription biotique, il a un effet bénéfique par lavage mécanique.
d’aminosides ; Enfin, on peut citer l’étude de Isenberg et al. qui a montré
• lors de l’allaitement : le CRAT autorise la prescription de FQ. une équivalence de la povidone iodée et de l’association néo-
Enfin, il faut se rappeler que lorsque l’on augmente la dose mycine/polymyxine B/gramicidine dans une analyse de survie
ou la fréquence d’instillation, le passage systémique augmente et concernant la durée jusqu’à rémission dans les conjonctivites
peut avoir des effets toxiques que l’on ne rencontre pas dans une aiguës chez 459 enfants, ce qui remettrait en cause la nécessité
utilisation topique des antibiotiques aux doses préconisées par d’une antibiothérapie locale par rapport à un simple traitement
l’AMM. Pour diminuer le passage systémique, on peut conseil- antiseptique [45] .
ler à la femme enceinte ou allaitante de comprimer les points Dans les pays industrialisés, l’amélioration plus rapide par une
lacrymaux pendant la minute qui suit l’instillation des collyres. antibiothérapie topique au cours d’une conjonctive non sévère
apporte un confort au patient, mais ne change pas le pronostic.
Au vu des préoccupations d’écologie antibiotique que nous avons
 Indications de l’antibiothérapie abordées jusqu’à présent, il ne semble pas justifié de prescrire
une antibiothérapie locale en première intention dans toutes les
locale en ophtalmologie conjonctivites bactériennes aiguës, mais au contraire de la réserver
aux conjonctivites présentant les critères de sévérité présentés plus
Trois types d’infections de surface peuvent être différenciées : haut. Dans les pays en voie de développement, l’antibiothérapie
les conjonctivites bactériennes, les kératites bactériennes, et les locale évite les graves complications cornéennes génératrices de
blépharites infectieuses. cécité.
Pour ces trois types d’infection, on définit des facteurs de risque
et des terrains à risque :
• facteurs de risque : Comparaison des antibiotiques du commerce
◦ immunodépression, Il existe une abondante littérature, dans laquelle deux, parfois
◦ diabète mal équilibré, trois molécules ont été comparées dans des groupes de patients
◦ pathologie locale sous-jacente : syndrome sec, dystrophie précis.
cornéenne, Une méta-analyse de niveau 1 publiée en 2001 a recensé
◦ greffe de cornée, chirurgie oculaire récente, 11 études comparatives réalisées entre 1970 et 2000 [46] . Aucun

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Tableau 6.
Prescription d’antibiotique local au cours de la grossesse ou de l’allaitement, selon les recommandations de l’autorisation de mise sur le marché et du Centre de référence sur les agents tératogènes [19] .
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Molécules Grossesse Allaitement


AMM CRAT AMM CRAT
Azythromycine Autorisé Autorisé Autorisé Autorisé, sauf traitement concomitant
par cisapride
Norfloxacine Autorisé si indispensable Autorisé Déconseillé ou contre-indiqué Autorisé
Ciprofloxacine Autorisé si indispensable Autorisé Déconseillé ou contre-indiqué Autorisé
Ofloxacine Autorisé si indispensable Autorisé Déconseillé ou contre-indiqué Autorisé
Gentamicine Déconseillé ou contre-indiqué Autorisé Autorisé Autorisé, sauf prématurité ou altération
de la fonction rénale de l’enfant
Tobramycine Déconseillé ou contre-indiqué Autorisé Autorisé Autorisé, sauf prématurité ou altération
de la fonction rénale de l’enfant
Néomycine + polymyxine B Déconseillé ou contre-indiqué Autorisé Autorisé Absence de données
Tétracycline Déconseillé ou contre-indiqué Absence de données Déconseillé ou contre-indiqué Absence de données
Acide fusidique Absence de données Autorisé Absence de données Absence de données
Rifamycine Autorisé si indispensable Absence de données Déconseillé ou contre-indiqué Absence de données
Bacitracine + colistine/hydrocortisone Déconseillé ou contre-indiqué Absence de données Déconseillé ou contre-indiqué Absence de données
Néomycine/dexaméthasone Déconseillé ou contre-indiqué Absence de données Autorisé courte durée (10 jours max) Absence de données
Framycétine/dexaméthasone Déconseillé ou contre-indiqué Autorisé Déconseillé ou contre-indiqué Absence de données
Néomycine + polymyxine B/dexaméthasone Déconseillé ou contre-indiqué Absence de données Déconseillé ou contre-indiqué Absence de données
Oxytétracycline/dexaméthasone Déconseillé ou contre-indiqué Absence de données Déconseillé ou contre-indiqué Absence de données
Tobramycine/dexaméthasone Déconseillé ou contre-indiqué Autorisé Déconseillé ou contre-indiqué Autorisé
Gentamycine/indométacine Déconseillé ou contre-indiqué Possible en durée brève, Déconseillé ou contre-indiqué Absence de données
à partir du 6e mois à éviter de principe

AMM : autorisation de mise sur le marché ; CRAT : Centre de référence sur les agents tératogènes.
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Antibiotherapie locale en ophtalmologie  21-780-A-20

avantage n’apparaît sauf dans une étude où le chloramphénicol différentes, risques de biais importants (études menées sur des
apparaît moins efficace que certaines associations d’antibiotiques. groupes d’écoliers, sur des patients traités ou dans des villages iso-
Il existe de nombreuses autres études de niveau 1 ou 2 lés, souvent pas d’analyse en intention de traiter). Il s’en dégage
comparant l’efficacité de deux ou plusieurs antibiotiques tout de même une supériorité de l’antibiothérapie par rapport au
sur une même indication. Elles concernent les conjoncti- placebo à 3 mois et à 12 mois, même si le niveau de preuve est
vites bactériennes pures ou les blépharoconjonctivites. Les insuffisant pour en tirer des conclusions fiables.
antibiotiques suivants ont fait l’objet d’études compara- Plusieurs études ont comparé des antibiotiques différents dans
tives de forte puissance : acide fusidique, triméthoprime- le traitement du trachome. Le traitement minute par azithromy-
polymyxine B, triméthoprime-sulfacétamide-polymyxine B, poly- cine oral en dose unique (20 mg/kg tous les 6 mois si séjour en
myxine B-néomycine-gramicidine, chloramphénicol, rifamycine, zone d’endémie) a émergé comme un traitement de référence,
norfloxacine, ofloxacine, ciprofloxacine, loméfloxacine, nétilmy- avec une supériorité statistiquement significative dans plusieurs
cine, gentamicine, tobramycine [47–52] . La plupart des études études face à d’autres antibiotiques [59–61] .
montrent une efficacité équivalente des antibiotiques dans le trai- Les études comparant antibiotique oral vs antibiotique topique
tement des conjonctivites bactériennes. présentaient les mêmes limites, mais il semble s’en dégager une
Plus récemment, une étude réalisée sur 56 patients a montré équivalence du traitement oral et topique vis-à-vis de l’efficacité
une supériorité clinique à 48 h de la moxifloxacine par rapport à comme de la tolérance. En 2007, Cochereau et al. ont montré
la polymyxine B/triméthoprime. Cependant, l’étude ne comparaît qu’un traitement par azithromycine 1,5 % collyre pendant 2 jours,
pas les deux traitements au-delà de 48 h [53] . ou 3 jours, était équivalent au traitement de référence (azithro-
Au total, il n’est pas possible de tirer des conclusions définitives mycine oral en dose unique) en taux de guérison [33] . En 2017,
sur le meilleur antibiotique dans les conjonctivites bactériennes, une cohorte a été menée par Afghani et al. sur 328 enfants pré-
les différentes études ayant été menées sur des groupes différents, sentant un trachome, afin de déterminer l’action d’une simple
avec des patients différents et des germes différents. cure de 3 jours d’azithromycine 1,5 % collyre sur la prévention
Pour ces raisons, l’Afssaps donnait en 2004 une recommanda- des complications à long terme du trachome. À 3 ans de suivi,
tion ouverte : seulement 11 % avaient encore un trachome actif. Le taux de réin-
« Tout antibiotique commercialisé adapté au germe supposé en cause fection était de 4 %, et aucun des patients n’avait développé de
peut être prescrit. Cependant, au nom du bon usage des antibiotiques, complications oculaires liées au trachome [62] .
il est recommandé d’utiliser les antibiotiques non utilisés par voie sys- Le trachome est une maladie infectieuse, mais générée par le
témique. Les quinolones sont réservées aux conjonctivites sévères. Le sous-développement. Les Chlamydiae contaminent les yeux des
chloramphénicol doit être réservé aux cas où les autres antibiotiques ne enfants, car les mouches se nourrissent de leurs larmes. Toutes
peuvent être utilisés. » [41] . les études publiées soulignent le besoin impératif de prendre des
mesures d’hygiène élémentaires (confection de latrines, éloigne-
Cas des conjonctivites à Chlamydiae ment du bétail des habitations, gestion de l’eau potable, etc.), et
Les conjonctivites à Chlamydiae entraînent une inflammation de ce fait, les comparaisons entre deux traitements sont toujours
chronique de la surface oculaire, et requièrent un diagnostic l’objet de biais importants.
particulier par culture et polymerase chain reaction (PCR). Leur trai- Par ailleurs, l’observance du traitement est très souvent aléatoire
tement fait appel à des antibiotiques qui passent la membrane dans cette maladie, pour plusieurs raisons : risque de mécon-
plasmique des cellules, car il s’agit de bactéries intracellulaires. naissance de l’intérêt du traitement, risques de revente d’un
Les sérovars D à K sont responsables, dans les pays industrialisés, traitement oral au marché noir pour traiter d’autres infections
des conjonctivites à inclusions et des infections urogénitales. Les (exemple : gonococcie). Cependant, dans un esprit de médecine
sérovars A à C sont responsables, dans les pays en développement, humanitaire, on peut souligner l’intérêt des traitements courts qui
du trachome. favorisent l’observance.

Conjonctivites à inclusions
Les conjonctivites à inclusions sont des maladies chroniques
Kératites bactériennes
de la surface oculaire, liées à une contamination par Chlamydia Rappels
trachomatis (sérovars D à K). Néanmoins, il a été montré que beau-
L’avènement d’antibiotiques avec une bonne pénétration intra-
coup de sujets peuvent être porteurs de Chlamydiae dans leurs
cornéenne a permis le traitement topique de certaines kératites
culs-de-sac conjonctivaux, sans avoir d’irritation. Adenis a trouvé
bactériennes avec des collyres du commerce.
36,4 % de porteurs chez des patients totalement asymptoma-
Dans ses recommandations en 2004, l’Afssaps a défini parmi
tiques [54] . Ces infections peuvent également avoir un point de
les kératites bactériennes trois entités cliniques, quel que soit le
départ génital. Dans ces cas, un traitement général associé peut
germe incriminé [41] :
être utile. Le traitement repose sur des antibiotiques qui peuvent
• kératite bactérienne simple : il existe un simple œdème cornéen
pénétrer dans les cellules, car les Chlamydiae sont des organismes
ou une kératite punctiforme ;
intracellulaires. Les antibiotiques possibles sont les tétracyclines,
• ulcère de cornée : il existe un defect épithélial visible après
les quinolones, la rifamycine ou le chloramphénicol.
instillation de fluorescéine ;
Trachome • abcès de cornée : il existe une infiltration blanchâtre du stroma
Alors que le trachome représentait la troisième cause de cécité cornéen.
en 1990, le taux d’aveugles secondaires à cette maladie s’améliore Le texte de l’Afssaps définit également quatre critères de sévérité
nettement ces dernières décennies, regroupés essentiellement en des kératites bactériennes :
Afrique, et tout particulièrement en Éthiopie. C’est une maladie • abcès de taille supérieure à 3 mm de diamètre ;
infectieuse liée à C. trachomatis (sérovars A à C), qui fait l’objet • abcès à moins de 3 mm de l’axe optique ;
de nombreuses campagnes de lutte et de programmes de traite- • infiltration stromale ;
ment médical (lutte contre l’infection) ou chirurgical (traitement • aggravation malgré un traitement antibiotique topique de
des séquelles) dans les pays en développement. Les études sont 24 heures.
nombreuses, mais très hétérogènes du fait de la grande variété des
populations étudiées. Prise en charge des kératites bactériennes
Une revue Cochrane de niveau 1, publiée pour la première fois Une kératite bactérienne peut conditionner le pronostic visuel,
en 2005 et dont la mise à jour la plus récente date de 2019, a et mérite à ce titre une prise en charge rapide par un ophtalmolo-
référencé les différentes études sur le traitement médical du tra- giste, et une antibiothérapie adaptée.
chome [55–58] . Au total, 26 études publiées entre 1999 et 2019 ont Les recommandations de l’Afssaps proposaient en 2004 une
été retenues. attitude selon la gravité [41] :
Les études comparant antibiotique vs placebo étaient trop « En l’absence de critères de sévérité ou de facteurs de risque, la
hétérogènes pour être comparées : pays différents, populations kératite bactérienne peut être traitée en ambulatoire avec un traitement

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21-780-A-20  Antibiotherapie locale en ophtalmologie

Tableau 7.
Études comparatives : traitement antibiotique des conjonctivites, blépharites et kératites bactériennes.
Conjonctivites et blépharites

Auteur Année N Antibiotiques testés Avantage bactériologique Avantage clinique Mieux toléré
Gwon 1992 345 Ofloxacine Tobramycine Égal Égal Égal
Gwon 1992 104 Ofloxacine Gentamicine Égal Égal Ofloxacine
Miller 1992 488 Norfloxacine Gentamicine Égal Égal Égal
Adenis 1995 41 Ciprofloxacine Rifamycine Égal Ciprofloxacine Égal
Adenis 1996 39 Ciprofloxacine Ac fusidique Égal Biais Égal

Kératites
Auteur Année N Antibiotiques testés Avantage bactériologique Avantage clinique Mieux toléré
Leibowitz 1991 148 Ciprofloxacine Tobramycine + céfazoline fortifiés Égal Égal Égal
O’Brien 1995 248 Ofloxacine Tobramycine + céfazoline fortifiés Égal Égal Ofloxacine
Hyundiuk 1996 324 Ciprofloxacine Tobramycine + céfazoline fortifiés Égal Égal Ciprofloxacine
Oflo Study Group 1997 122 Ofloxacine Gentamycine + céfuroxime fortifiés Égal Égal Ofloxacine
Panda 1999 30 Ofloxacine Tobramycine + céfazoline fortifiés Égal Égal Égal

antibiotique en mono- ou bithérapie. Actuellement, seule l’activité de larmes, et présenter un pH proche de la neutralité. Il s’agit d’une
la ciprofloxacine est bien documentée dans les formes sévères comme utilisation hors AMM, qui permet à l’ophtalmologiste de dispo-
l’abcès de cornée. ser en traitement local d’un choix de molécules bien supérieur à
En présence de critères de sévérité, ou en cas d’échec du traitement celui disponible sur le marché, et d’augmenter considérablement
après 24 h, un prélèvement pour examen microbiologique est effectué, les doses locales d’antibiotique. Les limites à l’utilisation de tels
et il convient d’hospitaliser le patient pour un traitement à fortes doses collyres sont la toxicité potentielle du principe actif à hautes doses,
sous surveillance, impliquant ou non des collyres fortifiés (collyres à et le risque légal représenté par l’utilisation d’une molécule hors
fortes doses d’antibiotiques, fabriqués à la pharmacie de l’hôpital à AMM.
partir de préparations intraveineuses d’antibiotiques). » Actuellement, de nombreux collyres fortifiés peuvent être pré-
Généralement, le traitement débute par une dose d’attaque (une parés ou commandés à une pharmacie hospitalière. Le Tableau 8
goutte toutes les 5 à 10 min pendant 1 heure), suivie d’une période donne une idée de plusieurs préparations possibles.
de 48 h où les collyres sont prescrits à la posologie d’une goutte par Parmi les molécules du commerce, les quinolones et en particu-
heure en journée. La décroissance est ensuite adaptée à l’évolution lier la ciprofloxacine, sont les seules molécules ayant pour l’instant
clinique. réussi à faire la preuve de leur efficacité dans les abcès de cor-
Si plusieurs collyres sont utilisés, il convient d’attendre 5 à née. Leur grande biodisponibilité et leur large spectre en font un
10 minutes entre chaque collyre. De la même manière, les lavages traitement de choix, et l’on a cru un temps que l’avènement des
oculaires doivent être faits à distance de l’instillation des collyres nouvelles quinolones pourrait supplanter l’utilisation des collyres
pour éviter leur élimination prématurée. fortifiés.
Trois considérations peuvent nuancer ce constat, et font que le
Efficacité comparée des molécules du commerce traitement par collyres fortifiés reste indiqué dans de nombreux
cas :
Le traitement antibiotique des kératites bactériennes doit être • premièrement, la pénétration d’un antibiotique dans le tissu
adapté au germe suspecté. Par exemple, les kératites de l’enfant cornéen se trouve multipliée lorsque la barrière épithéliale
sont plus volontiers dues aux germes du tractus ORL, en particu- est rompue, dans le cas d’un ulcère par exemple. De ce fait,
lier les streptocoques et les H. influenzae. Les kératites du porteur lorsqu’on apporte en collyre une dose élevée d’antibiotique, la
de lentilles de contact sont plus souvent dues à des bacilles à concentration au cœur de l’abcès peut se révéler supérieure à la
Gram négatif, y compris P. aeruginosa. L’antibiothérapie prédictive CMI du germe en cause alors que l’antibiogramme montrait une
est ensuite ajustée en fonction de la sensibilité aux antibiotiques souche a priori résistante ou intermédiaire. Ceci a été montré
des germes isolés, rappelant ainsi l’importance des prélèvements pour les aminosides par exemple ;
microbiologiques avant toute antibiothérapie dans le risque de les • deuxièmement, il est illusoire de croire qu’une seule classe thé-
voir revenir négatifs avant l’identification du germe causal. rapeutique permet de faire face à toutes les situations. Le fait
Plusieurs études concernant le traitement des kératites bac- de disposer d’un choix thérapeutique large permet de cibler
tériennes ont évalué l’efficacité des FQ versus collyres fortifiés d’emblée le germe en cause, plutôt que de risquer un échec thé-
(Tableau 7). Dans tous les cas, l’efficacité a été équivalente dans rapeutique (par exemple : kératite à Pseudomonas résistant à la
les deux groupes de traitement, mais avec moins d’effets secon- ciprofloxacine, traitée par une association céfazoline/amikacine
daires dans le groupe traité par quinolones dans trois études sur fortifiée) ;
cinq [63–68] . • enfin, l’augmentation des résistances aux quinolones observée
Après analyse de la littérature, l’Afssaps a proposé l’attitude sui- ces dernières années dans les kératites bactériennes doit alerter
vant [41] : « La ciprofloxacine convient pour traiter les abcès, les ulcères sur une utilisation excessive de ces molécules [68] et spécifique-
et les kératites simples ; aminosides, norfloxacine, ofloxacine, bacitra- ment en monothérapie.
cine, et rifamycine conviennent pour les ulcères et kératites simples ; les
tétracyclines et le chloramphénicol conviennent pour traiter les kératites
simples. » Blépharites bactériennes
Place des collyres fortifiés Quelles blépharites justifient un traitement
antibiotique ?
Les collyres dits « fortifiés » sont des préparations extempora-
nées réalisées par les pharmacies centrales des hôpitaux ou des Un grand nombre de pathologies des paupières est réguliè-
cliniques, à partir des préparations pour injection intraveineuse rement traité par antibiotiques topiques, associés ou non à un
diluées dans du sérum physiologique ou dans du balanced salt traitement corticoïde local. En vérité, seul un petit nombre de
solution (BSS). Ces collyres doivent être stériles, isotoniques aux pathologies relève d’un traitement antibiotique local :

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Tableau 8.
Préparations antibiotiques utilisables sous forme de collyres renforcés [19] .
Famille DCI Concentration Solvant Durée de conservation
Bêtalactamines Ampicilline 50 mg/ml NaCl 0,9 % 4h
Céphazoline 50 mg/ml NaCl 0,9 % 3j
Ceftazidime 12,5–50 mg/ml NaCl 0,9 % 10 j
Céfotaxime 50 mg/ml BSS 7j
Ticarcilline 7 mg/ml NaCl 0,9 % 15 j
Pipéracilline 20 mg/ml NaCl 0,9 % 7j
Imipénème 2–5 mg/ml NaCl 0,9 % 3j
Glycopeptides Vancomycine 50 mg/ml Eau PPI 30 j
Aminosides Gentamicine 15 mg/ml NaCl 0,9 % 7j
Amikacine 25 ou 50 mg/ml NaCl 0,9 % 7j
Tobramycine 20–50 mg/ml NaCl 0,9 % 3j
Polypeptides Bacitracine 5000 ou 10 000 UI/ml NaCl 0,9 % 7j
Colimycine 125 000 UI/ml NaCl 0,9 % 3j
Oxazolidinone Linézolide 2 mg/ml

DCI : dénomination commune internationale ; BSS : balanced salt solution ; PPI : pyrophosphate.

• l’orgelet, infection staphylococcique d’une glande annexe des L’orgelet est l’infection d’une glande sébacée des paupières.
follicules pilo-sébacés des cils ; Le germe le plus fréquent est le staphylocoque. La plupart du
• la blépharite staphylococcique ; temps, il guérit spontanément. Une extension de l’infection,
• certaines manifestations associées à la rosacée peuvent justifier rare, est possible sous la forme d’une cellulite préseptale. En
un traitement par tétracyclines, en raison du rôle anticollagé- l’absence de guérison spontanée, le traitement est un antibiotique
nase reconnu de ces molécules. local antistaphylococcique pendant 8 jours. L’administration
L’hygiène des paupières est l’élément clé du traitement de la dys- d’un corticoïde peut être discutée dans des formes cliniques
fonction des glandes de Meibomius. Il comprend le réchauffement inflammatoires, mais n’apporte pas d’avantage dans les autres cas.
des paupières avec massage des tarses, et doit être quotidien [69] .
Les tétracyclines orales ont montré leur efficacité dans la
rosacée oculaire [69] . Cette efficacité a ensuite été précisée pour Antibioprophylaxie
l’oxytétracycline [70] , et la doxycycline [71] . L’efficacité des tétra-
L’antibioprophylaxie consiste à donner un antibiotique de
cyclines dans cette indication vient de la réduction de la lipase
façon à prévenir le risque d’infection liée à une intervention
des staphylocoques de la flore commensale, diminuant ainsi la
intraoculaire. L’antibiotique peut être administré avant, pendant
libération d’acides gras libres, et d’une activité anticollagénase,
ou après la chirurgie. Un grand nombre d’études sont disponibles
anti-angiogénique et antichémotactique [69] . L’acide fusidique
sur le sujet.
serait également actif, par action immunosuppressive [72] .
Les antibiotiques par voie topique, comme la bacitracine ou
l’érythromycine, peuvent être utilisés dans les blépharites anté- Préparation du site opératoire
rieures [73] . L’antibioprophylaxie fait actuellement l’objet de nombreuses
En dehors de ces cas particuliers, lorsqu’il existe une blépharite discussions sur ses indications et ses modalités d’application.
par dysfonctionnement meibomien, la prescription d’un antibio- En revanche, la préparation du site opératoire fait depuis de
tique peut être dangereuse, car il s’agit de pathologies chroniques nombreuses années l’objet d’un large consensus international [80] :
pouvant se surinfecter. La prescription d’un antibiotique au long • lavage du patient à la douche bétadinée la veille et le matin de
cours est le meilleur moyen de sélectionner des germes résistants, l’intervention ;
et de compromettre le traitement d’appoint d’une éventuelle sur- • trois désinfections de surface par povidone iodée (Bétadine® ),
infection. respectivement lors de l’arrivée du patient dans le service, après
l’anesthésie, et avant l’installation du champ opératoire.
Efficacité comparée des antibiotiques L’antibioprophylaxie ne se conçoit que comme traitement
complémentaire, qui ne saurait en aucun cas se substituer à une
du commerce
préparation stricte du patient avant l’intervention.
Les études comparatives de niveau 1 et 2 sont résumées dans le
Tableau 7 [74–79] . Aucune ne concerne les blépharites prises séparé- Efficacité des antibiotiques locaux sur la flore
ment, mais les blépharoconjonctivites infectieuses.
Il ressort de ces études que les FQ ont une efficacité anti-
conjonctivale
bactérienne supérieure au placebo, mais une efficacité clinique Lorsqu’un antibiotique topique est administré en préopéra-
identique. L’utilisation locale de FQ est discutable dans la stra- toire, la flore conjonctivale diminue, mais elle est modifiée. Par
tégie thérapeutique du traitement des blépharites, d’autant que exemple, Bialasiewicz et al. ont traité 313 patients asymptoma-
ces traitements sont donnés au long cours pour cette patholo- tiques par tobramycine, et décrivent 78 à 90 % d’élimination
gie chronique. La pression de sélection induite par cette classe de bactéries chez les patients préalablement positifs, mais égale-
d’antibiotique est telle qu’il convient d’en arrêter la prescription ment 3 à 13 % d’apparition de nouvelles bactéries [81] .
dans cette pathologie. Par ailleurs, lorsque l’on compare l’administration d’un anti-
biotique à la désinfection locale par povidone iodée, les études
Cas particuliers montrent soit une équivalence [82, 83] , soit une supériorité de la
povidone iodée [84] .
Le chalazion est un nodule inflammatoire qui se constitue aux
dépens d’une glande de Meibomius. Il se traite par corticoïdes Efficacité sur la contamination de l’humeur
locaux. Rarement, il peut être associé à une infection bactérienne
et nécessiter dans ces cas-là l’utilisation d’antibiotiques. En cas
aqueuse
d’échec, on propose classiquement une incision chirurgicale sous Plusieurs études n’ont montré aucune efficacité de
anesthésie locale. l’antibiotique topique pour réduire le taux de contamination de la

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chambre antérieure en fin d’intervention de cataracte [41, 75, 85, 86] circonstances de consultation d’urgence. Souvent, réaliser un
ou de vitrectomie [87] . Dans l’étude de 80 patients par Chitkara prélèvement signifie adresser le patient à un centre spécialisé.
et al., il n’y avait pas de différence significative entre le groupe La réalisation d’un prélèvement pour analyse microbiologique
de patients opérés de la cataracte traité par norfloxacine topique (bactériologique, ainsi que fongique et amibien s’il y a lieu) et
et le groupe non traité [86] . De même chez des patients opérés de détermination de l’antibiogramme est cependant nécessaire en
vitrectomie, Gelfand et al. n’ont pas montré de différence dans présence de critères de gravité, en cas d’échec après 24 heures
les cultures de chambre antérieure entre le groupe de patients de traitement, en présence de facteurs de risque [41] , de port de
traités par gentamicine et le groupe non traité [87] . lentilles de contact, de patient monophtalme, immunodéprimé,
en cas de mauvaise observance ou encore chez les enfants si cela
est possible.
Efficacité sur la prévention de l’endophtalmie Néanmoins, même si aucun prélèvement n’est effectué, une
Depuis l’apparition des premiers antibiotiques, de nombreuses question est incontournable avant toute prescription d’un anti-
études ont cherché à mettre en évidence un effet prophylactique biotique : si un prélèvement avait été effectué, quel germe
de l’antibiothérapie topique dans la chirurgie de la cataracte [80] . aurions-nous le plus probablement trouvé ? L’écologie habituelle
La première étude sérieuse est celle de Allen et al. en 1974, étant connue (Tableau 2), un prélèvement ne s’impose pas for-
qui met en évidence une diminution dans le groupe traité cément, mais il faut s’assurer que l’antibiotique choisi comporte
(0,62 infection/1000 patients) versus groupe non traité (7,50 dans son spectre les bactéries que l’on désire cibler.
infections/660 patients), mais avec de nombreux biais [88] .
En 1999, Schmitz et al. ont publié une étude sur 340 633 pro-
cédures, qui montre une augmentation du nombre d’infections Qui prescrit l’antibiotique oculaire
dans le groupe traité [89] .
Enfin, l’étude ESCRS publiée en 2007 a également déçu les
de surface ?
espoirs d’efficacité de l’antibioprophylaxie préopératoire en col- Actuellement, la plupart des prescriptions d’antibiotiques en
lyre : 16 603 patients ont été retenus dans l’analyse en intention de collyre ou autres topiques sont faites par des médecins généra-
traiter, parmi eux on a déploré huit endophtalmies prouvées chez listes devant un « œil rouge ». Cette prescription se fait sans
8101 patients traités en préopératoire par lévofloxacine collyre, et examen ophtalmologique approfondi puisque celui-ci nécessite
12 endophtalmies prouvées chez 8110 patients non traités [1] . un matériel détenu uniquement par le spécialiste.
L’Afssaps a tranché dans ses recommandations de 2011 concer- La consultation d’un ophtalmologiste n’est pas obligatoire pour
nant l’approche à adopter concernant l’antibioprophylaxie en les pathologies bénignes en l’absence de facteur de risque et/ou de
chirurgie oculaire [4] : signe de gravité. En revanche, elle est utile pour une analyse plus
• pour la chirurgie de la cataracte, une injection intracaméru- précise des lésions, notamment devant une pathologie d’emblée
laire de céfuroxime doit être réalisée en fin d’intervention. grave, chez un patient à risque, ou dans un second temps en cas
En cas de contre-indication à l’administration de céphalospo- de mauvaise réponse à un traitement initial. Le traitement des
rines, il convient de donner chez les patients à risque (diabète, infections graves de l’œil doit être précédé d’un examen spécialisé
patient ayant déjà fait une endophtalmie postopératoire sur pour préciser le diagnostic lésionnel, microbiologique et assurer
l’autre œil, patient monophtalme, extraction intracapsulaire, le suivi.
implantation secondaire) de la lévofloxacine par voie orale, La prescription d’un antibiotique local en ophtalmologie cor-
respectivement 500 mg la veille et 500 mg le jour même, 4 à respond à des indications précises et relève du bon usage des
2 heures avant l’intervention. En cas de rupture capsulaire, chez antibiotiques, en particulier en regard de l’écologie microbienne,
les patients n’ayant pas reçu d’antibiotique par voie générale en avec le risque de sélection de mutants résistants au même titre que
préopératoire, il est recommandé d’administrer de la lévofloxa- la prescription d’antibiotiques par voie générale.
cine en intraveineuse en peropératoire ; Dans les infections oculaires superficielles, l’antibiothérapie
• pour les autres chirurgies à globe ouvert : chez les patients à topique offre une biodisponibilité au niveau de la surface oculaire
risque, lévofloxacine par voie orale, respectivement 500 mg la égale ou supérieure à l’antibiothérapie générale et permet de trai-
veille et 500 mg le jour même, 4 à 2 heures avant l’intervention ; ter la plupart des infections graves de la surface oculaire (segment
• pour les traumatismes à globe ouvert : lévofloxacine pendant externe de l’œil).
48 h (500 mg i.v. à j1, puis 500 mg p.o. à j2).
L’antibioprophylaxie topique préopératoire n’est pas recom-
mandée, sauf pour certaines chirurgies réfractives cornéennes
(une goutte d’un collyre à large spectre dans l’heure précédant Traitements adjuvants
l’acte).
« Les antibiotiques, c’est pas automatique ». Ce slogan célèbre
L’antibioprophylaxie topique postopératoire est recommandée
diffusé par le ministère de la Santé depuis 2002 s’adressait au
pour la chirurgie de la cataracte, les autres chirurgies à globe ouvert
grand public, mais c’est aux médecins de l’appliquer. Le traitement
et les ponctions ou injections jusqu’à étanchéité des incisions.
d’une infection de surface comprend trois temps : la détersion, la
désinfection et l’antibiothérapie. L’attitude raisonnable en face
d’une infection de surface doit s’inspirer de ces trois temps, et
 Règles de prescription l’antibiothérapie ne se conçoit qu’après application d’une déter-
sion et d’une désinfection efficaces.
de l’antibiothérapie locale La détersion est le geste qui permet de débarrasser l’œil des col-
lections bactériennes qui l’encombrent. Lavage, rinçage, liquides
Quand effectuer une analyse isotoniques, compresses stériles constituent toujours les premières
lignes de l’ordonnance.
microbiologique ? La désinfection fait appel à des antiseptiques. D’action immé-
Pour plusieurs raisons, la plupart des infections bactériennes de diate et à large spectre, ils peuvent être insuffisants pour traiter
la surface oculaire peuvent être traitées sans prélèvement micro- une infection installée, car pour des raisons de toxicité, ils sont
biologique : utilisés en collyre à des doses beaucoup plus faibles que pour la
• d’une part, la plupart des conjonctivites bactériennes peuvent désinfection des surfaces ou des matériels par exemple. Ils per-
guérir sans antibiotique, avec un traitement par lavage et anti- mettent néanmoins de traiter une contamination bactérienne de
septiques uniquement, et sont donc accessibles à une prise en surface.
charge satisfaisante par un médecin traitant sans avis ophtal- L’antibiothérapie se conçoit différemment. L’antibiotique doit
mologique ; toujours être une réponse à un germe précis et un patient donné.
• d’autre part, la réalisation d’un prélèvement microbiologique L’antibiotique a besoin de temps pour agir, et a un spectre plus
dans de bonnes conditions s’avère difficile dans la plupart des étroit qu’un antiseptique.

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Antibiotherapie locale en ophtalmologie  21-780-A-20

Combinaisons qui ne marchent pas [6] Kagkelaris KA, Makri OE, Georgakopoulos CD, Panayiotakopoulos
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L’acide fusidique n’est efficace que sur les bactéries à Gram posi- thalmol 2018;10, 2515841418783622.
tif. De ce fait, l’acide fusidique en collyre n’a aucune efficacité pour [7] Stone DU, Chodosh J. Oral tetracyclines for ocular rosacea: an
traiter toutes les infections de surface à bactéries à Gram négatif evidence-based review of the literature. Cornea 2004;23(1):106–9.
qui sont l’apanage des porteurs de lentilles de contact. [8] Vieira ACC, Höfling-Lima AL, Mannis MJ. Ocular rosacea–a review.
Les quinolones et les aminosides sont des antibiotiques à large Arq Bras Oftalmol 2012;75(5):363–9.
spectre, qui ont une bonne couverture des staphylocoques et [9] ANSM. Prophylaxie des infections conjonctivales du nouveau-né -
Mise au point. 2011.
des bactéries à Gram négatif. En revanche, de nombreux strepto-
[10] Lam R, Lai J, Ng J, Rao S, Law R, Lam DSC. Topical chloramphenicol
coques y sont résistants. Pour traiter les infections à streptocoques, for eye infections. Hong Kong Med J 2002;8(1):44–7.
un antibiotique dirigé contre les bactéries à Gram positif (rifamy- [11] Wiholm B-E, Kelly JP, Kaufman D, Issaragrisil S, Levy M, Anderson T,
cine, acide fusidique) est préférable. et al. Relation of aplastic anaemia to use of chloramphenicol eye drops
Les Chlamydiae sont des bactéries intracellulaires. Pour trai- in two international case-control studies. BMJ 1998;316(7132):666.
ter une conjonctivite à Chlamydiae, aucune efficacité n’est à [12] Fleiszig SMJ, Kroken AR, Nieto V, Grosser MR, Wan SJ, Metruccio
attendre des molécules à poids moléculaire élevé (aminosides, MME, et al. Contact lens-related corneal infection: intrinsic resistance
polymyxine B, acide fusidique), qui ont une très faible pénétration and its compromise. Prog Retin Eye Res 2020;76:100804.
intracellulaire, contrairement aux antibiotiques de faible poids [13] Carnt N, Samarawickrama C, White A, Stapleton F. The diagnosis
moléculaire (tétracyclines, quinolones, chloramphénicol, rifamy- and management of contact lens-related microbial keratitis. Clin Exp
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Médecine fondée sur les preuves [15] Knauf HP, Silvany R, Southern PM, Risser RC, Wilson SE. Suscepti-
bility of corneal and conjunctival pathogens to ciprofloxacin. Cornea
Lorsque l’on fait le tour de la littérature sur les antibiotiques 1996;15(1):66–71.
en collyre, une grande diversité apparaît. Cette diversité reflète [16] Goldstein MH, Kowalski RP, Gordon YJ. Emerging fluoroquino-
l’époque à laquelle l’antibiotique a été commercialisé. Pour les lone resistance in bacterial keratitis: a 5-year review. Ophthalmology
molécules les plus anciennes, la littérature est très pauvre voire 1999;106(7):1213–318.
absente. Pour les molécules les plus récentes, ou celles dont on [17] Adebayo A, Parikh JG, McCormick SA, Shah MK, Huerto RS, Yu G,
a découvert récemment de nouvelles indications, une littérature et al. Shifting trends in in vitro antibiotic susceptibilities for com-
abondante est disponible. mon bacterial conjunctival isolates in the last decade at the New
Dans un souci de médecine basée sur les preuves, ce point peut York Eye and Ear Infirmary. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol
représenter un problème. Cependant, la plupart du temps, les 2011;249(1):111–9.
molécules commercialisées en collyre sont également largement [18] Lichtinger A, Yeung SN, Kim P, Amiran MD, Iovieno A, Elbaz U,
et al. Shifting trends in bacterial keratitis in Toronto. Ophthalmology
utilisées par voie générale, et la preuve bactériologique de leur
2012;119(9):1785–90.
efficacité ne soulève pas de doute. [19] Debellemanière G, Saleh M. Antibiotiques en ophtalmologie. In: Sur-
Ceci a également un corolaire : les dossiers d’AMM pour les face oculaire. Elsevier Masson; 2015547–55 (Rapport SFO).
molécules les plus anciennes sont très minces, au regard des exi- [20] Solomon R, Donnenfeld ED, Perry HD, Snyder RW, Nedrud C, Stein J,
gences actuelles pour les nouvelles molécules. Lorsque l’Afssaps a et al. Penetration of topically applied gatifloxacin 0.3%, moxifloxacin
souhaité harmoniser les AMM en 2005, ce point a représenté une 0.5%, and ciprofloxacin 0.3% into the aqueous humor. Ophthalmology
difficulté majeure. 2005;112(3):466–9.
Le clinicien doit donc garder à l’esprit qu’il peut et doit, avant [21] McCulley JP, Caudle D, Aronowicz JD, Shine WE. Fourth-generation
chaque prescription, considérer toute la palette d’antibiotiques fluoroquinolone penetration into the aqueous humor in humans. Oph-
qui lui est offerte. thalmology 2006;113(6):955–9.
[22] Lai WW, Chu KO, Chan KP, Choy KW, Wang CC, Tsang CW, et al.
Differential aqueous and vitreous concentrations of moxifloxacin and
Conclusion ofloxacin after topical administration one hour before vitrectomy. Am
J Ophthalmol 2007;144(2):315–8.
L’utilisation d’antibiotiques en ophtalmologie comme lors de [23] Hariprasad SM, Mieler WE, Shah GK, Blinder KJ, Apte RS, Holekamp
toute prescription doit répondre à des questions simples mais NM, et al. Human intraocular penetration pharmacokinetics of moxi-
précises. Il faut que le diagnostic soit complet tant sur l’aspect floxacin 0.5% via topical and collagen shield routes of administration.
de l’infection que sur celui du germe. La problématique de Trans Am Ophthalmol 2004;102:149–55.
l’antibiorésistance est à prendre en compte également dans notre [24] Costello P, Bakri SJ, Beer PM, Singh RJ, Falk NS, Peters GB,
spécialité. Ce n’est qu’en respectant ces principes que l’on amélio- et al. Vitreous penetration of topical moxifloxacin and gatifloxacin
rera l’utilisation de ces molécules si précieuses, sans les galvauder in humans. Retina 2006;26(2):191–5.
et en préservant leur efficacité. [25] Fuller JJ, Lott MN, Henson NM, Bhatti AA, Singh H, McGwin G,
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Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens [26] Fukuda M, Shibata N, Osada H, Yamashiro Y, Sasaki H. Vitreous and
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16 EMC - Ophtalmologie

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P. Robert (paul.robert@etu.unilim.fr).
M. Rocher.
Service d’ophtalmologie, CHU de Limoges, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges cedex, France.
L. Beral.
Service d’ophtalmologie, CHU de la Guadeloupe, D106, Les Abymes, 97159 Pointe-À-Pitre cedex, France.
P.-Y. Robert.
Service d’ophtalmologie, CHU de Limoges, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Robert P, Rocher M, Beral L, Robert PY. Antibiotherapie locale en ophtalmologie. EMC - Ophtalmologie
2022;39(2):1-17 [Article 21-780-A-20].

EMC - Ophtalmologie 17

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