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IL LUI AVAIT PROMIS…

Il lui avait promis…

Elodie Lecanet

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IL LUI AVAIT PROMIS…

« Quelqu’un a dit :

S’il y a une chose à laquelle tu tiens par-dessus tout, n’essaie pas de la retenir…

Si elle te revient, elle sera à toi pour toujours,

Si elle ne te revient pas, c’est que dès le départ, elle n’était pas à toi… »

Proposition Indécente, première scène

Juillet 2004, place de la Nation

Dans sa New Beetle à l’arrêt, Nina attendait.

Bientôt vingt et une heure, il ne tarderait plus à arriver. Ce rendez-vous fut très soudain, peut-
être se préparait-il depuis des années.

Début ou fin ?

Mensonge ou vérité ?

Que serait-il ?

Ce rendez -vous Nina l’espérait, autant qu’elle le redoutait.

Nerveuse, quelques notes de piano en fond sonore l’aidaient à patienter.

Elle rangea un petit bout de papier, jauni par les années à côté d’une réplique miniature de sa
voiture, puis jeta un coup d’œil dans le miroir.

Son rouge à lèvres n’avait pas bougé, son maquillage soulignait ses yeux de chat verts. Ce soir
elle portait tout ce qu’il aimait une jupe fendue, des bas et des talons hauts.

La musique, vecteur puissant, la plongea dans ses souvenirs.

Paradoxe du temps qui passe, les minutes figées, interminables, finirent par la renvoyer, dans
le passé …

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IL LUI AVAIT PROMIS…
« Ma mère disait toujours :

La vie est comme une boîte de chocolats,

on ne sait jamais avant de l’ouvrir,

ce qu’on va trouver dedans… »

Film Forrest Gump, première scène

Juillet 1993
Nina étudiante à l’Université venait de valider sa première année avec succès. Son père fut
rassuré, un an auparavant ratant son année de droit une terrible dispute entre eux éclata.
Nina n’aima pas cette matière, elle se retrouva une fois de plus dans l’ombre de son frère
Florent. Son père, Henri Giredet, médecin submergé et dépassé par son inquiétude explosa.
La mère de Nina, Françoise défendit sa fille bec et ongles sans pouvoir empêcher la terrible
scène finale, qui conduisit Nina à quitter le mas provençal du Lubéron et à rentrer dans la
demeure familiale de Vincennes.
Nina s’était alors promis de ne plus jamais dépendre de quelqu’un financièrement.
Il avait fallu un an, pour que les choses s’arrangent, un an pour que Nina et son père se
réconcilient.
Avec l’aide de sa mère, autre version d’elle- même en plus âgée, Nina avait changé
d’orientation et d’université.
En s’inscrivant à l’auto-école pour passer son permis, elle sympathisa immédiatement avec
William, le gérant. Il venait de lancer son affaire près d’un lycée qui fournissait sa clientèle.
Une aubaine pour Nina qui trouva ainsi son premier emploi.
Durant l’hiver, Nina remarqua un jeune homme, Axel Varet, élégant châtain clair aux yeux
bleus, ce discret lycéen scientifique l’ignorait prodigieusement.
Pourtant il avait semblé à Nina sentir son regard se poser sur elle quelques fois.
En ce début d’été Axel s’apprêtait à passer son permis.
— Il est prêt pour demain ? demanda-t-elle à William
— Oui. Il conduit avec son père, il aura son permis sans problème répondit -il confiant
comme rarement.
A l’auto-école le ballet des anciens et des nouveaux s’accélérait. Hélène boule d’énergie
extravertie et Lara, amie de lycée de Nina rejoignirent ainsi le cercle.
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IL LUI AVAIT PROMIS…
*
Axel se mit en route pour rejoindre l’auto-école. Dans quelques heures, il passerait
l’examen de conduite. Il savait qu’il l’obtiendrait son permis. Il aimait la vitesse et se plaisait à
s’imaginer un jour comme James Bond, son héros favori, au volant d’une Aston Martin.
Il réalisa qu’il ne verrait bientôt plus Nina, l’hôtesse de l’auto-école. Il l’avait regardé
discrètement tout au long de ces mois, l’avait même suivie plusieurs fois sans se faire voir par
timidité.
Il finit par arriver trouvant William devant la vitrine prêt à partir. Il monta dans la voiture,
et ne dit pas un mot durant tout le trajet.
Sur le lieu où aller se dérouler l’épreuve, l’examinatrice se présenta retrouvant les
nombreux candidats du jour. Axel passa le premier.
*
Au même moment Nina ouvrait. Hélène ne tarda pas à arriver pour suivre les premières
séances de code.
La matinée se terminait quand leva les yeux et vit apparaître la voiture de William. Axel
passa au bureau pour les dernières formalités. Il n’accorda pas la moindre attention à Nina
avant de sortir et de quitter définitivement le bureau.
Piquée d’être ainsi ignorée Nina sans réfléchir elle s’élança après lui. C’était maintenant ou
jamais. Elle le chercha du regard, le trouva et cria :
— Axel
Il se retourna, et revint sur ses pas surpris
— Excuse-moi de t’interpeller comme ça, près de la poubelle, mais je voulais te féliciter
pour ton permis
— Merci, Axel regardait Nina intrigué
Elle est sympa cette poubelle, dit-il en allumant une cigarette après en avoir proposé une
à Nina, l’encourageant à continuer
— Merci, non, je ne fume pas, mon père m’en a dégouté
Des gitanes sans filtre qui empestent…
Que racontait-elle ? Elle n’allait pas faire une campagne anti tabagisme non plus. Changer
de sujet, il fallait changer de sujet
Te voilà donc titulaire du permis
Et du bac aussi, non ?
— Du bac français répondit-il simplement
— Et ça s’est bien passé ?
Tu es scientifique non ?
Le français et les sciences en général ne font pas bon ménage
— Oui, mais j’aime bien le français

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IL LUI AVAIT PROMIS…
Et toi ? tu travailles juste à l’auto-école ?
— Non, je suis étudiante… l’auto-école est un à côté
Idéal d’ailleurs, qui me permet d’aborder les jeunes gens près des poubelles !
Nina se dit qu’elle racontait vraiment n’importe quoi. Se calmer, il fallait qu’elle se calme.
Axel semblait amusé mais parlait peu, lui
— Très sympa cette poubelle, d’ailleurs, plaisanta-t-il
— Et tu as prévu de partir en vacances maintenant ?
— Oui, dans quelques jours à Fréjus
Un départ imminent pensa-t-elle, il ne restait pas beaucoup de temps pour faire plus
amples connaissances. Alors, elle se lança, elle osa :
— Pour fêter nos examens respectifs, ça te dirait de venir dîner chez moi ce soir ? je suis
seule, mes parents sont en vacances.
Pique-Nique Pizza par exemple ?
— D’accord. Accepta Axel sur le champ. Si vite que Nina ne s’y attendant pas continua
d’enchaîner les faux prétextes
— Et puis, il faut que je teste ta conduite…
Maintenant que tu as ton permis,
Je suis responsable de la sécurité routière du quartier
N’importe quoi, elle continuait vraiment de raconter n’importe quoi.
— Je viendrai en voiture, et tu pourras jouer à l’examinatrice
Le rendez-vous était pris. Au moins Axel ne lui tint pas rigueur de sa lamentable approche.
Chacun reprit son chemin après cet échange improbable, empli d’une forte excitation. Le
destin près de cette poubelle venait de frapper.
*
La rencontre avec Nina ravit Axel. Il ne pensait plus la revoir après ce jour. Il ne pouvait
s’expliquer l’attirance quasi animale qui l’envahissait. Lui si rationnel d’habitude s’étonna de
ne pouvoir la chasser de son esprit.
De retour chez lui, il finit par se rappeler qu’il devait demander à son père la voiture pour
ce soir. Par la même occasion, il avertirait sa mère et son ami Damien qu’il avait son permis.
Il jouerait ensuite un peu de piano pour se détendre. Jean Jacques Goldman lui parut être
un bon choix.
Le soir venu, Axel soigna son apparence. Puis passa chercher Nina à l’Auto-école comme
prévu. Il la fit entrer galamment dans la voiture de son père
— Tu aimes Jean Jacques Goldman ? demanda-t-il alors qu’il commençait à rouler
— Pas vraiment
— Mais, Ce n’est pas possible, ça Nina !

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IL LUI AVAIT PROMIS…
Tu ne peux pas, ne pas aimer, Jean Jacques Goldman.
Ecoute ça …
Et Axel mît, Là-Bas, interprété par le chanteur en concert en 1992, rendant hommage à la
chanteuse Sirima tuée par son mari. La version commençait par une introduction, au
saxophone, le compositeur chantait le premier couplet de la chanson, et alors que la
chanteuse disparue devait enchaîner, Axel s’emballa…
— Là, écoute… silence du public et…
Nina entendit le piano, juste le piano…
L’instrument remplaçait la voix de la chanteuse disparue par de simples notes aigues avant
que le saxophone n’enchaine. Et cette chanson que Nina n’aimait pas jusque lors trouva un
vrai écho en elle.
Quand elle se termina, l’émotion dans la voiture était palpable.
Axel se gara devant l’hôtel particulier où Nina vivait avec sa famille en face du bois de
Vincennes Nina adorait cette maison. Elle y avait vécu depuis qu’elle était en âge de monter
les escaliers.
Avant d’y rentrer, Axel et elle, allèrent chercher les pizzas non loin. Ils prirent également
des tomates mozzarella ainsi que deux melons.
Tout le long Axel et Nina n’eurent de cesse d’échanger. Intarissables, ils se découvraient,
s’appréciaient ayant de nombreux points communs.
De retour devant l’imposant pavillon, Nina composa le code et ouvrit la lourde porte.
Axel découvrit un lieu magnifique. Tout dans cette demeure respirait le bon goût et
l’harmonie.
Des tableaux partout ornaient les murs.
Nina invita Axel à déposer les pizzas dans la cuisine, avant de le mener dans sa pièce
préférée : le jardin d’hiver Précurseurs, les parents de Nina transformèrent l’arrière-cour en
grande véranda.
Une ambiance végétale y régnait.
En bonne hôtesse, Nina servit un apéritif à Axel, qu’ils commencèrent à déguster tout en
continuant de discuter.
— Partir à Frejus pour les vacances ne me dit rien du tout, avoua Axel
— Pourquoi ?
— Voir tous ces vacanciers rougis par le soleil…
Je suis un peu asocial, tu sais
— Vraiment ?
Tu viens avec moi dans la cuisine ?
Je vais faire chauffer notre dîner
Axel s’exécuta.

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IL LUI AVAIT PROMIS…
Arrivés dans la cuisine, Nina mit au four les pizzas puis improvisa une entrée froide
composée de tomates Mozzarella, qu’ils ramenèrent dans la véranda.
La conversation portait désormais sur les cours de piano que prenaient Axel.
Alors qu’ils avaient terminé l’entrée enchaînant désormais sur le volet parents, Nina sentit
une odeur de brûlé.
— Mince… les pizzas… elle bondit comme un fauve, montant en à peine trois enjambées
l’escalier, pour sortir du four les pizzas carbonisées.
Je crains que notre dîner ait pris un coup de chaud
— C’est l’été, c’est d’actualité. Fais voir…
Brulées au troisième degré.
— J’ouvre les melons…
Qui sont pourris…
Catastrophe
Quel dîner ! On ne pouvait pas faire pire.
— Non…
Je suis fan des pizzas cramées et des melons pourris…
J’ai les mêmes à la maison
Axel prenait cela avec humour, ce qui fit sourire Nina, qui oscillait entre gêne et vexation
d’être une si pitoyable maîtresse de maison.
Voyant cela, Axel proposa :
— Ne t’en fais pas, je n’ai pas très faim de toute façon
Tu ne voulais pas tester ma conduite ?
On peut aller faire un tour de Paris, et se trouver une crêpe au passage si nécessaire ?
— D’accord
Ils sortirent retrouver la voiture.
Musique en fond sonore, vitres ouvertes, Nina et Axel continuèrent de se découvrir l’un et
l’autre ainsi que Paris la nuit.
Une halte au Palais du Louvre interrompit leurs confidences sur les parents. La musique
s’éteint quelques instants, laissant place au silence du lieu. Avec de nouveaux éclairages,
l’extérieur du palais ressemblait à un décor de théâtre. Axel en profita pour fumer une
cigarette, et évoquer ses cours de théâtre passés.
— Tu sembles pourtant timide pour le théâtre déclara Nina
— Justement le théâtre permet de vaincre sa timidité
— J’adore le théâtre, les spectacles en général…
Il se passe quelque chose dans une salle, je trouve

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IL LUI AVAIT PROMIS…
Axel et Nina étrangement se ressemblaient beaucoup physiquement et moralement, fins
de corps et d’esprit des espèces de jumeaux séparés qui se trouvaient enfin.
Ils remontèrent en voiture se dirigeant ensuite Place de la Concorde avec ses jets d’eau et
son obélisque.
— Tu conduis vraiment très bien
— Tu me donnes mon permis ?
— Oui, amplement mérité !
Du premier coup, quel exploit !
Ils reprirent la route alors que Nina racontait comment le permis de conduire l’avait mené
à William sur le trajet du Champ de Mars pour faire quelques pas sous la Tour Eiffel éclairée.
— Pour ma part, la conduite a été un des rares moments partagés avec mon père
Il m’a tout appris
Je ne crois pas me souvenir qu’il se soit occupé de moi pour autre chose
Depuis la relation entre mes parents se dégrade chaque jour un peu plus
— Tu as annoncé à tes parents que tu avais eu ton permis ?
— Oui, quand même
Ils étaient contents, mais leur mauvaise entente a vite repris le dessus
Il commençait à se faire tard, Axel proposa à Nina de la raccompagner après un dernier
passage aux Invalides. Le dôme doré incontournable dans ce tour de Paris By Night, comme
Axel baptisa ce moment.
*
Nina eut du mal à se réveiller et à se motiver pour aller à l’auto-école, le lendemain matin.
Elle avait passé une belle soirée hier touchée par Axel de façon étonnante.
Après un saut sous la douche, un passage éclair dans la salle de bain, elle partit rejoindre
l’auto-école.
William au bureau accueillit. Hélène venue avec son amie Justine pour l’inscrire à son tour.
William céda la place à Nina. Alors qu’elle finalisait l’inscription de Justine, la porte s’ouvrit
elle leva les yeux et découvrit un livreur lui tendant un imposant bouquet de roses rouges.
— De la part d’Axel dit ce dernier avant de sortir
Nina s’empara des fleurs, elle n’en avait jamais reçu autant. Elle posa le bouquet et appela
Axel :
— Je viens de recevoir un énorme bouquet de roses.
Tu es fou !
Merci, Je n’en ai jamais vu autant, il y en a combien au juste ?
— Cent une
C’est pour te remercier pour la soirée d’hier
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IL LUI AVAIT PROMIS…
Et pour te dire au revoir je pars à Fréjus tout à l’heure
— Aujourd’hui, ce n’est pas ce qui était prévu ?
— La date vient de changer, cela ne m’enchante vraiment pas
Mais je reviendrai
Et on fera de nouveau des tours de Paris
— Tu sais marquer tes sorties
Quand reviens-tu ?
— A la fin de l’été
Ne m’oublie pas entre temps
— Je vais avoir du mal
Nina écourta la conversation voyant son amie Lara approcher.
A peine entrée dans le bureau, il ne lui fallut pas plus de deux secondes pour remarquer le
bouquet
— Ces fleurs sont pour toi ?
— Oui
— Qui te les a envoyés ?
Raconte-moi tout, et j’insiste sur le tout
Les yeux noisette de Lara pétillèrent du début à la fin du récit de son amie.
*
A Fréjus, Axel fut heureux de retrouver ses grands-parents et la plage sans pouvoir ôter
Nina de ses pensées.
Il décida de lui écrire.
Chère Nina,
Malgré tes conseils, je n’arrive toujours pas à me faire à ce train de vie, tout à fait
inintéressant au milieu de tous ces gens qui le sont encore moins.
Néanmoins, cela me permet de me démarquer en marge des shorts jaunes et roses fluos,
des sandales et des nombrils en avant.
Mais rassure-toi, cela ne suffit pas à chasser de ma tête, les souvenirs parisiens auxquels je
consacre la majeure partie de mon temps.
Bref, ne dramatisons pas, je ne suis pas au bout du monde… enfin presque, cette notion
étant d’ailleurs tout à fait subjective, on est d’accord ?
En conclusion, je pourrais dire que ce qui, me fait le plus défaut ici, c’est un regard, un regard
qui devrait me passionner, un regard comme le tien.
Enfin, si tu veux tout savoir, il fait chaud, chaud, très chaud, et j’ai envie d’orages.
À bientôt, Bises
Axel

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IL LUI AVAIT PROMIS…

Satisfait, il mit la lettre sous enveloppe, et partit la poster. Il irait ensuite se balader, et
continuerait de penser à tout et surtout à elle.
*
Quelques jours plus tard Nina découvrit la lettre d’Axel. Elle la lut et la relut plusieurs fois
Elle ne leva les yeux des quelque lignes bleues, qu’en entendant la clochette de la porte
que Lara venait de franchir.
— Bonjour, bonjour, tu as du courrier ?
— Une lettre d’Axel, tu sais…
— Les roses rouges, la coupa Lara qui avait un don pour comprendre les choses sans qu’on
lui explique
Nina lui tendit la lettre, qui valait tous les résumés qu’elle aurait pu faire. Lara la parcourut.
— Il a l’air très bien ce jeune homme, non ?
— Si, répondit Nina, en repliant la lettre et en baissant les yeux dessus
— Mais ? interrogea Lara
— Mais, il a trois ans de moins que moi
— Et alors, ce n’est rien trois ans. Il paraît plutôt mur en plus, avec ce qu’il t’écrit et les
roses qu’il t’a fait livrer
Nina acquiesça, que pouvait-elle répondre à cela ?
— Alors… profite… laisse toi courtiser… et tu verras où le vent te mène.
Je suis venue te dire au revoir, je pars au Portugal demain voir ma famille
— Tout le monde part décidément, sauf moi
— Tu ne peux pas prendre un peu de vacances ?
— Je vais demander à William
Lara se sauva ensuite pour préparer son départ.
En rentrant dans le pavillon vide le soir, Nina finit par se laisser convaincre lors d’un appel
à ses parents, de venir passer la fin des vacances en Provence. Elle rejoindrait Florent et
Stéphanie, sa fiancée dans le mas bientôt.
Trois semaines plus tard elle prit le train pour Avignon.
À son arrivée, Florent vint comme convenu l’accueillir avec Stéphanie. Trente minutes plus
tard, Nina retrouvait le mas provençal sa fraîcheur, et les cigales qui chantaient à tue-tête. Les
vacances furent ensuite à base de repos et de farniente au bord de la piscine. Stéphanie et
Florent s’entraînaient à la vie de couple, qu’ils n’avaient pas encore, s’occupant de toute
l’intendance. À la fraîche, ils allaient visiter c petits villages chaque jour un nouveau village du
Lubéron comme Gordes, Bonnieux, ou Oppède le Vieux… Ils y passaient en général leurs
soirées. Et les vacances de Nina passèrent ainsi, à profiter de son frère et Stéphanie.
*

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IL LUI AVAIT PROMIS…
De retour plus tôt que prévu Axel pensa pouvoir revoir Nina. A la place il ne retrouva que
ses parents qui n’avaient de cesse de se disputer le peu de fois où ils se croisaient. Axel essaya
de naviguer à vue pour ne pas se laisser emporter par la situation familiale.
La mère d’Axel travaillait dans le bâtiment, elle y avait gravi les échelons devenant le bras
droit du directeur. Son père quant lui évoluait dans le secteur bancaire, ne partageant pas
grand-chose avec son fils, et encore moins avec sa femme, dont il s’éloignait jour après jour.
Les vacances prenaient fin, il ne restait plus que quinze jours avant la rentrée. Axel sortit
souvent faire des tours de Paris en voiture le soir se replongeant ainsi dans les moments
passés avec Nina.
Nina qui était en vacances.
Il l’avait découvert, se décidant enfin à passer la porte de l’auto-école prétextant
l’inscription prochaine de son ami Damien.
William content de voir quelqu’un, ne tarda pas à tout lui révéler sans même qu’il ait à
demander quoi que ce soit. William était un vieux garçon, qui ne vivait que pour son auto-
école. D’origine martiniquaise portant la barbe, il se dévouait entièrement à son entreprise.
Axel l’écouta longtemps avant de pouvoir s’échapper. Retourner chez lui, ne l’inspirait pas,
il se dit qu’il pourrait aller voir Damien, et le convaincre de s’inscrire à l’auto-école. Il en
profiterait pour dîner là-bas, avec les parents de son ami, retrouver un cadre familial normal,
lui ferait du bien.
*
Nina rentra enfin et retrouva ses parents.
Très proche de sa mère, elle lui parla naturellement d’Axel. Son père essayait souvent,
quand il surprenait une conversation de s’y mêler, sans succès. Il entrait innocemment dans
la cuisine, faisant mine de chercher quelque chose, et Nina s’arrêtait de parler, le temps qu’il
en sorte. Il ne renonçait pas pour autant, en montant de temps en temps dans la chambre de
sa fille, pour discuter avec elle. Il le faisait aussi avec Florent, mais moins depuis que Stéphanie,
était entrée dans sa vie.
Nina retourna donc l’auto-école, le lundi. William, heureux de la retrouver, n’avait pas mis
de leçon de conduite le matin, pour la laisser revenir en douceur. Il ne s’était pas passé grand-
chose en son absence, l’auto-école avait été désertée et Axel était passé en fin de semaine
dernière. Nina prit l’information sans réagir laissant William continuer de parler.
Aux séances de code l’après –midi, Nina composa enfin le numéro d’Axel, dès qu’elle fut
seule.
— Allo, Axel ?
— À l’huile plaisanta-t-il en décrochant
Les retrouvailles vocales furent instantanées et après s’être racontés tour à tour, leurs
vacances, Axel proposa :
— Tu as vu Quatre mariages et un enterrement ?
— Non, répondit Nina

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IL LUI AVAIT PROMIS…
J’en ai entendu parler
— Je t’amène le voir ce soir
Tu verras, l’acteur a des dents bizarres, mais il joue très bien
Et le film est un incontournable, à l’esprit anglais
Le soir venu, Installés dans la salle, chacun avait été ravi de retrouver l’autre reposé, et un
peu hâlé par les vacances d’été.
Le film commença, et il plut tout de suite à Nina.
Charles et Carrie dans le film se plurent dès le premier mariage. Alors que leurs sentiments
allaient et venaient aux rythmes des mariages qui suivirent, Axel se pencha vers Nina, au
moment où Charles regardait avec regret et envie Carrie qui venait d’en épouser un autre,
sous le regard de son amie Fiona,
Axel chuchota à ce moment précis, à l’oreille de Nina :
— C’est mon passage préféré :
Fiona : Elle te plaît ; hein ?
Charles : Oui, c’est curieux quand ça arrive alors qu’on ne s’y attend plus, et en
plus, elle en épouse un autre…
Et toi Fifi, tu as repéré l’homme de ta vie ?
Fiona : je ne chercher plus… Les dés sont jetés et en plus je suis amoureuse de lui
depuis des siècles…
Charles : Ha oui ? Qui est-ce ?
Fiona : toi Charly… ça a toujours été toi, depuis notre première rencontre il y a tant
d’années… Je l’ai su dès le premier regard, à travers une pièce pleine à craquer…
non c’était un jardin…
Ce n’est pas grave, on n’y peut rien ni l’un ni l’autre de toute façon… C’est la
vie…Être amis, c’est bien aussi…Et déjà pas mal
Charles lui prenant la main : Oh Fiona…Pouh, rien n’est facile, hein ?
Fiona : Non, n’y pensons plus… Ce sont des bêtises…

Nina reçut le message qu’Axel souhaitait lui faire passer.


Elle était tentée, très tentée même, mais se ressaisissait quasiment aussitôt en se
convainquant qu’Axel avait une trop grande différence d’âge avec elle.
Malgré tout, avant de rentrer, elle lui proposa de lui faire découvrir à son tour le film
Proposition Indécente.
*
Hélène et Justine revinrent à l’auto-école. Les retrouvailles furent enjouées. Axel arriva
alors qu’elles s’apprêtaient à sortir fumer une cigarette, avant le début du code.
Le contact passa immédiatement entre eux.
Une fois les filles rentrées en séance de code Axel resta seul avec Nina.
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IL LUI AVAIT PROMIS…
— Ça va ? tu as bien dormi ?
On se voit ce soir ?
— Oui, au bois de Vincennes pour changer ?
— On pourra parler un peu ?
Nina sentit qu’Axel allait se déclarer. Elle le souhaitait et en même temps elle le redoutait.
Leurs trois ans d’écart la gênaient, et elle n’arrivait pas à passer outre.
À vingt heures comme prévu, Axel ponctuel passa la chercher avec la voiture rouge de son
père. Nina avait amené le cd des meilleurs titres d’Eddy Mitchell qu’elle offrit à Axel le glissant
dans le lecteur.
La fille couleur menthe à l’eau passait, quand ils arrivèrent en haut de la rue de Nina. Axel
se gara et Ils rejoignirent le Bois de Vincennes.
Nerveux Axel marcha quelques instants silencieux avant de se lancer.
— J’apprécie beaucoup tous les moments que l’on passe ensemble. Tu sais, je t’ai dans les
yeux depuis que je me suis inscrit à l’auto-école.
— Tu parles, tu ne m’accordais jamais un regard
— Si, je te regardais, sans me faire voir. Je t’ai suivi aussi jusqu’à chez toi plusieurs fois
— Tu m’as suivi ? je n’ai jamais rien vu
— Il y a des techniques, tu sais, et je ne me lassais pas de regarder tes jolies jambes, avec
tes petites robes courtes… Tout ça pour te dire, que lorsque que tu m’as abordé, près de la
poubelle, j’étais le plus heureux des hommes… et depuis alors que je t’avais dans les yeux,
maintenant je t’ai dans la tête, dans le cœur...
Je pense à toi, tout le temps…
Je suis fou de toi, Nina
Quel romantisme Nina failli craquer. Elle se ressaisit.
Cela la rendait triste, car elle savait qu’elle allait faire souffrir Axel.
— Axel, je suis très touchée, c’est une jolie déclaration, comme toi… tu es tout joli… mais
je ne peux pas… on ne peut pas. On a trois ans d’écart
— Ce n’est rien trois ans
— Tu es encore au Lycée, je suis à la fac, ce sont deux mondes complétement différents…
Ne m’en veux pas… Ça ne nous empêche pas de continuer à nous voir…
Je suis désolée
Le silence apparut pour la première fois entre eux.
Axel déçu, paraissait si triste que Nina se sentit mal.
Ils rebroussèrent chemin
Arrivés, à la voiture pleine de contradictions Nina demanda :

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IL LUI AVAIT PROMIS…
— Je peux t’embrasser ? non pas pour commencer quelque chose ; mais juste parce que
j’en ai envie
Axel acquiesça.
Ils s’embrassèrent. Un court baiser doux, très doux. Nina émue, caressa la joue d’Axel, il la
regarda avec ses yeux porcelaines, si intensément, qu’elle fut transpercée.
— Tu me ramènes devant chez moi ?
Arrivés devant l’hôtel particulier, seul le silence résonnait dans la voiture. Nina sans n’avoir
rien prémédité, alluma le lecteur cd, mit le Cimetière des Eléphants et sortit alors qu’Eddy
Mitchell entamait :
— C’est pas perdu puisque tu m’aimes… un peu moins fort, un peu quand même…
Comme un dernier message plein de sous-entendus et d’inachevés
*
Nina dormit mal toute la nuit. Elle se sentit moche, s’en voulut, regretta même.
Le lendemain matin, alors qu’elle venait de se lever, sa mère cria :
— NINA
Tu as une lettre
Nina descendit et remonta les quatre étages à toute allure pour découvrir les mots d’Axel :

Nina,
Ne penses-tu pas, entre nous, que j’ai entièrement mérité ceci, me forçant à penser que tout
ce qui est beau est triste ?
Je me pose la question, mais à quoi bon. De toute façon je m’en veux énormément de n’avoir
pas su me taire, alors qu’il le fallait ; rester comme ce personnage fou de toi, jusqu’à ce que
nos âmes se séparent. Je m’en veux aussi de t’avoir fait subir cette épreuve qui, peut-être, qui
sait, t’a rendu un peu triste. Moi, qui ne voulais que t’apporter de jolis et de simples moments,
je me rends compte, que j’ai fait le mal à celle pour qui je m’enivrais, pour qui je faisais se
battre à chaque seconde ma raison et ma passion. Je ne me sens même plus beau mais
immensément repoussant.
C’est alors que je rêve d’une nouvelle forme de chirurgie qui permettrait de détruire tout
potentiel amoureux de l’esprit, dans le but de ne plus aimer qui que ce soit, et surtout toi.
Bref, j’ai horreur de m’apitoyer sur mon sort, alors je vais faire en sorte d’aller me coucher
et puis dormir, comme un enfant qui ne sait rien et qui pourtant a tout appris.
Dès lors, je n’ai plus de but, j’ai honte, je me cache, encore une fois derrière mon physique,
avec qui j’ai toujours été le pire des hypocrites.
Tu parles d’une vie, c’est beau la vie.
Axel
PS : je n’ai pas encore trouvé les larmes ; je ne t’ai pas encore tout dit

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IL LUI AVAIT PROMIS…
Pour me comprendre, il faudrait savoir qui je suis
Pour me comprendre il faudrait connaître ma vie
Et pour m’apprendre devenir mon ami
Pour me comprendre, il aurait fallu au moins ce soir
Pouvoir surprendre le chemin d’un de mes regards
Triste mais tendre perdu dans le hasard…
Michel Berger

Axel attendait chez lui son ami d'enfance Damien, qui devait le rejoindre, pour aller
s'inscrire à l'auto-école. Tous les deux se connaissaient depuis l'enfance, une amitié solide les
liait. Damien était issu d'une famille bourgeoise traditionnelle, avec un père haut
fonctionnaire, travaillant beaucoup, qu'il voyait peu et une mère effacée. Les deux garçons
s'étaient trouvés à l'école primaire, nouant une amitié solide qui leur permettait de s'évader
d'une vie familiale souvent chaotique.
Si Axel possédait une intelligence redoutable, Damien, quant à lui restait effacé. Cheveux
noirs, yeux sombres, froid et distant, il s’était construit une carapace pour se protéger que
peu de personnes arrivaient à franchir Les deux garçons, s’ils n’étaient plus dans le même
lycée continuaient de se voir et de se donner régulièrement des nouvelles.
Aussi lorsqu’Axel avait eu son permis, Damien voulut lui aussi l’obtenir
Axel sauta sur l’occasion pour revoir Nina. Il continuait de passer discrètement devant
l’auto-école, juste pour la regarder sans se montrer rejoignant sa classe de terminale
scientifique. Il ne lui avait pas reparlé depuis qu’ils s’étaient embrassés. Elle lui manquait, sa
voix douce, ses yeux verts de chat, son sourire craquant.
Il fallait bien se l’avouer, il était tombé littéralement, complétement, irrémédiablement
amoureux d’elle.
La sonnette de l’interphone retentit, L’arrivée de Damien le fit revenir sur terre, Axel
accueillit bientôt son ami.

— Hello Damien
— Salut Axel
Tu vas bien ?
— Bien et toi ? entre… Installe-toi, tu veux un café ?
— Non merci, on s’en grille une plutôt ?

15
IL LUI AVAIT PROMIS…
Les deux jeunes hommes s’installèrent, sur le canapé du salon, Axel prit le paquet de
cigarettes posé sur la table basse, et chacun s’alluma une cigarette profitant des premières
bouffées en silence.

— Alors, ça fait quoi d’avoir le permis ?


— C’est pas mal, tu vas plus vite, tu es plus libre
— Tu conduis la voiture de ton père ?
— Oui, il me la prête
— C’est bien ça, je ne suis pas sûr que le mien en ferait autant
— Il va bien d’ailleurs ton père ? Tu le salueras de ma part
— Egal à lui-même, et le tien ?
— Pareil

Les deux amis échangèrent un regard complice résigné qui en disait long. Ils se recentrèrent
sur l’objet de la visite de Damien : l’inscription de ce dernier à l’auto-école.

— On y va ? reprit Damien
— Attends, je vais appeler voir si Nina sera bien là
— Nina ? interrogea Damien
— Oui, Nina, reprit Axel, tout en regardant son ami, alors qu’il s’était levé pour saisir le
téléphone fixe et déjà composait le numéro de l’auto-école.

Après trois sonneries, Nina décrocha avec sa voix d’hôtesse de l’air

— Allo, Auto -école William


— À l’huile, Axel à l’appareil, comment vas-tu ?
— Coucou Axel, bien et toi ? répondit-elle, manifestement contente de l’entendre
— Ça va, tu es encore à l’Auto-école ?
— Et oui, j’ai encore tout le mois de septembre avant de reprendre la fac, et toi tu es
retourné en cours ?
— Oui, il faut bien
Je voulais savoir si je pouvais passer inscrire un ami ?
— Bien sûr, William sera ravi
— Très bien, on se met en route alors

16
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Entendu, à tout à l’heure
— Je ne t’embrasse pas
— Non, répondit Nina en riant
— À tout de suite, termina Axel avant de raccrocher, également amusé par la tournure de
l’échange.
Damien, n’en perdit pas une miette, et finit par demander :

— Qui est Nina ?

*
Nina raccrocha. Lara en face d’elle, attendant William pour se faire évaluer.

— Tu as l’air bien enjoué tout à coup. Monsieur roses rouges je suppose ?


Il te plaît
— Nous avons toujours trois ans d’écart, il est en terminale, je rentre en deuxième année
— Ce n’est rien ça… Arrête de trouver des excuses

Nina ne répondit pas.


William rentra Hélène et Justine, sortirent de la salle de code saluer tout le monde, avant
qu’Axel et Damien ne rejoignent à leur tour le groupe
Hélène et Justine sautèrent sur Axel et Damien, comme de la chair fraiche et les amenèrent
dehors pour fumer. Axel eut à peine le temps de lancer un :

— On revient pour l’inscription


Avant de se laisser entraîner
William saisit au vol les derniers mots d’Axel interrogatif

— Ah oui, il m’en avait parlé… c’est bien ça, une nouvelle inscription !
Ça va Lara ? Prête pour l’évaluation ?
— Je n’attends que ça, répondit Lara ironique
— J’arrive dans deux minutes, dit William quittant le bureau pour aller dans la salle de code

Lara en profita pour lancer à Nina :

17
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Il est charmant ce jeune homme

De nouveau Nina répondit par un sourire

— Nina, vraiment, ne sois pas idiote, arrête de te trouver des excuses


Paul et moi aussi, nous n’avons pas le même âge
— Comment ça va entre vous ?
— Des hauts et des bas… Il a toujours peur de l’engagement.

À cet instant, Axel rentra seul dans le bureau

— Ça va Nina ? Tu arrives à gérer tout ce monde ?


— Ça va, oui
Axel, je te présente mon amie Lara, qui vient tenter d’obtenir son permis chez William
— Bonjour Lara
— Bonjour Axel
On espère, on y croit dit Lara
— Tu ne pouvais pas trouver meilleure auto-école, assura Axel
— Nina m’a dit effectivement que tu avais eu brillamment ton permis récemment, veinard !
— Oui, cela me permet de faire des tours de Paris la nuit, reprit Axel en regardant Nina
avec insistance. Un sous-entendu, à peine, voilé, qui se fit sentir.

William choisit son moment pour revenir dans le bureau et interrompre l’échange en cours

— Bonjour Axel, ça va ?
Merci pour l’inscription de ton ami.
— Bonjour William, de rien, il s’est fait alpaguer par les filles, mais il va revenir
— Oui, d’ailleurs la séance de code ne va pas tarder à démarrer
Prête Lara ? On y va ?
— On y va, dit Lara faisant un signe d’au revoir à Nina et Axel

Axel et Nina se retrouvèrent seuls pour la première fois depuis la déclaration

18
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Enfin seuls ! Plaisanta-t-il en s’asseyant en face de Nina,
— Pour peu de temps acquiesça Nina,
— Tu es très jolie
Ça te dirait qu’on retourne au cinéma ce soir ?
Il n’y pas de James Bond à l’affiche en ce moment, je suis un grand fan
— Je peux appeler mon grand-père, si tu veux il ressemble à Sean Connery

Le grand père de Nina, haut fonctionnaire à la retraite désormais avait fait Sciences Po et
Léna. Chef de cabinet sous Messmer, Contrôleur Général des Armées, on le soupçonnait
d’avoir travaillé pour les services secrets.

— Sean Connery est d’ailleurs à mon sens le meilleur James Bond


— Roger Moore n’est pas mal non plus
— J’adore James Bond, mais trouvons un autre film
— Il y a toujours Proposition Indécente, La bande originale de John Barry est à tomber
— Parfait, je passe te chercher chez toi ce soir

Hélène, Justine et Damien rentrèrent à cet instant dans le bureau, hilares de leur pause
cigarette, et s’entendant à priori comme larrons en foire

— Allez, il est temps d’aller au code, lança Nina comme si elle s’adressait à des enfants
dissipés
— Oui, c’est vrai, reprit Hélène, Damien tu vas bientôt nous rejoindre, Axel, tu nous
attends ? on ne t’a pas beaucoup vu

Et elles entrèrent dans la salle de code, suivie par Nina, qui alla mettre la cassette, tandis
qu’Axel et Damien, attendaient dans le bureau pour valider l’inscription.
*
Axel arriva devant chez Nina, pile à l’heure. Il s’était garé le long du bois, et aimait
l’atmosphère qui y régnait. Il profita de ces quelques minutes de calme et de temps pour lui.
Il avait ramené à Nina le CD de Mécano, les chanteurs et musiciens espagnols. Nina, ne
tarda pas à le rejoindre, et monta s’installer côté passager

— Bonsoir dit-elle,
— Bonsoir répondit Axel, prenant toujours plaisir à la regarder

19
IL LUI AVAIT PROMIS…
Tiens je t’ai apporté cela… Je ne sais pas si tu connais Mécano ?
— Les espagnols ? un peu
— Ils gagnent à être connus
— On a eu la même idée, je t’ai amené la Bande Originale de Proposition Indécente, qui
gagne aussi à être connue. Pour nous mettre dans l’ambiance avant de voir le film
— Oui, d’ailleurs, il ne faut pas qu’on traîne pour la séance

Axel démarra, alors que Nina, déballait le CD pour l’insérer dans le lecteur de la voiture du
père d’Axel.
Elle lui fit écouter le thème principal du film, composé par John Barry, thème instrumental
que l’on retrouvait tout au long du film, et qui était un thème envoutant et touchant, tout
comme l’histoire des protagonistes.
Le film voyait à son affiche Robert Redford et Demi Moore, et démontrait que l’argent ne
pouvait pas tout acheter. Un jeune couple vraiment amoureux depuis l’adolescence, se
retrouvait au bord du gouffre financièrement et le hasard mettait sur leur route un
milliardaire. Ce dernier proposait un million de dollars pour passer la nuit avec la jeune femme.
Le couple accepta, et cela fit naître suspicion, jalousie, discorde entre eux. Finalement, l’amour
fut le plus fort et le couple finit par se pardonner et se retrouver, après de jolies tirades pleines
de sens pour ceux qui savaient les écouter :

— À mon avis l’erreur que j’ai faut à Las Vegas, c’était de croire que je pourrai oublier, je
croyais qu’à nous deux on était invincible, maintenant je sais que lorsque deux personnes qui
s’aiment se font du mal, elles ne peuvent pas oublier, mais si elles restent ensemble, ce n’est
pas parce qu’elles oublient c’est parce qu’elles pardonnent. J’avais tellement peur que tu
l’aimes plus que moi, non en fait j’avais peur que tu aies raison de l’aimer, je pensais qu’il valait
mieux que moi, maintenant je sais, je sais que c’est faux, il est seulement plus riche...

Axel sut les écouter. Nina, le surprit même à se toucher le coin de son œil droit à la fin de
la scène finale, dans laquelle le couple se retrouvait, avec leurs mots fétiches
— Est-ce que je t’ai déjà dit que je t’aimais ?
— Non
— Je t’aime
— Encore ?
— Toujours

Axel se projeta totalement dans le film et dans l’histoire.


De retour dans la voiture après la séance, il avait remis la musique du film, qui l’envoutait
définitivement, et conduisait vers le Champs de Mars.

20
IL LUI AVAIT PROMIS…
Une fois sur place, il prit la main de Nina, et l’entraîna s’installer sur un banc.
Très sérieux et décidé, il se lança

— Nina, le 17 novembre 2004, je demanderai ta main


En attendant, on va se fiancer

Nina le regardait amusée, sans trop le prendre au sérieux, mais charmée par la conviction
qu’Axel déployait.
Il continuait de serrer sa main, et ne la sentant pas, réticente, il se pencha de nouveau pour
l’embrasser.

— C’est toujours un moment magique pour moi, de te sentir, dans tous les sens du terme…
j’adore ton parfum

Nina le regardait toujours avec son joli sourire et l’étincelle dans son regard qui l’envoutait
à chaque instant davantage

— Tu es sûr Axel, des pré-fiançailles ? cela reste un engagement


— J’y compte bien ! On va faire les choses dans les règles avec une bague, pas un vrai
diamant, pour l’instant mais en 2004, il sera vrai. Tu fais quelle taille ?
— 48, taille fillette, plaisanta Nina, il te faudra donc une montre en retour, comme le veut
la tradition
— Peu importe répondit Axel, tu es bien la seule à qui je peux tout donner sans la moindre
appréhension et à qui je veux donner plus encore que ce que je n’ai, sans rien attendre en
retour
— C’est très beau, ce que tu dis. Je ne suis pas sûre de le mériter, ou de pouvoir te le rendre
— Tant pis, tu n’as pas tellement le choix, je continuerai de t’aimer et t’adorer dans
l’ombre, si tu ne ‘acceptes pas

Et Axel embrassa de nouveau Nina, et la prit dans ses bras ensuite. Les deux jeunes gens se
serrèrent fort un long moment comme cela, dans le calme de la nuit sous le regard de la dame
de Fer, témoin de l’engagement pris.

*
Nina était rentrée transportée de sa soirée avec Axel. Il avait cet effet sur elle, de toujours
l’amener là où elle ne s’y attendait pas. Elle se remémora la chaleur de sa main, revit le regard
tendre qu’il posait sur elle, comme émerveillé à chaque fois qu’il la regardait.

21
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle était amusée par cette histoire de pré-fiançailles Elle se plaisait à vouloir y croire et à
s’y projeter.
Pour le jour des pré-fiançailles, fixé à vendredi, Nina savait d’ores et déjà, la montre qu’elle
offrirait à Axel. Dans un tabac, à côté de l’auto-école, une marque avait développée des
montres avec des aiguilles qui représentaient les symboles des professions, il y avait ainsi la
montre du médecin avec le stéthoscope et la seringue, la montre du coiffeur avec les ciseaux
et le peigne, la montre du juge, de l’avocat et ainsi de suite… Pour Axel, Nina pensa tout de
suite à la montre de l’ingénieur, les aiguilles étaient symbolisées par une règle et une équerre,
Nina irait la chercher très vite.
Elle eut aussi l’idée, comme il semblait être envouté par son parfum, de lui en mettre un
peu dans une petite bouteille en verre avec un bouchon en liège, qui ferait office d’échantillon,
et qu’Axel pourrait sentir à loisir.
Enfin et pour finir, Nina prit un dossier avec des pochettes plastiques à l’intérieur, qu’elle
avait pour ses cours et dont elle ne se servait pas. Elle ouvrit des magazines, journaux, et se
laissa guider par ce qui l’interpellait, pour construire en images leur histoire à tous les deux,
passée et future. De ce qui avait été ou de ce qui serait dans les onze années futures.

Au détour des pages, elle trouva une publicité avec le slogan :

« Il lui avait promis, qu’il l’aimerait et la protègerait pour toujours »

Elle mit cette accroche en tête du dossier, comme une introduction à leur histoire, une
prédiction de ce qui serait leur avenir.

*
Axel profitait du calme de la nuit. Il était rentré, ses parents étaient couchés après sans
doute une énième dispute, auquel heureusement, il avait échappé.
Dans le silence de l’appartement, il se remémora dans sa chambre la soirée passée avec
Nina, et ce curieux engagement qui lui était venu à l’esprit tout naturellement.
Il ne le regrettait nullement, au contraire, il se réjouissait de la perspective de vendredi et
celle plus loin, d’ici onze années. Il s’y raccrocherait désormais, ça serait son jardin secret, son
but ultime, son petit rêve à lui.
Demain, ou plutôt tout à l’heure, il irait dans la boutique à Vincennes, qui vendait des bijoux
fantaisies, il y avait aperçu des solitaires avec des zirconiums. Pour vendredi, la bague de
fiançailles serait juste un symbole, dans onze ans, il pourrait en offrir une vraie à Nina, digne
d’elle et des sentiments grandissants que tous les deux développeraient davantage chaque
jour qui passe.
Axel décida de mettre par écrit tous les espoirs qui se bousculaient dans sa tête, ainsi que
toutes les pensées qui le chamboulaient à cette heure avancée.

22
IL LUI AVAIT PROMIS…
Il prit une feuille blanche, un stylo noir :

Chère Nina,

De nouveau je t’écris, et me demande si c’est peut-être la dernière fois. C’est ce que je me


dis aussi quand je fais les cents pas sous la Tour Eiffel, me replongeant dans ce cadre où la
beauté de la nuit s’oppose sans cesse au vent qui balaie les arbres. Et de nouveau, j’en conclue
que ce n’est sûrement pas la dernière fois.
Et je souhaiterais attirer ton attention sur deux points :
Le premier c’est que tu devras bien réfléchir avant de dire oui, en l’an 2004, parce que même
si tu ne l’imagines pas encore, ce sera la plus grande décision à prendre de toute ta vie ; et qui
sait, un oui de ta part déclenchera peut-être une suite fantastique de métabolismes jusqu’alors
insoupçonnés dans mon corps, deviendrais-je alors le plus charmant et le plus prévisible des
êtres humains que tu n’aies jamais connus et comme depuis toute petite déjà tu rêvais ?
La deuxième, c’est que tu devras bien réfléchir avant de dire non en l’an 2004, parce que
personne ne sait encore, y compris moi-même, si j’abdiquerai sans difficulté, ou si, au contraire,
les plus noires idées comme celle de t’étrangler ne me traverseraient l’esprit.
Mais là, je rêve beaucoup trop d’ailleurs et ton silence me le rappelle à juste titre.
Néanmoins, soyons honnêtes, c’est plutôt, non pas le même, mais un petit oui de demain, que
j’attends aujourd’hui.

Même si tu en as envie, je ne t’embrasse toujours pas.

Axel

Axel plia la lettre, la mit dans une enveloppe, il irait la mettre dans la boîte aux lettres dans
la nuit, comme ça Nina saurait à quoi s’attendre.

*
Madame Giredet découvrit une nouvelle enveloppe dans la boîte aux lettres, décidément
en ce moment, sa fille avait un admirateur romantique, qui écrivait beaucoup.
Elle retourna dans le pavillon, monta l’escalier puis cria, une fois encore :

— NINA, tu as une lettre

Nina, entendit sa mère, alors qu’elle finissait de se préparer au deuxième étage, et


descendit les escaliers pour la rejoindre.

23
IL LUI AVAIT PROMIS…
Florent dormait dans sa chambre, et le docteur Giredet était parti travailler à son cabinet,
les deux femmes pouvaient donc tranquillement se parler, comme d’ailleurs elles le faisaient
souvent.

— Il est romantique cet Axel dit sa mère en lui servant un chocolat chaud dans la cuisine
— Très.
Il a lancé l’idée folle qu’il demanderait ma main dans onze ans, et qu’en attendant, nous
allions nous pré-fiancer vendredi.
— Effectivement, c’est une idée un peu farfelue. Vous allez faire ça où ?
— Je ne sais pas, dans la voiture près de l’auto-école, il souhaite m’offrir une fausse bague
de fiançailles
— Vous n’allez pas faire ça dans la voiture, tout de même. Pourquoi pas au restaurant ? Il
pourrait passer te chercher vendredi, et tu nous le présenterais

Madame Giredet, allait une fois par semaine avec ses amies, tester des restaurants, qui
voyaient le jour.

— Vous pourriez aller au Temps Des Cerises, c’est un restaurant charmant dans Paris, pas
très loin. La cuisine est délicieuse, et c’est assez intime.
— Je ne sais pas répondit Nina. Ce ne sont pas de vraies fiançailles
— Cela sera ce que tu as envie que ce soit. Il est quand même question d’une bague
Que risques-tu à aller au restaurant ?
— Rien
— Je lui proposerai quand je le verrai à l’auto-école
— Allez, je vais téléphoner pour réserver, il sera toujours temps d’annuler, si jamais toi ou
lui, changiez d’avis

Alors que sa mère partit dans le salon, Nina en profita pour lire la lettre d’Axel.
Elle entendit vaguement alors que les mots défiaient sous ses yeux, sa mère réserver pour
vingt et une heure, vendredi soir.

*
Nina sourit en repliant la lettre d’Axel, qui manifestement semblait réellement sérieux dans
sa démarche.
Elle lui proposerait donc le restaurant vendredi et de rencontrer ses parents, quand il
viendrait la chercher. En attendant, elle lui donnerait le dossier illustré.

24
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nina partit donc plus tôt, ce jour-là, pour aller acheter la montre de l’ingénieur au café,
tabac, non loin de l’auto-école.
L’achat de la montre prit peu de temps. Elle choisit la montre de l’ingénieur comme prévu.
Elle rejoint ensuite l’auto-école, et gara sa voiture juste devant, laissant la boîte à l’intérieur
avec le dossier illustré, qu’elle irait chercher le moment venu.
Axel arriva en coup de vent en fin de matinée.

— Bonjour toi
— Bonjour vous, comment s’est passée ta matinée
— Ennuyeuse au possible. Heureusement que je peux m’échapper et venir te voir
Axel regardait Nina, comme si rien ni personne n’existait à part elle. Elle était son monde
On va fumer ?

Nina, l’accompagna dehors, il n’y avait personne à l’auto-école

— Meilleur moment de ma matinée, dit Axel en tirant une première bouffée sur sa
cigarette
Je suis bien mieux ici.
Axel prit la main de Nina dans la sienne, et la regarda de nouveau avec une douceur dans
le regard incommensurable, comme si elle était pour lui, le plus grand des trésors.
— Tu as fini les cours là, ou tu y retournes ?
— J’ai terminé pour ce matin, mais je reviendrai avec Damien en fin de journée,
— J’ai quelque chose à te donner en attendant vendredi
Nina ouvrit sa voiture et attrapa le dossier
Tu le regarderas ce soir chez toi, tranquillement avec Proposition Indécente en fond sonore
— D’accord, merci, j’ai hâte
— J’ai parlé à ma mère ce matin, après qu’elle ait trouvé ta lettre, et elle nous conseille un
restaurant pour vendredi, si ça te dit.
— Ça me dit, oui
— Elle aimerait aussi te rencontrer juste avant
— D’accord, je mettrai un costume
— Cela devient formel, dit Nina un peu gênée, baissant les yeux

Axel qui venait de terminer sa cigarette, releva le visage de Nina avec sa main libre, et la
rassura

25
IL LUI AVAIT PROMIS…

— Hé ma douce, ma doudou… C’est normal que les parents s’en mêlent. Je te présenterai
les miens aussi.
Je ferai tout pour toi. Rencontrer ta famille sera un honneur
Doudou, ma doudou répéta-t-il en souriant à Nina, et en la regardant.

Nina se sentit si bien dans les bras d’Axel, à cet instant, qu’elle aurait aimé y rester
toujours. Mais William arriva et les ramena brutalement à la réalité.
De toute façon, Axel devait rentrer chez lui, il reviendrait avec Damien en fin de journée.

*
Axel arriva à l’Auto-école avec Damien pour sa première séance de code, Il y retrouva
Hélène et Justine devant la devanture. Il avait pris l’habitude de bien discuter avec elles et de
partager de longues pauses cigarettes dès qu’ils se croisaient.
Le contact passait particulièrement bien entre Damien et Hélène.
À un moment de pause, Nina les rejoint. Axel ne regarda plus qu’elle, ce que nota
immédiatement Hélène.
— On va vous laisser, tous le deux dit-elle ironiquement
— Pourquoi ? demanda Nina
— A priori, on dérange… Axel n’a d’yeux que pour toi
— Absolument, je ne vois que les filles d’1m76, plaisanta-t-il soulignant la petitesse
d’Hélène et Justine.
— D’accord, sympa ! dire que je commençais à te considérer comme mon meilleur ami,
répliqua Hélène vexée

Nina trouva cela exagéré. Hélène et Axel ne se connaissaient que depuis peu, mais Hélène,
passait d’un extrême à l’autre avec aisance déconcertante. Entière, elle aimait ou détestait en
un quart de seconde.

— Moi, les filles de moins d’1m76, me conviennent très bien enchaîna Damien
étrangement avenant
— Ha merci, Damien, enfin un connaisseur, reprit Hélène, suivie de Justine
— Oui, merci Damien
— Comme on dit, tout ce qui est petit est joli, et tout ce qui est grand est charmant. Il en
faut pour tous les goûts.
En attendant, vous avez tous une séance de code qui vous attend

26
IL LUI AVAIT PROMIS…

Nina réussit à couper court à cette conversation qui commençait à l’ennuyer en ramenant
tout le monde à l’intérieur.
Axel en profita pour s’éclipser, prétextant avoir une course à faire. Il souhaitait se rendre à
Vincennes près du château, dans la boutique de bijoux fantaisies.
Arrivé devant la vitrine, il regarda les modèles de solitaire orné de zirconium, il trouva
rapidement celui qu’il préférait et entra :

— Bonjour
— Bonjour Monsieur répondit un vendeur
Que puis-je pour vous ?
— J’aimerais un solitaire en vitrine pour ma promise
— Bien sûr, avez-vous vu le modèle qui vous conviendrait ?
— Oui, je vous le montre
Celui-ci sur la droite
— Très bon choix, c’est un classique, tenez, regardez de plus près
Quelle taille désirez-vous ?
— Taille 48
— Taille 48 ? un tout petit tour de doigt,
Je vais vous chercher cela

Et le vendeur alla chercher la bague en réserve. Il revint avec elle et un écrin.


Axel la trouva parfaite, régla son achat, et sortit satisfait.
De retour chez lui, il mit le paquet dans sa chambre de côté, pour attendre vendredi et posa
également le dossier confié par Nina, plus tôt, qu’il devait consulter le soir venu.
Il se mit à son piano, eut le temps de voir son père rentrer puis ce fut au tour de sa mère.
En moins de deux minutes, le ton monta entre ses parents, un début de dispute éclata, pour
rien, juste parce que le couple ne se supportait plus. Et la mère d’Axel repartit aussitôt.
Axel alla s’enfermer dans sa chambre, mit la musique de John Barry, et commença à
regarder le dossier de Nina.
Alors que des images défilaient, la phrase en première page, Il lui avait promis de la
protéger pour toujours l’accompagna tout le long du dossier. Il se projeta entièrement dans
cette promesse d’avenir à deux, qu’offraient ces images.
Il en fut ému aux larmes, regarda encore et encore le précieux dossier. Il y trouva l’espoir.
Il prit son bloc note.
Sur un premier bout de papier, il écrivit :

27
IL LUI AVAIT PROMIS…

« Il lui avait promis


qu’il l’aimerait et la protègerait pour toujours… »
Quelles que soient les circonstances,
ces quelques mots resteront
à jamais notre religion
et à moi, ma raison de vivre.
Cette promesse, il la respecterait quoi qu’il arrive. Elle faisait partie de l’engagement envers
Nina. Il lui donnerait ces quelques mots, d’ailleurs, en même temps qu’il passerait la bague à
son doigt.
Elle était son avenir, son futur, son tout, son toujours. Elle était celle pour qui il vivait, pour
qui son cœur battait, celle pour qui, il serait capable du meilleur comme du pire.

Dans la foulée, il écrivit sur un second petit bout de papier :

Le 17 novembre 2004,
Je demanderai ta main…

Puis, plus léger, il alla se coucher, rêvant de toutes ces images, de ces promesses, d’un
avenir meilleur.

*
Nina ajustait les derniers détails de sa tenue, dans la salle de bain du second étage, il était
20h15, Axel n’allait pas tarder.
Nina avait pris soin de glisser dans son sac, la montre et la petite bouteille de parfum.
La sonnette de la porte retentit.
Nina entendit madame Giredet ouvrir la porte, accueillir Axel et l’accompagner dans le
jardin d’hiver.
Un dernier coup d’œil dans la glace, et Nina descendit les trois escaliers, avant rejoindre la
Véranda.
Axel assis, en face de sa mère, en costume et cravate se leva alors qu’elle descendait.

— Bonsoir, tu es magnifique
— Toi aussi en costume. dit Nina en s’asseyant à côté de lui
— Vous êtes bien assortis, reprit Madame Giredet

28
IL LUI AVAIT PROMIS…
Vous verrez le restaurant est parfait, la cuisine excellente et le cadre intime. Je l’ai
découvert, il y a peu de temps, et l’ai vraiment apprécié, pour sa simplicité et sa qualité.

La porte d’entrée en même temps que Madame Giredet décrivait le restaurant avait fait
retentir le petit carillon, témoin des entrées et sorties dans la villa, et Florent ne tarda pas
apparaître avec Stéphanie en haut.

— Stéphanie, Florent, je vous présente Axel, l’ami de Nina avec qui elle va dîner ce soir,
Axel voici Florent le frère de Nina et sa fiancée Stéphanie qui …
— Ne font que passer coupa Florent, Bonsoir,
— Bonsoir dit Stéphanie à son tour
— On monte, on reste un peu avant de repartir
Reprit Florent, avant de souhaiter une bonne soirée à tout le monde et de disparaître aussi
vite qu’il était apparu.
— C’est un peu l’auberge espagnole ici, en ce moment, tout le monde va et vient. Expliqua
Madame Giredet
— Au moins tu auras aperçu mon frère, ce n’est pas donné à tout le monde plaisanta Nina
— Il ne manque que mon mari, mais je ne pense pas que vous pourrez vous voir, il rentre
tard en général.
Nina m’a confié que vous étiez en filière scientifique
— Oui en terminale S
— Et vous savez ce que vous aimeriez faire ensuite ?
— J’aimerais bien être médecin, comme votre époux
— Je ne vous le conseille pas. La médecine en France a un avenir sombre avec nos
politiques. Attendez, j’ai un article qui fait froid dans le dos pour étayer mes propos

Madame Giredet se leva et alla chercher le journal un peu plus loin, elle le tendit à Axel, et
le laissa le lire, tandis qu’elle allait dans la petite cuisine de la verrière, pour ramener quelques
rafraichissements, qu’elle avait préparé à l’avance.
Elle disposa tout sur la table, alors même qu’Axel terminait de lire l’article et décréta

— Effectivement, ça ne laisse pas beaucoup d’espoir.


Je vais m’orienter plus sur l’ingénierie dans ce cas
— Je te vois bien ingénieur coupa Nina qui pensa à la montre dans son sac
— Si vous êtes scientifique, toutes les portes vous sont ouvertes.

29
IL LUI AVAIT PROMIS…
Je vous sers ? demanda madame Giredet interrogative en montrant à Axel les différents
choix qui s’offraient à lui entre sodas et jus.

Axel choisit une eau pétillante tout comme madame Giredet, Nina prit quant à elle, un jus
de fruit.

— À votre avenir, dit madame Giredet en portant un toast


— À nos avenirs reprit Axel regardant Nina

La conversation se poursuivit un peu sur la famille d’Axel, ce que faisaient ses parents, son
statut de fils unique, sa grand-mère à Fréjus, où il passait régulièrement ses vacances d’été…

— Vous devriez vous mettre en route, lança Madame Giredet, tout d’un coup après avoir
réalisé qu’il n’était pas loin de l’heure de la réservation
Le temps d’y aller, de trouver une place…Enchaîna-t-elle

Madame Giredet donna l’impulsion, en se levant. Nina et Axel la suivirent.

— Nous aurons d’autres occasions d’échanger reprit-elle, laissant passer Axel devant pour
monter l’escalier

Alors qu’ils avaient rejoint et ouvert la porte d’entrée, prêt à partir, le docteur Giredet
garait sa voiture.

— Vous allez finalement pouvoir rencontrer mon mari dit Madame Giredet alors que le
médecin descendu de voiture se dirigeait vers eux
— Bonsoir dit le docteur Giredet, après avoir monté les marches et rejoint le groupe
— Bonsoir répondirent en cœur les trois autres
— Papa, je te présente Axel,
Axel, je te présente mon père
— Docteur Giredet dit Axel en tendant sa main au médecin, qui lui rendit la pareille.

Monsieur Giredet faisait partie de ses pères pour qui aucun homme n’était assez bien pour
sa fille. Nina et sa mère ne l’ignoraient pas, et redoutaient ce moment, craignant une réflexion
cinglante qui pouvait arriver d’une seconde de la part du père de Nina.
Mais Monsieur Giredet ne dit pas un mot de travers.
30
IL LUI AVAIT PROMIS…
Madame Giredet qui savait qu’il ne fallait pas tenter, le diable trop longtemps, expliqua :

— Nina et Axel se mettaient en route pour aller dîner au restaurant


Passez une belle soirée, dit-elle, en poussant sa fille à y aller
— Bonne soirée souhaita Nina à son père et à sa mère, suivi par Axel.

*
Nina et Axel découvrirent le restaurant, il était tel que madame Giredet l’avait décrit
quelques instants plus tôt, simple mais convivial. En arrivant, le jeune couple fut gentiment
accueilli et accompagné à l’étage, où une table les attendait, sans personne pour les déranger.

— Tu es vraiment très jolie dit Axel, en regardant Nina tendrement et en lui attrapant sa
main
— Toi aussi, tu es beau en costume. J’aime beaucoup ta cravate avec des pommes

Axel sourit à Nina. Un serveur les interrompit proposant les menus et conseillant certains
plats avant de laisser les jeunes gens décider.

— Choisissons vite, comme ça, nous serons tranquilles proposa Nina,


— Tu as raison… Voyons cela… dit-il en lâchant la main de Nina et en se plongeant dans le
menu

Une fois le choix des mets faits, Axel proposa à Nina du champagne.

— Avant de te donner la bague sous la Tour Eiffel, j’ai quelque chose pour toi.
J’ai adoré le dossier. Je l’ai regardé un million de fois. Encore et encore… sans pouvoir
m’arrêter jusqu’à ce que je t’écrive ceci :

Axel tendit le petit morceau de papier plié en deux à Nina, qui l’ouvrit et le lut :

« Il lui avait promis qu’il l’aimerait et la protègerait pour toujours… »

Quelles que soient les circonstances,


ces quelques mots resteront
à jamais notre religion

31
IL LUI AVAIT PROMIS…
et à moi, ma raison de vivre.

Axel
Les coupes de champagne et les entrées furent servies au moment où Nina, très émue,
regarda Axel, sans savoir quoi dire.

— C’est la promesse que je te fais Nina, ici et maintenant, pour toujours


— À nous, dit Nina en soulevant sa coupe et regardant Axel ému tout autant qu’elle.
— À nous répondit Axel
— J’ai aussi un petit quelque chose pour toi
Ferme les yeux

Nina saisit l’échantillon de son parfum qu’elle avait improvisé, enleva le bouchon et la fit
sentir à Axel qui se délecta de l’odeur qu’il respirait. Il ouvrit les yeux

— Ton parfum ! je vais passer mon temps à m’y perdre


Axel le sentit profondément et longuement comme s’il inhalait dans tout son être un
précieux élixir qui l’envoutait et le possédait tout entier.

Le serveur interrompit ce moment à part, en déposant les plats.


Axel rangea précieusement le petit flacon avant de lancer un sujet plus léger :

— Sais-tu que Damien et Hélène sortent ensemble ? annonça-t-il


— Vraiment ?
C’est du rapide
— Oui, mais Damien semble heureux
— Un nouveau couple auto-école plaisanta Nina, bientôt nous pourrons faire agence
matrimoniale
— Ça va les occuper tous les deux.
Damien en a besoin ce n'est pas facile pour lui
— Pourquoi ?
— Il a des relations conflictuelles avec son père
Il est dur avec lui, austère
Damien fait face comme il peut,

32
IL LUI AVAIT PROMIS…
- Peut-être trouvera-t-il un peu de légèreté avec Hélène
- J’espère conclut Axel

Le dîner terminé, ils se rendirent au Champs de Mars, leur lieu de prédilection

La tour Eiffel les vit arriver.

Ils s'installèrent sur un banc près d'elle.


Axel prit les mains de Nina dans les siennes, elle était nerveuse. Les mains d'Axel étaient
grandes et rassurantes.

— Nous y voilà commença par dire Axel


— Je commence ? Ma partie est moins solennelle. Reprît Nina alors qu’elle tirait la boîte
qui contenait la montre de son sac
Voici donc la montre de l'ingénieur

Axel ouvrit la boite

— Très jolie, très originale.


— Ce n'est pas une Cartier, mais dans onze ans peut-être…

Nina aida Axel à l'accrocher à son poignet. Puis il la regarda longuement avec émotion.

— Elle ne quittera plus mon poignet

Axel tira à son tour une petite boîte blanche, qu'il tendit à Nina. Elle la prit, la regarda sans
bouger

— Je n'ose pas l'ouvrir

— Ce n'est pas une bombe tu sais, elle ne va pas te sauter au visage.

— Qui sait... plaisanta Nina, toujours nerveuse

33
IL LUI AVAIT PROMIS…
Axel prit la boîte en se levant et mit un genou à terre devant Nina

— On va faire les choses comme il se doit…


Nina tu es la femme de ma vie
Je te promets de t'aimer et de te protéger pour toujours
Quelles que soient les circonstances cette promesse, cet engagement restera à jamais ma
raison de vivre.
Ici, maintenant, et pour toujours

Et Axel passa la bague au doigt de Nina, embrassa sa main, avant de se relever et de la


serrer fort dans ses bras.
Cet instant résonna pour l’éternité. Fort, indestructible, comme la promesse qui venait
d’être faite, avec pour seul témoin la Tour Eiffel qui brillait, tout comme eux.

34
IL LUI AVAIT PROMIS…
Mon doudou, mon chéri, mon amour
Mon amant, mon mari, mon toujours
Des mots si doux mais qui m’effraient parfois
Je ne t’appartiens pas
Des mots si chauds mais à la fois si froids
Je n’appartiens qu’à moi
Jean Jacques Goldman, Appartenir

Dimanche début de soirée, fin juillet 2003


Françoise Giredet, entra dans son appartement. Son mari diagnostiqué Alzheimer quelques
années auparavant avait su que l’avenir serait bien sombre pour sa famille.
Ancienne infirmière elle avait réussi à le garder à la maison. Son mari restait chic et propre
malgré son état, elle y veillait.
Fille de haut fonctionnaire, elle avait hérité du pragmatisme de son père qui travaillait dans
les plus hautes institutions gouvernementales. Françoise restait rationnelle dans toutes les
situations.
Aussi lorsque son mari de quatorze ans son aîné tomba malade, elle ne regretta pas d’avoir
déménagé.
Les époux Giredet avaient acheté dans un programme neuf à deux rues du pavillon
quelques années auparavant, un grand appartement pour eux au premier étage, un deux
pièces et un studio au rez-de-chaussée pour leurs enfants
Florent et Stéphanie avaient habité le deux-pièces jusqu’à leur mariage avant de partir,
Stéphanie souhaitant s’éloigner de sa belle-famille, pour créer la sienne.
Une petite fille, Camille naquit peu de temps après.
Nina s’installa alors dans le deux-pièces après avoir occupé le studio d’à côté. Cela lui
permis de rester proche de ses parents et d’aider sa mère.
La famille restait unie autour d’Henri Giredet, se retrouvant chaque week-end.
Intelligent même dans la maladie, le médecin arrivait à masquer ses défaillances en parlant
peu. Aujourd’hui, privé de ses derniers plaisirs, la conduite et la cigarette, il déambulait toute
la journée dans l’appartement de long en large. Sa mémoire s’effaçait.
Françoise Giredet savait que si elle le plaçait, il se laisserait mourir. Être dans son foyer, le
gardait présent même si son esprit s’embrouillait de jour en jour.
Elle retrouvait parfois son esprit caustique, lorsqu’Henri croyant qu’il était un invité dans
l’appartement disait :

35
IL LUI AVAIT PROMIS…
— C’est joli ici, mais ce n’est pas chez moi
Chez ma femme, il y a de beaux rideaux…
Dans sa tête, lui habitait toujours cours de Vincennes où il avait vécu seul avec sa mère,
après avoir perdu son père à la guerre âgé seulement de six ans.
Oubliant quasiment dans la minute, qu’il avait pris son repas ou bu son café, il s’adressait
à sa femme, ou à Nina s’étonnant :
— On ne mange pas dans cette maison ?
— Vous avez eu votre café, vous ? vous avez bien de la chance !
Monsieur Giredet oubliait par strates des parties de sa vie, aussi, ne reconnaissait-il pas son
épouse sous ses traits actuels, lui disant :
— Non, vous n’êtes pas ma femme, ma femme, elle, est jolie
Cela faisait sourire Madame Giredet, qui n’en prenait pas ombrage. Elle prenait soin de son
mari comme elle aurait pris soin d’un enfant.
Florent vivait mal la situation. Il se protégeait en construisant sa vie à côté. Malgré tout
chaque week-end, il venait avec Stéphanie et sa fille Camille âgée désormais de trois ans.
La petite apportait un peu de gaîté dans la famille ébranlée et Stéphanie, venait
d’apprendre qu’elle attendait un deuxième enfant.
Nina quant à elle montait voir sa mère chaque jour. Un étage les séparait.
À son compte, elle avait créé son cabinet de conseil en Ressources Humaines, et enseignait
à l’Université. Maître de stage également, la flexibilité de ses horaires lui permettait d’aider
sa mère.
Nina à cet instant entra dans l’appartement du premier étage. Sa mère vint à sa rencontre.
L’appartement s’étendait en longueur avec beaucoup de clarté. De grandes baies vitrées
donnaient sur un jardin. À gauche, la cuisine, puis un long couloir abritant l’espace chambres.
Les tableaux toujours aux murs, l’appartement même si moins impressionnant que l’hôtel
particulier possédait un certain cachet.
Quand madame Giredet vit sa fille, elle ne put s’empêcher de montrer son étonnement :
— Ça va, ma chérie ? Pourquoi es-tu habillée comme ça ?
— Pourquoi ? Qu’est-ce qu’elle a ma tenue ?
Nina portait un pantalon ample et un T-shirt large, elle qui était grande et fine, n’avait pas
besoin de dissimuler son corps, et ça ne lui ressemblait pas de le faire, elle d’habitude si
féminine et élégante.
— Tu sors, tu vas voir quelqu’un ?
— Oui, Patrick,
Patrick était le collègue d’un ami de Lara, qui désormais travaillait dans le marketing d’une
grande entreprise de cosmétiques. Elle les avait présentés, pour que Nina fasse un audit social
de l’entreprise, et Patrick, le sous-directeur avait eu un coup de foudre pour elle. Une fois

36
IL LUI AVAIT PROMIS…
l’audit terminé, Patrick avait tenté sa chance. Après des dîners au restaurant et une
présentation à ses amis lors d’un barbecue, ils entamaient à peine une relation.
— Et ça ne va pas entre vous ?
Parce que là, tu fais tout pour ne pas être attirante.
Pardon, de te le dire, mais on dirait que tu portes un sac de pommes de terre sur le dos
Nina n’avait pas présenté Patrick à sa mère. Elle essayait de se convaincre qu’un homme
plus âgé, sérieux, avec une situation stable lui conviendrait mieux désormais, mais le cœur
n’avait pas suivi.
En le racontant à sa mère Nina mit les mots dessus, et quand elle évoqua leur intimité, la
réaction de cette dernière fut sans appel.
— Tu plaisantes là ? l’interrogea sa mère outrée
Arrête ça tout de suite
Il n’est pas bien ce type.
Nina écouta sa mère, prit conscience pour la première fois de la situation en l’évoquant.
Elle n’était pas bien avec Patrick, elle se perdait. Cela faisait un moment d’ailleurs qu’elle était
en errance affective. Elle continuait d’avancer, un pas après l’autre chaque jour
courageusement. Il fallait faire face pour son père et pour sa mère, être forte.
Elle écouta sa mère et décida d’annuler la sortie. Elle envoya en SMS, en ce sens à Patrick
et passa le reste de la soirée avec ses parents.
*
Lundi en fin d’après-midi, Nina devait rencontrer un nouveau client, pour différents
recrutements dans un centre de formation. Elle se renseigna sur l’entreprise avant de s’y
présenter. Parée d’un tailleur pantalon léger, elle avait retrouvé l’élégance qui la caractérisait.
L’accueil prévint le directeur Geoffroy Billon, que son rendez-vous était arrivé. Nina
patienta quelques instants, avant que l’assistante de ce dernier ne l’accompagne dans son
bureau.
Un homme d’une quarantaine d’années, les cheveux noirs, la peau mate, les yeux marrons
avec des lunettes, la bouche ourlée portant un costume gris, l’accueillit lui serrant la main avec
force.
Monsieur Billon, fit asseoir Nina autour d’une petite table ronde pour sans doute être
moins formel. Il présenta à Nina le centre de formation, puis les postes à pourvoir
Nina n’eut pas une bonne impression de cet homme, qui dégageait quelque chose de
fourbe. Il présenta à un moment son parcours, ayant travaillé dans la finance avant d’avoir
repris la direction du centre, il précisa qu’il avait fait Sciences Po, ce qui interpella Nina, car il
n’en avait pas le profil. Peu, importe, elle n’était pas là pour l’analyser, elle prit donc en note
toutes les caractéristiques des postes à pourvoir et s’engagea à faire parvenir une estimation
de ses honoraires ainsi qu’un planning de recherche sous deux jours.
Elle dut travailler les soirées suivantes, ce qui lui donna un prétexte pour ne pas voir Patrick.

37
IL LUI AVAIT PROMIS…
Après la réception de la proposition le mercredi un nouveau rendez-vous fut fixé le soir
même à dix-neuf heures.
Le directeur accueillit Nina. A cette heure-ci le centre de formation s’était vidé, d’autant
plus qu’une canicule frappait pour la première fois Paris devenue une véritable étuve en
journée comme en soirée.
L’offre de Nina convint au directeur, qui la parcourut dans les grandes lignes avec elle,
n’ayant pas eu le temps de le faire avant, et l’accepta.
Les derniers détails réglés, avec la chaleur étouffante qui régnait dans le bureau, Geoffroy
Billon, s’adressa à Nina :
— Vous avez le temps de prendre un verre pour sceller notre partenariat ?
Nina n’était pas très enthousiaste, mais il faisait tellement chaud, que se rafraichir quelques
instants en terrasse, ne pouvait pas se refuser et puis elle n’avait pas très envie de rentrer et
de voir Patrick de toute façon.
À deux pas, ils trouvèrent un café, et s’installèrent à une table en extérieur.
Bientôt des rafraichissements leur furent servis et chacun se détendit un peu :
— Cela fait longtemps que vous travaillez à votre compte ?
— Plusieurs années, oui, aucune entreprise ne me supporte !
— Et vous êtes professeur à la fac également ? c’est un de vos confrères qui vous a
recommandé à nous
— Oui, j’enseigne, un vieux rêve d’étudiante
Et vous ?
— Moi, je n’enseigne pas, non, je n’ai pas la patience
J’étais trader avant d’’être chassé pour ce poste. C’est un changement radical d’orientation,
mais, j’y ai gagné en qualité de vie.
J’habite Orléans, j’ai quarante ans, pas marié, pas d’enfant
— Vous faites Paris-Orléans tous les jours ?
— Oui, j’habite en face de la gare et ça n’est qu’à une heure de Paris.
Ils enchainèrent sur les temps de trajet pour travailler sur Paris, puis ensuite sur sa famille
composée de ses parents à la retraite, son frère et sa belle-sœur.
Après avoir commandé de nouveaux cocktails pour Nina et lui, il se livra plus.
Son frère travaillait pour le Trésor Public, sa femme également. Elle avait eu un cancer, et
ne pouvait pas avoir d’enfant.
Geoffroy paraissait très attaché à sa belle-sœur, et se disait ne pas être aimé de sa mère
qui lui préférait son frère. Il y avait une cassure chez lui, par rapport à cela, une terrible
souffrance profonde et enfouie, que Nina put sentir. Il perdait de son arrogance tout à coup,
dévoilant même une certaine fragilité.
Un court silence s’installa, car Nina ne sut pas quoi lui dire pour l’apaiser.

38
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Et vous ? votre famille ? demanda-t-il
— J’ai un frère également, qui est marié, avec une petite fille de trois ans, toute mignonne.
J’habite dans le même immeuble que mes parents mais pas avec eux.
Elle n’évoqua pas de la maladie de son père par choix.
— Pas mariée à priori, pas d’alliance dit-il en regardant la main gauche de Nina, pas
d’enfant ?
— Non, pas mariée, pas d’enfant
— Pourquoi ? Ça ne doit pas être les prétendants qui manquent
Il retrouva son aplomb. Ses yeux noirs derrière ses lunettes, fixaient Nina, avec insistance
— Boh… fut l’unique son qu’elle réussit à émettre, ne sachant pas comment ni quoi
répondre à cette question de façon courte et sans rentrer dans les détails
Elle allia signes de la tête et des mains, montrant à quel point le sujet était périlleux.
Il le comprit, sourit de nouveau, commanda une troisième tournée de cocktails, s’allumant
une cigarette.
— C’est à ce point-là ? enchaîna-t-il ? ne lâchant pas Nina du regard
Elle sourit gênée, avant de plonger ses lèvres dans le cocktail frais qui venait d’être servi.
Était-ce le trop plein accumulé depuis bien longtemps, l’alcool qui faisait son effet, la chaleur
étouffante de ce mois de juillet ?
Nina lâcha prise, et parla franchement sans retenue :
— Je dois avoir hérité d’un mauvais Karma, parce qu’avec les hommes c’est une
catastrophe.
Elle reprit une gorgée de son cocktail pensive, avant de continuer sur sa lancée
Et au lit, n’en parlons même pas…
Geoffroy ne s’attendait pas aller sur ce sujet, mais paraissait captivé par le changement
d’orientation que prenait la conversation.
— Comment ça demanda-t-il ?
— Je suis désolée, je vais être crue…
Elle le regarda comme pour obtenir son approbation
— Allez-y, lança-t-il n’attendant que cela
Nina baissa la voix et continua son récit
— Les hommes ne savent vraiment pas comment fonctionne une femme. Sur tous les
hommes que j’ai connus, plusieurs quand-même, non pas que je sois Madonna, mais j’ai eu
des hommes dans ma vie… Et bien si je devais retenir ceux qui ont su me faire atteindre…
Ils se compteraient à peine sur les doigts d’une main…
Elle marqua une pause, le regarda droit dans les yeux, elle avait toute son attention. Et elle ne
se retint pas.

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IL LUI AVAIT PROMIS…
— Pourtant ce n’est pas si compliqué, il suffit de s’intéresser un tant soit peu, à sa
partenaire…
Mais non… Les hommes s’en fichent… Ils ne pensent qu’à eux, à se prouver qu’ils peuvent
dominer ou je ne sais quoi…
Elle marqua une pause en reprenant une gorgée de cocktail avant de continuer :
— Par exemple en ce moment, je suis avec quelqu’un et le sexe est lamentable. Est-ce que
c’est normal pour un homme de ne pas pénétrer sa partenaire, de se toucher en dehors d’elle,
sur elle sans venir en elle ?
— Ah non, ce n’est pas normal confirma Geoffroy
Tout en fumant sa cigarette, absorbé par ce qui avait été dit et certainement en train de se
comparer ou d’évaluer s’il était différent
— Est-ce normal qu’il n’y ait aucun préliminaire, aucune caresse, aucune sensualité, aucun
échange, aucun baiser : Rien. ?

Nina venait de tout laisser sortir. Elle en avait besoin. Elle portait trop de frustrations depuis
trop longtemps. Elle pensa avoir choqué le directeur, avoir été trop loin, mais ce fut le
contraire
— Ouf…répliqua Geoffroy, en éteignant sa cigarette,
Je pense qu’on peut se tutoyer, non ? Etant donné la conversation
Et je vais peut-être, commander d’autres cocktails ?
Il prit le silence de Nina pour un oui, se ralluma une nouvelle cigarette, et resta silencieux,
quelques secondes.
— Tu es tombée sur un drôle d’oiseau. Finit-il par reprendre alors que les cocktails étaient
déjà déposés sur la table par le serveur réactif.
Je ne peux parler qu’en mon nom, mais être avec quelqu’un, faire l’amour, c’est un partage,
une communion. Moi, j’adore ça.
Je ne comprends même pas qu’on ne puisse pas s’occuper de sa partenaire, de toi plus
précisément… Tu es superbe, désirable. À sa place…
Il s’interrompit. Son regard en disait long. Nina baissa les yeux, gênée mais en même temps
grisée. Cela lui faisait du bien de s’extérioriser pour une fois, elle qui était tout le temps dans
le contrôle.
Rassurée par le discours de son interlocuteur, elle commençait à baisser sa garde, et à le
trouver intéressant voire même attirant.
Elle le relança, et se fit plus provocante :
— À sa place ?
Geoffroy se rapprocha de Nina, baissa la voix, tira une bouffée sur sa cigarette et développa
son point de vue sur la question. Les préliminaires, l’attention à accorder à sa partenaire, ce
qu’il aimait faire, ce qu’il aimait qu’on lui fasse. Il était intarissable sur le sujet.

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IL LUI AVAIT PROMIS…
Et sans doute à cet instant, la situation entre eux bascula. Ils n’étaient plus client et
prestataire, mais homme et femme, séducteur et séductrice.
L’heure avait passé, et il se faisait tard, la chaleur toujours aussi éreintante, la canicule n’en
était plus la seule responsable.
Nina s’inquiéta de l’heure qui avait passé et de savoir comment allait faire Geoffroy pour
rentrer sur Orléans si tard
— J’ai un pied à terre près du Luxembourg
Geoffroy régla les cocktails, il revint alors que Nina était debout prête à partir.
— Merci pour les verres, et pour la… discussion
— Avec grand plaisir… Je ne vais cesser d’y penser ce soir
On se revoit vite ?
— Oui !
Geoffroy se tenait très près d’elle. Il n’arrivait visiblement pas à partir. Nina lui fit la bise,
spontanément, et alors qu’elle s’éloignait, jeta un coup œil discret derrière elle, il n’avait pas
bougé la dévorant des yeux.
*
Geoffroy enfonça sa clé dans l'appartement au quatrième étage rue du Luxembourg encore
plongé dans l'échange avec Nina qui l'avait complètement émoustillé.
L'accueil de Julie, son amie le fit revenir sur terre trop vite.
Elle lui parut bien fade comparée à Nina. Petite, banale, cheveux châtains aux épaules, avec
des yeux marrons vides d’expression. Julie était devenue, après quatre ans de vie commune,
sa compagne de vie mais en aucun cas l'amour de sa vie.
Son cœur ne s'était jamais emballé comme il venait de le faire au café tout à l'heure pour
cette inconnue, qu'il n'aurait jamais cru pouvoir approcher.

Soudain la voix de Julie le sortit de ses pensées :


— Tu rentres tard.
— Oui, j’ai eu une réunion qui s'est prolongée
— Tu as faim ? Je peux te réchauffer un surgelé
— Non poussin d'amour, ne t'embête pas, je n'ai pas faim

Elle était sur le canapé comme toujours et il ne pensait qu'à partir dans une autre pièce
pour continuer à rêver et à s'éloigner de ce quotidien misérable.
Il venait d'être ramené à la vie en l’espace d’un instant tout à l'heure. Depuis combien de
temps dépérissait-il à ce point, sans s’en rendre compte ? Il n’aurait pu le dire.

41
IL LUI AVAIT PROMIS…
Cette discussion érotique, fut un véritable électrochoc. Comme s’il se réveiller, d’un long
sommeil enfin.
Il enleva ses chaussures, défit sa cravate, vit Julie affalée devant la télévision. Il décida de
prendre une bonne douche froide, pour se refroidir dans tous les sens du terme.
Demain, il retrouverait cette excitation. Il revisualisa Nina, son regard, sa bouche, ses
cheveux... sous la douche laissant sa main aller et venir.
*
Nina avait pu avancer sur les recrutements, elle organiserait certainement courant de
semaine prochaine, les premiers entretiens.
Elle profita de ce prétexte pour contacter Geoffroy Billon et l’inviter à dîner chez elle. Il
accepta immédiatement.
Nina savait qu'elle lui plaisait. L’invitation se révélait sans doute précoce, voire même osée.
Mais elle assuma.
Depuis combien de temps n'avait-elle pas joué à ce petit jeu de séduction ?
Assez longtemps finalement quand elle y réfléchissait.
Le temps passait, elle allait avoir trente ans. Elle avait envie de se marier, d'avoir des
enfants tant que son père était là.
Ce dernier parfois d'ailleurs s'imposait la mission à voix haute en disant :

— Il faut que je trouve un mari à Nina

Le père de Nina malgré son état s'inquiétait encore de la vie sentimentale de sa fille.
Il faut dire que cette dernière n'avait pas été très chanceuse de ce côté-là pendant les dix
dernières années. Avec les hommes elle avait souffert, beaucoup.
Elle aspirait pourtant à des choses simples, se marier et fonder une famille. A l'aube de ses
trente ans, c'était dans l'ordre des choses.
Depuis quelques jours elle se surprenait à penser à Geoffroy, il avait clairement affiché son
désir et son envie d'avoir des enfants.
Peut-être fallait-il aller vers ce genre d’hommes ? Elle qui préférait pourtant les blonds aux
yeux bleus.
Certes Geoffroy n’était pas son genre, et lui avait fait une mauvaise impression, mais elle
le trouva ensuite plutôt sexy au café lorsque la conversation avait dévié.
Nina verrait bien ce soir au dîner, au moins se sentait-elle de nouveau désirable dans les
yeux d’un homme.
Pour l'occasion elle avait pris entrée, plat et dessert chez le traiteur. Que des choses
fraîches qui, avec la canicule, seraient les bienvenues. Champagne et vin blanc pour
accompagner le tout.

42
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle avait dressé une jolie table sur sa terrasse, mit le store, ce qui rendait le lieu intime
plongé dans la verdure.
*
Arrivé dans l'appartement de Nina, Geoffroy fut conquis.
L'entrée menait au salon qui donnait sur une terrasse avec jardin. Incroyable de trouver
cela en plein Paris se dit-il.
Le tout meublé avec beaucoup de goût, des tableaux aux murs jusque dans les toilettes.
Geoffroy apprécia le dîner frais et léger.
Mais ce que Geoffroy aima le plus c'est que pour la première fois Nina se livra à lui.
Il apprit pour la maladie de son père.
Cela la rendit plus accessible à ses yeux. Il sentit une brèche et s’y engouffra.
Non, il n’avait jamais fait Sciences Po, comme il l’avait prétendu, non il n’était pas très beau,
non il n’était pas riche, mais il était ambitieux, il aspirait à s’élever, à trouver la
reconnaissance qui lui avait toujours fait défaut dans sa propre famille. Mais aujourd’hui, il
avait envie de briller, il avait envie de lui plaire, de la séduire, plus que ça, de la posséder. Il
fallait qu’elle soit à lui. Il se sentait comme un aigle. Un chasseur qui ne ratait jamais sa cible.

À plusieurs reprises il lui prit la main, se risqua même à la rejoindre dans la cuisine quand
elle ramenait les plats, à la prendre par la taille, jusqu'au moment du dessert, où l'alcool
aidant, il attendit le bon moment, dans le couloir et l’embrassa.
Un long baiser qu’elle lui rendit. Il commença à lui caresser les épaules et le dos souhaitant
aller plus loin, mais elle l'arrêta.

— J'aimerais bien mais ce n'est pas correct vis à vis de Patrick.


Il faut que je rompe avec lui avant de commencer quelque chose.
— Tu as raison moi aussi d'ailleurs
— Tu as quelqu’un dans ta vie ?
— A peine, une petite copine sans la moindre importance
Mais, je veux être correct, faire les choses bien

Ils revinrent au salon. Il s'alluma une cigarette et enchaîna


— Pars avec moi à Aix en Provence
— Pour toujours ?
— Non, en vacances à la fin de la semaine. On rompt chacun de notre côté vendredi et on
part samedi.

43
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle le regarda sans savoir quoi répondre
— Allez poussin d'amour lâche prise, viens
Dit-il en l’embrassant dans le cou.
Pars avec moi continua- t-il jusqu'à ce qu'elle se laisse convaincre.
Il fut difficile d'arrêter ce moment doux et sensuel, de ne pas céder à l’appel de l’excitation
des sens. Mais Nina résista.
Elle raccompagna Geoffroy rue du Luxembourg, celui-ci eut bien du mal à la laisser repartir,
mais comprenant qu'il n'arriverait rien de plus ce soir, il se résigna à descendre de la voiture
en confirmant la soirée de rupture pour chacun d'entre eux, vendredi soir.
*
Une fois Nina partie, Geoffroy rentra dans son appartement, tout y était calme, Julie
dormait dans la chambre.
Il fuma une dernière cigarette dans le salon, se remémorant la soirée, le dîner, le regard de
Nina, sa bouche, la douceur de sa peau...
Julie l'interrompit dans ses pensées en T-shirt, les jambes nues, à peine réveillée elle lui dit

— C'était bien ton dîner ?


— Je t'ai réveillé ? Pardon

Il évita ainsi de répondre à la question alors qu'elle alla se servir un verre d'eau dans la
cuisine
Il enleva sa veste, ses chaussures et sa cravate avant de la rejoindre et de lui dire :

— il faut que je te parle...

*
Patrick avait rendez-vous avec Nina ce soir chez elle. Il était rentré de voyage et l’avait
immédiatement contacté pour pouvoir passer la voir.
Nina était belle, bien éduquée, bientôt il pourrait lui proposer de l'épouser et faire des
enfants avec elle. Il serait ainsi dans la norme, sa mère, ses amis lui reprochant depuis si
longtemps de n'être pas casé à plus de quarante ans.
Nina avait conquis ses amis quand, il l'avait présentée lors d'un barbecue en juin, elle
plairait sans aucun doute à ses parents et surtout à sa mère quand ils iraient à Hossegor.
Aussi avait-il hâte de la retrouver ce soir. Elle lui avait manqué cette dernière semaine et il
était content de la revoir.

44
IL LUI AVAIT PROMIS…
Or quand il arriva chez elle, il la trouva froide et distante et comprit que ses plans d'avenir
à deux, ne se concrétiseraient pas.
Il la laissa parler, sans l'interrompre l'entendant dire :
— Je souhaite qu'on arrête. Notre relation ne me convient pas et sexuellement ça ne va
pas

Il encaissa ne cherchant même pas à la faire changer d'avis. Au contraire il écourta le


dialogue qui n'en était pas un, lançant juste

— Très bien. Je vais y aller alors

Il se leva, elle le raccompagna à la porte, et il partit, sans même la regarder, fuyant comme
un animal blessé.
Elle ne le saurait pas, il ne lui avait rien montré. Tant pis pour elle. Il était triste, vexé aussi,
mais le temps guérirait ses plaies. Il oublierait, il l'oublierait.

*
Geoffroy avait envoyé de nombreux messages à Nina pour savoir comment sa rupture
s'était déroulée. Cela l’inquiétait. Il craignait qu'elle change d'avis, qu'elle lui échappe.
Il fut soulagé de recevoir enfin un SMS,

— C’est fait
— J’étais très inquiet
Il l’a bien pris ?
— Je ne sais pas. Ce fut rapide en tout cas
— Et toi ?
— Moi aussi, c'est terminé
Nous pouvons partir l'esprit en paix. Je vais chercher ma voiture à Orléans et je viens te
chercher demain ?
— J'ai hâte
— Moi aussi poussin d'amour... Nous deux... En vacances...Enfin…

Geoffroy attendit quelques instants avant de poursuivre ses messages. Il avait envie de dire
beaucoup de choses à Nina, et dans le silence de la nuit, la tranquillité de son bureau désert,
il continua.

45
IL LUI AVAIT PROMIS…
— J’ai hâte de te tenir dans mes bras, de t’embrasser de nouveau, tout le temps, de goûter
ta peau et de sentir ton corps.
Cela ne fait que quelques jours, mais je suis en train de tomber amoureux de toi, je ne peux
plus me passer de toi… Je t’ai attendu si longtemps
Peut-être était-ce trop, mais il ne pouvait plus se retenir, il attendait qu’elle réponde,
qu’elle tombe entre ses griffes.
Il s’alluma une cigarette, essaya vaguement de consulter ses mails, de regarder ses
documents de travail, mais son esprit ne pouvait se détacher de son téléphone
Il eut le temps de terminer sa cigarette et de sentir l’angoisse montait avant d’entendre
trois bips annonçant l’arrivée de messages…
Au comble de l’impatience, il ouvrit avec empressement le premier :

— J’ai hâte de retrouver tes bras, ta peau, et de t’embrasser sans m’arrêter ou t’arrêter.
Qu’on se perde dans un désir fou

Cela commençait bien, il se précipita pour découvrir le deuxième message

— En quelques jours, tu as su te faire une place dans ma vie compliquée et mon cœur
fermé. Je ne peux t’enlever ni de ma tête, ni de mes pensées, partout où je regarde, tu es là.

Parfait cela continuait dans la bonne direction, troisième message :

— Je me suis perdue ces dernières années et c’est comme si aujourd’hui, je retrouvais mon
chemin.

Bien… Geoffroy se ralluma une cigarette, il venait de gagner le gros lot. Un aigle fonçant
droit sur sa proie sans jamais la rater.

Le lendemain en début de soirée, Nina entra chez ses parents. Son père était couché et sa
mère ne tarda pas à la rejoindre dans la cuisine, quand il fut endormi.

— Tout va bien avec papa ? Demanda Nina alors qu'elle se faisait réchauffer une assiette
de ce qui avait été le dîner de ses parents
— Oui, il vient de s'endormir et toi, ton dîner et tes prétendants ?

46
IL LUI AVAIT PROMIS…

Le micro -ondes sonna que le plat était chaud, Nina se leva pour le récupérer alors que sa
mère s'était assise à table en face d'elle lui servant de l'eau.
-J’'ai rompu avec Patrick
Dit-elle alors qu'elle revint à table et commençait à dîner.

— Il ne l'a pas mal pris ?


— Non ça n'a pas eu l'air de le toucher
— Et ton client ?
-Il a rompu également à cette heure il doit être en route pour Orléans, parti récupérer sa
voiture pour que nous puissions partir demain à Aix en Provence

À peine Nina eut-elle fini sa phrase que son téléphone bipa :

— Poussin d'amour
Je suis bien arrivé à Orléans.
Tu me manques beaucoup, j'ai hâte de te retrouver demain et de partir avec toi. Je te
promets un beau séjour et de t’accorder toute l'attention que tu mérites
Nina prit connaissance du message
Sa mère la regardait, contente de voir sa fille de nouveau heureuse, cela faisait si longtemps.
Elles débarrassèrent toutes les deux la table avant de passer au salon.

— ça a l'air de bien se passer avec ce directeur, en tout cas tu as retrouvé le sourire


— Il s'appelle Geoffroy... Il a quarante ans, il est d'Orléans et oui il souhaite quelque chose
de sérieux.
— Vous avez... ?
— Non, on s'est juste embrassé.
— J'espère qu'enfin tu vas connaître quelqu'un de normal…
— Moi aussi… ça changerait… On verra bien comment ça se passera à Aix en Provence. Je
vais aller faire mes valises.

Madame Giredet accompagna sa fille à la porte. Nina prit sa mère dans ses bras et
l’embrassa sur la joue tendrement. Chacune vouait à l’autre un amour profond et sincère,
inébranlable.

47
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nina rentra chez elle. Elle profita du calme de la nuit sur sa terrasse laissant quelques
instants ses pensées vagabonder.
Ces derniers jours avec Geoffroy lui avaient rendu un peu d'insouciance et de légèreté.
Peut-être prouvait-elle se laisser enfin aller, se laisser porter, penser à elle pour une fois.
Un bip annonça un nouveau message, la ramenant à la réalité, elle partait demain et n'avait
même pas commencé ses valises.

— Baisers d'amour poussin d'amour, je me couche en pensant à toi pour te retrouver


demain.
Je te promets une semaine de mots d'amour, de tendresse, des caresses et baisers.

Effectivement Geoffroy paraissait attendre beaucoup de ce séjour.


Nina restait malgré tout sur la retenue, d'une part cela faisait partie de son caractère. Elle
avait tellement souffert en amour qu'elle avait du mal à y croire désormais.
Vivre au jour le jour sans se projeter était devenu sa devise.
Elle répondrait à Geoffroy après avoir fait sa valise et aussi, pourquoi pas, avoir gravé un
CD pour le trajet du lendemain.
Elle mit donc sur le disque entre autres :
L'extrait de la comédie musicale Ali Baba, « Tu me manques depuis longtemps », le duo de
Marc Lavoine et Claire Keim « Je ne veux qu'elle », Chimène Badi, « Entre nous », la reprise de
Mariah Carey de Phil Collins « Against all odds » et, surtout la chanson d'Axel Red, « Parce que
c'est toi ».
Elle sonnait parfaitement juste dans chaque mot prononcé

— Parce que c'est toi, je veux te voir tout le temps...

Une fois le CD gravé, Nina fit sa valise.


Il était temps d'aller se coucher, sinon la route demain serait difficile. Elle envoya un dernier
texto à Geoffroy, pour les modalités de leur départ ainsi que quelques-uns de ses espoirs,
qu'elle se décida à lui confier en réponse à ses déclarations plus tôt dans la soirée.
Le temps était venu pour elle de se lancer dans cette histoire, de tourner la page sur le
passé et de se construire un avenir.

*
Geoffroy passa chercher Nina pile à l'heure. Heureux de se retrouver, ils échangèrent
plusieurs baisers partagèrent un petit-déjeuner rapide sur la terrasse, avant de charger les
bagages et de se mettre en route.

48
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nina avait pris le CD gravé la veille et ne tarda pas à le glisser dans le lecteur :

— j'ai gravé un CD à messages pour toi...

Geoffroy avait mis son portable devant Nina alors qu’il conduisait.
Arrivés sur l'autoroute les paroles des différentes chansons défilèrent en même temps que
les kilomètres.
Quand la chanson d'Axel Red passa, Geoffroy se gara sur une aire d'autoroute.

Geoffroy prit les mains de Nina et se tourna vers elle

— C'est mot pour mot ce que je ressens pour toi...


Je suis amoureux de toi Nina...

Il regardait Nina. Elle ne répondit pas. Il se pencha pour l’embrasser

Geoffroy repartit.
Nina eut soudain envie de relire les messages qu'elle avait envoyés à Geoffroy. Elle prit le
portable de ce dernier posé juste devant elle et eut la très désagréable surprise d’y découvrir
trois messages qui n'étaient pas les siens.
Elle ne lut que la première ligne du message arrivé en tête

— Comment vas-tu mon chéri ?

Furieuse, elle se tourna vers Geoffroy qui conduisait


— C'est quoi ça ?
— Quoi donc ? Dit-il en se tournant vers Nina quelques secondes sans comprendre.
— Les trois messages qui commencent par comment vas-tu mon chéri ?

Geoffroy regarda rapidement l'écran que lui montrait Nina :

— C'est mon ex... Elle n'a pas compris...


— Pas compris ? reprit Nina abasourdie,
Arrête-toi, et règle ça tout de suite...

49
IL LUI AVAIT PROMIS…

Les minutes qui suivirent firent planer un silence de plomb, jusqu’à ce que la voiture gagne
l'aire de repos la plus proche.

Geoffroy se gara, prit le téléphone. Il se tourna à moitié contre sa fenêtre, lut les messages,
Nina exaspérée essayait de ne pas regarder.
Il finit par mettre le combiné à son oreille, attendit quelques secondes et hurla

— Qu’est-ce que c'est que ces messages ?


Je ne te laisserai pas gâcher ma relation avec Nina....
C'est fini, tu entends fini.

Et il raccrocha

Après un long silence, il prit la main de Nina :


— Je suis désolé... mon ex est fragile
Elle est malade
— Malade ?
— Elle a menacé de se suicider plusieurs fois si je la quittais
Mais c'est terminé maintenant, elle a dû comprendre, là j'ai été clair.
— Limpide reprit Nina surprise par ce qu'elle venait d'entendre.
Elle ne va pas se suicider tout de même ?
— Qu’elle fasse ce qu'elle veut, je m'en moque...il n'y a que nous désormais...
Allez poussin d'amour... tout va bien, oublie ça, c'est réglé

Il avait repris son assurance et sa contenance, il l’embrassa Nina, la rassura longtemps avant
de reprendre la route.

Quelques minutes se passèrent avant que le téléphone de Geoffroy ne sonne à nouveau.

— Encore ta copine ? Demanda Nina cinglante


— Non, c'est ma mère répondit Geoffroy étonné avant de décrocher
— Allo maman
— Geoffroy, tout va bien ?

50
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Tout va bien, oui, pourquoi ?
— Je viens d'avoir un appel d'une femme me disant que tu étais malade ou un grand
malade... je ne sais plus... je n'ai pas compris...
— Quoi ? Mais qui était cette femme ?
— Elle ne s'est pas présentée...

Nina entendait ce que disait la mère de Geoffroy, ne voulant pas s'immiscer dans la
conversation elle interrogea sans émettre un son :

— Ton ex ?

Il secoua la tête négativement mettant fin peu à peu à la conversation avec sa mère.

Quand il raccrocha, il répondit

— Incompréhensible cette histoire.


— Ça doit être ton ex réitéra Nina
— Impossible, elle ne connait pas mes parents, elle n'a pas leurs coordonnées Ils sont sur
liste rouge.
— Une mauvaise blague sans doute conclut Nina sans trop y croire
— Sans doute, reprit Geoffroy peu convaincu également

Tous les deux restèrent silencieux sur les derniers kilomètres du trajet. Le voyage avait été
mouvementé.
Il fallut les premiers panneaux indiquant Aix en Provence pour qu’ils reviennent à une
réalité plus agréable.
En arrivant à l’hôtel, la journée touchait à sa fin.
Ce qui sauta aux yeux de Nina fut les couleurs du coucher de soleil sur la bâtisse provençale.
À la réception Geoffroy retrouva avec plaisir la gérante de l'hôtel qui le reconnut comme
elle avait organisé le mariage de son frère et sa belle-sœur.
Après un long moment d’échanges elle finit par les conduire à leur chambre.
Nina épuisée et éprouvée fut contente de pouvoir s'allonger sur le lit.
Geoffroy vint s’étendre à côté d’elle. Il ferma les yeux pour se reposer.
Aucun d'eux n'eut le courage de bouger, ni de reparler des incidents du trajet.
Geoffroy finit par s’endormir et Nina n’eut de cesse d’y penser toute la nuit'.

51
IL LUI AVAIT PROMIS…

Quand Geoffroy se réveilla, il l’embrassa, espéra un rapprochement du matin, mais elle ne


se laissa pas faire, toujours contrariée par le trajet de la veille.

— Poussin d’amour, tu veux qu’on aille prendre notre petit déjeuner ?


— J’ai trop mal à la tête.
— Je vais aller trouver une pharmacie… Reste ici, repose-toi… Je me prépare en vitesse et
j’y vais…

Geoffroy fila sous la douche, et sortit.


Une fois seule, Nina se leva et commença à ranger ses affaires.
Elle ne pouvait s’ôter de l’esprit le trajet cauchemardesque de la veille.
Que signifiait cette histoire d’ex qui semblait plus qu’une simple copine ? Et ce drôle
d’appel à la mère de Geoffroy lui disant que son fils était malade ?
Les mots résonnaient dans la tête de Nina, accentuant sa douleur.
Elle y penserait plus tard. A son tour elle alla prendre une douche.
Geoffroy rentra deux heures plus tard, alors qu'elle s’était habillée et lisait sur le lit.
Il avait ramené du doliprane, et des croissants et fut fier d’annoncer qu’il avait réservé pour
le dîner dans un restaurant.
Nina prit les médicaments. Ils décidèrent ensuite de profiter de la piscine.
Ils y restèrent un long moment. Nina prit ses distances et Geoffroy ne sut pas comment la
ramener vers lui.
Ils sautèrent le déjeuner, ce que Nina mit sur le compte des croissants tardifs, de toute
façon, elle n’avait pas vraiment faim.
Elle appela sa mère comme elle le lui avait promis.
Quand Nina revint au bord de la piscine, Geoffroy mièvre prit des nouvelles de ses parents

— Ils vont bien, merci


— Et ton mal de tête ?
— Avec le médicament, il est passé pour l’instant
— Tu viens te baigner ?
— Oui

52
IL LUI AVAIT PROMIS…
Geoffroy plongea dans l’eau, alors que Nina, y rentra progressivement.
Geoffroy après quelques brasses, éclaboussa Nina avant de s’approcher d’elle.

— Tu vas bien ?

Nina ne répondit pas

— C’est par rapport à hier ?


C’est terminé
Je ne laisserai rien ni personne se mettre entre nous

Geoffroy était face à Nina, tout proche, elle sentait son souffle et sa chaleur. Elle ne
demandait qu’à le croire mais doutait cependant.
Elle fut distraite par un bruit dans le ciel. Un aigle vola non loin d’eux. L’hôtel abritait un
couple de rapaces.

*
Le soir venu Geoffroy et Nina entrèrent dans un charmant restaurant à la cuisine
traditionnelle de la région et au cadre romantique.
Geoffroy commanda immédiatement du Champagne.

— À nous. Trinqua- t-il


— À nous reprit Nina.
— Tu es magnifique ce soir
— Merci,
— Tu es toujours magnifique…

Il regardait Nina avec insistance, qui se sentit tout d’un coup gênée. Elle prit une gorgée de
champagne pour oublier son trouble ou son mal être, elle ne savait plus trop.

— Profitons de cette soirée. La nuit nous appartient. Personne pour nous la volera
— Pour le moment, ironisa Nina
Pas de message de ta copine, le provoqua-t-elle ?
— Non, elle a compris.

53
IL LUI AVAIT PROMIS…
Je te l’ai dit, je ne laisserai personne se mettre entre nous.
Il n’y a que toi qui compte.
J’ai envie de te protéger de tout et de tout le monde.
J’ai envie de vivre avec toi,

Nina écoutait se laissant peu à peu convaincre. Elle voulait tant croire à tout cela, trouver
enfin un peu de douceur et de répit dans sa vie.
Elle aperçut Geoffroy hocher la tête pour faire signe au serveur. Le restaurant était désert,
elle ne l’avait pas remarqué jusque-là, les lumières clignotèrent et s’assombrirent et les
premières notes de la chanson Parce que c’est toi d’Axel Red, se jouèrent, alors que Geoffroy
se leva et invita Nina à danser.
Elle accepta l’invitation. Geoffroy avait trouvé la corde sensible sur laquelle jouer.
Il la caressa, l’embrassa dans le cou. Elle lâcha prise peu à peu, s’abandonnant à son souffle,
à son toucher.
Alors la chanson allait se terminer, Geoffroy se mit à genoux et clama:

— Fais-moi un enfant

Nina resta immobile sans voix.


Se marier et fonder une famille, c’est ce qu’elle souhaitait depuis si longtemps. Elle pensa
à son père à ses mots :
Il faut que je trouve un mari à Nina
Elle se sentait seule depuis un an, si seule, abandonnée. Elle fatiguait de lutter chaque jour
comme un soldat pour ne pas sombrer. La vie l’avait déçue, abîmée. Un peu de répit, juste un
peu de répit. Croire en l’amour de nouveau, était-ce trop demander ?
Geoffroy se releva,
Elle sortit de son silence :

— Deux choses : Je n’envisage pas de faire un enfant sans être mariée, et, j’espère que ce
sera un garçon qui te ressemblera

Geoffroy la tira à lui pour l’embrasser. Puis lui chuchota à l’oreille :

— Je t’aime. J’ai envie de toi

54
IL LUI AVAIT PROMIS…
Dévoré de désir, Geoffroy se pressa régler la note. Le couple sortit du restaurant,
s’étreignant à chaque coin de rue, sous les étoiles de Provence.
Ils s’aimèrent en rentrant à l’hôtel fort, passionnément. Seul le futur qu’ils voulaient
construire ensemble comptait désormais.

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IL LUI AVAIT PROMIS…
Mais je serai doux
Comme un bisou voyou dans le cou
Attentionné, tiède, à vos genoux
Des caresses et des mots à vos goûts
Dans la flemme absolue, n’importe où
Mais doux
Jean Jacques Goldman, Doux

Début septembre 2003,

Nina était rentrée d’Aix en Provence avec un mal aux oreilles qui s’amplifiait.
A part ce léger problème de santé le séjour en Provence s’avéra parfait.
Geoffroy et elle, ne souhaitaient pas revenir, ils voulaient continuer de profiter l’un de
l’autre, seuls au monde sur leur petit nuage, mais cela ne pouvait pas durer éternellement.
Tous les deux le savaient, la rentrée était là, il fallait refermer la parenthèse des vacances,
aussi agréable soit-elle, et revenir à la réalité.
Leur histoire ne faisait que commencer, et ils allaient chaque jour l’écrire, à deux. Nina avait
pendant le séjour appelé tous les jours sa mère, pour prendre des nouvelles et en donner.
L’annonce du futur mariage de sa fille, par téléphone, réjouit, Madame Giredet.
Une jolie nouvelle, dans son quotidien si triste. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait plus
vu sa fille heureuse, au contraire, elle l’avait vu beaucoup souffrir ces dix dernières années,
tellement souffrir…
Un supplice supplémentaire pour elle, mère, que de voir son enfant malheureux, mal traité,
mal aimé.
Une épreuve pour Nina, qui avait pleuré plus que de raison.
Elle qui n’aspirait pourtant qu’à un bonheur simple, celui de se marier, avec un homme,
qu’elle aimerait, qu’elle respecterait, et avoir des enfants.
Après tant d’années, elle ne croyait plus pouvoir l’obtenir.
Mais aujourd’hui, elle se plaisait à y croire de nouveau. Son père la verrait se marier.et avec
un peu de chance, pourrait même la mener à l’autel.
Geoffroy en rentrant d’Aix, avait pu rencontrer Madame Giredet dans l’appartement de
Nina, qui s’était libérée un bref instant, pour voir son futur gendre.
La première rencontre entre Madame Giredet et Geoffroy se révéla assez brève.

56
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle savait déjà énormément de choses sur lui, grâce à tout ce que Nina lui avait raconté au
fil de l'été.
Elle s’amusa du fait qu’elle n’avait que quinze ans de plus que lui. Elle espérait que Geoffroy
serait plus mature que les anciens prétendants que Nina avait pu lui présenter jusque-là.

— J'ai quarante ans, je ne suis plus un perdreau de l'année avait déclaré Geoffroy,
J'aime Nina
L'épouser et fonder une famille avec elle, rejoindre la vôtre...
M’apparaît comme une évidence.
-- Nous sommes ravis de vous accueillir. Tant que ma fille est heureuse, tout ira bien entre
nous.
Nina est la prunelle de mes yeux.
Je compte sur vous pour en prendre le plus grand soin.
— Je le ferai
— Avez-vous une idée de la date et du lieu où vous aimeriez organiser le mariage, demanda
Françoise Giredet, qui aimait organiser et planifier des évènements.
— Nous avions pensé faire comme Florent, le mariage civil en juin, et la cérémonie
religieuse, la première semaine de septembre, la plupart du temps, il fait encore beau, comme
aujourd’hui.
— C’est parfait, Florent avait eu un temps magnifique à son mariage, à cette période en
effet. J’ai lu qu’en ce moment la tendance était de se marier dans un palace

Geoffroy et Nina se regardèrent appréciant l’idée

— C’est original, cela change des restaurants ou des châteaux, approuva Geoffroy

— je vais devoir remonter mais venez donc déjeuner samedi prochain. Vous rencontrerez
mon mari ainsi que mon fils et sa famille, et nous pourrons en discuter plus dans le détail.

— j'en serai enchanté

Geoffroy se leva suivant madame Giredet :

— En tout cas, il ne va pas falloir trainer…


Ne bougez pas, je me sauve, nous nous reverrons la semaine prochaine.

57
IL LUI AVAIT PROMIS…
Et Geoffroy, puis je passer au tutoiement, nous n’avons que quinze d’écart ?
— Avec grand plaisir
— C’est entendu. Je me sauve, ne bougez pas, je connais le chemin, à très vite lança
madame Giredet, semblant heureuse de cette rencontre et du prochain mariage de sa fille

Une fois la porte fermée, Geoffroy reprit sa place, et paraissait soulagé

— ça s'est bien passé. Ta maman est charmante.


— Ma mère c'est moi.
Tu avais peur ?
— Ce n'était pas rien de la rencontrer.
Oui, j’appréhendais un peu et je suis content que ce soit bien passé
— Maintenant il va falloir que tu rencontres mon père et mon frère.
— Oui, et après il va falloir que toi tu viennes à Orléans rencontrer ma mère, mon père,
mon frère et ma belle-sœur...
Ça risque d'être plus tendu que chez toi
— Je suis certaine que tout se passera bien, et qu'ils se réjouiront pour nous
— Espérons... Se contenta de dire Geoffroy qui semblait en douter.

Geoffroy se crispait toujours, lorsqu’il évoquait sa famille.

— On pourrait se rendre à Orléans la semaine suivant le déjeuner chez mes parents


proposa Nina
Comme ça, tu me montreras ton appartement…
Et Nina, se blottit contre Geoffroy comme pour l’encourager à s’ouvrir à elle
— Oui, faisons ça, poussin d’amour répondit ce dernier en lui caressant les cheveux.
Avant que je ne parte, j’ai d’autres choses à te montrer
— Vraiment ? demanda Nina se redressant et faisant face à Geoffroy.
Très proche de son visage
— Oh oui, viens un peu par-là, toi

Ils s’embrassèrent et firent l’amour pour la première fois dans l’appartement de Nina, sur
le canapé du salon, avant que Geoffroy ne parte à Orléans
.

58
IL LUI AVAIT PROMIS…
*
Lara s’installa à l’intérieur du Café de la Paix. Un message reçu le matin, de la part de Nina,
bien mystérieux, lui demandait de la retrouver à cet endroit.
Lara et son amie, ne s’étaient pas vues depuis longtemps. La vie agitée de chacune ne leur
laissait plus énormément de temps. Mais, cela ne les empêchait pas de penser souvent l’une
à l’autre, et de rester présente l’une pour l’autre.
Lara désormais travaillait dans une entreprise de cosmétiques, au service marketing,
comme elle l’avait toujours désirée.
Elle venait de s’installer avec Paul, son fiancé de longue date.
La vie sentimentale de Lara connut plus de stabilité que celle de Nina.
Jolie, les cheveux auburn au carré, des yeux noisette très expressifs, elle possédait un
charme fou, et une répartie qui faisait souvent mouche.
Lara repensa à tout le chemin qu’elles avaient parcourues avec Nina depuis le lycée. Les
cours de maths qu’elles travaillaient en grignotant des cacahuètes, les premiers garçons,
l’auto-école, leurs études, et leurs débuts dans la vie professionnelle.
Elle sortit de ses pensées lorsque Nina arriva et l'interpella.

Les deux jeunes femmes se firent la bise et s'installèrent autour d'une petite table ronde
ensoleillée à l'intérieur du café face aux baies vitrées.

Un serveur vint rapidement prendre la commande avant de laisser les deux amies se
retrouver.
Lara commença. Elle parla de Paul, de son travail, de ses vacances…
Elle ne tarda pas à se rendre compte que si son amie l'écoutait et se réjouissait sincèrement
pour elle, quelque chose lui brûlait les lèvres.

—Et toi alors ? Que me vaut cette Invitation si prompte à prendre un café ?

Nina sourit. Lara la connaissait bien et l'avait démasquée en un rien de temps

— Effectivement je voulais t'annoncer...

Elle marqua une pause fixant son amie qui buvait ses paroles et n'attendait que la suite,
n'osant devancer ses propos, comme pour ne pas lui porter malheur

— que j'ai rencontré quelqu'un…

59
IL LUI AVAIT PROMIS…
Et que je vais me marier

Lara à ses mots se leva, fit tomber sa chaise et vint enlacer son amie très émue.

— Félicitations.... Je suis tellement heureuse pour toi...


Mais comment est- ce arrivé ?
Qui est ce ? Quand... ?

Nina interrompit son amie l'invitant à reprendre sa place

— Je vais tout te dire


Mais avant j'ai une question à te poser :
Accepterais-tu d'être mon témoin ?

— Quelle question,
Evidemment depuis le temps que j'attends ça !
Je vais commander du champagne
Et tu vas tout me raconter, et par tout, j’entends absolument tout.

— Il s'appelle Geoffroy...

Les coupes de champagne arrivèrent, et Nina comme demandé, raconta tout dans les
moindres détails.

— Quand vas-tu me le présenter ?

— À la fête pour mes trente ans, que je vais organiser, fin septembre

— À la, somptueuse fête pour tes trente ans que nous allons organiser, reprit Lara...

*
Geoffroy et Nina sortirent du restaurant, cela faisait deux jours qu’ils ne s’étaient pas vus.
Une nouvelle vie commençait pour Geoffroy et il avait l’intention d’en profiter pleinement.

60
IL LUI AVAIT PROMIS…
Comme une revanche, il comptait bien, en tirer tous les avantages.
Nina était belle, d’un bon milieu, il vivrait et évoluerait désormais dans un cadre bourgeois.
Plus important encore, grâce à elle, il surpasserait son frère Bertrand, dans le cœur de ses
parents.
Caroline son épouse, en rémission d’un cancer, ne pouvait plus espérer donner un enfant
à la famille.
Geoffroy savait que grâce à Nina, il pourrait enfin, briller au sein de sa famille et surtout
auprès de sa mère.
Bertrand et Caroline accaparaient tellement l’attention de ses parents, et ce depuis si
longtemps, qu’il en avait presque pris son parti. Il oublia que lui aussi pouvait être digne
d’intérêt, digne d’être aimé.
Être regardé par Nina, le lui avait prouvé.
S’il avait réussi à séduire une telle femme, il arriverait à conquérir sa place dans sa propre
famille.
Il serait le fils qui ramène vie, joie, espoir dans son clan si triste, si touché par la maladie, la
peur, la mort.
À peine, était-il revenu au bureau, que ses adjoints Yannick et Alain, ne s’y étaient pas
trompés, l’avaient trouvé changé, épanoui, léger.
Tous les trois, pour fêter cette nouvelle ère, d’un directeur enfin heureux, déjeunèrent au
restaurant le midi, où Geoffroy raconta ses vacances et la nouvelle vie qui l’attendait.
Geoffroy ne tarda pas à rejoindre Nina à Vincennes, plein d’allégresse, et lui raconta sa
journée. Elle fit de même et chacun, d’eux, profitèrent pleinement de ce moment où tout allait
bien.
Ils sortirent du restaurant, et montèrent dans la voiture de Nina, après avoir déposé la
valise d’affaires de Geoffroy dans le coffre.
Geoffroy fut surpris quand Nina ne rentra pas dans le parking et arrêta la voiture un peu
plus loin devant l’immeuble.
Elle glissa un cd dans le lecteur, chercha un titre précis avant de dire à Geoffroy :

— Chanson à message :
Ecoute bien les paroles qui vont suivre

Les notes de la comédie Musicale, Notre Dame De Paris, commencèrent à se jouer. Au


moment où Quasimodo accueille Esméralda dans la cathédrale, alors qu’elle est accusée à tort
de l’agression de Phoebus, et que Quasimodo lui offre un refuge :

Quasimodo :

61
IL LUI AVAIT PROMIS…
Dans ma maison à moi
Il y fait toujours beau
L’hiver il fait moins froid
L’été il fait moins chaud
Tu viendras quand tu veux
Quelle que soit la saison
Ma maison si tu veux
Ce sera ta maison

Et sur ces deux dernières paroles, Nina glissa les clés de son appartement dans la main de
Geoffroy, l’invitant ainsi officiellement à venir vivre avec elle.
*
Madame Giredet aimait et savait recevoir.
Geoffroy allait être présenté à toute la famille aujourd'hui.
Aussi pour l'occasion avait-elle dressé une jolie table, concocté un bon repas et habillé son
mari de façon élégante.
Elle veillait à ce qu'Henri Giredet soit chaque jour bien habillé, rasé et aujourd'hui ne
manquerait pas à la règle.
Ce dernier d'ailleurs aimait voir du monde. Il parlait peu en général et pouvait pendant
quelques instants, donner l'illusion que la maladie ne l'avait pas frappé.
Ce fut la grand- mère de Nina qui arriva la première. Huguette, après la mort de son mari,
avait choisi de se rapprocher de sa fille et de sa petite fille, pour ses vieux jours.
Toujours coquette et avec toute sa tête, elle ne regrettait pas son choix, car avec Nina, il se
passait toujours quelque chose, comme elle aimait le répéter.
Nina tenait ses yeux verts de sa grand-mère. Dans la famille c'était une tradition qui se
transmettait de mères en filles, et Huguette espérait bien que sa future arrière-petite-fille ne
dérogerait pas à la règle.
Elle alla s'installer près de son gendre, qui était assis sur le canapé et regardait sagement la
vue qu'offraient les grandes baies vitrées sur le jardin.

— Comment allez- vous ?


C'est jour de fête aujourd'hui,
Nous allons voir du monde, lui dit-elle.

La sonnette retentit alors et dans le visiophone madame Giredet vit apparaître Florent et
sa famille et leur ouvrit

62
IL LUI AVAIT PROMIS…
Florent entra, suivi de Stéphanie et Camille, qui du haut de ses trois, était en terrain
conquis, chez sa grand-mère.
Madame Giredet comme à son habitude avait mis un petit cadeau de côté pour elle, que la
fillette s'empressa d'ouvrir alors que ses parents disaient bonjour.
L'arrivée de Florent représentait toujours une grande joie pour Monsieur Giredet.
Au même instant la sonnette retentit de nouveau.
Nina et Geoffroy arrivèrent à leur tour.
Les présentations se firent au fur et à mesure des salutations.
Quand tout le monde fut assis, madame Giredet apporta le champagne pour fêter les
futures noces.
Le mariage serait célébré en deux temps, mariage civil le 26 juin et mariage religieux le 11
septembre.
Madame Giredet s’était rendue à la mairie et à l'église pour obtenir ces dates.
Stéphanie ne prit pas de champagne puisqu’'elle était enceinte.
Pour sa deuxième grossesse, ce serait la surprise, fille ou garçon, on ne le saurait pas jusqu'à
la naissance prévue en avril prochain.
Le contact passa bien entre Geoffroy et la famille de Nina. Il fut bien accueilli et le déjeuner
festif tourna autour du futur mariage.
Le Saint James d'Alvany retint l’attention de madame Giredet pour y célébrer les noces et
une visite pouvait s'organiser dès la semaine suivante.
Une rencontre avec le Père Alexandre se tiendrait également cette même semaine,
Geoffroy tenait à un mariage catholique.
Tous les échanges pendant et après le déjeuner continuèrent sur les projections d'un futur
radieux et heureux.

*
Une semaine plus tard Geoffroy et Nina entrèrent dans l'appartement d’Orléans.
Un appartement de célibataire. Au pied de la gare, l'appartement restait triste. Canapés en
cuir, dans le salon, chambre, cuisine, salle de bain, clubs de golf dans l’entrée. Un appartement
fonctionnel mais sans chaleur.
Le couple allait y passer la nuit, le temps de rencontrer la famille de Geoffroy.
Geoffroy avait profité de ses différents, allers retours pour amener quelques affaires à lui,
chez Nina. Maintenant qu'il avait les clés il s’appropriait les lieux.
Madame Giredet lui demanda de payer la moitié du loyer, il aurait préféré être logé
gratuitement, mais finalement la moitié du loyer pour un endroit pareil, restait une bonne
aubaine.

63
IL LUI AVAIT PROMIS…
Il garderait son appartement à Orléans avec ses meubles et ses affaires, pour y faire ce qu'il
voulait, comme il le voulait et quand il le voulait.
Cela restait son appartement, et il y mènerait la vie qu'il souhaitait comme bon lui semble
sans regards indiscrets.
Un appartement d'apparat à Vincennes pour sa vie parisienne et sa garçonnière à Orléans.
Pour l'heure, ils avaient dîné avec Nina avant de prendre la route pour venir, il allait donc
lui faire découvrir la ville, pendant le reste de la soirée avant de se rendre le lendemain chez
ses parents pour le déjeuner.
Il appréhendait ce moment, il redoutait que cela se passe mal.
En entrant chez les parents de Geoffroy, le lendemain, ses mauvais pressentiments se
confirmèrent. L'accueil fut glacial et plus que tendu.
La mère de Geoffroy était le portrait de ce dernier en version féminine.
Elle ressemblait à une chouette se dit Nina, qui dès le départ ne se sentit pas bien accueillie.
Le père de Geoffroy se montrer insignifiant. Petit les cheveux blancs avec une moustache, il
se faisait clairement dominer par sa femme acariâtre.
Nina ne vit que le salon et la salle à manger et tout lui sembla vieillot et austère.
D’ordinaire à l'aise dans tous les milieux, ce fut une des rares fois où elle ne sut quoi dire.
Les parents de Geoffroy demeuraient distants, fermés.
Aussi quand Geoffroy annonça le futur mariage lors du déjeuner, sa mère fondit en larmes.

— Nous ne nous attendions pas à une telle réaction dit Nina surprise dans le mauvais sens
du terme,
L'annonce d'un mariage représente en général une belle nouvelle
— C'est si soudain, reprit la mère de Geoffroy, vous vous connaissez à peine
— J'aime Nina, je veux faire ma vie avec elle, nous ne, sommes plus des perdreaux de
l'année, je te rappelle que j'ai quarante ans, je sais ce que je fais et je n'ai nullement besoin
de ton approbation.
Le ton de Geoffroy si dur glaça Nina. Il devait en être de même pour sa mère qui se réfugia
dans la cuisine, suivi par son père.

— Quel accueil ! Il n'aurait pas été meilleur si j'avais été une prostituée
— Ce n'est pas contre toi, c'est contre moi...
C'est toujours contre moi... Quoi que je fasse...

Geoffroy semblait si vulnérable à cet instant, si brisé. Nina se leva pour l'enlacer et le
réconforter.

64
IL LUI AVAIT PROMIS…

— Ça va aller, je suis là, tu m'as moi désormais


Geoffroy et elle restèrent ainsi un court moment. Il essaya de se ressaisir mais il avait reçu
un coup.
La porte d'entrée s'ouvrit et un couple entra dans le salon.
Geoffroy se leva et alla vers eux
— Bertrand, Caroline vous voilà.
Je vous présente Nina
Nina voici mon frère et ma belle-sœur

Tout le monde se fit la bise


Le couple leur fit un accueil plus chaleureux en trente secondes que les parents de Geoffroy
tout au long de l'horrible déjeuner qui venait de se tenir.
Ces derniers réapparurent justement en entendant les voix des nouveaux arrivants.
La mère de Geoffroy proposa un café et tout le monde s'assit dans le salon, essayant de
repartir sur de meilleures bases.
Nina à côté de Geoffroy ne parla plus. Elle n'aida pas la mère de Geoffroy à desservir la
table et à amener le café. Cela ne lui ressemblait pas d’agir ainsi, mais face à l'accueil reçu,
elle n'arrivait pas à aller vers la mère de Geoffroy.
Caroline le fit donc à sa place. Les cheveux courts, châtains foncés, les yeux marrons elle
apparut tout de suite sympathique et chaleureuse. Bertrand quant à lui, ne ressemblait pas
vraiment à Geoffroy, plus grand, dégarni, il possédait juste les mêmes yeux noirs et la bouche
ourlée de son frère.
Tous les deux étrangement apaisèrent la mère de ce dernier, qui semblait de meilleure
humeur désormais.

— Comment allez-vous Caroline ? - demanda t elle


— Ça va doucement répondit cette dernière qui sortait d'un cancer comme Geoffroy avait
pu en faire part à Nina
Mais ne parlons pas de moi. Je crois que des belles choses se préparent, n'est- ce pas
Geoffroy ?

Et enfin, l'annonce des futures noces reçut l'accueil attendu auprès d'au moins un membre
de la famille de Geoffroy.

65
IL LUI AVAIT PROMIS…
Geoffroy rejoint Nina et sa mère pour la visite du Saint James d'Alvany, palace où se
déroulerait le mariage en septembre s'ils validaient le lieu.
Quand il arriva, Nina et sa mère se trouvaient déjà sur place avec la chargée de clientèle,
elles prenaient un café et un chocolat en l'attendant.
Le lieu se révéla magnifique. De haut standing, palace parisien oblige, en plein cœur de
Paris, face au jardin des Tuileries et à quelques pas seulement de la place de la Concorde.
La visite commença. Tous les trois découvrirent les magnifiques salons où se dérouleraient
le mariage après la cérémonie.
Quel lieu splendide. Tous les trois tombèrent sous le charme et le mariage se tiendrait bel
et bien ici.
Le soir venu Geoffroy et Nina devaient rencontrer également, le père Alexandre pour la
préparation religieuse.
D'origine africaine très chaleureux, le contact passa tout de suite entre Geoffroy et lui. Nina
resta plus sur la réserve, ce qui permit à Geoffroy de parler. Il trouva ce premier échange
plutôt libérateur.
Il put se confier au prêtre, découvrant une oreille attentive et bienveillante là où il ne
l'attendait pas.
Il se surprit à se projeter totalement dans ce mariage. Il fut quasiment le seul à parler, cela
eut un effet thérapeutique sur lui, qui lui permit enfin d'accepter l'horrible déjeuner dans sa
famille et de passer outre.
Dès qu'ils auraient des enfants avec Nina, tout s'arrangerait.
Il ne l'avait jamais autant désiré qu'à cet instant. Nina ferait de beaux enfants et sa mère
enfin l'aimerait.
Il se réjouit de cet échange avec le père Alexandre et des prochains à venir.
Il y trouverait, certainement à chaque fois, une oreille qui lui manifesterait de l’intérêt. Cela
le poussait encore plus vers cette union.

*
La soirée des trente ans de Nina battait son plein.
Pour l'occasion un ami de Nina, Sylvain mit à disposition son grand appartement du
seizième arrondissement.
Deux gigantesques salons de réception, permirent aux amis des différentes époques de la
vie de Nina de se retrouver autour d'un double événement festif, à savoir, les trente ans de
Nina et la présentation de Geoffroy à ses amis.
Nina avait toujours su recevoir, mêler les gens et les mettre à l'aise.
La première à rencontrer Geoffroy fut Lara. Elle était venue avec Paul, son fiancé et tous
les deux échangèrent un long moment avec lui.

66
IL LUI AVAIT PROMIS…
Les autres invités arrivaient, souvent surpris mais ravis par la nouvelle. Chacun essaya
d’approcher Geoffroy quand le moment se présentait.
Ce dernier n'arrêta pas de la soirée, il accrocha bien avec Sylvain, leur hôte. Aristocrate
farfelu ce sexagénaire scénariste, savait manier les mots et lui proposait de fumer des
cigarettes sans arrêt.
Florent et Stéphanie présents, également furent surpris par l'appartement dans lequel se
déroulait la soirée. Florent connaissait bien le cercle d'amis de Nina mais pas le propriétaire
du lieu.
Nina échangeait quelques instants avec ses amis avant de leur présenter ou de leur montrer
Geoffroy.
Elle retrouvait des gens issus de différentes époques de sa vie. Un couple d'amis, Hadrien
et Valérie, rencontrés en école de commerce qui s'étaient mariés peu après. La sœur de
Valérie, Vanessa, qui jura à Nina un enterrement de vie de jeune fille mémorable.
Bon nombre des amies de Nina avaient la singulière particularité d'avoir un prénom se
terminant en "a".
Elles étaient aussi souvent grandes et d'origine étrangère.
Hannah qui venait des pays de l'est, Helena, suédoise, Belinda flamande, Natacha, une de
ses plus anciennes amies qui lui avait enseigné les mathématiques en cours particuliers au
collège.
Les hommes, tout aussi nombreux et séduisants, se retrouvaient conviés à la soirée. Tous
avaient un moment où à un autre été sous le charme de Nina. Certains n'apprirent pas la
nouvelle avec joie.
Ce fut le cas de Louis, son ami de faculté. Il cacha son désarroi quand elle lui annonça son
prochain mariage et fit bonne figure quand elle lui présenta Geoffroy.
Ce n’était pas la première fois. Mais quand il l'invita pour une dernière danse, ils dégagèrent
aux vues de tous, une forte complicité.
Sylvain, témoin de la scène, alla vers Nina après que Louis l'ait prise dans ses bras à la fin
de la danse et l'amenant à l'écart lui dit :

— Tu es sûre que tu veux te marier ?


Nina lui sourit comprenant immédiatement que la danse n'était pas passée inaperçue
— Oui, pourquoi ?
— Louis ? Geoffroy n'a rien vu, rassure- toi, il allume tes bougies
Nina sourit
— On a tous un passé, c'était notre façon de nous dire au revoir avec Louis
— tu es sûre que ce n'était pas un « à très bientôt » ?
— Ce n'était qu'une danse, Sylvain, ça n'est vraiment pas mon genre de jouer sur plusieurs
tableaux. Nous sommes amis depuis longtemps avec Louis.

67
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Parfait, alors mais quelle danse ! Tu m'accordes la même ?

Sylvain n'eut pas le temps d'emmener Nina sur la piste que les lumières, s'éteignirent et
que tous les invités commencèrent à chanter joyeux anniversaire.
Geoffroy précédé de Lara qui le guidait vers Nina, s'approcha avec un énorme gâteau orné
de trente bougies.

— Bon anniversaire poussin d'amour, fais un vœu

Nina prit une inspiration et souffla ses bougies d'un coup, sous les applaudissements.

Elle alla ensuite près du buffet, couper des parts de gâteau, alors que Geoffroy, Lara,
Sylvain, et Stéphanie apportaient aux convives les assiettes.
Après le gâteau, ce fut le moment des cadeaux, Lara avait organisé un cadeau commun et
fait passer discrètement une grande carte message pendant la soirée, Elle remit à Nina la
cagnotte et la carte avec Geoffroy alors que tous les invités l'entouraient, une coupe de
champagne à la main.
Nina alla ensuite remercier ses invités un à un personnellement. Quand ce fut au tour de
Louis, sa gorge se serra et une émotion émana du bref échange, que Lara ne manqua pas de
remarquer.

Quand Nina vint vers Lara, cette dernière ne put s'empêcher de revenir sur ce dont elle
venait d'être témoin.

- Tu reviens vers les grands châtains clairs aux yeux bleus finalement ?
Ça a toujours été ton genre d'hommes quand on y réfléchit

Nina sourit prise en flagrant délit

- Je fais dans les extrêmes soit les blonds aux yeux bleus soit les bruns aux yeux noirs

En disant cela, elle regarda Geoffroy qui discutait avec Sylvain.

- Tu as pu faire connaissance avec Geoffroy ?


- Nous avons un peu parlé se contenta de dire Lara sans grande conviction
- Et ? La relança Nina
68
IL LUI AVAIT PROMIS…
- Et, il a l'air content de se marier et de fonder une famille
- Et... ? Insista Nina qui voyait bien que son amie prenait sur elle
- Je ne sais pas Nina, quelque chose me gêne avec lui. Tout va trop vite, et tu n'es pas
une poule pondeuse
- Une poule pondeuse ! En voilà une expression
- Je suis maladroite pardon, mais ne va pas trop vite à faire des enfants avec lui quand
même
- Il parle d'enfants pour plaire à sa mère, je le sais bien. On attendra d'être mariés
d'abord et un peu après sans doute, que je sois sûre, car une fois qu'il y a des enfants,
tu es liée à vie à l'autre.
- En parlant de lien à vie, et de châtains aux yeux bleus quand comptes-tu prévenir
Axel ?

Nina en entendant ce prénom tout droit sorti du passé, blêmit et accusa le choc quelques
secondes.

- Je lui ferai parvenir un faire-part


- Et c'est tout ?
- Oui, c'est tout Lara, et je ne souhaite plus en parler

Nina s’éloigna décomposée.

La fin de la soirée se passa sans qu’elle y assiste vraiment. Elle imaginait parfois Axel
interrompre la cérémonie du mariage au moment de l’échange des vœux et elle ne pouvait
pas nier que quelque part, elle ne l’espérait pas, un peu au fond d’elle-même.

*
Geoffroy avait pu constater que Nina plaisait énormément. Cela le flattait d'autant plus que
c'était lui finalement qui se fiançait avec elle et qui gagnait contre tous ces pseudo
prétendants, qu'elle avait pu lui présenter à sa soirée d'anniversaire.
En rentrant au petit matin il lui avait fait l'amour pour la posséder. Ils n'avaient rien à leur
envier. Il raflait la mise et s'en félicitait chaque jour.
La chance lui souriait, pas de bague de fiançailles à débourser. Madame Giredet confia avoir
une bague de famille à lui remettre.
Profiteur jusqu’au bout, il sauta sur l’occasion, évitant d’ouvrir son portefeuille. Les
fiançailles auraient lieu en décembre avec les deux familles d'ici là, les choses s’arrangeraient
sûrement.

69
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nina vint à son bureau pour lui présenter de nouveaux candidats pour les différents postes
à pourvoir.
Il se présenta arrogant et prétentieux abusant de sa posture :

— j'ai quarante ans, j'ai fait Sciences Po....

Ils avaient après l'entretien continué de bomber le torse, en amenant Nina auprès de son
adjoint Alain comme un trophée.
Fièrement il l'avait alors présenté cette fois comme sa fiancée annonçant à ce dernier le
futur mariage.
Une fois Nina partie Alain dit à Geoffroy

— Je ne sais où tu l’as trouvé, mais celle- là, il faut la garder

Alain et Yannick sa directrice commerciale devirent pour Geoffroy, plus que de simples
collègues de bureau.
Avec eux il trouvait la chaleur qui lui manquait dans sa famille. Le souvenir du dernier
déjeuner lui revint tout à coup en mémoire.
Nina allait finir par ouvrir les yeux et le quitter.
Il fallait qu'il réagisse, qu'il tente d'améliorer les choses. Il prit son téléphone et se décida à
appeler ses parents.
Sa mère décrocha.

— Bonjour maman, c'est Geoffroy


— Bonjour Geoffroy

Premier échange froid et distant, mais pourquoi en aurait-il été autrement ?


Après l'échange des banalités d'usage, Geoffroy en vint à l'objet de son appel.

— Après le fiasco du dernier déjeuner, j'aimerais de nouveau que l'on se voit tous
ensemble, pour essayer de repartir sur de nouvelles bases
— Je ne vois pas pourquoi. Cette fille n'est pas pour toi.
— Cette fille s'appelle Nina, et elle va être ma femme. Pourquoi ne peux-tu pas te réjouir
pour moi pour une fois ?
— Nous ne sommes pas du même milieu

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IL LUI AVAIT PROMIS…
— Et alors ?
— Rien de bon n'en sortira

Geoffroy faillit bondir de colère quand son père saisit le téléphone

— Ta mère est excessive, elle se fait du souci


— Oui, au lieu de se réjouir pour moi, elle se fait du souci
— Geoffroy, tu ne peux pas nier que les choses vont très vite
— Et alors ? Je suis sûr de moi. Pourquoi faudrait-il attendre ?
Vous ne voulez pas des petits enfants ?
Vous ne voulez pas un peu de vie dans notre famille ?
— Si bien sûr
— Alors ? Donnez-moi une chance au moins
— Qu'est- ce que tu veux ?
— Un autre déjeuner, et cette fois vous vous tiendrez bien

Au même instant, le portable de Geoffroy bipa, il avait un autre appel, il regarda, c'était
Julie

— Je vais voir avec ta mère reprit son père


— C'est tout vu, nous viendrons dimanche prochain. Je te laisse organiser ça, je dois partir
en réunion. Au revoir

Il raccrocha, son téléphone ne bipait plus.


Il en profita pour appeler Nina

— Poussin d'amour, j'ai appelé mes parents, nous sommes invités à déjeuner ce week-end,
je suis certain que l'accueil sera meilleur cette fois
— ce week-end ? répéta Nina franchement pas emballée
— quel enthousiasme !

Le téléphone de Geoffroy se remit à biper, son ex visiblement chercher à le joindre avec


insistance

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IL LUI AVAIT PROMIS…
— je ne peux pas dire que cela m'enchante de retourner voir tes parents
— il faut bien que les choses s'arrangent. Ils restent ma famille
— certes répondit Nina qui semblait faire autre chose en même temps
— que fais-tu aujourd'hui ?
— je vois un nouveau client, je prépare le rendez-vous, en fin de journée, je risque de
rentrer tard et toi ?
— je vais partir en réunion au 106

Le 106 était le lieu où se trouvait l'administratif de la société dans laquelle Geoffroy


travaillait, plus loin dans la même rue, le siège restait facile d'accès.
Son téléphone bipa de nouveau, décidément Julie ne le lâchait pas aujourd'hui, il allait bien
falloir lui répondre.

Il termina la conversation avec Nina, le bip avait cessé, il partit donc à sa réunion. Il
trouverait bien un moment pour la rappeler ultérieurement.

Finalement la journée était passée à toute allure, Geoffroy n'avait pas arrêté, il avait à peine
trouvé un instant pour rappeler Julie mais sans pour autant réussir à la joindre.
Il faudrait bien la joindre discrètement sans que personne ne le sache.
Il avait quitté le bureau et arrivait à Vincennes quand elle appela de nouveau. Comme le
métro était à dix minutes de l'appartement et que Nina rentrait tard, il décrocha.
La conversation l'amena au seuil de la porte, convaincu que Nina ne s’y trouvait pas, il
entra, le combiné à l'oreille continuant à parler à Julie.

— Oui, je te dirai

A sa grande surprise. Il tomba nez à nez sur Nina en disant ces mots.
Il masqua son étonnement se donnant une contenance, il était à deux doigts de se faire
prendre, il fallait la jouer fine. Il écourta la conversation, répondant à peine, par onomatopées
tout en fixant Nina, qui resta devant lui.

— Je te laisse... Bonne soirée

Il sentit qu'il s’était trahi mais tenta de faire comme si de rien n'était en embrassant Nina
et lui disant

72
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Bonsoir Poussin d'amour, tu es rentrée tôt finalement

— Oui, mon rendez- vous a été avancé


— Ça s'est bien passé ?
— Oui, j'ai plusieurs postes
Et toi, avec qui parlais tu ?

Désarçonné par la question, pensant qu'il avait réussi à faire diversion, il appliqua sa bonne
vieille méthode du mensonge qui devait toujours contenir un bout de vérité

— C'était mon ex
— Ton ex ? Encore ? Qu’est- ce qu’elle veut ?
— Elle me harcèle
— Toujours ? Depuis la scène dans la voiture ?
— Elle a fait une tentative de suicide, alors, je lui réponds au téléphone quand elle appelle
Et elle me harcèle

Nina se ferma, elle ne dit rien et son silence pesa plus que les mots, qu'elle aurait dû
prononcer.

— Tu es mon poussin d'amour, ne t'en fais pas tout va s'arranger dit Geoffroy en prenant
Nina dans ses bras, se voulant protecteur
Fais-moi confiance, je vais lui parler et elle ne nous embêtera plus.

— Entre tes parents et ton ex, tu es sûr que tu veux te marier ?

— Bien sûr, je veux me marier avec toi, plus que tout, je t'aime comme un fou. Ne t'inquiète
pas, je vais tout arranger.

La nuit venue, Geoffroy fit l'amour à Nina, il la désirait comme au premier jour, il aimait son
corps, sa peau, tout chez elle. Il lui murmura pendant l'étreinte l'idée de faire un bébé, là
maintenant, sans attendre, mais Nina prenait la pilule et ne semblait pas décidé à l'arrêter
avant le mariage.
*

73
IL LUI AVAIT PROMIS…
Yves Billon calma sa femme Henriette. Elle devrait se montrer plus chaleureuse moins
revêche lors du déjeuner à venir.
Certes Nina incarnait la parisienne snobe mais leur fils allait se marier et s'équilibrer avec
elle. Ce serait comme avec Bertrand et Caroline, un couple uni, la maladie en moins et les
enfants en plus.
Henriette avait fini par se laisser convaincre, elle laisserait une chance à Nina, après tout
Caroline avait semblé l'apprécier et que pouvait-il arriver de pire que la maladie de Caroline ?
Nina était en bonne santé, jolie. Un souffle de gaieté dans la famille qui n'en avait pas connu
depuis longtemps.
Au pire, si ça ne fonctionnait pas, les enfants seraient là pour la vie, eux.
Caroline et Bertrand arrivèrent en premier alors qu'Henriette finissait de tout mettre en
ordre.
Toujours ravie et transportée de voir Bertrand et Caroline.
Caroline belle fille idéale, correspondait parfaitement à Bertrand. Nina ne lui arriverait
jamais à la cheville.
Elle ne put s'empêcher de repartir dans ses pensées négatives et ses appréhensions.
Caroline le remarqua et alors que Bertrand et son père échangeaient dans le salon, elle
rejoignit Henriette dans la cuisine.

— Tout va bien Henriette ?


— J'appréhende ce déjeuner. Je ne suis pas à l'aise avec cette fille.

Elle avait pris du pain, qu'elle coupait nerveusement

— Elle est pourtant charmante, qu'est- ce qui vous gêne ?


— Cela va trop vite. J'essaye de prendre sur moi, mais...
Elle fondit en larmes n'en pouvant plus de se retenir.
Caroline la prit dans ses bras

— Vous exagérez un peu Henriette, un mariage reste un événement heureux Geoffroy a


l'air comblé, vous devriez vous réjouir pour lui.
Nina est belle en bonne santé, ce n'est que du bonheur

— Je sais, c'est ce que me dit Yves également mais elle n'est pas comme nous, ni comme
vous...
— C'est plutôt une bonne chose de ne pas être comme moi.

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IL LUI AVAIT PROMIS…
— Vous savez très bien ce que je veux dire, elle n'a pas votre simplicité. Elle n'est pas
assortie à Geoffroy
— il y a bien des couples, qui ne sont pas assortis, regardez Jane Birkin et Serge Gainsbourg.
Pour le reste je lui ai parlé la dernière fois et elle n'est pas désagréable. Bien au contraire.
Essayez d’apprendre à la connaître, ça ne coûte rien

À ces mots la sonnette retentit, Geoffroy et Nina arrivèrent, et Caroline entraîna sa belle-
mère pour les accueillir.

Caroline poussa Henriette vers Nina pour récupérer les fleurs qu’elle portait.
Henriette la remercia et lui proposa de s'asseoir.
Caroline se mit à côté d'elle, essaya de détendre l'atmosphère.
Nina restait mal à l'aise.
Yves ouvrit du champagne pour apaiser le groupe.
Henriette revint avec les fleurs mises dans un vase, ne sachant pas comment enchaîner.
Caroline prit l'initiative de porter un toast

— À ce beau et bon déjeuner

Tout le monde trinqua. Nina se rassit alors que de nouveau le silence s'instaurait.

— Comment s'est passé ta votre semaine demanda Caroline au couple

Geoffroy répondit, principalement sur sa semaine de travail.


Bertrand continua sur des anecdotes d’inspecteur des impôts qui passionnèrent Henriette.

— Et vous Caroline, votre travail ?

Caroline travaillait essaya de détendre l'ambiance narrant d’autres péripéties sans réel
succès.

— Nous pouvons passer à table dit Henriette quand les coupes furent vides.

Nina s'assit à côté de Geoffroy toujours, silencieuse.

75
IL LUI AVAIT PROMIS…
Pendant un. long moment la discussion tourna autour de Caroline et Bertrand, sans prêter
attention ni à Nina ni à Geoffroy.

Arrivés à la fin du plat principal, Caroline osa orienter la conversation sur les deux convives
laissés de côté jusque lors.

— Avez-vous pu avancer sur les préparatifs du mariage ?

Geoffroy répondit
— Oui, nous avons les dates et le lieu.
Ce sera le 26 juin pour le mariage civil et le 11 septembre pour le mariage religieux dans un
Palace
— Un palace ? reprit Bertrand sur un ton sarcastique
— Des chambres pourront être réservées pour les invités ne résidant pas à Paris.
Il y a aussi une piscine intérieure.
Le palace se trouve en face du jardin des Tuileries ce qui rendra votre séjour fort
agréable, Intervint enfin Nina
Ma mère aimerait également vous inviter à déjeuner début décembre pour vous rencontrer
et organiser les fiançailles en janvier ou février
— Et bien cela fait beaucoup dit Henriette avant de se lever pour commencer à
débarrasser, semblant de nouveau retournée

Caroline la suivit dans la cuisine faisant signe à Nina de la laisser faire.

Tout le monde regarda les deux femmes se retirer.


Geoffroy prit la main de Nina. La colère montait.

— Tiens Nina, je te resserre un peu de vin dit Bertrand pour détendre l’atmosphère
-- Quel enthousiasme ! Éructa Geoffroy,
On peut s'en aller aussi, si à chaque fois c'est comme ça
— Maman a besoin d'un peu de temps, calme toi Geoffroy reprit son père
— Qu'elle prenne tout son temps
Elle n'a qu'à rester dans sa cuisine aussi tant qu'on y est
Viens Nina, on s'en va.
Vous n'aurez qu'à m'appeler quand vous serez prêts à vous réjouir pour nous.

76
IL LUI AVAIT PROMIS…

Et ils partirent, sans écouter les vaines tentatives pour les faire rester ou se calmer de la
part d'Yves et Bertrand.
Geoffroy fit monter Nina dans la voiture à toute hâte et démarra en trombe furieux.

Henriette sortit de la maison et eut juste le temps de voir la voiture s'éloigner. Elle n'avait
pas réussi à prendre sur elle et à arranger les choses.

*
Nina apprécia que Geoffroy prenne sa défense chez ses parents à Orléans. Triste pour lui,
qu’il ne connaisse pas la joie d’avoir une famille aimante.
Ce dernier était sorti très blessé du déjeuner, ce qui avait donné envie à Nina de le protéger,
de l’apaiser.

— Ma famille sera ta famille désormais… lui avait-elle dit en le réconfortant le soir

Puis, ils avaient fait l’amour comme pour s’unir encore plus contre l’adversité. Nina savait
que les mauvaises relations entre mère et fils pouvaient être terriblement destructrices.
De nouveau il émit l’idée de faire un enfant tout de suite. Cela aiderait selon lui à ce que sa
famille l’accepte.
Mais on ne fait pas un enfant pour cette raison et Nina refusa catégoriquement.
Lara tomba juste à la soirée en employant le terme « poule pondeuse »
Pendant la nuit, Nina dormit d’un sommeil agité.
Elle voulut tenter d’apaiser les choses.
Une idée la traversa comme une suggestion venue tout droit des songes, de son
subconscient : Venise
Venise, la ville des amoureux, pourquoi ne pas faire la surprise à Geoffroy de se fiancer là-
bas, tous le deux ?
Elle connaissait Florence…
Florence, elle y avait été tellement heureuse, plusieurs années auparavant.
Venise ferait de même.
L’Italie symbolisait pour elle tant de choses.
Des moments forts et intenses, des souvenirs indestructibles. C’était le pays où toutes les
émotions explosaient, où les sentiments se libéraient.
Elle somnola toute la nuit sur cette idée, sur ses souvenirs, se tournant et se retournant
auprès de Geoffroy, qui lui dormait à points fermés.

77
IL LUI AVAIT PROMIS…
Le lundi matin, Nina attendit que Geoffroy soit parti travailler, et se précipita sur son
ordinateur pour mettre en pratique l’idée qui avait germé pendant la nuit.
Quel hôtel choisir ? Le Danieli, ce qui se faisait de mieux, à deux pas de la place Saint Marc,
du pont des soupirs, elle alla sur le site regarder les disponibilités.
Novembre apparut comme une période intéressante, avec les préparatifs de Noël, en plein
hiver, la ville serait à son avantage, et ils échapperaient à l’affluence des touristes.
Du 30 novembre au 4 décembre, elle alla regarder les compagnies aériennes, réussit à
trouver des billets pour une arrivée en matinée et un départ en soirée, c’était parfait. Elle
envoya un mail à Geoffroy énigmatique

— Peux-tu te rendre disponible du 30 novembre au 4 décembre pour une surprise ?


La réponse ne tarda pas à arriver
— Toujours partant pour les surprises avec toi

Après ce court échange énigmatique, Nina effectua sa réservation.


Transportée à l’idée de cette future escapade, elle alla ensuite se doucher et s’habiller
avant de monter chez ses parents pour tout raconter à sa mère et prendre des nouvelles de
son père.
Quand elle entra, elle trouva ce dernier qui faisait les cents pas, dans l’appartement.
Madame Giredet ne fut pas longue à venir accueillir sa fille, et Nina alla embrasser son père
en le faisant s’asseoir quelques instants dans le canapé du salon, pour qu’il s’arrête de
déambuler.
Il écouta les échanges entre Nina et sa mère avant d’interrompre la conversation et de
demander :

— Tu peux me ramener chez moi ?


— C’est chez toi ici papa
— Non, ce n’est pas chez moi, ici
J’habite cours de Vincennes

Monsieur Giredet habitait cours de Vincennes, quand il était petit avec sa mère.
Une des premières femmes dentiste de l’époque.
Son cabinet se situait dans l’appartement qu’elle occupait avec son fils.
Elle pratiquait tout en surveillant le bon déroulement de sa scolarité.
La mémoire d’Henri aujourd’hui se focalisait sur son enfance. Nina se doutait que pour son
père désormais elle n’existait plus en tant qu’enfant.

78
IL LUI AVAIT PROMIS…
Parfois il la regarder sans sembler la reconnaître, et quand elle lui rappeler
- Je suis Nina, papa ta fille
Au mieux il répondait :
- Tu as grandi, la revoyant sans doute sous ses traits de fillette
Ou
- Je sais que tu es Nina
Ne sachant plus vraiment qui elle était.
Mais elle existait toujours pour lui et c’est ce qui comptait.

— Je vais t’amener, lui répondit-elle, je parle un peu avec maman, et puis on y va

Ces quelques mots apaisèrent immédiatement Henri qui se calma quelques instants, avant
d’oublier ce que sa fille venait de lui dire, de se relever,et de retourner faire les cents pas, en
demandant à chaque fois qu’il revenait dans le salon, si Nina pouvait le raccompagner chez
lui.
Cette dernière continua de lui répondre qu’ils allaient y aller dans quelques instants.
Entre deux, Nina raconta à sa mère le déjeuner chaotique dans la famille de Geoffroy, et
son idée de partir quelques jours à Venise.

— C’est une excellente idée, je donnerai la bague à Geoffroy, et vous pourrez vous fiancer
tous les deux, en oubliant cette horrible famille.
Ton père m’avait donné ma bague, dans le lit !
Après, j’étais rentrée à la maison toute fière et j’avais montré mon doigt à Grand papa et
Grand maman, en disant je suis fiancée !

Se remémorant cet instant, Madame Giredet regarda son mari déambuler.


Cela lui parut si loin. Une éternité
Mais elle chérissait tous les moments passés avec son mari. Ils restaient dans sa mémoire
comme des trésors, qui la réconfortaient et l’accompagnaient aujourd’hui.

— On fera quand même le déjeuner avec les familles ? demanda Nina


— Oui, répondit sa mère, celui de présentation et en fonction celui des fiançailles.
Mais quoi qu’il se passe, vous vous serez fiancés tous les deux et garderait un beau souvenir
sans être pollués par l’aigreur de ta belle-mère.
Et on fêtera ça une nouvelle fois, avec ou sans eux, selon l’évolution de la situation.

79
IL LUI AVAIT PROMIS…

Nina se sentit plus légère à cette idée.


Rassurée et enjouée, elle se prépara à emmener son père faire un tour en voiture, sur le
cours de Vincennes.
L’immeuble était facile pour les personnes handicapées.
Un immense ascenseur menait au parking, il fallut juste aider Henri à monter dans la
voiture, puis Nina sortit sans problème avec son père.
Elle baissa un peu la vitre, pour qu’il n’ait pas chaud, et prit la direction souhaitée.
Monsieur Giredet, semblait heureux, il ne parlait pas, mais profitait du moment, et
regardait par la fenêtre.
Une fois sur place, il réalisa qu’il n’avait pas les clés pour rentrer dans son ancien
appartement, et peut-être également que plus grand-chose ne ressemblait à ses souvenirs.
Mais il ne dit rien et se contenta de cette parenthèse sur les traces de son passé.
Quand Nina le ramena, il avait déjà tout oublié.

*
Le jour du départ arriva. Geoffroy brûlait d'impatience de connaître la destination et se
réjouissait de partir quelques jours avec Nina.
Geoffroy en profiterait pour remplacer sa pilule par un placebo, afin de la faire tomber
enceinte le plus rapidement possible.
De cette façon, elle ne pourrait plus lui échapper et l’enfant lui permettrait enfin d’être
aimé par sa mère, d’être accepté et reconnu par les siens.
Elle le refusait, il lui prendrait. Et obtiendrait ce qu’il voulait.
En attendant, il allait se montrer charmant et l’amadouer pour qu’elle ne se doute de rien.
Elle organisait des voyages à ses frais, parfait ! Il adorait vivre la vie de château à ses
crochets.
— Poussin d'amour, le taxi ne va pas tarder, tu ne veux toujours pas me dire où nous
partons ? Quel terminal ?
— Puisque tu ne vas pas tarder à le savoir, voici un indice, écoute...

Et Nina mit un CD, les notes et les paroles entraînantes de la chanson de Lillicub envahirent
bientôt la pièce :

Faire une virée à deux


Tous les deux sur les chemins
Dans ton automobile

80
IL LUI AVAIT PROMIS…
Tous les deux on sera bien
Et dans le ciel il y aura des étoiles
Et du soleil quand on mettra les voiles
S'en aller tous les deux
Dans le sud de l'Italie
Et voir la vie en bleu
Tout jouer sur un pari
Toute la nuit danser le calypso
Dans un dancing avec vue sur l'Arno
Au milieu de la nuit en catimini
E va la nave va la douce vie
On s'en ira toute la vie
Danser le calypso en Italie
Et boire allegretto ma non troppo
Du Campari quand Paris est à l'eau […]

Geoffroy avait pris Nina dans ses bras ondulant sur la musique avec elle.
Alors qu'il découvrait les paroles, il comprit...

— Venise ? On va à Venise ? Murmura-t-il à l'oreille de Nina


— Oui, se contenta-t-elle de répondre, toujours dans ses bras en le regardant

Satisfait, il l'embrassa.

Son portable retentit le taxi les attendait.

Durant le vol, Geoffroy apprit qu’il séjournerait au Danieli.


Royal !
Il pourrait l’engrosser dans un environnement luxueux…
L’arrivée à Venise se fit dans la grisaille. Pour rejoindre le centre de Venise, il était possible
de prendre une vedette, ou d’y aller à pied. Geoffroy opta pour cette solution. Moins il
dépenserait, mieux ce serait.
Nina n’apprécia pas vraiment cette attitude. Mais la beauté de Venise balaya ses
impressions négatives.

81
IL LUI AVAIT PROMIS…
Le couple arriva enfin au Danieli, palace de rêve à la hauteur tout ce qu’ils espéraient.
Une fois l’enregistrement fait, un groom les accompagna à leur chambre. Des lustres en
verre de Murano, ornaient les plafonds, il faisait bon de s’y abandonner.
Un temps de repos suivi l’arrivée du couple. Ils s’allongèrent l’un près de l’autre sur le grand
lit, collés.
Geoffroy mit à exécution son plan. Il échangea les comprimés dans la boîte de pilule et prit
Nina aussi souvent qu’il le pouvait.
Il n’avait pas à beaucoup se forcer. La ville elle-même devint sa complice, en se parant
quelques jours après leur arrivée des décorations de Noël.
Le séjour passa comme un rêve éveillé.
Photos sur la place Saint Marc, pont des soupirs, visites dans les musées, tours sur les
vaporettos, balades dans les rues, découvertes des palais vénitiens…
Geoffroy se gavait lors du petit déjeuner pour ainsi échapper au déjeuner et n’avoir qu’à
payer les dîners.
Ce côté mesquin insupporta Nina.
Alors il redoubla d’adresse et de manipulation pour rendre cette journée inoubliable.
Lorsqu’ils visitèrent une verrerie à Murano, il se fendit de lui offrir un vase.
Ils en profitèrent également pour faire les cadeaux de noël pour les familles et amis. Si Nina
souhaitait faire plaisir à ses proches, lui n’y voyait qu’une occasion de les impressionner.
Il achèterait l’affection de sa mère en attendant de lui offrir un héritier.
Et le soir, pour les fiançailles il réserva au restaurant du Danieli. La vue panoramique ne
pourrait que l’aider à envouter Nina.
Il la fit boire, se fit charmeur et charmant, pour que Nina s’abandonne à lui complétement,
entièrement, qu’elle soit à sa merci.
De retour dans la chambre Il la prit plusieurs fois dans le but unique qu’elle tombe enceinte
le plus rapidement possible.

82
IL LUI AVAIT PROMIS…
Sans drame, sans larmes
Pauvres et dérisoires armes
Parce qu’il est des douleurs qui ne pleurent qu’à l’intérieur
Puisque ta maison
Aujourd’hui c’est l’horizon
Dans ton exil essaie d’apprendre à revenir
Mais pas trop tard
Jean Jacques Goldman, Puisque tu pars

Axel ne voyait plus Nina en passant devant l’auto-école, ses cours reprirent à l'université et
elle était moins présente.
Il se mit à ses maths et ses devoirs se donnant pour objectif de la contacter en fin de
journée. Il avait pu noter ses nouveaux horaires, ce qui lui permettait de la retrouver souvent
le soir, parfois plus rarement en journée à l'auto-école.
Elle portait sa bague tous les jours, et lui sa montre.
Le mois d'octobre était bien entamé, tous les deux continuaient de se découvrir, de
s'apprivoiser en même temps.
Un week-end, ils s'étaient promenés en amoureux à l'île Saint Louis.
Une jolie vitrine présentait des miniatures symboliques de la vie parisienne, peintes à la
main comme des immeubles haussmanniens, kiosques, lampadaires, figurines qui peuplaient
les scènes ainsi créées.
Axel avait aimé ces miniatures en les voyant, et Nina était revenue le lundi pour lui
composer et lui offrir une scène unique inventée par ses soins.
Quelle n'avait pas été sa surprise, quand il l’invita chez lui et découvrit nombreux petits
paquets.
Ce soir-là, Axel avait pu présenter sa mère France, à Nina, et plus tard son père dans le hall
d'entrée.
Les rapports entre les parents d'Axel devenaient très tendus. Les disputes violentes
ravageaient chaque jour un peu plus la vie de famille qui volait en éclat.
Le père d'Axel se contenait plus que sa mère, travaillant dans une banque, il en avait pris
le détachement que l'activité exige.
Il rentrait de moins en moins, sans doute avait-il quelqu'un. Sa mère quant à elle, le vivait
très mal. Plus sensible, épouse avant d'être mère, elle voyait son couple, sa famille, son foyer
exploser et cela la détruisait.

83
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle se réfugiait dans son travail, mais parfois quand cela ne suffisait pas à son mal être
croissant, elle ne se contrôlait plus.
Un soir, une dispute éclata, Axel tenta de consoler sa mère

— Ne t'inquiète pas maman, ça va aller.


— Non, ça n'ira pas, comment veux-tu que ça aille avec un fils comme toi ?

Puis de toute sa rage trop longtemps contenue, elle se rendit dans la chambre d'Axel,
détruisit la scène parisienne, précieuses reliques qui ornaient les étagères de son fils. Si elle
voyait son bonheur partir en éclat, il en serait de même pour celui de son fils.

Axel pour ne pas sombrer se raccrochait à ce qu'il pouvait.


Les mathématiques, son piano, et Nina, son autre, son double.
Elle le fascinait, l'envoutait, l'apaisait.
Il chérissait chaque moment passé avec elle comme un trésor.
Elle le surprenait et lui changer les idées. Un soir, elle lui offrit Marie Claude Pietragalla à
l'Opéra de Paris.
Une autre fois ils sortirent avec Damien et Hélène au théâtre. L'ambiance resta pesante.
Damien parla peu comme à son habitude contrairement à Hélène qui ne pouvait s'empêcher
de monopoliser l'attention. Tous les deux formaient un couple improbable, qui ne s'inscrirait
sans doute pas dans la durée.
Dix-huit heures venaient de s'affichaient sur sa montre de l'ingénieur, il était temps de
l'appeler.
Après trois sonneries, la douce voix de Nina résonna dans le combiné, et Axel exista de
nouveau.
— Allo Auto-école Williams
— À l’huile
— Coucou toi
— Coucou ma douce, comment vas-tu ?
— Je ne comprends rien aux tests de logique
— Les tests de logique ?
— Oui, on les a vus en cours, pour nous entraîner, il paraît que les entreprises les utilisent
lors de certains entretiens… Et je suis nulle
— Tu es tout sauf nulle
— Plus la comptabilité où je galère… Cette année s’annonce mal
— Je suis sûr que tu vas y arriver, comme toujours !

84
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Tu viens faire la fête tout à l’heure ?
— La petite fête pour les codes et permis de Lara, Hélène et Justine ? oui bien sûr, j’allais
me mettre en route
— Il y a des gens qui rentrent, à tout de suite alors, je te ferai les tests de logique
— À tout de suite, je te retourne un coin de ta moquette

Axel entendit Nina rire à sa façon originale de ne pas finir leurs conversations téléphoniques
par je t’embrasse, puisqu’elle n’aimait pas ça, avant de raccrocher, lui-même souriait. Il
déboucha le petit flacon qu’elle lui avait donné le jours de leurs fiançailles, qui contenait son
parfum, il le respira longuement et profondément. Il finit par le reboucher, alla se préparer
avant de se mettre en route pour l’auto-école.

*
Nina eu le temps de renseigner des prospects, une mère venue avec son fils. Puis elle sortit
les tests qui la torturaient tant. Elle restait sceptique sur le fait d’être logique. Elle se savait
plus artiste.
Alors qu’elle regardait les feuilles, Axel entra.
Il portait un long manteau et sourit en voyant Nina si concentrée.

Axel enleva son manteau et s’installa en face d’elle


— Fais voir un peu ces tests

Nina lui passa le jeu de tests qu’elle avait entre les mains. Axel prit un crayon de papier et
commença à les faire. A une vitesse considérable, il enchaîna tous les exercices, et les termina
en un temps record.

— Tiens voilà, dit-il en tendant les feuilles à Nina


— Incroyable, tu as fait ça avec une telle vitesse et facilité

Nina compara les feuilles avec les corrigés

Elle fut stupéfaite, tout était juste.

— Hallucinant tout est juste ! comment as-tu fait ?


— Je n’en sais rien, j’ai trouvé cela facile
J’ai une mémoire photographique, j’intègre très rapidement les informations
85
IL LUI AVAIT PROMIS…

Sur ces mots, Hélène, Justine, Lara et Damien entrèrent dans la boutique.

— Bonsoir, Bonsoir lança Hélène, qu’est-ce que vous faites de beau ?


— Axel excelle aux tests de logique
Nina tendit les feuilles au groupe, qui se plongea dedans

Le code se terminait, Nina se leva, et rentra dans la salle, pour débriefer sur la séance, avec
les élèves présents.
Rien de spécial, à demander ni à ajouter, les élèves remirent en place les tablettes et
crayons, avant de saluer Nina poliment et de sortir, sans passer par le bureau.
Nina rembobina la cassette, puis la rangea dans le meuble avant de revenir dans le bureau.
Le groupe s’était réparti tests et se creusait la tête pour les réaliser.

— Quelle galère ce truc dit l’un


— Je n’y comprends rien dit l’autre
— Si on doit passer ça pour se faire embaucher, on ne trouvera jamais de travail
— Même le bac est plus simple
— Bon allez, nous sommes là pour faire la fête reprit Hélène... pas pour se prendre la tête
— Bien dit, lança, William qui venait de rentrer

Ce soir-là à l’auto-école, une ambiance de fête régna et tout le monde en profita.

*
L’hiver s’installa et avec lui les journées courtes et froides.
Axel ne vit pas beaucoup Nina pendant les fêtes. Cependant, ils réussirent à se retrouver
un court instant le 25 décembre pour fêter Noël ensemble.
Pour la nouvelle année, ils se virent le 1er janvier, se promenèrent à Montmartre et
échangèrent leurs nouvelles résolutions.
Obtenir chacun leur diplôme, le bac pour Axel, le Deug pour Nina. Axel osa se bien plus loin,
dans le temps, écrivant sur un bout de nappe en papier du piano bar dans lequel ils se
réchauffaient :

— Je veux un bébé de toi


— Là maintenant plaisanta-t-elle ?

86
IL LUI AVAIT PROMIS…
Pour la première fois Nina évoqua le sexe, mais il évita le sujet.
Le piano joua plus fort
— Non pas maintenant
Nina se demandait si Axel la toucherait un jour. Il la regardait comme une déesse qu’il
adorait et vénérait. Il ne manifestait jamais de désir d’aller plus loin. Comme si le
rapprochement charnel lui faisait peur. Peut-être n’avait-il pas encore connu de femmes ?
Nina en la matière ne possédait qu’une seule expérience. Elle avait fait l’amour, passé le cap
de la première fois. En Provence, l’année de la dispute avec son père, avec un jeune homme
gentil, plus âgé qu’elle connaissait et don elle était sûre qu’il ne lui briserait pas le cœur. Elle
l’avait bien aimé mais pas aimé tout court. Et puis il était parti à l’étranger et ils s’étaient
séparés sans pleurs, ni larmes.
Elle revint dans la conversation, entendant Axel ajouter :
— Je ne souhaite pas faire vivre à notre enfant, ce que je vis chez moi, avec mes parents.
Notre enfant, aura des parents qui l’aimeront et qui s’aimeront, un foyer uni.
— Les fêtes ont été si dures chez toi ? demanda Nina, en prenant les mains d’Axel dans le
siennes
— Oh, comme d’habitude, mon père absent et ma mère qui a mal, et qui est mal,
Il se força à sourire, mais ses yeux ne suivirent pas son intention.

Nina resserra ses mains autour des siennes, essayant comme par magie, de prendre toute
sa tristesse. Cela ne sembla pas être suffisant pour soulager Axel, alors Nina sortit paquet de
son sac et le tendit à Axel

— Tiens, un petit cadeau du Père Noël

Les yeux d’Axel se rallumèrent à cet instant. La curiosité prit le dessus sur sa mélancolie. Il
ouvrit une boîte d’une maison de luxe et découvrit un superbe briquet, devenu un standard
de la marque anglaise.

— L’incontournable… dit-il ému


Merci, il est magnifique
— Comme tu dis l’incontournable… il te le fallait
— Une bonne excuse pour continuer de fumer.
J’ai aussi quelque chose pour toi
Il tira un paquet de la poche de son manteau

87
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nina l’ouvrit en un instant, elle découvrit, une voiture miniature sous verre, une coccinelle
cabriolet, noire, capote beige, intérieure rouge. Elle adorait les coccinelles, et souhaitait un
jour en avoir une. Elle confiait à Axel chaque fois qu’ils en croisaient une, lors des tours de
Paris en voiture.

— En attendant la vraie, dit-il


— Je n’ai plus qu’à l’arroser tous les jours et attendre qu’elle grandisse.
— Il paraît que Volkswagen va relancer les coccinelles
— C’est vrai ?
— Oui, tu pourras avoir une version moderne
— Oui, j’aurais ma coccinelle, tu verras
— Je n’en doute pas, et j’espère monter dedans avec nos enfants

Le reste de la soirée dans le piano bar de Montmartre continua sur des projets d’avenir
heureux, le futur qu’ils imaginaient se construire ensemble

En rentrant Axel se mit à son bureau et dans le silence de la nuit écrivit :

Nina,

Les mots succèdent aux maux et la raison remet l’amour dans le droit chemin. Cet amour
vrai qui fait comprendre pas mal de choses. Aujourd’hui encore une fois j’ai compris et cela me
change et me fait t’aimer mieux.
Rien qui ne tombe du ciel n’est tout de suite idéal et c’est pourquoi maintenant je sais, et je
serai :
Je serai le silence quand tu ne voudras plus de bruit, je serai ta lumière qui brille même
derrière les nuages, je serai le gardien de tes angoisses les plus secrètes, je serai tes larmes
quand tu ne voudras pas pleurer, je serai la nuit quand tu ne pourras dormir et je serai ta voix
pour me dire je t’aime.
Je serai encore mille choses que tu ne sauras même pas.
Confie-moi tes faiblesses et j’en ferai des forces, confie-moi ton âme et nous n’en ferons
qu’une. Je t’aime plus que tout.

Axel

88
IL LUI AVAIT PROMIS…
Satisfait de sa lettre, il voulut sans attendre la déposer dans la boîte aux lettres de Nina. Il
la mit sous enveloppe, remit son manteau, sortit, démarra la voiture.

*
Le mois de mars arriva, bientôt les partiels de mai achèveraient l’année de Deug. Avant
eux, les vacances de Pâques, sonneraient la fin des cours et le début des révisions.
À l’Auto- Ecole, Hélène et Justine venaient d’avoir leur permis. Damien enchaînait les
heures de conduite. Le couple qu’il formait avec Hélène ne dura pas. Séparés d’un commun
accord ils restèrent en bons termes. Hélène se rapprocha alors d’Axel qu’elle considérait
désormais comme son meilleur ami. Cela avait le don de l’agacer, tant elle trouvait qu’Hélène
s’imposait dans son couple par la petite porte. Formait-elle d’ailleurs un couple avec Axel ?
Elle commençait à se poser la question, puisque la relation qu’ils entretenaient, tous les deux,
restait platonique.
Nina essayait de ne pas trop y penser, mais cela l’interrogeait. Axel l’aimait, elle le savait.
Elle aussi tenait à lui, mais leur différence d’âge, ces trois petites années d’écart, continuaient
de les séparer, surtout sur le plan intime. Nina savait, sa mère le lui avait assez répété, que le
sexe, fixe les relations d’un couple. Il ne fallait pas le négliger.
En attendant, les examens approchaient et elle devait trouver une solution pour remonter
sa moyenne en comptabilité. Elle partirait ensuite avec Lara une semaine en Grèce en
vacances, un futur repos bien mérité.
À l’Université, Nina fréquentait très peu de personnes à part Louis, un étudiant devenu un
ami quelle raccompagnait de temps en temps en voiture après les cours d’amphithéâtre.
Le reste du temps, Nina étant plutôt solitaire à l’Université, elle assumait ce choix.
Elle était là pour travailler et non pour se dissiper. La terrible dispute avec son père qui
s’était déroulée quelques années auparavant, lui avait ouvert les yeux. L’année passée avait
été validée avec succès et mention, elle devait continuer sur cette lancée.
A la pause du cours de comptabilité, dans l’amphithéâtre, Louis remarqua la bague de
fiançailles que Nina arborait pourtant depuis des mois. Il resta interloqué, qu’un inconnu se
soit immiscé dans la vie de Nina voie même un peu jaloux.
Il ne le montra pas, changea de sujet enchaînant sur le cours de comptabilité avant que la
pause ne se termine.
Autour d’eux l’amphi s’était vidé, les étudiant majoritairement sortis pour fumer ou
prendre l’air
— Tu comprends quelque chose ?
— En amphi, à peu près par contre en TD, c’est une catastrophe

Tous les deux avaient fait un bac économique, et découvraient la comptabilité pour la
première fois cette année, alors que bon nombre d’étudiants venaient d’un bac technique et
la pratiquait depuis des années.

89
IL LUI AVAIT PROMIS…

— Oui, moi aussi, je côtoie des notes en dessous de la moyenne en TD


— Je connais ça
— Ça ne doit pas te plaire
— Non, vraiment pas.
— Et c’est quoi cette bague de fiançailles que tu portes ?
— Une bague des pré- fiançailles, les vraies seront dans dix ans
— D’ici là, on sera devenu experts comptables ! plaisanta Louis soulagé alors que le
professeur revenait sur l’estrade et que la pause se finissait
Allez, on y retourne, à tout à l’heure, tu peux me ramener ?
— Oui, sans problème

Louis regagna sa place et la pause se termina, alors que la professeure reprenait son micro.
Le trajet du retour permit aux deux étudiants de se détendre un peu. Après le brouha de
l’amphi, le calme dans la voiture faisait du bien.
Nina aimait ce moment, quand elle quittait les bâtiments de la faculté, montait dans sa
voiture, mettait sa musique, tournait la clé de contact et partait.
Elle laissait alors cette sociabilisation imposée pour un moment derrière elle, et retrouvait,
son petit monde, ses pensées, sa vie.
Elle déposait en général Louis en fin de trajet chez sa petite amie, qu’il ne lui avait jamais
présentée, et dont il se gardait bien de parler d’ailleurs.
Comme il descendait à un feu, les aux revoir se passaient toujours très vite et chacun
retournait à sa vie aussi vite que le feu passait du rouge au vert.

*
Axel terminait ses révisions, le bac se rapprochait à grands pas, mais ça ne l’inquiétait pas.
Bientôt il en aurait terminé avec le lycée, une nouvelle vie s’ouvrirait à lui.
Sa vie familiale restait toujours aussi chaotique. Les absences répétées de son père
laissaient sa mère dans un total désarroi. En plus de son travail, elle se réfugiait désormais
dans le sommeil. Sans doute faisait-elle une dépression.
Axel la voyait s’enfoncer chaque jour un peu plus, impuissant. Il écoutait la bande son de
l’Expert, dernier film qu’il vit au cinéma avec Nina, joué par Sharon Stone et Sylvester Stallone.
Cela lui avait fait du bien. Nina, lui faisait du bien dans ce chaos, sa petite lumière dans la
nuit. Damien, ami fidèle, l’invitait souvent chez lui, avec son père qui prenait toujours plaisir à
discuter avec lui, à jouer aux échecs, à lui montrer qu’il faisait partie de la famille plus
équilibrée que la sienne.

90
IL LUI AVAIT PROMIS…
D’ailleurs, il devait se mettre en route, ce soir il dînerait chez Damien et devait le récupérer
à l’auto-école. Il en profiterait pour voir Nina.
La semaine prochaine, ce serait les vacances de Pâques, et elle devrait travailler pour
préparer ses examens. Ils ne se verraient sans doute pas beaucoup, pendant cette période.
Ensuite elle partirait une semaine en Grèce alors qu’il passerait le bac. Ils passeraient plus de
temps ensemble, quand il reviendrait de son court séjour à Fréjus, chez sa grand-mère, l’été
serait à eux.
En direction de l’auto-école, il pensa qu’il pourrait faire une cassette de musique pour Nina,
et l’encourager, l’aider dans ses révisions. Un mix de classique et de chansons douces choisies,
qui l’accompagnerait sur le trajet.
Il aimerait aussi recevoir une lettre de Nina, des mots couchés sur papier de sa part. Il
pourrait les lire et relire quand il en aurait besoin. Des indices de ce qu’elle ressentait, il avait
besoin de le savoir, d’être rassuré.
Quand il arriva devant l’auto-école, il vit Nina en pleine inscription, il ne rentra donc pas. Il
s’alluma une cigarette et pensa aux musiques qui pourraient composer la cassette, le temps
que Nina termine l’inscription.
Quand il rejoint l’auto-école, Nina semblait bien satisfaite.

— Tu as l’air de bonne humeur


— Je suis très contente, oui, la cliente que je viens d’inscrire est comptable, nous avons
bien sympathisé et elle va m’aider à préparer l’examen
— C’est bien ça
— Oui, je suis soulagée, d’avoir trouvé de l’aide
— Je suis là pour t’aider, moi aussi
— Je sais, mais pas en compta
— Non, pas là, non
— Tu viens chercher Damien ?
— Oui, je dîne chez lui ce soir
— Pas de PBN alors ?
— Pas de Paris By Night, ce soir mais demain si tu veux ? ou la semaine prochaine, pendant
les vacances, quand tu voudras souffler avec tes révisions
— Tu t’es fait couper les cheveux ?
— Oui, je sais que tu n’aimes pas, mais il fallait
— Je préfère quand tu as les cheveux plus longs, ça te va mieux, je trouve
— Regarde- moi, le petit couple qu’on forme dit Axel en plaisantant
— Tu as raison, c’est plus romantique quand on se balade dans Paris, avec Michel Jonasz
en fond sonore

91
IL LUI AVAIT PROMIS…
— À ce propos, il est temps que tu m’écrives une lettre
— Une lettre ?
Je n’ai pas ton talent pour ça
— Débrouille- toi, je veux une lettre.
Tu n’as pas le choix. Pour le prochain PBN, une lettre
— Non, non, non… je suis nulle en lettre
— Je m’en fiche tu te débrouilles, tu m’écris une lettre, il est temps

Quelle misère pensa Nina. Elle n’avait pas le talent d’Axel pour écrire. Mais il semblait y
tenir, et ne céderait pas.
Le tête à tête ne dura pas plus, puisque William entra avec Damien, emportant avec eux ce
moment fugace.

*
Les vacances de Pâques arrivèrent enfin. Elles furent studieuses pour Nina. Les longues
séances avec la cliente comptable de l’auto-école, lui permirent de comprendre la logique
comptable, et elle s’étonna même de finalement aimer ça.
Ce problème surmonté, elle put sereinement réviser et s’échapper quelquefois pour voir
Axel.
Lors d’un tour de Paris en voiture, Axel lui donna une cassette sur laquelle, il avait mis
différents morceaux, de la musique classique pour changer mais aussi des chansons à
messages. Elle devait les écouter sur le trajet l’amenant à l’Université quand elle irait passer
ses partiels.
Sur la jaquette de la cassette, il avait inscrit ces mots :

Tous les soirs une éclipse, le soleil se couche


Derrière la Tour Eiffel, tous les soirs les
Chœurs de Notre Dame chantent les joies
et les tristesses de la journée passée_

Et la nuit descend, me met à genou, me fait


Boire l’essence des ombres et lumières,
Je voudrais faire l’amour à cette ville,

Toi, tu es un peu Paris, et Paris, c’est

92
IL LUI AVAIT PROMIS…
Tout à fait toi.

Axel

Pour la première fois Axel écrivait ses mots : « faire l’amour », pour la première fois Nina
se sentit femme à ses yeux et non une sorte de déesse qu’il mettait sur un piédestal, irréelle
et inaccessible.
Elle adora ce mot, tout comme elle adora les morceaux qui composaient la bande son. Elle
se les passait chaque fois qu’elle allait à la fac, juste avant une épreuve. Axel s’immisçait peu
à peu dans sa tête et dans son cœur.
Elle mit du temps à écrire la lettre demandée, recommença plusieurs fois avant de trouver
un ton qui lui convint.
Une fois ses partiels passés et alors qu’elle devait partir en Grèce une semaine avec Lara,
après avoir dit au revoir à Axel, elle retourna le soir déposer la lettre dans sa boîte. De cette
manière, elle serait un peu avec lui pendant cette semaine loin de lui.

Les vérités les plus simples sont aussi les plus belles.
Le doux parfum de ta présence à mes côtés m’est devenu irremplaçable
Je n’envisage plus les jours qui passent sans la luminosité de ton regard, l’éclat de ta peau,
la force de tes caresses.
Pour la première fois, le « je » qui commence mes phrases s’efface devant le nous.
À chaque fois que nos bouches se touchent, que nos deux corps se rapprochent, se devinent,
une sonorité dans le bas du ventre me rappelle que rien n’est acquis et que tout commence.
Ne pas t’entendre pendant un court instant, c’est m’éteindre
Ne pas te voir pendant une journée, c’est mourir
Quoi qu’il se passe
Où que tu sois
Il ne faudra plus compter, penser, respirer
Sans moi

La semaine de vacances en Grèce dans le détroit de Corinthe, avec Lara, fut révélatrice.
Nina pensa à Axel tous les jours et réalisa qu’elle l’aimait. Les derniers écrits d’Axel, les
chansons messages de la cassette et la lettre qu’elle dût écrire, lui firent sauter sa retenue. Il
était temps de se donner à Axel dans tous les sens du terme.
Finalement le séjour, lui avait permis d’ouvrir enfin les yeux. Lara n’en pouvait sans doute
plus d’entendre parler d’Axel à longueur de journée, mais elle avait compris depuis bien

93
IL LUI AVAIT PROMIS…
longtemps qu’un lien fort les unissait, un lien qui les dépassait, inexplicable, peut être tout
droit venu d’une autre vie.
Enfin de retour chez elle, Nina trouva une lettre laissée par Axel à son attention pendant
son absence. Elle se délecta de lire les lignes suivantes sur deux feuilles :

Chère Nina

Après avoir largement cherché dans tous les dictionnaires


L’adjectif qui aurait pu qualifier le parfum de ta lettre,
Il était évident que cela fusse en vain, et pour achever cette
quête de l’infaisable, je dirai tout simplement de tes écrits qu’ils sont non viables. Il sera
donc de ton devoir, à ton retour, de me ressusciter.
Trêve de légèreté cependant, car quelques mots noirs liés entre eux, sur
une copie blanche suffisent à me défaire de l’idée qu’il existe un
cimetière des éléphants.
Au fait, cette lettre que je t’écris là, maintenant, ne sera, ni belle,
Ni longue. Cette lettre est simplement le terrain de mon émoi,
de mon bouleversement et de mon incapacité ces deniers temps
à rassembler par écrits les idées que je voudrais te communiquer
C’est comme une grève, une pénurie des doigts de ma main droite.
Je voudrais inventer des mots pour te dire mes sentiments
Je trouverai, c’est promis

Axel

PS

— Attention car, malgré moi


J’ai les cheveux très courts
Tu pourras si tu veux
me punir

— Lorsqu’il a décollé, ton avion


À fait beaucoup de bruit, ce qui m’a

94
IL LUI AVAIT PROMIS…
Empêché de dormir pendant une semaine

— Il est inhumain de partir en me


Laissant dans la boîte, une lettre
De ce type.

— Mon briquet fonctionne

— Par contre, le lave-vaisselle, lui


À rendu l’âme (Dieu ait la sienne)
Et en plus, moi, Axel, je t’aime
Incroyable !

La nuit, Nina rêva.


Un rêve fort en images, en symbolique, qui parlait de lui-même :
Il faisait beau, elle sortait avec Axel du pavillon. Nina portait une robe fleurie fluide, Axel
une chemise blanche, un pantalon en lin beige. Dans la rue devant le bois, ils dansaient,
s’enlaçaient, riaient, complices, heureux. Un moment fort d’osmose, de retrouvailles, de
grand bonheur. Puis le ciel d’un coup s’obscurcit, les nuages devinrent noirs. Un gros orage se
préparait.
Nina se réveilla. Elle voulut se convaincre que l’orage représentait le passé et non l’avenir
Mais elle savait au fond d’elle même qu’il s’agissait là d’un mauvais présage

*
Axel avait passé son bac, entre les révisions et les épreuves, il n’avait pas eu beaucoup
l’occasion de voir Nina depuis son retour de Grèce. Il passa en coup de vent à l’auto-école, elle
lui parut toujours aussi belle légèrement hâlée.
Il trouva son regard changé, plus doux à son égard. Ses yeux verts s’exprimaient à qui savait
les déchiffrer.
Elle lui demanda s’ils pouvaient se voir maintenant qu’ils étaient débarrassés de leurs
examens respectifs.
Pour lui, ça ne serait qu’une formalité, il devait partir à Fréjus, voir sa grand-mère, juste
après les résultats.
Ils pouvaient d’ici là reprendre les tours de Paris.
Justine, Hélène, Damien avaient tous passé et obtenu leur permis.

95
IL LUI AVAIT PROMIS…
Le petit groupe désormais volait de ses propres ailes, mais continuait de se retrouver à
l’auto-école.
Hélène fêterait bientôt son anniversaire, et commençait à parler de la fête qu’elle
souhaitait organiser.
Le mariage des parents vola en éclat.
Son père entretenait bel et bien une liaison et entama une procédure de divorce.
Sa mère encaissa le coup, difficilement. Elle essaya de ne pas sombrer chaque jour, mais
n’y réussit pas vraiment.
Elle avait cette fragilité, cette sensibilité qui ne permet pas d’affronter les chocs de la vie et
d’en ressortir indemne ou plus forte.
Axel vit sa mère dépérir. Pour tenir, il relut et relut la lettre de Nina.
A force il la connaissait par cœur.
Les soirées qu’il passa avec Nina, après le bac, se rapprochèrent de la perfection.
Axel se sentit entier auprès d’elle.
Depuis peu, quelque chose avait changé dans leur relation.
Nina se donnait, s’ouvrait plus à lui.
Ils allaient chaque jour un peu plus loin dans leurs étreintes.
Le désir montait.

Veille de son départ à Fréjus :


La soirée s’annonçait particulière à deux niveaux.
En première partie, il devait retrouver Nina, et faire un tour du bois de Vincennes à sa
demande.
Il devait ensuite aller voir le père de Damien. Ce dernier l’avait convoqué. Il ignorait
pourquoi mais il s’agissait d’une injonction. Axel sentit que l’échange revêtirait un caractère
important voire décisif sans qu’il puisse l’expliquer. Juste une intuition.

Nina monta directement dans la voiture rouge d’Axel garée, devant le pavillon.

— Bonsoir, se contenta-t-elle de dire une fois dans la voiture.


Elle avait toujours l’impression en arrivant dans cet espace confiné, d’être embarquée dans
l’univers d’Axel. Un peu comme si plus rien n’existait autour, qu’eux
— Bonsoir toi, lui dit-il en la regardant longuement
Tu es très jolie
Je suis content de te voir

96
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Tu es prêt pour ton départ demain ?
— À peu près, oui, je ne dois pas rentrer trop tard, il me reste encore quelques petites
choses à faire
— On va se promener dans le bois ?
Ils se retrouvaient dans la même configuration d’un an auparavant. Mais cette fois ci, les
rôles s’inversèrent. Cette fois, Nina s’apprêtait à se déclarer.

Ils entrèrent dans le bois. Il faisait encore jour. Axel finit par prendre la main de Nina, alors
qu’elle l’entraînait dans les profondeurs du bois.
L’été, il y avait de monde, les gens profitaient de leur journée rallongée.
Nina connaissait le bois par cœur. Elle trouva un banc isolé.

— Demain, tu seras sur la plage commença-t-elle


— Il me manquera quelqu’un
Je t’appellerai tous les jours
— Je répondrai… tous les jours
Tu vas beaucoup me manquer,
Tellement Dit Nina en mettant sa tête dans le creux de l’épaule d’Axel
— J’ai vraiment envie de partir, tiens, maintenant !
C’est perfide de me dire ça
Espèce de…Perfide !
— Cruelle

Ils restèrent longtemps enlacés comme ça, sans rien ajouter de plus.
Juste à profiter de l’instant, à profiter l’un de l’autre.
Ils se suffisaient à eux-mêmes, rien de plus ne leur était nécessaire. La nuit tombante finit
par les rattraper, Axel devait partir.
De retour à la voiture, les adieux furent déchirants.
Ils s’embrassèrent comme jamais auparavant, sans pouvoir se détacher, sans pouvoir se
lâcher, sans pouvoir se laisser.
Retrouvant la rue, Axel plaqua Nina contre la voiture. Il la toucha avec son corps et avec ses
mains, remontant sur ses jambes, se perdant en même temps tour à tour dans son cou, dans
ses yeux. Le désir trop longtemps enfoui montait, prêt à exploser, prêt à tout emporter.
Une patrouille de police passa à cet instant, les interrompit.

97
IL LUI AVAIT PROMIS…
Les policiers à l’intérieur de la voiture regardèrent le couple avec insistance en passant au
pas, s’assurant sans doute qu’il n’y avait pas exhibition sur la voie publique, avant de se
s’éloigner.
Nina et Axel mirent éclatèrent de rire, une fois qu’ils furent partis.

— Quel effet tu me fais ! Bientôt ce seront les pompiers qui vont venir
— Pour éteindre le feu ou pour te réanimer ?
— Les deux.
— S’ils n’étaient pas passés, je ne suis pas sûr d’avoir pu m’arrêter, je t’aurais violé sur le
capot
— Ça n’aurait pas été du viol

Axel s’alluma une cigarette pour l’aider à reprendre ses esprits

— C’est confirmé, je n’ai plus du tout envie de partir


Ce bois décidément ne me réussit pas
— Je t’attendrai…
Une semaine est vite passée, nous ne sommes plus à ça près

Axel regarda longuement Nina, prît sa main qu’il embrassa

— Je compterai les jours, les heures, les minutes


C’est un déchirement de te laisser
Je ne le souhaite pas du tout
— Moi, non plus
Et revoilà la Police…

La voiture de patrouille repassa très doucement à leur niveau, Nina indignée leur montra
le pavillon en leur disant :

— J’habite là
Et alors que pour la deuxième fois, la voiture s’éloignait elle s’indigna

— C’est fou… Ils n’ont rien d’autre à faire

98
IL LUI AVAIT PROMIS…
— C’est le coup de pouce qu’il nous fallait pour que je parte,
Il faut que j’y aille
— Reste… Nina s’était mis face à Axel
— J’aimerais tant lui dit-il la prenant dans ses bras

Ils restèrent un long moment comme ça sans bouger. Puis Nina se raisonna

— On va se faire arrêter si les policiers repassent une troisième fois


Tu reviens vite ?
— Dans une semaine, et je t’appellerai tous les jours

Axel regardait Nina, son regard azur reflétait parfaitement ce qu’il ressentait à cet instant.
Il devait partir même si son cœur ne le souhaitait pas, le père de Damien l’attendait, et ce
n’était pas son genre de ne pas honorer un rendez-vous.
Il embrassa donc Nina une dernière fois, profita de chaque seconde, la regarda partir,
s’éloigner, et rentrer chez elle, avant de partir le cœur lourd.
Dans la voiture, il ne fit que penser à elle, à ce qu’il venait de vivre.
Jamais ils n’avaient été aussi proches tous les deux.
Leur relation était sur le point de basculer sur quelque chose de dévastateur, qui allait tout
emporter sur son passage. Il avait hâte de le vivre, de s’y abandonner, de se laisser consumer
tout entier.
Il arriva enfin devant la porte de la maison de Damien, il sonna.
Le père de Damien ouvrit la porte, le fit entrer. Il semblait grave.
Il accompagna Axel à son bureau, le laissa passer le premier avant de fermer la porte.
À ce moment, Axel devina sans savoir pourquoi, ni comment, que sa vie s’apprêtait à
changer et que plus rien ne serait comme avant.

*
Nina après cette soirée mémorable, retrouva sa routine du début de l’été à l’auto-école.
Elle aurait les résultats de ses examens d’ici la fin juillet, et saurait si elle obtenait son Deug.
Axel tint parole et téléphona tous les jours à Nina.
Ponctuel lundi, puis mardi, il appela en début d’après-midi.
Il allait bien, pensait à elle n’attendant que de la retrouver.
Ce mercredi, pourtant, la journée touchait à sa fin, et Nina ne reçut aucun appel d’Axel.

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IL LUI AVAIT PROMIS…
Comme en chaque début d’été, elle avait pu effectuer plusieurs inscriptions, des nouveaux
candidats profitant de de la période estivale pour se lancer dans l’aventure du permis de
conduire.
Alors qu’elle revenait dans le bureau, après avoir lancé la séance de code de dix-neuf
heures, elle vit Justine, seule devant la vitrine, qui terminait sa cigarette.
Nina sortit à sa rencontre, laissant la porte ouverte, elle entendrait toujours le téléphone
sonner si Axel appelait.

— Nina, ça va ? lui dit Justine en la voyant et sans lui laisser le temps de répondre
Hélène va arriver, elle achète des cigarettes au tabac.
Je voulais te voir seule, pour son anniversaire, samedi, j’organise une fête surprise, donc
quand elle va te demander, si tu es libre pour dîner, tu réponds non.
Invente n’importe quelle excuse, mais dis non
— D’accord, je peux dire que…
— Ne dis pas que tu vois Axel, parce que, lui aussi doit dire qu’il ne peut pas venir
Au fait tu as des nouvelles, il rentre bien vendredi ?
— Oui, il rentre vendredi, il est au courant ? car il ne m’en a pas parlé
— Oui, il est au courant,
Ha, la voilà qui arrive…

Justine arbora alors un grand sourire comme si de rien n’était, alors qu’Hélène les rejoint
— Ha, Nina tu es là, ça va ?
— Bien et toi ?
— Tu as des nouvelles d’Axel ?
— Oui, il va bien
— Il rentre bien vendredi ?
Comme tu le sais c’est mon anniversaire samedi, on va dîner au restaurant avec Justine et
ceux qui peuvent, vous pouvez ?
— Axel, je ne sais pas, mais moi malheureusement samedi, j’ai une réunion familiale
Nina jeta un coup d’œil complice à Justine alors qu’Hélène paraissait dépitée
— Et bien, ça sera juste toi et moi, Justine.
— Peut- être Axel dit Justine
— Il a intérêt, je vais le harceler vendredi à son retour

100
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nina sourit, sans répondre, elle plongea dans ses pensées alors qu’Hélène en fond sonore
se plaignait de n’avoir personne à son anniversaire.
Pourquoi Axel n’avait-il pas appelé aujourd’hui ?
Au fond d’elle, elle avait ce pressentiment, cette peur.
Son intuition la trompait rarement même si elle se refusait trop souvent à l’écouter. Elle
gardait en tête son rêve, et les nuages noirs qui venaient s’installaient après un court instant
de bonheur.
Elle essaya de se convaincre qu’il s’agissait juste d’une journée, qu’Axel passerait un coup
de téléphone le lendemain, mais il n’en fut rien.
Pas d’appel jeudi, pas d’appel vendredi…
Nina devenait folle.
Axel était rentré maintenant, pourquoi n’appelait-il pas ? pourquoi ne passait-il pas ?
Elle essaya de se dire qu’après tout, elle n’en avait que faire, mais ce n’était pas le cas.
Vraiment pas.
Samedi matin, elle se trouva désemparée à l’auto-école quand Axel entra et vint s’asseoir
en face d’elle, enfin.
Avec lui une gravité venait d’envahir le bureau.
La noirceur de l’orage se trouvait face à elle.
Sans qu’il ait prononcé un mot, elle savait que la foudre allait s’abattre sur elle à cet instant.

— Je suis contente de voir qu’il ne t’ait rien arrivé, commença-t-elle puisqu’il ne prenait pas
la parole

Il ne répondit pas, le silences pesait.

— Juste à temps pour la soirée d’Hélène on dirait continua -t-elle pour le pousser dans ses
retranchements
— Nina…
Je suis venu te dire que…
Je vais partir en Suisse
— Tu vas partir en Suisse ? reprit-elle
— Définitivement, on ne se verra plus

La foudre venait de la toucher.


Elle reçut un uppercut, qui la mit à terre et l’assomma.

101
IL LUI AVAIT PROMIS…
Le silence de nouveau se fit entendre

— Quand ? réussit-elle à balbutier par un effort surhumain


— Dans quelques jours,
— Et c’est tout ?
Tes parents ?
— Ils vivent très bien sans moi
— Et moi ? après tout ce que tu m’as dit, tout ce que tu m’as promis ?
— Je sais

Nina restait sans voix, incapable de continuer à opposer le moindre argument, tellement la
situation lui paraissait irréelle.

— Ça va aller Nina
— Oui, super répondit-elle ironiquement
— Pas tout de suite, mais ça va aller, tu vas oublier, reprendre le dessus.
Tu rencontreras quelqu’un,
Et je veillerai à ce que ce soit quelqu’un de bien

Les mots prononcés pour Nina, résonnaient en elle sans arriver à trouver le moindre sens.
Elle ne connaissait même plus la personne qui se tenait face à elle.
Le Axel froid, distant, grave, hautain, intouchable.
Elle voulut luis dire de partir, lui crier après, elle n’en eut pas la force.
Elle était à terre. Il venait de lui asséner le coup de grâce.
Des bruits annonçant la fin du code se firent entendre dans la salle à côté. Cela donna un
prétexte à chacun d’entre eux pour battre en retraite, après l’espèce de combat inégal qui
venait d’avoir lieu

— Je vais y aller Nina. On se voit ce soir chez Hélène


— C’est ça répondit-elle en se levant, avant d’entrer dans la salle de code

Elle sentit le regard d’Axel sur elle, alors que la salle l’accueillit comme un refuge où elle
pouvait se cacher, se terrer.
Elle entendit les clochettes de la porte d’entrée, indiquant le départ d’Axel.

102
IL LUI AVAIT PROMIS…
Blessée comme un animal, elle réussit à donner le change aux élèves présents qui venaient
de suivre la séance de code. Ils ne lui accordèrent d’ailleurs heureusement que peu
d’attention.
Elle agit comme un robot, lorsque William revint de son cours de conduite, ne montra rien.
Il en fut de même quand elle rentra chez elle.
Elle se réfugia dans sa chambre hagarde.
Pendant le déjeuner, elle ne toucha pas à son assiette. Sa mère crut qu’elle était malade.
Et tout le reste de la journée, fut de la même teneur.
Elle resta dans sa chambre, dans son lit, mal.
Elle ne fit que penser à Axel, à la scène irréelle qui venait de se dérouler, mais aussi et par
opposition, à tous les moments qu’ils avaient vécus ensemble.
Ils apparaissaient comme des flashs violents qui venaient la torturer, augmenter sa douleur.
Bientôt parmi ces flashs, une vision se faufila, celle de Sharon Stone dans le film l’Expert,
qui apparaissait magnifique dans une robe noire courte près du corps.
Elle ferait de même à la soirée d’Hélène, elle avait une robe qui ressemblait aux tenues de
l’actrice. Elle n’avait jamais osé la porter jusqu’alors, mais ç’était le soir ou jamais.
Axel ne pourrait pas résister, lui qui aimait la regarder, qui aimait ses jambes, elle allait lui
donner des regrets. Elle serait si belle ce soir, qu’il en mourait.

Arrivée à la soirée sans Hélène, Nina était renversante. Rouge à lèvre rouge, robe noire
courte et moulante, bretelles croisées dans le dos, elle chercha Axel dans la pièce, il n’y était
pas.
Elle prit un verre, se força à parler à des inconnus pour faire passer le temps qui lui parut
interminable.
Hélène finit par arriver avec Justine, Axel et Damien, sa garde rapprochée, très étonnée par
la fête surprise organisée en son honneur.
Axel portait un veston beige sur une chemise blanche avec un jean. Il ne lui adressa pas un
regard de toute la soirée.
Avec Damien, il riait, buvait, trinquait de l’autre côté de la pièce.
Nina le regardait très souvent, lui jamais. Elle n’existait plus.
Elle avait joué sa dernière carte, et elle n’avait pas fonctionné.
Que pouvait-elle faire s’il ne la regardait plus ?

Elle ne supporta plus cette situation, elle étouffait, il fallait qu’elle parte, qu’elle sorte,
qu’elle quitte cet enfer.
Elle prit sa voiture, rentra chez elle.
Elle trouva refuge dans le silence de la nuit et dans son pavillon.

103
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle alla dans le salon, n’alluma pas les lumières, ouvrit la fenêtre pour regarder la nuit et
le bois.
Puis elle craqua.
Le bois lui renvoya trop de douleurs, elle ne put contenir ses larmes.
Elle se mit à pleurer, de plus en plus fort, jusqu’à ce que la souffrance la mette à terre, la
casse en deux.

104
IL LUI AVAIT PROMIS…
Faut-il que je t’apprenne
(Je ne demande rien)
Les eaux troubles où je traîne
(Où tu vas d’où tu viens)
Faut-il vraiment que tu saches
(Tout ce que tu caches)
Le doute au fond de moi
(Au fond de toi)
Axel Bauer, Zazie, À ma place

Nina et Geoffroy rentrèrent de Venise, des souvenirs plein la tête.


Ils feraient développer les nombreuses photos prises tout au long du séjour, qu’ils
afficheraient dans leurs appartements.
Surtout des portraits de Nina, que Geoffroy prit au grès des visites
Noël approchait. Les cadeaux choisis dans l’atelier en verre de Murano constitueraient les
cadeaux pour tous les proches et familles.
Geoffroy partit travailler, il prit avec lui les nombreuses photos, fier de les montrer à son
adjoint et à Yannick d’ores et déjà au courant des lieu et déroulé du voyage de fiançailles de
leur directeur.

— Quel voyage ! vous êtes magnifiques, commenta Alain


— Ça donne envie reprit à son tour Yannick
— Ce voyage fut spécial
— Mais regardez -le, avec des étoiles dans les yeux !
Reviens parmi nous boss dit Alain
— C’est dur de revenir après avoir côtoyé le paradis
— Sympa, travailler avec nous c’est l’enfer plaisanta Yannick
— Un peu quand-même
— La bague est somptueuse reprit-elle
— Celle qui la porte n’est pas mal non plus continua Alain en finissant le défilé de photos
— Et le mariage, les préparatifs avancent ?
— Doucement, nous avons le lieu, le prêtre
105
IL LUI AVAIT PROMIS…
— C’est déjà ça dit Alain
— Nina et sa mère s’occupent des préparatifs, moi je me contente d’attendre les cadeaux !
— À ce propos, avez-vous déposé une liste demanda Yannick
— Non pas encore.
Il faut mêler les familles aux fiançailles désormais.
Je vous préviendrai dès que la liste sera déposée.
En attendant les enfants, ce n’est pas tout, mais au travail.
Je dois rattraper mon absence et vous avez sans doute des tas de choses à préparer avant
notre réunion.
Allez, hop hop hop au boulot. Fini les vacances
— C’est sûr, il est bel et bien rentré lança Alain
La fin de la Dolce Vita, pour nous aussi
— Et oui, allons-y reprit Yannick

Une fois ses collaborateurs sortis, Geoffroy profita des quelques instants de répit pour
commander des tirages en ligne de photos de Nina.
Sur le Vaporetto et le Rialto, elle resplendissait. Elle lui ferait un beau bébé, comme elle.
Bientôt ses parents lui ouvriraient les bras.
Il afficherait les photos dans un cadre chez lui à Orléans, comme un trophée, dès qu’il irait
déposer ses bagages, et ramènerait des vêtements plus adéquats pour le travail.
À peine eut-il terminé de commander que le téléphone sonna. Agacé par le numéro qui
s’affichait, il décrocha

- Oui ça va mieux.
Comment ça tu as reçu un appel ?
Non… pas du tout…
Je n’étais pas en voyage…
Qui t’as dit ça ?
Une voix de femme ? Elle était comment cette voix ?
C’est n’importe quoi
Bien sûr que non, je n’étais pas en Italie…
Je me suis occupé de Caroline, ma belle-sœur qui est de nouveau malade…
Et franchement, ça n’a pas été une partie de plaisir…
Se voir ? Oui, on peut.
Entendu…
Je passerai chez toi ce soir, on en discutera

Il mit fin à la conversation et raccrocha.

106
IL LUI AVAIT PROMIS…
Qu’est ce que c’était que cette histoire de voix ?
S’était-il fait prendre ?
Impossible.
Personne ne savait ce qu’il préparait, ce qu’il vivait.
Il y avait veillé. Il avait tout cloisonné.
Il devrait ce soir la jouer fine, convaincre l’autre. Ne rien laisser échapper, ne pas se faire
prendre. Elle ne lui apportait pas grand-chose, mais avec elle au moins, il était lui-même. Pas
une escroquerie.

*
Nina monta voir ses parents, pour leurs montrer les photos et relater le séjour dans ses
moindres détails. Son père allait bien, il n’écouta pas, occupé à marcher de long en large dans
l’appartement.
Madame Giredet apprécia fortement les portraits pris par Geoffroy. Elle en demanda des
tirages pour le pèle--mêle qu’elle tenait, et qui reflétait les moments joyeux familiaux.

— Je suis contente que tout se soit bien passé


La bague te va bien
— Merci pour la bague
— Je n’ai fait que te remettre ce qui te revient de droit
Mamika serait contente que tu la portes.

Toutes les deux regardèrent la bague qui venait de la mère de Monsieur Giredet alors que
ce dernier continuait ses allers et venues, absent de la vie actuelle, mais présent dans sa vie
passée. Madame Giredet le fixa une petite minute mélancolique avant de se ressaisir :

— Pour les fiançailles avec la famille de Geoffroy j’ai pensé à cette brasserie,
Elle se leva pour prendre le dossier des préparatifs du mariage qu’elle constituait au fur et
à mesure
Ils font des fruits de mer, le cadre années 1900 me paraît chic. Cela mettrait tout le monde
d’accord, je pense
— C’est une bonne idée
— Geoffroy et sa famille aime les fruits de mer ?
— Je crois, oui, je lui proposerai
— Si cela convient, j’appellerai la brasserie pour réserver un déjeuner en janvier…
Pour bien débuter l’année.
107
IL LUI AVAIT PROMIS…
Avec ton père, cela fait des années que nous ne prenons plus de fruits de mer sur Paris, à
cause d’une intoxication alimentaire. Mais cette brasserie est réputée, ils doivent respecter
toutes les normes et se fournir en produits frais.
L’article en tout cas, en fait l’éloge.
— L’idée me plaît beaucoup, je demanderai à Geoffroy, et au moins on se régalera à défaut
de s’entendre
Nina et sa mère continuèrent d’organiser les préparatifs du mariage.
Madame Giredet montrait des compétences quasi-militaire dans l’organisation des choses
Sans doute ce trait de caractère lui venait-il de son père.
Nina n’en hérita pas vraiment. Elle possédait sa propre organisation, une organisation plus
artistique.
Sa mère lui rappela les prochaines étapes :
Faire-part, photographe- vidéaste, dépôt de la liste de mariage. Mais aussi et surtout :
Essayages de robe de mariée avec les essais coiffure.
Il en faudrait deux de chaque, puisque le mariage civil se déroulerait avant le mariage
religieux.
Nina justement voyait Lara cette après-midi, et en profiterait pour choisir une date qui
convienne à la fois à son amie et à sa mère pour un premier essayage de robes de mariée.
Elle pensait simplement se rendre dans deux endroits.
Un magasin réputé pour ses créations de belle qualité spécialiste de la dentelle. Et un
créateur qu’elle suivait depuis des années. Ce dernier après s’être fait déposséder de sa
marque repartait de zéro.
Pour les coiffures, elle ferait confiance à son coiffeur et ami qu’elle connaissait depuis
longtemps. Elle opterait très certainement pour des chignons bas.
En fin d’après-midi, Nina retrouva Lara après sa journée de travail dans un café, une
nouvelle fois elle montra et raconta son voyage en Italie.

— Les photos sont belles, vous avez l’air d’avoir passé un beau séjour
— Oui, magique
— Et fais- moi voir de plus près ta bague
Nina tendit sa main gauche
— Elle est magnifique !
— C’est la bague de ma grand-mère paternelle
Nina expliqua la signification qu’elle revêtait pour elle.
Une grande émotion l’envahit soudain.
Elle regardait cette bague, cette bague, qui la plongea dans son passé.

108
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle se souvint tout à coup, que dix ans plus tôt, elle en portait une autre.
Lara vit son amie se renfermer dans ses pensées.
Elle comprit sans même que son amie ne dise un mot, rien qu’à son regard, ce qui se passait.
Elle connaissait Nina par cœur et reprit

— Allez Nina, chérie, ne pense pas à Axel


Il est parti…
Il t’a assez fait souffrir comme ça…
Même si je ne suis pas la plus grande fan de Geoffroy, au moins avec lui,
Tu souris de nouveau
Elle prit la main de Nina, la regarda droit dans les yeux, en marquant un silence qui sous
entendait que le passé devait restait passé.
Puis, elle changea exprès de sujet, alors que Nina essuyait discrètement une larme.
Lara fit semblant de ne pas le voir et enchaîna avec entrain :

Sur ce quand allons-nous essayer les robes de mariée ?

Lara s’incluant dans l’essayage, fit rire Nina et face à l’implication de son amie elle se
ressaisit

— Bientôt, il faut que j’organise ça avec maman, tu pourras venir ?


— Bien sûr, je ne raterai ça pour rien au monde
C’est un moment important dans une vie, et on en a passé des moments toi et moi
— Plus ou moins durs, oui.
En espérant que ce ne soient désormais que des bons moments
— Des bons et beaux moments, trinquons à cela reprit Lara

*
Geoffroy arriva à Orléans le vendredi soir, chargé des sacs de Venise sur lesquels il avait
laissé les étiquettes du vol.
En entrant chez lui, il les posa dans l’entrée, et prit quelques instants pour se détendre.
Cette semaine de reprise ne finirait donc jamais ?
Se remettre au travail, récupérer le retard, gérer les imprévus.
Tout malheureusement l’avait bien vite, trop vite rattrapé.

109
IL LUI AVAIT PROMIS…
Le téléphone sonnait, sonnait encore et encore, le ramenant inlassablement au passé. Alors
que lui désormais ne voulait penser qu’à l’avenir.
Ce passé qu’il aurait souhaité oublier, laisser derrière lui, une bonne fois pour toute.
Était-ce trop demander ?
Ses parents en premier lieu qui continuaient de ne rien comprendre.
Fallait-il donc tout leur expliquer ?
Que bientôt, ils seraient grands-parents. Que bientôt il aurait enfin la reconnaissance et la
place qu’il méritait dans cette famille.
Les derniers vestiges de sa vie d’avant sa rencontre avec Nina, en second lieu, qui le
polluaient encore et toujours, qui l’encombraient et dont il n’arrivait pas à se débarrasser.
C’était comme un boulet, qui le ramenait à ce qu’il était, et à surtout ce qu’il ne voulait plus
être.
Nina au contraire chamboulait sa vie, le surprenait, l’entraînait dans un tourbillon infernal
de surprises et de joie.
Il en avait bien besoin. Jusque-là son existence n’avait été que difficultés.
Epreuves après épreuves.
Chaque matin, il fallait se lever et traverser la vie faisant face.
Ni allégresse, ni légèreté. Ennuis après ennuis. Noirceur, grisaille…
Il fallait survivre et non vivre.
Mais depuis cet été, enfin il se sentait renaître, enfin il avait l’impression d’exister, d’exister
vraiment et de compter pour quelqu’un, d’être quelqu’un.
Avec ses parents, il n’avait jamais ressenti cela.
Il passait toujours en second plan. Toujours après son frère.
Ce frère si parfait. Il valait aussi bien que lui, mieux que lui-même.
Bientôt, il le prouverait.
Il eut soudain envie de regarder la photo de Nina pour s’assurer qu’il ne rêvait pas. Que
tout était bel et bien réel. Il alla prendre une photo de Venise dans son sac, puis trouva un
cadre pour l’afficher.
Son portable sonna, ne lui laissant qu’un court répit

— Oui répondit-il sans enthousiasme voyant le nom s’afficher


Non, je ne peux pas ce week-end
Je suis à Orléans…
Non, je ne peux pas je te dis…
Je vais voir mes parents, ma belle-sœur également…

110
IL LUI AVAIT PROMIS…
Je ne sais pas pour combien de temps j’en aurai…
Ecoute, non, ce n’est pas possible…
Je sais bien oui…
J’ai été très pris

Geoffroy n’arrivait pas à s’en débarrasser


Il essayait de trouver des arguments, mais elle insistait et le noyait sous un flot de paroles.
Il était tard, il souhaitait avoir la paix. Ça ne semblait pas possible.
Il se résigna donc :

— D’accord, tu peux venir dimanche, mais je ne te promets rien


Je ferai au mieux
Oui je te tiens au courant
On se rappelle
D’accord
Bonne nuit

Et il raccrocha, mécontent de cet appel et de ce futur rendez-vous qu’il ne souhaitait pas


avoir.
Il se décida à faire traîner, à ne pas confirmer. De cette façon sans doute, y échapperait-il.
Il irait demain déjeuner chez ses parents avec son frère et sa belle-sœur.
Il commencerait à se placer en annonçant le déjeuner de fiançailles fin janvier dans une
brasserie spécialisée en crustacés. Puis il sous-entendrait que très vite un heureux évènement
arriverait… Il donnerait de l’espoir, et il serait adoré pour cela.
Non, il n’allait pas se laisser gâcher la vie par tous ces parasites. Il atteindrait son but, fallut-
il mentir, tricher, manipuler.
Pour s’en assurer, il envoya un SMS, à Nina

— Bonsoir poussin d’amour


Bien arrivé à Orléans
Tu me manques déjà
Bisous d’amour

Puis il alla se coucher.

111
IL LUI AVAIT PROMIS…

À son réveil, il trouva des appels en absence du rendez-vous qu’il s’obstinait à éviter.
Plusieurs SMS, et messages sur répondeur, qu’il se refusa de lire et d’écouter. Parmi eux un
SMS de Nina en réponse de celui envoyé la veille.

— Tu me manques aussi
Je pense à toi
Bon courage pour ce week-end avec ta famille,
On se retrouve vite dimanche soir, je viendrai te chercher à la gare
Bisous

Il retrouva du courage et l’aplomb nécessaire pour lancer sa stratégie, profitant de


l’absence de Nina. Tout allait bien se passer, et si jamais ça n’était pas le cas, il abattrait sa
carte
Il arriva chez ses parents, revigoré, son frère et sa belle-sœur l’accueillirent en l’embrassant
dès son arrivée. Son père se leva du fauteuil pour suivre le mouvement, avant que sa mère ne
sorte de sa cuisine avec son tablier avec à ses mains les ustensiles de cuisine.

— Tu ne vas pas me découper en rondelles quand même, plaisanta Geoffroy, voyant sa


mère arriver sur lui
Ce qui fit rire l’assemblée
— Ne dis pas de bêtises reprit sa mère qui prenait tout au premier degré quand il s’agissait
de son cadet
Papa, tu peux servir l’apéritif dit-elle à son mari
Je vais poser ça

Geoffroy se dit en lui-même que sa mère vieillissait car elle disait tout haut ce qu’elle
pensait, et il se surpris à constater que sa mère appelait son mari papa, chose que jamais il
n’entendait dire chez les Giredet. Cela lui fit prendre conscience de la différence de catégorie
sociale qu’il avait avec Nina. Quand il y repensait, appeler son mari papa, reflétait vraiment la
simplicité de son milieu. Avant il n’en avait que faire, mais maintenant qu’il goutait avec Nina
à la vie de palace, cela le renvoyait à une condition, qu’il ne supportait plus.
Bien décidé à s’en éloigner désormais, il fut soulagé que Nina ne soit pas là. Il commençait
à avoir honte de son milieu, et peut-être même de ses parents alors que pourtant il faisait tout
pour se faire aimer d’eux. Quelle contradiction.

Caroline, sa belle-sœur vint le sortir de ses pensées

112
IL LUI AVAIT PROMIS…

— Alors ce voyage à Venise ?


— Un rêve éveillé
— À ce point-là ?
— Une ville magnifique avec une femme magnifique, au Danieli
— Au Danieli ? reprit son frère interloqué, tu ne te refuses rien
Le ton de Bertrand témoignait d’une telle hostilité, que cela jeta un froid dans la pièce alors
que Madame Billon revenait de sa cuisine, et le ressentit tout de suite
— Que se passe-t-il ? demanda t’elle
— Geoffroy vit désormais au-dessus de ses moyens
Monsieur part à Venise au Danieli
— Oh Geoffroy, tu dépenses trop
— Nous y voilà. Je ne vois pas en quoi ça vous regarde, ce que je dépense ou pas. Je reviens
d’un magnifique voyage et au lieu de vous réjouir pour moi, tout ce que vous trouvez à faire,
c’est critiquer comme d’habitude
— Prenons donc un verre proposa Monsieur Billon pour détendre l’atmosphère
— Tu n’es pas raisonnable reprît sa mère
— Pourquoi ? parce que je voyage avec une femme que j’aime, dans un endroit que j’aime
Parce que je vis enfin, la vie que vous n’avez jamais vécu ou ne vivrez jamais ?
Il but sa coupe d’un trait fou de colère
Au fait, le déjeuner de fiançailles sera fin janvier dans une brasserie à Paris, Madame
Giredet t’appellera pour les détails, mais vu votre enthousiasme, ne vous forcez pas à venir.

Et Geoffroy quitta la pièce, allant chercher son manteau, prêt à partir. Caroline le rattrapa

— Tu ne vas pas partir comme ça ?


— Si, c’est exactement ce que je vais faire
— Mais non, vous allez tous vous calmez et nous allons passer un bon déjeuner
— Je ne vois pas en quoi, passer un séjour à Venise suscite autant d’animosité. Ils devraient
se réjouir pour moi au lieu de ça, ils me font encore une fois la leçon.
Leçon de quoi, on se le demande
— Allez viens, ils se sont calmés, nous parlerons de Noël
Viens
Allez, va fumer une cigarette, et rejoins-nous, je m’occupe du reste

113
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Je ne crois pas, non
— Allez Geoffroy, c’est bientôt Noël, fais un effort
— C’est toujours moi qui fais des efforts
— Mais cette fois, c’est pour Nina, pour vos fiançailles… Allez

Cet argument réussit à convaincre Geoffroy qui comme sa belle-sœur le conseilla, alla
fumer une cigarette, puis en revenant trouva assis autour de la table, sa famille plus calme.
Caroline avait le don d’aplanir les angles, avec son mari et ses beaux-parents. Elle arrivait à
faire le trait d’union entre eux, à arranger les choses en un claquement de doigt.
Avec sa maladie, tout le monde se mettait d’accord pour éviter de lui montrer les mauvais
côtés de la vie, qu’elle avait assez connu jusque lors. Mais c’était du passé, maintenant elle
était guérie.
Le déjeuner réussit à se passer sans d’autres histoires. Chacun fit des efforts pour se
contenir.
Geoffroy attendit le bon moment, puis annonça triomphalement
- Avec un peu de chance, vous serez bientôt grands- parents, oncle et tante
L’annonce fit son effet, tout le monde se tut. Geoffroy accapara l’attention.
- Nous essayons avec Nina, mais ne dites pas que vous êtes au courant,
Elle ne veut pas le dire, tant que ça n’est pas arrivé…
- Un bébé ? demanda sa mère pour la première fois émue
- Quelle belle nouvelle enchaina Caroline
- Félicitations fils reprit son père
Geoffroy venait d’arriver à ses fins. Jamais il n’avait réussi à accaparer l’attention de la sorte.
Pour la première fois de sa vie, il se trouvait le centre de l’attention.
Enfin !
Cela le rendit fou de joie. Il en voudrait encore de cette reconnaissance, plus…

Sa mère reprit la parole, profitant que Caroline soit partie chercher du champagne

- Si l’enfant est comme sa mère, il sera beau


Tu ne seras pas obligé de rester avec elle après
Tant qu’on peut récupérer l’enfant
- Maman enfin, quelle idée fit son mari
Nina n’est pas une pouliche tout de même
Mais Geoffroy ne s’offusqua pas des desseins de sa mère…
Caroline revint
- Que disiez-vous ?
- Que Nina serait une jolie maman répondit Monsieur Billon,
- Trinquons à ce futur joyeux dit Caroline, confiant l’ouverture du champagne à Bertrand

114
IL LUI AVAIT PROMIS…

Le déjeuner terminé, Geoffroy rentra dans son appartement, très satisfait.


Maintenant que sa famille avait mordu à l’hameçon, peu importait que Nina tombe
enceinte ou non, avant le mariage. Le seul espoir qu’il venait de donner, lui avait ouvert toutes
les portes.
Sur son nueage, il ne vit pas devant son immeuble l’invité surprise qui l’attendait.
Le rendez-vous du dimanche qu’il n’avait pas confirmé, se tenait devant lui.
Décidément cette journée ne l’épargnerait pas.

— Quelle poisse se dit-il sans autre choix que d’ouvrir la porte

*
Le jour du déjeuner de fiançailles avec les familles arriva.
La perspective de voir bientôt arriver un enfant, eut l’effet escompté, et les Billon
changèrent d’attitude vis-à-vis de Geoffroy.
Ils arrivèrent à Paris moins tendus que d’habitude et rejoignirent Bertrand et Caroline chez
eux dans le quinzième arrondissement, pour une halte avant de se rendre tous ensemble à la
brasserie.
Caroline profita de l’occasion pour se faire plaisir et investir dans une nouvelle tenue.
Bertrand trouva sa femme jolie.
Pour la première fois depuis bien longtemps, la famille retrouvait des jours heureux.
Geoffroy eut l’agréable surprise de trouver ses parents souriants en arrivant chez son frère.
Quel changement ! Il avait du mal à y croire.
Geoffroy leur fit la leçon de ne faire aucune allusion à ce qui se préparait.
Cela portait malheur. Et du malheur, personne n’en voulait plus.
Aucune allusion ne serait donc faite. Peu importait le temps que ça prendrait, de toute
façon, du moment que cela aboutissait.
Les fiançailles et le mariage restaient dans l’ordre des choses. Et ils ne se concentreraient
et n’évoqueraient qu’eux.

Geoffroy vécut un moment rare. Sans aucune animosité, bien au contraire le contentement
de chaque membre de sa famille.
Bertrand proposa même une coupe de champagne pour l’occasion, et chacun trinqua de
bonne humeur aux futures fiançailles avant de se mettre en route pour le restaurant.
Ils arrivèrent enfin devant la brasserie s’y rendant en métro.
Elle tint ses promesses, fidèle aux différentes descriptions que chacun avait reçu.

115
IL LUI AVAIT PROMIS…
Ils se présentèrent les premiers, et un serveur les accompagna à une grande table réservée
à l’étage.
Geoffroy s’assit au milieu, prenant soin d’installer Caroline en face de lui, pour que tous
deux fassent écran avec les Giredet.
Habilement, il installa ses parents et son frère à l’extrémité de façon à pouvoir contenir
tout débordement ou paroles malheureuses ou indélicates qu’il s’attendait à entendre.

— Tu as la bague ? demanda Caroline une fois installée


— Bien sûr, tu veux la voir ? sans même attendre la réponse positive de Caroline, curieuse
comme une pie, Geoffroy sortit de sa poche l’écrin, et la montra fièrement à Caroline,
— Elle est splendide, dit-elle sans plus d’enthousiasme, dissimulant mal un brin de jalousie
Elle passa l’écrin à son mari, qui cyniquement répliqua
— Si tu peux t’offrir ça, on va venir faire un contrôle fiscal chez toi
Il passa la bague à ses parents, et sa mère ne put s’empêcher de continuer sur la même
lancée que son fils année
— Mais combien ça coute, une bague comme ça ?
— C’est une bague de famille, elle appartient à la famille de Nina, je n’ai rien eu à payer
— On va aller faire un contrôle fiscal chez eux alors, ironisa une nouvelle fois Bertrand

Un certain malaise s’installa à cet instant, alors que Geoffroy reprenait l’écrin sujet de tant
de jalousies, Nina et sa famille arrivèrent.
Nina, très en beauté, avec sa grand-mère, suivie de ses parents, de son frère et sa belle-
sœur Stéphanie, enceinte désormais de cinq mois, dont les parents gardaient la petite Camille
pour l’occasion.
Les deux familles se répartirent de part et d’autre des fiancés.
D’énormes plateaux de fruits de mer ne tardèrent pas à arriver, que les convives furent
heureux de partager.
Les conversations restèrent entre chaque extrémité. Les familles ne se mélangèrent guère.
À de rares occasions, Caroline s’adressa à Stéphanie sur sa grossesse, ou sur des banalités
d’usage mais cela n’alla pas plus loin.
Toutefois, chacun de son côté se régala des mets, les plateaux se vidèrent à un bon rythme
et le vin aida à dérider peu à peu les convives.
Avec le dessert vint le moment d’officialiser les fiançailles. Geoffroy demanda du
champagne et porta un toast

— Merci à vous tous d’être venus en ce jour célébrer nos fiançailles avec Nina.
Qui dit fiançailles, dit engagement.

116
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nina avec cette bague, je m’engage avec toi pour la vie. Geoffroy passa la bague au doigt
de Nina
Tu as fait de moi, un homme heureux, tu es mon amour, ma future femme, la mère de nos
futurs enfants.
Je t’aime
À nos fiançailles
Le toast fut partagé par les deux familles.
S’en suivit la prise de nombreuses photos, Nina en profita pour faire des portraits de sa
famille. Elle aimait les photos et savait que de tels moments sont aussi précieux
qu’éphémères.
Alors qu’elle se déplaçait, le champagne aidant, les familles échangaient davantage sur les
prochaines étapes du mariage.
Et l’après-midi bien entamé se conclut par ce rapprochement. Les parents des fiancés se
partagèrent l’addition avant de se séparer après un café qui clôtura le déjeuner.

— Une bonne chose de faite, murmura Geoffroy à l’oreille de Nina, avant de lui dire qu’il
raccompagnait sa famille

Tout le monde se dit au revoir de façon courtoise, soulagé que ce moment soit passé sans
heurts.
Bien plus tard dans la nuit, alors que Geoffroy dormait profondément, Nina se réveilla
malade, se leva précipitamment et vomit. Elle s’allongea par terre dans le salon sur le tapis,
mal en point.
Au même moment madame Giredet, Stéphanie et plusieurs membres de la famille Giredet
de leurs côtés vivaient la même chose.
Une intoxication alimentaire les rendit malades. Mais, le plus étrange, fut que cela ne
toucha qu’eux, Les Billon, alors qu’ils avaient partagé les mêmes plateaux n’eurent aucun
symptôme.
Un présage qui n’annonçait rien de bon, nota Nina

*
Madame Giredet devint une véritable wedding-planneuse.
Les préparatifs du mariage égayaient son quotidien, et lui permirent de s’échapper un peu
de la maladie de son mari.
Ce dernier avait compris que Nina allait se marier, que des moments festifs souvent se
présentaient, mais son esprit restait embrouillé.
Aujourd’hui, Madame Giredet, Nina Lara et Stéphanie, se rendaient aux tant attendus
essayages de robe de mariée.
117
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle put se libérer quelques heures.
Une auxiliaire vint garder son mari.
Généralement Monsieur Giredet détestait se retrouver sans son épouse. Elle s’attendait au
pire lorsqu’elle rentrerait.
Peu importait, elle ne voulait pas se priver de ce moment qui arrive, normalement qu’une
fois dans une vie.
Nina passa donc la chercher, et toutes les deux rejoignirent Lara et Stéphanie à la première
boutique de robes de mariée.
Ce fut un défilé à la Pretty Woman.
Nina enchaîna les essayages.
Elle montra chaque robe au comité des juges, qui donnait son avis dès son apparition.
Tout lui allait à ravir. Elle ferait une mariée magnifique
Une robe courte pour le mariage civil fut retenue, agrémentée d’un blaser si le temps le
nécessitait.
Madame Giredet pleura lorsqu’elle découvrit sa fille dans une robe qui ressemblait à celle
de Grace Kelly.
Nina eut également du mal à résister à cette robe, mais elle garda en tête le planning et
voulut attendre de voir ce que proposerait le créateur.
Le petit groupe arriva donc dans la seconde boutique feutrée de Saint Germain des Près.
Les créations sur les mannequins du bas ressemblaient plus à des sculptures qu’à des
présentoirs.
Derrière le comptoir, la sœur du créateur, reconnut Nina dès son entrée. Elle fut émue de
la revoir accompagnée de ses proches.
Quand la raison lui fut dévoilée, elle alla chercher son frère à l’étage, que Nina rencontra
pour la première fois à Nina.

— Hervé, voici, une de tes plus anciennes et fidèles clientes


Elle te suit depuis tes débuts et vient pour que tu lui fasses sa robe de mariée…
Le créateur installé dans l’escalier, descendit serrer Nina dans ses bras, l’émotion le
submergeant.
Nina se para des robes, une à une. Elles firent l’unanimité et le couturier imaginait déjà les
premières lignes de sa future création.
Nina porterait un modèle unique pour son mariage créé pour elle par son créateur favori.
Elle avait l’impression de rêver
Le petit groupe sortit réjoui du moment passé et alla s’installer dans un café non loin pour
se remettre de cette folle journée riche en émotions.

118
IL LUI AVAIT PROMIS…
Sylvain l’ami scénariste de Nina, qui habitait à côté les rejoint
Il entra vite dans la conversation, fort intéressé par la préparation de l’évènement

— Et la liste de mariage ? demanda-t-il après avoir appris les moindres détails de la journée
— Pour l’instant, nous ne l’avons pas déposée, répondit Madame Giredet, il nous reste
encore quelques étapes avant,
— Une organisation militaire ! plaisanta Sylvain, en ayant déjà sorti et allumé, ses longues
et fines cigarettes, qu’il ne pouvait s’empêcher de consommer
— Mon père était Contrôleur Général des Armées, j’ai dû prendre de lui
Sylvain se réjouit d’en apprendre plus sur la famille de Nina, curieux de tout, retenant tout.
Il s’inspirait du quotidien pour nourrir les personnages de ses scénarii, ou simplement pour
le plaisir de connaître mieux, les personnes qu’il appréciait et dont il se sentait proche.
Et il se sentait proche de Nina. Elle lui avait plu dès le moment où il l’avait rencontrée, lors
d’un défilé où pour une amie commune, et avec d’autres jeunes femmes, elle avait joué les
mannequins le temps d’une soirée.
Dès lors, sa spontanéité, sa fraîcheur et son physique l’avaient séduit.
Secrètement, il était tombé amoureux d’elle. Plusieurs fois, il avait tenté des
rapprochements, mais avait compris qu’elle avait toujours quelqu’un en tête, un fantôme du
passé dont l’ombre planait encore à ses côtés.
Jusqu’au jour où elle lui avait présenté Geoffroy. En silence encore, il avait encaissé le coup.
Il savait de toute façon que plusieurs décennies les séparaient.
Trop d’années…
A quoi pouvait-il s’attendre de toute façon ? Elle avait déjà un père malade.
Il lui épargnerait de revivre une fois de plus les affres de la maladie, de la dégénérescence
avec un homme bien trop âgé.
Il ne lui aurait apporter que quelques courts moments de bonheur tout au plus.
Il serait donc bon perdant.
Mondain et festif les prochaines noces le réjouissaient. Il se décida donc à rester futile en
continuant sur la lancée du sujet des tenues

— Pour les hommes, ce sera la jaquette ?


— Absolument confirma madame Giredet, ravie d’avoir un invité sur la même longueur
d’ondes qu’elle
— Et pour la couleur du veston ?
— Assorti au vert du faire part, et aux tenues des enfants d’honneur
— Magnifique ! J’adore ! cela va être grandiose, j’ai hâte !

119
IL LUI AVAIT PROMIS…

Ainsi se termina la journée de pause de Madame Giredet. Elle en apprécia chaque moment,
qui resterait gravé dans sa mémoire.
En rentrant chez elle, la réalité la rattrapa.
Henri Giredet, cassa les porcelaines biscuits du XVIIIème pour manifester son
mécontentement, l’aide- soignante n’avait rien pu faire.
Madame Giredet fut ramenée avec violence à sa dure réalité.
Les quelques heures d’évasion qu’elle venait de passer, s’envolèrent instantanément.

*
En plus de la gestion des différents recrutements, Nina reprit son activité d’enseignante à
l’Université.
Elle avait la charge de plusieurs classes de Travaux Dirigés, et en juin assumerait, la lourde
responsabilité d’être maître de stages, et d’assurer plusieurs soutenances.
Comme elle rencontrait beaucoup de succès auprès des jeunes, les demandes se
bousculèrent pour sa plus grande joie.
Enseigner également lui faisait du bien.
En ce moment Geoffroy rentrait très tard, sautait les dîners du soir et ne la touchait plus.
Cela l’étonnait mais, comme auprès du Père Alexandre, il ne cessait de confirmer son amour
et le bonheur éveillé qu’il vivait, elle se disait que ce n’était certainement que passager.
De son côté, elle continuait d’avoir des otites à répétition.
Elle qui n’était jamais malade d’habitude, enchaînait décidément cette année.
L’enseignement lui permit de souffler. Elle maîtrisait parfaitement ses cours, et cela la
sortait des préparatifs du mariage qui s’accentuaient à une vitesse folle.
Les essais coiffure, le photographe, le vidéaste, le Disc-Jockey, bientôt le dépôt de la liste
de mariage… l’organisation ressemblait de plus en plus à un marathon.
La soirée de fiançailles avec les amis, devait se tenir ce week-end.
Geoffroy semblait se laisser porter dans l’organisation, sa liste d’invités représentait un très
faible pourcentage de la liste globale.
Il plaisantait souvent sur le fait que la seule chose qui l’intéressait, était les cadeaux que
feraient les invités.
Et pour le moment, il n’engageait aucun frais dans l’organisation.
Nina le remarqua, mais le temps filait si vite qu’elle n’avait guère l’occasion d’y penser
davantage.
Lorsqu’ils se retrouvaient le soir avec Geoffroy, il restait peu de temps à passer ensemble.
Ce dernier rentrait très tard, fatigué, il partait vite se coucher.
Le temps passa et le romantisme des premiers jours s’envola.

120
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nina pour retrouver Geoffroy décida une nouvelle fois d’organiser un petit voyage en
Sardaigne quelques jours avant le mariage civil ; et après la fin des cours à l’Université. Une
façon se dit-elle de se détendre et de prendre un peu le soleil avant l’évènement.
Cela réjouit Geoffroy.
Il précisa au passage, qu’il aurait un séminaire qui se tiendrait à Carcassonne, quelques
jours avant, juste après Pâques. Les mois d’avril et mai s’annonçaient donc chargés

*
La fête de fiançailles battait son plein dans l’appartement
Les mêmes amis qu’à la soirée d’anniversaire se retrouvaient de nouveau, à la différence
que Geoffroy avait convié cette fois-ci sa garde rapprochée, ses collègues de bureau, qui se
révélaient être en réalité ses seuls amis : Yannick et son mari ainsi qu’Alain, l’adjoint de
Geoffroy qui serait également son témoin au mariage.
Geoffroy fit faire le tour du propriétaire à ses amis, avec une fierté non dissimulée, alors
que Nina s’occupait de ses invités, les regardant du coin de l’œil.
Les stores avaient été tirés, amenant ainsi un peu d’intimité avec les voisins du dessus, et
la baie vitrée, grande ouverte, donnait accès au jardin, là où les convives aimaient se
rassembler, pour fumer et discuter en prenant l’air en cette soirée de tout début de
printemps.
Alain quinquagénaire portait la barbe, et ne cachait pas son attirance pour la gent
masculine. Célibataire, bon vivant, il dégageait une bonne humeur et une convivialité
immédiate, et vouait une admiration sans borne à Geoffroy.
Plus discrète Yannick portait encore les traves de sa dernière grossesse. Les yeux bleus,
cheveux mi-longs, elle ne se mettait pas en avant comme Alain, Honnête et droite, elle avait
su faire sa place dans l’entreprise, et appréciait réellement Geoffroy.

— Quelle merveille cet appartement ! s’enthousiasma Alain en revenant dans la pièce


principale.
Et tu peux même faire des barbecues l’été et déjeuner ou dîner dehors
— Nous n’avons pas la jouissance totale du jardin, intervint Nina tendant une coupe de
champagne à Yannick et Alain, accompagnée par Sylvain qui la bouteille à la main, rafraichît
la coupe de Geoffroy
— Vous avez l’usufruit ? demanda Alain qui connaissait le droit
— L’usufruit, oui répondit Nina simplement sans rentrer plus dans les détails
— Pour les soirées, ça suffit largement, coupa avec enthousiasme Sylvain
— Sylvain, je te présente, Alain, Yannick et son mari Fred, les amis et collègues de Geoffroy

121
IL LUI AVAIT PROMIS…
La discussion se poursuivit alors entre ce petit groupe formé avec l’entrain de Sylvain, qui
sortit et proposa à chacun ses cigarettes longues et fines, et orchestra avec malice la
conversation.
Geoffroy vit Nina en profiter pour rejoindre ses autres invités, faire la liaison entre chaque
groupe, donner des nouvelles, et en prendre au passage.
Il trouva qu’elle excellait dans l’art de recevoir, de mélanger les genres, de présenter
chacun à l’autre, avec chaleur et spontanéité.
La cuisine restait lors de chaque soirée, ce lieu convivial plus feutré où les gens aimaient se
retrouver, et passaient un moment plus ou moins long.
Stéphanie à quasiment à un mois du terme, et Florent s’y trouvaient justement. Ils
profitaient de la pièce, assez grande, finalement pour une cuisine, échangeant avec des amis
de Nina, qu’ils connaissaient et qui avec le temps étaient devenus également les leurs.
Geoffroy fit un passage éclair, pour prendre une nouvelle bouteille de champagne, Nina en
profita pour prendre des photos avec lui et les différents groupes présents, avant qu’il ne
reparte rejoindre Alain, Sylvain et Yannick, qui s’entendaient comme larrons en foire.

— Geoffroy ! l’interpella Sylvain joyeusement au retour de ce dernier


Il faut que nous allions louer ensemble nos jaquettes
— La bande de garçons d’honneurs… dit Yannick
Vous serez beaux tous assortis
— La mère de Nina, veut assortir les lavallières aux tenues des enfants s’honneur et à
l’encre sur les faire-part, du vert
— Magnifique ! J’adore ! Ce sens du détail … reprit Alain admiratif

La soirée se déroula agréablement pour tous. Un moment détendu, dans un joli cadre, une
ambiance amicale et heureuse.
Une fois tout le monde parti, Geoffroy prit Nina dans ses bras un long moment après l’avoir
aidé à ranger.

— Merci, poussin d’amour pour cette soirée, j’ai beaucoup apprécié

Nina ne répondit pas et profita du moment dans les bras de Geoffroy.


Il alla ensuite se coucher alors qu’elle était dans la salle de bain, et s’endormit sans
attendre, sans la toucher, une fois de plus.

122
IL LUI AVAIT PROMIS…
À la fin du mois d’avril, veille des vacances de Pâques, Stéphanie accoucha, d’un garçon,
que Florent et elle prénommèrent Raphaël. Un beau bébé, avec un duvet blond et de
magnifiques yeux bleus, hérités du côté de la famille maternelle de son père.
L’arrivée de Raphaël, fit la joie des deux familles.
Nina, alla dès que possible voir le nouveau-né à la maternité, avec un bouquet de fleurs
avec des choux, et une tonne de layette de marque pour son neveu.
Raphaël rencontra ensuite son grand-père et Geoffroy après la sortie de Stéphanie de la
maternité.
Monsieur Giredet sourit en voyant son petit-fils, même si sans doute il ne comprenait pas
vraiment qui il était.
Geoffroy également se sentit ému, en prenant ce petit être dans ses bras.
Il souhaitait vivre cela, avec son propre enfant, le plus rapidement possible.
Il avait pourtant ralenti ses tentatives faute d’énergie en ce moment.
Ses parents de toute façon le voyait désormais comme le fils prodigue, alors l’urgence
devint moindre.
Ce moment le rapprocha un peu de Nina, car les rapports entre eux se tendaient depuis les
fêtes de Pâques.
Une nouvelle fois, leur venue à Orléans pour le déjeuner Pascal dans la famille de Geoffroy,
ne s’était pas très bien passé pour Nina.
Elle commençait d’ailleurs à en avoir assez. Elle se sentait mal à l’aise systématiquement et
Geoffroy se comportait comme un coq en terrain conquis désormais.
Alors que Nina racontait à sa mère le déroulé du dernier déjeuner, cette dernière, tout à
coup, cessa d’avoir de la considération et de la compréhension pour son futur gendre.
— Qu’il reste à Orléans avec sa famille avait-elle fini par lancer, lassée par le énième récit
d’un déjeuner qui se passait ma pour sa fille.

Nina fut surprise par la dureté soudaine de sa mère vis-à-vis de son fiancé, mais la
comprenait, elle énonçait simplement tout haut ce que Nina constatait tout bas et qu’elle
n’osait pas dire.
Il était peut- être temps, de parler à Geoffroy, d’affronter la situation, une distance entre
eux s’était installée.
C’était décidé, Nina lui parlerait sérieusement ce week-end, elle mettrait les choses à plat,
sa famille, ses absences morales et physiques.

*
Geoffroy arriva à Vincennes ce jeudi après une longue journée.
Il rentrait de plus en plus tard, ces dernières semaines. Ce matin, Nina l’avait apostrophé
avant qu’il ne parte travailler, demandant qu’ils se parlent tous les deux, ce week-end.
123
IL LUI AVAIT PROMIS…
Quand il rentra, il avait déjà dîné, elle travaillait dans le salon sur son ordinateur,

— Bonsoir Poussin d’amour


— Bonsoir, elle le regarda plus froide qu’habituellement.

Geoffroy se mit à l’aise, elle lui laissa le temps d’arriver l’observant. Il vint s’asseoir près
d’elle

— Tu as passé une bonne journée demanda-t-il ?


— Oui, et toi, tu as faim ?
— Non, ne t’embête pas
— Je ne m’embête pas, j’ai préparé le dîner
— Merci, non, je n’ai pas faim
— Décidément, tu ne manges rien en ce moment…

Geoffroy tenta de changer de sujet, en l’amenant sur le terrain du professionnel, mais elle
revint sur le sujet du personnel.

— Ce week-end, pourra-t-on se parler ?

Geoffroy se raidit, il sentait bien son agacement.

— Ce week-end, je vais devoir partir à Orléans


— Quoi ? Encore ! pourquoi ?
— Tu ne supportes vraiment pas Orléans, hein ?
— Normal, avec l’accueil que j’y reçois à chaque fois de la part de ta famille
— C’est ma ville
— Pas la mienne
— Ha d’accord, donc tu détestes ma ville, ma famille, et quoi encore ?

La perche était clairement lancée, Nina se leva pour essayer de ne pas la saisir et de calmer
l’échange qui s’envenimait

— Nous n’habitons pas Orléans que je sache

124
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Non, mais ma famille y est
— Oui, ça je sais, merci,
On y a été la semaine dernière, on ne va pas y aller toutes les semaines, non plus
En tout cas, moi je n’y vais pas !
— Non, j’avais prévu d’y aller tout seul
— Charmant
Mais qu’est ce que tu as avec ta famille ?
Il n’y avait pas pire et maintenant il n’y a pas mieux…

Geoffroy tenta de l’amadouer

— Ecoute, je vais faire juste l’aller-retour demain, je reviendrai samedi, comme ça, nous
pourrons avoir notre week-end ensemble.
Allez Poussin d’amour, je ne veux pas qu’on se dispute
En plus, je ne t’ai pas dit pour ne pas t’inquiéter mais Caroline ne va pas bien
— Qu’est-ce qu’elle a ?
Voilà, la carte de la maladie marchait toujours, il le savait, et il en jouait :
— Son cancer est peut-être revenu,
Elle doit faire des examens
Je dois être là pour elle, la soutenir…
Il hésita à verser une larme… Non, ça ferait trop.

L’argument fit mouche.


Geoffroy sentit immédiatement Nina se radoucir
Plus tard, il se coucha et s’endormit aussitôt
Une fois encore il ne la toucha pas.
Nina commençait à trouver cela étrange. A Venise, il était insatiable, et depuis leur retour,
plus rien.
Ce n’était pas normal. Au début d’une relation…
Avait-il quelqu’un ?
Non, ce n’était pas possible, il ne ferait pas ça…

125
IL LUI AVAIT PROMIS…
Le lendemain Geoffroy se voulut très attentionné et doux envers Nina avant de partir, pour
essayer de continuer d’arranger la situation

— Bonne journée poussin d’amour, je reviens vite demain


— À demain, répondit juste Nina, avant que Geoffroy ne l’embrasse et parte

Nina se prépara ensuite, elle avait du travail qui l’attendait aujourd’hui, ses cours
notamment et elle essaierait de penser à autre chose.
Le soir, comme elle était seule, elle monta voir ses parents, et se confia une fois de plus à
sa mère.
Elle lui raconta tout. L’échange d’hier, la situation, l’éloignement, le sexe qui se faisait de
plus en plus rare entre eux. Sa mère, explosa dans la cuisine après le dîner.

— Non mais il agace avec son Orléans, Orléans, Orléans…

Nina connaissait trop bien sa mère. Elle savait que quand elle commençait à prendre
quelqu’un en grippe, elle ne revenait plus en arrière, et c’était clairement ce qui était en train
de se passer avec Geoffroy.
Nina aussi commençait à douter, même si Geoffroy avait ce matin essayé de calmer les
choses, même s’il lui avait confié que la maladie de Caroline l’inquiétait.
Elle ne pouvait s’empêcher de penser que ça n’allait plus entre eux.
Peut-être faisait-elle fausse route ?
Sa mère renchérit de plus belle :

— Il ne s’investit clairement pas dans ce mariage, il ne fait que foncer voir sa mère, qui le
rejette, et plus elle le fait plus il y court.
Il faut voir la façon dont tu es accueillie à chaque visite là-bas
Qu’a-t-il de si important à faire à Orléans ?
— Il s’inquiète pour sa belle-sœur
— Peut-être, je comprends, mais il devrait aussi s’inquiéter pour toi.
On ne laisse pas sa fiancée toujours toute seule.
Et il devrait te toucher, à quarante ans, c’est la force de l’âge, ton père, il n’arrêtait pas, lui
à cet âge

Les doutes de Nina s’accentuèrent davantage avec les confidences de sa mère. Elle savait
quel couple hors du commun ses parents formait. Lasse, fatiguée elle finit par dire :

126
IL LUI AVAIT PROMIS…

— On verra demain
Je vais te laisser coucher papa

Nina embrassa sa mère et descendit.


Chaque soir, Madame Giredet passait beaucoup de temps à endormir son mari. La nuit lui
faisait peur, et son épouse restait à ses côtés, sur une chaise, le temps qu’il s’endorme en lui
tenant la main et ce pendant des heures.
À défaut l’exemple de ses parents montrait à Nina, ce qu’était un vrai couple.
Même dans la maladie, ils restaient unis.
Rentrant seule dans son appartement, elle regarda les photos de la soirée de fiançailles
qu’elle avait fait tirer.
Les plus réussies les montraient, Geoffroy et elle souriants, tour à tour posant avec les amis
présents et sur quelques photos, juste tous les deux.
Nina regarda les photos encore et encore, puis sa bague de fiançailles. Venise paraissait
bien loin. Elle en profita pour regarder les photos des quelques jours passés là-bas.
Elle avait mis de la musique en fond, et eut envie de graver un CD pour Geoffroy.
Comme elle l’avait fait quand ils s’étaient rencontrés. Cela paraissait être un bon vecteur
pour transmettre ses émotions, ses pensées.
Elle si pudique dans ses sentiments trouvai refuge chaque fois qu’elle souffrait dans les
musiques aux mélodies tristes.
Elle passa une nuit agitée, n’arrêtant pas de se retourner et sentant l’inquiétude monter.
Faisait-elle bonne route avec Geoffroy ? S’aimaient-ils encore ? Arriveraient-ils à dépasser
cette mésentente entre les familles ?
On n’épousait pas la famille, mais quand même, la sienne prenait finalement beaucoup de
place et les choses ne s’arrangeaient pas vraiment.
Elle se demanda une nouvelle fois si Geoffroy n’avait pas quelqu’un ?
Elle réfuta de nouveau cette hypothèse insensée.
Il fallait qu’elle arrête de délirer, il s’était absenté une soirée, pour prendre soin de sa belle-
sœur, il revenait tout à l’heure, rien d’inquiétant.
Au matin, toujours sans nouvelle, Nina se décida à envoyer SMS :

— À quelle heure reviens-tu ?

Elle ne reçut pas de réponse, ce qui continua à la faire douter.

127
IL LUI AVAIT PROMIS…
Finalement, elle tenait à Geoffroy, elle s’en était rendue compte la veille, repensant à tout
ce qu’ils avaient vécu ensemble.
Avec lui, elle avait retrouvé un peu d’allégresse, la complicité, des moments forts…
Elle avait un peu retrouvé ce qu’elle avait connu avec Axel.
Axel…
Axel… qui était toujours dans son cœur. Mais qui n’avait pas réapparu.
Axel qui lui avait fait les mêmes promesses, des années auparavant mais ne les avaient pas
tenus.
Il fallait qu’elle oublie Axel…
Il l’avait quitté. Il l’avait laissé.
Il était son passé, Geoffroy son avenir.
Peut-être que le mariage amenait trop de stress tout simplement ?
Peut-être fallait le reporter ou l’annuler ?
Pour la première fois, elle envisagea cette possibilité.
Pour la première fois elle écouta et fit ressortir ses doutes.
Elle s’autorisa à avouer :
Que les choses avaient été trop rapides, qu’ils s’étaient peut-être trop précipités, que les
problèmes de famille ne s’envoleraient pas du jour au lendemain, et qu’ils sabotaient
vicieusement leur couple…
Au même instant, un SMS arriva

— Je suis malade,
Je vais rester à Orléans

Nina lut ces quelques mots.


Elle reçut un coup de massue.
Cela continuait… Il ne revenait pas. Il se dérobait…
Malade ? Depuis quand ? Il ne semblait pas malade, vendredi
Tout cela commençait à la fatiguer.
Trop d’idées lui traversaient la tête.
Elle se décida à aller prendre une douche, et faire au mieux pour ne pas y penser.
Peine perdue…
Elle se trouvait Incapable d’arrêter de penser ou de se raisonner.
Elle monta chez ses parents pour déjeuner.

128
IL LUI AVAIT PROMIS…
À peine entrée, sa mère dans la cuisine l’alpagua :

— Alors ? tu as des nouvelles ?


— Il est malade et reste à Orléans
— Ce n’est pas vrai ? reprit sa mère choquée alors que Nina s’asseyait dans la cuisine,
pendant que son père faisait les cents pas dans l’appartement, indifférent à la situation
Que vas-tu faire ?
— Je vais lui demander s’il souhaite qu’on annule tout s’il revient !
— Tu n’as vraiment pas de chance avec les hommes décidément…
— Il faut croire

Après le déjeuner, Nina s’isola et appela Lara pour lui confier sa détresse.
Elle avait besoin de l’oreille attentive de son amie ainsi que de son point de vue.
Lara écouta sans intervenir le récit de Nina

— Je crois qu’on va annuler le mariage…


— Chérie, écoute sois raisonnable,
Lui dit Lara se voulant rassurante et souhaitant désamorcer la bombe qui s’apprêtait à
exploser

A cet effet, Lara appelait toujours Nina chérie, quand cette dernière avait besoin de
réconfort, de soutien

— Tu t’emportes trop. Il est malade. Ne casse pas tout, alors qu’il est malade, ça arrive
— Il peut être malade ici,
— Nina, voyons… Il faut vous parler…
— Oui exactement, c’est ce que je voulais faire ce week-end, et lui il part à Orléans
— Orléans n’est pas si loin, tu peux aller le rejoindre

Nina fut désarçonnée par cette idée à laquelle, elle n’avait même pas pensé.
Lara poursuivit

— Chérie, sois gentille, va le voir, va lui parler, je suis sûre que tout va s’arranger, ce n’est
qu’un malentendu

129
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Je ne pense pas, non. Ça fait des mois qu’il ne me touche pas
Il ne s’investit pas dans le mariage, il ne paye rien, il a un côté radin qui m’insupporte, nous
ne sommes pas de même milieu et ses parents n’en parlons même pas
Enfin Nina lâcha tout et mit des mots sur ce qu’elle pensait intérieurement.
Je ne pensais pas que tu prendrais sa défense, tu n’as jamais été fan
— À la soirée de fiançailles, je vous ai trouvé très mignons tous les deux.
J’ai parlé avec Geoffroy, aussi, il a les yeux qui pétillent dès qu’il parle de toi, et il ne voyait
que toi à cette soirée, c’était Nina par ci, Nina par là…

Entendre Lara confier cette anecdote calma un peu Nina.


Sa mère arrivant dans le salon, elle n’eut pas envie de poursuivre plus la conversation et y
mit fin

— Je vais devoir raccrocher, merci pour ton écoute et tes conseils


— Tiens-moi au courant, je t’embrasse
— Moi aussi

— Lara ? demanda Madame Giredet

— Oui, elle pense qu’il faut qu’on se parle


— On ne demanderait pas mieux de lui parler, ironisa sa mère
— Je vais redescendre,
Nina n’avait plus envie de parler, d’argumenter.
Elle souhaitait se retrouver seule pour réfléchir à ce qu’avait préconisé Lara.
Elle quitta l’appartement remplie de doutes

*
De retour chez elle, Nina s’assit sur le canapé.
Elle regarda les photos de la soirée de fiançailles en repensant aux propos tenus par Lara.
Il était à peine quatorze heures, si elle partait maintenant, elle serait à Orléans en moins de
deux heures. Elle repensa à sa conversation avec Lara,

— Sois gentille, va le voir…

130
IL LUI AVAIT PROMIS…
Les mots résonnèrent une dernière fois dans sa tête, avant qu’elle ne se décide
Elle attrapa avant de partir le CD gravé la veille, et quelques photos de la soirée de
fiançailles, où ils apparaissaient tous les deux.
Et elle partit sans prévenir personne.
Elle mit le CD en fond sonore sur la route, décidée à simplifier les choses une fois pour
toute.
Elle arriva rapidement dans la ville et devant l’immeuble de Geoffroy.
Elle remit le CD dans sa pochette, prit son sac avec les photos, descendit et alla devant
l’immeuble.
Devant la porte, elle se rendit compte que bêtement elle n’avait même pas le code, ni les
clés pour rentrer.
Elle venait si rarement, elle n’en avait jamais eu besoin.
Elle sonna à l’interphone, une première fois… Pas de réponse.
Elle sonna une deuxième fois, il commençait à pleuvoir, toujours pas de réponse.
Une troisième et dernière tentative confirma que Geoffroy ne se trouvait pas chez lui.
Bizarre… Malade et sorti ?
Elle tenta de le joindre par téléphone, elle tomba sur son répondeur.
Elle réessaya plusieurs fois, sans succès alors que la pluie se mettait à tomber plus fort.
Elle ne laissa aucun message, contrariée de ne trouver personne, et se dirigea vers sa
voiture.
Avant de monter dedans, elle composa le numéro de Lara sous la pluie.

— J’ai suivi tes conseils, je suis Orléans devant chez Geoffroy, et il n’est pas là
Et n’ayant ni le code, ni la clé je suis devant comme une idiote
Je lui avais gravé un CD, amené des photos de la soirée de fiançailles…
Limite si je ne lui avais pas fait une soupe ! je suis trop bête !
— Non, c’est très bien, Chérie
Tu as fait l’effort
— Pour quelqu’un de malade, il n’est pas chez lui, c’est bizarre
— Il est peut-être chez ses parents ? Tu ne peux pas t’y rendre ?
— Je ne saurais pas retrouver l’adresse. Et puis, je ne vais pas y aller, on a plus douze ans,
non plus !
— Tu vas rentrer ?
— Ha ! Attend… Quelqu’un sort de l’immeuble…Je vais y aller…
Je te laisse bisous…

131
IL LUI AVAIT PROMIS…

Et Nina, attrapa la porte au vol avant qu’elle ne se referme, entra dans l’immeuble, prit
l’ascenseur, monta à son étage, se retrouvant devant la porte fermée.
Elle sonna une nouvelle fois, et d’instinct, écouta, s’il y avait du bruit à l’intérieur.
Elle attendit un long moment…
Elle hésita à rester là à attendre le retour de Geoffroy.
Un quart de seconde, elle eut le pressentiment qu’on la regardait à travers le judas de la
porte.
Lassée… Elle finit par se résoudre à rentrer chez elle, à reprendre la route.
Elle prit un stylo dans son sac et un bout de papier et nota ces quelques lignes qu’’elle
inséra dans le CD.

— Etais venue jouer les infirmières…


En espérant que ces mélodies et photos te feront du bien
Je t’embrasse

Nina

Elle mit les photos et le mot dans le CD, laissa le tout en équilibre sur la poignée de la porte
extérieure.
Une dernière fois, elle écouta si elle n’entendait pas un bruit à l’intérieur suspicieuse.
La curieuse impression qu’il y avait quelqu’un derrière la porte ne la quittait pas.
Elle se faisait sans doute des idées, et se résolut enfin à partir.
Le reste du week-end, Nina attendit un appel, un SMS de la part de Geoffroy, qui ne vint
pas.
Le silence et l’indifférence soudaine la ramenèrent dix ans en arrière, à la période la plus
noire de sa vie, quand Axel, du jour au lendemain avait disparu, avant de revenir et rompre
avec elle.
Elle ressentait les mêmes sensations à cet instant, l’histoire allait sans doute se répéter.
À l’époque, elle avait cru mourir de chagrin.
Elle passait les jours comme un zombie attendant qu’une chose, l’arrivée de la nuit pour
pouvoir rêver d’Axel, pour pouvoir le retrouver dans ses songes, imaginer tout ce qu’ils
auraient pu faire ensemble.
Puis un nouveau jour se levait la ramenant à la réalité, et la douleur la submergeait.
Elle avait cru que jamais elle ne s’en remettrait…
À cet instant elle retrouva cette douleur cette angoisse.
132
IL LUI AVAIT PROMIS…
Une douleur vive, soudaine ravageant tout sur son passage.
Avec Geoffroy elle avait de nouveau voulu y croire. Lui, au moins tiendrait ses promesses,
une vie à deux, un mariage, des enfants, un couple, une famille à elle. Mais pour la deuxième
fois, tout s’écroulait.
Dix ans plus tard, alors qu’elle avait fait tant de chemin, Nina se retrouvait dans une
situation similaire.
A la différence cette fois que son cœur s’était endurci…
Devant sa fenêtre, la nuit tombée, elle ne pleura pas, elle resta debout, prête à affronter
ce qui allait arriver.
Peinée, résignée, elle y ferait face, elle avait connu bien pire.

133
IL LUI AVAIT PROMIS…
-Tu serais venu dire au revoir ?
Tristan ? Tu pars pour longtemps ?
— Non, quelques mois
— Je peux te rendre la vie meilleure
— Non […]
— Donne-moi une chance au moins
— Oh arrête
— Regarde-moi…S’il te plaît, regarde-moi
Je resterai ici à t’attendre
Le temps qu’il sera nécessaire
J’attendrai toute la vie s’il le faut…

Légendes d’Automne : Fuir-Tristan et Susannah

Juin 1999, Université Paris XII


Les oraux pour intégrer un DESS, se déroulaient ce matin à l’Université de Créteil.
Nina après un an passé en école de commerce, tentait son unique chance d’intégrer le
troisième cycle dans sa faculté d’origine.
Rentrée trop tard une année plus tôt d’Ecosse, où elle avait suivi le programme Erasmus,
elle n’avait pas pu passer à temps les entretiens pour Paris XII.
Elle qui était jusque lors un pur produit de l’Université, se trouva frustrée de faire son
troisième cycle en école de commerce et un non à la fac.
Elle souhaitait depuis sa première année rentrer en DESS.
Elle voulait se mesurer aux autres, et faire partie des trente admis, alors qu’au départ ils
étaient plus de cinq cents inscrits.
Les places coutaient chères, et justement, cela conférait au diplôme sa valeur.
Plus qu’en école de commerce, où elle avait eu pendant un an l’impression de payer pour
avoir son diplôme.
Souvent, son père disait que la sélection était sa meilleure chance.
A force de donner les diplômes, le gouvernement les dévalorisait.
Nina avait fait cette promesse à son père d’obtenir un vrai bac plus cinq, et elle comptait
bien ne pas le décevoir.

134
IL LUI AVAIT PROMIS…
Les entretiens se déroulaient dans trois salles distinctes
Un examinateur par salle décidait en quinze minutes qui rentrerait ou non en DESS.
Trois options, quinze places par options.
Nina arriva une heure en avance, exprès pour prendre la température.
Adossée au mur, en face de la salle, elle observait et écoutait discrètement mais sans
perdre une miette, les commentaires des étudiants qui sortaient de la salle, un à un.
Et son examinateur, ne remportait pas le prix de la bienveillance.
La dernière étudiante qui venait de sortir, s’était écriée :

— C’est un tueur… il m’a tué

Le couloir fourmillait d’étudiants, une agitation dans tous les sens y régnait.
L’ambiance était électrique.
Après avoir fait une nouvelle victime, l’examinateur sortit, et appela Nina.
En entrant dans la salle, il fit signe à Nina de s’asseoir en face de lui, il ne lui parut pourtant
pas si effrayant.
En costume gris, une cinquantaine d’années, de corpulence et taille moyenne, dégarni,
cheveux ras, avec des lunettes, il dégageait un air sérieux :

— Vous êtes la vingt-cinquième, dit-il en guise d’introduction


Et que de filles
— Ça, c’est le lot des Ressources Humaines, répondit Nina en s’asseyant
— Comment l’expliquez-vous ?
— Par la PNL, sans doute…
Notre cerveau est divisé en quatre.
En haut le cortical, en bas le limbique.
A gauche la raison, à droite, les sentiments.
Nous sommes tous un peu des quatre à la fois, mais des pics peuvent apparaître laissant
place à des traits de caractères marquants.
Les femmes sont plus dans les émotions, l’humain, l’ouverture à l’autre, en Ressources
Humaines vous avez principalement des limbiques droits, d’où une majorité de femmes.
C’est sans doute pour cela.

Au moins les cours en école de commerce avaient -ils servi à quelque chose

135
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nina vit son interlocuteur sourire, elle avait réussi à piquer sa curiosité.
Il enchaîna sur son parcours regardant son CV.
Elle expliqua qu’en maîtrise, elle avait fait le programme Erasmus, en partant étudier six
mois en Ecosse.
Là-bas pour la première fois, elle avait touché aux Ressources Humaines.
En revenant, il était un peu trop tard pour les entretiens alors elle avait fait un Master en
Ecole de Commerce, au début option Finance, mais elle ne s’y était pas plu, et avait changé
pour les Ressources Humaines, en fin de cycle.
Elle avait découvert un nouveau monde composé de plusieurs disciplines, et n’avait connu
que le recrutement grâce à un stage dans un grand cabinet international.
Elle souhaitait donc revenir à la faculté, parce qu’elle en était issue, mais aussi pour profiter
d’une année supplémentaire pour faire des stages et découvrir les autres domaines des
Ressources Humaines
— Quels domaines ? demanda l’examinateur
— La formation, l’administration du personnel, l’audit social avec des plans sociaux, la
chasse de tête… il y en a tellement
— Vous avez postulé dans d’autres Universités ?
— Non, juste ici, ça passe ou ça casse

L’examinateur sourit de nouveau, il semblait séduit


Il raccompagna Nina détendu à la porte.
En sortant elle savait qu’elle avait de grandes chances d’être prise.
Nina se dirigea libérée d’un gros poids, dans le hall, là où l’effervescence se faisait moins
sentir, alors qu’elle se dirigeait vers les portes pour sortir sur le parking, une voix derrière elle
l’appela :

— Nina ?

Elle se retourna étonnée car elle ne connaissait plus personne

— Louis ?

Louis assis sur un banc métallique, se leva se retrouvant face à Nina en deux enjambées lui
aussi surpris de la trouver ici

— Tu as passé un entretien pour un DESS ?

136
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Oui Ressources Humaines et toi ?
— Gestion PME/PMI
J’ai fait mon service militaire l’année dernière, je n’ai pas pu avant et toi ?
— Avec Erasmus c’était trop tard, j’ai fait un an en école de commerce
Ton entretien s’est bien passé ?
— Oui, je pense et toi ?
— J’espère
— Tu rentres sur Vincennes ?
— Oui, tu veux que je te dépose sur la route
— Je veux bien, mais pas sur la route à Vincennes, je suis retournée chez ma mère, j’ai
rompu avec ma copine
— Désolée de l’apprendre
— C’est la vie, et toi les amours
— Ça va ça vient, des aventures sans lendemain
— En tout cas, je suis bien content de te voir
— Moi aussi répondit Nina, qui étrangement le pensait

Ils se mirent en marche en direction de la voiture de Nina toujours la même qui se trouvait
sur le parking.

*
Une semaine plus tard, Louis appela Nina, tôt le matin, elle vivait désormais dans un studio.
Elle ne décrocha pas, mais entendit Louis annoncer :

— Je suis à la fac,
Nous sommes pris tous le deux en DESS,
Il faut qu’on fête ça !
*
L’année de DESS passa à une vitesse folle.
Nina vivait dans le studio à côté de Florent et Stéphanie qui occupait le deux-pièces, et au
premier étage se trouvait l’appartement de ses parents.
Monsieur Giredet venait à peine de commencer sa retraite bien méritée, avec une fin de
carrière stressante.
Il décompressait peu à peu.

137
IL LUI AVAIT PROMIS…
Souvent, il perdait ses clés, oubliait le fil de sa pensée, et avait eu quelques accrochages en
voiture alors que ça ne lui était jamais arrivé auparavant.
Des petites choses du quotidien auxquelles personne ne prêta vraiment attention.
Une fois, il hurla après Nina.
Elle eut mal. Cela lui rappela de mauvais souvenirs.
Cela leur arrivait quelquefois. Ils se disputaient violemment.
Nina souvent en pleurait, et puis cela passait :
Son père ensuite s’en voulait énormément et la gâtait. Il l’amenait dans les boutiques de luxe,
lui offrait un sac ou des vêtements de marques prestigieuses.
Madame Giredet soutenait sa fille quoi qu’il arrive, elle continuait de s’occuper des affaires
familiales et du bien-être de chacun. Elle avait ainsi pu racheter un studio supplémentaire dans
l’immeuble, en face de celui de Nina côté rue, ainsi qu’un autre appartement dans un
programme neuf un peu plus loin dans la ville.
Ces acquisitions immobilières permirent d’assurer une retraite au couple Giredet.
Florent quant à lui, avait réussi le concours du barreau et enchaînait la dernière ligne droite
du parcours du combattant avant de prêter serment.
La vie de couple avec Stéphanie se passait bien, même si cette dernière ne souhaita pas
rester longtemps dans le deux- pièces, trop proche selon elle de sa belle-famille.
Elle désira gagner en indépendante. Elle finit, après de longs mois de recherche pénibles et
difficile, par trouver un emploi comme assistante, dans un organisme sportif.
Ils s’étaient d’ailleurs fiancés pendant l’hiver au cours d’un déjeuner réunissant les deux
familles dans un restaurant. Le couple ne tarderait plus à se marier, dès que Florent serait
devenu avocat.
Nina quant à elle s’était tenue aux objectifs fixés pour sa dernière année d’étude.
Elle avait planifié de faire des stages toute l’année pour explorer l’ensemble des domaines
des Ressources Humaine.
Elle qui ne vit en école de commerce que l’intérim.
Il lui manquait l’administration du personnel, l’approche directe plus connue sous le nom
de chasse de tête, et l’audit en matière d’humains avec idéalement une entreprise victime
d’un plan social.
Son année ne comportait finalement que très peu de mois de cours, quatre tout au plus de
février à mai.
Elle débuta avec un stage peu après la rentrée, puis trois mois de cours suivi d’examens,
pour terminer par un long stage de six mois, qui serait soutenu devant un maître de stage avec
un rapport, la rentrée d’après.
Le dernier stage de six mois se révèlerait primordial.
C’était celui qu’il fallait bien choisir, car il débouchait souvent sur un premier emploi.

138
IL LUI AVAIT PROMIS…
La rentrée en DESS se faisant assez tardivement, Nina en profita pour travailler, en tant
qu’hôtesse.
Puisqu’elle ne travaillait plus à l’auto-école, désormais, elle intervenait sur différents salons
en fonction de ses disponibilités.
En rentrant en DESS, elle n’avait pas accroché avec sa promotion.
Comme à son habitude, elle était restée en retrait, avait pris ses cours sans se lier avec les
autres.
Elle retrouvait Louis régulièrement et rejoint son nouveau groupe d’amis.
Avec eux elle discutait ou sortait en soirée.
Des étudiants de la promotion de Louis craquaient sur elle, Elle évoluait donc dans
différents groupes, suscitant beaucoup d’intérêt et profitant de cette dernière année
d’insouciance pour sortir et s’amuser.
Parfois, elle avait des aventures qui se voulaient épisodiques ou éphémères au grès de ses
rencontres.
Après un court passage de rentrée en DESS, où un jeu de gestion d’entreprise rassembla
tous les troisièmes cycles.
Nina partit en stage, et découvrit comme elle le souhaitait l’administration du personnel
dans une entreprise, grossiste d’espaces publicitaires.
Rien de bien intéressant, les dossiers du personnel, la paye… elle valida que son intérêt se
porterait dans d’autres domaines.
Elle se mit donc en recherche d’un deuxième stage devant se dérouler dans un cabinet de
chasse de tête, qu’elle ferait en parallèle de ses cours.
Elle choisit un petit cabinet spécialisé dans le bâtiment, non loin de chez elle.
Difficile de trouver un vrai cabinet d’approche directe.
De nombreux cabinets pratiquaient l’annonce et non les méthodes de chasse.
Elle eut un bon contact avec le directeur du cabinet, issu du bâtiment, qui avait monté son
cabinet seul, et officiait à l’est de Paris ainsi qu’à Saint Tropez.
Le secteur du bâtiment fonctionnait bien et les cadres efficients se faisaient débaucher
d’une entreprise à l’autre en profitant pour augmenter leur salaire.
Il était toujours flatteur de se faire chasser mais avant d’en arriver au contact direct avec le
candidat identifié, une longue investigation se déroulait pour remonter les organigrammes
sans en avoir l’air. Il fallait prendre des renseignements sans se dévoiler.
Nina se serait crue dans les services secrets.
Lors du premier jour de son stage, alors qu’elle avait ses examens qui commençaient
l’après-midi, le directeur avait insisté sur l’urgence de sa prestation.
Elle se présenta dans les locaux du cabinet.
Le directeur absent, ses deux collaboratrices ne lui adressèrent pas la parole.

139
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elles la firent patienter sur une chaise dans l’entrée, lui passant devant, la regardant du
coin de l’œil en se préparant un café sans même lui en proposer.
Nina patienta une heure dans cette ambiance particulièrement hostile, avant de décider
de partir.
Elle avait des examens et pas de temps à perdre avec des espèces de pimbêches qui la
prenaient de haut.
Le soir venu, alors qu’elle révisait dans son studio pour les examens du lendemain, le
directeur appela très confus de la situation, la suppliant pour qu’elle effectue son stage

— Laissez-moi vous inviter à dîner pour m’excuser de ce qui s’est passé ce matin
— C’est inutile, vous n’y êtes pour rien
— J’aurais dû être présent, je connais mes collaboratrices
— Elles sont particulières en effet
— Elles sont jalouses,
Vous savez comment sont les femmes entre elles, vous avez déjà du vivre cela
— À ce point, franchement non.
Elles ne m’ont jamais parlé, elles ne me connaissent pas…
Il ne faut pas exagérer
— Elles vous ont pris pour une rivale
— Rivale de quoi ?
Je ne fais qu’un stage.
Je ne suis même pas obligée de le faire d’ailleurs,
J’ai des examens et des cours en parallèle, je n’ai pas besoin de ça
— Mais moi, j’ai vraiment besoin de vous, j’ai vraiment besoin d’aide
Laissez-moi vous inviter à dîner…
Vous n’êtes même pas obligée de travailler au cabinet,
On pourra trouver un compromis

Nina le sentit si désespéré qu’elle finit par se laisser convaincre et accepta son invitation.
Il arriva vingt minutes plus tard au volant de sa Porche alors qu’elle l’attendait dehors.
Il descendit, la fit monter, lui ouvrant la portière et l’amena dans un très grand restaurant.
Sur le trajet, le directeur qui tenta par tous les moyens de la séduire.
La cinquantaine, divorcé, il vivait sur une péniche sur les quais Parisiens. Séducteur, un
tantinet bourru, il ne passait pas par quatre chemins.

140
IL LUI AVAIT PROMIS…
Il aimait les femmes, Nina lui plaisait, il ne s’en cachait pas.
Installés au restaurant le directeur continua son offensive professionnelle et personnelle,
il passa rapidement au tutoiement avec Nina, tout pour lui devait aller à l’essentiel.

— Si encore tu étais arrivée hésitante,


Mais tu es arrivée d’un pas déterminé, et elles sont parties en vrille
— N’importe quoi …
— Ne me dis pas que ça ne t’est jamais arrivé auparavant ?
Les femmes entre vous, vous êtes vraiment….
— Franchement, à ce point-là, non.
Elles ne m’ont même pas adressé la parole une seule fois
— Elles t’appellent l’hôtesse de l’air !
— Pardon ?
C’est une blague ?
Elles sont complètement folles
— Ça ne va pas t’empêcher de faire ton stage ?
J’ai vraiment besoin d’aide
— Je ne mettrai plus un pied au cabinet
— Non… Bien sûr…
Tu peux travailler chez toi, je te rembourserai tous les frais
Allez, s’il te plaît…
— Entendu
— Génial ! Tu es un ange, tu me sauves…
Ainsi Nina prit-elle en charge cette première mission d’approche directe.
Le directeur lui expliqua rapidement les ficelles et elle géra seule et de chez elle, la
prestation.
Au cours des quatre mois de stage, le directeur continua d’essayer de la séduire sans
succès.
À la fin de son stage, alors qu’il lui avait proposé une embauche dès l’obtention de son
DESS, Nina passa remettre ses tableaux de chasse en mains propres.
Les deux collaboratrices fidèles à elles-mêmes, envoyèrent la nouvelle stagiaire ouvrir la
porte pour observer Nina, la fameuse hôtesse de l’air dont elle avait tant entendu parler.
Décidément, Nina n’arriverait jamais à s’intégrer dans ce cabinet.
Elle déclina donc l’offre d’emploi du directeur et lui offrit un Bonsaï pour le remercier et
conclure cette expérience.

141
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle remit également un paquet enveloppé qu’il devrait remettre de sa part aux
collaboratrices.
Le directeur amusé, n’en demanda pas plus et se chargea de la mission.
Après le départ de Nina, il convoqua les deux affreuses dans son bureau :
— Nina m’a chargé de vous remettre ça
— Qu’est-ce que c’est ?
Demanda la meneuse intriguée
— Je ne sais pas,
Répondit le directeur narquois, se doutant bien que Nina larguait une bombe
La meneuse déballa le paquet et découvrit un livre :
Le guide du savoir-vivre
*
La prestation de serment de Florent pour devenir avocat se déroula peu après.
Cette cérémonie sonna comme un des plus beaux moments de la famille Giredet.
Henri Giredet rayonnait.
Lui d’habitude si sombre, vécut sans doute ce jour-là, un des plus beaux moment de toute
sa vie.
Pour Florent cette journée apparut comme une libération.
Le concours pour devenir avocat ne laisse que trois tentatives.
Florent l’obtint la deuxième fois.
Lui, qui avait toujours eu de grandes facilités pour tout, se heurta à un refus, pour sans
doute la première fois de sa vie.
Vexé, orgueilleux, il n’accepta pas cette décision, et prit sa revanche l’année suivante.
Après cinq années d’études, un concours déguisé s’imposait aux étudiants pourtant déjà
en fin de cycle.
Florent l’avait obtenu, et ce jour-là, il exultait.
Entouré de Stéphanie, de son père, sa mère, sa sœur, son mentor avec qui il travaillait
depuis un an.
Il se sentit reconnu, accompli.
Les jeunes fêtèrent dignement cette prestation en organisant une soirée chez eux.
Nina en profita pour y convier ses amis, notamment Lara, ainsi que Louis et sa bande de
DESS.
Malgré ce moment joyeux et festifs, la famille depuis plusieurs mois remarquait que l’état
d’Henri Giredet continuer de se dégrader.
Au printemps, il fut testé.

142
IL LUI AVAIT PROMIS…
Les tests tombèrent comme un couperet.
Ils révélèrent une démence type « Alzheimer », la maladie de la mémoire.
Médecin, Henri Giredet sut ce que cela signifiait, et l’obscur avenir qui attendait son
épouse.
Tous les deux pleurèrent beaucoup en apprenant le diagnostic.
— Fais ce que tu pourras, avait-il dit à son épouse
Puis ensuite place moi...
Le placer Madame Giredet ne pourrait jamais s’y résoudre.
Elle se promit qu’elle garderait son mari le plus longtemps possible à la maison.
Il se serait laisser mourir autrement.
Elle le savait parfaitement.
Sans son sa famille, hors de son environnement, il s’éteindrait dans tous les sens du terme.
*
Nina termina officiellement son année de DESS
Le dernier stage de fin d’études devait s’enchaîner
Elle tressaillit en voyant l’annonce d’une maison de luxe, qui sortait d’un plan social
chercher une stagiaire.
Elle se précipita pour répondre à l’annonce.
Très rapidement, elle fut contactée, et se rendit à un entretien avenue Montaigne.
L’assistante de la nouvelle DRH, la reçut dans un premier temps dans les locaux au- dessus
de la boutique.
Elle lui expliqua le contexte.
La directrice des Ressources Humaines, venait de prendre le poste et l’avait fait venir
ensuite.
Toutes deux issues de l’hôtellerie relevèrent le défi d’amener l’entreprise familiale vers une
nouvelle ère.
Une nouvelle styliste devait dépoussiérer la marque, la projeter au XXIème siècle, face à
ses redoutables concurrents : Dior, Vuitton, Gucci, Saint- Laurent...
Nina fut ensuite reçue par la Directrice des Ressources Humaines, une jolie femme,
élégante, parée de bijoux d’autres marques.
Elle lui expliqua les missions qu’elle aurait à mener si elle rejoignait le groupe.
La refonte complète des dossiers du personnel, la mise en place de nouveaux outils, le
remplacement des membres de l’équipe pendant les congés d’été.
Elle précisa, que le stage ne déboucherait pas sur une embauche.
Cela ne découragea pas Nina, qui resta fortement motivée par cette opportunité.

143
IL LUI AVAIT PROMIS…
Après l’entretien, Nina revint au bureau de l’assistante pour passer un test sur ordinateur.
Un courrier à mettre en page, en corrigeant des fautes d’orthographe.
Nina s’appliqua à faire en sorte que tout soit parfait.
L’assistante la raccompagna, lui promettant une réponse rapide.
Quelques jours plus tard, elle reçut une réponse positive.
Nina prit plaisir chaque seconde à travailler dans cette entreprise.
Elle découvrit vite les rivalités au sein du service réduit à deux autres femmes en plus de la
DRH et de son assistante.
Nina apporta à chacune une bouffée d’oxygène, proche de chacune, souriante,
empathique, elle redonnait de la gaité à des employés meurtris par le rachat et le plan social.
Elle effectuait avec sérieux et bonne volonté les tâches confiées, et remplaça avec plaisir
et succès chaque personne du service partant tour à tour en congés.
À la mi-juillet, elle commença à rédiger son rapport de stage.
À deux pas des Champs Elysée à la fin juillet, elle devait sortir de l’entreprise pour acheter
une cartouche d’encre.
Elle marchait sur la plus belle avenue du monde, avec une foule de touristes qui allaient et
venaient, quand elle vit émerger au loin un couple, qui se tenait par la main et se rapprocha
dangereusement d’elle :
Axel et Hélène,
Elle reconnut Axel et Hélène.
Cette vision la percuta comme une voiture de plein fouet…
Ils se retrouvèrent devant elle en une fraction de seconde.
Axel et Hélène main dans la main.
Axel et Hélène, devant elle en chair et en os.
Combien de temps avait-il fallu à Hélène pour prendre sa place ?
Comment Hélène avait-elle pu prendre sa place ?
Elle était finalement arrivée à ses fins, « mon meilleur ami » se souvint-elle
Tu parles…
Nina, en état de choc ne sut même plus qui amorça le dialogue le premier.
Les mots sortirent de sa bouche comme si elle était spectatrice de la scène et non actrice.
— Je travaille à côté pour mon stage de fin d’année.
J’étais venue chercher une cartouche d’encre pour mon rapport de stage,
Bredouilla-t-elle
Et puis plus rien.
Nina n’entendit plus rien.

144
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle regardait Axel, et Axel la regardait.
Elle regardait leurs mains unies.
C’était sa main à elle qui devait être dans celle d’Axel, et non celle d’Hélène…
Comment osait-il ?
Comment osaient-ils tous les deux ?
Quelle trahison !
Quel affront !
Axel mal à l’aise, se raccrochait à Hélène comme à une bouée de sauvetage.
Hélène sentit la tension qui se dégageait entre eux, et finit par lâcher la main d’Axel disant
— Je vais vous laisser quelques instants
— Non, supplia Axel alors qu’Hélène s’éloignait
Ils restèrent quelques secondes sans savoir quoi dire, sans savoir quoi se dire…
— Tu sais, je n’ai jamais oublié ton anniversaire, dit-elle simplement
— Moi non plus, répondit-il
— Tu es toujours dans ta double vie ?
— Je suis content pour ton DESS se contenta- t-il de dire
— Je vais y aller, prends soin de toi conclue- t-elle n’en pouvant plus
— Toi aussi sauta- conclue-t-il simplement
Nina fuit à tout allure sans se retourner, n’ayant qu’une idée en tête, mettre le plus de
distance possible entre Axel et elle.
*
Lara attendait Nina dans un café.
Elle avait reçu un appel de son amie complètement paniquée, bouleversée.
Elle lui avait expliqué avoir revu Axel sur les Champs tenant la main d’Hélène
Lara, travaillait dans le même secteur géographique que Nina, ce qui lui permit de la
retrouver à la vitesse de l’éclair.
Elle avait gagné une année sur Nina, rentrant dans la vie active dès la fin de ses études.
Elle n’avait jamais entendu dans une telle détresse. Si douloureusement blessée.
Toutes les deux en avaient parcouru du chemin depuis le lycée, inséparables depuis et
jusqu’alors.
Complices, confidentes à jamais soudées.
Lara connaissait tout de Nina, et Nina tout de Lara.
Elle savait que son amie venait de vivre un évènement vraiment traumatique.
Revoir Axel l’avait précipité dans un gouffre.

145
IL LUI AVAIT PROMIS…
Le voir tenir la main d’Hélène l’acheva…
Quelques années auparavant elle l’avait retrouvé en miettes quand il était parti… Mais là…
La voix de Nina tremblait, rien qu’en évoquant la scène.
Elle en pleurait, touchée en plein cœur.
La douleur enfouie depuis longtemps venait de resurgir, vive comme aux premiers jours.
Lara se rappela, les scènes à l’auto-école où Hélène affirmait en parlant d’Axel
— C’est mon meilleur ami
Elle se souvint à quel point cette réplique les énervait déjà à l’époque, Nina et elle.
Lara qui ne croyait pas vraiment entre l’amitié entre filles et garçons mais qui avait fait
confiance à Axel.
Pas à Hélène, non mais à Axel.
Lara elle-même y avait cru.
Elle voyait la façon dont Axel regardait Nina.
Il n’avait qu’elle dans les yeux.
Personne d’autre n’existait pour lui., qu’elle.
Pourquoi se retrouvait-t-il avec elle ?
Qu’avait-il bien pu lui passer par la tête ?
Elle n’eut guère temps de trouver une ébauche de réponse.
Nina vint s’asseoir en face d’elle, décomposée.
— Je ne te demande pas si tu vas bien
Nina ne répondit même pas.
— Tu veux qu’on se saoule ?
Toujours pas de réponse
— Qu’on aille se jeter dans la Seine ?
Qu’on hurle ? qu’on frappe ? qu’on lance un contrat sur leurs têtes ?
Enfin cela fit réagir Nina, elle mit sa tête entre ses bras sur la table, resta un court moment
avant de se redresser.
— J’ai envie de mourir…
Main dans la main avec Hélène…
Lara tendit à Nina sa boisson et fit signe au garçon d’en ramener une autre
— Depuis le temps qu’elle le voulait… elle est arrivée à ses fins
La garce ! ajouta Nina buvant une gorgée
— Elle ne prend que tes restes…
Chérie, allez, oublie-les…
146
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Je ne peux pas oublier.
Je n’arrive pas à chasser cette image de ma tête…
Je n’oublie jamais rien, tu sais bien…
J’aimerais pourtant… tellement…
J’aimerais tellement les oublier, l’oublier lui…
Oublier tout ce qu’il m’a dit…
— Lâche prise… Vous n’êtes pas bon, l’un pour l’autre…
Séparément peut- être, mais pas ensemble.
Il n’est pas bon pour toi, et tu n’es pas bonne pour lui… C’est comme ça…
— Parce qu’il est mieux avec Hélène, peut-être ? Et Nina éclata en sanglots
— Allez viens, je te raccompagne.
Lara régla l’addition et amena son amie au parking où était garée sa voiture. Elle l’installa
sur le fauteuil passager, et se mit en route.
Nina tournée vers la vitre, à regarder l’extérieur paraissait tellement lointaine, perdue dans
ses pensées, ses regrets.
L’extrait Les rois du monde, de la comédie musicale Roméo et Juliette passa à la radio, à la
fin du trajet, alors que Lara s’arrêta devant l’immeuble de Nina, si horriblement juste dans les
paroles du refrain :
Les rois du monde vivent au sommet
Ils ont la plus belle vue mais y a un mais
Ils ne savent pas ce qu'on pense d'eux en bas
Ils ne savent pas qu'ici, c'est nous les rois
Les rois du monde font tout c'qu'ils veulent
Ils ont du monde autour d'eux mais ils sont seuls
Dans leurs châteaux là-haut, ils s'ennuient
Pendant qu'en bas nous on danse toute la nuit
Nous, on fait l'amour, on vit la vie, jour après jour, nuit après nuit
À quoi ça sert d'être sur la terre si c'est pour faire nos vies à genoux ?
On sait qu'le temps c'est comme le vent, de vivre, y a que ça d'important
On s'fout pas mal de la morale, on sait bien qu'on fait pas d'mal

— Tu entends, même la chanson le dit : On sait qu’le temps c’est comme le vent de vivre,
y’à que ça d’important reprit Lara
Allez, on chante
Et les deux amies se mirent à chanter le refrain à tue-tête aussi fort qu’elles le pouvaient,
pour que les paroles les imprègnent, les convainquent, rentrent en elles de grès ou de force.
De retour dans son appartement, Nina n’alluma pas les lumières, elle ouvrit la fenêtre, et
resta dans le calme de la nuit.
147
IL LUI AVAIT PROMIS…
Florent et Stéphanie avaient déménagé dans le XVème, après la prestation de serment, elle
venait tout juste d’emménager dans le deux -pièces.
Elle avait son petit coin téléphone, non loin, avec une chaise juste à côté, elle s’assit, resta
longtemps avec l’envie d’appeler Axel.
Elle voulait lui parler, avoir une explication, elle le méritait bien.
Pas ce soir.
Il était trop tard, la rencontre était trop fraîche, mais elle finirait par l’appeler, elle
trouverait sans doute le courage.
Elle ne pouvait pas rester comme ça, sans explication, cette rencontre venait de réveiller
une plaie vive, toujours ouverte, que rien à part la voix d’Axel ne pourrait apaiser.
*
Septembre 2001
Nina sortit d'un immeuble Haussmannien dans le 8eme au petit matin après y avoir passé
la nuit. Le calme avait envahi la rue déserte qui n'allait pas tarder à se réveiller.
Elle devait regagner son appartement rapidement pour se doucher, se changer, se préparer
à aller travailler.
Elle occupait désormais le poste de responsable de département dans une entreprise de
prestations de service et gérait quatre-vingt personnes détachées dans le secteur bancaire.
Quand elle prit le poste son département ne comptait que vingt salariés.
Elle développa contre toute attente le chiffre d’affaires d'une façon spectaculaire en
quelques mois.
En parallèle, elle commença à être chargée de TD dans sa faculté d'origine comme elle
l'avait toujours souhaité.
Une sorte d'hommage à son père qui souvent avec émotion lui racontait les souvenirs émus
qu'il gardait de ses années d’étude en médecine.
Nina s'épanouissait donc professionnellement à cette étape de sa vie.
La fatidique date du 11 septembre arriva, et au bureau, personne ne comprit réellement
ce qui se passait.
Sans accès aux informations, des bruits commençaient à arriver sur une histoire d’avions
et de tours aux Etats Unis.
Nina en fut d'autant plus éloignée, que sa belle-sœur Stéphanie accoucha ce même jour.
Florent et Stéphanie accueillirent leur premier enfant la petite Camille à cette date
mémorable.
Nina devait voir plusieurs candidats avant de pouvoir se rendre à la maternité.
Parmi eux, un qu'elle voyait pour la deuxième fois et qui devait être présenté à un client.
Nina l'accompagna à l'entretien comme le voulait la tradition et sur le trajet du retour, le
candidat voulut l'inviter à dîner sans dissimuler ses intentions

148
IL LUI AVAIT PROMIS…

— Je ne peux pas accepter, il n'est pas bon de mélanger le professionnel et le personnel


— Pour vous soulager, Nina, je n'ai pas l'intention d'accepter le poste.
On m'en propose un autre.
Je ne suis venu que pour vous revoir et vous proposer de sortir avec moi
— Et bien, je suis flattée,
Même si je viens de perdre mon temps, mais je ne peux toujours pas.
— Pourquoi ?
— Regardez, je porte une bague à la main gauche
— Et alors ?
— Vous ne savez pas ce que ça veut dire ?
— Non, j'avoue
— ça veut dire que je suis engagée avec quelqu'un
— Et vous n'êtes pas prête à vous désengager ?
— Non, répondit Nina en riant

Le candidat finit en arrivant devant l'immeuble du bureau de Nina, par accepter sa défaite,
avec regrets.
Il laissa Nina remonter et partit de son côté vers d'autres aventures.
En entrant dans l'appartement transformé en bureau, la standardiste lui demanda des
nouvelles

— Perte de temps, il ne veut pas du poste


— Pourquoi est-il venu alors ?
— Pour moi soi-disant, pour m'inviter à sortir avec lui
— Quel succès ! Tu as accepté ?
— je lui ai dit que j'étais fiancée, heureusement que je porte mes bagues à la main gauche,
ça rend le mensonge plus crédible
— Il était pourtant charmant, tu aurais dû dire oui
— Je penserai à toi la prochaine fois plaisanta Nina
Des nouvelles pour les États-Unis ?
— Ça continue à faire le buzz et tu as eu un appel d'un certain François Perrin qui n'a pas
laissé de message
— Très bien, merci, je vais finir et je me sauve voir ma nouvelle petite nièce.

149
IL LUI AVAIT PROMIS…

Nina arriva dans son bureau, retourna l'appel sans succès, boucla son compte rendu avant
de se mettre en route pour la maternité.

Deux mois plus tard, au bureau, la charge de travail augmentait.


Les besoins en recrutement des entreprises clientes ne cessaient de croître.
Le directeur de la filiale reconnaissait les compétences exceptionnelles de Nina.
Il la laissait faire.
Au milieu de la matinée, Nina regretta l’envoi d’un mail professionnel qui pourrait avoir des
répercussions personnelles.
Cela lui arrivait rarement, mais elle avait fait une erreur, laissant la rancœur d’une mauvaise
expérience passée prendre le dessus.
Après avoir hésité longuement, elle décrocha son téléphone :
— C’est moi dit-elle lorsqu’il décrocha
J’ai fait une erreur
Est-il possible de faire disparaître un mail déjà envoyé ?
— Il faut des autorisations pour ça,
— Ce n’est pas possible alors ?
— Non
Nina raccrocha, et retourna à la gestion de ses dossiers., la journée se passa avec quelques
turbulences suite à cet email, qui fit son effet, mais rien finalement qu’elle ne put gérer et la
gestion des affaires quotidiennes reprit son cours.
La semaine d’après, Nina fit passer un entretien à un candidat pour la seconder.
Sa charge de travail était telle, qu’elle n’arrivait plus à faire face seule.
Son directeur était parti car il avait bénéficié d’une promotion, le propulsant à la tête du
groupe au siège.
Depuis son départ, un nouveau avait pris la relève, avec qui Nina ne s’entendait pas du
tout.
Ce dernier sortait d’un placard doré, complétement incompétent.
Nina et lui dès le départ n’accrochèrent pas.
Expliquer et faire tout le travail à la place d’un homme qui avait le double de son âge et qui
gagnait quatre fois plus qu’elle, constituait un obstacle insurmontable.
Elle prit donc le parti, de ne faire aucun effort avec ce dernier.
Le candidat pour la seconder lui avait fait bonne impression,
Il devait néanmoins maintenant être rencontré et validé par le nouveau directeur

150
IL LUI AVAIT PROMIS…
Le rendez-vous serait arrangé un autre jour, Nina s’en occuperait.
Quelques instants après le départ du candidat, alors que Nina tapait son compte rendu,
elle fut prévenue par la standardiste, que François Perrin l’attendait à l’accueil, c’était son
rendez-vous pour le déjeune.
Elle le rejoint avant qu’ils ne sortent tous les deux
À son retour, la standardiste ne put s’empêcher de la prendre à partie, lui disant :
— Tu les trouves où tous ces hommes ?
Ils sont plus charmants les uns que les autres…
S’il y en a un qui ne te plaît pas...
— Je penserai à toi… termina Nina en regagnant son bureau
Amusée, elle s’assit devant son ordinateur, et se prit les quelques minutes qu’il restait
avant quatorze heures, sans trop savoir pourquoi à regarder les bagues de fiançailles.
Trois jours plus tard, le candidat qui postulait pour être son adjoint rencontra le directeur.
Il passa voir Nina après son entretien
— Ça s’est bien passé, je crois, j’ai montré à quel point j’étais intéressé et motivé par le
poste
Quand pensez-vous que j’aurais une réponse ?
— Assez rapidement, j’ai vraiment besoin d’aide
— Si cela peut vous intéresser, j’organise une soirée samedi, comme je vous l’avais
expliqué, si cela vous tente de venir, il y aura tout le gratin parisien
La voyant hésiter, il enchaîna
Ce n’est pas de la drague, ma fiancée sera là également… Cela vous permettrait de faire
une pause et de voir autres choses que les banques
— Je verrai, je ne vous promets rien
Une fois le candidat parti, le directeur vint dans le bureau de Nina, il s’avachit sur les chaises
qui entouraient la petite table ronde, où Nina faisait passer les entretiens.
Il occupa tout l’espace, sans gêne, ni retenue et proclama :
— J’ai détesté ce candidat, il sait tout, a tout vu, tout fait
Il est prétentieux, ce n’est pas du tout ce qu’il nous faut
— Il a un profil commercial, il vaut mieux être sûr de soi dans ce métier
— De la tchatche, c’est tout ce qu’il a,
— Pourquoi ? non, il a un portefeuille clients, ça pourrait nous ouvrir des portes pour de
nouveaux marchés,
— Du vent, c’est du vent, il n’a rien du tout
Il vous a tapé dans l’œil parce qu’il est beau gosse
— Pas du tout, qu’insinuez-vous ? Répondit Nina énervée
151
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Rien, dit le directeur en se levant
En tout cas pour moi, c’est niet, lança- t-il avant de quitter le bureau
Nina mit un long moment avant de se calmer. Décidément, elle ne supportait pas cet
homme. Travailler avec lui, allait relever de la mission impossible. Elle chercha à joindre
François, qui ne répondit pas. Quelques minutes après, elle reçut un SMS de sa part, avec les
simples mots :
— Je ne t’aime pas
Restons- en là
Charmant se dit-elle, il ne manquait plus que cela, et elle répondit presqu’aussitôt par
défiance
— Ça tombe bien, moi non plus
Sors de ma vie une fois pour toute, et ne reviens plus
Elle se décida à appeler le candidat pour lui annoncer qu’il n’avait pas le poste et en même
temps pour lui dire qu’elle acceptait son invitation à la soirée qu’il organisait. Après tout,
rencontrer le tout Paris, ne lui ferait pas de mal, elle se changerait les idées et oublierait ses
dernières mauvaises expériences.
*
Septembre 2002
Un an s’écoula, riche en événements, en allant à la soirée du candidat non retenu, Nina
était rentrée dans le cercle fermé la jet set Parisienne.
Elle y amena Lara.
Toutes les deux pendant plusieurs mois sortir partout, tout le temps : bals, soirées, galas,
dîners, défilés, Castel, prix de Diane…
Elles s’étaient perdues dans les sorties jusqu’aux bout des nuits parisiennes.
Si Lara avait renoncé après quelques mois, Nina, elle n’avait eu de cesse de s’étourdir
rencontrant énormément de gens différents, des aristocrates pour la plupart, dont Sylvain,
qui l’amusa beaucoup, et avec qui elle allait partout, pour oublier ses peines passées, et pour
s’oublier sans doute elle-même.
Côté professionnel, Nina n’était pas restée dans l’entreprise de prestation de services. Le
nouveau directeur avait eu raison d’elle.
Au bout de quelques mois, leur mésentente atteint des sommets, et rendit toute
collaboration impossible.
Nina créa son cabinet de conseil en recrutement.
Avec l’aide de sa mère, elle avait contracté un emprunt, embauché un graphiste pour
réaliser plaquettes et site internet.
En parallèle de cela, elle continua d’enseigner à la faculté, son nombre de Travaux Dirigés
doubla.

152
IL LUI AVAIT PROMIS…
De quatre, elle passa à huit TD, enrichissant ses cours d’anecdotes bien choisies issues de
ses expériences professionnelles. Les étudiants en raffolaient.
Ella organisa une soirée pour le lancement de son cabinet.
Lara à cette occasion fit un discours plein d’humour et de tendresse sur son amie, racontant
à un auditoire nombreux les aventures vécues par les deux jeunes femmes en diverses
occasions.
Elle rapprocha leurs différences et opposa leurs similitudes.
Louis assista à cette soirée.
Depuis qu’ils travaillaient, tous le deux se voyaient de moins en moins, et seules les
occasions un peu spéciales désormais les ramenaient l’un vers l’autre.
Louis toujours attiré par Nina, préféra se détacher d’elle. Décidément, les hommes
restaient décevants.
Allait-elle encore longtemps être amenée à rencontrer ce même genre de personne ?
Revivre toujours les mêmes situations de rejet ? Elle, qui commençait à se lasser des
mondanités et aspirait simplement à se marier et à fonder une famille.
Elle continuait de sortir de temps en temps avec Sylvain, toujours gai.
Ce mondain farfelu la faisait rire.
Toujours de bonne humeur, enjoué, il cachait derrière sa bonne humeur, et son débit de
paroles inégalables, les blessures de sa vie passée. Âgé, divorcé, fâché avec ses enfants qu’il
ne voyait plus, il vivait dans un hôtel particulier en plein Paris, avec son majordome et ses
chiens.
Nina l’appréciait vraiment beaucoup et le considérait comme un ami.
Un matin, après une soirée, ils discutaient dans la voiture,
Nina se laissa aller, et lui raconta son histoire avec Axel.
Elle n’arrivait toujours pas à s’en détacher.
Sylvain comprit à ce moment, que le cœur de celle qu’il convoitait appartenait à quelqu’un
d’autre.
— Merci de t’être confiée à moi, j’avais souvent senti avec toi une certaine indisponibilité.
Je comprends mieux maintenant.
Tiens là maintenant, c’est exactement comme souvent avec toi, tout à l’heure, il n’était pas
là, et maintenant il est là, avec nous dans la voiture
Tu ne pourras pas aller de l’avant, tant que tu n’auras pas mis cette histoire derrière toi.
De retour chez elle, Nina repensa aux mots de Sylvain.
Ils résonnèrent en elle comme un écho, alors que le jour se levait.
Encore une fois seule, devant sa fenêtre avec le calme de la nuit, qui vit ses dernières
heures, elle se retrouva perdue.
Le passé la hantait.

153
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle revenait au même point tout le temps.
Fidèle à une illusion, incapable d’aller de l’avant.
La première année, Nina ne rencontra pas le succès professionnel.
Ce fut l’année de lancement de la société, son démarrage, et les choses se mirent
doucement en place.
Elle eut au moins la possibilité d’être très présente, pour sa famille, son père avant tout, sa
mère, ainsi que pour la petite Camille qui apportait beaucoup de bonheur à tout le monde.
Après l’été, la cousine germaine de Nina se maria le dernier samedi du mois d’août, une
occasion pour Madame Giredet d’aller à une célébration et de changer de son quotidien qui
s’assombrissait avec l’état de son mari.
Monsieur Giredet, n’assista pas au mariage.
Il oublia où sa femme et sa fille partirent et, n’eut de cesse de composer le numéro de son
épouse, de laisser des messages sur le répondeur, toute la soirée, en boucle.
Le lendemain du mariage, pour une fois Nina se trouva chez elle.
Le téléphone sonna.
Encore plus rare, elle décrocha, au lieu de laisser le répondeur faire son œuvre, comme elle
le faisait d’habitude.
— Nina ?
Je n’étais pas sûr de te trouver chez toi
— Non, effectivement, c’est très rare
— Tu as quelque chose de prévu en fin d’après-midi ?
— Pourquoi ?
— J’aimerais te voir
— Pourquoi ?
— Je te le dirai en te voyant
— J’ai des amis qui doivent passer, mais en début de soirée, je serai disponible
— Très bien, on dit 20h
— Parfait, à tout à l’heure
— À tout à l’heure
Huit jours après la soirée, Nina fit un test de grossesse, elle espérait vraiment qu’il soit
positif, mais ce ne fut pas le cas.
*
Mai 2003
Lara depuis quelques mois souhaitait présenter à Nina, le collaborateur d’un de ses clients
devenu ami.

154
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle le trouvait parfait pour elle, plus âgé, de bonne famille,
Elle pensait qu’il pourrait l’apaiser un peu, la consoler de ses histoires passées.
Aussi se félicita-t-elle, quand son client lui confia avoir besoin d’un cabinet de recrutement.
Lara saisit l’occasion.
Elle arrangea un rendez-vous les jours qui suivirent.
Ainsi Nina se présenta-t-elle dans les bureaux du client ami de Lara, tombé du ciel.
Elle commençait d’ailleurs en cette année 2003 à avoir quelques clients.
Nina arrivée dans les bureaux, monta dans l’ascenseur avec un homme en costume, grand,
blond aux yeux marrons, qui la regarda tout le long.
Ils allèrent au même étage, et elle se demanda si ce n’était pas lui qu’elle devait rencontrer.
Et effectivement, elle fut reçue par le PDG et son directeur commercial, Patrick qui lui
présentèrent tour à tour la société et les besoins en recrutement qu’ils risquaient d’avoir si
l’appel d’offre auquel ils avaient répondu tournaient en leur faveur.
Cela restait donc hypothétique, mais le but de cette rencontre selon Lara, ne se voulait pas
vraiment professionnelle.
Lara d’ailleurs ne manqua pas d’appeler Nina quelques heures après l’entretien
— Tu viens vite aux nouvelles,
— Pas besoin, je suis au courant de tout
C’est moi qui vais t’en donner
— Dis-moi, je suis toute ouïe
A priori, ça ne sera pas professionnel, car les postes ne sont pas ouverts
— Non, ce ne sera sans doute pas professionnel, comment as-tu trouvé le directeur
commercial Patrick ?
— Bien
— C’est tout ?
— Oui, je ne lui ai pas parlé plus que ça
— Tu lui as tapé dans l’œil en tout cas, il m’a appelé pour me demander s’il pouvait te revoir
— Ha bon ?
— C’était le but Nina, je te rappelle, que tu rencontres quelqu’un de sérieux pour changer
Tu ne veux pas le revoir ?
— Si
— Cache ta joie… Allez Nina, essaye, qu’as-tu à perdre ?
— Rien
— Tu peux répondre par plus d’un mot ?

155
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Très bien, je vais essayer… on verra bien où ça nous mène
— Alléluia !
Nina et Patrick, sortirent ainsi diner, un grand nombre de fois.
Patrick afficha le profil idéal pour Nina.
Posé, calme, la quarantaine, souhaitant s’engager. Il lui manquait un grain de folie mais
peut-être était-ce une bonne chose.
Un homme rassurant, sur qui elle pouvait compter.
Cela la changerait.
Les dîners s’enchainèrent, mais Patrick ne tentait rien.
Au bout du énième dîner, Nina allait perdre patience, puis au moment de partir sa voiture
ne démarra pas.
Cette soirée permit enfin à Patrick en rentrant chez Nina, de se décoincer et de passer la
nuit avec elle.
Après cela, Patrick se dérida un tout petit peu,
Il proposa à Nina de passer les vacances d’été à Hossegor avec lui.
Il l’invita à un barbecue chez ses amis d’enfance à Saint Germain en Laye.
À ce barbecue Nina reçut un accueil très chaleureux.
Ses proches semblaient tellement heureux que leur ami, trouve enfin chaussure à son pied.
Une fois la nuit tombée dans le jardin, deux amies de Patrick vinrent faire connaissance
plus en détails avec Nina.
Elles lui demandèrent comment ils s’étaient rencontrés, depuis combien de temps ils se
voyaient, ce que faisaient Nina, et puis l’amie la plus âgée poussa plus loin ses investigations :
— Et tu as déjà était mariée ?
— Non
— Fiancée ?
— Ne sois pas indiscrète lui dit l’autre
— Tu n’as pas à répondre Nina,
— Ce n’est pas méchant, reprit la première un peu éméchée
Une belle fille comme ça, a dû avoir une vie avant Patrick
— Oui, j’ai été fiancée
— Et ? Qu’est ce qui s’est passé
— Arrête, tu vois bien que tu la gênes reprit l’amie modératrice
— Ça n’a pas été possible
— Pourquoi, il t’a trompé ?

156
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Non, il est parti à l’étranger
— Et alors ? les avions, ça existe
— Arrête, regarde, tu la gênes,
Son visage a changé,
Sa voix aussi
— Excusez- moi, dit Nina en fuyant vers la maison comme un animal traqué
— Ça ne marchera pas avec Patrick conclut l’amie la plus virulente, regardant Nina
s’éloigner
Elle en aime un autre

157
IL LUI AVAIT PROMIS…
Tu as fait tout ça ?
-Oui
— C’est beaucoup de risques pour toi
-J’ai beaucoup à me faire pardonner
-Tu n’as rien à te faire pardonner,
Tu aimes ton fils, tu es forte pour lui
-Je suis fatiguée d’être forte
Mon frère hait tout le monde
Et toi, plus que tout
-Parce que ton père m’a choisi ?
-Non parce que mon père t’a aimé
Et parce que je t’ai aimé
-Il y a si longtemps
-Etais--je très différente alors ?
-Tu riais plus
-Je me suis sentie seule toute ma vie
Sauf avec toi
Gladiator, Ridley Scott

Fin avril 2004, lundi matin


Nina avait attendu un message de Geoffroy tout le week-end, en vain.
Le lundi matin tôt, elle reçut enfin un appel de ce dernier, sur la réserve, elle décrocha
— Alors tu es venue à Orléans jouer les infirmières ?
— Oui, mais tu n’étais pas là
— J’étais parti jouer au golf avec mon médecin
— Tu étais en état de jouer au Golf ?
— Ça m’a fait du bien
Merci en tout cas pour les photos et le CD, j’ai beaucoup apprécié
— Il faudrait qu’on se parle
— Oui, ce soir, on sort dîner ensemble ?

158
IL LUI AVAIT PROMIS…
— D’accord, mais un restaurant simple,
— Je te laisse choisir
— Très bien, à ce soir
— À ce soir
Nina raccrocha. Elle avait réussi à se contenir et ne rien laisser paraître.
Elle savait que pour gérer les situations délicates, il ne fallait pas se dévoiler et laisser l’autre
approcher.
Elle était résolue à faire face à son destin. S’il voulait tout arrêter, ils annuleraient le
mariage.
Sa voix ne lui parut pas hostile.
Mais elle trouva étrange son histoire d’aller jouer au Golf avec son médecin, alors qu’il était
censé être malade.
Et pourquoi avait-il mis tout le week-end avant de se manifester ?
Elle ne s’attarda pas sur le sujet, devant aller à l’Université, elle appela juste sa mère pour
lui raconter l’échange qui venait de se tenir.
— Tu crois qu’il veut annuler le mariage ? demanda Madame Giredet que tout cela
finalement inquiétait
— Je ne sais pas, on verra ce soir
Nina assura ces cours toute la journée à l’Université, plus fébrile qu’elle ne l’aurait voulu.
Comme convenu, le soir, Geoffroy rentra. Il ne semblait pas malade.
Nina prit sur elle, pour ne rien montrer. Elle ne dit rien de significatif laissant venir
Geoffroy, jusqu’à ce qu’ils soient installés dans un petit restaurant Grec.
Là, elle osa poser la fatidique question
— Tu veux qu’on annule le mariage ?
Geoffroy s’interrompit et regarda Nina interloqué.

— Non, Poussin d’amour, bien sûr que non, je veux toujours t’épouser
Pas toi ?
— Je me pose des questions, on peut reporter le mariage, attendre un peu ?
— Pourquoi ?
— On ne peut pas dire que tout aille bien ces derniers temps entre nous, tes parents…
— C’est en train de changer, j’ai discuté avec eux ce week-end, et ils ont tenu de gentils
propos à ton sujet. Mon père a parlé de toi en t’appelant « ma très jolie future belle fille »
— Vraiment ?
— Et Caroline t’adore

159
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Comment va-t-elle d’ailleurs ?
— Pas vraiment mieux.
C’est aussi pour cela que je vais si souvent à Orléans et que je suis resté ce week-end
Que pouvez répondre Nina face à cela ?
La santé primait sur tout, elle ne le savait que trop avec son père et leur querelle semblait
bien futile face à cela. Elle resta donc silencieuse, plongée dans ses pensées.
— En tout cas, je suis content d’être ici avec toi
Tu m’as manqué reprit Geoffroy
— Moi aussi.
Elle marqua, un temps d’arrêt, ne sachant pas comment aborder le sujet qui continuait de
la déranger, puis finit par se lancer, tout en baissant la voix ;
— Tu rentres de plus en plus tard chaque soir, et tu ne m’as pas touché depuis un mois
— Je sais.
J’avais trop de choses dans la tête.
Cela va s’arranger. Geoffroy baissa également la voix, et continua
J’y ai réfléchi justement, et on pourrait pimenter un peu nos ébats
Qu’en dis-tu ?
— Comment ça ?
Nina n’aima pas cette dernière remarque.
Trop d’hommes lui avaient proposé ce genre de plans.
Des clubs échangistes, des plans à trois… Elle restait classique sur ce plan, pas coincée, ni
fermée mais elle continuait de penser, qu’une relation épanouie commençait par une relation
à deux.
Geoffroy la regarda avec envie, un petit sourire aux lèvres, incitateur
— Tu veux rejouer Basic Instinct ? demanda Nina, ce n’est pas facile ici, il n’y a personne,
— Ici, non mais…
— Un plan à trois…termina- t-elle sa phrase,
Ça ne me dit rien,
Et Nina se referma de nouveau, ce que Geoffroy sentit, il se rapprocha, et continua de
parler à voix basse
— Non, je pensais plus à faire l’amour dans des lieux plus excitants
— Ha… ça d’accord !
Geoffroy sourit, heureux de voir Nina prête à rentrer dans ses suggestions.
Ils continuèrent ensuite à s’émoustiller chacun en paroles, avouant tour à tour des
fantasmes, qu’ils avaient enfoui en eux, et qu’ils aimeraient vivre l’un avec l’autre.

160
IL LUI AVAIT PROMIS…
Après le restaurant, ils mirent en pratique ce qu’ils venaient d’évoquer faisant l’amour avec
intensité dans la voiture.
Ce moment leur permit de raviver le désir. Geoffroy se dit qu’avec un peu de chance, elle
tomberait même enceinte.

*
Madame Giredet appris la nouvelle de la réconciliation de sa fille et son futur gendre avec
retenue.
Son avis restait mitigé sur le fiancé de sa fille, qui ne remportait plus toute sa ferveur.
Malgré cela, elle resta neutre quand sa fille lui relata la soirée de la veille.
Elle la vit de nouveau heureuse et cela lui suffisait.
— Ce que vous pouvez faire dans ce cas, si Orléans est si important pour lui.
C’est prendre une maison de campagne, à vous là-bas.
Ainsi tu seras chez toi, avec un intérieur à ton goût, et tu ne seras plus en terrain hostile
chez les Billon
Tu pourras les recevoir chez toi, ou partir si quand tu ne seras pas bien reçue
— C’est une bonne idée
— Vous serez indépendants, tu pourras t’y réfugier.
Orléans, n’est pas loin, ça te permettra aussi de sortir de Paris, de te détendre à la
campagne
— Oui, c’est un bon compromis, je lui en parlerai ce soir
J’ai aussi réservé un voyage en Sardaigne
— Un voyage en Sardaigne ?
— Juste avant le mariage civil, pour qu’on prenne le soleil, et qu’on se retrouve
— C’est encore toi qui règles ?
— Oui, répondit Nina gênée
— Ça va tomber juste avant le mariage, ça n’était pas possible plus tôt ?
— Plus tôt, il a un séminaire professionnel à Carcassonne et j’ai la fin de mes cours
— Mais c’est encore toi qui payes, lui en profite et ça ne le dérange même pas !
On dirait un gigolo…
Cela échappa à Madame Giredet. Et elle ne voulait pas renvoyer à sa fille, une mauvaise
image.
Elle tenta donc de se calmer pour Nina
J’espère au moins qu’à toi ça te fera du bien se résigna-t-elle
C’est très joli, la Sardaigne

161
IL LUI AVAIT PROMIS…
Et que va-t-il faire à Carcassonne ?
— Il a un séminaire d’entreprise
— C’est le pays de Grand Maman, là-bas
— Je sais oui
— C’est quand ?
— La semaine prochaine
— Et le voyage en Sardaigne ?
— La semaine suivante
Madame Giredet prit son calendrier sur lequel, elle notait tout
— Quand vous reviendrez, on sera à dix jours du mariage civil.
On aura reçu les faires-parts pour la cérémonie en septembre
— Nous aurons aussi le dernier rendez-vous avec le Père, Alexandre,
J’aurai mon essai coiffure aussi, et Sylvain nous invite au Dîner en blanc
— Quel programme chargé ! Tout va s’accélérer maintenant
— La dernière ligne droite, oui,
— Tu as reçu les cadeaux d’oncle Pierre sur la liste de mariage ? il m’a dit qu’il l’avait fait
— Oui, j’ai envoyé un mot de remerciement ainsi qu’aux autres qui ont participés
— Parfait, tout se met en place
Ainsi se termina, le point sur le mariage,
Nina partit enseigner à l’Université avec la perspective de meilleurs moments à venir, du
moins elle l’espérait.
*
Geoffroy appela Nina chaque soir à vingt heures pendant son déplacement à Carcassonne.
Il lui clamait son amour.
Cela faisait trois soirs qu’il ne dérogeait pas à la règle. Tout semblait s’arranger entre eux
et ils vivaient de nouveau une parfaite idylle.
— Poussin d’amour, tu me manques
— Toi aussi, tout se passe bien ? Nina avait perdu sa voix
— Tu as perdu ta voix ?
— Oui, du jour au lendemain, mais j’arrive quand même à me faire entendre
— Ça a son charme la voix cassée
Tu arrives à donner tes cours ?
— J’ai terminé, les étudiants passent leurs examens
J’y retournerai pour les soutenances

162
IL LUI AVAIT PROMIS…
— J’ai hâte de rentrer de te retrouver
Je prendrai soin de toi, je te ferai un lait chaud avec du miel
— Demain
— Je te couvrirai de baisers, je te serrai dans mes bras, j’ai envie de retrouver ta peau
— On part deux jours après en Sardaigne
— Oui, quelle joie, je suis impatient, et puis après on se marie
Tu me fais un bébé, un beau, un comme toi ?
Je t’aime Poussin d’amour
— Je vais devoir y aller, je rentre demain
Prends soin de toi, je t’aime fort
Bisous d’amour
— Bisous, à demain
Le lendemain Geoffroy rentra de son séminaire, les retrouvailles furent intenses.
Geoffroy et Nina plus fusionnels qu’auparavant, vivaient une certaine béatitude, heureux
d’être ensemble, impatients de s’unir.
Finalement la dispute qui datait de quelques semaines à peine, les avait rapprochés.
La date du départ en Sardaigne arriva. Geoffroy eut à peine le temps de défaire ses valises,
qu’il dût en faire de nouvelles.
*
Un beau soleil brillait en Sardaigne, île digne d’une carte postale qui ressemblait
étonnamment à la Corse.
Nina et Geoffroy profitaient chaque jour de la plage, du farniente au soleil.
Geoffroy continuait de travailler beaucoup.
Souvent il s’écartait souvent pour répondre à des messages provenant de son bureau ou
pour téléphoner.
Nina le voyait faire alors qu’elle profitait du soleil.
Il l’exaspéra une fois de plus, lorsqu’il se gavait aux petits déjeuners pour sauter les
déjeuners.
Elle n’appréciait vraiment pas cette mentalité, ce comportement, qui revenait souvent chez
lui.
D’une part, c’est elle qui offrait le voyage, donc Geoffroy pouvait à minima prendre en
charge les déjeuners et d’autre part la générosité venait du cœur, et il en semblait dépourvu.
Cette mentalité de « radin » ou « gagne-petit » soulignait une grande différence entre eux
qui commençait à poser problème.
Geoffroy se comportait de la même façon pour le mariage.

163
IL LUI AVAIT PROMIS…
Il n’avait avancé aucun frais
Était-il un profiteur ?

Lorsqu’elle aborda le sujet, il n’assuma pas sa pratique. Il se contenta de dire, que lui n’avait
pas faim, laissant à Nina, la possibilité d’aller déjeuner sans lui si elle le souhaitait.
Il se rattrapait pendant les dîners sur la plage. Il profitait du cadre enchanteur pour
s’afficher de nouveau sous son meilleur jour. Et puis de retour dans la chambre, ils couchaient
ensemble.
Ninaà la fin du séjour, sans raison particulière vit une irruption de petits boutons sur le
décolleté apparaître.
Le dernier soir, elle eut mal au genou.
Après avoir perdu sa voix, eu des otites à répétition, maintenant cela…
Elle qui n’était jamais malade, cette année cumulait.
Elle se mit à boiter avec son genou qui la lâchait comme si elle avait reçu un coup ou comme
si elle avait été victime d’une chute, ce qui ne fut pourtant pas le cas.
A leur retour, tout allait s’accélérait. Il ne restait plus que dix jours avant le mariage civil.
*
Nina prit rendez-vous chez sa dermatologue, qui la connaissait depuis toute petite, ce qui
lui permit d’avoir un rendez-vous très vite.
Les boutons venaient d’une réaction au soleil et à la chaleur.
Avec le traitement donné, ils disparaîtraient avant le mariage civil.
La douleur au genou de Nina, s’était atténuée une fois rentrée.
Elle ne comprenait pas pourquoi, son corps réagissait avec tant de maux.
Mais elle ne disposait plus d’assez de temps pour se renseigner sur le sens caché de tout
cela.
En rentrant chez elle, Nina reçut un appel de Sylvain :
— Nina, comment vas-tu ?
— Bien Sylvain et toi ?
Elle ne voulut pas divulguer ses petits problèmes qui de toute façon disparaissaient
— Je te rappelle comme convenu pour le dîner en blanc demain
— Oui, le dîner en blanc, je n’ai pas oublié, comment fait-on ?
— Comme l’adresse va être envoyée au tout dernier moment, on peut se retrouver au Deux
Margots demain à 20h, et puis s’y rendre ensuite, Geoffroy sera disponible à cette heure ?
— Oui, ça ira
— Merveilleux ! je suis ravi de partager ce moment avec vous

164
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Nous aussi Sylvain
— À demain, je t’embrasse
— Moi aussi, à demain
Décidément le marathon commençait se dit Nina,
Ce soir rendez-vous avec le père Alexandre, demain essai coiffure avant le dîner en blanc,
puis le début des soutenances et ensuite le mariage civil.
On y était, Geoffroy et elle dans dix jours seraient mariés.
Nina profita de quelques instants de répit pour monter chez ses parents et voir sa mère.
Monsieur Giredet commençait à perdre l’équilibre, et à tomber.
Sa mère avait dû pendant leur séjour en Sardaigne faire intervenir les pompiers, plusieurs
nuits, n’arrivant pas à le relever.
Inquiète par ces chutes qui se renouvèleraient, elle parut très fatiguée et usée.
Nina l’embrassa et essaya de lui changer les idées en lui racontant son voyage, sans évoquer
les travers de Geoffroy.
Madame Giredet ensuite alla chercher les faire-part reçus depuis peu.
Classiques, à l’encre vert foncé, Le rendu élégant faisait beaucoup d’effet
Nina demanda à en prendre un, qu’elle souhaitait envoyer par elle-même.
Tout le reste de l’entrevue permit de faire un point sur tout ce qui s’annonçait.
— Il y a eu d’autres cadeaux sur la liste. Marie Christine, Sylvie, Jérôme ont commencé…
— Je leur écrirai un petit mot de remerciement en redescendant
Je suis un peu tranquille aujourd’hui, alors j’en profiterai
— J’ai accroché ta robe de mariée dans la chambre, tu veux la passer avant d’y aller ?
— Oui
— Le bouquet est commandé, tu seras magnifique
Et Nina alla passer sa robe de mariée. Elle tombait parfaitement.
Ses boutons avaient quasiment disparu, tout paraissait en ordre pour la cérémonie.
Une fois descendue chez elle, Nina, écrivit les cartons de remerciement pour les invités qui
avaient déjà participé, à la liste de mariage.
Ensuite, elle alla chercher sa boîte souvenirs dans laquelle elle gardait non loin, les photos,
mots, lettres, petits objets d’Axel.
La boîte pendant tout ce temps était restée dans sa chambre sur l’étagère du haut de son
armoire. Elle prit le post-it avec le numéro de téléphone d’Axel inscrit dessus.
Elle rentra le numéro pour composer le SMS suivant :
Bonjour
Peux-tu me donner ton adresse ?

165
IL LUI AVAIT PROMIS…
J’aimerais t’envoyer un courrier
Nina

Le faire-part pris quelques instants auparavant était pour lui.


Elle ne voulait pas l’inviter au mariage, mais l’en informer.

Elle envoya le message, resta un long moment, assise à contempler le post-it, et l’écriture
dessus.
Elle rangea la boîte à sa place d’origine, d’où elle n’aurait sans doute pas dû sortir.
Elle essaya de travailler, mais n’arriva pas à se concentrer, son esprit était ailleurs.
Pour essayer de le retrouver, elle se décida à prendre une douche fraiche.
Geoffroy ne tarderait plus à rentrer.
Ils devaient voir le Père Alexandre, pour la préparation religieuse.
Nina vit avec plaisir Geoffroy arriver. Ils se retrouvèrent quelques instants dans le couloir
de l’appartement avant de se mettre en route pour voir le prêtre.
Ce dernier, toujours en retard, les accueillit chaleureusement puis comme à son habitude
les fit rentrer dans la petite salle où ils avaient pris l’habitude de discuter tous les trois
— Nina, Geoffroy, comme je suis heureux de vous voir
Comment allez-vous depuis ces derniers mois ?
Vous avez bonne mine en tout cas
— Nous revenons de vacances répondit Geoffroy
— De vacances, magnifique ça ! où étiez-vous ?
— En Sardaigne dit Nina
— La Sardaigne, cela devait être paradisiaque à cette époque de l’année
— Oui ! reprit ensemble le couple
— Où en êtes-vous aujourd’hui dans vos liens ?
— Plus forts que jamais, nous nous marions civilement dans dix jours, commença Geoffroy
J’aimerais que ce soit demain, j’ai tellement hâte d’être uni à Nina
Je l’aime, je veux faire ma vie avec elle, avoir des enfants avec elle, la regarder se lever,
marcher, bouger, l’écouter parler, je veux la rassurer, la réconforter, être là pour elle, pour la
famille que l’on va fonder. Elle est mon tout, je suis complet et épanoui avec elle
— Ce sont de très belles et fortes paroles, Geoffroy, Nina doit être touchée de les entendre
— Oui, très
— Et toi Nina, tu ressens la même chose ?

166
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Oui, je suis plus pudique que Geoffroy donc je ne vais pas me lancer dans une longue
tirade, mais j’ai hâte de m’unir avec lui.
— La famille est très importante pour nous
Quel sujet Geoffroy n’avait-il pas lancer ! s’en suivi une longue, très longue conversation
sur Dieu, la famille, l’espoir à travers elle d’une société meilleure.
De l’homme qui pouvait être à la fois si bon et si mauvais.
De l’espoir qui naissait avec chaque petit-être nouveau et pur qui arrivait, enfant de Dieu.
Geoffroy pouvait parler des heures avec le Père Alexandre.
Nina elle, restait plus en retrait, moins convaincue par la religion que son fiancé.
Elle fut heureuse quand la séance se termina, grâce à l’arrivée du prochain rendez-vous du
Père Alexandre.
De retour à l’appartement, le quotidien balaya rapidement les propos tenus quelques
instants auparavant ;
— J’ai eu Sylvain au téléphone, il nous invite demain au diner en blanc
— C’est vrai. Il faudra que je voie avec lui également pour qu’on aille louer nos Jaquettes
— Avec les lavallières assorties à l’encre des faire-part !
— En parlant de faire-part, mes parents et mon frère les ont reçus
Ils ont beaucoup aimé, et sont très contents
— Ouh là, Champagne ! plaisanta Nina
Geoffroy vint prendre sa fiancée dans ses bras dans la cuisine
— Tu vois tout s’arrange
— Espérons…
— Tout va bien se passer maintenant, on va se marier, et ils seront fous de leurs petits -
enfants
La tempête est passée. Le meilleur est à venir…

167
IL LUI AVAIT PROMIS…
Tu garderas tes X et moi mes XY
Tant pis, on saura pas ce que ça aurait donné
C’est sans doute mieux comme ça, c’est plus
sage, plus correct
On saura jamais ce qu’en pensait l’intéressé
Mais l’amour, tu peux tout le garder,
Un soir, je te l’avais donné
Et reprendre, c’est voler
Et reprendre, c’est voler
Jean Jacques Goldman, Reprendre c’est voler

10

Madame Giredet entra précipitamment dans l’appartement de sa fille.


Il était tôt Nina travaillait sur son ordinateur dans le canapé.
Sa mère paraissait agitée. Elle alla dans la cuisine puis revint dans le salon, d’adressant à sa
fille visiblement préoccupée
— Tu as des rendez-vous ce matin ?
— Non, juste mon essai coiffure cet après-midi
— Et Geoffroy, il travaille ? demanda Madame Giredet essayant de se contenir
— Oui, il est à son bureau, pourquoi ?
Qu’est ce qui se passe ?
— Je ne sais pas si je devrais te le dire mais…
Je viens de recevoir un appel, d’une femme qui prétend être la petite amie de Geoffroy
— Ça doit être son ex tenta d’expliquer Nina après un temps d’arrêt
Elle le harcèle
— Je ne crois pas Nina,
La femme que j’ai eue au téléphone semblait vraiment sincère…
Et Je ne sens pas Geoffroy,
— Comment a-t-elle eu ton numéro ?
— Une femme l’a appelé ce matin lui disant que Geoffroy allait se marier avec une certaine
Nina Giredet
Elle a cherché dans l’annuaire et est tombée sur mon numéro en premier

168
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Une femme ? Qu’est ce que c’est que cette histoire ?
Et qu’est- ce qu’elle a dit ?
— Elle a demandé si c’était vrai qu’il allait se marier, elle pleurait,
Elle a dit qu’elle était sa petite amie, qu’ils avaient une relation ensemble
Qu’ils étaient partis il y a peu ensemble à Carcassonne
— Elle ment
— Je ne pense pas Nina,
Je suis dédolée de te le dire mais il n’est pas net
— Geoffroy ne me ferait jamais ça
— Je n’en suis pas si sûre…
Je lui ai donné rendez-vous à dix heures au métro
Elle dit qu’elle a des preuves
Ne viens pas si tu veux, en tout cas moi j’irai
— Non, je vais venir, elles ont intérêt à être solides ses preuves à cette fille,
Elle s’appelle comment d’ailleurs ?
— Julie
Nina ferma son ordinateur, et partit s’habiller.
Il faisait très beau ce jour-là, et déjà chaud.
Arrivées devant le métro, Madame Giredet allait à l’encontre de toutes les jeunes femmes
qui en sortaient, alors que Nina, restait en retrait sur le côté, ses lunettes de soleil sur le nez,
regardant sa mère s’agiter.
Madame Giredet enfin accosta la bonne personne, d’une banalité affligeante Nina regarda
se rapprocher, une jeune femme petite, les cheveux châtains aux épaules, yeux marrons,
portant un imperméable se rapprocher d’elle.
Nina ne dit pas un mot alors que les trois femmes se dirigeaient vers le café le plus proche.
Elle se contentait d’écouter :
— Vous habitez Paris ? demanda Madame Giredet
— Oui, près du jardin du Luxembourg répondit Julie
— Et vous avez reçu un appel ce matin ?
— Oui, une voix de femme, ce matin m’a appelé me disant que Geoffroy allait se marier
avec une certaine Nina Giredet à Vincennes
Julie paraissait fébrile, très touchée par ce qu’elle disait.
Sa voix haletait.
Nina continuait de ne rien dire, écoutant et observant.

169
IL LUI AVAIT PROMIS…
Les trois femmes arrivèrent au café le plus proche, s’installèrent en terrasse, Madame
Giredet à côté de Julie, Nina en face d’elles.
— Et vous avez des preuves, me disiez-vous ?
— Oui, nous sommes partis il y a dix jours ensemble dans le sud.
Julie tendit la facture de l’hôtel à Madame Giredet ainsi que son téléphone à Nina, pour
qu’elle regarde les textos
C’est vrai qu’il va se marier ? demanda-t-elle au bord des larmes
— Dans dix jours, répondit Madame Giredet
Julie fondit en larmes.
Nina se plongea sans un mot dans le portable de la jeune femme, elle ne percevait plus que
des bribes de conversation.
Elle avait amené avec elle, son petit agenda, et fut stupéfaite de ce qu’elle découvrit.
Des textos provenaient bien du portable de Geoffroy, elle vit noté les mots, qu’il employait
avec elle, transcrits sur le portable d’une autre :
— Poussin d’amour
Baisers d’amour
Je t’aime…
Elle remonta dans les dates, les derniers messages dataient de quelques jours et d’autres
plus anciens, suivaient les déplacements de Geoffroy.
Plusieurs lors du voyage en Sardaigne, alors que sur la plage Nina regardait Geoffroy écrire,
croyant qu’il travaillait, il envoyait des SMS ou téléphonait à Julie.
Que fallait-il faire avec ces messages ? faire constater par un huissier, aller à la police ? les
idées fusèrent dans la tête de Nina, mais elle n’eut pas le temps d’y réfléchir. Tant les mots
qu’elle entendait la saisissaient
— Une fois je suis tombée sur une photo de Nina à Orléans
— Et vous n’avez pas posé de questions ?
— Si, j’ai demandé qui c’était, il a répondu que c’était sa cousine morte
— Sa cousine morte ! ben, voyons explosa madame Giredet,
Et vous n’avez rien vu d’autres ?
— Sur des valises, j’ai vu les étiquettes d’un voyage à Venise en novembre
Quand j’ai posé des questions, il a nié, il a dit qu’il n’était jamais allé à Venise
— Nous nous sommes fiancés à Venise, répondit Nina pour la première fois sortant de son
silence
Ce fut comme si Julie reçut un coup de poignard, elle regarda Nina abasourdie, en proie à
une détresse incommensurable, et une nouvelle fois se mit à pleurer.

170
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Je comprends mieux pourquoi, il rentait tard, et qu’il n’avait pas faim dit Nina
s’adressant à sa mère, laissant un peu de répit à Julie
Il nous appelait toutes les deux « poussin d’amour », comme ça il était sûr de ne pas se
tromper !
Il est fort ! je n’ai rien vu.
Contrairement à Julie, Nina ne pleurait pas.
Etonnement elle prit un recul incroyable face à la situation.
Le choc arriva trop violemment, elle ne pouvait pas s’effondrer, pas maintenant…
Il fallait faire face, affronter la situation. Elle ressentirait plus tard, elle y penserait plus tard,
pas ici, pas maintenant.
— Et que vous disait-il pour justifier ses absences ? demanda Madame Giredet
— Qu’il était malade, ou que ses parents n’allaient pas bien, que sa belle-sœur n’était plus
en rémission
— Il me disait la même chose
— Et quand vous êtes partis à Carcassonne, vous étiez dans la même chambre, vous avez
eu des rapports ? demanda Madame Giredet
— Oui, répondit Julie
— Non protégés ?
— Oui
— C’est criminel de faire ça éructa Madame Giredet, et si vous aviez attrapé quelque
chose…
Vous avez eu des rapports avant Carcassonne ?
— Oui
— Et après ? demanda Nina
— Oui
— C’est pour ça qu’il ne m’a pas touché pendant un mois !
Et il ne voulait pas faire d’enfant avec vous ?
— Il y a un an, si
Ces derniers temps, il ne voulait plus
Il se mettait en colère dès que je lui proposais d’essayer
— Normal, il n’arrêtait pas de m’en parler à moi
C’était une véritable obsession…
Heureusement que je n’ai pas arrêté la pilule …
Je l’ai échappé bel…
Julie fondit une nouvelle fois en larmes

171
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Quel sale type ! reprit Madame Giredet
Il me dégoute
Vous connaissez ses parents ?
— Non, il n’a jamais voulu me les présenter
— Ce n’est pas une grosse perte, finit par plaisanter Nina
— Quand vous alliez à Orléans, vous vous voyiez chez lui ? demanda Madame Giredet
— Oui
— Souvent ?
— Assez
Julie marqua un temps d’arrêt, puis s’adressa à Nina
C’est vous qui avez sonné un Week- end après Pâques ?
— Oui, j’étais venue le voir sans le prévenir
— Vous étiez à l’intérieur ? demanda madame Giredet
— Oui, j’étais prête à vous ouvrir quand vous étiez dans le couloir
— Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? cria presque Madame Giredet
— Il m’a supplié de ne pas le faire. Il m’a dit que vous étiez son ex, que vous le harceliez,
que vous étiez suicidaire…
— Il disait exactement la même chose de vous.
J’avais senti quelque chose… Ce jour-là…
C’était à deux doigts qu’il se fasse prendre…
— Quel sale type, j’ai envie de lui mettre ma main sur la figure continua Madame Giredet
alors que le silence revint
— C’est vous qu’il a emmené à Aix en Provence, l’été dernier ?
— Oui
— Vous avez pris ma place…
On devait partir ensemble…
— Il m’a dit qu’il avait rompu avec vous quelques jours avant
Il vous a même appelé, sur l’autoroute quand j’ai vu trois de vos messages
Il hurlait qu’il ne vous laisserait pas gâcher sa relation avec moi
— Il ne m’a jamais appelé…
— Il a dû appeler l’horloge parlante,
C’est fou ! Nina hallucinait, elle n’en revenait pas
Il se sert de la maladie comme fil conducteur dans tous ces mensonges
Il m’avait dit que vous aussi vous étiez malade…
172
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Je n’ai jamais été malade répondit Julie
— Il est fort reprit Nina
Gérer à ce point le mensonge c’est du grand art…
— C’est surtout un grand malade corrigea Madame Giredet
On fait quoi maintenant ? demanda-t-elle ensuite fusionnant avec sa fille
Tu ne vas plus pouvoir faire semblant ?
— On le confronte…répondit Nina avec un sang-froid à donner des frissons dans le dos
Ce soir, on devait retrouver un ami avant d’aller au dîner en blanc
Au lieu de le retrouver lui, on vous retrouvera vous
Et puis on peut se tutoyer…
On couche avec le même homme après tout
— Je suis désolée Nina,
— Vous êtes toutes les deux des victimes reprit Madame Giredet qui se trouvait face à un…
les mots me manquent, je ne sais même pas comment le qualifier
Quel type infâme ! j’ai envie de lui casser la figure continua Madame Giredet, alors que les
jeunes femmes échangeaient leur numéro de téléphone
Elles se retrouveraient le soir venu, et Madame Giredet indiqua le chemin à Julie pour
qu’elle retrouve le métro, avant de partir dans l’autre sens, soutenant sa fille, l’entourant de
ses bras maternels sur tout le trajet du retour.
Elle aurait voulu la porter, la soulager, prendre sa peine, mais elle ne pouvait plus.
Le temps où elle guérissait tout d’un bisou magique appartenait à un passé lointain.
Elle aurait du mal à aider sa fille cette fois-ci, à la protéger, à lui faire tout oublier, à la faire
se relever de l’horreur qui venait de s’abattre sur elle.
*
Le premier réflexe de Nina en rentrant chez elle, fut de prendre toutes les affaires de
Geoffroy, toutes les photos du couple affichées dans les cadres et de les mettre dans des sacs.
Sac de voyage au début, puis sacs poubelles, avec toute la symbolique qui en émanait.
Au milieu de cette action, elle envoya un texto à Sylvain pour annuler le dîner du soir,
n’ayant pas la force de tout lui raconter
— Sylvain,
Je viens de découvrir que Geoffroy
avait une double vie, je vais le confronter
ce soir avec sa maîtresse aux deux Margots.
Ne nous retrouve pas là-bas
Nous ne viendrons évidemment pas au dîner en blanc

173
IL LUI AVAIT PROMIS…
Sylvain répondit presque aussitôt
— Nina
Je suis atterré par ce que je lis
Puis-je t’appeler ?
Et Nina écrivit
— Je n’arriverai pas à parler
Appelle ma mère, si tu veux
Elle te racontera tout
— Entendu
Je t’embrasse bien fort
Ton Ami
Sylvain
Alors que Nina venait de poser le téléphone, pour rassembler les différents sacs dans le
couloir, le portable sonna.
Elle regarda : Geoffroy, c’était Geoffroy.
Moment de stupeur, que faire ? décrocher, ne pas décrocher et le laisser déposer un
message sur le répondeur ?
En un quart de seconde Nina réfléchit et décida de décrocher :
— Allo poussin d’amour
— Oui dit-elle essayant de paraître le plus naturel possible
— Je sors de réunion au 106
— Et ça s’est bien passé ? tu as l’air énervé… Tenta-t-elle pour le confondre
— La routine, je ne vais pas t’embêter avec mes histoires de bureau
Comment fait-on pour ce soir ? pour le dîner en blanc ? je passe te chercher ?
— Non, nous devons retrouver Sylvain aux Deux Margots à Saint Germain, à 19h
— Très bien
Je suis impatient d’y être
— Moi aussi, tu n’as pas idée
— Baisers d’amour
— À tout à l’heure se contenta de répondre Nina avant de raccrocher
Elle resta sur place, consternée par cet échange.
Elle avait réussi à feindre l’ignorance parfaitement. Elle avait l’impression d’être une
spectatrice de tout ce qui se passait, de ne pas être maîtresse d’elle-même.

174
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle se sentait comme anesthésiée, vide de toute émotion, elle agissait comme un robot,
faisant ce qu’elle avait à faire.
Quelques minutes plus tard, le téléphone sonna de nouveau, Julie appelait à son tour :
— Nina, c’est Julie, il vient de m’appeler
— Oui, moi aussi, tu as décroché ?
— Non, je n’ai pas osé, il a laissé un message sur répondeur
Qu’il sortait de réunion au 106
— Il m’a dit la même chose
C’est fou, il appelle l’une, il appelle l’autre…
— Qu’est- ce qu’on va faire ?
— Comme on a dit, on le confronte ce soir
Le rendez-vous est à 19h aux Deux Margots
— Et s’il ne vient pas ?
— Oh il viendra…
— Nina, tu ne m’en veux pas ?
— Non, je te remercie au contraire
J’allais commettre la plus grosse erreur de ma vie
Et Julie, de nouveau pleura. Nina essayant, dans tout ce que la situation pouvait avoir de
dérisoire de la réconforter.
*
Nina passa la journée tant bien que mal, sans réaliser vraiment ou alors trop bien ce qui se
passait.
Aspirée dans une autre dimension. Elle honora cependant son dernier essai coiffure.
Elle se rendit chez son coiffeur ami, invité au mariage, et coupa ses cheveux, qu’elle laissait
pousser depuis des mois, pour le chignon du mariage.
De cette façon, si jamais les doutes la rattrapaient, elle ne pourrait plus revenir en arrière.
À son retour, l’heure de la confrontation arrivait, le portable de Nina sonna alors qu’elle était
sur le point de se mettre en route :
— Nina, c’est Julie
Je ne sais pas si je vais pouvoir aller au rendez-vous
— Pourquoi ?
— Je n’en ai pas le courage
— Ha mais non, tu ne peux pas faire ça Julie !
Tu ne peux pas débarquer, tout casser et puis ne plus vouloir venir
C’est maintenant ou jamais

175
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Et s’il ne vient pas ?
— Il viendra
— Et s’il s’en va ensuite ?
— Il sera bien obligé de revenir à un moment ou à une autre
Toutes ses affaires sont chez moi, il faudra bien qu’il les récupère
— Et s’il arrive en premier et qu’il me voit ? Il va se douter…
— Arrive un peu plus tard, justement qu’il ne te voit pas avant
— Tu es d’un calme, je ne sais pas comment tu fais
— Non, je ne suis pas calme… je fais juste ce que je dois faire…
Mais il faut que tu viennes, sinon, ça ne servira à rien
Il ne faut pas qu’il s’en sorte comme ça… Ça serait trop facile…
— D’accord je viendrai
La conversation prît fin, Nina entre temps, s’était mise en route, au volant de sa voiture.
Qui arriverait en premier au rendez-vous ?
Elle verrait bien sur place, à cet instant, trop de choses se bousculaient dans sa tête, il valait
mieux gérer un instant après l’autre, comme un automate, pour tenir et ne pas sombrer.
*
Geoffroy vit arriver Nina devant les Deux Margots. Il la trouva magnifique comme à son
habitude.
— Bonsoir Poussin d’amour
— Bonsoir
— Tu veux te mettre à l’extérieur ou à l’intérieur pour attendre Sylvain ?
— Allons à l’intérieur
Ils entrèrent dans le café, vide, l’essentiel des clients se prélassaient au soleil sur la terrasse,
Nina s’assit sur la banquette Geoffroy sur une chaise en face, dos à la porte.
Elle veilla à ce qu’il soit bien de dos surtout.
— Tu es très belle, tu as coupé tes cheveux ?
— Oui, répondit-elle, sans se justifier.
Le serveur vint prendre la commande et Geoffroy, ne se posa aucune question. Nina le
provoqua, lui demandant :
— Tu as passé une bonne journée, tu as l’air contrarié ?
— Oui, un peu stressante avec les réunions mais je ne vais pas t’ennuyer avec ça
Il termina sa cigarette, but son café servi, alors que Nina avait commandé une grenadine à
l’eau. Il faisait si chaud, que Nina souhaitait commander une autre consommation, pour la
jeter le moment venu à la figure de Geoffroy mais le serveur ne revint pas.

176
IL LUI AVAIT PROMIS…
Alors que Geoffroy venait de se rallumer une cigarette, Nina vit entrer Julie, tragédienne
avec des lunettes de soleil sur le nez et accompagnée d’une amie, qui s’assit à une table sur le
côté laissant Julie approcher.
Julie tapota l’épaule de Geoffroy, qui se retourna alors que Nina dit :

— Geoffroy je te présente ma nouvelle amie Julie,


Julie je te présente mon fiancé Geoffroy
BLANC
— Ha d’accord ! ne trouva rien d’autre à dire Geoffroy qui se décomposa, en une seconde,
lorsqu’il se retourna et découvrit Julie…
Julie s’assit à côté de lui, sur sa gauche, alors que Geoffroy tirait des lattes sur sa cigarette,
se raccrochant à cela, et qu’un silence glacial planait autour de la table.
Julie, d’une toute petite voix demanda
— C’est vrai alors que tu vas te marier ?
— Oui, c’est vrai
J’aime Nina, je vais me marier avec elle,
Toi j’ai des sentiments pour toi, mais ce n’est pas de l’amour…
Julie accusa le coup, sûrement pleurait-elle derrière ses lunettes.
Nina ne disait rien, ne montrait rien, les blancs régnaient, la situation les dépassant tous.
Geoffroy finit par reprendre
— J’ai une question, qui est la voix ?
— C’est tout ce que tu trouves à dire, qui est la voix ?
Peu importe,
Eclata Nina qui ne pensait qu’à une chose, lui jeter son verre en pleine figure, mais il était
désespérément vide, et le serveur ne se montrait toujours pas
— Non, c’est une personne malveillante, ta mère ?
— Ma mère ? laisse la tranquille, elle ignorait tout de ta double vie jusqu’à ce matin.
Sans doute quelqu’un dans ton entourage, qui ne supportait plus tes magouilles
— Impossible répondit Geoffroy, quasiment du tac au tac
De nouveau un blanc revint. Julie restait prostrée dans son coin,
Geoffroy terminait sa cigarette, et Nina hallucinait
— Tu me méprises, hein ? demanda Geoffroy à Nina
— Ça sera mieux quand je te mépriserai, là je ne ressens rien, répondit-elle avec une dureté
à couper le souffle
Geoffroy baissa les yeux, ne pouvant supporter le regard de Nina sur lui.

177
IL LUI AVAIT PROMIS…
S’en suivi un échange entre Geoffroy et Julie, qui finit par sortir de sa torpeur car elle avait
besoin de comprendre, de se situer, dans tout ce chaos.
Nina n’avait qu’une envie : partir.
Elle écouta quelques bribes de conversation, dont une réplique de Julie désespérée, qui
arriva à ses oreilles
— Ce n’est pas parce que je ne suis pas aussi belle que Nina ou aussi riche…
Nouveau blanc.
Avant que Geoffroy et Julie ne reprennent leur échange. Nina se décida donc à partir, elle
se leva
— Nina ? qu’est-ce que tu fais ? demanda Geoffroy désespéré
— Je m’en vais, j’en ai assez entendu
— Attends, il faut qu’on parle Nina…
— Pour dire quoi ? Tout est dit
— Je t’aime Nina, rétorqua Geoffroy comme ultime argument
— Tu as une curieuse façon de le montrer…
Je vais prendre l’air, vous n’avez qu’à continuer à vous parler
— Tu reviens après ? demanda Geoffroy, les yeux embués de larmes
— Je ne sais pas, je verrai
Mais là, il faut que je sorte
Et Nina sortit, passant devant l’amie de Julie qui assistait à toute la scène, témoin d’un
naufrage, qui finalement s’annonçait depuis des mois.
*
Un fois sortie Nina ne sut pas quoi faire.
Partir, faire un tour revenir…
Elle marcha sans savoir où elle allait.
Elle voulut appeler sa mère mais n’avait plus de batterie sur son téléphone, à force.
Cette journée ne finirait-elle donc jamais ?
Elle trouva un téléphone public, elle composa le numéro de sa mère :
— Alors ? demanda cette dernière instantanément
— Scène complétement surréaliste…
Elle est arrivée avec une copine tragédienne, avec ses lunettes de soleil
— Et lui, il a nié ?
— Même pas, tout ce qui l’intéressait, c’était de savoir qui est la voix
— C’est tout ce qu’il a trouvé à dire ?

178
IL LUI AVAIT PROMIS…
— À peu de choses près, il n’y a rien à dire…
Il n’y a eu que des blancs, le silence, la gêne…et l’autre qui ne partait pas
— Tu vas rentrer maintenant ?
— Je ne sais pas. Je ne sais pas si j’y retourne, si je pars ?
— Ha non, Nina, tu ne vas pas y retourner !
Pour quoi faire ? tout est dit
— J’ai besoin de comprendre pourquoi il a fait ça
— Il va nier, il va te remettre dans sa poche
— Non, ça il n’y a pas de risque
— Ne va pas lui parler, tout est dit s’énerva Madame Giredet
— Je vais voir
J’ai besoin d’explications
Je te tiens au courant
Et Nina raccrocha, n’ayant plus la force de lutter contre les arguments de sa mère.
Comme elle l’avait dit, le besoin de comprendre surpassa le reste.
Elle retourna donc sur ses pas, et revint au café.
Julie était toujours là, pourquoi d’ailleurs ? À quoi jouait-elle, elle aussi ? pourquoi restait-
elle là encore ?
On aurait dit que c’était elle, la femme bafouée dans cette histoire.
Mais elle n’avait pas un mariage annulé, elle.
Nina s’assit et reprit sa place en face de Geoffroy. Julie ne partait toujours pas…
Il fallut un long, un moment que Nina trouva interminable, avant que Julie ne se décide
enfin à partir.
Après son départ les silences, recommencèrent de plus bel.
Que dire de plus ? Geoffroy finit par se lancer :
— Je t’aime Nina, je veux toujours t’épouser
— Tu es malade, tu crois qu’après ça, on va tout de même se marier ?
Comment as-tu pu me mentir comme ça tout le temps ?
— Je ne t’ai pas menti
— Ha non ? tu appelles ça comment ?
Tu vois, j’aurais pu comprendre que tu me trompes si cela faisait dix ans qu’on était
ensemble, mais là, ça ne fait même pas un an, et c’était censé être nos meilleurs moments
J’aurais pu comprendre si j’étais coincée niveau sexe, et que tu avais des envies non
satisfaites, mais je ne pense pas être coincée…

179
IL LUI AVAIT PROMIS…
J’aurai pu comprendre si c’était Claudia Schiffer, ou Einstein… Mais une fille comme elle…
C’en est même insultant…
Pourquoi as-tu fait ça ? Pourquoi ?
— Je ne voulais pas te faire souffrir
— Tu l’as amené en week- end à Carcassonne, il n’y a même pas quinze jours
— C’était pour rompre
— Ho ben tu es sympa toi, tu amènes tes maîtresses en week-end pour rompre !
Et tu étais obligée de la sauter aussi pour rompre ?
Le serveur se présenta à cet instant, pour encaisser les consommations.
Le café allant fermer, ce qui permit à Geoffroy de gagner un peu de répit, poussé trop loin
par Nina, dans ses retranchements.
Ils sortirent du café, et s’assirent sur un banc.
Il n’était pas loin de deux heures du matin, et se posait la question de savoir où Geoffroy
allait passer la nuit désormais
— On rentre ?
— Ha parce que tu crois qu’on va rentrer ensemble, comme si de rien n’était ?
— Je n’ai pas envie de te laisser seule dit Geoffroy qui s’était agenouillé auprès de Nina,
cherchant son regard
Et puis il n’y a plus de train à cette heure-là
— Tu n’as qu’à te prendre un hôtel, où aller chez Julie, tiens, tu es coutumier du fait
— Nina, Julie ne représente rien pour moi, c’est toi que j’aime
Allez, rentrons, je ne veux pas te laisser seule
Nina lasse de se battre et d’argumenter accepta qu’il rentre chez elle.
Ça ne changerait plus rien que Geoffroy passe la nuit dans l’appartement avec elle, ou non
maintenant.
Tout était détruit, laminé, en ruines...
Le trajet du retour se fit dans le plus grand silence.
En arrivant dans l’appartement Geoffroy fut choqué de voir ses affaires mises dans des
valises et des sacs poubelle.
— Tu t’attendais à quoi ? lui demanda Nina sèchement
À un feu d’artifice pour te souhaiter la bienvenue ?
— Puisque c’est comme ça, je vais dormir dans le salon, s’énerva Geoffroy en se dirigeant
du couloir vers le salon
— Tu peux dormir dans la chambre si tu veux,
Ça ne veut vraiment plus rien dire maintenant

180
IL LUI AVAIT PROMIS…
Rétorqua Nina toujours aussi dure
Geoffroy resta sur le canapé, et Nina, ne ferma pas l’œil de la nuit.
*
Au petit matin, avant de partir travailler, Geoffroy vint la voir dans la chambre alors qu’elle
était toujours dans le lit et s’agenouilla
— Tu as pu dormir ? demanda Geoffroy
— Non
— Tu as une grosse journée aujourd’hui ?
— J’ai mes soutenances à la fac qui commencent, je ne sais même pas comment je vais
faire pour pouvoir les gérer
— On se voit ce soir ?
— Non, rentre chez toi ce soir
— C’est ici chez moi, avec toi
— Plus maintenant, non
Rentre chez toi, à Orléans
— Que va-t-on dire aux gens ?
— La vérité. Que veux- tu qu’on dise d’autres ?
Assume, ce que tu as fait
Personne ne t’a forcé
— Je ne te reconnais plus, tu es dure…
— C’est ça… je suis dure
— Je vais tout arranger, c’est la faute de la voix, elle nous veut du mal
C’est un complot contre nous
Je veux toujours me marier avec toi
Je t’aime Nina
— Laisse-moi…
Va-t’en ma mère ne va pas tarder à descendre, et il vaut mieux qu’elle ne te trouve pas ici
— Je t’appelle plus tard ?
— C’est ça
Et Geoffroy se leva et partit déstabilisé.
Nina resta quelques instants dans le lit, épuisée avant de se lever, et d’aller dans le salon
sur son ordinateur.
Elle agissait comme un zombie, voulait regarder la liste des étudiants qui passaient cet
après-midi en soutenances, mais n’arriva pas vraiment à se concentrer.

181
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle prévint Lara de façon succincte par SMS, et lui demanda si elle pouvait l’accompagner
aux soutenances.
Son amie la rappela quasi immédiatement, et elle lui raconta tout.
Lara n’en revint pas, une telle duplicité… Elle s’arrangerait bien sûr pour rejoindre son amie
à la faculté l’après-midi, et la soutenir.
Toujours présente, toujours fidèle. Un rempart sur lequel Nina pouvait toujours s’appuyer.
Madame Giredet mit fin à l’échange des deux jeunes femmes, en entrant.
— Je racontais tout à Lara
— J’ai prévenu les parents de Geoffroy
Sa mère a dit qu’elle avait toujours eu des problèmes avec lui
— Elle connaissait Julie ?
— Non, elle a demandé qui elle était
— J’ai croisé Marc, tu sais mon ami psychologue, voici son numéro, appelle le pour prendre
rendez-vous
Et avec Geoffroy, ça s’est fini comment hier ?
— Tout est la faute de la voix, c’est un complot contre lui…
— Ben voyons, tu ne le crois pas j’espère
— Je ne sais plus
Qui est cette voix ?
— Peu importe, elle t’a rendu un grand service
Tu ne vas pas rentrer dans le jeu de Geoffroy, Nina, enfin reprends toi !
Il faut annuler le mariage
— Annuler le mariage ? répéta Nina, perdue
— Oui ! il a réussi à te retourner… ce sale type
Pourquoi a-t-il fait ça ?
On lui avait tout donné explosa Madame Giredet
— On peut peut-être attendre une journée, non ?
— Attendre quoi ? si tu n’arrives pas à prendre la décision, je vais le faire pour toi…
Et madame Giredet quitta l’appartement furieuse et déterminée à protéger sa fille coûte
que coûte, de tout et surtout d’elle-même.
Nina reçut la réaction de sa mère comme un coup de poing qui la réveilla.
Elle se répéta les propos de cette dernière intérieurement et elle sortit de sa torpeur.
Elle prit l’ordinateur mais le téléphone sonna :
— Bonjour je suis Marc, l’ami de votre mère

182
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Bonjour
— Comment allez-vous ?
— Pas très bien
Je viens de me disputer avec ma mère
— Il ne faut pas rester seule, après un choc pareil
Pouvez-vous venir me voir ?
— Oui
— Samedi à 14h, ça vous irait ?
— Entendu
Marc donna toutes les indications pour se rendre à son cabinet, puis souhaitant bon
courage à Nina raccrocha.
Et grâce à cet appel ou autre, elle trouva le courage de rédiger un courriel, aux invités du
mariage dont elle avait les coordonnées :
— Je viens d’apprendre quelque chose de grave concernant Geoffroy,
qui vient de tout changer…
Le mariage est annulé
Elle relut, puis envoya. Que dire de plus ? Elle ne savait même pas
Quelques minutes à peine, plus tard, Geoffroy appela :
— Alain vient de me faire lire ton mail, sa voix était très calme, très douce, attristée
J’aimerais qu’on en parle
— Pour dire quoi ?
— Moi, je veux toujours t’épouser
— Avec ce que tu as fait
— Je n’ai rien fait Nina
Je veux toujours me marier avec toi
— Ma mère a prévenu tes parents, et elle ne te laissera pas revenir après tout ça
— C’est la faute de ta mère, elle ne m’a jamais aimé cria Geoffroy qui perdit son sang froid
— Laisse ma mère tranquille, elle n’a rien à voir là-dedans, elle irait me chercher en enfer
et c’est exactement ce qu’elle est en train de faire en ce moment
— On pourrait s’enfuir, juste toi et moi
Être juste tous les deux
Tout quitter
— Après ce que tu as fait ?
Il faudrait que je quitte tout pour toi ?

183
IL LUI AVAIT PROMIS…
Ma famille, mes amis, ma vie
Non, mais tu es malade !
C’est toi qui viens de tout casser, tout détruire
— Est-ce qu’on peut se voir ce soir ?
— Pourquoi ?
— Parler, j’ai besoin de te parler
— De quoi ? Il n’y a plus rien à dire
J’ai les soutenances, et je ne sais même pas comment je vais les faire
Je te dirai plus tard
— Ok, je te recontacterai dans la journée
La conversation terminée, Nina regarda son ordinateur, beaucoup de réponses au courriel
se succédaient sur son écran.
Elle les lirait plus tard, elle décida d’aller se préparer sinon, elle n’y arriverait jamais.
Les appels se succédèrent.
Elle parvint à peine à enchaîner les conversations, les explications.
D’abord avec Sylvain, à qui elle confia la conversation qui venait d’avoir lieu quelques
minutes auparavant :
— Tout quitter pour lui ?
Il est fou
La confiance est rompue maintenant
Puis le père Alexandre, qui n’en revenait pas
— Quand ta mère m’a prévenue, je n’ai pas pu y croire
Nina et Geoffroy ?
Non, ce n’est pas possible
Nina et Geoffroy ? répétait-il en boucle choqué par la duplicité d’un de ses paroissiens
Puis plus étrange, Caroline qui écouta très attentivement Nina, et resta sans voix.
Sans voix d’apprendre que son beau-frère se servait d’elle et de sa maladie, pour mentir.
Elle confirma que le cancer n’était pour l’instant pas revenu.
Il avait osé mentir, se servant d’elle.
Abasourdie par une telle trahison, envers Nina mais surtout envers elle-même.
Caroline ne put prendre le parti de son beau-frère…
Le défendre, et crut Nina du début à la fin, lui apportant son soutien, et ses regrets les plus
sincères.
Pardonnerait-elle un jour à Geoffroy ? Rien n’était moins sûr…

184
IL LUI AVAIT PROMIS…
Puis enfin, alors que Nina devait partir pour l’Université,
Julie appela à son tour, ce qui fut le pompon…
— Geoffroy m’a appelé
Il me reproche la situation
— J’ai annulé le mariage
— Il demande à me voir, qu’est-ce que je fais ?
— Je ne sais pas Julie
Je ne peux pas
Je ne peux pas le gérer lui, te gérer toi…
J’ai des soutenances, là qui m’attendent
Des étudiants, qui n’ont rien à voir là-dedans
Je ne sais même pas comment je vais pouvoir les faire passer…
Il faut que ça s’arrête…
Il faut que tu me laisses…
Que tu arrêtes de m’appeler…Plus tard peut-être, mais pas maintenant…
Je vais devenir folle moi avec vous deux
— D’accord dit Julie d’une petite voix ayant entendu tous les mots de Nina
— Je suis désolée, fais attention à toi
Au revoir
— Au revoir
Nina se mit en route, prit sa voiture. Sa new Beetle, son refuge…
Tout sur le trajet, lui sembla être une agression.
Le téléphone continuait de sonner, Geoffroy appelait, sans doute venait-il d’avoir Julie.
Sur le parvis, Nina retrouva Lara, sa présence l’apaisa un tout petit peu.
Nina se trouvait dans un état d’énervement qu’elle n’avait jamais connu.
une colère qu’elle contenait à l’intérieur d’elle-même, tant bien que mal pour l’instant,
mais qui quand elle sortirait la fracasserait.
— Merci d’être venue dit- elle en retrouvant Lara
— C’est normal
Ça va aller … la rassura Lara
— Oui, ça va, ça va, ça va… n’eut de cesse de répéter en boucle Nina pour essayer de s’en
convaincre
Les jeunes femmes passèrent au secrétariat prendre les clés de la salle dans laquelle allait
se dérouler les soutenances.

185
IL LUI AVAIT PROMIS…
Les étudiants enchaînèrent les oraux sérieux et motivés.
Nina réussit à peu près à écouter, et mit à tout le monde des notes entre quinze et dix-huit
sur vingt.
Les étudiants virent bien qu’elle n’allait pas bien et s’inquiétèrent pour elle, mais elle tint
son rôle, les rassura et les mit au centre de l’attention.
La journée de jeudi se termina donc, il faudrait reprendre le lendemain, cette fois ci la
journée complète et sans Lara.
Geoffroy avait laissé un message à Nina, un lieu de rendez-vous en fin d’après-midi, assez
tôt pour que Geoffroy puisse prendre son train pour rentrer à Orléans, pour rendre les clés et
pour discuter, comme il le souhaitait.
Nina déposa Lara puis s’y rendit.
Elle récupéra les clés, les mêmes clés qu’elle lui avait données sur la musique de Notre
Dame, quasiment un an plus tôt.
Symbole désormais de la fin de leur vie à deux.
Elle écouta ensuite ce que Geoffroy souhaitait dire, mais la discussion ne servit, encore une
fois à rien.
— Je vais trouver qui est la voix.
Je vais faire venir Julie demain soir et l’interroger
À moins que ça ne soit ta mère…
— Arrête avec ça, elle n’était au courant de rien, sinon, cela fait longtemps qu’elle l’aurait
fait savoir et tout ça ne serait pas allé si loin
— Il s’agit d’un complot, contre moi, contre nous
— Personne ne t’a forcé à coucher avec Julie à Carcassonne
— Je n’ai pas couché avec Julie
— Ça n’est pas ce qu’elle dit
— Tu veux des détails ?
— Oui à ce stade, je veux des détails
— Je n’ai pas pu, je n’ai pas réussi à…
— Elle dit le contraire
— Et tu la crois ?
— Oui, je la crois elle, et toi je ne te crois plus
— Je te prouverai le contraire
— Fais ce que tu veux, ça ne sert plus à rien
Et Nina mit fin à la discussion, l’heure du train de Geoffroy approchant et ne croyant plus
un mot de ce qu’il disait de toute façon.
*
186
IL LUI AVAIT PROMIS…
Le samedi matin, Geoffroy appela Nina. Il avait fait venir Julie chez lui, la veille pour
l’interroger et s’était pris pour un agent secret
— Je l’ai fouillé à son arrivée
Puis j’ai enregistré notre conversation, ses réponses surtout
— Et ?
— Ce n’est pas Julie la voix
— Non, ce n’est pas elle
— Je suis sûr que c’est ta mère, je ne vois qu’elle
— Non, ce n’est pas ma mère
Ça suffit maintenant, avec elle !
— Qui alors ?
— Peu importe Geoffroy, ça ne change rien à ce que tu as fait
Tu l’as fait…
Arrête de prétendre le contraire
Et assume…
— C’est fini ?
— Oui, c’est fini entre nous
— Je ne veux pas te perdre
Je ne veux pas… Geoffroy pleurait, ne pouvant le supporter, il mit fin à la conversation.
Il avait tout perdu. Il s’effondra. Il n’en pouvait plus.
Sa mère, ses parents ne voulaient plus le voir non plus. Sa mère l’avait appelé lorsque
Madame Giredet l’avait mis au courant, et l’avait rejeté sans le laisser s’expliquer.
Caroline avait suivi, lui reprochant de s’être servi de sa maladie, seul son frère était resté
neutre.
— Attends un peu que tout se calme…
Je parlerai aux parents et à Caroline
Geoffroy se retrouvait désespérément seul. Comment allait-il se sortir de tout ça ?
Un courriel de Nina arriva, il l’ouvrit :
— Geoffroy,
Une dernière fois, je reprendrai les mots d’un autre, pour exprimer, ce que je ressens, ici
ceux de Jean Jacques Goldman
Attention, ça va être dur de lire ça, mais je ne souhaite ni tomber dans la haine, ni dans la
revanche, en souvenir de ce que nous avons vécu :
Je garderai les disques, et toi l'électrophone
Les préfaces des livres, je te laisse les fins

187
IL LUI AVAIT PROMIS…
Je prends les annuaires, et toi le téléphone
On a tout partagé, on partage à la fin
Je prends le poisson rouge, tu gardes le bocal
À toi la grande table, à moi les quatre chaises
Tout doit être bien clair et surtout bien égal
On partage les choses quand on ne partage plus les rêves
Tu garderas tes X et moi mes XY
Tant pis, on saura pas c'que ça aurait donné
C'est sûrement mieux comme ça, c'est plus sage, plus correct
On saura jamais ce qu'en pensait l'intéressé
Mais l'amour, tu peux tout le garder
Un soir, je te l'avais donné
Et reprendre, c'est voler
Et reprendre, c'est voler

Et Geoffroy fondit en larmes, face à ces mots et à tout ce qu’il venait de perdre.
Foutu… Tout était foutu…. Il avait joué…
Il avait perdu…
Qui était cette voix bon sang ?
Cette foutue voix qui l’avait démasqué…
Comment ?
Ça n’aurait jamais dû arriver…
A ce jeu, Il y jouait depuis bien trop longtemps…
Il n’aurait jamais dû se faire prendre… Il avait pris toutes les précautions… Planifier les
moindres détails...
Nina devait tomber enceinte…Sa mère devait l’aimer…
Ça ne pouvait pas finir comme ça…
Il avait fait attention à TOUT, et il ne restait plus RIEN…

*
Nina arriva chez le psychothérapeute Marc, soulagée de pouvoir parler.
Le cabinet de Marc prenait place chez lui, dans son salon, ce qui rendait l’environnement
familier et convivial.
C’est ce qu’était Marc également, chaleureux et humain, le contact passa tout de suite
entre Nina et lui.

188
IL LUI AVAIT PROMIS…
Grand, chauve, Marc était un homme séduisant, rassurant. Homosexuel, ce qui
empêcherait Nina de faire un transfert, lui avait précisé sa mère, en plaisantant, quand elle lui
avait parlé de lui.
Et aussi, sa mère l’avait décrit comme réagissant aux propos de ses patients.
Il n’appartenait pas à la catégorie des psychologues qui restent silencieux.
Pour la première séance, Marc laissa Nina se confier. Elle raconta donc tout depuis le début.
La rencontre avec Geoffroy, la magie des premiers instants, le départ pour Aix se rappelant
tout d’un coup l’incident sur l’autoroute
— Mais j’y pense, à ce moment -là, il y avait déjà eu un appel d’une femme, aux parents de
Geoffroy, disant que leur fils était un grand malade…
On avait cru que c’était une mauvaise blague disant que Geoffroy était malade, dans le sens
souffrant, mais c’était déjà un avertissement de la voix
— La voix ?
— La personne qui a prévenue
Et Nina raconta la suite de l’histoire rapidement, et reprit plus précisément, les derniers
jours depuis l’appel décisif de la voix
— Au café, je découvris qu’il l’appelait Poussin d’amour, qu’il avait dit que j’étais sa cousine
morte quand Julie était tombée sur ma photo à Orléans, qu’il était avec elle quand je suis
passée à l’improviste…
Elle enchaîna tous les souvenirs, tous les mensonges, tout ce qui avait explosé lors de
l’entrevue avec Julie
— Et sans la voix, vous n’auriez pas su ?
— Non, je n’aurais jamais imaginé qu’il puisse faire ça
Comment peut-on faire ça ?
C’est inimaginable pour moi…
Je n’ai pas appris à voir le mal…Je fais confiance
— Et qu’a-t-il dit quand tout a explosé ?
— Au départ, il n’a pas nié, lors de la confrontation…
Et puis maintenant c’est un complot contre lui
C’est ma mère la voix…
— N’importe quoi
— C’est plus facile de dire que c’est ma mère que d’assumer
— Et vous vous en êtes où ?
— Je ne sais pas
Je ne sais plus trop quoi croire, ni si j’ai encore envie d’y croire ?
— Et là le mariage est annulé ?
189
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Oui, il voulait que je quitte tout pour lui, que j’abandonne ma famille, mes amis, ma vie…
pour m’enfuir avec lui
— Et ?
— Non, c’est hors de question
Ce matin, j’ai rompu officiellement
— Et ?
— Pour l’instant, j’en suis là
— Vous sentez comment ?
— Prise dans un tourbillon, qui fait ce qu’il veut de moi
Je ne comprends rien…
Et ce furent les mots de la fin. Marc proposa à Nina une nouvelle séance le mardi prochain,
avant qu’elle ne sorte et ne rentre chez elle.
Sur le trajet, elle appela sa mère pour lui raconter sa séance :
— Ça t’a fait du bien ?
— Etrangement, oui
— Tu vois, je te l’avais dit, il réagit, il ne reste pas silencieux lors des séances
Et qu’a pensé Marc de tout ça ?
— Il a surtout écouté, cherché à comprendre, à savoir comment j’allais aussi…
— Et qu’as-tu dit ?
— Que j’étais prise dans un tourbillon, fatiguée nerveusement
— Passe à la maison pour te ressourcer, il y a grand- maman…
— D’accord
Cinq minutes plus tard, Nina en poussant la porte de l’appartement de ses parents eut la
belle surprise de découvrir toutes ses amies réunies, qui l’attendaient pour la soutenir, à la
demande de sa mère.
Nina les embrassa tour à tour, ainsi que sa mère et sa grand-mère, heureuse de cette
surprise.
Madame Giredet proposa à chacune des convives, un nouveau rafraichissement, alors que
Nina racontait sa séance, et rappela à sa mère ce qu’elle venait de se remémorer chez Marc :
— La voix avait donc déjà prévenue au tout début, disant que Geoffroy était malade
— Que Geoffroy était un grand malade corrigea Madame Giredet
Je me souviens très bien, sa mère m’avait parlé de cette conversation
— On en revient toujours à la même question : qui est la voix ? répliqua Nina
— Moi, je ne vois qu’une seule personne répondit Lara marquant un silence pour faire
durer le suspense

190
IL LUI AVAIT PROMIS…
Yannick
— Elle a dû surprendre Geoffroy, et ne le supportant pas, elle a agi à couvert pour ne pas
perdre son travail, corrobora Madame Giredet
— Je ne crois pas, Geoffroy n’a pas ramené Julie à son bureau selon ses dires
— Peut-être s’est-il fait surprendre aux alentours sans le savoir reprit une autre invitée
Ainsi les filles continuèrent à échanger sur cette probabilité, qui découlait du bon sens,
même si Nina, avait du mal à y adhérer.
Elle finit par se ranger à la conviction générale.
Jouer les détectives amusa beaucoup le petit comité. Nina revint à la réalité en se rappelant
que le prochain samedi serait la date à laquelle le mariage annulé devait avoir lieu.
— Je ne peux pas être là samedi prochain, à me rappeler que je devais me marier ce jour-
là et attendre que ça se passe
— Tu ne seras pas là reprît Lara
Nina la regarda avec un air d’incompréhension et interrogateur
— Tu pars avec moi au Portugal
— C’est vrai ?
— Oui, dans ma famille, et prépare toi, tu ne vas faire que manger…
Les filles rirent à cela, puis une amie enchaîna
— Puis après tu viendras avec moi, en Bosnie
— Puis en Belgique chez moi
— Un tour d’Europe, en somme conclut Lara
Voir ses amies avec la perspective de partir, ressourça un peu Nina.
Une fois ses amies parties, la grand-mère de Nina, partant à son tour se réjouit d’avoir
passé un bon moment avec ces belles jeunes-femmes :
— Je me suis bien amusée avec tes amies
Elles te ressemblent, elles sont toutes grandes et belles
On ne s’ennuie jamais avec toi…
Cette réunion improvisée permit à Nina pendant un court laps de temps de penser un peu
moins.
Le lendemain Florent, Stéphanie, Camille et Raphaël vinrent soutenir Nina, qui se retrouva
avec sa famille.
Elle prît le petit Raphaël dans ses bras, lui donna son biberon.
Camille voyait sa tante comme une princesse, elle en voulait à Geoffroy de l’avoir rendue
triste
— Geoffroy est méchant, il a fait pleurer Nina répétait-elle en boucle

191
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Et que fera-t-on à Geoffroy, si on le voit ? demanda Florent
— On va lui casser la figure
Avec Raphaël, quand il sera grand et fort
Sous couvert de l’approbation de son père Camille, fit quelques gestes avec ses petits
poings et pieds.
Madame Giredet calma les ardeurs de sa petite fille, alors que Nina, se leva pour s’isoler.
Elle ne voulait pas pleurer devant se nièce, alors elle se cacha.
En rentrant chez elle, pour essayer de ne plus trop penser, Nina mît la télé. Elle tomba sur
la série Alias, avec Jennifer Garner qui jouait le rôle d’une espionne.
Elle aussi traversait une mauvaise passe sentimentale, son grand amour Vaughn, avait
épousé une autre femme, alors qu’elle avait disparu.
Nina se retrouva un peu dans ces épisodes, surtout quand la femme de Vaughn, se révéla
être un agent double et le trahit.
Le lundi matin, en se levant Nina se connecta sur le site de Sciences Po, souhaitant
confirmer que Geoffroy avait aussi menti là-dessus.
Elle envoya un message demandant si Geoffroy Billon était bien diplômé du prestigieux
établissement, et elle reçut la réponse qu’elle connaissait depuis toujours :
Non, aucun élève de ce nom, ne figurait sur les listes.
Il avait menti dès le début, c’était pathologique chez lui.
Nina ensuite prit ses billets d’avion pour son départ au Portugal dès le mercredi, elle reçut
alors un SMS professionnel
— Bonjour
J’aimerais réaliser un bilan de compétences
Pouvez -vous m’-accompagner dans ce projet ?
Est-il possible de se rencontrer pour échanger sur les modalités ?
Je suis sur Paris
Bien à vous

Jean Duflot

Cela n’arrivait quasiment jamais, que des clients viennent à Nina ainsi et surtout sur la
partie bilan de compétences.
L’essentiel de son activité, reposait sur le recrutement.
Elle répondit qu’un bilan de compétences s’inscrivait dans un projet de longue durée,
qu’elle ne pourrait commencer avant le mois de septembre.
— J’en ai bien conscience.

192
IL LUI AVAIT PROMIS…
Je souhaite juste rencontrer un prestataire pour connaître la marche à suivre
Je serai en déplacement à partir de demain, s’il est possible de vous rencontrer dans
l’après- midi, cela serait parfait
Pourquoi pas se dit Nina, qu’ai-je à perdre en allant à ce rendez-vous ?
Me replonger dans le travail ne me ferait pas de mal. Elle accepta donc le rendez-vous,
l’après-midi, même et Jean Duflot lui communiqua son adresse professionnelle, en plein Paris
centre.
Finalement Nina avait surestimé ses dispositions.
Elle se rendit en métro au rendez-vous, et le trajet fut un véritable calvaire.
Elle ne supporta pas les, gens, le bruit.
Avec ses lunettes de soleil pour cacher ses larmes, assise dans son coin, une femme entra
dans la rame avec une amie, et ses nombreux enfants, dont un en poussette, qui n’arrêtait
pas de pleurer.
Nina eut du mal à le supporter, tant elle était mal. Elle ne dit rien, mais la femme qui la
regardait, le vit et la provoqua par ces paroles agressives
— Et bien oui, les enfants pleurent !
— Pourquoi tu dis ça ? lui demanda son amie
— La dame là-bas, à l’air excédée
Nina ne répondit pas, faisant semblant de ne pas entendre.
Tout ce qu’elle voulait c’est qu’on la laisse tranquille, avec sa douleur, son mal-être.
Elle regrettait d’avoir pris le métro, elle aurait dû aller à ce rendez-vous en voiture, même
si se garer relever de l’exploit dans ce quartier.
Ou peut-être aurait-elle mieux fait de ne pas aller du tout au rendez-vous.
Affronter les autres, le monde, relevait du défi pour elle en ce moment. La station où elle
descendait heureusement arriva rapidement. En quittant la rame, elle se sentit suivie du
regard, tout le long par la femme agressive, qui décidemment jusqu’au dernier moment, ne la
lâcha pas du regard.
Nina s’en voulut : ne plus supporter les enfants.
Devenir intolérante à tout ne lui ressemblait pas.
Elle se sentait si mal, elle souffrait tellement, que tout lui semblait insupportable et
insurmontable.
Elle tenta de se reprendre avant le rendez-vous. Il fallait ne rien laisser paraître, rester
professionnelle.
Elle entra dans le bâtiment, les bureaux d’une industrie pharmaceutique d’après ce qu’elle
avait compris, mais, il n’y avait personne à l’accueil, et l’intérieur était fait de verre partout,
portes, vitres parfois grisées, parfois non… une impression très bizarre.

193
IL LUI AVAIT PROMIS…
Deux hommes en costumes arrivèrent, et tandis que l’un rentra dans un bureau, le second,
vint vers elle, lui tendant la main
— Nina Giredet ?
Jean Duflot
Vous allez bien ? dit-il comme si Nina et lui se connaissaient de longue date
— Oui, merci
— Venez, je vous accompagne,
Entrez, je reviens tout de suite, je vais chercher de quoi noter
Vous désirez, un café, un verre d’eau ?
— Non, merci
Nina se retrouva dans une salle de réunion, tout en verre.
Elle se retourna plusieurs fois, se sentant étrangement observée, mais ne vit rien que des
panneaux de verre, grisés.
Avoir regardé Alias, lui montait sans doute à la tête, il fallait qu’elle se reprenne.
Surtout ne pas craquer, rester professionnelle. Jean Duflot revint, et c’est ce qu’elle réussit
à faire. Elle lui expliqua, les différentes étapes, d’un bilan de compétences, les différents axes
explorés, les tests, les entretiens, le déroulé, le résultat final, le coût…
Jean Duflot nota sérieusement toutes les informations.
— Je vous remercie
Tout est très clair
Je reviendrai vers vous sous trois jours pour vous faire part de ma décision
Nina pensait qu’il avait déjà pris sa décision, mais ne laissa rien paraître. Elle se fit
raccompagnée et parcourut une dernière fois les couloirs vitrés.
Une fois sortie, tout cet entretien lui parût vraiment étrange du début jusqu’à la fin.
Mais, elle avait trop de choses à penser, pour s’y attarder davantage. Le trajet de retour se
passa mieux qu’à l’aller.
En rentrant elle alla voir ses parents, pour raconter à sa mère ce qui venait de se passer.
Cette dernière recevait son amie Colette, psychologue à la retraite, épouse de l’ancien
associé de son père, que Nina connaissait depuis toute petite, même si cela faisait très
longtemps qu’elle ne l’avait pas vu.
Colette au courant de la situation par Françoise Giredet, écouta Nina longuement, avant
d’en venir à la conclusion :
— Nina, maintenant, tu te sauves dans tous les sens du terme…
Colette avait raison, cela devenait une question de survie, il fallait que Nina parte, qu’elle
laisse tout derrière elle. Elle n’avait plus de nouvelle de Geoffroy depuis samedi.
Son rendez-vous chez Marc, le lendemain, lui ferait sans doute du bien.

194
IL LUI AVAIT PROMIS…
*
Lors de la deuxième séance avec Nina, Marc eut l’impression de recevoir une autre jeune
femme.
En seulement trois jours, sa patiente avait parcouru un chemin que certains patients
mettaient des mois à parcourir, voire des années.
Il fut impressionné par la force de Nina. À la voir comme cela, elle paraissait fragile, car
mince, délicate, sensible, mais en réalité, elle disposait d’une grande force intérieure, qu’on
ne supposait pas chez elle.
— Vous allez vite Nina
En trois jours, vous avez parcouru énormément de chemin
C’est très bien
Maintenant, il faut être en colère
Nina garda en tête cette phrase « maintenant, il faut être en colère », et alors qu’elle se
trouvait chez elle, le soir à préparer ses bagages, pour le départ du lendemain, elle reçut un
SMS de Geoffroy :
— Tu peux m’appeler ? merci
Cela sonna plus comme un ordre qu’une demande.
La phrase de Marc, prit alors tout son sens.
Nina appela Lara, qui toujours réactive décrocha quasi instantanément
— Quelle est la pire insulte qui soit en portugais ?
— Filha da puta
Ou pire encore vai para a puta que pariu
— Non, quelque chose sans puta, qu’on ne peut pas comprendre sans traduction
— Caralho te foda
— Ça veut dire quoi ça ?
— C’est grosso modo va te faire enculer, mais en Portugais, il n’y a pas, c’est accès sur ta
mère est une pute et toi t’es niqué
— Et sans mêler sa mère à ça ? on a quoi ?
— Vai para o caralho ou
vai te foder ou
quero que tu te fodas
Bien notre échange !
— Mon psy m’a dit d’être en colère, et l’autre m’envoie un message m’ordonnant de
l’appeler, alors comme sa maitresse est portugaise, je trouvais ça de bon ton, de parler sa
langue, sans mauvais jeux de mots
— Non ? elle est portugaise sa maîtresse ? elle doit venir du sud alors
195
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Je te transmets le message que j’enverrai
— Ok, ça marche
— À demain
— À demain
Et Nina prise d’une poussée de colère, ou d’agressivité écrivit
— Je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi
Et puisque tu fréquentes une portugaise
Demande, lui donc de te traduire ça
Vai para a caralo
Nina envoya, puis comme promis transféra à Lara, qui répondit encore une fois quasiment
instantanément :
— Moui, c’est plutôt Vai para O caralHo
Mais on ne va pas chipoter
Tu auras l’occasion de perfectionner ton portugais dès demain
En même temps, un message de Geoffroy en réponse arriva
— C’était pour récupérer mes affaires, inutile de m’insulter
Nina se calma, et répondit après quelques instants.
— Je pars demain en voyage
Tu peux envoyer un transporteur venir récupérer tes affaires et ma mère lui donnera
l’accès. Il n’aura qu’à la contacter directement pour le jour et l’heure
Le message resta ensuite sans réponse.
*
Le jour du départ arriva.
Madame Giredet descendit, pour accompagner sa fille dans ce moment.
Elle la trouva dans un pitoyable état.
La colère de la veille s’était dissipée, et Nina apparaissait toute pâle, fatiguée, lasse de se
débattre, de tenter désespérément de garder la tête hors de l’eau.
Elle mit au courant sa mère du message de Geoffroy qui voulait récupérer ses affaires
— Je m’en occuperai. On lui rend tout ?
On ne garde pas l’écharpe Burberry, les cravates Hermès ?
— Non, laisse-lui
— Tu es sûre ?
— Un cadeau est un cadeau
Reprendre c’est voler

196
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nina pensa aux paroles de la chanson de Jean Jacques Goldman, qui illustraient
parfaitement cet instant.
— Il ne mérite vraiment pas reprit Madame Giredet
— Je ne pense pas qu’il arrivera à les porter maintenant de toute façon
— Justement, autant les garder
— Non, on ne reprend pas des cadeaux, ça ne se fait pas
Sa fille paraissait si lasse, que Madame Giredet n’argumenta pas plus.
— Il ne faut pas que tu tardes
Je vais t’appeler un taxi
Quand Madame Giredet revint, elle trouva sa fille en train de pleurer.
Elle craquait.
Elle avait mis du temps, elle avait été courageuse, elle avait fait face, elle avait tout affronté.
Et maintenant, elle craquait.
Elle alla vers elle, s’assit sur le canapa à côté d’elle, et la prit dans ses bras, la tête de sa fille
contre elle.
Nina ne resta qu’un court instant, elle se leva bientôt, se dirigea à toute vitesse aux toilettes
et vomit.
Sa mère la rejoint dans la salle de bain, alors qu’elle faisait couler de l’eau
— Il t’aura bien foutu en l’air ce sale type…
— Je ne sais même pas si je vais réussir à prendre l’avion
Madame Giredet eut le cœur qui se serra.
Pour une mère, voir son enfant souffrir représentait la pire des choses.
Et Nina, bon petit soldat jusqu’alors tombait. Toutes ses barrières, lâchaient. Elle
s’effondrait.
Le taxi arriva. Madame Giredet traîna la valise et guida sa fille.
Le chauffeur sortant, aidé à charger comprit vite que sa cliente souffrait, il accompagna de
toute sa gentillesse les deux femmes.
Nina embrassa sa mère, qui la serra fort en retour
— Allez Nina, hauts les chœurs furent ces derniers mots à sa fille
Nina monta dans la voiture. Derrière ses lunettes de soleil, en silence, elle s’écroula.
Elle pleura, pleura, pleura... Toutes les larmes qu’elle avait retenues jusque-là, coulèrent
sur ses joues.
Le chauffeur de taxi fut d’une gentillesse infinie à son égard. Elle en fut d’ailleurs étonnée,
car c’était comme s’il savait ce qui se passait sans qu’elle ne lui ait rien dit. Son comportement,
ses paroles… tout sonna parfaitement.

197
IL LUI AVAIT PROMIS…
En descendant du taxi, elle se sentit une nouvelle fois livrée en pâture à un environnement
hostile. Elle ne savait pas si elle allait pouvoir monter dans l’avion. Comment allait elle pouvoir
un jour se remettre de tout ça ?
Et puis, elle vit Lara, au loin, qui vint à sa rencontre, qui lui sourit, qui la soutint et ne la
quitta pas, jusqu’à ce que l’avion décolle, l’amène loin et que le temps fasse son œuvre.

198
IL LUI AVAIT PROMIS…
Forrest, on a des vies très différentes tu sais
Je veux que tu prennes ça
Forrest, je ne peux pas prendre ça
Je l’ai eu en faisant ce que tu m’as dit de faire
Pourquoi es-tu si bon avec moi ?
Tu es à moi
Je serai toujours à toi
Forrest Gump, départ Jenny pour San Francisco

11

En arrivant au Portugal, Nina était à terre.


Elle pensait ne jamais pouvoir se relever.
Lara la soutint, restant silencieuse mais présente, à ses côtés dès que son amie en avait
besoin.
Elle savait s’effacer quand il le fallait. Ou faire bouger Nina pour lui éviter de tomber en
dépression.
Lara l’amena dans son petit village. Les deux jeunes femmes logeaient chez ses oncle et
tante, et souvent elles rendaient visite aux autres membres de la grande famille de Lara, et
plus particulièrement à sa grand-mère.
Pas de téléphone, là-bas, Nina n’appelait personne, même pas sa mère.
Elle suivait Lara dans ses visites chez sa famille, avec le rituel du goûter chez chaque
membre qui était une institution.
Des petits pain, jambon, fromage…
Un goûter salé composait ce moment de partage et de retrouvailles. Nina découvrit aussi
la Sopa verde, soupe verte qui même l’été servait d’accompagnement à tout et pour tout.
Nina fut touchée par la tendresse qui unissait Lara à sa grand-mère. La vieille femme
fatiguée et diminuée résidait chez un autre de ses enfants, dans le village, et revoir sa petite-
fille illuminait ses journées.
La culture portugaise en cela est différente de celle française, la famille a un rôle central,
dans l’organisation de la société, et les cadets prennent soin de leurs aînés.
Au Portugal, Nina trouva ou retrouva beaucoup de chaleur humaine et une simplicité de
vie, une authenticité qui lui fit un bien fou. Elle écoutait Lara parler et se surprenait à
comprendre le gros de la conversation, la langue restant latine.
Elle portait partout avec elle, un petit carnet dans lequel elle notait tout ce qui lui passait
par la tête.

199
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle réfléchissait tout le temps à ce qui s’était passé.
Qui était donc cette voix ?
Yannick ?
Impossible, elle ne correspondait pas au profil.
Lorsqu’elle s’isolait, dans le jardin Nina se transformait en véritable profiler.
Elle notait, recoupait, analysait tout…
Parfois, elle craquait. Elle se mettait à pleurer au beau milieu d’un dîner, sous
l’incompréhension et la gêne de ses hôtes.
D’autres fois elle pleurait seule, isolée dans le jardin après avoir noté une information, qui
la faisait se rappeler, qui la ramenait dans le passé.
Un jour Lara la rejoint :
— Tu te caches, encore ?
— Je ne sais pas si je vais réussir à m’en remettre…
— Mais si, tu es plus forte que tu ne crois
Pour te changer les idées, on va partir quelques jours à Porto
Il ne faut pas que tu passes tout ton temps à ressasser
— Je ne comprends toujours pas
— Comprendre quoi ? il n’y a rien à comprendre, tu es tombée sur un malade
La bonne nouvelle, c’est que ça y est, c’est fait, ça n’arrivera pas une seconde fois
— Non, ce n’est pas ça, je ne comprends pas pourquoi je l’ai appris
Il avait une réponse à tout, un mensonge d’avance à chaque fois
Il n’aurait jamais dû se faire prendre
— Et pourtant, si par Yannick
— Non, ça ne colle pas
Elle n’a pas le profil, elle n’est pas suspicieuse, et quand bien même elle est dévouée à
Geoffroy
Et il m’a soutenu que Julie ne connaissait pas ses collègues de bureau
— Qui, alors ?
— C’est la question
— Viens, arrête d’y penser, allons faire les sacs pour notre escapade à Porto
Ça te changera les idées
Nina savait bien que non, mais elle laissa son amie le croire.
*
Nina trouva Porto plus agitée que le petit village dans lequel elle séjournait.

200
IL LUI AVAIT PROMIS…
La ville balnéaire regorgeait de jeunesse, de mouvement.
Lara traîna Nina dans les boutiques. Férue de mode, la jeune femme adorait trouver des
styles vestimentaires qui la mettaient en valeur.
Mais Nina, toujours plongée dans ses pensées ne la suivait que physiquement. Son esprit
continuer de vagabonder, de chercher.
Lara rejoint ses amies locales dans un centre commercial, pour prendre un verre avec de la
Caldo Verde plus tendance encore à Porto
— Nous sommes des portugaises modernes, loin des stéréotypes des poils et de la
moustache se plaisait- à dire Lara sur le chemin
Une fois avec ses amies, la conversation se déroula en Portugais et Nina en profita pour
continuer son analyse.
Elle se souvint du mauvais présage des fiançailles avec l’intoxication alimentaire.
Elle réalisa également qu’en analysant tous les maux dont elle avait souffert tout au long
de cette année que son corps l’avait alertée.
Elle n’avait pas voulu l’écouter :
Mal aux oreilles : elle ne voulait pas entendre
Perte de la voix : elle avait perdu sa voie
Mal au genou : je/nous,
Les boutons. Geoffroy la touchait et ça lui donnait des boutons…
Toutes ces manifestations prenaient sens.
Elle n’avait pas réussi à les comprendre… Non, rectification :
Elle n’avait pas voulu les comprendre…
Elle s’était perdue.
Cela faisait un moment d’ailleurs qu’elle était perdue ; depuis Axel sans doute.
Elle revint à la réalité, à Porto le cadre avait changé. Lara avec ses amies maintenant
prenaient un verre en terrasse avec vue sur la mer, dans un bar tendance.
Elle repartit dans ses pensées, ne comprenant pas plus ce qui se disait autour d’elle.
Axel donc, oui, depuis Axel, elle était perdue.
Elle voulait se marier avec lui, puis il était parti, lui brisant le cœur, la laissant seule.
Elle pensait qu’elle s’en remettrait qu’elle trouverait d’autres hommes qui lui
ressembleraient, et elle n’avait jamais trouvé.
Son père était tombé malade, et puis elle avait rencontré Geoffroy. Avec lui, elle avait cru
ressentir ce qu’elle avait ressenti pour Axel, elle avait cru qu’elle pourrait se marier avant que
son père ne parte, qu’il serait rassuré de ne plus la savoir seule à l’avenir.
Mais tout ça au fond n’avait été qu’un leurre. Elle se retrouvait de nouveau seule, trahie,
en souffrance.

201
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle n’avait pas eu autant mal depuis qu’Axel était parti. Et là ; à cet instant la douleur
endormie se raviva. Comme une décharge, elle envahit de nouveau tout son corps.
Au beau milieu de la conversation de Lara et ses amies, au beau milieu du bar à la mode,
elle fondit en larmes.
Elle pleura, pleura, n’arrivant pas à se contenir, à s’arrêter.
Lara paniqua, elle demanda l’addition, rassura Nina, qu’elles allaient rentrer.
Nina la regarda et au milieu de ses sanglots s’étonna de voir un couple à une table voisine,
qui la fixait.
Comme pour s’accrocher à autre chose que son chagrin, elle trouva cette attitude étrange.
La plupart du temps, les gens détournent les yeux devant quelqu’un qui pleure, ne la
regardent pas en face.
C’est en tout cas ce que firent tous les autres clients sur la terrasse, ainsi que Lara, qui mit
fin à son entrevue avec ses amies pour raccompagner Nina, et la ramener dans le pied à terre,
qu’elles occupaient à Porto, à l’abris.
De toute façon, elles rentraient le lendemain, dans le petit village de sa famille.
*
De retour chez l’oncle et la tante de Lara, Nina retrouva ses marques, et le jardin, pour de
nouveau s’isoler et réfléchir.
Comme pour les manifestations de son corps, elle se rappela toutes les choses bizarres qui
étaient arrivées ces derniers temps :
Le couple pas plus tard qu’hier qui l’avait regardé pleurer alors que tous les autres
détournaient les yeux
Le taxi qui l’avait amené à l’aéroport, tellement gentil, et qui ne ressemblait pas un taxi
Le rendez-vous pour le bilan de compétences dans ce bâtiment en verre, si étrange
Et puis cette voix, cette voix qui l’avait avertie, prévenue alors qu’elle n’aurait pas dû l’être
Cette voix qui dès le départ, savait pour Geoffroy et l’avait traité de grand malade
Qui était cette voix ?
Pourquoi avait-elle été sauvée ?
Pourquoi avait-elle tout appris avant le mariage et non pas après ?
Elle nota frénétiquement sur son carnet ces différentes interrogations, et puis soudain elle
inscrivit :
Il lui avait promis…
Il n’en fallut pas plus pour qu’elle se rappelle,
Le petit mot, l’inscription :
Il lui avait promis, qu’il l’aimerait et la protégerait pour toujours
Cette phrase :

202
IL LUI AVAIT PROMIS…
Tu rencontreras quelqu’un et je veillerai à ce que ce soit quelqu’un de bien
Le SMS envoyé la veille :
Peux –tu me donner ton adresse, j’aimerais t’envoyer un courrier
Et il n’en fallut pas plus pour qu’elle comprenne :
Axel
C’était Axel.

203
IL LUI AVAIT PROMIS…
-Pourquoi l’as-tu épousé ?
-Il m’a dit qu’il m’aimait
-C’est toujours doux à l’oreille
-Sais-tu qu’avant je regardais, si on ne publiait
Pas ta néchro dans les annonces du jour
-Désolé de sans arrêt te décevoir
-Pour quelles raisons James ?
J’étais allée trop loin…
J’étais allée trop loin dans ton cœur ?
-Oui
-Oh… Tu m’as manqué
Demain ne meurt jamais

12

Fin octobre 1995


Axel vêtu d’un jean, T Shirt noir, veste en cuir, casque de moto, attendait dans la rue,
fumant une cigarette.
Il vit sortir l’homme de l’immeuble, qui monta dans sa voiture garée à quelques mètres.
Il le suivit en moto.
L’homme s’arrêta à plusieurs endroits, d’abord dans les quartiers populaires.
Il rencontra tour à tour des intermédiaires.
Puis en plein milieu de Paris.
Place de la Concorde dans un immeuble faisant l’angle sur la grande place et le jardin des
Tuileries.
L’homme entra, suivi par Axel.
Il attrapa la porte au vol, se dirigea dans la cour intérieure.
Une soirée se déroulait au premier étage.
Il ne se fit pas remarquer avec les convives qui entraient et attendaient de présenter leur
carton d’invitation dans le bâtiment sur la gauche.
Axel dans la cour trouva des cartons blancs vides, laissés sûrement par le traiteur qui avait
livré, plus tôt dans la journée,
Il les saisit, revint sur ses pas, et se présenta devant les hôtesses :
— Livraison de dernières minutes, il manquait des canapés
204
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Allez- y par l’escalier de service
Axel monta l’escalier, entra dans l’appartement.
Dans la cuisine, tout le personnel s’afférait, à la préparation du cocktail dînatoire.
Personne ne fit attention à lui. Il se débarrassa des cartons, et s’engouffra dans les longs
couloirs de l’appartement menant aux salons de réception.
Un concert se déroulait, cantatrices accompagnées au piano au violon, à la harpe et à la
flûte se produisaient, devant un public attentif.
Les femmes en robes de soirée, les hommes en smoking.
Axel faisait tache dans l’auditoire.
Il retrouva l’homme qui se tenait debout sur un côté près d’une immense fenêtre donnant
sur le Jardin des Tuileries, parlant avec l’hôte de la soirée.
Il eut à peine le temps de voir l’homme faire passer une petite pochette de velours au
maître des lieus.
Il surprit le regard d’un des hommes de mains.
Il venait de se faire repérer.
Ne laissant pas le temps à l’homme de main de traverser le salon pour le rejoindre, il prit
le chemin inverse.
Doucement au départ, puis en courant ensuite, alors que l’homme de main, le rattrapait
déjà.
Dans la cuisine, il saisit et jeta à terre, tout ce qui lui passait sous les mains, pour ralentir
son poursuivant.
La sécurité en bas de l’immeuble montait déjà les escaliers en renfort.
Axel arriva sur le palier, puis enjamba la rampe et sauta pour arriver ainsi au rez- de
chaussée, sans passer par l’escalier que les hommes de sécurité envahissaient.
Il se réceptionna mal, et se blessa.
Il n’eut pas le temps de ressentir la douleur.
Il passa en boîtant, devant les hôtesses, le plus rapidement possible, avant de rejoindre sa
moto, de démarrer, et de laisser derrière lui ses poursuivants.
Il arriva enfin chez lui, enfin dans Paris
Désormais, il habitait un appartement dans un immeuble Haussmannien,
Il s’était assuré de ne pas avoir été suivi.
Il monta l’escalier avec difficulté, ouvrit la porte et alla dans son salon.
Il enleva sa veste, prit de la glace pour mettre sur jambe.
Il alluma sa chaîne hifi, s’installa dans le fauteuil sur les notes de la musique de Proposition
Indécente, allongea sa jambe, mit la poche de glace, .
Il se laissa aller à penser à Nina.

205
IL LUI AVAIT PROMIS…
Que faisait-elle en ce moment ? Comment allait-elle ?
Sur la musique, il revit son visage, ses yeux verts, ses cheveux blonds, sa bouche, ses
jambes, son corps de liane.
Il se remémora la soirée d’anniversaire chez Hélène, à quel point elle était belle dans sa
robe à la Sharon Stone, digne de l’Expert.
Il avait fait semblant de ne pas la regarder, de l’ignorer, mais il n’avait vu qu’elle.
Il se rappela sa tête lorsqu’ il lui avait annoncé à l’auto-école qu’il partait pour la Suisse.
A quel point elle avait dû souffrir.
Il avait envie de l’appeler, d’entendre sa voix.
l l’avait fait une fois, il avait téléphoné à l’auto-école, pour s’assurer qu’elle allait bien, et
cela avait été une torture pour tous les deux.
Non, il ne l’appellerait pas, il fallait qu’il la laisse. Il fallait qu’elle l’oublie. Il allait rester là, à
penser à elle, à rêver d’elle dans l’ombre, et sans un bruit.
*
Nina ne se remettait pas du départ d’Axel.
Chaque jour qui passait la tourmentait, ne lui donnant pas l’occasion de penser à autre
chose qu’à lui.
A tout ce qu’ils n’avaient pas pu faire, à tout ce qu’ils n’avaient pas pu vivre à deux.
Leur histoire resta suspendue, en devenir, sans jamais avoir vraiment été.
Tout ce temps perdu, tout ce gâchis…
Elle n’arrivait pas à s’en remettre, à passer à autre chose, à l’oublier.
Pour la torturer, il l’avait appelé une fois pendant l’été à l’auto-école.
Alors qu’elle n’attendait que ça.
A chaque sonnerie de téléphone, elle n’attendait que lui au bout du fil.
Et quand ça avait été vraiment lui, ça ne l’avait pas aidé, ni soulagé…
Il ne revenait pas.
Que s’était-il passé pour que tout bascule à ce point en si peu de temps ?
La question n’arrêtait pas de l’obséder.
Avait-il été recruté par une secte ? par les services secrets ? non, bien sûr que non.
Elle essaya de se dire de faire comme s’il était mort, mais n’y arriva pas.
Chaque journée, elle attendait la nuit pour rêver de lui, le retrouver.
Puis il fallait se réveiller le lendemain et revenir à réalité.
Cents fois, elle voulut partir, loin, très loin, mais William avait besoin d’elle.
Les jours passaient et se ressemblaient.

206
IL LUI AVAIT PROMIS…
Hélène avait disparu avec Axel, elle ne passait plus à l’auto-école, seule Lara voyait son
amie souffrir le martyre, comme jamais auparavant.
Ça n’était pourtant pas la première fois que Nina se faisait quitter.
Jamais elle n’avait été si dévastée.
Elle finit par croire à toutes les promesses d’Axel, à ses engagements sur l’avenir.
Elle n’aurait pas dû.
La reprise des cours à la fac, ne la soulagèrent guère plus.
Louis vit avec plaisir qu’elle ne portait plus sa bague de fiançailles.
IL ne le fit pas remarquer.
Il la trouva triste lors des trajets de retour en voiture qu’ils partageaient, mais elle ne se
confia pas à lui.
Le week-end d’après, alors que la rentrée avait déjà démarré Lara passa chez les Giredet
dans l’hôtel particulier.
Paul souhaitait se fiancer avec elle.
Autour d’un thé, elle l’annonça à Nina et à sa mère.
— Et pour la bague ? demanda madame Giredet
— Il n’a pas trop d’idées, ni trop de moyens pour un diamant
— Il peut trouver de jolies bagues sans prendre de diamant
Avec un saphir par exemple, la pierre sera plus grosse
Tu veux qu’on aille voir des modèles ? demanda Madame Giredet
— Je veux bien oui
— Nina ? tu veux bien nous conduire ?
Nina accepta, se disant intérieurement que cela la ferait penser à autres choses, qu’à’ Axel ;
mais ce fut le contraire qui se produisit. Le mot fiançailles ravivait à lui seul, des souvenirs pas
si éloignés, des souvenirs très douloureux.
Le 17 novembre 2004, je demanderai ta main
Il lui avait promis, qu’il l’aimerait et la protégerait pour toujours
Quelles que soient les circonstances,
ces quelques mots resteront
à jamais notre religion
et à moi, ma raison de vivre.

Se remémora- t-elle. La voix d’Axel prononçant ces mots, resonna dans sa tête. Elle revit la
scène du restaurant, et eu une forte douleur au ventre.

207
IL LUI AVAIT PROMIS…
Arrivées à la bijouterie, dans la vitrine une bague tapa dans l’œil de Madame Giredet et
Lara.
Un saphir, assez gros posé sur des diamants à plat, ce qui donnait à la bague un certain
volume et habilla parfaitement le doigt de Lara.
Cette dernière eut un coup de foudre pour cette bague.
Le vendeur en sortit et montra d’autres, mais ce fut cette dernière qui remporta tous les
suffrages.
Lara prévint Paul par téléphone, toute guillerette et excitée de bientôt la porter, et Nina,
sans rien dire voyait ses maux de ventre augmenter.
De retour chez elle après avoir déposé Lara, son état ne s’arrangea pas.
Elle monta directement se coucher.
Sa mère inquiète vint la voir, puis son père, chose assez rare puisque les médecins souvent
rechignent à soigner leur famille.
Le lendemain, l’état de Nina ne s’arrangeant pas,
Elle fut amenée à l’hôpital Bégin.
Après un tour aux urgences et des tests, une suspicion de crise d’appendicite, Nina se
retrouva donc dans sa chambre d’hôpital, avec des aiguilles dans, les bras, des perfusions
partout.
Avec les prises de sang en plus, ses veines, ne résistèrent pas longtemps, elles éclatèrent,
lui laissant des bleus sur les bras.
Le dimanche, elle resta couchée, demandant à sa mère de prévenir William, qu’elle ne
pourrait pas venir travailler le lundi.
Elle raterait les cours aussi, mais Louis pourrait les lui fournir.
Nina n’aimait pas l’idée de se faire opérer, ni l’idée que son corps se dérobe. Elle n’arriva
pas à dormir, il y avait trop de bruits, trop de lumières.
Elle décida alors de lancer la méthode Coué, se forçant à répéter,
« Je n’ai pas l’appendicite, je ne suis pas malade »
En boucle et toute la nuit.
Le lundi, sa mère revint la voir, et le ballet des infirmières et des médecins se poursuivit,
continuant de faire des tests.
Le matin, elle passa une échographie, une femme qui a mal au ventre pour les médecins
est forcément enceinte en tout premier lieu.
Mais là, il n’y avait vraiment aucune chance.
Bizarrement, elle se sentait un peu mieux, et les médecins qui venaient la voir, décidèrent
d’attendre avant d’opérer, n’étant plus sûrs de leur diagnostic.
Tout ce que souhaitait Nina, c’était de sortir de là.

208
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle dit au professeur qui vint la voir en fin de journée qu’elle se sentait très bien. Le
professeur le dit à sa mère, accompagné de son interne, s’appuyant sur les tests qui avaient
perdu en gravité et faisaient désormais hésiter le médecin sur la nécessité d’opérer
— Les dernières prises de sang, sont moins inquiétants qu’hier même s’ils montrent qu’il y
a quelque chose
Mais votre fille dit qu’elle se sent bien
— Evidemment, elle vous dit ça, car elle veut rentrer à la maison
— Oh oui, confirma l’interne qui n’était pas dupe
— On va la garder encore cette nuit, décida le chef de service
Madame Giredet revint dans la chambre de sa fille lui annoncer qu’elle restait une nuit de
plus, ce qui contraria fortement Nina.
— Mais pourquoi ? ça va maintenant
— Les analyses… Ils ne veulent pas prendre de risque
L’interne n’est pas dupe, il sait que tu veux rentrer
Mais le taux de globules blancs, montre bien qu’il y a quelque chose
— Qu’il y a eu. Maintenant c’est passé
— Laisse les médecins s’en assurer
Je t’ai fait mettre la télé
Regarde, ce soir tu as Une lueur dans la nuit qui passe
— Un film d’espion se dit Nina qui l’avait déjà vu et apprécié
Les heures de visite prenant fin, Madame Giredet embrassa sa fille puis partit.
Quelques instants plus tard, une aide-soignante vint prévenir Nina, qu’elle avait un appel
qu’on lui transférait sur le point téléphonique du couloir.
Une autre patiente pendant ce temps-là fut installée dans sa chambre.
— Nina, c’est William
Comment vas-tu ?
— Ça va, j’ai les bras couverts de bleus et ils ne veulent pas me laisser sortir
— C’est l’appendicite ?
— A priori, non, ils ne savent plus trop ; ils n’arrêtent pas de penser que je suis enceinte !
Et toi, ça a été à l’auto-école, tu as pu assurer les leçons ?
— Ne t’inquiète pas, je me suis arrangé
L’important c’est que tu ailles mieux vite
Je t’embrasse Nina, va te reposer
— À bientôt William, merci pour ton appel

209
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nina raccrocha, puis de retour dans sa chambre, vit sa nouvelle Co locatrice.
Elle semblait en plus mauvais état qu’elle. Elle était âgée et assez forte. D’une voix grave
elle échangea quelques banalités avec Nina, avant qu’une infirmière ne tire le rideau pour
s’occuper d’elle.
La nuit fut atroce.
La dame ne cessa pas instant de ronfler sans interruption.
Nina ne put fermer l’œil de toute la nuit.
Elle repensa, alors au passage d’Une Lueur dans la nuit, qu’elle avait réussi à regarder
malgré tout, où le personnage joué par Mélanie Griffith Linda, tombe inopinément sur Ed le
personnage joué par Mickael Douglas sans un night-club à Washington, alors qu’elle se faisait
un sang d’encre pour lui, le croyant au beau milieu des bombardements de la guerre en Asie.
Assise à une table, elle le vit arriver en uniforme au bras d’une autre femme militaire, puis
se mettre à danser avec la femme en question, comme si de rien n’était.
Elle se décomposa à cet instant, arrivant à peine à croire à ce qui se déroulait sous ses yeux,
jusqu’à ce qu’il la voie, et vienne la rejoindre :
— Bonsoir Linda
— Bonsoir Ed
Qu’est-ce qui vous amène à Washington ?
— J’ai des choses à faire ici, je vais être obligé de m’attarder quelques temps
— Bien
— Voulez-vous danser ?
— Non, vous êtes occupé
— Allez, venez
— Je n’ai pas envie de danser
[…]
— Tu vas bien ?
— Pas tant que ça… non
— Depuis quand fumes-tu ?
— J’en sais rien
— C’est une belle sottise, tu ne trouves pas ?
— Je suis très sotte Ed, et tu en es la preuve vivante
En voyant cette scène, Nina eut l’impression de revoir ce qu’elle avait vécu chez Hélène,
quelques mois auparavant, à la différence qu’Axel ne lui avait même pas parlé, ni adressé un
regard, ce soir-là.
Elle aussi se trouvait bien sotte de toujours penser à un homme qui devait avoir refait sa
vie ailleurs, tellement idiote qu’elle se retrouvait à l’hôpital.

210
IL LUI AVAIT PROMIS…
Il fallait que cela cesse. Il fallait qu’elle l’oublie, qu’elle reprenne le cours de sa vie.
*
Madame Giredet arriva le matin, pour procéder à la sortie de sa fille, que les médecins
venaient enfin d’autoriser.
Elles rentrèrent dans le pavillon, enfin !
Nina après trois jours, fut tellement soulagée de retrouver sa maison, son havre de paix.
Ses bras étaient couverts de bleus, et elle se sentait sale.
Elle se fit couler un bain, en premier lieu, à peine arrivée à son étage.
Elle y resta longtemps.
Ensuite, elle dormit toute la journée, exténuée par a nuit blanche de la veille.
Elle se réveilla en fin de journée, et descendit voir sa mère, qui l’installa dans la véranda
sous une couverture pour qu’elle continue à se reposer.
Quelques instants plus tard, le téléphone sonna. Madame Giredet décrocha et prévint Nina
que c’était pour elle.
Nina pensa que ça devait être Lara, et se leva pour monter doucement l’escalier qui la
menait dans le salon où le combiné l’attendait.
— Allo
— Allo Nina, c’est Axel
Nina marqua un temps d’arrêt, surprise.
Elle ne s’attendait pas à entendre Axel, et ne souhaita pas lui dire ce qui venait de se passer,
elle fit comme si de rien n’était
— Tu vas bien ? demanda-t-il
— Ça va, oui
— Tu es sûre ?
— Un peu fatiguée, mais oui, ça va
— Allez arrête, je suis au courant
J’ai appelé William, il m’a dit que tu étais à l’hôpital
— Ha se contenta- t-elle de répondre, ne sachant pas quoi ajouter
— Je vais revenir Nina
Toi et moi, on va se marier
Nina n’en crut pas ses oreilles, et ne trouva rien à répondre
— Tu ne réponds pas ?
— Tu ne pars plus en Suisse ?
— Non, je reviens, on va pouvoir être ensemble maintenant

211
IL LUI AVAIT PROMIS…
Je t’expliquerai tout, mais plus tard, pas maintenant.
On peut se voir demain soir, si tu veux ?
Faire un tour de Paris by Night
— Je n’arrive pas trop à y croire
— C’est pourtant vrai, je t’assure
Je passe te chercher demain soir ?
— D’accord
À demain, alors
— À demain
Et il raccrocha, disparut aussi vite qu’il venait de réapparaître.
Nina ne pouvait croire que ce qu’elle attendait depuis des mois, venait de se réaliser.
Axel revenait… Tout cette parenthèse n’avait été qu’un affreux cauchemar.
Tout serait bientôt derrière elle, elle allait enfin pouvoir vivre une vraie histoire avec Axel,
et non rêver de lui.
Enfin, si tout cela se réalisait vraiment. Si Axel venait bel et bien au rendez-vous le
lendemain.
Tant qu’elle ne le verrait pas, elle n’y croirait pas.
*
Nina fit un rapide passage à la fac pour ne pas plus manquer et pour récupérer les cours
auprès de Louis.
Ce dernier s’inquiéta de voir les bleus sur les bras de Nina et son état frêle,
Le soir venu, de retour chez elle, Nina, ouvrit la fenêtre de la chambre de Florent et vit la
voiture d’Axel garée devant.
Axel était bel et bien comme promis, au rendez-vous
Elle n’arrivait pas à y croire…
Elle le rejoint.
La musique sortait de la voiture rouge.
Elle monta et retrouva immédiatement les sensations familières, les sensations de chaleur,
et de confiance qui lui avaient tant manqués depuis des mois.
Axel sourit dès qu’elle d’installa dans la voiture :
— Bonsoir
— Bonsoir
Une gêne s’immisça entre eux.
Ils se regardèrent, comme si aucun d’entre eux n’arrivait à croire ce qui se passait…

212
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Tu es belle, dit simplement Axel
Tu vas mieux ?
— Juste quelques bleus, Nina lui montra ses bras
— Oh la la
— J’ai des veines de bébé paraît-il, je marque beaucoup
Axel prit la main de Nina et l’embrassa.
— Je ne te laisserai plus jamais
Il se pencha pour embrasser Nina, qui se laissa faire.
Ses lèvres étaient douces et chaudes.
Nina se sentit si bien en embrassant de nouveau Axel, dans la voiture à cet instant.
Une telle évidence...
Axel regarda de nouveau Nina, caressa sa main
— Je ne pensais pas que tu me permettrais de revenir aussi facilement
— J’attends ça depuis des mois, alors
J’ai encore du mal à croire que c’est réel
Que tu es bien là
— Je suis bien là
Je ne partirai plus
Ils s’embrassèrent de nouveau. Le baiser fut plus sensuel, plus charnel,
Nina sentit le désir d’Axel monter.
— Tu veux faire un tour ? demanda Axel
— Non, je suis bien ici
Je n’ai pas réussi à retourner dans Paris depuis ton départ
Ça a été dur, vraiment dur tu sais
— Je suis désolé
Je ne voulais pas te faire de mal
— Tu m’en as fait… beaucoup
— Je t’expliquerai tout, plus tard
Ça n’a pas été facile pour moi, non plus
Je pensais aussi à toi, souvent… très souvent… tout le temps
Viens là
Et Axel prit Nina dans ses bras, et ils restèrent comme ça, sans bouger, à se sentir, à se
retrouver. Plus rien n’existait, que leurs souffles, dans la voiture, que la chaleur de leurs deux
corps enlacés.
213
IL LUI AVAIT PROMIS…
*
Axel terminait sa conversation téléphonique
— Je ne peux pas, non, j’arrête pour de bon
Entendu
Aurevoir
Il avait retrouvé l’appartement de sa mère.
Elle se réfugiait dans le sommeil prenant des somnifères, comme son fils s’était éloigné,
plus rien ne l’attendait chez elle, que le poids de sa solitude.
Elle avait souri quand Axel était revenu quelques jours plus tôt de façon permanente,
contente qu’il soit là.
Elle n’avait pas pour autant arrêté ses cachets.
Cela n’avait pas compensé le sentiment d’abandon qu’elle ressentait.
Axel, savait que malgré tout, sa mère trouverait un peu de réconfort auprès de lui, quand
elle le croiserait.
De son côté, il voulait maintenant profiter de Nina, vivre à fond, ce qu’ils avaient à vire tous
les deux.
Ils devaient se retrouver dans moins d’une heure, à l’auto-école. L’interphone sonna,
Damien devait passer.
— Bonjour Axel
— Bonjour Damien
— Ça fait un bail
— Oui, comment vas-tu ?
— Tu ne t’en es pas vraiment préoccupé ces derniers mois, railla Damien
— Tu veux un café ?
— En tout cas, je ne sais pas ce que tu as fait à mon père, mais il est d’une humeur de chien
en ce moment
— À cause de moi ? demanda Axel en tendant un café à Damien
— Faut croire…
Il m’a chargé de récupérer une enveloppe
— Exact Axel se leva et alla chercher une enveloppe, qu’il remit à Damien
— Le contenu le calmera ? demanda Damien
— Je ne pense pas non
— Au moins, il m’adressera la parole quand je lui remettrai
Contrairement à toi, je ne suis guère au centre de ses préoccupations
— Tu es son fils, bien sûr que tu fais partie de ses préoccupations

214
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Je ne suis pas son premier choix
Il a un fils de cœur
C’est ainsi
Ni toi, ni moi n’y pouvons rien
On ne choisit pas ses parents
Damien essayait de faire comme si cela ne le touchait pas, mais une grande détresse mêlée
d’une immense tristesse émanait de lui à cet instant.
Pour la dissimuler, il choisit de partir, Axel l’accompagna expliquant qu’il devait passer
chercher Nina.
— Tu la vois encore ?
— Toujours, oui
— Elle n’a pas disparu avec toi, alors
— Non, elle est toujours là
— Appelle Hélène à l’occasion, elle se languit de toi
— Vous êtes de nouveau ensemble ?
— Non, mais, elle aussi, m’appelle pour me parler de toi
— Allez Damien, ça finira par s’arranger, le temps passe, les choses évoluent
— C’est ça répondit Damien amère
À la prochaine, dit-il avant de partir
Axel fut triste de voir son ami, dans une phase si mélancolique.
La vie commençait pour lui, il avait eu son bac, avait commencé des études d’économie, il
irait mieux.
Le temps ferait son œuvre. Il monta dans la voiture de son père et partit rejoindre Nina à
l’auto-école.
Rien n’avait changé là-bas, en entrant dans la boutique, il retrouva tout ce qu’il avait laissé
à sa place. Nina, au bureau, afficha un grand et beau sourire dès qu’il entra et vint à sa
rencontre.
— J’ai une surprise pour toi
— Ha oui ?
— Oui, dès que William arrive, on va chez toi avec nos deux voitures
— Tu attends un peu dans la tienne sans regarder, que je vienne te chercher…
— Tu es bien mystérieuse… Axel souriait, intrigué de ce que mijotait Nina, mais heureux
de la surprise qui l’attendait et de l’attention qu’il recevait
Dès le retour de William, le couple s’éclipsa et Axel suivit précisément les instructions de
Nina.

215
IL LUI AVAIT PROMIS…
Il se passa un bon moment avant que cette dernière ne vienne le chercher, après avoir fait
de multiples allers-retours entre sa voiture et l’immeuble d’Axel.
— Tu peux venir, lui dit-elle
Par contre, il faut que je te bande les yeux,
Elle montra à Axel un foulard qu’elle attacha autour de ses yeux, avant de le guider vers
son immeuble
— N’aies pas peur, lui disait-elle en le guidant
— Je n’ai pas peur répondit-il
En entrant dans le hall de son immeuble, Axel sentit Nina mettre des écouteurs sur ses
oreilles, et il entendit les notes d’Unchained Melody se jouer pendant que Nina lui enlevait le
bandeau des yeux.
Il découvrir une multitude de ballons colorés.
Dans ce décor Nina l’invita à danser un slow, sur la musique, dans cet endroit, à cet instant.
— Je t’aime lui dit-elle,
Il l’entendit à peine, mais le lut sur ses lèvres
Il embrassa, il la serra, fort, la caressa, la toucha.
Le temps s’était comme arrêté, suspendu, Axel n’entendait plus que la musique, ne sentait
plus que la chaleur de Nina.
Rien d’autre n’existait qu’elle, que leurs cœurs à tous les deux qui battaient, qui vibraient,
qui s’enflammaient.
*
Quelques jours plus tard, alors que le jeune couple se revoyait une nouvelle fois.
Ne pouvant se rassasier l’un de l’autre, au beau milieu de la nuit, sur un coup de tête, ils
décidèrent d’aller voir la mer.
Le temps ne s’y prêtait pourtant pas, il faisait gris et pluvieux, mais peu leur importait, ils
firent l’aller-retour à Deauville.
Quatre heures de voiture, pour quelques minutes sur la plage déserte, à l’aube.
Seul le moment présent comptait.
Seuls les moments qu’ils vivaient importaient
Des moments qu’ils voulaient extraordinaires, hors du temps.
Lui, ne voyait plus qu’elle, et elle ne voyait plus que lui,
Rien d’autre n’existait.
Au matin, en rentrant, ils se laissèrent des étoiles plein les yeux, et plein la tête, dévorés
par l’envie de se découvrir encore plus, d’aller plus loin.
L’hiver était là.
Nina rejoint Axel dans sa voiture,
216
IL LUI AVAIT PROMIS…
Il écoutait la bande originale du nouveau James Bond, Golden Eyes.
Elle portait une jupe mi longue avec une veste épaisse à même la peau, en tweed croisée
par nombreux boutons dorés croisés, des bottes, le tout en noir. Par-dessus un manteau ; un
foulard à son cou.
— Bonsoir lui dit Axel, quand elle s’installa dans sa voiture, la regardant avec envie
— Bonsoir répondit Nina, soutenant le regard
— J’ai mis la Bande Originale du dernier James Bond
— Avec Tina Turner ?
— Oui, elle est superbe
— Qui la musique ou Tina Turner ?
— Les deux, il faut que tu écoutes
On va se balader ?
— Oui, mais changeons un peu
Après Deauville, on peut continuer avec l’eau
On peut aller sur les bords de Marne, qu’en penses-tu ?
— Les bords de Marne, allons-y
Et Axel prit donc la direction avec la musique instrumentale qui suivait Le tube de la lionne
Tina Turner Golden Eye.
Les bords de Marne, la nuit en plein hiver ressemblaient à une toile impressionniste.
Petits immeubles ou hôtels particuliers qui longeaient des rues étroites qui en contrebas
voyait l’eau prendre la place de la terre.
Après avoir suivi en voiture plusieurs fois, le fleuve, et admiré l’environnement, Axel gara
la voiture. Il n’était pas tard, mais le coin était désert, les particuliers restés bien au chaud chez
eux en famille.
— C’est très joli, ici dit Axel
On va marcher un peu ?
Les deux jeunes gens sortirent de la voiture, la pluie tombait.
— Tu vas mieux demanda Axel à Nina ?
— Oui, maintenant que tu es là, j’ai tout ce que je désire depuis des mois
Tu es parti si soudainement, je n’arrêtais pas de penser à ce qu’on aurait pu faire, pu vivre
tous les deux
— Je suis désolé de t’avoir fait du mal, je ne voulais pas
— Tu m’as fait très mal
Tu ne m’as même pas adressé un regard chez Hélène
— Si je t’ai regardé

217
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Et bien, je ne l’ai pas vu, et tu ne m’as pas adressé une parole
Avec Damien… la pire soirée de ma vie
— Je t’aime Nina
Tous ces mois passés sans toi, me l’ont fait comprendre
Je n’ai pas réussi à me passer de toi, je n’arriverai jamais je pense, à me passer de toi
Il pleut beaucoup là, non ?
— Oui
— Rentrons vite dans la voiture
En un temps éclair, les jeunes gens remontèrent dans la voiture. La musique de Golden
Eyes se déclencha.
Axel regarda Nina, qui avait enlevé son manteau, elle avait les cheveux mouillés, le visage
aussi
— Je ne te laisserai plus jamais
Tu n’as jamais été plus belle qu’à cet instant
Nina regardait Axel intensément, dans l’étroitesse de la voiture, il se pencha vers elle,
l’embrassa, posa, ses mains sur elle.
Pour la première fois Axel fit l’amour, et ce fut à et avec Nina.
*
Faire l’amour à Nina, avait été une vraie révélation pour Axel.
Il avait adoré.
L’attente rend les choses tellement meilleures. Elle ne l’avait pas cru quand il lui avait révélé
que c’était sa première fois
— Ça ne s’est pas vu lui avait-elle dit surprise
Je n’aurais jamais cru
— Je n’ai jamais dit que je n’avais rien fait
J’ai fait des essais, des travaux pratiques
— Mais je reste ta première, je suis à vie dans ta mémoire maintenant
Ça compte la première fois
On s’en souvient toujours…
Il en était certain, oui, Axel se souviendrait toujours de Nina.
Il l’avait dans la peau, dans le cœur.
Un double de lui-même, son prolongement.
Il n’arrêtait pas de se remémorer la scène de la veille dans la voiture. Sa peau, ses baisers,
son souffle.

218
IL LUI AVAIT PROMIS…
Il avait aimé être en elle.
Il avait attendu si longtemps.
Être en symbiose, ne faire plus qu’un avec l’être aimé.
Il ne souhaitait plus qu’une chose : recommencer… La retrouver… L’étreindre, encore et
encore.
Cela tombait bien, après cette soirée inoubliable, Nina multipliait les têtes à têtes
érotiques.
D’abord chez Axel, un matin tôt, alors que sa mère depuis longtemps était partie travaillée.
Nina surprît Axel en sonnant chez lui, couverte d’un long manteau noir, long, très long sous
lequel elle ne portait que de la lingerie noire avec des bas et des talons hauts,
Il adorait, les bas et les talons hauts, et elle dégageait une sensualité folle.
Une autre fois, chez elle cette fois, un matin également, alors qu’elle était seule dans sa
grande maison, au troisième étage elle lui avait fait un défilé de lingerie.
installé dans sa chambre, il la regarda aller et venir en dessous, noirs, rouge, blanc… sous
ses yeux, magnifique, quelle que soit la couleur… Elle le surprenait chaque jour.
Avec la campagne de publicité d’une célèbre marque de lingerie, qui donnait des leçons
de séduction, lui laissant dans sa boîte avec un mot manuscrit indiquant :
— Ce soir, je porterai ça
Ou encore en l’amenant dans un grand magasin, choisissant un modèle de lingerie dans les
rayons, et l’entraînant en cabine d’essayage, pour continuer le jeu avec plusieurs autres
démonstrations.
Elle le rendait fou, chaque jour amenait des surprises.
Noël arriva bientôt.
Cette année, là ils le passèrent un peu ensemble
Nina fut invitée chez Axel avec sa mère le 25 décembre.
Tous les trois passèrent un joli moment.
La mère d’Axel fut très gentille avec Nina, qu’elle devina importante pour son fils.
Elle lui offrit la cassette Angélique Marquise des Anges
Axel James Bond, elle Angélique, à chacun son personnage de fiction.
La mère d’Axel toucha Nina à ce moment par sa fragilité.
Elle nota sa mélancolie.
Ce noël, sans son mari, semblait difficile à surmonter pour elle.
Elle ne le montra pas, souhaitant qu’une seule chose, le bonheur de son fils retrouvé.
Chaque jour avec Nina pour Axel était une fête, un feu d’artifices.
Elle ne ménageait pas ses effets. Elle laissait cours à son imagination, elle n’en manquait
pas.
219
IL LUI AVAIT PROMIS…
Pour le nouvel an, Nina surprit encore Axel, lui tendant un petit cadeau pour la Saint
Sylvestre.
Au restaurant en attendant le passage à l’année 1995, Nina tendit un mot à Axel, une feuille
blanche pliée en deux dans le sens de la largeur, avec un petit nœud doré en haut sur le côté
droit :
Cadeau du 31 décembre 1995
Bon pour un week end
Destination : À ton choix
Date :À mon choix
TSVP

Le monde est vaste,


Le temps lui est compté,
Tu disposes d’environ une minute
Pour sans un mot
Et en essayant d’imaginer ce que tout cela entraîne,
Inscrire la destination de tes rêves…
Axel écrivit sans mot dire, comme demandé et tendit le mot à Nina, qui découvrit
Comme un ange me propose de choisir entre
L’enfer ou l’enfer, je choisis alors Florence
— Florence,
Nous irons donc à Florence bientôt. Reprit Nina…
*
Nina ne pensait plus qu’à Axel.
Ils passaient ensemble la plupart de leur temps, il venait chez elle, les matins souvent, pour
des petits déjeuners improvisés, il l’accompagnait à la fac et assistait à certains cours en
amphithéâtre, il la rejoignait à l’auto-école, où Hélène et Damien se manifestaient de temps
en temps de nouveau.
Et les soirs, les nuits, ils se retrouvaient.
Nina souhaita prendre la pilule et en parla naturellement à sa mère, entre elles, le sujet
n’avait jamais été tabou
— Je vais te prendre rendez-vous avec Marianne
Comment ça passe entre vous à ce niveau-là ? demanda Madame Giredet
— Très bien
— Tu as réussi à avoir un orgasme ?

220
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Je ne crois pas non
— Tu le saurais si tu avais…
Pour les hommes, c’est facile, par contre pour nous les femmes, c’est plus compliqué
Beaucoup de femmes ne sont jamais… comment dire ? révélées
— Comment faut-il faire ?
Madame Giredet tenta d’expliquer à sa fille comment arriver à l’orgasme, comme elle
pouvait, l’important selon elle, résidait sur le fait d’être à l’écoute l’un de l’autre, de prendre
son temps, il fallait pratiquer.
— Ça t’aidera de ne plus mettre de préservatif
— C’est une drôle de conversation entre mère et fille
— C’est une conversation que toutes les mères devraient avoir avec leur fille
Tu sembles vraiment l’aimer lui
— Oui, je l’aime vraiment
— Lui, aussi tu sais, je ne devrais pas te le dire, mais il m’a contacté pour que je l’aide à
choisir une bague pour toi
— Une bague ?
— Une vraie cette fois
Nous y allons après-demain
Mais je ne t’ai rien dit
Et il a déposé une lettre
Nina, prit la lettre, puis monta la lire dans sa chambre, seule
Nina,
Comme je t’ai dit tout à l’heure, je suis optimiste,
voir très optimiste quant au fait de ne jamais pouvoir me
lasser d’apprendre même s’il n’est pas nécessaire, loin de là,
que je te comprenne mieux.
Rejoignons nos deux corps pour absolument rejoindre nos deux
esprits.
C’est vrai que nos derniers moments passés dans l’intimité m’ont
donné tantôt une faim, tantôt une soif extraordinaire, comme
par exemple l’envie de déguster lentement chaque partie de ton
corps, sans exception aucune, l’envie d’apprendre tout ce qui
qui pourrait te faire frémir ou bouleverser ta respiration…
mais quand je dis tout, je crois sentir que c’est impossible

221
IL LUI AVAIT PROMIS…
et c’est ce qui me donne justement la force et le désir
de vouloir chercher l’essence suprême de notre plaisir
Axel
La sensualité s’installait entre, eux, ils recherchaient désormais tous deux l’accord parfait
de deux jeunes amants, qui se découvrent, se font vibrer, se surprennent, se désirent, et
s’aiment follement.
Nina, pensa à Axel, revit son visage, quand il lui faisait l’amour.
A chaque fois, il semblait la découvrir pour la première fois.
Son émotion, son désir, elle eut l’impression de sentir ses mains sur elle, elle se rappela son
regard., sa délicatesse, son attention, sa fougue aussi parfois, leurs étreintes, toujours sincères
et vraies.
Elle en eut des frissons, et il lui vint une nouvelle idée :
Pourquoi ne pas s’offrir un week-end à tous les deux ? l’occasion pour eux de passer, une
vraie nuit ensemble.
Ne pas être chez leurs parents, être dans un endroit neutre sans stress d’une irruption
imprévue.
Inutile d’aller loin, ils pouvaient rester à Paris, ils aimaient tous les deux cette ville.
Autant profiter de ses ressources illimitées.
Axel aimait le VIIème arrondissement
Nina se rappela avoir vu, dans la colonne des bonnes adresses d’un magazine, un hôtel
justement, situé à cet endroit.
Il semblait charmant avec sa photo affichée, montrant une grande maison de ville du
XVIIIème siècle, niché comme un joyau, en plein cœur de Paris le duc de Saint Sim.
Nina appela et réserva une chambre, pour un week-end, quinze jours plus tard, cela
laisserait le temps à tous les rendez-vous en cours de se dérouler, et d’amener des promesses
de lendemains remplis de surprises, et de nouveautés.
*
Axel mourrait d’impatience de rejoindre Nina.
Dès qu’elle lui avait annoncé leur escapade un week- end entier, dans un hôtel, en plein
cœur de Paris, il n’avait pu contenir son excitation et son impatience.
Quelle joie, une vraie, nuit tous les deux, une nuit entière, sans contrainte, d’aucune sorte.
Il lui avait demandé des bas, des talons hauts et du rouge à lèvres rouge.
Il adorait ça, et elle était si belle. Elle le dévastait complétement.
Jamais il n’avait ressenti pareilles sensations.
Elle pouvait en instant le faire renaître ou le détruire. Il était complétement sous son
emprise.

222
IL LUI AVAIT PROMIS…
Le téléphone sonna l’arrachant à ses projections.
Le numéro du père de Damien apparut
Il hésita à répondre, non, il ne décrocherait pas, il était sur le point de partir.
Il prit, l’ écrin contenant la bague qu’il avait choisi avec la mère de Nina, un petit mot qui
l’accompagnait, son sac pour l’escapade, quand le téléphone émit un bip, indiquant la
réception du message.
— Arrête de filtrer et rappelle-moi
À contre cœur, il retourna l’appel. Rien de bon n’allait en sortir, il le savait, mais il ne pouvait
y échapper.
— Axel. Enfin, tu daignes rappeler
— Qu’est-ce que tu veux ?
— J’ai besoin de toi
— C’est impossible
— Ce n’est pas acceptable comme réponse
— C’est la seule que tu auras, je t’ai dit que j’arrêtais
— À d’autres…
Et qu’est -ce que tu fais de tes journées ?
À part jouer les toutous de ta gonzesse
— Ne la mêle pas à ça
— Très bien, passe me voir et peut-être que j’arrêterai de parler de…
Nina
— Je ne peux vraiment pas aujourd’hui
— J’ai vraiment besoin de toi Axel
— N’importe quand mais pas ce week end
— Lundi, alors, à la première heure
— Lundi, entendu
— Une seule fois, dit Axel qui regardant pas la fenêtre vit la voiture de Nina qui l’attendait
— On verra
— C’est tout vu, on était d’accord
Tu as besoin de moi, je t’aide mais à échéance unique
— On n’arrête pas comme ça, tu le sais …
On en reparle lundi
Dépêche-toi, tu es en retard
Et la conversation fut coupée nette.

223
IL LUI AVAIT PROMIS…
Axel partit dans sa chambre, ouvrit son armoire.
Il prit un autre téléphone portable.
Il attrapa son sac, descendit les escaliers quatre à quatre avant de rejoindre Nina, ne
montrant rien de l’énervement qu’avait suscité l’appel reçu.
L’hôtel le Duc de Sim répondait à toutes les attentes du jeune couple.
Un endroit luxueux en plein cœur de Paris.
Nina était sublime, en robe courte noire, veste et comme demandé, talons, bas et rouge à
lèvres rouge.
Somptueuse, comme toujours, Axel en oublia presque l’appel reçu quelques heures
auparavant.
Il faudrait bien pourtant, qu’il se rende au rendez-vous lundi.
Il verrait le moment venu, pour l’instant, il voulut profiter de sa soirée, de la nuit entière
avec Nina
Rien ne viendrait gâcher ce moment.
Ils sortirent dîner.
Il ne pensa qu’à leur retour dans la chambre.
Il commanda du champagne, et quand les coupes arrivèrent, il lui remit le petit mot avec
l’écrin.
— Lis d’abord le mot avant d’ouvrir, lui dit-il en prenant une gorgée de champagne
Nina, heureuse, ouvrit l’enveloppe, et déplia la feuille, avec les quelques lignes notées

Mon Ange,
Ce cadeau porte la mention,
« Vu et approuvé par Madame ta maman »
Au fait, c’est de l’or et ce bijou
Est pour toi, toi toute seule
C’est un geste qui ne vaut que
Par les mots qu’il remplace,
Et tout ce que je ressens
Axel
Nina, replia la lettre puis ouvrit l’écrin.
Elle découvrit une bague, qui lui plût beaucoup. S
a mère connaissait ses goûts et avait bien choisi.
La bague, habilla parfaitement son doigt fin.

224
IL LUI AVAIT PROMIS…
Composée essentiellement d’acméistes violettes, elle était originale, carrée avec deux
triangles de chaque côté, qui donnait au bijou à la fois un aspect classique mais aussi moderne.
Nina l’adora.
Elle embrassa Axel, le champagne terminé, ils n’eurent qu’une unique pensée, se retrouver
seuls, dans la magnifique chambre du Duc de Sim.
Axel profita de chaque instant, de chaque centimètre de peau de Nina.
De ses longues jambes fuselées.
Pour la première fois, il la sentit, vraiment.
Il lui fit l’amour plusieurs fois.
Le temps passa trop vite, ils profitèrent aussi longtemps qu’ils purent de ce temps volé,
prenant le petit déjeuner dans la chambre.
Ils durent se résoudre à laisser cet îlot de béatitude.
Le souvenir resterait graver dans leur mémoire.
Nina raccompagna Axel chez lui, comme elle était passée le chercher.
Elle ne se douta pas de la menace qui planait de nouveau sur eux,
Axel allait devoir une nouvelle fois se battre pour pouvoir rester avec elle, pour pouvoir
continuer de vivre ce qu’il adorait vivre avec elle.
Pendant la nuit, avec l’échéance du rendez- vous, qui se profilait à l’aube.
Il écrivit ces lignes,
Nina,
Aujourd’hui, nous avons fait l’amour en toute liberté
C’est la première fois.
Nous sommes plus encore la moitié de
l’autre, le symbole est fort.
Tout ce qui nous sépare ne peut être
que plus futile
Et tout ce que je ne t’ai pas encore dit,
nous le sommes à jamais…
Axel
Puis, il passa déposer le mot dans la boîte aux lettres de Nina, avant de partir dans Paris.
*
Nina rayonnait de bonheur.
Elle profita de chaque jour qui se présentait, d’aimer et d’être aimée.
Axel et elle avaient attendu si longtemps, les moments qu’ils vivaient.

225
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle en dégustait chaque instant.
Elle suivait ses cours de Licence à la fac, parfois avec Axel qui l’y accompagnait, travaillait à
l’auto-école, souvent avec Axel qui venait lui tenir compagnie, rentrait chez elle, et là encore
parlait avec Axel des heures au téléphone, comme s’ils ne s’étaient pas assez vus, comme s’ils
n’avaient pas assez profité l’un de l’autre.
Axel la comprenait mieux que personne, presqu’aussi bien que ses propres parents.
Tous les deux formaient un couple, quasiment jumeaux, physiquement, grands, minces,
yeux clairs, sensibles et d’une intelligence fine et précise.
Ils étaient vraiment assortis. Impossible pour Nina de se passer désormais de lui.
Elle l’aimait, elle l’aimait vraiment et souhaitait toujours le surprendre, lui faire vivre, ce
qu’il n’avait jamais vécu.
Il lui appartenait comme elle, lui appartenait également.
Elle ignorait pourquoi, elle avait ce besoin de le surprendre, de passer par la fenêtre alors
qu’il l’attendait par la porte. C’était comme s’il fallait qu’elle l’attache à elle, pour qu’il ne la
quitte pas encore une fois.
Elle avait réservé le voyage à Florence, juste après ses examens.
Ils partiraient tous les deux là-bas.
Dans un petit palais florentin à deux pas du Dôme.
Ces quelques jours seraient magiques.
Ensuite, elle effectuerait deux mois de stage, pendant l’été. Un dans une banque, l’autre
au sein d’un cabinet d’expertise comptable, avant d’amener Axel en Provence, dans le mas du
Lubéron familial, lui faire découvrir cette région où elle avait grandi, chaque été depuis sa
naissance.
Mais cela paraissait loin.
Alors, encore une fois, elle inventa un scénario.
Une surprise pour Axel.
Pour lui faire vivre quelque chose de magique, d’hors du commun.
Un nouveau stratagème germa dans son esprit.
Un chant celtique, celui de Loreena Mc Kennitt pour commencer.
Des morceaux choisis d’une longue conversation téléphonique enregistrée à son insu
ensuite, pour se terminer par la sublime chanson de Michel Berger interprétée par Véronique
Sanson, Seras-tu là ?
Les paroles de seras tu là, sonnèrent comme une évidence, comme un écho :
Et quand nos regrets viendront danser autour de nous, nous rendre fous
Seras-tu là ?
Pour nos souvenirs et nos amours inconsolables, inoubliables
Seras-tu là ?

226
IL LUI AVAIT PROMIS…
Pourras-tu suivre là où je vais ? Sauras-tu vivre
Le plus mauvais, la solitude, le temps qui passe et l'habitude
Regarde-les, nos ennemis, dis-moi que oui, dis-moi que oui.
Quand nos regrets n'auront plus cours et quand les jours auront passé
Seras-tu là ?
Pour, nos souvenirs et nos amours que l’on rêvait que l’on voulait
Seras-tu là ?
Pourras-tu suivre là où je vais le plus mauvais ? Sauras-tu vivre
Le plus mauvais, la solitude, le temps qui passe et l'habitude
Regarde-les, nos ennemis, dis-moi que oui, dis-moi que oui.

La chanson était-elle un signe ?


Axel risquait-il de partir encore une fois ? Pourquoi pensait-elle à cela ?
Il n’y avait pas de raison…
Il ne lui avait toujours pas dit pourquoi, il était parti, la dernière fois.
Elle savait qu’il le lui dirait. Et peu importait finalement, puisqu’il était revenu.
Tous les deux avaient fait du chemin, depuis, ils étaient un vrai couple.
Non, Axel ne la quitterait plus. Il fallait qu’elle arrête d’imaginer le pire.
Il fallait qu’elle le fasse vibrer une nouvelle fois, qu’il n’ait plus la force de partir, qu’il sache
tout ce qu’il perdrait si cela venait à arriver, et qu’il soit retenu par tous ces souvenirs, tous
ces moments hors du commun.
Elle regarda les spectacles qui se jouaient…
Au Bataclan, il y avait une petite production, une comédie musicale, s’intitulant Mayflower.
Le bateau amenait tous les malheureux du vieux continent aux Etats Unis, ce nouveau monde,
porteur d’espoir…
En un rien de temps Nina, élabora une mise en scène, un scénario qui rendrait Axel fou…
Elle se mit au travail, il fallait tout organiser, et tout le fut pour le samedi suivant
*
Samedi 19h30
Axel devait voir Nina, elle lui avait dit de l’attendre chez lui, ce samedi à 19h3O précises.
Cela sonnait un peu comme un mystère, mais c’est ce qu’il aimait avec elle, elle savait se
rendre imprévisible, n’était jamais là, où il l’attendait.
Son ancienne vie le rattrapait, le père de Damien, lui mettait la pression pour qu’il revienne,
pire que ça même, il ne le lâchait pas allant quasiment jusqu’à l’ultimatum.
S’il arrêtait, il perdrait tout.
Perdre quoi ? se demandait-il.

227
IL LUI AVAIT PROMIS…
Il avait Nina maintenant, il ne perdrait rien…
Le père de Damien était habile.
Il savait comment le faire hésiter, quels arguments employer… Plusieurs fois le doute
s’immisça en Axel.
Il se reprit, tout de suite, pensant à Nina, mais le venin venait d’être injecté.
L’idée dans sa tête résonnait, comme un mauvais son, sans qu’il arrive à s’en défaire
complétement.
Cette soirée tombait à pic, elle lui ferait penser à autre chose.
Il allait embrasser Nina, sans doute lui faire l’amour, il adorait lui faire l’amour, et qu’avait-
il d’autres à souhaiter ?
Le téléphone sonna. Il décrocha, Nina au comble du mystère lui dit :
— Tu as un taxi en bas de chez toi, prends- le
Elle raccrocha.
Axel regarda par la fenêtre, et vit effectivement un taxi en bas. Piqué de curiosité, il
descendit quatre à quatre les étages, impatient et monta dans le taxi.
— Bonsoir lui dit le chauffeur
— Bonsoir répondit Axel
— Vous avez quelque chose à côté de vous lui indiqua le chauffeur, alors qu’il démarrait
Effectivement à côté de lui, Axel trouva une grande enveloppe avec un baladeur, et
l’instruction :
— Ecoute moi
Axel mit le casque sur ses oreilles.
Il entendit d’abord une musique envoutante, avec des notes celtes, coupée par des bribes
de conversation, entre Nina et lui. Il en eut le souffle coupé.
Montage très habile :
Mots, phrases, mêlés à la musique, le plongèrent directement ailleurs.
Il n’était même plus dans le taxi, complétement happé par ce qu’il entendait.
Paris défilait sous ses yeux, et il se sentait excité par ces sensations, par l’inconnu.
Arriva la chanson de Véronique Sanson, seras-tu là ?
Incroyable, comme si Nina savait.
Comment faisait-elle, par quelle espèce de sorcellerie, tombait-elle si juste ?
Et alors que le Taxi s’arrêta devant le Bataclan, que les paroles
Quand nos regrets n'auront plus cours et quand les jours auront passé
Seras-tu là ?
Pour, nos souvenirs et nos amours que l’on rêvait que l’on voulait

228
IL LUI AVAIT PROMIS…
Seras-tu là ?
Continuaient de résonner dans ses oreilles et dans sa tête, il vit Nina, de l’autre côté de la
rue, et il sut :
Il serait là…
Il la choisissait elle.
*
Mon ange,
Je suis encore dans le Taxi…
J’entends ta voix, ma voix et la musique
La musique qui me serre la gorge,
J’ai presque du mal à respirer
mais je ne m’en rends pas compte
Je n’ai jamais connu ses sensations…
Ta voix et puis tes mots, riches et fruités ;
glissent tout le long de mon dos
J’arrive non seulement à m’oublier mais
presque à t’oublier toi, tes yeux et ta peau,
je ne m’imagine plus qu’une présence,
tout simplement une présence
ou même une pensée.
Et dans ces moments nous sommes tous les deux
cette pensée !
Qu’il y a-t-il au -dessus de cela ?
Je t’aime
Axel
Nina reposa la lettre.
Elle revit l’expression d’Axel en descendant du Taxi.
Son regard croisa le sien.
Cette image resterait gravée en elle, toute la vie.
C’était cela le véritable amour.
Aimer quelqu’un au point de s’oublier soi. Au point de n’avoir que lui dans la tête, tout le
temps.
Les examens de fin d’année arriveraient, bientôt, il fallait qu’elle travaille.

229
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle réussit cependant à organier à Axel, un tour de Paris en hélicoptère, et puis une
escapade sensuelle tous les deux, au Musée Rodin. Magnifique musée, dans le jardin, Axel
passait devant chaque statue une main, sous les vêtements de Nina, découvrant tantôt sa
peau, tantôt ses bas, altérant son souffle avant qu’un visiteur ne vienne les déranger.
Puis arriva le temps des partiels.
Nina les passa sérieusement, comme à son habitude, les études restaient une priorité non
négociable. Elle tenait la promesse faite à son père, de passer les années et de décrocher un
diplôme.
Après la libération de cette période, vint ce qu’ils attendaient tous les deux depuis des mois,
le voyage à Florence.
Ils s’envolèrent pour la Toscane.
Le séjour dans la ville des Médicis fut un véritable rêve éveillé.
Axel et Nina touchèrent du doigt le paradis.
À deux pas du Dôme, ils se promenaient dans la ville, visitaient les musées, flânaient sur le
Ponte Vecchio, goûtaient les glaces et les pizze, les spécialités locales et faisaient l’amour dès
qu’ils rentraient dans leur chambre.
Ils eurent un véritable coup de cœur pour les jardins de Boboli, où ils se plaisaient à
imaginer leur vie future en regardant les paysages toscans qui ressemblaient à la Provence
que connaissait Nina.
Ils prirent des tonnes de photos, immortalisant ces quelques jours pour toujours.
Le retour à Paris fut difficile.
Nina eut de mal, à reprendre La routine de la vie classique.
Une partie d’elle était restée à Florence. Elle avait adoré chaque instant, la beauté de la
ville, les moments passés avec Axel, la douceur de la vie.
Elle avait trouvé un magasin de robes de mariée, devant lequel Axel l’avait prise en photo.
Cela ferait un clin d’œil à glisser dans un faire-part se disait-elle à chaque fois qu’elle regardait
la photo. Axel lui avait aussi offert sur le Ponte Vecchio, un collier ras du cou, formé par de
toutes petites perles, qu’elle adora et ne quitta plus.
Aussi, revenir à Paris pour elle, parut presque insurmontable.
Elle n’avait toujours pas connu l’orgasme avec Axel, mais tous les deux continuaient
d’essayer, aller de plus en plus loin dans la découverte du plaisir de l’autre.
Le couple alla voir un soir le film Two much, avec Antonio Banderras, Mélanie Griffith et
Darryl Hannah. La comédie romantique réussit à les distraire et à leur faire découvrir une
nouvelle bande originale qui devint leur musique d’été.
Et avec l’été justement démarrèrent, les stages que Nina devait effectuer.
Le premier en juillet dans une agence bancaire, et le second au mois d’août dans un cabinet
d’expertise comptable.
Le docteur Giredet permit par ses relations à sa fille de décrocher ces stages.

230
IL LUI AVAIT PROMIS…
En licence, ils ne revêtaient pas un caractère obligatoire, mais comme en maîtrise, Nina
désirait faire le programme Erasmus et partir un semestre à l’étranger, il valait mieux qu’elle
prenne de l’avance.
Nina ne tarda pas à conquérir tous les membres de l’agence bancaire dans laquelle, elle
effectua son premier stage.
La directrice l’adora et trouva le couple qu’elle formait avec Axel, adorable.
Le père de Nina, souhaita l’accompagner quelques fois après le déjeuner.
A la demande de sa fille il finit par prendre un rendez-vous dans l’agence pour y transférer
ses comptes.
— Nina est un vrai bijou
Elle pourra faire autant de stages qu’elle souhaite chez nous
Et Nous sommes ravis de vous accueillir conclut la directrice à la fin de leur entretien
— Ma fille m’a dit de venir, alors j’obéis
Je ne suis voué qu’à lui faire plaisir, plaisanta Monsieur Giredet
L’entretien terminé, Monsieur Giredet en profita pour raccompagner sa fille en voiture à la
maison. Il aimait beaucoup ces moments furtifs passés avec elle en tête à tête. Il est vrai que
depuis qu’elle avait le permis et sa voiture, ils n’arrivaient guère plus très souvent.
Alors il fut ravi de cette opportunité, et en profita.
— J’ai eu plein de compliments sur toi
Ton stage te plaît ?
— Oui, ils sont gentils
— Tu voudrais te faire embaucher ?
— Non… ça va pour un stage, mais je ne me vois pas y travailler pour toujours
J’ai du mal à être derrière un bureau toute la journée
Je ne sais pas encore vers quoi me tourner, mais j’aimerais un travail avec plus d’imprévus
— Tu trouveras
Au fait, Axel…
— Oui ? Nina fut surprise que son père lui parle d’Axel
— Crois-tu qu’il aurait un peu de temps pour peindre la clôture du cabinet ? si ça l’intéresse
bien sûr ?
— Je vais lui demander
Il se mettra en contact avec toi
— Très bien, ça m’aiderait et lui, ça lui ferait gagner un peu d’argent
— Oui, pour nos vacances en septembre
— Tu ne le vois pas ce soir ?

231
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Non, il ne pouvait pas
Les résultats des examens ont été affichés à la fac
Dès qu’on arrive, je vais voir
Le docteur Giredet gara la voiture. Nina embrassa son père, puis pris sa voiture pour aller
à la Fac découvrir avec plaisir d’excellentes notes dans toutes les matières.
*
Axel avait réussi à échapper aux appels et relances du père de Damien jusque-là, ce qui lui
avait permis de partir avec Nina à Florence et d’en aimer chaque moment.
Mais désormais, il ne pouvait plus se soustraire à l’explication avec lui. L’heure du choix
était passée.
Il fallait le verbaliser de façon ferme et définitive.
Pas de retour en arrière, il ne se laisserait plus influencer.
Comme un an auparavant, il se présenta devant la maison familiale, sonna, avant que le
père de Damien ne vienne l’accueillir et le conduise à son bureau.
— Tu veux boire quelque chose ?
— Non merci
— Ça me fait plaisir de te voir
— Ça ne va pas durer répondit Axel froid
— Pourquoi, tu vas me confirmer ton intention d’arrêter ? demanda le père de Damien,
s’étant servi un verre et s’asseyant en face d’Axel
— Exactement
— Je suppose que depuis tout ce temps tu as bien réfléchi…
Peser le pour et le contre
Qu’il n’y a rien qui pourra te faire changer d’avis
— C’est ça reprit Axel, surpris que son interlocuteur semble accepter sa décision si
facilement
Je ne pensais pas que tu le prendrais si bien
— Je t’aime comme un fils Axel
Et parfois les pères doivent laisser leurs fils aller au bout de leurs erreurs
— Ce n’est pas une erreur
— Probablement pas aujourd’hui, mais tu verras avec le temps
Tu ne pourras pas te contenter de cette vie là
— Je suis amoureux
— Je sais Axel, mais crois moi ça passera… tu verras….
Il est naïf de croire que tu vas vivre d’amour et d’eau fraîche

232
IL LUI AVAIT PROMIS…
Axel se mit sur la défensive, et le père de Damien enchaîna
— Ecoute, je ne veux pas me disputer avec toi
Tu as fait du très bon travail, tu as ça dans le sang, c’est certain
Va faire tes expériences, va au bout de ton histoire
Et sache que tu pourras revenir quand tu voudras
— Je ne pense pas que je reviendrai répondit Axel, mais j’entends
— On ne sait pas de quoi l’avenir sera fait…
Il ne faut jamais dire jamais conclut le père de Damien, qui pensa sans le dire qu’Axel dans
un an tout au plus, se tiendrait de nouveau dans son bureau.
La conversation en resta là, les deux hommes se serrèrent la main, et Axel parti libéré.
Il regagna l’appartement où sa mère dormait.
Il se dit en fermant la porte de sa chambre qu’il pourrait également prendre soin d’elle
désormais.
Son père était sur le départ, et sa mère à la dérive.
Il repensa aux mots échangés plus tôt, qu’il fasse ses expériences, qu’il vive sa vie. Certes,
sa vie serait plus simple désormais, ou plus compliquée, ça dépendait de quel point de vue on
se plaçait.
Il serait présent pour les personnes qui comptaient pour lui. Il mit tout ça de côté, et ne
voulut plus que penser qu’au futur et à tous les moments, les surprises qui l’attendaient.
Bientôt il partirait en Provence avec Nina, et retrouverait les sensations de Florence.
Oui, il n’en doutait pas, il avait fait le bon choix.
L’été passa à une vitesse folle. Axel comme proposé peignit la clôture du cabinet du père
de Nina, puis alla la chercher chaque soir après ses journées de stage.
Le stage au cabinet d’expertise comptable au mois d’août fut plus insipide. Nina s’y ennuya.
Heureusement, la fin de l’été arriva.
Alors que tout le monde rentrait de vacances, pour eux au contraire y partirent.
Ils descendirent en voiture dans le Lubéron.
Axel ne connaissait pas la région, et il y retrouva la même douceur de vivre qu’en Toscane.
Il retrouva les paysages observés sur les hauteurs des jardins de Boboli à Florence, là où déjà,
quelques mois auparavant, il s’était tant plus.
Nina fit découvrir à Axel, tous les petits villages des environs :
Gordes, Murs, Roussillon, Bonnieux, Oppède le vieux, l’Abbaye de Sénanque, Avignon, la
cité de papes, Cavaillon, le pays des melons, l’huile d’olive, la lavande, les cigales… tout ce qui
caractérisait la Provence.
Axel adora la région, Nina surprit une conversation avec sa mère
— C’est l’une des plus belles régions que j’aie vue de toute ma vie

233
IL LUI AVAIT PROMIS…
Et puis en parallèle, les deux amants n’eurent de cesse de faire l’amour.
Axel mit un point d’honneur à faire atteindre à Nina l’orgasme.
Et après de nombreux travaux pratiques, des heures, et des heures à explorer son corps, à
la découvrir, à la caresser, il y parvint.
Nina eu son premier orgasme avec un homme, et dès lors Axel n’eut de cesse de lui en
donner d’autres.
Et puisqu’ils n’avaient plus aucun secret l’un pour l’autre désormais, Axel décida de lui
révéler le dernier qui se tenait encore entre eux.
Alors que Nina profitait du soleil à côté de la piscine, Axel vint la rejoindre. Il s’assit à sa
hauteur et s’adressa à elle d’un ton grave
— Je vais te révéler pourquoi je suis parti …
Mais il faut que tu me promettes de ne le répéter à personne
— Je te le promets
— J’ai été recruté par la DST
— Je le savais ! se redressa Nina
L’idée m’avait traversé l’esprit
C’était tellement soudain…
Mais comment ?
— Par le père de Damien
Comme coursier d’abord et puis j’ai vite progressé.
— Ça te correspond tellement bien
On a toujours soupçonné mon grand-père d’en avoir fait partie
Tu as vraiment arrêté ?
— J’ai tout quitté pour être avec toi
— Tu es sûr que tu ne vas pas le regretter ?
— Sûr et certain
Surtout avec ce qu’on vit, chaque jour
Je ne te l’ai pas dit avant, car j’avais peur des micros
— Il n’y a pas de micros ici
— Je sais
— Et tes parents, ils ne sont pas au courant ?
— Non, personne ne l’est
Je voulais que tu le saches, parce qu’on n’a plus aucun secret l’un pour l’autre maintenant

234
IL LUI AVAIT PROMIS…
Et tous les deux, de nouveau, foncèrent dans la chambre, s’aimer en toute liberté, en toute
vérité.

235
IL LUI AVAIT PROMIS…
Tu oublieras
Le soleil que mes mains
Faisaient naître dans les tiennes
Le bonheur délirant qui
Faisait brûler tes veines
Et ces cris vers le ciel qui
Finit dans un je t’aime
Tu oublieras
Quand ton souffle sera court
Quand ses yeux seront flous
Quand tu lui feras l’amour
Tu oublieras
Tu m’oublieras
Reprise Juliette Armamet, Tu m’oublieras- Larusso

13

Madame Giredet appréhendait la réunion de famille qu’elle avait organisée.


Elle savait que ses enfants allaient souffrir, mais elle n’avait pas le choix.
Femme de tête, c’est elle qui prenait en charge la famille lorsqu’une crise venait frapper.
Et là une tempête venait de s’abattre, qui risquait de tout emporter sur son passage, si elle ne
la stoppait pas.
Il y aurait malgré tout, des dégâts, elle le savait.
Henri Giredet, lui, n’avait pas cette force. Raisonnable, il se laissait tirailler par ses
émotions, ne sachant pas comment éviter qu’elles prennent le dessus et le guident sur les
mauvais sentiers.
Il s’en remettait alors à son épouse, sa femme. Elle était sa boussole, son guide.
Elle sut mettre un peu de lumière dans la vie sombre et difficile qu’il connut durant son
enfance.
Elle avait été son ange salvateur.
Elle lui donna les enfants qu’il espérait tant, une vie de famille, un foyer.
Elle le sauva, lui maintint la tête hors de l’eau, lui permit de sourire de nouveau, de croire
en la vie, à ce qu’elle peut apporter de beau après ce qu’elle peut apporter de pire.

236
IL LUI AVAIT PROMIS…
La mère d’Henri Giredet refusa de se remarier après avoir perdu son mari pendant la
guerre.
Son fils voulut devenir médecin, en hommage à son père.
Il travailla énormément, fit des heures et des heures de chaise, alors que sa mère exerçait
son métier dans le cabinet à côté.
Si sa mère ne délaissa jamais, allant même jusqu’à former un couple mère enfant
Henri Giredet, manqua pourtant tout au long de sa vie cruellement d’un père.
Il choisit la radiologie, après avoir croisé un autre étudiant, qui deviendrait son associé.
Les deux radiologues se complétaient bien, Henri représentait la discrétion et le sérieux,
son associé, le bagou et le relationnel qui lui manquaient.
Les deux hommes commencèrent à travailler dans une clinique privée et en parallèle
montèrent leur propre cabinet dans l’est Parisien.
Un jour à la clinique, Henri Giredet vit apparaître, une jeune et jolie infirmière aux
magnifiques yeux bleus en amandes.
Elle le choisit dès les premiers regards.
Françoise Sert, sut dès l’instant où elle croisa le docteur Giredet à la radiologie, qu’elle
l’épouserait.
Ce n’était pas gagné, car ce dernier entretenait une relation avec une femme mariée, qui
avait une fille et ne souhaitait plus d’autres enfants.
C’est sans doute ce qui sauva Françoise, car Henri, lui voulait des enfants, plus que tout. Il
eut beaucoup d’admiration pour son beau-père, qui représentait le modèle paternel dont il
avait manqué, et épousa rapidement la jeune femme de quatorze ans sa cadette.
Ce mariage pourtant, partait mal.
Il fallut venir à bout de nombreux obstacles.
D’abord la mère d’Henri, qui ne souhaitait qu’une chose de la jeune femme, qu’elle fasse
des enfants, puis qu’elle divorce, lui rendant son fils, qui lui appartenait.
La maîtresse d’Henri ensuite, qui arriva au mariage tout en blanc, comme si elle était la
mariée.
Et qui lors d’un dîner quelques mois plus tard, proposa à Henri de continuer leur liaison.
La jeune épouse, ne se laissa pas faire, et du haut de ses vingt- deux ans, réussit à s’imposer.
A la naissance de Florent Henri Giredet, exista de nouveau.
Il lui donna le surnom de Youpi. Seize mois plus tard, arriva Nina, dont la naissance
également, réjouit tout le monde, même la mère d’Henri, qui s’attendrit.
L’arrivée de la petite fille scella l’union du couple.
Henri s’attacha vraiment à sa femme à ce moment-là pour toujours et à jamais.
La maîtresse d’Henri comprit qu’avec deux enfants, elle ne le récupérerait plus, et le couple
enfin fut soudé.

237
IL LUI AVAIT PROMIS…
Madame Giredet aida son mari à construire une vie de famille. Ils achetèrent le pavillon, et
le mas en Provence. Les enfants grandirent dans un environnement privilégié et choyé.
L’associé d’Henri Giredet se plaisait à dire que Françoise représentait quatre-vingt-dix-neuf
pour cent du succès d’Henri, c’est à elle qu’il devait tout.
Et puis Henri Giredet vit sa mère partir Son épouse s’occupa d’elle, quand elle perdit la tête
alors que son fils ne le supportait pas. Les deux femmes se rencontrèrent vraiment à ce
moment-là, Madame Giredet accompagna sa belle-mère jusqu’à la fin.
Les années passèrent ensuite.
Les enfants firent la fierté de leurs parents.
Tous les deux essayèrent de leurs donner la vie et l’équilibre qu’ils ne connurent pas.
Maladroits sans doute parfois face à deux adolescents, puis jeunes adultes, ils essayèrent
d’être des parents aimants et attentionnés.
Ils y arrivèrent sans doute la majeure partie du temps, ne pouvant éviter les crises
qu’amènent les différents stades de la vie.
Et une crise vint tout à coup percuter la famille.
Le docteur Giredet venait de se faire renvoyer de la clinique privée.
Son associé réussit à sauver sa peau en le sacrifiant.
L’association entre les deux hommes prenait fin, ainsi avec un coup de poignard planté
dans le dos d’Henri.
Le docteur Giredet racheta les parts du cabinet.
Il pourrait continuer à y exercer sans y croiser son associé désormais.
Ça ne serait pas suffisant pour le mener à la retraite, continuer à financer les études des
enfants, et mettre à l’abris sa famille, lorsqu’il ne serait plus là.
Ne sachant comment faire face, c’est son épouse qui avait tranché et avait pris les choses
en mains.
Le pavillon et le mas en Provence furent mis en vente.
Non loin, à deux rues, un programme neuf se construisait.
Il restait un trois pièces au premier étage, un deux pièces et un studio au rez de chaussée,
qui pouvaient être réunis ou non, selon les souhaits des futurs acquéreurs.
Les époux achetèrent comptant.
Ils prendraient le premier étage, Florent aurait le deux-pièces avec Stéphanie, et Nina le
studio.
Ensuite quand les enfants voleraient de leurs propres ailes, ils pourraient louer les
appartements, et en fonction des ventes des maisons, placer en assurance-vie, l’argent qui
restait, voire même peut-être acheter un ou deux autres biens immobiliers si des occasions
venaient à se présenter.
Madame Giredet contacta également le commissaire-priseur pour mettre en vente certains
tableaux et meubles.

238
IL LUI AVAIT PROMIS…
Il ne restait plus qu’annoncer la nouvelle à Florent et Nina.
Ils le prendraient mal.
Florent arriva le premier avec Stéphanie, Madame Giredet les installa dans le salon, où
Monsieur Giredet occupait sa place habituelle dans le coin du canapé marron. Ils eurent à
peine le temps de s’asseoir sur les fauteuils Louis XV, que Nina arriva à son tour.
— Nous vous avons réuni, pour vous tenir au courant de la situation et des conséquences
qu’elle va engendrer
Votre père s’est fait renvoyer de la clinique… Madame Giredet marqua une pause
Et nous n’avons pas d’autres choix que de mettre en vente le mas et le pavillon
— Quoi ? Non ! intervint Florent
Pas le mas
Nina accusa le choc en silence,
— Il n’y a pas d’autres solutions
— La vente du pavillon ne suffit pas ? demanda Florent ébranlé
— Non, répondit Madame Giredet
Il faut bien qu’on vive, qu’on assume vos études, notre retraite sans tendre la main
— On pourrait vous aider, vous rembourser dès qu’on travaillera avec Nina
— Non, intervint enfin Monsieur Giredet
Nous refusons de demander quoi que ce soit, surtout à nos enfants
— Pourquoi pas ? si ça permet de garder le mas reprit Florent
Je ne suis pas d’accord pour le vendre
C’est notre maison d’enfance
— Le pavillon aussi, répondit Nina, prenant la parole pour la première fois
— La maison, c’est là où nous sommes tous
On en aura une autre
Nous avons acheté deux rues plus loin, dans le programme neuf qui se construit
Trois appartements, un deux pièces pour vous Florent et Stéphanie, un studio pour toi Nina,
et un trois pièces pour nous.
Vous serez tous les trois indépendants tout en étant proches de nous
C’est un bon compromis, non ?
— Non.
Il n’y a rien qui pourra remplacer la Provence
C’est facile pour toi, tu n’as pas d’attache,

239
IL LUI AVAIT PROMIS…
Tu as été habituée à déménager toute ta vie, rétorqua Florent à sa mère agressivement tel
un enfant gâté
— C’est plus que je n’ai jamais eu,
Mes parents n’ont pas fait autant pour moi, répondit sèchement Madame Giredet
Tu pourras t’acheter un mas plus tard à toi
— Décidément tu ne veux pas comprendre
Ce n’est pas un autre mas que je veux, c’est celui là
Viens Stéphanie, on s’en va
Et ils se levèrent, quittèrent le salon et s’en allèrent avec fracas.
Nina et ses parents restèrent quelques instants silencieux. Madame Giredet finit par
rompre le silence.
— Nous n’avons pas d’autres choix
Tu le comprends Nina ?
— Oui, mais ce n’est pas pour autant que c’est facile
— Le changement ne l’est jamais…
Nina se leva, aux bords des larmes.
Elle alla embrasser son père et sa mère, qui malgré ce que pensait Florent souffraient
également, avant de monter dans sa chambre, et de fondre en larmes.
*
Axel à son retour de Provence, trouva sa mère dans un sale état.
Son mari l’avait quitté pour une autre femme.
Elle vivait cette humiliation et sa solitude nouvelle de plus en plus mal.
Pour y échapper, elle s’était rapprochée d’un certain Bastien, rencontré dans sa sphère
professionnelle.
Il ne comblait pas vraiment le vide, ou simplement par des disputes transposées de son ex-
mari à son nouvel amant.
Dans cette ambiance, Axel avait du mal à trouver sa place.
Nina n’allait pas très bien depuis l’annonce de la vente de son pavillon. Il la voyait chanceler
comme un bateau secoué par une terrible tempête qui commence à prendre l’eau.
Pour les premières fois, ils se disputaient.
Hélène et Damien, l’accompagnaient dans les moments difficiles.
Il les avait retrouvés, fidèles et présents. Tous les trois parfois sortaient ensemble.
Axel passait toujours leur bonjour à Nina, qui savait parfaitement qu’Axel seul, prenait cette
initiative.

240
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle avait recommencé à travailler à l’auto-école, avant la rentrée en Maîtrise à la fac qui
viendrait en octobre.
C’était l’année où elle partirait faire le programme Erasmus.
Ils seraient bientôt séparés, et ça ne le rassurait pas du tout.
Une période sombre s’annonçait.
D’ailleurs cela faisait partie des sujets qui amenaient des disputes.
Elle emplie de projets, d’activités, d’études, et lui qui restait sans rien, dépendant.
Il détestait cette condition, il détestait l’inactivité.
Ils se déchiraient, puis se réconciliaient, désolés, conscients, qu’à ce moment, ils ne
pouvaient compter que l’un sur l’autre tandis que l’environnement familial se disloquait
autour d’eux.
Les tours de Paris By Night, continuaient,
Aux tours du Champ de Mars s’étaient substitués des tours dans le quartier du XVIème
arrondissement, où Nina se plaisaient à regarder les appartements en levant la tête et
s’imaginer une vie avec Axel dedans, un jour.
Lui chérissait chaque moment passé avec elle.
Il les protégeait comme un trésor, qui lui permettait d’échapper à son quotidien
destructeur qui pesait de plus en plus sur son équilibre

Mon ange,
Il est 19h10 et je ressens un besoin pressent
de t’écrire avant de descendre un nouveau paquet
de cigarettes. Si ma précédente lettre se savait
plutôt mignonne, je crains que celle-ci ne donne dans
le noir complet. Ce noir, c’est cette couleur qui
n’en est pas une, affecte ce soir toutes mes pensées.
La présence de ma mère tout d’abord qui bouscule
peut-être mes habitudes et mon appartement de célibataire
mais qui bouscule surtout tout mon être intérieur.
Le plus grave c’est que je ne sais pas comment cela
s’opère, c’est une sorte de magie noire, et l’atmosphère
se dégrade comme une grille complétement rougie par la rouille
en quelques secondes ou comme un fruit qui deviendrait
subitement pourri. Pardonne-moi ces images peut- être un
peu fortes mais c’est juste ce que je ressens.

241
IL LUI AVAIT PROMIS…
Ambition, espoir, bonheur, toutes ces choses en ces moments là
n’existent plus.
L’ironie de la présence de Maman ici est qu’elle reste pendue
au téléphone avec Bastien.
La nouveauté du jour également est une lettre à mon nom
de la part de mon père. Et de sa main ce sont
toujours les mêmes conseils, les mêmes remarques ou réflexions et
aussi les mêmes jugements. Tout ceci ne faisant que plus
peser sur l’ambiance générale. Toutes ces lettres en effet,
venant de mes parents me sont très pénibles à lire
et j’en ai plus qu’assez de connaître leurs sentiments à tous les deux.
Le plus fatigant c’est qu’il se dit toujours la même chose
et que je trouve ça complétement stérile.
Et pour couronner le tout, il y a mon ange et
son âme gonflée de chagrin ne sachant plus très bien
vers quel avenir se détourner et cherchant
déjà à éviter le passé.
Si je ne peux rester que trop peu immobile face à cette
situation, j’aimerais rendre compte au destin de ces
fâcheux évènements qui te traumatisent tant.
Alors qui plus que moi désire te serrer fort dans mes bras ?
Je le fais déjà un peu en te signant cette lettre
Axel

Axel trouva un petit emploi dans un grand magasin.


Ce qui permît de passer le mois de septembre avec une autre occupation que celle de
penser aux difficultés rencontrées.
Puis, une terrible dispute éclata un soir avec sa mère, il se réfugia devant chez Nina, lui
écrivant une lettre, souhaitant sa présence à ses côtés, à cet instant.

Mon ange,
Il est 23h45, je vais te raconter un peu cette soirée.
ma mère (qui ne déjeunera pas avec nous demain midi) arrive
vers 21h30 les yeux rouges et complétement échevelée.
242
IL LUI AVAIT PROMIS…
Ni bonsoir, ni merde. Nous nous mettons à table vers les
dix heures moins vingt. Pendant le dîner pas un mot de personne :
bruit des couverts et de l’horloge de la cuisinière : palpitant.
Vers les dix heures dix, paroles de ma mère qui m’annonce la
nouvelle pour demain et rajoute qu’elle a pris trois jours
pour faire le point sur sa vie professionnelle, son Bastien
appelle, c’est moi qui décroche, ma mère me dit à haute voix
qu’elle n’est là pour personne, j’annonce cela à mon interlocuteur
qui n’est pas dupe et qui a surtout entendu ma mère, je me prends
la tête avec lui pour m’en débarrasser.
Autre parole de ma mère quelques minutes après qui me demande de la
conduire dans le XVIIème pour aller chercher sa voiture ( ?)
Je prends ma voiture, dix minutes après, je m’aperçois que j’ai oublié les
papiers, je le dis (grave erreur) et ma mère s’énerve et demande
de retourner à la maison. Arrivés à la maison ma mère m’annonce
qu’elle laisse tomber, elle se débrouillera demain.
Dernières paroles de ma mère : « on est dans une sacrée galère
et en plus ton père culpabilise en silence et irrite tout le monde à sa manière »
Je luis dis, peut-être maladroitement : « ne t’inquiète pas, ça va aller »
Dernière parole de maman : « Non, ça n’ira jamais plus, surtout avec un fils comme toi »
Je suis dans la voiture et je t’écris avec les moyens du bord.
Je suis devant chez toi et tu me manques, tu me manques, tu me manques
Axel

À ce moment Axel eut vraiment envie de rendre visite au père de Damien.


Tous ses problèmes auraient été résolus…
Tout ce mal-être qu’il l’entourait depuis le retour de Provence.
Les difficultés du quotidien.
Repartir à la DST l’aurait coupé de tout, lui aurait permis de s’échapper, de s’investir corps
et âme ailleurs dans un destin qui lui collait à la peau.
Il revit les traits de Nina, dans ses pensées : ses yeux tristes, sa bouche, ses mains, son
corps…
Il repensa à tous les moments vécus avec elle, Florence, La Provence, le Mayflower,
l’enlèvement dans le taxi, Deauville, les bords de Marne…

243
IL LUI AVAIT PROMIS…
Il ne pouvait pas la laisser, pas une nouvelle fois…
Il l’aimait de tout son cœur.
Il se plut à imaginer le jour où elle porterait son nom, la vie qu’ils auraient ensemble dans
l’avenir.
Il allait se ressaisir, elle avait besoin de lui, comme il avait besoin d’elle.
Il chercherait la force, il laisserait tout de côté sauf elle.
Il trouverait une autre orientation, un autre métier.
Il aimait les voitures, la formule un, il pensa à cela.
Il y avait des écoles d’ingénieurs dans ce domaine, il pouvait toujours en rejoindre une. Oui,
voilà, c’est ce qu’il ferait.
Il allait se renseigner…
Il fallait se ressaisir, ne pas céder à la facilité.
Elle le méritait.
Partout où il regardait, il l’avait dans les yeux.
Elle était la femme de sa vie, il le savait.
Mais l’appel de la DST se faisait de nouveau sentir.
Serait-il assez fort pour ne pas y succomber ?
Il le pensait sur le moment parce que Nina était là, mais que se passerait-il quand elle
partirait faire le programme Erasmus ?
Il refusa d’y penser pour le moment, même si la mauvaise graine venait de germer.
*
Nina reprit les cours à l’Université.
Elle y retrouva Louis, pour leur quatrième année.
Les cours se faisaient sur un semestre, puisque le second semestre voyait les étudiants
partir pour six mois de stage.
Nina à la place partirait à l’étranger. Ella avait commencé à se renseigner auprès du bureau
international, et un échange en Ecosse, à Edimbourg réunissait toutes les conditions.
Lara dans son école de commerce avait également cette possibilité, donc si elles
manœuvraient bien, elles pourraient toutes les deux effectuer cet échange ensemble.
Cette éventualité lui donnait du baume au cœur, car elle vivait toujours mal la vente du
pavillon.
Les visites avaient d’ailleurs commencé, et ça lui était insupportable.
Elle voyait débarquer des acheteurs potentiels plus excentriques les uns que les autres.
Des producteurs qui voulaient tout casser tout refaire, ou d’autres énergumènes vivant sur
une autre planète, et trouvant la maison, trop vieille, trop petite, trop cher, trop éloignée de
Paris, trop ci ou trop ça…
244
IL LUI AVAIT PROMIS…
Comment pouvaient-ils se permettre de critiquer cette demeure qu’elle affectionnait tant ?
Eux qui en étaient tout sauf dignes.
La vente du mas, se déroulait mieux, d’une part parce qu’il était loin, et que les éventuels
repreneurs ne se faisaient pas voir, et d’autre part, parce qu’un seul corps du bâtiment avait
été aménagé, laissant libre cours aux nouveaux propriétaires, d’investir les lieux comme ils le
souhaitaient.
Florent toujours très peiné par la mise en vente de sa maison, ne se montrait plus au
pavillon.
Il continuait de faire la tête pour manifester son mécontentement.
Tout le monde vivait mal la situation.
À l’auto-école, l’ambiance se trouvait également tendue.
William n’arrivant plus à faire face aux charges qui le submergeaient.
Il se plaignait sans arrêt à Nina de ne pas arriver à joindre les deux bouts.
Cette dernière se protégeait de tout en se disant qu’elle partirait bientôt en Ecosse.
Elle laisserait tout de côté.
Les fêtes de fin d’année arrivèrent rapidement et avec elles, le départ imminent de Nina.
Le travail à l’auto-école également finit par se terminer, comme une page qui se tourne sur
un passé qui ne sera plus jamais le même.
Le jour des vacances de Noël, Nina se présenta à l’auto-école pour faire ses heures,
accompagnée d’Axel, qui voyant William au bureau ne rentra pas, et se contenta de lui faire
un signe à travers la vitre en fumant sa cigarette.
— Tu n’as pas de leçon, demanda Nina étonnée de le voir installé au bureau
— Non
Il fallait que je te parle
— Oh, la, tu sembles bien solennel tout à coup
— Je suis désolé Nina, mais tu pars bientôt en Ecosse, et je ne vais pas pouvoir t’attendre
et te reprendre après
— Comment ça ?
— Je n’y arrive plus
Les charges sont trop importantes, et je ne peux pas me permettre de t’attendre six mois…
je vais prendre quelqu’un d’autre
— Tu me punis de partir étudier à l’étranger ?
Tu me remplaces en un claquement de doigt ?
— Je suis désolé Nina, je ne veux pas que ça change quoi que ce soit entre nous
— Tu ne veux pas que ça change ? Mais ça change tout au contraire
Après tout ce que j’ai fait… tu me remplaces sans le moindre état d’âme
245
IL LUI AVAIT PROMIS…
Comment peux-tu faire ça ?
— Je n’ai pas le choix
— On a toujours le choix
— Nina, ne me regarde pas comme ça
Ne m’en veux pas
— Je m’en vais
J’en ai assez entendu
Et Nina sortit déstabilisée, se sentant trahie et horriblement déçue.
Elle rejoignit Axel, qui fumait non loin, et qui comprit en un quart de seconde que quelque
chose venait de se passer.
Ils regagnèrent à une vitesse folle, la voiture d’Axel, suivi par William, désemparé par la
tournure des évènements.
Il arriva à la hauteur de la fenêtre passager à la hauteur de Nina,
Axel baissa la vitre et arrêta sa manœuvre pour le laisser parler :
— Nina… ça ne peut pas se terminer comme ça
— Si ça peut…
Tu sais William, tu es seul, maintenant je comprends pourquoi…
Nina assainit ces dernières paroles comme un coup fatal, que William reçut en pleine face.
Axel fit un petit signe et un sourire à William comme pour essayer de calmer les choses et
démarra avant que Nina ne continue de distiller son venin.
— C’était méchant dit Axel à Nina, quelques mètres plus loin
— Il vient de me jeter comme une vieille chaussette
Tout ça parce que je pars en Ecosse
— Et oui, tu vois, tu ne devrais pas partir plaisanta Axel
Ça embête tout le monde
— Je suis bien contente, moi de partir… et de laisser tout ça
— Y compris moi ?
— Arrête, tu sais bien que non
— Parfois je me le demande
Axel arrêta la voiture devant la grille de chez Nina. Ils avaient souvent eu des explications
devant cette grille, et cette fois, ils en avaient viscéralement besoin.
Nina se tourna vers Axel et lui prit ses mains. Elle les embrassa
— Tout s’écroule autour de moi en ce moment
— Pas moi, moi, je suis là

246
IL LUI AVAIT PROMIS…
Toi tu perds ta maison, et moi ma famille
Mais ça ne change rien entre nous
Ça va aller… On en sortira plus forts, grandis
Nous sommes invincibles, tu le sais bien
Aussi longtemps qu’on sera ensemble, on pourra tout surmonter
Et Axel et Nina restèrent un long moment, blottis l’un contre l’autre dans la voiture, devant
la grille du pavillon où habitait encore Nina, mais qu’elle perdrait bientôt, et avec lui tout son
équilibre.
*
Le départ de Nina pour l’Ecosse aussi difficile soit-il pour Axel, avait eu pour avantage de
l’obliger à vivre sans elle, d’aller de l’avant et à trouver un objectif professionnel.
Il avait pu collecter tous les renseignements et trouver ce vers quoi il s’orienterait :
Ingénieur dans l’automobile…
Mieux que cela dans le domaine de la Formule 1 ou dans le domaine de pointe comme le
Rallye.
Il pensait aller étudier en Angleterre car six écuries sur douze avaient leur bureau d’étude
basé là-bas : Benetton, Williams, MC Laren, Jordan, Tyrell et Arrows. L’Université de Bolton,
semblait parfaitement convenir pour mener son projet à terme.
Il décida de profiter de l’absence de Nina, pour peaufiner son projet professionnel. Il irait
ensuite la rejoindre en Ecosse, quelques jours mais avant cela, il devait partir avec Damien à
Fréjus.
L’arrivée de Nina et Lara en Ecosse fut compliquée.
Nina l’appelait le soir, lui racontant ses déboires dans ce nouveau pays
Quand elles trouvèrent enfin un appartement avec Lara, les choses s’arrangèrent
Nina posséda enfin une adresse donc ils pouvaient s’écrire, et elle ne tarda pas à avoir une
ligne téléphonique, donc ils purent s’appeler à heure fixe.
Le rituel des appels, et des lettres se mirent en placet.
Quel plaisir d’entendre la voix de Nina chaque soir et de lui écrire des différents endroits
dans lesquels il se trouvait.
Ill écrivit sa première lettre, de Fréjus,
Ma puce ;
Voilà une journée de plus que je passe à Monaco
mais sans toi et d’ailleurs, cela me désole au sens
propre du terme. J’ai découvert des petits jardins
vraiment magnifiques et paisibles et là, ici et maintenant
j’aimerais me perdre dans la saveur de ton cou et laisser

247
IL LUI AVAIT PROMIS…
poser ma bouche dessus pendant des heures.
Tu me manques viscéralement…
Et déjà je pense à mon futur voyage à Edimbourg
pour essayer de rattraper en un week-end tous ces
Moments passés sans toi.
Tout de même, je suis rassuré de te savoir bien logée
avec Lara et surtout que tu aies un numéro de téléphone !
Bref, pour arrêter ce genre de petits moments de déprime,
nous allons parler d’autre chose. Le séjour à Fréjus est très
agréable et le climat est propice à la détente, le destress compet.
demain, nous irons à Vintinille et cela me rappellera sans doute
Florence, et toutes ces petites robes que tu portais si bien.
Pour une première lettre que j’écris en tremblant je ne fais pas
de poésie mais c’est pour bientôt.
Je t’embrasse sur ton petit nez et je retourne un coin de ta moquette !
Axel
PS1 : À l’heure où je t’écris, il fait 25° au soleil
PS2 : Tes jolis yeux, eux-aussi me manquent terriblement
En rentrant de son séjour Axel fut plus qu’heureux de découvrir deux lettres en provenance
d’Ecosse.
Il se délecta de les lire, apprécia que Nina partage son quotidien.
Il se sentit proche d’elle à cet instant, seul dans sa chambre pourtant.
Et le lendemain, pour la Saint-Valentin, il réceptionna une boîte, avec plusieurs objets
choisis.
Des petits riens qui prenaient la dimension du tout, quand il les découvrit :
Un CD d’un Tenor, Andrea Bocelli et son « con te partiro », des chips au vinaigre, des petits
souvenirs d’Edimbourg, aimant à coller sur son frigidaire du château d’Edimbourg, un coffret
de trois petites bouteilles de whisky, une écharpe tartan, une peluche vache écossaise rousse
censée lui tenir compagnie lors de ses moments de solitude, et puis une carte de sa douce ;
son ange. Une carte avec son écriture, et son style qu’il aimait tant.
Dans une semaine, il la rejoindrait. Il serait là-bas, enfin réunis.
*
Après des débuts éprouvants à Edimbourg ; Nina trouva ses marques dans l’échange
international.
Elle habitait avec Lara, dans un joli appartement meublé en plein centre d’Edimbourg.

248
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elles firent le choix de ne pas se mélanger avec les autres étudiants, de rester entre elles, à
l’écart de l’Université qui se situait à trente minutes de leur appartement, dans une zone
beaucoup moins jolie que la vieille ville.
Le climat en Ecosse, alliait pluie, brouillard, vent.
Les trois éléments en même temps, ou forcement au moins un, tous les jours qui passaient.
La vieille ville qui n’offrait pas de ravalement à ses immeubles, confirmait l’hostilité du
climat, lui répondant comme un écho, par la noirceur des bâtiments.
Qu’il fasse beau, ce qui n’arrivait quasiment jamais en Ecosse, ou que le temps soit pluvieux,
la ville restait grise.
Il fallait lutter contre les éléments à chaque sortie.
Les Ecossais apparurent à Nina comme un peuple fier, ayant beaucoup souffert.
Leur accent qui roulait les « R » était terrible, soit on les comprenait tout de suite, soit on
ne les comprenait jamais.
Il fallait se contenter de saisir un mot à la volée pour essayer de communiquer.
Les traiter d’anglais représentait pour eux, la pire des insultes.
Ne jamais dire à un Ecossais qu’il est Anglais fut la première chose que Lara et Nina
apprirent en arrivant dans le pays.
Les filles découvrirent également l’attachement que vouait le peuple aux Français.
Leur reine Mary Stuart élevée à la cour des Valois et mariée brièvement à François II s’en
trouvait à l’origine.
Nina fut surprise de découvrir dans les appartements une prise sur les interrupteurs, était-
ce à dire que les Ecossais confirmaient leur réputation de « radins » ?
En tous les cas, ni Lara ni, Nina ne fraternisèrent réellement avec eux …
Elles ne surent jamais si les Ecossais portaient quelque chose ou non sous leur kilt.
Lara et Nina se contentèrent de fréquenter les étudiants d’Erasmus.
Au sein de l’échange, les nationalités variées étaient représentées :
Hollandais, Belges, Italiens, Suédois…
Lara et Nina se constituèrent vite un petit groupe de nouveaux amis.
Entre eux s’organisaient soirées, dîners, petits déjeuners, où chacun se plaisait à raconter
et à montrer les coutumes de son pays.
Les attentes pour valider le cursus à l’étranger se trouvèrent plutôt faibles.
Seules trois matières suffisaient pour valider le semestre, ce qui représentait peu, en
termes de charge de travail.
Nina choisit de se faire plaisir et de prendre des matières qu’elles n’auraient jamais
l’occasion d’étudier ailleurs et qui n’avaient rien à voir avec son cursus.

249
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle étudia donc la Psycho -sociologie, la Criminologie et la Culture Ecossaise. Lara quant à
elle choisit d’autres matières plus en rapport avec ses études commerciales.
Axel arriva pour un week-end après la Saint Valentin, avec son teint pâle, ses yeux
porcelaine, sa bouche pulpeuse, Nina le redécouvrit.
Il trouva les filles très bien installées, chacune avait sa chambre. Ils déjeunèrent tous les
trois avec Lara, puis allèrent visiter le château d’Edimbourg.
Il se situait sur Princess Street, les champs Elysées Ecossais, placé en hauteur dominant la
ville.
Chaque monument en Ecosse se méritait ; Nina continuerait de le découvrir en visitant le
monument dédié à William Wallace, Braveheart, un peu plus tard, où il fallait monter un
nombre inimaginable d’espèces de marches en terre, extrêmement hautes, avant d’accéder
au monument.
Tout en Ecosse demandait de l’effort et représentait une bataille contre les éléments.
Mais la visite du château, que les filles n’avaient pas encore fait, attendant la visite d’Axel,
fut agréable, même si la pluie, le vent, le brouillard les accompagnèrent partout. Sur Princess
Street, non loin du château Axel put écouter des joueurs de cornemuse.
Lara après la visite les laissa seuls. Nina fut alors un vrai moulin à parole racontant tout à
Axel.
— Voudrais tu goûter le Haggis ? lui demanda -t-elle
— La panse se brebis farcie ?
— La spécialité locale, oui
— Tu as goûté, toi ?
— Non, je t’attendais pour vivre cette expérience plaisanta Nina
— Bon, et bien allons-y soyons fous !
— Je te laisse en prendre juste un, on partagera… et puis tu vas te familiariser avec l’accent
Ecossais
— Ça va être beau, depuis l’aéroport, je ne les comprends pas
Axel finit par revenir avec le très convoité Haggis. Ils goutèrent chacun leur tour, sans en
raffoler. Nina ne prit qu’une bouchée et Axel termina
— Il fallait goûter… c’est fait, mais je n’en mangerai pas tous les jours
— Avec Lara, nous avons trouvé un italien, à côté du flat, et nous avons instauré le rituel
de la pizza du vendredi soir
— Et les cours ? pas trop dur ?
— Non, j’ai pris Criminologie ! Tu sais qu’ici, ils ont même un journal sur les criminels, les
serial killers. À la fac, le professeur nous a montré un serial killer, qui faisait disparaître ses
victimes dans l’acide
— Charmant !

250
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Et toi ? tes études d’ingénieur ? tu as pu avancer ?
— J’ai trouvé une Université en Angleterre
Mais avec ma situation familiale, je ne sais pas si je vais pouvoir y rentrer
Les études coutent chères en Angleterre
— Où en sont tes parents ?
— Mon père est parti à Lyon, avec sa nouvelle copine.
Je dois aller le voir en rentrant
— Et ta mère ?
— Au plus mal.
Et toi ?
— Le pavillon est vendu ça y est
— Ha mince, je croyais que ton père n’irait pas jusqu’au bout
Et le mas ?
— Le mas aussi
Nina détourna les yeux, tant cela lui faisait mal de prononcer ces mots
— Tu pourras retourner dans le pavillon quand tu rentreras ?
— Oui, la vente et le déménagement se feront l’été prochain
On déménage deux rues plus loin
Je serai plus indépendante dans le studio
Tu pourras rester dormir
— Mmmh, ça sera bien ça
Nina se contenta de sourire sans grande conviction. C’était douloureux pour elle. Elle
essayait de ne pas y penser. Elle vivait le moment présent, cela lui éviter de trop se projeter,
dans un avenir sans sa maison.
Sa maison, pour elle, représentait son équilibre. Elle s’y était construite, y trouvait sa force.
Qu’allait-elle faire quand elle habiterait ailleurs ? qui deviendrait-elle sans son refuge ?
Axel la vit partir dans ses pensées loin, et la ramena vers lui en demandant :
— Qu’est ce qui est prévu ce soir ?
— Ce soir, il y a une soirée chez notre ami Belge, mais je pense que tu ne souhaiteras pas y
aller ?
— Pas vraiment, non
Je n’ai qu’une envie, c’est de te retrouver toute entière
— Je m’en doutais. Lara, ira toute seule. Elle doit y être d’ailleurs, je crois même qu’elle a
prévu de ne pas rentrer pour nous laisser seuls jusqu’à ce que tu repartes

251
IL LUI AVAIT PROMIS…
— L’appartement est vide, alors ?
— Oui
— Allons-y alors… qu’est-ce qu’on attend ?
Et tous les deux, bravèrent le mauvais temps de la vielle ville pour se retrouver seuls, pour
faire l’amour, jusqu’à être rassasiés l’un de l’autre et jusqu’à devoir de nouveau se dire au
revoir, la chanson d’Andrea Bocelli, Time to say good bye, les accompagnant en trouvant tout
son sens dans cette nouvelle séparation.
*
De retour à Paris, Axel fut contacté par son père. Il lui proposa de venir le voir le prochain
week-end à Lyon.
Heureux d’avoir des nouvelles il accepta.
Sa mère réagit très violemment quand elle apprît la nouvelle
— Tiens, il se rappelle qu’il a un fils maintenant ?
Et toi, tu te précipites
— Je ne me précipite pas
— De toute façon, tu ne fais que partir, toi aussi
C’est la mode dans cette famille, on part avec une femme
Tu es bien comme ton père
Et sur cette phrase assassine, la mère d’Axel partit s’enfermer dans sa chambre et n’en
ressortit pas.
Elle se réfugiait de plus en plus dans le sommeil, ou dans le travail sans arriver à trouver un
quelconque apaisement.
Il ne la revit pas de la semaine précédant son départ, sa mère s’évertuant à faire en sorte
de ne pas croiser son fils qu’elle considérait comme un traitre à cet instant.
Axel savait qu’en partant, il hériterait des foudres de sa mère à son retour. Mais il souhaitait
voir son père.
Le séjour d’Axel à Lyon fur surprenant, voire déroutant.
Bizarrement ce dernier garda une vision de son père, célibataire, vivant à Lyon désormais,
y travaillant.
Il n’intégra pas le fait que son père avait refait sa vie, et qu’il la partageait désormais avec
une autre femme que sa mère.
Axel fut dérouté de voir son père intime avec une femme dont il ne savait rien. Il ne sut
plus vraiment où était sa place. Se sentant mal à l’aise souvent.
Il se balada seul dans la ville et en profita pour écrire à Nina une carte postale, qu’il acheta
avant de s’installer dans un café pour coucher ces quelques mots :
Mon ange

252
IL LUI AVAIT PROMIS…
Comme tu peux le remarquer, Lyon
possède un léger parfum d’Italie.
Et encore plein d’autres choses que mon
inconscient à du dénicher.
Il pleut mais il fait très clair et assez chaud
comme l’est un peu ma vision des choses

Lyon, c’est aussi une découverte ou plusieurs découvertes :


Mon père appelant « Mon cœur »
et tenant par la main une fille que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam
Une population à mi -chemin entre cravate et survêtement
Une muraille de kilomètres qui nous sépare

Je te fais un petit bisou très silencieux


Et je t’envoie une grosse pensée emplie d’émotion
Axel

Le retour d’Axel à Paris comme il s’y attendait fut tendu.


Sa mère avait mal pris son escapade chez son père.
Toute sa souffrance intériorisée remonta.
Être trompée, abandonnée, seule avec son fils, alors que son mari lui refaisait sa vie,
représentaient bien plus qu’elle ne pouvait supporter.
Et ce fils, justement, prenait le parti de son père.
En allant le voir, il adhérait à sa cause.
Les pires moments ne se matérialisèrent pas par cette fuite dans le silence et l’isolement,
mais dans la confrontation avec celui qui resta.
Axel prit à la place de son père.
Sa mère explosa.
Son côté le plus sombre s’abattit sur son fils comme une multitude d’éclats de verre
tranchants, le blessant à mille endroits en même temps.
A peine Axel rentré, sa mère ne put contenir sa rage et sa colère :
— Te voilà de retour finalement
— Oui
— Tu es déjà parti le week end dernier En Ecosse

253
IL LUI AVAIT PROMIS…
Je suis seule, tu n’es jamais là
— Quand je suis là, tu travailles ou tu dors, alors
— J’essaie d’oublier
Ma vie est un échec
Toi aussi, tu me quittes
— Je ne te quitte pas, je suis juste allé voir papa
— C’est ça
Il te siffle et tu accours… tu l’as vu avec cette femme…
Bientôt tu l’appelleras maman
— Mais non
— Ne me parle pas avec cette condescendance
Je ne voulais pas que tu y ailles
Je ne l’ai pas supporté
Tu ne fais rien de ta vie, tu pourrais au moins me soutenir
— Je te soutiens, et je ne fais pas rien de ma vie
— Tu es toujours avec ta Nina, tu ne travailles pas, tu ne fais même pas d’études
Tu verras quand elle te quittera, pour un autre, tu te retrouveras comme moi
SEUL
Pire que moi, tu n’auras même pas de travail
Tu n’auras RIEN, alors ne viens pas me donner des leçons
Ne crois pas que tu es mieux que moi
Tu souffriras comme moi, tu ne mérites que ça
Et sur ces mots, elle partit, quittant l’appartement symbole de sa vie gâchée, laissant son
fils avec les mots terribles qui venaient d’être prononcés.
Il se précipita prendre le téléphone pour appeler Nina. Seule sa voix pourrait le calmer.
Premier appel, le téléphone sonna dans le vide.
Quelle heure était-il ? dix-neuf heures, pourquoi ne répondait-elle pas ?
Elle devait être chez elle à cette heure-là …
Il alluma une cigarette, recomposa une nouvelle fois le numéro, toujours rien.
Où était-elle ? avec qui ? Les mots de sa mère résonnèrent de nouveau
« Elle te quittera pour un autre »
Elle était avec un autre à cet instant ? un étudiant étranger ? Elle le trompait ?
Elle avait sans doute trouvé quelqu’un de mieux que lui, qui comme elle faisait des études,
se construisait un avenir.
254
IL LUI AVAIT PROMIS…
Lui, quel était le sien ?
Sa mère n’avait pas tort, il ne faisait toujours pas d’études, ses projets soudain lui parurent
utopiques. Il ressassait, faisait les cent pas dans l’appartement vide, il recomposa le numéro,
toujours rien.
Que lui restait-il ? sa famille volait en éclat, et la femme qu’il aimait n’était pas à ses côtés.
Sans y croire, il recomposa une dernière fois le numéro, et cette fois Nina décrocha
— Où étais-tu ?
— Ici, Lara me coiffait, nous avons un dîner ce soir
— Quoi ! tu sors ?
— Oui, ça ne va pas ?
— Je t’ai appelé quinze fois, et tu ne réponds pas parce que tu te fais coiffer cria-t-il laissant
sa colère se déverser
— Qu’est-ce qui te prend ?
— Je suis ici seul, je me débats avec ma famille qui se délabre et toi, tu ne réponds même
pas quand j’appelle, parce que tu te fais coiffer !
C’est tout ce que je représente pour toi ?
Tu n’en as rien à faire de moi ?
— Axel, enfin, qu’est-ce qui se passe ?
— Je ne veux pas que tu sortes
— Pardon ?
— Je ne veux pas que tu ailles à ce dîner
— Ça ne va pas
Tu n’as rien à m’interdire
— S’il t’arrivait quelque chose
— Mais que veux-tu qu’il m’arrive
C’est une soirée étudiante, Axel
Qu’est-ce qu’il y a ?
— Tu me trompes ? tu as trouvé un étudiant mieux que moi, c’est ça ?
— Quoi ? mais tu deviens fou
— Ne va pas à ce dîner, alors si ce n’est pas le cas, ça ne devrait pas te déranger
— C’est du délire, tu es fou
— J’en ai assez qu’on me dise que je suis ci ou ça ce soir
Quels reproches encore vas-tu me faire ?
Que je ne fais rien ? que je suis un poids pour toi ?

255
IL LUI AVAIT PROMIS…
Un fardeau ?
Axel s’arrêta entendant que Nina pleurait. Il réalisa que sa rage l’avait emportée. Pour
autant, il n’allait pas mieux, et n’arriva pas à trouver des mots apaisants et reconstructeurs à
dire à Nina. Il mit juste fin à la conversation, ne sachant comment revenir en arrière ou au
contraire aller en avant.
Il se ralluma une cigarette, s’assit sur le canapé, essayant de retrouver ses esprits.
Cela ne pouvait plus durer.
Il ne pouvait pas subir sa mère, son père, attendre à rien faire Nina, la rendre folle comme
il venait sans doute de le faire ce soir.
Il se perdait, ne faisait rien depuis des mois ; Ce n’était pas lui. Ça ne lui ressemblait pas.
Son regard tomba sur le CD, de la bande originale de Golden Eye, James Bond…
Il ne lui en fallut pas plus pour décrocher une nouvelle fois son téléphone et composer le
numéro du père de Damien.

256
IL LUI AVAIT PROMIS…
Tu oublieras
Les sourires, les regards
Qui parlaient d’éternité
Tous ces mots que l’on jure
De ne jamais oublier
Tu oublieras, tu m’oublieras
[…|
Tu oublieras
Comme un film
Sur un écran noir
Car l’amour, tu sais
N’a pas de mémoire
Reprise Juliette Armamet, Tu m’oublieras- Larusso

14

Lara assista impuissante à la scène qui se déroula sous ses yeux.


Nina assise par terre, pleurait, cassée par toutes les agressions verbales sorties de la bouche
d'Axel.
Elle entendit ce qu'il hurlait sans avoir tenu l'écouteur. Elle se rapprocha de son amie,
s'accroupissant pour ne pas la laisser seule, encaisser les coups distillés par Axel. Lorsqu'enfin,
la conversation se termina, elle prit Nina dans ses bras. Elle n'osa pas parler la première et
laissa Nina se livrer

— je ne sais pas ce qui lui prend...il est devenu fou


— ce n'est pas possible Nina, il ne peut pas te mettre dans un état pareil...
Ça ne va pas ça
Et depuis quand il t'interdit quoi que ce soit ?
Il se prend pour qui ?

Nina ne répondait plus ; elle avait du mal à se remettre

— Il va me rendre folle
Je ne vais pas pouvoir continuer comme ça
257
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Non, ça me semble évident répondit Lara en lui caressant les cheveux
Personne ne doit te crier après ou t’interdire quoi que ce soit
Il n’est pas ton père, tu ne lui appartiens pas
Reprends ta vie en main. Reprends ta liberté, et ton indépendance
— Il faut que je le quitte ?
Je ne vais pas pouvoir
— Et pourquoi pas ?
Tu as vu la vie qu’il te fait vivre ?
Tu as vu dans quel état tu es ?
On ne fait pas ça à quelqu’un qu’on aime
— C’est la première fois que ça arrive
— Oh tu sais, ce ne sera pas la dernière
Ce que l’on fait, une fois, on le fait deux, on le fait trois
Le mec qui trompe sa femme une fois, lui promettant que c’est la dernière fois, la trompera
encore, celui qui frappe une fois, frappera encore…
— Ce n’est pas la même chose
— Si Nina, c’est exactement la même chose, Axel vient d’être violent avec toi

Son amie continuant à être ébranlée, Lara enchaîna

— Tu vas sécher tes larmes, te reprendre


Te faire belle,
Et on va aller comme convenu au dîner
— Je n’ai pas tellement la tête à ça
— Tatata, c’est exactement ce qu’il te faut
Ne pas rester à ressasser
Voir du monde, penser à autre chose
Allez, viens

Lara aida son amie à se relever, dans tous les sens du terme, et elles allèrent au dîner.
Nina n’oublia pas la scène qui venait de se dérouler.
Elle pensa à autre chose et réussit à parler avec les étudiants présents.
Parfois des bribes de la dispute revenaient dans sa tête comme un boomerang, il allait être
difficile d’oublier et de faire comme si rien ne s’était passé.
258
IL LUI AVAIT PROMIS…
La nuit fut agitée, les jours qui suivirent silencieux. Axel ne donna pas de nouvelle, Nina non
plus.
Le mot fin allait-il s’apposer à leur histoire ?
Nina ne le souhaitait pas mais le silence qui régnait depuis cet appel, en confirmait le
chemin chaque jour un peu plus.
Qu’allait-elle faire sans Axel ? Comment en étaient-ils arrivés là tous les deux ?
Après toute ce qu’ils avaient vécu ensemble. Comment une situation pouvait-elle en un
instant changer du tout au tout ?
Il ne suffisait finalement que de quelques mots… Armes si puissantes, dévastatrices
capables de tout emporter sur leur passage.
*
Les semaines passèrent silencieuses après cette fameuse soirée.
L’échange Erasmus arriverait bientôt à sa fin.
D’ici trois semaines, ce serait les vacances.
Nina rentrerait en France comme elle l’avait convenu.
Lara partirait faire le tour de l’Ecosse avec Paul.
Et puis, viendrait le temps des examens sur place et ça serait le retour en France.
Il faudrait retrouver Vincennes, le pavillon vendu, le déménagement et passer les examens
en France cette fois ci puisqu’ils n’avaient pas pu être passés avant le départ en Ecosse, une
session pour les étudiants Erasmus se voyait donc organiser.
Axel réapparaîtrait-il à un moment ou à un autre dans cet enchaînement de calendrier
étudiant ?
Le téléphone ne sonnait plus à heure fixe le soir, et le silence envahit l’appartement. Seul
Paul appelait Lara désormais.
Nina essaya de faire avec la situation.
Elle prenait chaque moment l’un après l’autre, tentant de réviser les examens Ecossais et
Français, au moins, ça la faisait se concentrer sur autre chose.
Elle assista avec Lara à une soirée de danse écossaise, où hommes et femmes portaient le
kilt, un orchestre jouait et montrait les chorégraphies des danses à venir, que tous réalisaient
ensemble sur la piste. Ce fut un des meilleurs souvenirs de l’Ecosse.
Et puis, une lettre finit par arriver.
Lettre de rupture ou de réconciliation ?
Le cœur de Nina avait commencé à s’accélérer en reconnaissant la petite écriture d’Axel
sur l’enveloppe, puis en l’ouvrant il battit encore plus fort, encore plus vite, la peur au ventre,
à chaque mot qu’elle découvrait.
Mon ange,
J’ai envie de t’écrire en bleu car j’en ai assez d’écrire en noir.

259
IL LUI AVAIT PROMIS…
C’est compréhensible.
Et en plus cet après-midi, je traîne un gros cafard qui me hante
depuis ce matin.
Et même si l’avenue Victor Hugo est baignée de soleil et même si
j’ai croisé deux Ferrari il y a dix minutes, lorsque j’ai commencé cette
pause, il me manque déjà quelque chose dans mes mains pour pouvoir
palper une quelconque quiétude. Heureusement que je travaille comme
j’ai envie car mon entourage a le profil bas.
Peut-être suis-je devenu, cette fois-ci complétement fou ?
Alors essaie de revenir dans trois semaines si tu peux, parce que j’ai une
envie folle de Jonasz, Eddy Mitchell, Paris By Night, mini- jupe, ton parfum,
souvenirs, tendresse, ta voix douce, t’offrir des fleurs, huile d’olive, faire l’amour,
de pizza cramée, Proposition Indécente, bref j’ai une envie de toi toute entière
et d’un long baiser savoureux avec le « specialist » en musique de fond.
Une des seules choses qui me rende heureux et que nous nous aimons
Travaille bien et écris / appelle moi
Je t’aime / Ton doux
Axel
Finalement une reprise de contact neutre, avouant un moment de folie passager, et
reprenant les nombreux souvenirs qui les liaient.
Nina nota également la petite phrase presque anodine qui se glissait parmi les autres mais
qui revêtait son importance « je travaille comme j’ai envie ».
Axel avait retrouvé le chemin de la DST.
Cela lui correspondait tellement bien, que Nina n’en fut pas surprise, au contraire, elle
pensa qu’Axel trouverait là une sorte d’équilibre qu’elle n’arrivait plus à lui procurer.
Pourrait-il rester ensemble maintenant ? Il l’avait quittée une fois à cause de son
engagement, partirait-il à nouveau ?
Elle voulut croire que non, mais elle savait que cela pourrait arriver.
Comme avait dit Lara, ce qu’on fait une fois, on le fait deux, on le fait trois…
*
Madame Giredet retrouva sa fille avec une joie incommensurable.
Même si toutes les deux s’appelaient chaque jour, la mère de Nina se sentait vide sans sa
fille à ses côtés.

260
IL LUI AVAIT PROMIS…
Pourtant depuis plusieurs mois, elle avait eu de quoi s’occuper. Les visites farfelues du
pavillon s’étaient enchaînées jusqu’à ce que finalement l’épouse d’un cafetier auvergnat ait
un coup de foudre pour la maison.
Ce dernier n’ayant pas fait d’études mais possédant un café en plein Paris, brassait du noir,
et prenait ici sa revanche sur la vie en achetant l’hôtel particulier d’un médecin.
Le mas quant à lui avait trouvé preneur plus facilement et plus rapidement par un anglais.
Il avait été vidé, et la vente était d’ores et déjà réalisée.
Florent avait fini par revenir, pour y passer une dernière semaine avec Stéphanie et un
groupe d’amis, mais restait meurtri par la vente de sa maison d’enfance.
Pour essayer de rendre la situation plus supportable pour son fils, le docteur Giredet décida
d’acheter un terrain à Roussillon, petit village appelé Colorado Provençal, à cause de ses
falaises ocres. Une certaine façon de compenser la perte du mas vis-à-vis de son fils. Le
docteur Giredet se disait que plus tard, ses enfants ou lui pourraient faire construire une
nouvelle maison.
Pour ce qui concernait le pavillon, le déménagement était prévu au tout début de la rentrée
de septembre, à la fin de l’été, et Madame Giredet s’occupait de vider les lieux car la surface
des nouveaux appartements n’accueillerait pas tous les meubles, ni les tableaux qui
décoraient les murs du pavillon depuis de si nombreuses années. Le piano également, quart
de queue, ne rentrerait pas, ni les beaux et grands lustres étincelant l’entrée.
C’est dans cette ambiance que Nina rentra pour les vacances de Pâques.
Elle fut contente de retrouver ses parents, la France et le beau temps.
Avec sa mère, elles reprirent leurs conversations dans la cuisine, quand Madame Giredet
préparait les repas se racontant tout.
Naturellement, elle appela Axel, oubliant le passé, se contentant de trouver du réconfort
auprès de lui par sa voix au téléphone, puis dans ses bras, quand ils se retrouvèrent.
Nina en voyant Axel pensa qu’il avait changé.
Elle n’aurait pas su dire en quoi.
Son style paraissait plus viril.
Elle retrouvait un homme, alors qu’elle avait laissé un jeune homme. Elancé, ses cheveux
châtain-clairs plus courts, il avait gagné en prestance, il semblait plus sûr de lui.
Le couple se retrouva ainsi, sans évoquer l’incident d’Edimbourg.
Ils profitèrent juste de pouvoir être ensemble quelques jours. Ils allèrent se promener en
voiture le soir dans Paris, au détour des rues du XVIème arrondissement dans lequel ils se
plaisaient toujours autant à imaginer leur vie future.
Ils firent l’amour dans l’appartement d’Axel, dans lequel sa mère ne faisait que de rares
apparitions.
— Damien et Hélène te passent le bonjour dit Axel alors que Nina se trouvait sur le lit,
portant la chemise d’Axel
— Tu les vois encore ?

261
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Oui, de temps en temps
— Des nouvelles de William ?
— Aucune
— Et ta mère, comment va-t-elle ?
— Comme d’habitude, j’imagine, je ne la vois plus trop
— Tu es très pris ?
— Assez
D’ailleurs ce soir, je ne vais pas pouvoir te voir, ni les prochains jours
— Je dois travailler aussi de toute façon
J’ai des dossiers à faire, notamment en Criminologie
Un devoir : Ce qui arrive dans la petite enfance des criminels est-il déterminant ?
— Tout un sujet
— En tout cas tu as l’air plus serein, maintenant
— Serein, je ne sais pas, mais occupé, oui
— Il restera du temps pour moi dans ta nouvelle vie ?
— Je ferai en sorte
Il faut que je me sauve
Reste un peu si tu veux, tu peux garder ma chemise
On se revoit vite
Et Axel embrassa Nina, avant de quitter son appartement.
Le temps où Axel était disponible pour elle jour et nuit venait de prendre fin.
Un nouveau chapitre de leur histoire commençait.
Axel arriverait-il désormais à combiner sa vie professionnelle et sa vie personnelle ?
Elle n’en était pas certaine. Mais elle savait qu’il était fait pour cette vie d’espion, que ça
lui collait à la peau et que son destin venait de le rattraper.
*
Axel réussit à accompagner Nina à l’aéroport, heureusement d’ailleurs qu’ils partirent très
en avance car Nina oublia ses billets, acte manqué fallait-il croire démontrant clairement à
quel point elle souhaitait ne pas retourner en Ecosse.
Mais il restait peu de temps. Elle reviendrait vite, désormais.
Axel conduisit vite et bien, lui permettant d’attraper son avion juste à temps. Comme il
restait peu de temps, les adieux furent rapides.
De toute façon, ils se retrouveraient bientôt Axel regarda Nina disparaître, avant de quitter
l’aéroport, et de partir travailler.

262
IL LUI AVAIT PROMIS…
La circulation était déjà dense à cette heure, et il mit pas mal de temps à regagner le centre
de Paris.
Il entra dans un immeuble, et rejoignit des bureaux composés de glaces et du verre partout.
Il s’installa au sein d’une cellule, avec d’autres agents qui lui firent un topo sur l’écoute en
cours.
— Il s’apprête à sortir pour rejoindre Magniolia
— Des hommes sont sur place demanda Axel ?
— Oui, mais il va falloir que tu y ailles en renfort, une fois que l’échange aura eu lieu
pour suivre Frattor
— Dans combien de temps ?
— 10 : 00
— J’y vais
Axel prit au vol des clés qu’on lui tendait, un casque de moto posé avec d’autres sur une
commode, ainsi qu’une oreillette et un kit de liaison.
Il s’équipa et enfourna la moto pour rejoindre le jardin du Luxembourg. À moto, la route se
faisait beaucoup plus rapidement, et il ne tarda pas à arriver.
— En position annonça-t-il
— L’échange a eu lieu
Trattor nous a repéré
Il se dirige vers l’est
Ne le perdez pas
— En visuel reprit Axel
Il arrive vers moi
À ce moment une autre moto vint se mêler à la scène, à quelques mètres d’Axel, qui le
repéra quasi immédiatement
— Je ne suis plus seul, je ne vais pas pouvoir réceptionner le paquet
— On va t’en débarrasser
— Trattor sort du parc, il se dirige vers une voiture à onze heures
Il monte,
Je le prends en filature
Alors qu’Axel démarrait, il aperçut du coin de l’œil son homologue en faire autant et se
faire arrêter net dans son démarrage par une mère de famille avec son landau qui lui barra la
route.
Bien joué, il en profita pour commencer à le suivre seul sans encombre.
La voiture déposa l’homme, rue du bac. Axel confirma l’adresse, resta en planque devant
l’immeuble une quarantaine de minutes, avant d’être rappelé.
263
IL LUI AVAIT PROMIS…
*
Les dernières semaines en Ecosse de Nina filèrent à toute allure.
À son retour, elle rendit les dossiers qu’elle avait préparé en France, et bientôt les examens
sur place suivirent.
Pour fêter la fin du semestre avec le groupe d’étudiants étrangers, tous allèrent faire une
virée à Glasgow. Pour la première fois le soleil était de la partie, et le séjour s’en trouva fort
agréable.
Axel avait cessé d’écrire, ses appels se faisaient très rares.
Nina n’en prit pas ombrage.
Elle préférait le voir occupé et épanoui dans sa double vie plutôt que malheureux et frustré
à ses côtés.
Les derniers jours à Edimbourg arrivèrent, marqués par la venue d’une amie de Lara qui en
profita pour se faire faire un tatouage à Edimbourg.
Sur l’épaule gauche, l’amour éternel en celte.
Elle hurla dans la boutique, lorsque l’Ecossais lui planta les aiguilles dans l’épaule. La jeune
femme repartit, avec des souvenirs dans la tête et de l’encre sous la peau.
Lara et Nina dinèrent une dernière fois avec les étudiants européens, avant que chacun ne
rentre dans son pays, en Hollande, Belgique, Italie, Suède…
Tous se promirent de rester en contact, promesses sans lendemain, oubliées dès le retour
de chacun dans son pays d’origine.
Et c’est ainsi que Nina retrouva la France. La parenthèse écossaise se refermait.
Axel vint la chercher à l’aéroport.
Il lui fit écouter Maxwell, on était en juin, le soleil brillait, et il faisait bon d’être de retour.
Nina passa rapidement ses examens de Maîtrise.
Elle avait profité du temps libre des derniers instants en Ecosse pour réviser et les passa
sans stress. Pour une fois
Les notes furent rendues très rapidement puisqu’ils y avaient peu de copies à corriger, et
Nina excella.
Elle put à partir de ce moment seulement compléter des dossiers pour tenter d’accéder à
des DESS, dans les facultés.
Elle arrivait un peu tard, et obtint très peu d’entretiens.
Mal préparée, elle se trouva en décalage, pas à sa place, et ne réussit pas à convaincre.
Elle comprit qu’elle ne rentrerait pas à la rentrée prochaine en DESS.
Elle avait échoué, elle qui pourtant l’avait promis à son père.
De retour chez elle déprimée, elle vit sa mère qui passait une annonce dans le quotidien du
médecin, un journal pour vendre le piano, quart de queue, qui se trouvait dans la salle à
musique, cela empira son mal-être.

264
IL LUI AVAIT PROMIS…
— On est obligé de vendre le piano ?
— Un quart de queue, ne rentrera pas là où l’on va
Avec vous, il faudrait tout garder
— C’est facile pour toi, tu es habituée à déménager
— Je ne suis pas attachée aux choses en effet
Et puis, cela fait dix ans que tu ne joues plus
— Je pourrais m’y remettre
— Tu t’y remettras quand tu seras chez toi
— Je ne retrouverai pas un quart de queue
— Ecoute Nina, cette discussion est stérile
On ne peut pas garder le piano, point
Nina vexée de perdre son piano, comme elle perdait tout ce qui avait composé sa vie
jusqu’alors, monta dans sa chambre.
Rien, absolument rien n’allait.
Il aurait mieux fallu, finalement rester en Ecosse.
Revenir ressemblait à une lente agonie.
Tout ici lui échappait. Sa maison, son avenir, son équilibre, même le présent, chaque jour
qui passait semblait n’avoir comme unique but de la torturer.
Qu’allait-elle faire maintenant de sa vie ?
Elle appela Axel.
Lui aussi, lui échappait.
Depuis son retour, ils ne se voyaient quasiment plus.
Elle commençait même à l’envier.
Lui qui avait trouvé une situation, qui avait réussi à donner un sens à sa vie.
Resterait-elle sur le bas-côté à regarder sa vie lui passer devant les yeux sans pouvoir rien
faire ?
Axel décrocha à sa grande surprise, car ces derniers temps, souvent, elle n’obtenait que sa
messagerie.
L’ère des portables commençait, et Nina, comme tout le monde désormais possédait un
petit téléphone mobile, qui accompagnait quasiment chaque individu dans son quotidien.
— Ma mère vend le piano
Tu ne veux pas l’acheter ?
— Où veux-tu que je le mette ?
— Dans ton salon

265
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Combien le vend ta mère ?
— Cinq mille francs
Tu te rends compte, un quart de queue cinq mille francs
— Je ne les ai pas !
— Moi, non plus
Il va falloir que je laisse partir le piano
— Oui, il faut que tu laisses partir, Nina
— J’ai du mal, c’est dur
— Tu vas y arriver
Il faut que j’y aille
Ça va aller, ne t’inquiète pas
Non, ça n’irait pas.
Axel l’expédiait avec des platitudes, sans l’aider.
Elle alla dans la salle à musique, voir son piano. Elle le toucha, ouvrit le clavier et fit
échapper quelques notes désaccordées, regarda autour d’elle, et se mit à pleurer sur ce qui
était et bientôt ne serait plus.
*
L’été 1997 arriva.
Axel continuait de travailler sur des filatures et des écoutes principalement concernant la
princesse de Galles qui faisait les gros titres en fréquentant la famille Al Fayed.et qui venait
d’arriver à Paris.
Il voyait quelquefois Nina et suivait ses errances.
Elle avait repris un peu les choses en mains, travaillait au Prisunic même si elle n’en avait
pas vraiment besoin.
Elle s’occupa ainsi la tête.
Pour ses études, elle postula à regret dans une école de commerce parisienne pour un
Master.
Elle fut prise.
Elle ne se sentit pas méritante de devoir faire payer ses parents pour avoir un diplôme.
Axel essaya d’être réconfortant même si peu présent,
Il la sentait s’éloigner de lui.
Il décida d’aller la chercher au Prisunic en fin de journée.
Il la trouva à sa caisse avec son polo rouge du magasin.

266
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle lui fit un sourire dont elle avait le secret en le voyant arriver, lui était de plus en plus
beau, élancé en jean et Tshirt blanc, son regard bleu perçant, il n’avait rien à envier aux
interprètes du personnage de James Bond.
— Te voir en rouge, quel changement !
— N’est-ce pas ! répondit-elle
Tout à fait ma couleur !
— Tu finis bientôt ?
— Dans cinq petites minutes
Tu n’as rien à acheter ? Mademoiselle Ali va me tomber dessus si elle nous voit discuter
— Ha tiens, bonne idée !
Je vais aller faire quelques emplettes et me confronter à la vie réelle
Il revint quelques minutes plus tard fit la queue derrière deux clientes
— Qui est cette Mademoiselle Ali ? demanda-t-il en posant deux articles
— Un dragon, qui me déteste parce que j’ai une Maîtrise et qu’elle n’a qu’un BTS
Parce que je suis ici pour un été, et qu’elle est coincée là à vie
— Sympa
— La réalité de la jalousie entre femmes
Douze francs et vingt centimes Monsieur s’il vous plaît
— C’est cher ! tenez Mademoiselle
Je vous retrouve à la sortie ?
— Je rends ma caisse et j’arrive
À tout de suite
Axel sortit et alla derrière attendre Nina.
Il en profita pour s’allumer une cigarette et la fumer.
Nina ne tarda pas à arriver avec une petite robe noire, tenue et couleur, qui lui
correspondaient mieux.
— Tu es très jolie
— Merci, tu n’es pas mal non plus
tu as combien de temps ?
— Le temps d’une balade dans le bois
Comment ça se passe pour toi ?
— C’est plus à toi qu’il faut demander
— La course
— La course ?

267
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Oui, parfois tu te retrouves à un endroit, tu surveilles, et tu vois arriver quelqu’un, qui
te regarde et là, tu te dis que tu as plutôt intérêt à courir vite
Ils arrivèrent au bois, regagnèrent le lac, et commencèrent à marcher autour
— Des nouvelles de l’école ?
— Non, maintenant que je suis inscrite, la reprise se fera en septembre
— Et le déménagement ?
Axel vit le visage de Nina se fermer instantanément, et regretta d’avoir posé la question, il
tenta de changer de sujet
Damien te dit bonjour
— Tu le vois encore ?
— On s’appelle de temps en temps
— Et Hélène ?
— Aussi, elle a commencé à travailler
— Merveilleux, dit Nina ironiquement, elle marqua un temps avant de reprendre
Je fais une dernière soirée au pavillon, avant le déménagement, tu pourras venir ?
— Ça va être difficile
— Je vois
— Ne le prends pas comme ça
— Tu n’es jamais là
— Si regarde, je suis là maintenant
— Tu vois très bien ce que je veux dire
Ce n’est pas facile en ce moment et tu es un courant d’air.
Ils allèrent s’asseoir sur un banc
— Et qu’est-ce que je ferais de plus si j’étais là tout le temps ?

Nina ne trouva rien à répondre

Tu as oublié ce que ça avait donné en Ecosse ?


— Non, mais entre tout l’un ou tout l’autre, on pourrait trouver un compromis
Sinon à quoi ça sert ?
— Tu n’as pas besoin de moi, tu vas surmonter ça toute seule
— Je ne sais pas
— Mais si
Il y a des choses bien pires, crois-moi
268
IL LUI AVAIT PROMIS…
— On ne peut pas dire que ça m’aide
Nina nota des signes de trépignement chez Axel,
Tu dois y aller ?
— Oui, il faut que j’y retourne
— Vas-y alors
— Ça va aller, ne t’inquiète pas
Axel embrassa Nina et partit, la laissant sur le banc broyer du noir.
Il ne savait que dire d’autres que cette phrase, qui revenait en boucle et semblait n’avoir
aucun effet.
Il ignorait comment se comporter en ce moment avec elle, et avait un peu honte de l’avouer
mais se sentait plus à l’aise dans l’action qui désormais berçait son quotidien.

*
Madame Giredet vint annoncer à sa fille alors qu’elle dormait encore, l’accident de Lady Di
sous le pont de l’Alma et le décès de cette dernière à Paris le 31 août 1997.
— Elle va être érigée en icône maintenant avait précisé Madame Giredet
— Et ses enfants, les princes ? ils doivent être anéantis
— Il y a plein de rumeurs comme quoi la reine aurait commandité son assassinat, parce
qu’elle était enceinte
— Peut-être
— C’est tout à fait possible, en tout cas, le monde entier ne parle que de ça
Elle n’aura pas été très heureuse, la pauvre
— Je l’aimais bien, c’est toute mon enfance qui s’envole
— Ta soirée s’est bien passée ?
— Très bien, c’était super
Et vous avec papa ?
— Le restaurant très bien, ensuite l’hôtel, ton père a râlé comme d’habitude,
Mais on a bien dormi
— C’était gentil d’aller à l’hôtel et de laisser la place, merci
— Axel a pu venir ?
— Non
On ne peut pas dire qu’il soit présent en ce moment
Notre histoire ne rime plus à grand-chose
— Il va sans doute revenir

269
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Je ne suis pas si sûre
— Tu verras bien
En attendant, le déménagement est demain, il faut finir de trier tes derniers effets
Demain, une grosse journée nous attend
— Douloureuse journée
— Allez Nina, la vie est courte, va de l’avant
— Je fais ce que je peux
Madame Giredet embrassa sa fille et quitta sa chambre vide où seul le lit restait.
La journée tant redoutée du déménagement débuta.
Les déménageurs commencèrent tôt, assistés par madame Giredet travaillèrent avec
méthode et efficacité. Ils s’occupèrent en premier du bas du pavillon, ce qui leur pris pas mal
de temps.
Nina, resta prostrée dans sa chambre.
Rien que le son des voix, les bruits des cartons lui étaient intolérable.
Elle aurait voulu échapper à ce moment, mais n’avait trouvé aucun refuge.
Elle ne cessait d’appeler Axel, pour être avec lui, dans son appartement ou dans Paris.
Ses tentatives restèrent sans réponse.
Tout son mal-être se focalisa à ce moment sur Axel et son absence. Elle lui en voulut
tellement.
Elle finit par exploser, prit le cd de Lara Fabian, Tout, qu’elle avait acheté quelques jours
auparavant au Prisunic.
Elle l’écoutait en boucle. Elle ne l’avait pas rangé dans les cartons, pensant transmettre ces
mots à Axel :
Tout, tout, tout est fini entre nous
Tout, j’ai plus la force du tout
Tout, d’y croire et d’espérer
Tout, tout à présent, je te dis tout
[…]
Tous ces moments incompris
Ces instants indécis s’écrivent
Au passé aujourd’hui
C’est fini
Nous, nous on était pas comme les autres
Nous, on décidait d’être entre autres

270
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nous, les plus forts, les plus fous
Nous, on avait rien à gâcher, sauf
Sauf notre liberté
Nous, on a rien vu passer
Rien vu se déchirer, pas même
La force de ces années
Nous, on a joué le tout pour le tout
On s’est dit, « on s’en fout, on a »
L’univers rien qu’à nous
On a tout
[…]
J’ai plus la force du tout
D’y croire et d’espérer
Alors dans un regain de colère, laissant exploser toutes sa peine, ses regrets, ses
déceptions.
Elle décida de transmettre le message, à Axel en déposant le cd dans sa boîte aux lettres.
Sortir de là.
Il fallait qu’elle sorte du pavillon, qu’elle ne voit pas le déménagement, qu’elle retrouve le
silence, la paix quelques instants.
Elle descendit pour une des dernières fois les escaliers qui grincent, croisa sa mère qui lui
demanda
— Où vas-tu ?
— Prendre l’air lui répondit-elle du tac au tac, comme un animal blessé qui ne pensait qu’à
fuir
— Il faut rendre tes clés, si tu reviens et qu’on est parti, mets les dans cette enveloppe
Et claque la porte
Elle n’eut même pas la force de répondre se contenta d’acquiescer et sortit, aussi vite
qu’elle le pouvait.
Elle prit sa voiture, roula en direction de l’appartement d’Axel qui n’y serait probablement
pas.
Elle gardait l’infime espoir de peut-être le croiser, de se jeter dans ses bras et d’être
réconfortée.
C’est ce qu’elle aurait souhaité à cet instant, mais rien de tel ne se passa.
La rue restait la même.
Les passants allaient et venaient, ignorant tout de sa douleur, de son mal-être.

271
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle souffrait et l’univers continuait à tourner.
Alors comme ultime vengeance, comme un cri désespéré, un appel à l’aide, elle déposa
dans la boîte aux lettres d’Axel son cd message, raccrochée avant tout à la dernière phrase :
Tout, tout, tout est fini entre nous
Tout, mais je garde l’espoir fou
Qu’un jour on redira
« Nous »
Comme pour forcer le destin, elle resta un long moment devant l’immeuble d’Axel,
espérant qu’il finirait par rentrer ou sortir comme par magie. Mais il n’en fut rien.
Elle n’appela même plus.
Elle se résolut à revenir dans le pavillon.
C’était l’heure, les déménageurs devaient être partis.
En effet, quand elle arriva, le pavillon était vide et calme.
Elle monta l’escalier de l’entrée, alla dans chaque pièce, comme pour en imprégner tout
son être à vie, pour puiser tout ce qu’elle pouvait de cette maison, de sa maison.
Les escaliers, le parquet grincèrent une dernière fois sous ses pas.
Et puis dans le salon, elle craqua.
Elle ne put retenir ses larmes. Tous ses souvenirs remontèrent, son enfance, les
anniversaires, le chat qui dormait sur le radiateur, son père qui regardait ses catalogues de
vente aux enchères de tableau, sa mère qui organisait les dîners des correspondants, les
déjeuners de noël, les joies, les peines…
Tous ces moments qui font qu’une maison devient un foyer, un refuge.
Alors noyée dans ses sanglots, dans son chagrin, elle s’adressa à sa maison
— Je te rachèterai, je te retrouverai
Elle se força ensuite à partir définitivement de cette enceinte où elle se sentait
invulnérable.
Elle mit sa clé dans l’enveloppe avec les autres clés, comme sa mère lui avait demandé
Elle sortit et referma la porte sur son passé, ne sachant plus qu’une seule chose désormais :
rien de bon ne pourrait plus lui arriver.
*
Axel travaillait sur l’accident de la princesse de Galles.
Il avait eu lieu en France et avec la pression médiatique et les yeux du monde entier braqué
sur le pays.
Il faudrait savoir ce qui s’était vraiment passé.
Accident ou meurtre commandité ? Les services de police et de renseignement
enquêtaient.

272
IL LUI AVAIT PROMIS…
Il n’avait donc pas pu être présent pour Nina, il le savait mais le choix ne lui appartenait
plus.
C’est en rentrant chez lui, tôt le matin, qu’il découvrit le cd dans la boîte aux lettres.
Sa mère ne prenait même plus le courrier, il ignorait également d’ailleurs comment cette
dernière se portait.
En poussant la porte de l’appartement, tout doucement, il espéra que sa mère serait là et,
se dirigea vers sa chambre sans faire de bruit, l’ouvrit et la vit, endormie.
Elle semblait plus paisible qu’éveillée, il ne voulut pas la réveiller.
De toute façon, il n’avait pas beaucoup de temps.
Il regagna sa chambre.
Elle marquait un tel changement entre son état passé et ce qu’il était devenu aujourd’hui,
cela lui sauta aux yeux. Il avait l’impression d’avoir pris dix ans en à peine six mois.
Tout allait si vite, il fallait courir tout le temps et partout.
Alors qu’il profitait de ces quelques instants de répit, ses yeux se posèrent sur l’enveloppe
avec le cd
Il revint donc à la réalité et mit le cd en lecture.
Il trouva les mots de Lara Fabian beaux, puis comprit que Nina lui lançait un appel de
détresse.
Il regarda son portable et vit ses appels en absence.
Quel jour était-on ? Le déménagement, il avait loupé le déménagement.
Quelle heure était-il ? cinq heures du matin, il ne pouvait pas l’appeler, elle devait dormir
dans son nouveau studio.
Il allait prendre une douche, essayer de se reposer une petite heure, puis il irait la voir, il la
guetterait à sa nouvelle adresse, lui ferait la surprise.
Quelques heures plus tard, il réussit à voir sa mère. Ils prirent un café ensemble.
— Tout se passe bien pour toi lui demanda-t-il ?
— Oui, métro, boulot, dodo
Ça m’évite de penser
Et toi ?
Je ne te vois plus beaucoup
— Je travaille aussi
— Et Nina ?
— Elle va bien
— Tant mieux,
Allez, il faut que je file

273
IL LUI AVAIT PROMIS…
La mère d’Axel l’embrassa, déposa son café dans l’évier et partit fort vite.
Axel voulut mettre à son tour sa tasse dans l’évier, et vit que celui-ci regorgeait de vaisselle,
non faite.
Il eut des flashs du regard sa mère, triste et éteint, il alla dans sa chambre, le lit était défait,
les volets fermés.
Il alluma, regarda sur la table de nuit et y trouva boites de somnifères et d’anti-dépresseurs.
Sa mère avait joué la comédie, pour faire bonne figure mais elle n’allait pas bien.
Il culpabilisa, il fallait qu’il s’occupe de sa mère, mais comment le pouvait-il ?
Il retourna dans la cuisine et fit la vaisselle.
L’effet au moins serait immédiat, et c’était déjà ça.
Se forçant à ne pas penser, il quitta l’appartement à son tour pour aller retrouver Nina. La
chance lui sourit, à peine était-il arrivé que Nina sortait de l’immeuble, dans lequel elle avait
emménagé.
Elle ne le vit pas, maintenant qu’il était en moto, la plupart du temps, il savait se faire
discret, se fondre dans la masse.
Il la rattrapa alors qu’elle commençait à s’éloigner et à descendre la rue qui menait à une
grande artère plus passante.
— Vous avez l’heure, lui demanda-t-il
Elle se tourna vers lui, le reconnut et ne put s’empêcher de sourire.
Il aimait cela avec elle, sa spontanéité.
Elle illuminait son monde en souriant en un quart de seconde. Elle l’apaisait en un éclair
rien qu’avec un regard.
— Tiens te voilà ? lui dit-elle cependant un peu froide et distante, ce qui ne lui ressemblait
guère.
Elle paraissait blessée, changée.
Un certain malaise s’était installé entre eux, Axel le sentit instantanément.
Un silence lourd vint s’immiscer pour la première fois pendant quelques minutes, avant
qu’il ne se décide à le rompre.
— Où vas-tu comme ça de si bon matin ?
— J’allais acheter quelques fournitures pour mon école
— Je t’accompagne
Comment ça se passe là-bas ?
Elle ne répondit pas, se contentant d’hausser les épaules
— Tu vas t’y faire, ce n’est que pour un an
Durant toute la course, Nina resta quasiment muette.

274
IL LUI AVAIT PROMIS…
Axel n’avait plus de doute, elle lui en voulait. Il essaya de l’amener sur un autre terrain,
pour lui faire penser à autre chose
— Je suis désolé de ne pas être présent en ce moment
Je suis sur l’accident de Lady Di
— Tu travailles dessus ?
— Ce n’est pas très beau
— Vraiment ?
Content d’avoir réussi à susciter son intérêt enfin, il continua
— Les anglais sont terribles
Les allemands, ne sont pas faciles, les italiens, les espagnols…restent des latins
Mais les anglais…
Ce sont les pires
Il marqua une pause, semblant se remémorer des faits précis, qu’il ne partagea pas, puis il
enchaîna
— La vie est courte, elle peut basculer en un instant
J’ai reçu ton message d’ailleurs
Il sortit de sa poche le cd resté dans son enveloppe, le rendant à Nina
— Il n’a pas lieu d’être
Reprends-le
Tu devrais écouter autre chose
— Je ne suis pas sûre
— De quoi ?
— Qu’il n’ait pas lieu d’être
Tu n’es jamais là
— Je suis là, maintenant
— Oui, cinq minutes, et puis après…
À quoi ça rime ?
On ne se voit plus
Tu n’es pas dans ma vie, je ne suis plus dans la tienne
Ils arrivèrent en bas du nouvel immeuble de Nina
— Il me reste cinq minutes, tu me montres ton nouveau chez toi ?
— Cinq minutes ?
C’est tout ce que tu trouves à m’accorder ?

275
IL LUI AVAIT PROMIS…
Axel ne répondit pas, il ne voulait pas rentrer dans une dispute, ni en conflit. Nina souffrait,
elle se défoulait probablement sur lui.
Avec tout ce qu’il voyait tout ce qu’il vivait, il savait désormais prendre sur lui, et faire la
part des choses.
Elle finit par craquer, et lui proposa finalement d’entrer
Il ne leur fallut que quelques pas pour atteindre la porte du studio au rez- de -chaussée :
— C’est là, à côté, la porte de droite c’est l’appartement de Florent et Stéphanie
Nina ouvrit la porte et Axel découvrit le studio.
Une petite entrée, en face la salle de bain, étroite mais jolie avec ses carreaux blanc et bleu,
bien exploitée avec sa douche, puis à droite, la pièce principale, qui donnait sur une terrasse
dans le jardin, collée à la terrasse du frère. De Nina
Puis sur le côté, un petit coin cuisine dont Nina ne faisait sans doute peu de cas.
Axel reconnut quelques meubles et tableaux venant de son ancienne chambre, le clic clac
qui servait de lit semblait de belle qualité. Tout était meublé avec goût. Et Axel se sentit
instantanément bien dans ce nouvel environnement.
— Tu es bien installée
Tu as bien pris tout tes talons ? plaisanta-t-il ?
Il faut que je vienne dormir
Tu pourras me faire un défilé
Et on pourra essayer la douche
— C’est tout ce que je suis pour toi ? un fantasme ?
— Mais non…
Ça te ferait du bien, tu es une vraie boule de nerfs
Elle le fusilla du regard sans répondre, détournant Les yeux, elle s’arrêta sur des PV posés,
alla les prendre et lui tendit
— Tiens, tu peux me les faire sauter ?
— On a plus le droit,
Tu t’es pris ça où ?
— Près de l’école, ils n’arrêtent pas de passer
Tu pourras essayer ?
— C’est vraiment interdit, ils contrôlent tout maintenant
— Essaye quand-même
Axel qui commençait à s’agacer, finit par acquiescer de mauvaise grâce et prendre les PV.
Etant donné la mauvaise humeur de Nina, il n’arriverait pas à s’en sortir autrement.
Il devait partir, il essaya une dernière fois de faire un pas vers elle

276
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Je vais devoir y aller, mais je pense pouvoir m’arranger pour venir passer la nuit ici ce
soir
Elle ne répondit pas
— Cache ta joie, je fais un effort là Nina
— Oh mais ne te force pas, James Bond
— Tu es vraiment insupportable quand tu t’y mets
Il faut que je file, je te vois tout à l’heure
Il embrassa Nina sur la joue et partit.
Finalement la soirée ne fut guère mieux.
Axel chercha à joindre Nina toute la journée pour confirmer sa venue, sans que cette
dernière ne décroche ou ne rappelle.
Il céda donc à la tentation et la traça.
Elle avait passé la journée à son école, rien d’anormal à ce qu’elle ne réponde pas.
Avant de partir, il s’assura qu’elle était bien rentrée chez elle, cela ne lui prit que quelques
secondes.
Il fut soulagé qu’elle ouvre la porte quand il sonna, mais vit tout de suite à sa tête que
l’ambiance serait de nouveau tendue.
— Tu as passé une bonne journée ? demanda-t-il
— Je pense que je vais demander à changer de Master
— Ha oui ?
— Oui, ça ne me plait pas du tout l’option finance
— Et tu aimerais faire quoi ?
— Ils ont un master Ressources Humaines, et c’est plus facile de changer en école qu’à la
fac
— Bonne idée, fais-le
— Comme ça je pourrai l’année prochaine postuler au DESS Ressources Humaines de
Créteil
— Tu y tiens à ton DESS
— Oui, j’y tiens
— Si ça peut t’aider à te sentir mieux
— Tu me parles comme si j’étais dépressive
— Non, non
Je ne te trouve juste pas très joyeuse en ce moment
— Ma vie ne me plaît pas trop en ce moment effectivement
— Tu n’es pas trop à plaindre

277
IL LUI AVAIT PROMIS…
— C’est ce que tu penses ?
Que je joue l’enfant gâté ?
Axel ne répondit pas, parce qu’en effet c’est ce qu’il pensait.
Nina, reçut de plein fouet le message, et réagit en se refermant
— Je vais me coucher
— Mais Nina, il est dix heures, on ne va pas se coucher
Elle commença à prendre les coussins du clic-clac. Axel se leva
— Nina
On ne va pas se coucher à dix heures du soir répéta Axel pour essayer de la calmer
— Tu fais ce que tu veux, moi je me couche
Nina continuait frénétiquement d’enlever les coussins. Axel se leva, hésita, puis tenta de
lancer une ultime perche
— Je vais y aller, alors
Elle encaissa le coup, mais ne dit toujours pas un mot et ne changea pas d’attitude
— C’était un réel effort pour moi de venir ce soir
Mais il vaut mieux que je retourne travailler
Nina restait sans rien dire comme paralysée, Axel attendit un mot, un geste, qu’elle ne
prononça pas, et à regret, il partit.
Sans savoir pourquoi, il se dit qu’il fallait qu’il passe voir sa mère, qu’il retourne chez lui.
Ce matin, elle avait fait semblant, prétendu que tout allait bien, mais elle ne pouvait le
tromper, il savait bien que ça n’était pas le cas.
Si Nina s’éloignait, il allait essayer d’éviter que sa mère fasse de même.
Sur le trajet, il ne put s’empêcher de repenser à Nina et aux différentes scènes de la
journée, aux non-dits.
Il la perdait, elle lui en voulait.
Il ne souhaitait pas rompre, il ne voulait pas la perdre, il l’aimait toujours autant, même
avec son mauvais caractère actuel.
Il arriva devant son immeuble, gara sa moto, monta les escaliers, ouvrit la porte, tout était
silencieux. Il vit le sac et le manteau de sa mère sur le canapé, il l’appela :
— Maman !
Il se dirigea vers sa chambre, la porte ouverte laissait apparaître le corps de sa mère
allongée, les cachets de médicaments gisant à côté d’elle.
Il ne lui fallut pas plus de quelques secondes pour comprendre :
Sa mère venait de faire une tentative de suicide.
Il se précipita vers elle, criant

278
IL LUI AVAIT PROMIS…
— MAMAN !
Lui fit les gestes des premiers secours qu’il avait appris, la respiration, les pupilles, sa mère
réagissait un peu, elle devait avoir ingurgité les pilules, il n’y a pas longtemps.
Il fallait la faire vomir, il la redressa, cria pour la réveiller, et tenta plusieurs manœuvres
pour lui faire sortir ce qu’elle venait d’ingurgiter.
Il réussit à la faire vomir, sa mère revint, il s’en était fallu de peu.
*
Nina réussit à changer de Master,
En fin d’études elle se réorienta.
Peu lui importait, elle trouva un peu de renouveau et commença à moins détester cette
école et sa vie.
Par contre, avec Axel, la situation empirait.
Il s’était passé plusieurs jours après la dispute dans le studio, avant qu’il ne se manifeste.
Elle le prit pour du désintérêt.
Apparemment, elle ne comptait plus pour lui.
Il se consacrait dorénavant à sa double vie.
La première fois, il n’avait pas réussi à concilier les deux, et la situation aujourd’hui se
répétait.
Alors, lorsqu’il finit par téléphoner le week- end suivant, elle ne décrocha pas.
Il n’eut de cesse de rappeler, sur le fixe, sur le portable, insistant comme jamais pour la
joindre.
Elle se trouvait dans l’appartement de son frère, parti en vacances avec Stéphanie, pour
nourrir le chat, quand harcelée d’appels, elle n’eut d’autres choix que de décrocher.
— Où es-tu ? pourquoi tu ne réponds pas ? dit Axel sur les nerfs
— Je suis chez moi, qu’est ce qui t’arrives ?
— Tu n’es pas chez toi là
— Si
— Non Nina tu n’es pas chez toi
— Mais si, enfin ! qu’est ce qui te prend ?
— Je vois bien que tu n’es pas chez toi
— Ça veut dire quoi, ça ?
Tu m’espionnes ?
Ça ne va pas dans ta tête ou quoi ? !
— Je veux juste m’assurer que tu vas bien
— Ça va très bien

279
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Pourquoi tu ne réponds pas alors
— Pour éviter ce genre d’échanges
Un blanc s’installa, chacun ne sachant plus comment gérer la situation et le malaise qui
s’installait
Axel reprit le premier la parole
— Je dois y aller
Je te rappellerai
Et il raccrocha, laissant Nina choquée par cette fin sèche, cette attitude de suspicion, cette
agressivité.
Cela lui rappela la scène en Ecosse, plusieurs mois auparavant, et elle n’aima pas revivre
cette situation.
Elle n’aima pas ce que devenait leur relation, elle n’aima pas ce qu’ils devenaient l’un pour
l’autre.
Peut-être le temps était-il venu de mettre le mot fin à leur histoire ?
Inconcevable, impossible…
Toutes les promesses faites, tous les mots dits, tout ce qu’ils avaient été l’un pour l’autre…
Ils le porteraient à jamais et pour toujours.
La force d’un premier amour ne s’envole jamais.
Axel ne le supporterait pas, et elle ? le supporterait-elle ?
Elle ne voulut plus y penser, elle voulut oublier. Mais l’idée venait de s’installer.
Quelques semaines passèrent, Nina reprit peu à peu le cours de sa vie en main.
Elle suivait ses cours, un stage devait avoir lieu en février et elle commençait à passer ses
premiers entretiens pour découvrir le monde du recrutement.
Une expérience dans un grand cabinet de recrutement qui venait d’ouvrir sa filiale intérim
se concrétisa, après deux entretiens, on lui confirma qu’elle était prise.
Avant cela, la soirée de l’école en décembre précédent les fêtes de fin d’année se profilait,
puis au retour des vacances, ce serait les examens du premier semestre.
Axel ne se montra pas à la soirée de gala de l’école.
Nina l’y avait convié.
Il déclina comme d’habitude sans vraiment répondre.
A cette soirée, elle recommença à plaire, ou en tout cas pour la première fois, elle en prit
conscience.
Elle prit conscience du regard des hommes sur elle, elle prit conscience que de nouveau
elle plaisait, qu’elle avait envie de plaire.
Elle prit conscience qu’elle ne savait plus quoi répondre quand on lui demandait si elle était
seule, car dans les faits depuis plusieurs mois, elle l’était.

280
IL LUI AVAIT PROMIS…
*
Au mois de février 1998, Axel reprit son activité au bureau.
Il s’était consacré à sa mère pendant plusieurs mois, et à son rétablissement tant physique
que psychique, cela avait pris du temps et de l’énergie.
Il ne s’était pas confié à Nina, et l’avait délaissé, pour la protéger, pour ne pas la mêler au
sordide qu’avait été sa vie ces derniers temps.
Elle avait assez de ses problèmes.
Sans doute lui en voudrait-elle.
Il lui expliquerait ce soir, ils devaient aller voir le film Titanic, qui faisait la une en ce
moment, et puis ensuite, ils parleraient.
Le soir, il passa donc chercher Nina.
Les retrouvailles furent timides, sur le trajet, ils échangèrent chacun sur leur journée, Nina
travaillait désormais dans la filiale du cabinet de recrutement international,
À ses dires, elle s’y plaisait moyennement, mais elle découvrait un nouveau monde.
Plongés dans l’obscurité de la salle de cinéma, ils découvrirent le film dont tout le monde
parlait tant, Titanic.
Pendant trois heures, tous les deux se prirent complétement dans l’histoire, de Rose et
Jack.
Ils s’identifièrent aux personnages avec la scène dans la voiture, se noyèrent avec eux.
Ils furent tous les deux, très émus par le film.
Nina surprit Axel s’essuyer le coin de l’œil lors de la dernière scène, ils restèrent jusqu’à la
fin du générique, pour écouter en entier la bande originale. My heart will go on de Céline Dion,
qui prenait pour eux tout son sens.
De retour dans le studio, Nina souhaita parler.
Rien de bon en général ne sortait quand cette phrase se prononçait.
— Depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, nous menons chacun notre vie en
parallèle
— Justement, je voulais t’en parler reprit Axel
— Il n’y a plus grands choses à dire
Tu n’es jamais là. Tu n’es plus dans ma vie et je ne suis plus dans la tienne
— Laisse-moi t’expliquer
— Non, Axel
Je comprends, tu as ton travail
Il te correspond bien
Tu as déjà renoncé à cette vie une fois, je ne souhaite pas que tu y renonces une nouvelle
fois. Tu y trouves ton équilibre.

281
IL LUI AVAIT PROMIS…
Il faut que je trouve également le mien.
Et je souhaite pour le moment avancer seule
— Quoi ? Nina, non !
Je ne veux pas rompre
Je ne veux pas te perdre, Axel pleurait
— Je serai toujours à toi
Mais tu dois avancer sans moi, et moi sans toi
On se fait plus de mal que de bien à ne pas vouloir se laisser l’un et l’autre
Tous les deux se retrouvaient assis par terre, l’un en face de l’autre, tous les deux avec des
larmes qui coulaient.
Axel aurait aimé, tout expliquer à Nina, mais le choc le cloua à terre, lui déchira le cœur, et
il n’eut plus la force de parler, d’argumenter.
Il savait d’ailleurs au fond de lui, que cela ne changerait rien.
Il resta là, silencieux, détruit. Nina, lui caressa le visage, il releva ses yeux, lui embrassa la
main, et il vit qu’elle pleurait également.
— Je ne pourrai pas, sans toi, je ne pourrai pas reprit Axel, avec ses beaux yeux bleus qui
émurent Nina, jusqu’à la faire presque renoncer
— Si, tu pourras
Ça prendra du temps, mais on y arrivera
— L’un sans l’autre ? non, on n’y arrivera pas
Je vais devenir fou
Ça n’est pas possible, ça n’est pas possible
Tout ce qu’on s’est dit, tout ce qu’on s’est promis
C’est perdu ? envolé ?
Tu as oublié ? Nina, tu as oublié ?
Elle marqua un temps d’arrêt. Elle n’avait rien oublié, elle n’oubliait jamais rien
— Axel, si on doit se retrouver, on se retrouvera
Et Nina prit Axel dans ses bras, elle le serra fort.
Ils restèrent ainsi un long moment sans bouger, incapables de parler, incapables de se
laisser, incapables de se séparer.
Puis ils finirent par se lâcher, se résigner, se quitter.
*
Rompre avec Axel fut la chose la plus difficile que Nina ait eu à faire après avoir dû laisser
sa maison.
Elle savait qu’elle abandonnait Axel aux enfers.

282
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle-même y était, et n’arrivait pas à s’en sortir.
Comment aurait-elle pu les en sortir tous les deux ?
Il faudrait du temps, pour avancer l’un sans l’autre, peut-être sans doute n’y arriveraient-
ils jamais.
Elle cherchait d’ailleurs comme un automatisme sa main, par réflexe sans même y penser
parfois, quand elle marchait.
Toutes les musiques, les chansons qu’elle entendait lui rappelait Axel et les moments
passés ensemble.
Même marcher dans Paris, lui était devenu impossible.
Elle se contentait alors d’appliquer le concept éprouvé, métro, boulot, dodo.
Elle se rendait tous les jours dans le cabinet d’intérim, et essayait de ne plus y penser.
Elle avait eu du mal à s’intégrer, dans cet environnement spécial, de jeunes consultants qui
se prennent pour les rois du monde et qui étaient pour la plupart détestables.
La culture d’entreprise à l’américaine déclinée, faisait que l’entreprise devait devenir la
deuxième famille.
Chez eux, il fallait tout faire ensemble, travailler, s’amuser, sortir, célébrer la toute-
puissance d’être jeunes, de faire du chiffre, d’avoir le pouvoir de donner ou non, du travail à
quelqu’un.
Il fallait choquer, pour exister, juger pour travailler, et chiffrer pour avancer.
Les promotions étaient rapides, les licenciements tout autant.
On s’adaptait ou on sortait.
Et on se mélangeait à tout va avec ceux de son rang.
Pas du tout avec les autres.
Les opératrices de saisie, chargées de paye, standardistes, assistantes…
Fonctions supports qui coûtaient et ne rapportaient pas, n’étaient pas dignes d’être
associées aux sacro-saints consultants.
Nina s’intégra simplement en apparence dans ce milieu.
Elle apprit ce qu’elle devait apprendre, et fit ce qu’elle avait à faire.
Elle passa trois mois à temps complet au sein de l’agence, parfois à se prendre des
réflexions déplacées par des consultants qui voulaient se rendre intéressants auprès de leurs
collègues en malmenant la petite stagiaire.
Elle ne se laissa pas faire réussissant à se faire accepter par la grande majorité des
consultants, à l’exception d’un consultant, qui ne cessa de s’en prendre à elle, sans raison.
Heureusement, elle ne travaillait pas directement avec lui, et le croisait peu
Mais systématiquement, dès qu’il la voyait, il ne pouvait s’empêcher d’être hostile.
Lors de leur dernière altercation, lorsqu’il l’avait vu arriver sur un pôle, il avait crié :

283
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Attention, voici la stagiaire indécente
Avant de partir en courant dans l’escalier comme un gamin. Elle l’avait poursuivi et
rattrapé :
— Tu peux me dire en quoi je suis indécente ? lui avait-elle demandé
— C’était de l’humour
— Oui, et bien ton humour ne me fait pas rire avait-elle soutenue
— T’as un problème ou quoi ? avait-il répondu, observé par les autres qui avaient suivi
— Non, moi je n’ai pas de problème, acheva Nina lui faisant perdre la face, devant tout son
auditoire qui n’en perdit pas une miette, ce qu’il ne lui pardonna pas
Le seul côté positif de travailler dans ce panier de crabes, était de penser à autre chose qu’à
Axel.
Après la rupture, ils n’avaient pas réussi à se laisser sans nouvelle l’un de l’autre.
Ils s’appelaient encore et Axel devait même venir déjeuner avec Nina, au cabinet de
recrutement ce jour-là.
Comme une matinée classique, Nina devait faire passer plusieurs entretiens à des
candidats, quand elle remonta sur le pôle, l’open space où se regroupaient tous les
consultants avec l’assistante dédiée.
Elle vit en regagnant son bureau que Maria, l’assistante se son pôle, cachait ses larmes,
alors qu’elle était en pleine conversation téléphonique, qui semblait la bouleverser.
Maria, fut la première personne que Nina vit en arrivant dans le cabinet.
Alors qu’elle attendait, qu’on vienne la chercher lors de son premier jour, Maria passa
devant Nina, sans la regarder, d’un pas rapide et volontaire, très bien habillée.
Elle possédait un grand charisme, et on devinait son fort caractère, juste en la voyant
avancer avec rapidité et détermination.
Maria n’avait jamais adressé plus d’un mot à Nina.
Pour une assistante, elle avait su faire sa place au sein du cabinet, et tous les consultants la
respectaient et l’appréciaient.
Aussi, cela ne lui ressemblait vraiment pas d’être silencieuse, dans son coin, et encore
moins de pleurer.
Nina ne put s’empêcher de la regarder du coin de l’œil, et comprit qu’une rupture, ou une
dispute prenant le chemin d’une rupture la torturait à ce moment précis.
Touchée par la fragilité de Maria, par sa tristesse, Nina s’identifia à cette dernière, elle
aurait voulu être son amie pour la consoler, pour lui parler.
Elle aurait voulu aller vers elle, une fois qu’elle eut raccrochée quand, à son tour son
téléphone sonna, la standardiste lui annonça l’appel de Damien, l’ami d’Axel à sa grande
surprise.
— Damien ?

284
IL LUI AVAIT PROMIS…
Comment vas-tu ?
— Nina, je viens d’apprendre qu’Axel devait venir déjeuner avec toi aujourd’hui
— En effet, oui
— Explique -moi, comment tu veux qu’il se remette, si tu le tortures en le voyant encore ?
— Je ne le torture pas
— Si, crois-moi, tu le tortures
Ça fait des semaines, qu’il essaye de t’oublier, et il commençait à peine, vraiment à peine
à aller mieux, et PAN, tu réapparais, et tu fous tout en l’air en une seconde, et pour quoi ? un
déjeuner ?
Nina jeta un œil à Maria avant de reprendre
— Il va mieux s’il ne me voit pas ?
— OUI, lança Damien comme un cri du cœur
— D’accord,
Il n’entendra plus parler de moi
— Bien, dit Damien soulagé, sans demander plus. La chaleur humaine n’avait jamais été
son fort, mais il pour une fois, il avait parlé à Nina, longuement, laissant transparaître une
émotion, s’inquiétant pour son ami et souhaitant le protéger
C’était la première fois et ce serait sans doute l’unique fois où Damien lui parlerait autant
et sans détour
— Au revoir Nina, conclut-il satisfait de ce qu’il venait d’obtenir
— Au revoir Damien
Déstabilisée, Nina partit du pôle, pour essayer de retrouver une contenance.
Elle chercha, un endroit sans personne, et se retrouva dans les toilettes, où Maria, tentait
de faire la même chose qu’elle.
Elles se sourirent, comme elles purent, restèrent quelques secondes silencieuses, avant
que Nina n’enchaîne :
— Mauvaise matinée, hein ?
— Horrible répondit Maria
Il y a des jours comme ça
— Ils finiront par nous rendre folles, reprit Nina
Ce qui fit sourire Maria
— On partage un thé après le déjeuner ? demanda Nina
— Avec grand plaisir répondit Maria
Allez, on y retourne…

285
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle vérifia son reflet dans la glace, mit une main sur le bras de Nina, comme si elle savait
qu’elle avait besoin de courage et sortit.
Quand Nina la rejoint sur le pôle, la standardiste avait laissé un message comme quoi, un
beau jeune homme l’attendait à l’accueil.
Des nœuds dans le ventre, Nina descendit.
Elle vit Axel assis dans la longue entrée, qui reliait les différents accès aux escaliers, menant
aux pôles.
Nina, ne vit que ses yeux bleus porcelaines, elle le trouva beau effectivement, charmant
avec son manteau sur son jean, qui lui donnait un style distingué. Il ressemblait à Léonardo Di
Caprio, et elle eut l’impression d’être sur le Titanic de James Cameron avec le naufrage qui
approchait.
Ils se firent la bise, ce qui sonna faux, mais comme tout ce qui allait suivre.
En sortant, ils tombèrent sur Rodolphe, un des rares consultants avec qui Nina s’entendait,
ce dernier lui fit un beau sourire en lui tenant la porte, et lui dit :
— À tout à l’heure Nina
— Un de tes collègues de travail ? demanda, Axel alors qu’ils commençaient à marcher
dans la rue
Et Nina, par instinct, saisit la perche, sachant que ce qu’elle allait dire changerait tout,
définitivement.
Elle savait qu’il n’y aurait pas de retour en arrière possible. Que ses mots détruiraient tout,
mais elle les prononça :
— Mon nouveau petit ami
La bombe explosa.
Axel s’arrêta net, la dévisagea comme si elle avait été la pire des personnes qu’il n’ait jamais
vue.
Dans un dernier effort, elle soutint son regard, l’affrontement ne dura que quelques
secondes, mais il fut fatal.
Fatal pour leur couple, fatal pour leur histoire, fatal pour ce qu’ils avaient été l’un pour
l’autre.
Axel fit demi-tour, et sans un mot s’éloigna sans se retourner.

286
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nous avons joué,
Notre vie ensemble
Et puis un beau jour
La chance a tourné
On ne finira pas
La partie ensemble
Et chacun s’en va
Seul de son côté
The winner takes it all
The looser has to fall
Beside the history
That’s her destiny
Reprise Mentissa, Emma Peters, November Ultra,
The winner takes it all- ABBA

15

Juin 1999, Université Paris XII


Les oraux pour intégrer un DESS, se déroulait ce matin à l’Université de Créteil. Les places
étaient chères, et justement, cela conférait au diplôme sa valeur. Plus qu’en école de
commerce, où elle avait eu pendant un an l’impression de payer pour avoir son diplôme.
Les entretiens se déroulaient dans trois salles distinctes, il y avait un examinateur par salle,
qui décidait en quinze minutes qui rentrerait ou non en DESS, trois options, quinze places par
options. Nina était arrivée une heure en avance, exprès pour prendre la température. Adossée
au mur, en face de la salle, elle observait et écoutait discrètement mais sans perdre une
miette, tous les commentaires des étudiants qui sortaient de la salle, un à un. Et son
examinateur, ne remportait pas le prix de la bienveillance. La dernière étudiante qui venait de
sortir, s’était écriée :
— C’est un tueur… il m’a tuée

Après une nouvelle victime, l’examinateur sortit, et appela Nina. Une vingtaine de minutes
plus tard, Nina savait en sortant qu’elle avait de grandes chances d’être prise.
Elle se dirigea libérée d’un gros poids, dans le hall, là où l’effervescence se faisait moins
sentir que dans le couloir, alors qu’elle se dirigeait vers les portes pour sortir sur le parking,
une voix derrière elle l’appela :

287
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Nina ?

Elle se retourna étonnée car sa promotion était sortie depuis un an, elle ne connaissait plus
personne

— Louis ?

Louis assis sur un banc métallique, se leva se retrouvant face à Nina en deux enjambées,
étonné de la voir

— Tu as passé un entretien pour un DESS


— Oui Ressources Humaines et toi ?
— Gestion PME/PMI
J’ai fait mon service militaire l’année dernière, je n’ai pas pu avant et toi ?
— Avec Erasmus c’était trop tard, j’ai fait un an en école de commerce
Ton entretien s’est bien passé ?
— Oui, je pense et toi ?
— J’espère
— Tu rentres sur Vincennes ?
— Oui, tu veux que je te dépose sur la route

Ils se mirent en marche en direction de la voiture de Nina, toujours la même qui se trouvait
sur le parking.

Sur le trajet Louis osa demander :

— Et Axel, tu ne portes plus ta bague ?

Nina reçut cette question comme un coup de poing, la ramenant vers le passé en un instant,
elle s’efforça de ne rien montrer, de cacher son désarroi. Les yeux fixés sur la route, elle
répondit en choisissant ses mots, pour rester la plus évasive possible :

— Ça n’a pas fonctionné, nous nous sommes séparés

288
IL LUI AVAIT PROMIS…
Louis, ne répondit rien et attendit quelques secondes avant de demander

— Et l’auto-école ?
— Ça n’a pas fonctionné, nous nous sommes séparés arriva-t-elle à plaisanter
Louis rit,
— J’ai déménagé aussi ajouta Nina
— Et bien que de changements !
Ça veut dire que pour la première fois, nous sommes célibataires tous les deux en même
temps…

Enchaîna Louis rempli d’espoir…


*
L’année de DESS passa à une vitesse folle. Nina vivait dans le studio à côté de Florent et
Stéphanie qui occupaient le deux-pièces, et au premier étage se trouvait l’appartement de ses
parents. Monsieur Giredet venait à peine de commencer sa retraite bien méritée.
Florent quant à lui, avait réussi le concours du barreau et enchaînait la dernière ligne droite
du parcours du combattant avant de prêter serment.
La vie de couple avec Stéphanie se passait bien, même si cette dernière ne souhaitait pas
rester longtemps dans le deux- pièces, trop proche selon elle de sa belle-famille. Elle désirait
gagner en indépendance.
Elle avait, après de longs mois de recherche pénibles et difficiles, fini par trouver un emploi
comme assistante, dans un organisme sportif. Le couple n’allait pas tarder à se marier, après
que Florent soit devenu avocat.
Nina quant à elle s’était tenue aux objectifs fixés pour sa dernière année d’étude.
Elle avait planifié de faire des stages toute l’année pour explorer tous les domaines des
Ressources Humaines, elle qui n’avait vu qu’en école de commerce que l’intérim. Il lui
manquait l’administration du personnel, l’approche directe plus connue sous le nom de chasse
de tête, et l’audit en matière d’humain avec idéalement une entreprise victime d’un plan
social.
En rentrant en DESS, elle n’avait pas accroché avec sa promotion, comme à son habitude,
elle était restée en retrait, avait pris ses cours sans se lier avec les autres.
Elle retrouvait Louis régulièrement qui l’avait fait rejoindre son nouveau groupe d’amis, et
c’est donc avec eux qu’elle discutait ou sortait en soirée.
Nina partit en stage, un mois après la rentrée et découvrit comme elle le souhaitait
l’administration du personnel dans une entreprise, grossiste d’espaces publicitaires.
Rien de bien intéressant, les dossiers du personnel, la paye… elle valida que son intérêt se
porterait dans d’autres domaines.

289
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle se mit donc en recherche d’un deuxième stage devant se dérouler dans un cabinet de
chasse de tête, qu’elle ferait en parallèle de ses cours qui avaient repris.
Elle choisit un petit cabinet spécialisé dans le bâtiment, non loin de chez elle.
Florent et Stéphanie se fiancèrent. Le déjeuner réunit les deux familles dans un restaurant
parisien au joli cadre. Puis Florent, quelques semaines plus tard, devint officiellement avocat,
lors de sa prestation de serment, toute la famille se réjouit pour lui, et le docteur Giredet,
exulta de fierté.
Malgré ces moments joyeux et festifs, la famille depuis plusieurs mois remarquait que l’état
d’Henri Giredet se dégradait, il oubliait des choses, avait de petits accidents de voiture, perdait
en cohérence. Au printemps, il fut testé, et les tests révélèrent une démence type
« Alzheimer », la maladie de la mémoire.
Florent et Nina, ne réalisèrent pas tout de suite ce qu’impliquait ce diagnostic. Il avait fallu
qu’ils voient leur père s’enfoncer peu à peu pour se rendre compte.
Nina avait terminé officiellement ses cours de DESS, et fut recrutée pour son stage de fin
d’études, par une grande maison de couture française, avenue Montaigne.
Elle effectuait avec sérieux et bonne volonté chaque tâche confiée, et remplaça avec plaisir
et succès chaque personne du service partant tour à tour en congés.
À la mi-juillet, elle commença à rédiger son rapport de stage, qui aurait lieu en décembre
devant l’examinateur qui l’avait fait rentrer en DESS, et qu’elle avait choisi comme maître de
stage.
À deux pas des Champs Elysée à la fin juillet, elle devait sortir de l’entreprise pour aller
acheter une cartouche d’encre, et alors qu’elle marchait sur la plus belle avenue du monde,
alors qu’une foule de touristes allaient et venaient dans les deux sens, elle vit émerger au loin
un couple, qui se tenait par la main et se rapprochait dangereusement :
Axel et Hélène, c’était Axel et Hélène.
Cette vision la percuta comme une voiture et de plein fouet…
Axel et Hélène en une fraction de seconde se retrouvèrent devant elle.
Axel et Hélène main dans la main.
Axel et Hélène, devant elle en chair et en os, Axel et Hélène, la pire vision qui soit.
Combien de temps avait-il fallu à Hélène pour prendre sa place ? Comment Hélène avait-
elle pu prendre sa place ?
Elle était finalement arrivée à ses fins, « mon meilleur ami » se souvint-elle dans sa tête, tu
parles.
Nina, en état de choc ne sut même plus qui amorça le dialogue, les mots lui sortirent de la
bouche comme si elle était spectatrice de la scène et non actrice.
— Je travaille à côté pour valider mon DESS. J’étais venue chercher une cartouche d’encre
pour mon rapport de stage
Et puis plus rien, Nina n’entendit plus rien. Elle regardait Axel, et Axel la regardait.
Nina retrouva ses yeux bleus, son regard qu’elle aimait tant.
290
IL LUI AVAIT PROMIS…
Avec son T-shirt blanc, il était plus musclé qu’auparavant.
Plus grand qu’Hélène, châtain clair alors qu’elle était brune et potelée, leur couple n’était
guère assorti.
Nina regarda leurs mains unies, et Axel qui se raccrochait à Hélène comme à une bouée de
sauvetage, sans laquelle il allait se laisser emporter dans un tourbillon qu’il ne maîtrisait pas.
Axel regardait Nina également, le silence resta pesant, rempli d’énormément de bruits.
Profond et déstabilisant pour chacun.
Le temps s’était arrêté. Une scène de cinéma, où les projecteurs restaient braqués sur eux.
La foule qui se pressait sur les Champs-Elysées n’existait plus.
Hélène sentit l’intensité qui se dégageait entre eux, contre laquelle elle ne faisait pas le
poids et finit par lâcher la main d’Axel disant :
— Je vais vous laisser quelques instants
— NON, lança Axel alors qu’Hélène s’éloignait
Il se passa quelques secondes sans savoir quoi dire, sans savoir quoi se dire. Nina le trouva
changé, comme ayant vécu mille vies.
— Tu sais, je n’ai jamais oublié ton anniversaire, dit-elle simplement
— Moi non plus, répondit-il
— Tu es toujours dans ta double vie ?
Il répondit par un hochement de tête
— Je suis heureux pour ton DESS se contenta- t-il de dire gêné, aussi mal à l’aise qu’elle
— Je vais y aller, prends soin de toi conclue- t-elle n’en pouvant plus
— Oui, toi aussi
Et Nina fuit à tout allure sans se retourner, n’ayant qu’une idée en tête, mettre le plus de
distance possible entre Axel et elle.
Elle revint au sein du service Ressources Humaine bouleversée, ses collègues, le virent :
— Que se passe-t-il Nina ? demanda une des assistantes, en la prenant à part
— Je viens de croiser mon ex, répondit-elle comme une confession, alors que ça n’était
absolument pas son genre de se confier dans le cadre professionnel
— Et bien cela vous a complètement retournée
Nina ne répondit pas, tachant de se ressaisir, en vain.
Elle passa toute la journée à se repasser la scène dans sa tête, à revoir la main d’Axel dans
celle d’Hélène.
Comment avait-il pu ? comment avait-elle pu ?
Elle ressentit cela comme un coup de poignard, une trahison. Combien de temps leur avait-
il fallu, avant de tomber dans les bras l’un de l’autre ?
— C’est mon meilleur ami disait Hélène, en parlant d’Axel

291
IL LUI AVAIT PROMIS…
Pff ! depuis combien de temps, le désirait-elle secrètement ?
Elle avait attendu patiemment leur séparation, sans doute à la souhaiter, à l’espérer, tapie
dans l’ombre, comme un vautour guettant sa proie.
Et lui, comment avait-il pu aller avec elle. La remplacer, si vite et si facilement ?
Après tout ce qu’ils s’étaient dit, après tout ce qu’ils avaient vécu, s’étaient promis. Tout
avait-il été si facile à balayer ?
Oui, elle lui avait brisé le cœur, elle le savait, elle s’en était assez voulu comme ça, l’avait
suffisamment regretté. Elle expiait à cet instant.
Elle n’était pas bien à l’époque, elle pensait qu’ils se retrouveraient plus tard.
Elle avait tort.
Il lui avait fallu peu de temps pour se consoler finalement, peu de temps pour l’oublier dans
les bras d’une autre. Et quelle autre …
*
Pendant de longues semaines, Nina ne pensa qu’à appeler Axel.
La courte rencontre sur les Champs Elysées avait réveillé beaucoup de souvenirs et de
regrets.
Peut-être aussi sans doute de la jalousie de voir Axel avec Hélène. Et s’il y avait de la
jalousie, c’est que des sentiments demeuraient.
Elle avait souvent relu ses lettres, regardé les photos des voyages, écouté leurs petites
musiques, il y en avait tant… Et ces dernières permettaient de remonter le temps
systématiquement et instantanément.
Et puis, un soir elle se décida à appeler Axel chez lui, pour parler. Elle en avait besoin.
Que risquait-elle ?
Au pire, il raccrocherait.
Elle habitait désormais le deux pièces, Florent et Stéphanie avaient déménagé. Dans le
salon, près de la télé, se trouvait le coin téléphone, avec l’appareil fixe, qui faisait répondeur
et une chaise, sur laquelle elle pouvait s’asseoir si elle le souhaitait et noter des messages.
C’était encore l’époque où les téléphones fixes cohabitaient avec les téléphones portables.
Elle composa le numéro fixe d’Axel, celui chez sa mère, sans être sûre qu’il s’y trouverait.
Une sonnerie, deux, à la troisième il décrocha :
— Allo
— Allo, Axel, c’est Nina ; ne raccroche pas
Blanc
— Qu’est- ce que tu veux ? lui lança t’il sèchement
— J’aurais aimé te voir, te parler
Blanc

292
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Je ne suis pas sûr d’en avoir très envie,
Les mots frappèrent Nina comme un uppercut, et elle prit quelques secondes pour
répondre
— Te voir avec Hélène sur les Champs… elle ne termina pas sa phrase, enchaînant
Tu me dois bien ça
Blanc
— Je vais réfléchir
— Juste parler, enchaîna-t-elle soulagée qu’il n’ait pas répondu qu’il ne lui devait rien du
tout
— Je verrai si je te rappelle ou pas
Au revoir Nina
Et Axel raccrocha, pour se protéger ? pour s’échapper ? pour réfléchir ?
À quoi ? Pourquoi ?
Avait-il à ce point changé avec sa double vie ? N’était-elle plus rien pour lui désormais ?
Il avait été si froid, si distant pendant ces quelques minutes. Elle se dit que c’était sa faute,
qu’elle lui avait brisé le cœur, et qu’il ne reviendrait sans doute pas.
*
Plusieurs mois passèrent après cet appel. Nina termina son stage, passa sa soutenance, puis
rentra dans la vie active.
Elle changea trois fois d’entreprises, essayant les petites, puis les grandes avant de
continuer dans une moyenne.
Le passage à l’an 2000 eut lieu et la terre continua de tourner, contrairement à tout ce qui
avait été annoncé, et l’année 2001 lui succéda.
En parallèle Nina avait postulé dans son Université, pour être chargée de TD et devait
commencer en février ses premiers cours.
Avec Lara, elles étaient parties se ressourcer à Punta Cana, en vacances et avançaient
chacune professionnellement dans leurs vies.
Côté sentimental, elle avait des aventures avec des hommes qui croisaient sa route
professionnellement majoritairement, mais sans rien construire de sérieux.
Gladiator, le film de Ridley Scott, avait remis au goût du jour les péplums, et elle avait été
le voir quatre fois tant elle l’avait aimé.
Elle regardait également la série Alias, qui portait sur des espions et trouvait que le héros
masculin joué par Michael Vartan ressemblait étrangement à Axel, une façon de continuer à
le voir par transposition.
Sa vie de nouveau s’équilibrait, lorsqu’un soir, alors qu’elle était par chance chez elle, le
téléphone sonna.
— Allo

293
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Allo Nina, c’est Axel
Blanc
Tu es là ?
— Oui, je ne m’attendais plus à t’entendre
— Tu avais proposé qu’on se voit…
Blanc
Je peux vendredi soir, si tu es disponible ?
— Oui, répondit Nina stupéfaite,
— À 20h ?
— Oui, elle se ressaisit, souhaitant donner toutes les informations nécessaires pour que
cette entrevue ait vraiment lieue
Le code est 97A13
Puis, il faut sonner au 003, je suis dans le deux pièces maintenant
— C’est noté
Je te dis à vendredi, alors
— Oui
— Au revoir
— Au revoir
Nina raccrocha et resta sur sa chaise, à côté du téléphone, sans voix, estomaquée, ayant
du mal à croire que ce qui venait de se passer était réel…
Axel revenait… Ils allaient pouvoir renouer, se retrouver… enfin
Leur histoire allait reprendre là où elle s’était arrêtée, comme si rien n’avait changé, comme
si rien n’était arrivé.
Un nouveau départ.
On efface le passé, les erreurs, les douleurs et on repart à zéro. Table rase du passé, une
page se tourne, un nouveau chapitre commence.
En tout cas, c’est ce qu’elle voulait croire.
*
Lorsqu’elle revit Axel, Nina se sentie étrangement complète, comme ci, elle retrouvait une
partie d’elle-même.
Axel avait pris en carrure, en prestance également. En jean et chemise bleu clair, il portait
une veste en cuir, et son casque de moto à la main.
Elle le fit entrer, timidement et pudiquement, ils ne se firent pas la bise, se contentant de
se dire bonsoir. Nina accompagna Axel au salon, et il s’assit sur le canapé.
— Tu veux boire quelque chose lui proposa-t-elle

294
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Pas pour l’instant
Tu es bien installée
Ton frère est parti ?
— Oui, avec Stéphanie, ils se sont installés dans le quinzième
Ils sont mariés maintenant, et attendent leur premier enfant
— C’est bien, je suis content pour ton frère
— Et ta mère ? comment va-t-elle ?
— Ça va, ça va
— Et ton père ?
— Toujours à Lyon, avec sa femme, il s’est marié lui aussi
Et toi, ta mère ? ton père ?
— Ils vont bien
On a perdu mon grand-père aussi, reprit-elle pour changer de sujet
— Je suis désolé
Ça a dû être bien difficile
— En effet
Et pour la première fois, Axel mit sa main sur celle de Nina, un court instant pour la
réconforter.
Il travaillait pour la même entité que toi
En tout cas on le soupçonne.
Mais haut placé, dans les bureaux
— Je veux bien boire un verre finalement, lança-t-il pour changer de sujet
Ils se levèrent, allèrent dans la cuisine. Axel regarda Nina, alors qu’elle le précédait, elle le
sentit, et elle le regarda également dans la cuisine alors qu’elle lui proposait ce que contenait
son frigidaire.
Il avait toujours eu de longues jambes, et sous les spots de la cuisine ses yeux bleus
étincelaient
— Tu travailles toujours près des Champs ? lui demanda-t-il, alors qu’elle attrapait des
verres
— Non, ce n’était qu’un stage.
Après j’ai enchaîné les entreprises, petites, grandes, maintenant moyenne, je suis
responsable de vingt personnes en prestation de services dans le domaine bancaire
Et en parallèle je suis chargée de TD à l’université
Elle lui tendit son verre, et but une gorgée du sien en le fixant.
— C’est bien, c’est ce que tu voulais faire

295
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Et toi ? qu’est-il arrivé à Lady Di finalement ?
Il la regarda, ses yeux pétillants, sourit, prit à son tour une gorgée avant de répondre
— On ne sait toujours pas ce qui s’est réellement passé
Ils se regardèrent, avec une complicité retrouvée tout à coup.
Ils regagnèrent le salon, elle sentit de nouveau son regard sur elle. Il faut dire qu’elle avait
mis tout ce qu’il appréciait. Une petite robe noire, des bas en dessous, des talons, qu’il aimait
tant, et elle le savait parfaitement.
Ils reprirent leurs places respectives sur le canapé
— Et Hélène ? se contenta-t-elle demander sans rien ajouter de plus
— Hélène ? reprit-il en laissant planer son prénom
— Oui, Hélène, ta meilleure amie devenue ta petite amie, reprit-elle avec sarcasme
— Hélène te dit bonjour… plaisanta-t-il, comme pour jouer avec les nerfs de Nina, avant de
reprendre plus sérieusement
Ça n’a pas fonctionné entre nous
Elle ne répondit pas, mais fut soulagée de l’entendre. Lui n’ajouta rien de plus, il savait que
ça la contrariait, Il la regarda, amusé, fixement avec son regard bleu perçant, profond. Elle
soutint son regard, de ses yeux verts félins.
Cela dura un bref instant, ils se défièrent intensément juste par les yeux, se dirent plein de
choses en silence.
En un éclair, ils se rapprochèrent, se jetèrent l’un sur l’autre et s’embrassèrent,
passionnément, rageusement.
Elle vint sur lui, le désir était grand, longtemps contenu. Il explosa.
Ils firent l’amour dans le salon, sans même se déshabiller totalement ; puis dans la
chambre, le reste de la nuit, insatiables l’un de l’autre.
*
La nuit fut courte, avant de partir, Axel donna son numéro de portable à Nina, il le nota sur
un Post It :
François Perrin
06 20 85 97 07
— François Perrin ? demanda-t-elle étonnée
— C’est mon nom d’emprunt
— Ravie, de vous rencontrer François Perrin lui dit-elle en l’embrassant avant qu’il ne parte
Nina, pendant longtemps fut sur son petit nuage, heureuse d’avoir retrouvé Axel.
La relation reprit mais différemment.
Ils se virent peu. Chacun pris par son travail.

296
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nina, s’épanouissait dans son activité professionnelle, réussissant à développer son
activité, son département passa de vingt à quatre-vingt personnes, en moins de six mois. Elle
assura également ses cours à la fac et y prit beaucoup de plaisir.
Axel donnait peu de nouvelles.
Elle prit l’habitude du silence, de la distance.
L’attente qu’il revienne vers elle, et il finissait toujours par revenir. Par contre, il n’était plus
l’Axel romantique, qu’elle avait pu connaître dans le passé. Il avait changé.
La grand-mère de Nina avait déménagé, et était venue s’installer près de sa fille.
Le docteur Giredet avait des changements d’humeurs parfois étranges, non expliquée, il
oubliait où il avait mis ses clés ou égarait des choses, pour la première fois, il eut un accident
de voiture sans gravité pour la première fois de sa vie.
Axel commença à envoyer des textos érotiques à Nina parfois.
Elle se demanda s’il ne la prenait pas que pour un fantasme, s’il ne voulait pas la punir de
la rupture passée.
Et puis, ils se retrouvaient de nouveau, et leur complicité balayait tous les doutes, toute la
distance avant que tout ne se répète à nouveau.
L’été arriva, avec lui, les vacances, l’un sans l’autre. Nina passa quelques jours à Deauville
avec ses parents. Son père la gâta énormément, comme pour se racheter des sautes d’humeur
qu’il avait pu avoir auparavant parfois contre elle.
Louis fit un saut avec ses amis, et ils passèrent tous une soirée ensemble.
Nina ne se laissait pas séduire par Louis ou ses amis, qui tentaient leur chance
régulièrement. Elle recommençait à dire qu’elle était fiancée, se forçant à croire que rien
n’avait changé avec Axel.
Au retour des vacances, il reprit contact
— Disponible ce soir, pour venir chez moi ?
Pour la première fois, il lui proposait de venir chez lui. Ils s’étaient toujours vus chez elle.
Il habitait désormais un logement de fonction, qu’il tenait secret.
Tout dans sa vie d’ailleurs désormais était secret. Il lui donna donc rendez-vous le soir dans
une rue, à proximité de son appartement sans doute, mais sans lui révéler l’adresse.
Nina, pour ces retrouvailles, revêtit tout ce à quoi Axel ne pourrait résister, une robe assez
courte, sous un long manteau noir en tissu, puis elle s’attacha les cheveux en queue de cheval
Elle savait l’effet qu’elle avait sur lui physiquement. Elle en jouait.
Elle gara sa voiture, lui envoya un sms lui disant qu’elle était au point de rendez-vous. Elle
descendit de sa voiture, et elle ne le vit pas arriver derrière elle
— Bonsoir Nina, lui dit-il alors qu’il était dans son dos
Je vais devoir te cacher les yeux
Je n’ai le droit d’amener personne ici

297
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Alors pourquoi le fais-tu demanda t’elle sans se retourner ?
— Parce que j’ai envie que tu voies où je vis
Tu es prête ?
Je vais juste mettre mes mains sur tes yeux
Et Axel mit une main sur les yeux de Nina la guidant en parallèle par le bras.
Elle se crut dans un film d’espionnage où elle aurait été tentée de compter le nombre de
pas, d’écouter les bruits aux alentours, sur le trajet, pour retrouver l’immeuble, et se laissa
guider. Axel composa un code et la fit entrer dans le hall d’un immeuble ancien.
Il enleva sa main, et elle put voir ce qui l’entourait. Ils montèrent au troisième étage par un
escalier ; puis il ouvrit la porte d’un appartement.
L’appartement donnait immédiatement sur le salon, avec une cuisine à l’américaine, une
immense bibliothèque, un canapé en cuir marron et des poufs.
Le désordre y régnait.
— Entre, assied toi…
Tu veux boire quelque chose ?
Nina s’assit sur le canapé, gardant son manteau, Axel se dépêcha de mettre un peu de
musique ; puis remplit deux verres, en tendit un à Nina, avant de s’installer sur un des poufs,
loin d’elle.
La musique remplissait le vide, aucun d’eux ne parla.
— C’est tout ? finit-elle par demander
Il la regarda de son regard azur interrogatif
Tu me fais venir ici, tu me bandes les yeux, tu te mets à un kilomètre de moi, et tu ne me
dis pas un mot ?
— Pardon, je pensais juste à ce qui se passerait si on apprenait que tu étais là
— C’est si impensable ?
Il n’y a pas de femme dans les services secret ?
— Si
On utilise beaucoup de prostituées également
— Si quelqu’un arrive, tu pourras dire que j’en suis une
Elle posa son verre, se leva, enleva son manteau, décidée à le provoquer. À le faire réagir,
à le faire se rapprocher d’elle, au moins physiquement.
Elle se mit devant lui, il était toujours sur le pouf, et il avait ses jambes à sa portée.
Il mit une main sur sa jambe, ne pouvant résister, remonta, arriva sur son bas, puis continua
sur sa peau avant d’arriver à sa fesse.
Nina, lui laissa peu de répit, elle vint se mettre sur lui, commençant à l’embrasser et à
bouger sur lui.

298
IL LUI AVAIT PROMIS…
Le désir monta vite, les baisers, furent plus intenses, que les mots.
Il la toucha sur ses vêtements d’abord, puis passa ses mains dessous.
Il retrouva sa peau. Ils continuèrent à se dévorer, à s’exciter, mutuellement, ne pouvant
s’arrêter. C’était comme une libération, d’une retenue contenue trop longtemps.
Axel interrompait ce rythme fou juste pour regarder au fur et à mesure Nina, en la
déshabillant.
La regarder… juste la regarder lui faisait de l’effet.
Il avait toujours aimé la contempler, elle le rendait fou.
Elle avait toujours eu sur lui ce pouvoir, un envoutement, une attraction inexplicable, une
évidence de deux corps qui s’attiraient, qui s’appartenaient, qui fusionnaient.
Ils firent l’amour, passionnément, éperdument, avidement…Il y avait toujours de l’amour
entre eux, même si aucun d’eux désormais ne voulait l’avouer à l’autre.
*
11 Septembre 2001
Nina sortit de l’immeuble Haussmannien dans le 8eme au petit matin après y avoir passé
la nuit avec Axel. Le calme envahit la rue déserte qui n'allait pas tarder à se réveiller. Axel au
retour, la laissa partir seule.
Elle devait regagner son appartement rapidement pour se doucher, se changer, et aller
travailler.
En milieu de matinée, des bruits sur un avion aux Etats Unis, se firent entendre.
Au bureau, personne ne comprit réellement ce qui se passait. Nina en fut d'autant plus
éloignée, que sa belle-sœur Stéphanie accouchait ce jour-là.
Florent et elle s’apprêtaient à accueillir leur premier enfant la petite Camille à cette date
qui resterait gravée dans les mémoires.
Nina avant de pouvoir se rendre à la maternité devait voir plusieurs candidats notamment
un pour la deuxième fois qui devait être présenté à un client.
Nina l'accompagna à l'entretien comme le voulait la tradition et sur le trajet du retour, le
candidat voulut l'inviter à dîner sans dissimuler ses intentions

— Je ne peux pas accepter, il n'est pas bon de mélanger le professionnel et le personnel


— Pour vous soulager, Nina, je n'ai pas l'intention d'accepter le poste, on m'en propose un
autre. Je ne suis venu que pour vous revoir et vous proposer de sortir avec moi
— Et bien, je suis flattée, bien que j'aie perdu mon temps, mais je ne peux toujours pas.
— Pourquoi ?
— Regardez, je porte une bague à la main gauche
— Et alors ?

299
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Vous ne savez pas ce que ça veut dire ?
— Non, j'avoue
— Je suis engagée avec quelqu'un
— Et vous n'êtes pas prête à vous désengager ?
— Non, répondit Nina en riant

Le candidat finit en arrivant devant l'immeuble du bureau de Nina, par accepter sa défaite,
avec regrets, il laissa Nina remonter et partit de son côté vers d'autres aventures.
En entrant dans l'appartement transformé en bureau, la standardiste demanda des
nouvelles

— Perte de temps, il ne veut pas du poste


— Pourquoi est-il venu alors ?
— Pour moi soi-disant, pour m'inviter à sortir avec lui
— Quel succès ! Tu as accepté
— je lui ai dit que j'étais fiancée, heureusement que je porte mes bagues à la main gauche,
ça rend le mensonge plus crédible
— Il était pourtant charmant, tu aurais dû dire oui
— Je penserai à toi la prochaine fois plaisanta Nina
Des nouvelles pour les États Unis
— Ça continue à faire le buzz et tu as eu un appel d'un certain François Perrin qui n'a pas
laissé de message
— Très bien, merci, je vais finir et je me sauve voir ma nouvelle petite nièce.

Nina arriva dans son bureau, retourna l'appel sans succès, boucla son compte rendu avant
de se mettre en route pour la maternité.
Avant de rentrer dans la maternité, garée sur le parking, elle retenta de joindre Axel alias
François Perrin, qui décrocha, paraissant affairé

— Je ne vais pas pouvoir te voir ce soir Nina,


— C’est en lien avec ce qui se passe, je suppose ?
— Oui, c’est de la folie,
On les avait prévenus pourtant…
Ils n’ont pas voulu nous croire
Les Etats- Uni… ils se pensaient invulnérables, plus forts que tout…

300
IL LUI AVAIT PROMIS…
Mais là, ça vient de changer
Tout va changer…
Il faut que j’y aille
Je te rappelle quand je peux…

Et Axel coupa, laissant Nina, sur le parking de la maternité, à des années lumières de ce
qu’il était en train de vivre.

*
Deux mois plus tard, au bureau, la charge de travail augmentait, les besoins en recrutement
des entreprises clientes ne cessaient de croître.
Le directeur de la filiale reconnut les compétences exceptionnelles de Nina.
Le hasard fit qu’après avoir publié une annonce pour pourvoir un de ces postes ouvert en
recrutement, Nina un matin reçut un appel d’un consultant proposant son aide pour le poste.
Elle n’eut pas le temps de saisir son nom, ni celui du cabinet pour lequel il travaillait, le
commercial habile, allait vite pour ne pas laisser l’opportunité au démarché de dire non.
Lorsqu’après avoir raccroché, le mail de contact arriva, elle reconnut avec horreur, le nom
du consultant qui l’avait traité de « stagiaire indécente » dans le cabinet où elle fit son stage
en école de commerce.
Tous les mauvais souvenirs, lui revinrent alors en mémoire.
Les altercations avec lui tout au long du stage, ses réflexions insultantes gratuites, et son
hostilité constante.
Elle réfléchit un instant, puis répondit au mail :
— Je n’avais pas saisi le nom lors de l’appel téléphonique,
Mais en le voyant écrit, je vous confirme que ni l’entreprise
Que je représente, ni moi ne souhaitons travailler avec vous
Elle resta simple, sans entrer dans les détails, essayant de ne pas donner plus d’intérêt à ce
cet appel, qu’il n’en méritait.
Quelques instants plus tard, Maria l’appela.
Elles devinrent amies alors que Nina terminait son stage dans le cabinet.
Finalement, elles possédaient plus de choses en communs qu’une histoire d’amour
douloureuse.
— Ton mail a fait effet commença-t-elle à avouer dès que Nina décrocha
— Pourtant, je suis restée professionnelle et courtoise
— Il a fait le tour des plateaux avec, le lisant et t’insultant au passage
— Comment ?
301
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Il a mis un commentaire dans la base également
Ancienne stagiaire de m… qui se croit toute puissante
Ne mériterait que d’être sautée et humiliée
— Mais il est fou !
— Il est venu me parler avant
Me demandant ce que voulait dire ton mail
Je lui ai dit que c’était plutôt clair et qu’il laisse tomber
Et puis, il est parti en vrille
Nina furieuse, n’arrivait plus à répondre à Maria, et la laissa, la remerciant de l’avoir mise
au courant.
N’ayant plus les idées claires et voyant rouge, elle renvoya un mail au consultant ;
— Chante et calomnie
Tes mots ne resteront pas impunis
« Ancienne stagiaire de m… qui se croit toute puissante
Ne mériterait que d’être sautée et humiliée »
Salutations à ta direction
Aveuglée par sa rage, Nina ne pensa pas aux conséquences qu’un tel mail aurait sur Maria.
Et cela se confirma à peine quinze minutes plus tard, Maria rappela
— Nina, qu’est-ce que tu as fait ? je suis convoquée par le directeur ?
— Je suis tellement désolée Maria, j’ai vu rouge
— Je vais me faire renvoyer…
Je n’avais pas le droit de divulguer des informations sur la base
— Ils ne savent pas que ça vient de toi ?
— Si… Ils savent
— Ils ne pourront pas le prouver
— Tu crois que ça va les empêcher de me renvoyer
— Je te trouverai un autre poste
Tu voulais changer de toute façon
— Oui mais enfin… pas comme ça
— Je vais essayer de tout arranger Maria
— C’est ça ! répondit Maria qui n’y croyait pas
— Je vais essayer, je te rappelle
Mal, se sentit très mal.

302
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle passa en revue les postes qu’elle avait à pourvoir
Elle pouvait proposer à Maria, un nouveau travail mieux rémunéré, mais cela ne semblait
pas la tirer d’affaire, et Nina s’en voulait terriblement.
Maria allait payer son emportement, alors qu’elle n’avait rien fait d’autre que l’aider.
Si elle pouvait faire disparaître ce mai ? Si elle pouvait l’effacer… peut-être que ça aiderait
Maria.
Elle n’avait eu que très peu de nouvelle d’Axel depuis le 11 septembre.
Pourrait-il faire quelque chose ?
Effacer le mail ?

Il n’y aurait plus de trace. Maria ne serait plus inquiétée.


Elle pesa rapidement le pour et le contre de le contacter.
Reprendre contact, faire le premier pas, aller encore vers lui…
Était-ce une bonne idée ?
Depuis deux mois, elle subissait le silence d’Axel,
Habituée à rester silencieuse à attendre qu’il revienne vers elle, à la merci de son bon
vouloir.
Il revenait d’ailleurs toujours.
A quel prix ?
Le silence, les doutes…
Qu’était devenu leur relation désormais ?
Défendre son amie l’emporta,
Elle avait commis une erreur, elle devait la rattraper.
Elle se décida à appeler Axel, cela lui coutait, mais elle prit sur elle.
— C’est moi dit-elle lorsqu’il décrocha
J’ai fait une erreur…
Est-il possible de faire disparaître un mail déjà envoyé ?
De l’annuler, de l’effacer complètement du système ?
— Oui c’est possible mais…
Il faut des autorisations pour ça, répondit Axel,
— Ce n’est pas possible alors ?
— Non, pas facilement
Nina voyant son seul espoir s’envoler, resta silencieuse, déçue
— Ça va sinon ? demanda Axel

303
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Si on veut répondit Nina, qui s’en voulait d’avoir appelé, d’avoir cédé et pour rien
— Ça me fait plaisir de t’entendre reprit-il
Elle ne répondit pas
Il enchaîna
— Ça n’a pas l’air d’aller fort
Je pourrais venir déjeuner avec toi ?
— Tu pourrais oui, mais tu ne dois pas avoir le temps
— La semaine prochaine… Jeudi ? à ton bureau ?
Nina n’en crut pas ses oreilles.
Finalement, il sortait du bon de tout ça…
Elle allait pouvoir revoir Axel.
Nina raccrocha, et retourna à la gestion de ses dossiers.
Elle rappela Maria pour lui offrir un nouveau poste.
Elle ne répondit plus jamais à ses appels.
*
La semaine d’après, Nina faisait passer un entretien à un candidat pour la seconder.
Elle n’arrivait plus à faire face seule.
Son directeur parti, un nouveau prit la relève, avec qui Nina ne s’entendit pas du tout.
Après le départ du candidat, alors que Nina tapait son compte rendu, elle fut prévenue par
la standardiste que François Perrin l’attendait à l’accueil.
Axel continuait donc d’utiliser son nom d’emprunt.
Elle s’assura d’être jolie, et comme une provocation, regarda sa bague de fiançailles restée
depuis une éternité dans sa boîte, qu’elle avait pris avec elle, pour lui envoyer un signe.
Pourquoi ? Elle ne le savait même pas.
Peut-être pour se convaincre que leur histoire ne s’inscrivait pas que dans le passé.
Qu’elle avait toujours un avenir…
Que les promesses perduraient…
Elle ne mit pas la bague.
Elle se contenta de la laisser pour le moment dans son sac, avant d’aller à la rencontre
d’Axel.
Ils sortirent rapidement, sous le regard insistant de la standardiste
Les bureaux proches de la gare Saint Lazare, et du boulevard Hausmann ne manquaient pas
de lieux pour déjeuner.

304
IL LUI AVAIT PROMIS…
Axel et Nina marchèrent au grès des rues, dans la foule, se racontant quelques banalités
d’usage
— Comment vas-tu ?
— Tu as l’air en forme
Arrivés dans un petit restaurant que connaissait Nina, ils enchainèrent sur le registre plus
personnel des parents, de la famille, la nouvelle petite nièce de Nina
Puis sur le professionnel, Axel resta très discret mais demanda à Nina des précisions sur
cette histoire de mail à effacer. Elle lui raconta toute l’histoire.
— Et depuis, Maria ne me rappelle plus
— Tu as fait tout ce que tu pouvais répondit-il
— Je m’en veux encore
— C’est humain parfois de se laisser emporter
Il semblait fatigué, presque las, et résigné.
— Tu as l’air fatigué
— Oui se contenta-t-il de répondre
Nina sentant bien, qu’il ne pouvait pas parler de ce qu’il vivait, de sur quoi il travaillait. Elle
ne savait plus quoi faire, pour qu’il s’ouvre un peu à elle.
— Sinon, j’ai commencé mes cours à la fac…
Il reçut un appel, décrocha, et se mit à l’écart quelques instants s’excusant de la tête.
Nina ne sachant plus quoi penser de leur relation, se décida à sortir et mettre sa bague de
fiançailles.
Elle tentait…verrait bien sa réaction… et Elle saurait
Axel revint
— Je dois filer ; dit-il en se rasseyant quelques instants
— J’avais compris
Il la regarda, sans rien ajouter de plus, baissa les yeux, et vit sa main gauche, la bague, sa
bague...
Il lui prit alors la main, la regarda, la caressa avant de dire simplement
— Elle te va toujours aussi bien
Puis il se leva, se pencha pour l’embrasser et partit en un éclair.
Elle resta là, seule, ne sachant quoi penser.
Que voulait-il dire par
— Elle te va toujours aussi bien ?

À son retour, la standardiste ne put s’empêcher de la prendre à partie, lui disant :

305
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Tu les trouves où tous ces hommes ?
Ils sont plus charmants les uns que les autres…
S’il y en a un qui ne te plaît pas.
— Je penserai à toi… termina Nina en regagnant son bureau
Amusée, elle s’assit devant son ordinateur, et se prit les quelques minutes qui restaient
avant quatorze heures, pour aller regarder d’autres modèles de bagues de fiançailles, les
tendances d’aujourd’hui.
*
Trois jours plus tard, le candidat qui postulait pour être son adjoint rencontra le directeur.
Il passa voir Nina après son entretien
— Ça s’est bien passé, je crois, j’ai montré à quel point j’étais intéressé et motivé par le
poste
Quand pensez-vous que j’aurais une réponse
— Assez rapidement, j’ai vraiment besoin d’aide
— Si cela peut vous intéresser, j’organise une soirée samedi, comme je vous l’avais
expliqué…Si cela vous tente de venir, il y aura tout le gratin parisien…
La voyant hésiter, il enchaîna
Ce n’est pas de la drague, ma fiancée sera là également… Cela vous permettrait de faire
une pause et de voir autres choses que les banques
— Je verrai, je ne vous promets rien
Une fois le candidat parti, le directeur vint dans le bureau de Nina.
Il s’avachit sur les chaises qui entouraient la petite table ronde, où Nina faisait passer les
entretiens, occupant tout l’espace, sans gêne, ni retenue et proclama
— J’ai détesté ce candidat, il sait tout, a tout vu, tout fait
Il est prétentieux, ce n’est pas du tout ce qu’il nous faut
— Il a un profil commercial, il vaut mieux être sûr de soi dans ce métier
— De la tchatche, c’est tout ce qu’il a,
— Pourquoi ? non, il a un portefeuille clients, ça pourrait nous ouvrir des portes pour des
marchés,
— Du vent, c’est du vent, il n’a rien du tout
Il vous a tapé dans l’œil parce qu’il est beau gosse
— Pas du tout, qu’insinuez-vous ? Répondit Nina énervée
— Rien, dit le directeur en se levant
En tout cas pour moi, c’est niet, lança- t-il avant de quitter le bureau
Nina mit un long moment avant de se calmer. Décidément, elle ne supportait pas cet
homme. Travailler avec lui, allait relever de la mission impossible.
306
IL LUI AVAIT PROMIS…
Elle chercha à joindre François alias Axel, qui ne répondit pas.
Quelques minutes après, elle reçut un SMS
— Je ne t’aime pas
Restons- en là
Sa première réaction fut la colère.
Elle se demanda l’espace d’un instant pourquoi je ne t’aime pas et non je ne t’aime plus ?
Et puis le trop plein, l’énervement l’envahirent.
Cela commençait à bien faire.
Axel lui faisait sans doute encore payer la rupture passée, il était devenu dur, distant, il
avait changé… Tant pis.
Lasse et vexée, elle finit par répondre :
— Ça tombe bien, moi non plus
Sors de ma vie une fois pour toute, et ne reviens plus
Elle se décida à appeler le candidat pour lui annoncer qu’il n’avait pas le poste et en même
temps pour lui dire qu’elle acceptait son invitation à la soirée qu’il organisait.
Après tout, rencontrer le tout Paris, ne lui ferait pas de mal.
Elle se changerait les idées.
Pour tourner la page, elle renvoya sa bague de fiançailles à Axel, à son appartement de
fonction.
Cette fois, tout était bel et bien fini.
*
Septembre 2002
Un an s’écoula, riche en événements.
En allant à la soirée du candidat évincé, Nina rentra dans le cercle fermé de la jet set
Parisienne.
Elle n’eut de cesse de sortir rencontrant énormément de gens différents : des aristocrates
pour la plupart, dont Sylvain, qui l’amusa beaucoup, et avec qui elle alla partout, au bout des
nuits pour oublier ses peines passées, et pour s’oublier elle-même.
L’’état de son père, le docteur Giredet se dégrada.
Le diagnostic démence type Alzheimer tomba.
Le docteur Giredet, savait ce que cela signifiait et allait engendrer pour sa femme.
Tous les deux pleurèrent beaucoup.
Henri demanda à sa femme, de faire de son mieux et de le placer quand elle n’en pourrait
plus.
Cette dernière s’y refuserait toujours.

307
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nina ne réalisa pas vraiment au début, son père le masquait bien, puis au fil du temps, elle
se rendit compte qu’il partait peu à peu.
Côté professionnel, elle ne resta pas dans l’entreprise de prestation de service.
Le nouveau directeur eut raison d’elle.
Au bout de quelques mois, leur mésentente atteignit les sommets, rendant toute
collaboration impossible.
Nina lança alors son cabinet de conseil en recrutement.
Avec l’aide de sa mère, elle contracta un emprunt, embaucha un graphiste pour réaliser
plaquettes et site internet.
En parallèle, elle continua d’enseigner à la faculté, son nombre de Travaux Dirigés doubla.
De quatre, elle passa à huit TD, enrichissant ses cours d’anecdotes bien choisies issues de ses
expériences professionnelles.
Les étudiants en raffolaient.
Elle commença à se lasser des mondanités après un an et aspira à une vie plus simple,
rangée.
Se marier, fonder une famille…
Elle aurait bientôt trente ans…
Elle continua de sortir de temps en temps avec Sylvain.
Au petit matin, après une soirée, ils discutèrent dans la voiture.
Nina lui raconta son histoire avec Axel, sans révéler le secret, juste la réalité de ses
sentiments et le fait qu’elle n’arrivait toujours pas à s’en détacher.
— Tu ne pourras pas aller de l’avant,
Tant que tu n’auras pas mis cette histoire derrière toi… Luia avait-il dit

De retour chez elle, Nina repensa aux mots de Sylvain alors que le jour se levait.
Encore une fois seule, devant sa fenêtre avec le calme de la nuit, perdue.
Le passé la hantait.
Elle revenait au même point tout le temps…
Fidèle à une illusion, une chimère incapable d’aller vers du concret.
*
La première année, Nina ne rencontra pas le succès professionnellement.
Ce fut l’année de lancement de la société, son démarrage.
Les choses se mettaient doucement en place.
Elle eut au moins la possibilité d’être très présente, pour sa famille.

308
IL LUI AVAIT PROMIS…
Son père avant tout, sa mère, ainsi que pour la petite Camille qui apportait de la lumière
dans l’obscurité.
Après l’été, la cousine germaine de Nina se maria le dernier samedi du mois d’août.
Une rare occasion pour Madame Giredet de sortir de son quotidien qui s’assombrissait
chaque jour un peu plus.
Le lendemain du mariage, Nina exceptionnellement se trouva chez elle.
Le téléphone sonna.
En général elle ne décrochait pas, laissant le répondeur faire son œuvre.
Pourtant cette fois, elle décrocha :
— Nina ? C’est Axel
Je n’étais pas sûr de te trouver chez toi
Stupeur ! Nina cacha son étonnement
— Non, effectivement, c’est très rare
— Tu as quelque chose de prévu en fin d’après-midi ?
— Pourquoi ?
— J’aimerais te voir
— Pourquoi ?
— Je te le dirai en te voyant
— J’ai des amis qui doivent passer, mais en début de soirée, je serai disponible
— Très bien, on dit 20h
— Parfait, à tout à l’heure
— À tout à l’heure
Nina étrangement, fut contente de recevoir cet appel, et impatiente à l’idée de revoir Axel,
Ils restaient inlassablement, attirés l’un vers l’autre comme deux aimants, incapables de se
laisser, incapables de se séparer.
Elle se rappela du dernier message d’Axel :
Je ne t’aime pas.
Elle n’y avait jamais vraiment cru.
Elle resta cependant sur la réserve, blessée par tout ce passif.
Qu’allait-il encore lui dire ?
La vie depuis ne l’avait guère épargnée.
Elle connut une enfance dorée et en payait le prix depuis la vente du pavillon.
Comme si l’univers, reprenait ce qu’il avait donné afin de rétablir un équilibre.

309
IL LUI AVAIT PROMIS…
Maltraitée par les hommes dans sa vie sentimentale, devant se battre professionnellement,
elle essayait de faire face avec sa mère à la maladie de son père.
Elle n’aspirait plus qu’à un peu de quiétude désormais…
Juste à se marier et à avoir sa famille
Était-ce trop demandé ?
Cela semblait lui être refusé…
Elle se rappela, que pourtant avec Axel, c’est ce qu’ils s’étaient promis.
Le 17 novembre 2004 « je demanderai ta main »
Le 17 novembre 2004 : On n’y était pas encore, mais on s’en rapprochait.
Elle alla dans sa chambre.
En haut de son armoire, elle avait gardé l’album photos de leurs voyages, toutes les lettres,
les mots écrits par Axel.
Promesses jaunies par le temps, presque oubliées et pourtant toujours présentes.
Axel pendant tout ce temps resta dans sa vie, elle s’en rendit compte à cet instant.
Sans qu’elle en ait conscience, il avait toujours été là, à deux pas de son lit dans sa
chambre…
Une idée folle, lui vint alors en tête.
Si jamais ils faisaient l’amour, elle forcerait le destin pour tomber enceinte.
Un enfant d’Axel…
Elle aimerait tellement avoir un enfant de lui.
Elle ne lui demanderait rien, le laisserait vivre sa double vie, mais au moins elle aurait un
enfant de lui.
Elle prit donc plusieurs préservatifs, qu’elle troua, s’en remettant au destin.
Axel arriva, comme prévu.
Il sonna, son cœur palpita en le voyant dans l’interphone puis en lui ouvrant la porte.
Elle se surprit à n’avoir aucune rancœur ou rancune, contre lui.
Assis sur le canapé, elle retrouva ses yeux.
Elle avait presque oublié leurs éclats se forçant à ne plus penser à lui, sans vraiment y
arriver.
Pudiques au départ, ils se détendirent peu à peu retrouvant une quiétude l’un auprès de
l’autre, qu’ils n’avaient pas eu depuis bien longtemps.
Ils se levèrent pour aller dans la cuisine, Nina souhaitant servir à boire
— J’arrête Nina
— Tu arrêtes ? reprit Nina interrogative se retournant avec ses verres
— La DST

310
IL LUI AVAIT PROMIS…
Je pars à Nice et puis il enchaîna le plus naturellement du monde
Tu viendras me voir ?
— Tu pars quand ?
— Demain
Ils revinrent dans le salon
— C’est soudain
— Oui, je n’en pouvais plus,
J’ai passé mon diplôme d’ingénieur, je ne sais même pas comment j’ai fait pour l’avoir
C’était de la folie, là-bas.
— Tu es quoi maintenant ? Tu es monté en grade ?
— Commandant
Mais plus maintenant, je reviens dans le civil
J’en ai besoin
Si tu savais comme je suis fatigué, si tu savais tout ce que j’ai vu…
Ce n’est vraiment pas beau
— Tu as l’air mieux, en tout cas, plus serein
— Mais toi, parle-moi de toi ?
— Moi…
Mon père est malade
— Oh non, qu’est ce qui lui arrive ?
— Il a été diagnostiqué Alzheimer
Axel posa sa main sur la sienne pour la réconforter, un simple geste, une attention qu’il
n’avait pas eue depuis bien longtemps. Il semblait redevenu lui-même, comme avant. Plus
doux, moins lointain. Cela la troubla ; Elle enchaîna
— Et puis j’ai monté mon entreprise
— Je suis très fier de toi
Ils se regardèrent, il n’en fallut pas plus, pour qu’ils s’embrassent et se retrouvent une fois
de plus.
Ils firent l’amour, tendrement, passionnément comme par le passé. Nina retrouva Axel, et
Axel retrouva Nina.
Au petit matin, il partit, la laissant avec tendresse, et lui disant encore une fois, qu’elle
pourrait venir le voir à Nice.
Huit jours après la soirée, Nina fit un test de grossesse, elle espérait vraiment qu’il soit
positif, mais ce ne fut pas le cas.
Déçue, elle se confia à sa mère et lui raconta tout, absolument tout.

311
IL LUI AVAIT PROMIS…
Axel dès lors, ne donna plus de nouvelle ; et disparut une nouvelle fois de sa vie.
*
Mai 2003
Lara depuis quelques mois souhaitait présenter à Nina, le collaborateur d’un de ses clients
devenu ami.
Elle le trouvait parfait pour elle, plus âgé, de bonne famille, elle pensait qu’il pourrait
l’apaiser un peu, la consoler de ses histoires passées, qui lui brisèrent le cœur.
Nina et Patrick, sortirent ensemble.
À un barbecue elle fut présentée aux amis de Patrick.
Elle reçut un accueil très chaleureux mais vit rejaillir l’ombre d’Axel sans qu’elle s’y
attende :
— Et tu as déjà était mariée ?
— Non
— Fiancée ?
— Ne sois pas indiscrète lui dit l’autre
— Tu n’as pas à répondre Nina,
— Ce n’est pas méchant, reprit l’autre un peu éméchée
Une belle fille comme ça, a dû avoir une vie avant Patrick
— Oui, j’ai été fiancée
— Et ? Qu’est ce qui s’est passé
— Arrête, tu vois bien que tu la gênes reprit l’amie modératrice
— Ça n’a pas été possible
— Pourquoi, il t’a trompé ?
— Non, il est parti à l’étranger
— Et alors ? les avions, ça existe
— Arrête, regarde, tu la gênes,
son visage a changé,
Sa voix aussi
— Excusez- moi, dit Nina en fuyant vers la maison comme un animal traqué
— Ça ne marchera pas avec Patrick conclut l’amie la plus virulente, regardant Nina
s’éloigner
Elle en aime un autre
Nina bouleversée, prit un moment pour se calmer.
Les amies de Patrick vinrent sans le savoir de rouvrir une plaie, qui ne cicatrisait pas.

312
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Que faisait Axel ?
Pourquoi ne donnait-il plus de nouvelle ?
Toujours si présent malgré l’absence et le silence.
*
Nina devait rencontrer un nouveau client, pour différents recrutements dans un centre de
formation : Geoffroy Billon.
Après un premier entretien froid de prise de contact commerciale, le second fut plus
détendu.
Pour sceller le début de leur collaboration, ils allèrent prendre un verre alors que la canicule
s’installait sur Paris.
Nina, fragilisée par la maladie de son père, le manque d’Axel qui venait de rejaillir, sans
savoir pourquoi, se lâcha avec cet homme et cela lui fit du bien.
— Je dois avoir hérité d’un mauvais Karma, parce qu’avec les hommes c’est une
catastrophe. J’en ai connu plusieurs, beaucoup même, enfin, je pense, tout est relatif…Mais
finalement peu ont compté.
Alors qu’elle pensait juste se confier, Geoffroy fut piqué par spontanéité et elle alla sans le
vouloir sur le chemin de la séduction. Elle voulut s’y perdre et tout oublier. Croire à nouveau.
Tout alla vite entre eux.
Nina rompit avec Patrick pour Geoffroy, et ressentit de nouveau de l’excitation de la
complicité.
Elle retrouva l’envie de surprendre l’autre, l’envie de pimenter le quotidien, et charma,
envouta Geoffroy en un instant.
Geoffroy rompit soi-disant également avec son amie.
Ils partirent à Aix en Provence et dans la voiture il y eut cette scène, quand elle découvrit
les SMS de Julie qui ne semblait pas être son ex.
Il cria, au téléphone :
— C'est moi, qu'est-ce que c'est que ces messages ? Je ne te laisserai pas gâcher ma relation
avec Nina....
C'est fini, tu entends fini.

Quelques minutes après de la mère de Geoffroy qui venait de recevoir un appel d’une
femme lui disant :

— Votre fils est un grand malade


Transformé en votre fils est malade

313
IL LUI AVAIT PROMIS…
La soirée des trente ans de Nina, ensuite, où elle présenta Geoffroy à tout le monde, et
annonça leur futur mariage.

Lara, qui lui demanda :


— Quand comptes-tu prévenir Axel ?

Nina en entendant ce prénom tout droit sorti du passé, blêmit et accusa le choc quelques
secondes.

— Je lui ferai parvenir un faire-part


— Et c'est tout ?
— Oui, c'est tout Lara, et je ne souhaite plus en parler

Nina s’éloignant décomposée.


La fin de la soirée de fiançailles qui se passa sans qu’elle y assiste vraiment.
Elle avait parfois imaginé Axel interrompant la cérémonie du mariage au moment de
l’échange des vœux et elle ne pouvait pas nier que quelque part, elle ne l’espérait pas, un peu
au fond d’elle-même.

Après ce fut Venise, les préparatifs du mariage, son père qui partait de plus en plus,
répétant :
— Il faut que je trouve un mari à Nina
Elle souhaitait qu’il l’accompagne à l’autel, elle voulait tout oublier avec ce mariage, s’y
abandonner, s’y sauver. Son corps lui envoya des signaux pourtant.
Le summum quand elle sonna à l’appartement de Geoffroy et qu’elle tendit l’oreille pour
s’assurer qu’il n’y avait personne l’intérieur, elle l’avait senti.
Elle n’avait pas voulu voir et pourtant elle savait.
Puis, à dix jours de la cérémonie, après avoir essayé sa robe de mariée chez sa mère, elle
avait ressorti la boîte avec le numéro d’Axel, cette boîte, qui finalement était restée dans le
placard de sa chambre, tapie dans l’ombre tout près.
Elle avait écrit le SMS à Axel, elle voulait lui envoyer un faire-part pour l’informer :
Peux-tu me donner ton adresse ?
J’aimerais t’envoyer un courrier
Nina
Et le lendemain, tout avait explosé.
Un tourbillon qui avait tout emporté, tout balayé sur son passage.
314
IL LUI AVAIT PROMIS…
La confusion régna.
La voix qui était cette voix ?
Et toutes les choses bizarres ensuite :
Le rendez-vous dans les locaux de verre, le taxi si gentil, trop gentil les gens à Porto qui la
regardaient alors qu’elle pleurait…
Tout lui revint en mémoire, ce fut comme un électrochoc, un éclair dans la nuit, qui la
réveilla, qui la ramena au Portugal.
Un réveil douloureux, violent, foudroyant.
Elle savait, elle avait toujours su :
Axel : son premier amour
Axel qui avait promis de la protéger et l’aimer pour toujours.
Lui seul pouvait être derrière tout ça.
Lui seul en avait ce pouvoir et l’intérêt.
Elle ne voulut plus qu’une chose, le voir, le convoquer dès son retour.
Cette fois ci, elle s’était mise en danger.
Il l’avait sauvé.
Mais à quel prix ?
À quoi rimait tout ce cirque ?
Quelle perte de temps, quel gâchis…
Ils s’aimaient tous les deux, d’un amour vrai qu’ils n’arrivaient pas à mettre de côté.
D’un amour dévastateur qui consumait tout sur son passage.
Ils comptaient l’un pour l’autre, et ils ne pouvaient pas être l’un sans l’autre.
Combien de temps cela allait-il encore durer ?
Ils avaient essayé pourtant…
Ils avaient tenté de s’éloigner, de se séparer de renoncer l’un à l’autre maintes et maintes
fois, de résister à l’attraction…
Et pour quel résultat ?
Ça ne marchait pas, jamais.
Ils finissaient toujours par se retrouver. Ils devaient être ensemble. Ils ne pouvaient pas, ne
pas être ensemble.
Le temps était venu de se l’avouer, de se dire les choses.
Bas les masques… Il fallait s’expliquer désormais une bonne fois pour toute.
Plus de faux-semblants, plus de pirouettes, plus de mensonges...
La vérité.

315
IL LUI AVAIT PROMIS…
Je voulais simplement te dire
Que ton visage et ton sourire
Resteront près de moi, sur mon chemin
Te dire que c’était pour de vrai tout c’qu’on s’est dit, tout c’qu’on a fait
Qu’c’était pas pour de faux, que c’était bien
Confidentiel Jean Jacques Goldman

16

Nina rentra à Paris, plus forte.


Elle n’avait qu’une hâte désormais, contacter Axel, voir Axel, convoquer Axel.
Elle venait de se réveiller, d’une sorte de coma, dans lequel elle s’était perdue.
Le réveil se trouvait aussi douloureux que salvateur
Axel n’avait pas quitté la DST, il ne la quitterait sans doute jamais.
Elle arriva chez elle, sa mère était descendue l’accueillir à la porte d’entrée.
Nina se força à ne plus utiliser son téléphone portable.
— Tu as l’air d’aller mieux, lui dit sa mère en la voyant entrer ;
Les deux femmes s’installèrent sur les canapés, se faisant face.
Nina demanda d’abord des nouvelles de son père, qui n’allait ni mieux, ni moins bien.
Fort heureusement, il n’avait pas été touché par la situation.
Puis sa mère l’informa que Geoffroy avait envoyé un transporteur pour récupérer ses
affaires. Elle les avait d’ailleurs bien froissées avant de les mettre dans les cartons. Mais ça y
était, il était définitivement sorti de leurs vies.
Madame Giredet voulut ensuite entendre sa fille, un tel changement devait avoir une
explication, et Nina débuta son récit :
— En partant dans le taxi, je me suis effondrée, je croyais que je ne pourrai prendre l’avion.
Le taxi était incroyablement gentil, trop d’ailleurs
En arrivant au Portugal, j’étais à terre, je pensais ne jamais pouvoir me relever
Lara, sa famille ont été adorables. Me retrouver avec eux m’a fait du bien.
Et puis, je n’ai eu de cesse de réfléchir, à la voix, qui était cette voix ?
Ça ne pouvait pas être Yannick, elle ne collait pas au profil,
J’ai joué les profilers…
Pourquoi l’avais-je appris ?
Je n’aurais pas dû …
316
IL LUI AVAIT PROMIS…
Geoffroy était bien trop malin, il avait un mensonge d’avance pour tout, il ne se serait pas
fait prendre.
Alors je me suis demandée qui ? qui m’avait protégé ? Qui avez le pouvoir de faire ça ?
Qui ?
Et Il n’y a qu’une seule personne…
— Axel… comprit sa mère
— Axel
— Mais il avait arrêté ?
— Il n’arrêtera jamais…
Je l’ai contacté pour lui envoyer un faire-part et le lendemain tout a explosé
Ce n’est pas un hasard
— C’est tout à fait possible, en effet
— Le taxi… les gens à Porto, le client dans les locaux tout en verre… je suis sûre qu’il est
derrière tout ça
— À la DST, ils ont tout
On a toujours soupçonné Grand Papa d’y être…
Mais lui était dans les bureaux
Il te fait suivre depuis tout ce temps, tu crois ?
— Je pense qu’il écoute les conversations téléphoniques
— C’est tout à fait possible, répéta encore une fois Madame Giredet
Avec les écoutes, on n’entend rien…
C’est fou…
Et pourquoi vous n’êtes pas ensemble ?
Pourquoi ce n’est pas lui que tu épouses ?
— J’aurais bien voulu… lança Nina émue, la voix cassée et les yeux remplis de larmes
Je l’ai attendu tellement longtemps…
Il est parti, il n’a plus donné de nouvelles…
Papa est tombé malade, je voulais me marier avant qu’il ne parte, je crois… Et puis, j’ai
rencontré Geoffroy, j’ai voulu oublier Axel, j’ai voulu y croire, inconsciemment ou
consciemment je me suis mise en danger pour qu’il…
Nina essuya une larme qui venait de couler sur sa joue
— Pour qu’il te sauve… reprit sa mère
Axel t’aime Nina
Un amour comme ça, si fort… Je n’ai jamais vu ça

317
IL LUI AVAIT PROMIS…
Qu’est-ce que tu vas faire ?
— Le voir
Avoir une explication avec lui, une bonne fois pour toute
Bas les masques
La mère de Nina la regardait hochant la tête restant sans voix
— Pas de téléphone jusque là
J’irai voir Marc, le psy, en attendant, ce soir, on avait pris rendez-vous, avant mon départ
J’en ai besoin
— Oui, ce n’est rien de le dire
Et bien… quelle histoire !
Je n’en reviens pas…
Comme dirait Grand Maman, on ne s’ennuie jamais avec toi !
Il se passe toujours quelque chose
Et Madame Giredet se leva, alla embrasser sa fille, avant de remonter et de laisser cette
dernière régler ses affaires.
Nina prit un instant pour sécher ses larmes, se calmer, puis elle alla dans sa chambre
chercher la boîte qui contenait les lettres d’Axel. La fameuse boîte qui n’avait pas quitté sa
chambre.
Elle revint dans le salon avec.
Elle l’ouvrit, retrouva les lettres, les petits mots ;
Le 17 novembre 2004
Je demanderai ta main
Un autre
Je veux un bébé de toi
Puis la fameuse promesse, là écrite noir sur blanc :
Il lui avait promis qu’il l’aimerait et la protègerait pour toujours
Quelques soient les circonstances
Ces quelques mots resteront notre religion
Et à moi, ma raison de vivre
Et enfin le dernier petit mot le nom de François Perrin, avec le numéro de portable inscrit
dessus.
Celui-là même qu’elle avait utilisé ce fameux soir, en demandant à Axel son adresse pour
lui faire parvenir un faire-part, juste avant que tout n’explose.
Tout était là… Clair comme de l’eau de roche, limpide.

318
IL LUI AVAIT PROMIS…
Quel gâchis, tout ce temps passé l’un sans l’autre…
Cette volonté à vouloir oublier, taire une histoire qui ne pourrait jamais si facilement être
mise de côté.
Elle était tel un brasier qui consumait tout.
Axel et Nina, Nina et Axel… pour toujours et à jamais, dans les larmes et dans le sang, dans
la douleur et dans la passion.
Liés l’un à l’autre, quoi qu’ils fassent sans pouvoir s’en défaire.
Attirés l’un vers l’autre, l’un par l’autre encore et encore, tels des aimants.
C’était comme ça… ça ne s’expliquait pas, c’était plus fort qu’eux.
Alors Nina saisit son téléphone, inscrivit le numéro d’Axel pour l’envoi d’un SMS, avec ces
mots :
— Je veux te voir
Je suis prête à venir à Nice s’il le faut
Et n’envisage même pas de dire non
Elle envoya le message
La réponse ne se fit pas attendre
— Demain 21h place de la Nation
Il était donc à Paris…
Demain…
Elle avait jusqu’à demain, pour trouver quoi dire pour faire sortir tout ce qu’elle avait sur
le cœur, tout ce qu’elle avait enfoui au plus profond d’elle-même depuis dix ans.
Elle pensa que si elle ne se trompait pas, elle recevrait un appel pour s’assurer que c’était
bien elle.
Et cela ne manqua pas.
Dans l’après- midi, alors qu’elle essayait de mettre ses pensées par écrit, de les ordonner,
le téléphone sonna.
L’appel entrant marqué non apparent, non existant.
Elle décrocha, une voix de femme lui demanda :
— Nina Giredet ?
Vous êtes bien Nina Giredet
— Oui
— J’organise un séminaire sur les Ressources Humaines, je voulais juste savoir si cela
pouvait vous intéresser que je vous mette sur la liste des participants ?
— Non, merci
— Très bien, c’est noté

319
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Au revoir
— Au revoir
Dans sa liste d’appels reçus, rien n’apparut.
Nina sut qu’Axel se trouvait derrière cet appel, vérifiant qu’il s’agissait bien d’elle avant de
venir au rendez-vous du lendemain.
Cela confirmait ses soupçons.
Elle essaya de se reconcentrer sur son texte sans succès.
Heureusement, l’heure du rendez-vous avec son psychologue était venue.
Elle bouillonnait, n’arrêtait pas de penser sur le chemin, parler lui ferait du bien.
Elle arriva devant la porte du thérapeute qui la fit rentrer.
— Nina !
Vous avez l’air beaucoup mieux
Comment s’est passé votre séjour au Portugal ?
Marc le psychologue dégageait toujours de bonnes ondes et une certaine chaleur humaine,
il savait mettre ses patients à l’aise immédiatement.
— Très bien.
J’ai beaucoup de choses à vous raconter
Vous allez vous croire dans un film
Vous êtes bien lié par le secret professionnel ?
— Oui, absolument
Tout ce que vous direz ne sortira pas d’ici
Et Nina lâcha tout.
Marc n’en revint pas. Il n’avait jamais eu un tel rendez-vous.
Il rentra complétement dans l’histoire, passionné par le récit.
— Vous vous voyez donc demain soir ?
— Oui
— Et ? qu’avez-vous prévu ?
— De lui parler
— De lui dire quoi exactement ?
— Que ça suffit, qu’on a assez joué au chat et à la souris
Que peut-être il serait temps qu’on vive ce qu’on a à vivre
Marc hochait la tête approuvant, Nina reprit
— Si ça se trouve, il sera marié
Nina marqua un temps d’arrêt réfléchissant, Marc enchaîna
320
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Au moins, vous serez fixée
Il faut des réponses maintenant
Il est temps
On va fixer un rendez-vous, juste après
Vous vous voyez demain soir …
On peut se fixer rendez-vous le lendemain à 10h ?
— Entendu
— J’ai hâte de savoir reprit Marc
J’espère que vous reviendrez avec de bonnes nouvelles
Un happy end comme dans les films
Et Nina sortit de chez son psychothérapeute marchant vers on destin.
Demain à vingt et une heure, elle serait fixée.

321
IL LUI AVAIT PROMIS…
Peut-être on se retrouvera
Peut-être que peut-être pas
Mais sache qu’ici -bas, je suis là
Ça restera comme une lumière
Qui m’tiendra chaud dans mes hivers
Un petit feu de toi qui s’éteint pas
Confidentiel Jean Jacques Goldman

17

Juillet 2004, place de la Nation


Nina était dans sa voiture, à l’arrêt, garée, elle attendait. Axel
Il serait bientôt vingt et une heure, et il ne tarderait pas à arriver. Ce rendez-vous, n’était
pas prévu, il fut très soudain, et pourtant peut-être se préparait-il depuis des années.
Serait-il début ou fin, avant ou après, mensonge ou vérité ?
Inavouable inavoué ?
Ce rendez -vous Nina l’espérait, autant qu’elle le redoutait.
Quelques notes de piano, en fond sonore, l’aidaient à patienter. Elle mit de côté le petit
bout de papier jauni par le temps, sur lequel résidaient les quelques mots salutaires, qui
résonnaient ce soir plus forts que jamais :
Il lui avait promis
qu’il l’aimerait et la protègerait pour toujours
Quelles que soient les circonstances
Ces quelques mots resteront notre religion
Et à moi, ma raison de vivre
Axel
Tout était là.
Comment avait-elle pu oublier ?
Et lui, pourquoi était-il resté dans l’ombre si longtemps ?
Elle aurait bientôt les réponses à ces questions, du moins elle l’espérait.
Elle était à tomber ce soir. Elle avait mis tout ce qu’il aimait ; rouge à lèvres rouge, jupe
fendue, bas et talons hauts.

322
IL LUI AVAIT PROMIS…
Il ne pourrait pas résister. Elle jeta un œil dans le rétroviseur, puis en un instant, il surgit de
nulle part et monta dans la voiture côté passager. Vêtu de noir, blouson en cuir jean noir, il
était là.
— Bonsoir
— Bonsoir
Pas un mot de plus… Quoi dire ? par où commencer ?
— Je ne t’ai pas vu arriver
— Tu voulais me parler ?
— On va aller chez moi
Nina démarra la voiture, et quitta la place de la Nation.
— Tu n’es plus à Nice ? demanda-t-elle, et alors qu’elle regarda dans sa direction et qu’elle
baissa les yeux, elle vit qu’il portait une alliance à sa main gauche
Qu’est-ce que c’est à ta main gauche ? lâcha-t-elle choquée
— Mon alliance répondit-il
— Ton alliance ? Ton alliance ? Répéta Nina qui avait l’impression que tout s’écrouler
autour d’elle
Cela se traduit par sa conduite et Axel prit peur
— Attention Nina !
— Depuis quand tu as peur avec moi en voiture ?
Tout s’embrouilla dans sa tête, avec cette vision, tout devint confus, Cela la déstabilisa
complètement. Elle ne dit plus un mot ; se concentrant sur la route pour ne pas avoir
d’accident. Axel non plus ne parla pas.
Le reste du trajet jusqu’à la porte de Nina, fut tendu, et silencieux.
En sortant de l’ascenseur, elle lui demanda
— Comment va ta mère ?
Et alors qu’elle était face à la porte en train de tourner la clé dans la serrure, dos à lui, il
répondit :
— Elle est morte
Nina marqua un temps d’arrêt face à la porte, accusant le choc, Axel ne le vit pas.
Elle ouvrit la porte, ils rentèrent, s’installèrent en quelques instants sur le canapé, Axel à
gauche, Nina sur sa droite.
— Qu’est ce qui s’est passé ?
— Cancer
BLANC
— Et toi ton père ? reprit Axel, changeant de sujet

323
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Mon père a son Alzheimer qui a progressé
C’est difficile, il part un peu plus chaque jour
Mais ma mère s’occupe de lui
Et il est à la maison
Et ton père à toi ?
— Ça va, à Lyon toujours avec sa femme
Il s’en suivit bon nombre de questions, sur tous les proches qu’ils avaient en commun.
Damien, Hélène, Florent…
Ils tournaient autour du pot, n’en venant pas au sujet brulant.
Nina, se crut être de nouveau un profiler, se forçant à faire attention à chaque mot qu’elle
prononçait, à chaque question qu’elle posait, à chaque réaction qu’elle saisissait.
Elle mena un véritable interrogatoire petit à petit reprenant tout, analysant chaque
réponse d’Axel, essayant de le confondre de trouver des brèches, de le pousser dans ces
retranchements.
Il mit du temps, il tint bon mais il finit par lâcher :
— Et tu travailles dans quoi maintenant ?
— Les télécoms
— Les télécoms ? vraiment ?
Chez qui ?
— Chez Bouygues
— Ingénieur chez Bouygues alors ?
— Voilà
Ils sourirent tous les deux, commençant à peine à faire tomber les masques
— Et ta femme, tu l’as rencontrée chez Bouygues aussi ?
— Ma femme ? dit-il oubliant presque qu’il était marié
Non
— Vous vous êtes rencontrés comment ?
— On s’est rencontré… il chercha, mais rien ne lui vint à l’esprit
Je ne sais pas…
Et enfin, il céda :
On s’est rencontré au super marché
Tiens c’est bien ça, non le super marché ?
Ils rirent tous les deux
— Ça y est tu as fini ? demanda Nina

324
IL LUI AVAIT PROMIS…
Tu m’auras vraiment tout fait
— Qu’est-ce que tu veux ?
Je mens tout le temps
— Pour ta mère aussi ?
— Non, je n’aurais pas menti sur ça
— Pourquoi tu ne m’as pas prévenu ?
Je suis tellement désolée,
Je l’aimais bien dit Nina essuyant une larme
— Elle est mieux où elle est, la pauvre répondit-il
Il marqua un temps la regardant sans rien ajouter.
Leurs yeux se retrouvèrent le temps d’une seconde, juste leurs yeux.
— C’est son alliance que tu portes ?
— Non, on a une salle de matériel pour se déguiser
— Tu n’as pas arrêté alors ?
Non, bien sûr …tu n’arrêteras jamais, conclut-elle faisant les questions et les réponses
Il marqua un temps d’arrêt, et enfin baissa complètement sa garde
— En tout cas tu es vraiment très intelligente
Tu n’avais rien vu Nina ?
— Non, rien
Mon corps l’avait senti…
Je n’ai jamais été aussi malade qu’avec lui, mais non, il ne se serait pas fait prendre…
— On finit toujours par se faire prendre corrigea-t-il
— Ou en tout cas pas tout de suite, pas avant le mariage rectifia-t-elle
Alors merci
Il ne répondit rien.
Un silence fut marqué avant qu’il ne reprenne
— Tu voulais me dire quelque chose ?
Ils se regardèrent. Nina retrouva ses yeux bleus qui ne mentaient plus.
Elle marqua un temps d’arrêt et puis se lança.
Tout ce qu’elle n’avait jamais pu dire depuis dix ans, elle allait enfin pouvoir le laisser sortir.
— Je voulais te dire que je pense que toi et moi nous avons vécu quelque chose de rare, de
vrai, de fort
Que nous nous sommes marqués le cœur au fer rouge

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IL LUI AVAIT PROMIS…
Je voulais te dire que je t’ai vraiment aimé, que je t’aime encore et que je t’aimerai toujours.
Je voulais te dire que je me suis perdue dans tous les sens du terme en essayant de
t’oublier… en vain
Je n’arriverai jamais à t’oublier
Axel écoutait chaque parole, chaque mot
Alors, tu peux me dire que tu ne m’aimes pas, comme tu l’as déjà fait, me dire que tu es
marié, comme tu viens de le faire…
Je sais que je suis… que je reste ton premier amour
— Grand ? demanda Axel comme s’il avait mal entendu
Cela fit plaisir à Nina d’entendre ce simple mot
— Grand, je ne sais pas
Il acquiesça juste de la tête, elle reprit :
— En tout cas, je suis le premier
— Grand réaffirma Axel, une dernière fois
Et Nina sourit soulagée d’au moins entendre cet aveu, mais comprenant aussi que c’est
tout ce qu’elle aurait.
Elle choisit malgré tout de continuer
— Aussi, je voulais te proposer qu’on fasse enfin, ce qu’on s’était promis, il y a tant
d’années, qu’on vive ce qu’on a à vivre…
Mais je comprends qu’avec toute ta mise en scène, ce n’est sans doute pas possible…
BLANC
— Non
Confirma Axel d’une petite voix, son regard plongé dans celui de Nina, qui finit par baisser
le regard, ne voulant pas montrer qu’elle était sur le point de pleurer
Il mit un peu de temps avant de reprendre la parole
— Les hommes ne sont pas tous comme ça…
Il faut que tua gardes confiance…en toi et en l’avenir…
Et puis tu as ta famille
Nina avait du mal à se contenir, elle prit sur elle pour trouver la force de se retenir de
pleurer. Elle laissa passer quelques secondes avant de reprendre
— Mon grand -père ? Il était bien à la DST ?
Axel hocha la tête
— Je vois tellement d’horreurs si tu savais…
Mais vous, vous êtes des gens bien
Tu iras mieux…

326
IL LUI AVAIT PROMIS…
— Pas maintenant en tout cas
— Pas tout de suite… mais tu finiras par aller mieux
Nina essuya une larme, Axel fit semblant de ne pas la voir. Il tenait ses distances.
Il s’étira… Elle le vit à peine, car elle essayait de ne pas montrer qu’elle avait commencé à
pleurer et détourna la tête et le regard.
Il reprit
— En tout cas je suis très fatigué
Il la regarda, lui sourit, comme si cela marquerait le mot de la fin
Tu me ramènes ?
Nina se leva, l’explication était bel et bien terminée, et elle n’avait pas pris la tournure
qu’elle espérait.
Ils quittèrent l’appartement, sans se retourner.
*
Place de la Nation, retour au point de départ. Tous les deux arrêtés, dans la voiture à la
même place que précédemment restaient distants, déçus pour Nina en tout cas.
Axel finit par rompre le silence :
— Ça va aller maintenant
— Je ne suis pas sûre
— Tu es tombée sur quelqu’un de vraiment pas bien
Mais toi, tu es quelqu’un de bien et ta famille…
Vous êtes des gens bien
Il attendit un peu puis enchaîna
Et tu restes une très jolie Nana
— Pour ce que ça m’apporte
Et puis, ça passera
— Non
Axel regarda à l’extérieur, Nina comprit qu’il devait partir
— Je vais devoir y aller
Il ne s’approchait toujours pas d’elle, toute la soirée, il était resté tellement loin, qu’elle fit
une dernière tentative alors qu’il s’apprêtait à descendre
— Tu m’embrasses pour me dire au revoir ?
Il la regarda pour la première fois, paniqué
— Ha non Nina, il faut grandir

327
IL LUI AVAIT PROMIS…
Et puis, il sortit à une vitesse fulgurante, plus rapide que l’éclair comme s’il devait partir,
fuir le plus vite possible d’un grand danger.
Nina put à peine le suivre dans son rétroviseur, en un clignement de cils, elle le perdit
complétement et définitivement des yeux. Et pas juste simplement des yeux.
Elle rentra chez elle, dans le silence de la nuit, dans sa solitude, avec un sentiment terrible
d’inachevé, tout comme après la soirée chez Hélène dix ans auparavant.
Elle alla directement dans sa chambre. Elle pleura, beaucoup, se repassant encore et
encore, la scène dans sa tête, les mots échangés, les regards, les silences.
Elle était mal, si mal, comme vidée, dépossédée d’elle-même.
Heureusement qu’elle voyait Marc le psychologue dans quelques heures.
Elle ne put dormir.
Elle finit n’en pouvant plus d’essayer, par allumer la lumière reprendre la boîte, des lettres
et des mots d’Axel.
Elle ouvrit, retrouva quelques photos, la boîte vide de sa bague de fiançailles, les lettres,
les petits mots… Tout.
Elle ne tarda pas à retomber sur le post-it :
Le 17 novembre 2004
Je demanderai ta main
Et son cœur se déchira, sa peine explosa… Quelle ironie ! le mois de novembre serait
bientôt là…
*
La nuit fut douloureuse.
Hagarde, Nina réussit à se lever, à se préparer pour aller voir Marc, elle ne passa pas par le
salon, où la présence d’Axel était encore trop forte.
Marc la fit entrer tout de suite et à peine assise, il ne put attendre, et demanda :
— Alors ?
Elle réussit simplement à dire
— C’était bien ça
Avant de fondre en larmes, et de tout raconter, comme elle le pouvait.
Marc lui tendit une boîte de Kleenex et l’écouta. Sa chaleur, son implication, ses réactions
aidèrent Nina, à ce stade, elle avait besoin de quelqu’un qui réagisse, qui la soutienne et c’est
ce qu’elle trouva avec Marc, qui vivait la situation au fur et à mesure de son récit.
— Et maintenant ?
— Et maintenant ?
C’est terminé, fini
J’espère juste que s’il lui arrive quelque chose, je serai prévenue

328
IL LUI AVAIT PROMIS…
Nina de nouveau fondit en larmes
— Mais oui, forcement, ce n’est pas possible autrement
Il va revenir
Il revient toujours, s’emportait Marc qui se croyait dans un film qui devait avoir son happy
end
— Je ne crois pas, pas cette fois.
Il était tellement distant
Il a fui à une telle vitesse, quand je lui ai demandé de m’embrasser
— Justement !
Ça montre bien qu’il y a encore quelque chose
Et puis, il y a le 17 novembre qui se profile…
Ce n’est pas si loin…
Il va revenir. Ce n’est pas possible autrement
— Je ne suis pas si sûre
Il a changé
Il s’est tellement éloigné
Et avec la perte de sa mère, ce qu’il a dû vivre, il s’est tellement endurci, fermé.
On aurait dit qu’il avait construit une muraille pour que rien ne puisse l’atteindre…
Le patient suivant sonna. La séance avait bien débordé.
Marc proposa un nouveau rendez-vous à Nina, dans les jours qui venaient. Elle en avait
besoin. Elle le régla, puis en la raccompagnant à la porte, il la sentit à la fois si forte et si fragile,
qu’il voulut la prendre dans ses bras, mais ne le fit pas. Il l’assura encore une fois, que tout
s’arrangerait.
Tout irait bien, tout allait s’arranger… décidément, c’est ce que tout le monde n’arrêtait
pas de lui dire, mais elle, elle n’y croyait plus. Elle ferait comme elle avait déjà fait, un pas
après l’autre, chaque jour, essayer de ne pas penser, essayer d’avancer.
Elle rentra chez elle.
Elle y fit une halte avant d’aller voir sa mère, et de tout lui raconter.
Elle s’assit dans le canapé, ne put s’empêcher de repenser à Axel, ses mots ses attitudes.
Et puis elle sentit quelque chose sous sa jambe sur le côté.
Elle se décala et vit, sa bague de fiançailles.
La bague de fiançailles qu’elle avait renvoyé à Axel.
Elle le revit s’étirer, c’est à ce moment-là qu’il avait dû la laisser.

Le 17 novembre 2004

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IL LUI AVAIT PROMIS…
Je demanderai ta main
Il lui avait promis…

J’vais pas te dire qu’faut pas pleurer


Y’a vraiment pas d’quoi s’en priver
Et tout c’qu’on a pas loupé le valait bien
Confidentiel, Jean Jacques Goldman

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