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De l’incompréhension et de la résistance
autour du diagnostic de TDA/H
La nosologie psychiatrique, ayant pour but de décrire et classifier les troubles mentaux sur la
principale base des comportements, est parfois aux prises avec la grande hétérogénéité et le
chevauchement observés entre ses catégories. La découverte de mécanismes étiologiques ou
de symptômes relativement spécifiques à une pathologie (par exemple, une hallucination pour
un trouble psychotique) contribue à en dessiner les frontières plus aisément et permettre un
diagnostic valide plus précocement et avec un meilleur accord interjuges entre cliniciens.
Dans le cas du TDA/H, les symptômes qui le définissent sont partagés par l’ensemble des
individus à diverses occasions de la vie, à une intensité et une fréquence moindres. Son
diagnostic repose donc sur le nombre, la sévérité et l’envahissement des symptômes, ainsi que
sur les dysfonctions associées. Bien que nous ayons maintenant plusieurs outils valides, une
grande partie du jugement clinique repose sur une certaine subjectivité, d’où la nécessité pour
le clinicien d’avoir la formation et l’expertise adéquates pour assurer une démarche non
intuitive, supportée par les données probantes et un raisonnement clinique intégrant une
approche scientifique.
De plus, le fait que le traitement de première ligne pour le TDA/H soit une médication
psychostimulante peut générer des craintes chez les parents et intervenants, qui souhaiteraient
plutôt – ce qui est tout à fait légitime – entamer une intervention non pharmacologique telle
une psychothérapie, comme c’est le cas pour plusieurs autres diagnostics (ex. trouble
d’apprentissage, trouble anxieux). Le TDA/H et son traitement ont souvent mauvaise presse et
on assiste actuellement à une médiatisation manquant parfois de nuances et empreinte de
jugement, qui a contribué à une confusion et une résistance chez certains parents et
intervenants. Cela fait en sorte que des enfants ne reçoivent actuellement pas de diagnostic ni
de traitement, pour un trouble neurodéveloppemental valide, qui doit être pris en charge pour
le bon développement de l’enfant. Il nous semble donc pertinent d’aborder les croyances
sous-jacentes à cet état de fait, afin de réduire l’incompréhension et améliorer la littéracie
scientifique des personnes concernées.
a – Épidémiologie
La prévalence d’enfants vivant avec un TDA/H est de 5 à 7,2 % selon les études (Polanczyk,
Willcutt, Salum, Kieling, & Rohde, 2014 ; Thomas, Sanders, Doust, Beller, & Glasziou,
2015), identique dans toutes les cultures et demeurée la même entre les différentes éditions
des critères diagnostiques. Toutefois, une récente étude américaine a montré une
augmentation de la prévalence, passée de 6,1 % en 1998 à 10,2 % en 2016 (Xu, Strathearn,
Liu, Yang, & Bao, 2018). D’autres recherches s’avèrent nécessaires pour préciser l’influence
relative des facteurs sociodémographiques, des méthodes de sondage et de l’amélioration du
dépistage sur le taux de prévalence. Le TDA/H est plus fréquent chez les garçons, dans un
ratio qui est d’environ 2 :1 (Polanczyk, de Lima, Horta, Biederman, & Rohde, 2007). En bas
âge, les filles se présentent plutôt avec de l’inattention (les autres symptômes apparaissant
ensuite), alors que l’hyperactivité et l’impulsivité sont plus manifestes chez les garçons, ce qui
contribue probablement à un dépistage plus précoce pour ces derniers. Ces différences de
ratio s’expliquent par les facteurs génétiques et ne sauraient être attribuables à des facteurs
comme la structure du système scolaire ou le besoin accru de jouer et bouger. Comme nous le
verrons plus loin, la littérature actuelle considère que le TDA/H origine de causes génétiques,
neurologiques et environnementales, qui entraîneraient des déficits cognitifs et des
symptômes comportementaux (Castellanos & Tannock, 2002 ; Doyle et al., 2005). Toutefois,
aucun de ces marqueurs n’explique à lui seul le TDAH, considéré comme un trouble
multifactoriel.
c – Comorbidités
La présence de comorbidités est très fréquente et seulement le tiers des patients présentent
uniquement un TDA/H. Dans le tiers des cas et plus, s’ajoute un trouble oppositionnel, des
conduites, ou anxieux (Larson, Russ, Kahn, & Halton, 2011). La dépression est observée dans
un certain pourcentage et souvent détectée plusieurs années après le TDA/H, puisque
l’adolescence est une période de vulnérabilité pour le développement de problématiques
affectives. Par ailleurs, on retrouve des troubles d’apprentissage et aussi un risque plus élevé
de développer un trouble alimentaire (Yao et al., 2019).
Apprentissages scolaires – Une des premières plaintes des familles concerne les
difficultés ou retards scolaires. Un diagnostic tardif, des troubles cognitifs associés, ou
des retards cumulés peuvent évidemment ajouter un poids aux apprentissages.
Psychologiques – L’estime de soi est bien sûr affectée par les défis, échecs et rejets
vécus, et par le manque d’autonomie ressenti et reflété. De plus, comme une de leurs
difficultés est de s’appliquer dans le travail nécessitant un effort mental soutenu, ils
sont parfois perçus comme paresseux, refusant les responsabilités, ou opposants.
Investiguer la source et les déclencheurs de ces comportements fait partie intégrante
d’un bon raisonnement clinique. Les parents ressentent aussi souvent une culpabilité
devant le diagnostic reçu, ou simplement suspecté, souvent par ignorance des causes
du TDA/H.
Relationnel et social – L’impulsivité et l’hyperactivité se manifestent dans les jeux en
perte de buts, oublis de consignes, mauvaise compréhension des règles, réaction au fait
de ne pas gagner, etc. Il est donc parfois difficile pour l’enfant de conserver ses
amitiés et être compris dans sa bonne volonté. L’ajout d’une comorbidité à saveur
sociale (anxiété sociale, douance) ne fait pas que cumuler les symptômes, mais
interagit avec ceux du TDA/H pour produire un tableau différent et particulier et sujet
à mauvaise interprétation (par ex. opposition), d’où l’importance pour le clinicien
d’observer l’enfant dans son milieu de vie et questionner les déclencheurs de
comportements. Le TDA/H amène donc plus de conflits interpersonnels à l’école et à
la maison. Souvent, plus d’une personne de la famille vit avec un TDA/H et les
interactions deviennent parfois agitées, impulsives, générant de la colère et même des
coups entre frères et sœurs. Une étude complétée dans notre laboratoire a montré que
les parents ayant un enfant TDA/H ressentent un niveau de stress parental très élevé et
requérant même, pour un grand nombre, un support professionnel (Marticotte, 2020).
Le stress parental a en retour un effet sur le fonctionnement de l’enfant, ce qui
démontre bien l’aspect envahissant du TDA/H sur le plan familial.
Santé physique – Le TDA/H est associé à un plus grand nombre de consultations
médicales, de grossesses non planifiées et d’ITS chez les adolescents (Chang et al.,
2019), ainsi qu’à un risque plus grand de blessures non intentionnelles et d’accidents
de la route. Leur sommeil montre aussi des particularités (Moreau, Rouleau, & Morin,
2013).
Figure 1
Niveaux d’analyse d’une psychopathologie. Figure adaptée de Gariépy, Vézina et
Rouleau (2016).
4 – Étiologie du TDA/H
DAT1 – Aussi appelé SLC6A3, ce gène régule le transport de la dopamine dans le cerveau. Il
modère l’activité de la protéine DAT, qui facilite l’acheminement de la dopamine de la fente
synaptique au cytoplasme des neurones. Une variation dans le nombre de répétitions de
séquences de nucléotides sur ce gène (résultant en une mutation génétique) est associée au
diagnostic de TDA/H à l’enfance (Waldie et al., 2017). Des mutations sur DAT1 résultent en
une migration cellulaire défectueuse pour certaines aires du cerveau, qui sont
morphologiquement et fonctionnellement dysfonctionnelles chez les patients (Pineau et al.,
2019). Des mutations sur DAT1 ont été associées à une dysfonction du circuit de la
récompense, considéré comme un endophénotype du TDA/H (voir partie « Modèles »). Ces
résultats pointent vers l’impact de DAT1 sur le développement de structures
neuroanatomiques, comme le cortex cingulaire antérieur, associées aux fonctions exécutives
et touchées dans le TDAH, telle la prise de décision en situation de récompense (Klein et al.,
2017).
DRD4 – Ce gène récepteur est activé par la dopamine et exprimé en grandes quantités dans
les régions cérébrales atteintes dans le TDA/H. Une mutation sur DRD4 serait corrélée à un
ralentissement de la vitesse de traitement de l’information et à l’impulsivité (Turic, Swanson,
& Sonuga-Barke, 2010) et associée à des anomalies exécutives chez les enfants.
L’épigénétique
L’épigénétique est un mécanisme par lequel ces facteurs non génétiques viennent modifier les
mécanismes moléculaires et l’expression des gènes. Par exemple, les hormones de stress
sécrétées par la mère interfèrent avec l’expression de certains gènes chez le fœtus, dont DRD4
(Grizenko et al., 2013). Les effets épigénétiques peuvent s’exprimer dans les domaines
cognitifs, moteurs et émotionnels au cours du développement. Un nouveau type d’études, les
associations épigénomiques (EAE) (Epigenome-Wide Association Study), analysent aussi le
génome, mais en recherchant spécifiquement les « marqueurs épigénétiques ». Entre autres, la
présence inattendue d’une méthylation de l’ADN (c’est-à-dire l’addition d’un groupe méthyle
à une molécule d’ADN) modifie l’activité du segment adénique correspondant, créant ainsi
une mutation se traduisant en phénotypes observables. La méthylation est considérée comme
un marqueur des influences environnementales sur l’expression des gènes et représente une
découverte majeure en génétique et dans la compréhension des causes du TDA/H. Les traces
de la méthylation de l’ADN se dissipent parfois après quelques années (van Dongel et al.,
2019 ; Walton, 2019), mais son effet serait permanent sur le génome et le développement.
Concrètement, cela signifie que des perturbations environnementales sont biologiquement
codées dans le génome d’un individu, rendant les influences externes gravées dans l’ADN.
Une des rares EAE sur le TDA/H (Neumann et al., 2019) suggère que le génome d’enfants
TDA/H ayant été exposés à des influences tératogènes lors de la grossesse présente de tels
marqueurs, ce qui supporte que la méthylation à la naissance soit associée au TDA/H.
Figure 2
Le réseau cognitif/attentionnel cingulo-fronto-pariétal, composé des cortex cingulé
antérieur dorsal, préfrontal dorsolatéral, préfrontal ventrolatéral et pariétal. Ces
régions travaillent entre elles et avec d’autres régions comme le striatum et le cervelet
pour soutenir la cognition, l’attention et les processus de contrôle moteur normaux.
Toutes ces régions du cerveau présentent des anomalies fonctionnelles et structurales
dans le TDA/H (figure adaptée de Bush, 2010).
Outre ce qui est présenté dans la précédente figure, il est connu que le volume cérébral total et
le volume cérébelleux sont réduits de 3 %-5 % chez les enfants et adolescents TDA/H,
particulièrement dans l’hémisphère droit. Le volume de la matière blanche serait réduit chez
ceux n’ayant jamais été médicamentés (Castellanos et al., 2002). Une réduction du volume de
la matière grise est observée et de façon plus prononcée chez les individus plus jeunes
(Jacobson et al., 2018). Un volume réduit mène à des dysfonctions, telle une surproduction
hormonale, ou une moins bonne connectivité (Cortese, 2012). On considère actuellement qu’il
y a un retard de maturation cérébrale dans le TDA/H et que certaines structures se
développeront plus tardivement, mais le volume demeurera réduit chez l’adulte TDA/H.
Le cortex préfrontal démontre un amincissement chez les enfants TDA/H par rapport aux
enfants contrôle et le taux d’amincissement est corrélé avec la sévérité des symptômes
d’hyperactivité et d’impulsivité (Cortese, 2012). Cette anomalie est aussi associée à trajectoire
développementale moins favorable. Plus récemment, une altération du réseau cérébral du
mode par défaut (« Default Mode Network ») a été proposée comme une caractéristique
centrale du TDA/H (Castellanos & Proal, 2012). Une anomalie du circuit mènerait à un plus
grand « vagabondage de l’esprit » (mind wandering), c’est-à-dire des pensées non reliées à la
tâche en cours. En neurophysiologie, des signaux relevés par électroencéphalogramme
(EEG) réfèrent à des ondes classifiées selon leur amplitude et fréquence. Les anomalies
connues sont pour Thêta (associée à l’endormissement ou un ralentissement cortical et se
traduisant par des comportements d’inattention) et Bêta (associée à l’activité mentale et la
concentration). Les patients auraient une fréquence accrue d’ondes thêta et plus faible d’ondes
Bêta, ce qui pourrait expliquer l’inattention et le manque de vigilance typiques du TDA/H
(Klein, 2017). Finalement, les systèmes de neurotransmission dysfonctionnels dans le TDA/H
touchent essentiellement la transmission dopaminergique, noradrénergique, sérotoninergique
et cholinergique, raison pour laquelle les médications pour le TDA/H ciblent ces systèmes.
Le modèle de Posner (Posner & Petersen, 1990 ; Petersen & Posner, 2012) – Le modèle
inclut trois grands réseaux attentionnels (figure 3) plutôt impliqués dans les tâches requérant
le déplacement visuel de l’attention et la performance en lien avec la présence d’indices.
Chacun des réseaux est associé à des réseaux cérébraux sous-jacents. Le développement des
réseaux a été substantiellement étudié ce qui fournit des informations fort pertinentes pour
l’évaluation des enfants (Posner, Rothbart & Voelker, 2016). Le système d’alerte correspond
assez bien aux notions décrites dans le modèle ci-après de Van Zomeren & Brouwer (1994) et
est centré sur l’activation et l’éveil. L’orientation sollicite particulièrement les régions
pariétales et se divise en processus d’engagement, déplacement et désengagement de
l’attention. Le contrôle exécutif est volontaire, géré par les régions préfrontales et leurs
connexions. Il est responsable de résoudre les conflits attentionnels en activant les structures
liées à la gestion des buts et en inhibant celles associées aux distracteurs (le lecteur est invité à
lire le modèle révisé pour avoir plus de détails sur les réseaux, leurs bases neurologiques et les
ajouts sur l’autorégulation). La tâche la plus appropriée pour évaluer les réseaux attentionnels
est le Child-Attention Network Test (Rueda et al., 2004), l’adaptation pour enfants du ANT
développé par l’équipe de Posner lui-même et basée étroitement sur son modèle. Il est
possible de l’administrer en ligne sur la plateforme Inquisit (www.millisecond.com), avec une
licence temporaire et un accès au serveur qui comptabilise toutes les mesures.
Figure 3
Figure 4
Classification des processus attentionnels selon Van Zomeren et Brouwer (1994).
L’intensité – Cette catégorie réfère à la disponibilité des ressources attentionnelles d’un
individu, en force et en durée. 1) L’Alerte inclut les processus d’alerte tonique qui sont à la
base de l’architecture attentionnelle, liés à l’éveil de l’individu et à la capacité à déployer
rapidement ces ressources pour réagir à ce qui se présente dans l’environnement. Ce niveau
d’activation varie au cours de la journée, de façon involontaire. L’alerte est aussi phasique,
lorsque la situation exige une réponse à un signal de l’environnement. L’alerte se mesure avec
des épreuves de temps de réaction (TR) simples et ne sollicitant pas de traitement cognitif
approfondi (par ex., appuyer sur une touche du clavier lorsqu’un carré apparaît à l’écran).
Une diminution de la vitesse de traitement est identifiée lorsque les TR sont trop élevés par
rapport à une norme. Précisons ici que ce ralentissement se fera ressentir dans une grande
majorité de tâches plus complexes puisqu’elles requièrent à la base de réagir, mais tout
ralentissement dans les épreuves neuropsychologiques ne saurait être attribuable à un trouble
d’alerte. De la même façon, toutes les tâches chronométrées moins bien réussies par un
patient ne doivent pas être associées à une diminution de la vitesse de traitement. Ces tâches
comptabilisent les temps et les erreurs, deux manifestations d’une même difficulté, reflétant la
façon dont le patient compense sa difficulté à la tâche donnée (se ralentir ou faire moins
d’erreurs). 2) La vigilance se définit comme la capacité à maintenir l’attention sur une longue
période de temps en présence d’un stimulus à faible occurrence (par ex. un vérificateur de
qualité sur une chaîne de montage dont la tâche est de regarder attentivement le défilement de
chaque pièce sur la courroie afin de détecter celles présentant une défectuosité). 3) L’attention
soutenue est un concept près de la vigilance, mais s’en distingue par la fréquence des stimuli
présentés, soit un flot continu d’informations qui doivent être traitées sur une longue période
de temps (les jeux vidéo pourraient entrer dans cette catégorie). La vigilance et l’attention
soutenue se mesurent avec des épreuves d’un minimum de 15 minutes et ne nécessitant pas de
processus complexe. L’épreuve « coups de fusil » de la TEA-Ch (Manly et al, 2006) peut
s’avérer intéressante. Le déclin des TR et de la performance dans le temps est la signature
type de ces troubles. Le clinicien ne serait pas fidèle à la théorie s’il choisissait une tâche de 5
minutes, complexe, parce que nommée « attention soutenue » par le manuel. Il est donc
impératif de choisir les outils en référence aux modèles neuropsychologiques.
Contrôle attentionnel – Cet axe est responsable de la modulation des deux autres (intensité et
sélectivité), particulièrement via la flexibilité cognitive qui permet de déplacer et allouer les
ressources de façon volontaire et avec plus d’efforts. Pour le détailler, les auteurs renvoient le
lecteur au modèle SAS de Shallice (2002). Les fonctions purement « attentionnelles » du
modèle consistent donc en l’intensité et la sélectivité.
TDA/H et fonctionnement attentionnel selon les modèles théoriques – Des différences entre
les enfants TDA/H et contrôles ont fréquemment été rapportées au niveau de l’alerte par une
lenteur des TR moyens. Les données récentes suggèrent que ce qui caractérise plutôt leur
profil est une plus grande variabilité de leurs TR (l’écart-type), reflétant de petits
lapsus attentionnels. L’attention soutenue et la vigilance ont également été décrites comme
déficitaires (Willcut, Doyle, Nigg, Faraone, & Pennington, 2005). Les rares études ayant
employé une méthode pour distinguer ces deux concepts dans des tâches appropriées
indiquent une atteinte de la vigilance avec une attention soutenue préservée (Tucha al., 2009 ;
Sanscartier, 2010). Des déficits liés à l’attention sélective ont été rapportés de même qu’à
l’attention divisée, quoi que cette dernière a été très peu étudiée. Par ailleurs, un bon nombre
d’autres études ont contredit ces résultats en montrant des performances normales chez les
enfants TDA/H au niveau de l’alerte, l’attention soutenue ou à la vigilance (Tucha, et al.,
2009), l’attention sélective (Huang-Pollock, Nigg, & Carr, 2005 ; Huang-Pollock et al., 2006),
à l’attention divisée (Geurts, Verté, Oosterlaan, Roeyers, & Sergeant, 2005 ; Rommelse et al.,
2007). Des résultats aussi discordants indiquent que les atteintes attentionnelles peuvent
difficilement être considérées comme une caractéristique fondamentale du TDA/H.
Une méta-analyse de Willcutt et al. (2005) ont révisé 83 études, dans lesquelles les groupes de
patients présentaient une performance plus faible sur l’ensemble des tâches d’inhibition,
planification et flexibilité. Toutefois, les tailles d’effet étaient modérées (d = 0,4 à 0,6),
étonnamment plus faibles que les effets mesurés pour les symptômes de TDA/H (d = 2,5 à
4,0). La même équipe a aussi démontré que l’analyse des profils individuels montrait que
moins de la moitié des patients avaient un déficit aux tâches exécutives (Nigg, Willcutt,
Doyle, & Sonuga-Barke, 2005). Conséquemment, il est difficile de supporter les hypothèses
selon lesquelles les déficits exécutifs seraient au cœur du trouble ; toutefois, comme la moitié
des patients sont touchés, il est aussi inapproprié de considérer que les fonctions exécutives
n’ont pas de lien avec le TDA/H.
Un autre point majeur à considérer dans cette littérature est que les études comparent
habituellement un groupe de patients TDA/H à un groupe de participants contrôles, et souvent
d’une fourchette d’âge élargie. Il est connu qu’une proportion des patients ne
présenteront aucun déficit cognitif (30 %) et que d’autres peuvent en présenter d’importants,
ce qui influence la moyenne de groupe (voir Nigg et al., 2005). L’hétérogénéité cognitive
retrouvée illustre aussi qu’aucun des déficits cognitifs identifiés dans les études n’est retrouvé
chez l’ensemble des patients TDA/H. D’ailleurs, les rares auteurs ayant étudié les relations
entre le fonctionnement cognitif et les symptômes de TDA/H ont soit montré qu’il ne pouvait
prédire les symptômes, ou seulement en partie les symptômes d’inattention. Les enfants chez
qui on retrouve les déficits cognitifs les plus importants ne sont pas nécessairement ceux
présentant une grande sévérité des symptômes TDA/H. Les troubles cognitifs sont donc non
nécessaires et non suffisants pour expliquer le TDA/H, mais étant observés chez la moitié des
patients, ils représentent des endophénotypes valides dont le rôle reste à définir.
6 – Modèles neuropsychologiques du
TDA/H
Une première conception neuropsychologique du TDA/H de type combiné (Barkley, 1997) a
proposé que les symptômes résulteraient d’un déficit de l’inhibition de la réponse, lequel
aurait un impact secondaire sur d’autres fonctions exécutives. Bien qu’elle ait été testée par la
suite, cette proposition se voulait d’abord une hypothèse explicative et non un modèle fondé
sur des données empiriques. Elle s’est avérée présenter plusieurs lacunes, entre autres une
difficulté à opérationnaliser les concepts via des mesures psychométriques. En effet, malgré le
fait que l’inhibition soit au cœur de la proposition, Barkley ne pointait pas spécifiquement
l’inhibition au sens neuropsychologique et n’a pas prétendu au départ que les composantes
devaient être supportées par les épreuves neuropsychologiques, ce qu’il a tenu lui-même
recadrer par la suite. La partie précédente fait bien la démonstration (depuis 2005) que
l’évaluation cognitive ne peut supporter le diagnostic. La compréhension des niveaux
cognitifs et comportementaux (décrits dans la figure 1) a été entremêlée, surtout en clinique,
ce qui a entraîné une certaine confusion et des modifications de procédures diagnostiques non
fondées par la science et non incluses dans les lignes directrices.
Tableau 2
a – Approches pharmacologiques
La médication psychostimulante est encore, à ce jour, la recommandation de première ligne
pour les enfants de 5 ans et plus ayant reçu un diagnostic de TDA/H. Elle est bien sur un sujet
fort médiatisé, souvent abordé avec un biais négatif et génère diverses réticences chez les
parents, parmi lesquelles on peut noter une peur des effets secondaires potentiels, le risque de
dépendance et de toxicomanie, ou le risque qu’elle devienne une « béquille » sur laquelle
l’enfant s’appuiera sans faire d’efforts. Il est donc essentiel de connaître l’état de la littérature
afin d’émettre des recommandations supportées par la science et non par nos propres valeurs
ou nos peurs. Tout d’abord, la médication vise la réduction des symptômes TDA/H. À ce
niveau, la majorité des études sont réalisées avec le méthylphénidate et montrent une
amélioration clinique. Le traitement aurait un effet bénéfique sur le fonctionnement des
structures cérébrales touchées dans le TDA/H (Rubia et al., 2014). Les traitements
pharmacologiques seraient aussi bénéfiques pour certaines comorbidités (par ex. abus de
substances) et les impacts secondaires du TDA/H tels les blessures, accidents de la route,
rendement scolaire et la criminalité, qui seraient réduits entre 9-58 % selon les variables
(Chang et al., 2019). Concernant l’abus de substances, la recherche a démontré que le risque
est plus grand pour les adolescents n’étant pas traités par médication. La réduction de
symptômes TDA/H ouvre la porte à diverses interventions et stratégies, et psychothérapies,
qui peuvent dès lors être mises en place plus efficacement pour soutenir une plus grande
autonomie. Concernant l’efficacité à long terme, les études sont plus restreintes, mais
certaines rapportent que, chez des adultes TDA/H n’ayant jamais été médicamentés
auparavant, une tomographie par émission de positron complétée au début du traitement par
méthylphénidate et après 1 an montre une augmentation de 24 % de la densité des
transporteurs de dopamine au niveau du striatum ventral (Wang et al., 2013). En ce qui
concerne l’effet de la médication sur le fonctionnement cognitif, les qualités méthodologiques
sont moins satisfaisantes, mais une revue Cochrane indique tout de même un certain effet
(Storebo et al., 2015) dont la magnitude n’est pas encore quantifiée. L’identification d’une
médication efficace pour un individu donné à partir d’une analyse génétique n’a pour le
moment pas de support empirique reconnu.
9 – Conclusion
La pédopsychiatrie a une compréhension encore lacunaire de l’étiologie des pathologies, ce
qui limite le pronostic et l’efficacité des interventions offertes puisqu’elles le sont sur la base
du diagnostic comportemental, unique à tous les patients recevant ce diagnostic. Les récentes
approches de médecine individualisée et de précision (Posner, 2018) intègrent les divers
niveaux d’analyse de la pathologie dans l’objectif d’un traitement plus ciblé. La recherche
axée sur les processus étiologiques du TDA/H et sur les mécanismes de changement des
traitements permettra éventuellement d’associer les profils génétiques, neurologiques et
cognitifs à des symptômes précis de TDA/H, puis à des traitements plus individualisés et
efficaces.
[2]
[3]
[4]
[5]
Toutes ces hypothèses peuvent au besoin être investiguées lorsque le TDA/H est
supporté, au jugement du clinicien
[6]
[7]