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1 – Introduction

Le Trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDA/H) est un trouble neurodéveloppemental


parmi les plus fréquents et consiste en un niveau d’inattention, d’impulsivité et
d’hyperactivité supérieur à celui attendu pour le stade de développement de l’enfant concerné.
Ses manifestations s’observent tôt dans le développement et entraînent des impacts
significatifs dans plusieurs sphères de la vie. Pourtant, le TDA/H ne reçoit pas l’attention et la
crédibilité qu’il devrait, entre autres parce que plusieurs fausses croyances et neuromythes
sont entretenus à son sujet. Son appellation a implicitement laissé croire que le TDA/H était
caractérisé par un dysfonctionnement central des processus cognitifs attentionnels, malgré le
fait que les données récentes montrent qu’une approche globale, considérant les divers
niveaux de la pathologie, permet de comprendre plus adéquatement sa réalité et toute sa
complexité. Ce regard ouvre aussi vers une plus grande diversité d’interventions valides et
même d’approches préventives, dans une perspective de santé durable. Malgré les avancées
impressionnantes des 15 dernières années, le TDA/H demeure un diagnostic entouré d’une
aura de scepticisme, de banalisation, et d’incompréhension contribuant à la résistance de
plusieurs parents et professionnels.

De l’incompréhension et de la résistance
autour du diagnostic de TDA/H
La nosologie psychiatrique, ayant pour but de décrire et classifier les troubles mentaux sur la
principale base des comportements, est parfois aux prises avec la grande hétérogénéité et le
chevauchement observés entre ses catégories. La découverte de mécanismes étiologiques ou
de symptômes relativement spécifiques à une pathologie (par exemple, une hallucination pour
un trouble psychotique) contribue à en dessiner les frontières plus aisément et permettre un
diagnostic valide plus précocement et avec un meilleur accord interjuges entre cliniciens.
Dans le cas du TDA/H, les symptômes qui le définissent sont partagés par l’ensemble des
individus à diverses occasions de la vie, à une intensité et une fréquence moindres. Son
diagnostic repose donc sur le nombre, la sévérité et l’envahissement des symptômes, ainsi que
sur les dysfonctions associées. Bien que nous ayons maintenant plusieurs outils valides, une
grande partie du jugement clinique repose sur une certaine subjectivité, d’où la nécessité pour
le clinicien d’avoir la formation et l’expertise adéquates pour assurer une démarche non
intuitive, supportée par les données probantes et un raisonnement clinique intégrant une
approche scientifique.

De plus, le fait que le traitement de première ligne pour le TDA/H soit une médication
psychostimulante peut générer des craintes chez les parents et intervenants, qui souhaiteraient
plutôt – ce qui est tout à fait légitime – entamer une intervention non pharmacologique telle
une psychothérapie, comme c’est le cas pour plusieurs autres diagnostics (ex. trouble
d’apprentissage, trouble anxieux). Le TDA/H et son traitement ont souvent mauvaise presse et
on assiste actuellement à une médiatisation manquant parfois de nuances et empreinte de
jugement, qui a contribué à une confusion et une résistance chez certains parents et
intervenants. Cela fait en sorte que des enfants ne reçoivent actuellement pas de diagnostic ni
de traitement, pour un trouble neurodéveloppemental valide, qui doit être pris en charge pour
le bon développement de l’enfant. Il nous semble donc pertinent d’aborder les croyances
sous-jacentes à cet état de fait, afin de réduire l’incompréhension et améliorer la littéracie
scientifique des personnes concernées.

2 – Critères diagnostiques et tableaux


cliniques

a – Épidémiologie
La prévalence d’enfants vivant avec un TDA/H est de 5 à 7,2 % selon les études (Polanczyk,
Willcutt, Salum, Kieling, & Rohde, 2014 ; Thomas, Sanders, Doust, Beller, & Glasziou,
2015), identique dans toutes les cultures et demeurée la même entre les différentes éditions
des critères diagnostiques. Toutefois, une récente étude américaine a montré une
augmentation de la prévalence, passée de 6,1 % en 1998 à 10,2 % en 2016 (Xu, Strathearn,
Liu, Yang, & Bao, 2018). D’autres recherches s’avèrent nécessaires pour préciser l’influence
relative des facteurs sociodémographiques, des méthodes de sondage et de l’amélioration du
dépistage sur le taux de prévalence. Le TDA/H est plus fréquent chez les garçons, dans un
ratio qui est d’environ 2 :1 (Polanczyk, de Lima, Horta, Biederman, & Rohde, 2007). En bas
âge, les filles se présentent plutôt avec de l’inattention (les autres symptômes apparaissant
ensuite), alors que l’hyperactivité et l’impulsivité sont plus manifestes chez les garçons, ce qui
contribue probablement à un dépistage plus précoce pour ces derniers. Ces différences de
ratio s’expliquent par les facteurs génétiques et ne sauraient être attribuables à des facteurs
comme la structure du système scolaire ou le besoin accru de jouer et bouger. Comme nous le
verrons plus loin, la littérature actuelle considère que le TDA/H origine de causes génétiques,
neurologiques et environnementales, qui entraîneraient des déficits cognitifs et des
symptômes comportementaux (Castellanos & Tannock, 2002 ; Doyle et al., 2005). Toutefois,
aucun de ces marqueurs n’explique à lui seul le TDAH, considéré comme un trouble
multifactoriel.

b – Critères diagnostiques du DSM-5


La récente édition du DSM-5 (APA, 2013) présente les critères diagnostiques pour les
symptômes d’inattention et d’hyperactivité-impulsivité (tableau 1). Trois tableaux sont
possibles selon la prédominance des symptômes (inattention ; hyperactivité-impulsivité ;
combinée). Le groupe de travail a consacré un effort particulier à harmoniser cette édition du
DSM avec le système de classification internationale des maladies (CIM), qui sont
maintenant très semblables pour le TDA/H. Les critères servent de guide à la démarche
diagnostique, mais il est essentiel que cette dernière soit supportée par le jugement du
clinicien. Afin de réduire les erreurs diagnostiques, encore trop nombreuses et conséquentes
selon les études, il est utile de rappeler l’importance de référer aux critères établis, et adopter
une approche hypothético-déductive et non intuitive.
Tableau 1

Critères diagnostiques du Trouble déficit


d’attention/hyperactivité selon le DSM-5 [1]
1. Un mode persistant d’inattention et/ou d’hyperactivité-
impulsivité qui interfère avec le fonctionnement ou le
développement, caractérisé par (a) et/ou (b) :
1. Inattention : Six (ou plus) des symptômes suivants
persistent depuis au moins 6 mois, à un degré qui ne
correspond pas au niveau de développement et qui a
un retentissement négatif direct sur les activités
sociales et scolaires/professionnelles :
N.B. Les symptômes ne sont pas seulement la
manifestation d’un comportement opposant,
provocateur ou hostile, ou de l’incapacité de
comprendre les tâches ou les instructions. Chez les
grands adolescents et les adultes (17 ans ou plus), au
moins cinq symptômes sont requis.
1. Souvent, ne parvient pas à prêter attention aux
détails, ou fait des fautes d’étourderie dans les
devoirs scolaires, le travail ou d’autres
activités (par exemple, néglige ou ne remarque
pas des détails, le travail est imprécis).
2. A souvent du mal à soutenir son attention au
travail ou dans les jeux (par exemple, a du mal
à rester concentré pendant les cours
magistraux, des conversations ou la lecture de
longs textes).
3. Semble souvent ne pas écouter quand on lui
parle personnellement (par exemple, semble
avoir l’esprit ailleurs, même en l’absence
d’une source de distraction évidente).
4. Souvent, ne se conforme pas aux consignes et
ne parvient pas à mener à terme ses devoirs
scolaires, ses tâches domestiques ou ses
obligations professionnelles (par exemple,
commence des tâches, mais se déconcentre
vite et se laisse facilement distraire).
5. A souvent du mal à organiser ses travaux ou
ses activités (par exemple, difficulté à gérer
des tâches comportant plusieurs étapes,
difficulté à garder ses affaires et ses
documents en ordre, travail brouillon et
désordonné, mauvaise gestion du temps,
échoue à respecter les délais).
6. Souvent évite, a en aversion, ou fait à
contrecœur les tâches qui nécessitent un effort
mental soutenu (par exemple, le travail
scolaire ou les devoirs à la maison ; chez les
grands adolescents et les adultes, préparer un
rapport, remplir des formulaires, analyser de
longs articles).
7. Perd souvent les objets nécessaires à son
travail ou à ses activités (par exemple,
matériel scolaire, crayons, livres, outils,
portefeuilles, clés, documents, lunettes,
téléphones mobiles).
8. Se laisse souvent facilement distraire par des
stimuli externes (chez les grands adolescents
et les adultes, il peut s’agir de pensées sans
rapport).
9. A des oublis fréquents dans la vie quotidienne
(par exemple, effectuer les tâches ménagères
et faire les courses ; chez les grands
adolescents et les adultes, rappeler des
personnes au téléphone, payer des factures,
honorer des rendez-vous).
2. Hyperactivité et impulsivité : Six (ou plus) des
symptômes suivants persistent depuis au moins 6
mois, à un degré qui ne correspond pas au niveau de
développement et qui a un retentissement négatif
direct sur les activités sociales et
scolaires/professionnelles :
N.B. Les symptômes ne sont pas seulement la
manifestation d’un comportement opposant,
provocateur ou hostile, ou de l’incapacité de
comprendre les tâches ou les instructions. Chez les
grands adolescents et les adultes (17 ans ou plus), au
moins cinq symptômes sont requis.

1. Remue souvent les mains ou les pieds, ou se


tortille sur son siège.
2. Se lève souvent en classe ou dans d’autres
situations où il est supposé rester assis (par
exemple, quitte sa place en classe, au bureau
ou dans un autre lieu de travail, ou dans
d’autres situations où il est censé rester en
place).
3. Souvent, court ou grimpe partout, dans des
situations où cela est inapproprié (N.B. : chez
les adolescents ou les adultes, cela peut se
limiter à un sentiment d’impatience motrice.)
4. Est souvent incapable de se tenir tranquille
dans les jeux ou les activités de loisir.
5. Est souvent « sur la brèche » ou agit souvent
comme s’il était « monté sur des ressorts »
(par exemple, n’aime pas rester tranquille
pendant un temps prolongé ou est alors mal à
l’aise, comme au restaurant ou dans une
réunion, peut être perçu par les autres comme
impatient ou difficile à suivre).
6. Parle souvent trop.
7. Laisse souvent échapper la réponse à une
question qui n’est pas encore entièrement
posée (par exemple, termine les phrases des
autres, ne peut pas attendre son tour dans une
conversation).
8. A souvent du mal à attendre son tour (par
exemple, dans une file d’attente).
9. Interrompt souvent les autres ou impose sa
présence (par exemple, fait irruption dans les
conversations, les jeux ou les activités, peut se
mettre à utiliser les affaires des autres sans le
demander ou en recevoir la permission ; chez
les adolescents ou les adultes, peut être intrusif
et envahissant dans les activités des autres).
2. Plusieurs symptômes d’inattention ou d’hyperactivité-
impulsivité étaient présents avant l’âge de 12 ans.
3. Plusieurs symptômes d’inattention ou d’hyperactivité-
impulsivité sont présents dans au moins deux contextes
différents (par exemple, à la maison, à l’école, ou au travail ;
avec des amis ou de la famille, dans d’autres activités).
4. On doit mettre clairement en évidence le fait que les
symptômes interfèrent avec ou réduisent la qualité du
fonctionnement social, scolaire ou professionnel.
5. Les symptômes ne surviennent pas exclusivement au cours
d’une schizophrénie ou d’un autre trouble psychotique, et ils
ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental (par
exemple, trouble de l’humeur, trouble anxieux, trouble
dissociatif, trouble de la personnalité, intoxication par, ou
sevrage d’une substance).
Spécifier le type :

 Présentation combinée : Si à la fois le critère A1


(inattention) et le critère A2 (hyperactivité-
impulsivité) sont remplis pour les 6 derniers mois.
 Présentation inattentive prédominante : Si, pour
les 6 derniers mois, le critère A1 (inattention) est
rempli, mais pas le critère A2 (hyperactivité-
impulsivité).
 Présentation hyperactive/impulsive
prédominante : Si, pour les 6 derniers mois, le critère
A2 (hyperactivité-impulsivité) est rempli, mais pas le
critère A1 (inattention).

La littérature mentionne depuis quelques années un nouveau profil, le sluggish cognitive


tempo, défini par une partie des symptômes d’inattention et menant à un tableau plutôt
caractérisé par la rêverie, la lenteur et une impression de paresse (Todd, Rasmussen, Wood,
Levy, & Hay, 2004), qui est toutefois encore à l’étude et n’est pas inclus dans le DSM. En ce
qui concerne les troubles cognitifs, le DSM mentionne clairement que bien que les patients
puissent présenter des difficultés aux tests psychométriques mesurant par exemple l’attention
ou les fonctions exécutives, ces derniers ne sont pas suffisamment sensibles pour détecter un
TDA/H de façon valide chez un individu donné et ne sont pas spécifiques au TDA/H. Ils ne
devraient donc jamais servir à poser le diagnostic. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils n’ont
pas d’utilité au niveau de l’évaluation comme nous le verrons au cours du chapitre. Dans le
même ordre d’idée, les biomarqueurs identifiés dans la littérature n’ont actuellement pas de
validité diagnostique reconnue. Évalués en groupe, les patients montrent parfois des
différences par rapport aux contrôles sur l’EEG et l’imagerie par résonance magnétique, mais
ces outils ne peuvent actuellement pas contribuer au diagnostic individuel.

c – Comorbidités
La présence de comorbidités est très fréquente et seulement le tiers des patients présentent
uniquement un TDA/H. Dans le tiers des cas et plus, s’ajoute un trouble oppositionnel, des
conduites, ou anxieux (Larson, Russ, Kahn, & Halton, 2011). La dépression est observée dans
un certain pourcentage et souvent détectée plusieurs années après le TDA/H, puisque
l’adolescence est une période de vulnérabilité pour le développement de problématiques
affectives. Par ailleurs, on retrouve des troubles d’apprentissage et aussi un risque plus élevé
de développer un trouble alimentaire (Yao et al., 2019).

d – Variabilité du tableau clinique et


trajectoires développementales
Les multiples combinaisons possibles entre le TDA/H et une ou plusieurs comorbidités
multiplie les tableaux cliniques pouvant être observés. Évidemment, cela contribue à
l’hétérogénéité et complexifie le diagnostic et la prise en charge. C’est d’ailleurs la raison
pour laquelle les parents sont parfois surpris d’apprendre qu’un autre enfant ayant aussi un
TDA/H semble si différent du sien, ou encore qu’une médication fonctionne très bien pour cet
enfant et qu’elle provoque des effets secondaires pour le sien. On peut facilement imaginer
que le quotidien d’un enfant TDA/H à prédominance hyperactive et impulsive diffère de celui
d’un enfant à prédominance inattentive sans hyperactivité (voir Rouleau, 2009, pour
illustrations). Si on y ajoute un trouble oppositionnel avec provocation dans le premier cas, et
un trouble anxieux avec douance dans le second, il est en effet difficile pour un parent de
concevoir que les deux enfants ont un diagnostic de TDA/H et possiblement la même
médication. En plus de cette variabilité interindividuelle, les symptômes varient au cours de la
vie et même entre les journées, par exemple en fonction des situations et émotions vécues, de
l’hygiène de vie, de l’état de santé et de l’exigence de tâches nouvelles. Cette variabilité est
typique du TDA/H et il faut en tenir compte en clinique, par exemple en évitant de compléter
une évaluation en une seule et longue rencontre, ou en questionnant les situations ayant
déclenché les symptômes rapportés. Avec le développement, l’enfant vivra donc des périodes
de réajustement, avec des symptômes plus ou moins invalidants et les adultes devront l’aider à
identifier et même appréhender ces périodes, puis à identifier des stratégies adaptées. Le
parcours du TDA/H est donc dynamique et exige une constante adaptation pour l’enfant, ses
parents, enseignants et intervenants. La recherche sur les trajectoires développementales nous
renseigne sur la chronicité du TDA/H et il est connu que les deux tiers répondront toujours
aux critères diagnostiques à l’âge adulte. (Biederman, Mick, & Faraone, 2000). Généralement,
les adultes voient leurs symptômes d’hyperactivité diminuer avec l’âge et présentent plutôt
une « impatience motrice ».

Encadré 1. Témoignage d’un adolescent


présentant un TDA/H
« Avant, je me sentais toujours excité et je ne savais pas pourquoi je n’étais pas calme comme
les autres. Je n’arrivais pas à me concentrer en classe, je trouvais ça ennuyant et je dérangeais
mes amis et le professeur. Les professeurs me disputaient sans arrêt et on me changeait de
place dans la classe, parfois on me mettait dans le corridor. À la maison, j’avais toujours des
conséquences et mon frère n’en avait jamais. C’était injuste de la part des parents et je me
sentais rejeté par ma famille. Mes devoirs me prenaient beaucoup trop de temps. Je pouvais
commencer le samedi matin et terminer tard le soir, parce que je faisais d’autres choses plus
intéressantes en même temps. C’était décourageant. Je n’aimais plus l’école et faisais de
grosses crises de colère pour ne pas ouvrir mon sac d’école.
L’an dernier, mon médecin m’a expliqué que j’avais un TDA/H et que je pouvais prendre une
médication. J’avais peur, car j’avais entendu que je pouvais devenir “zombie”, mais on a
essayé. Le lendemain j’ai terminé mes devoirs en 20 minutes ! Je n’ai pas eu besoin de les
recommencer, je lisais bien les questions. J’étais fier de moi, je me sentais normal comme
mon frère ! Je me réveille maintenant le week-end et sans que mes parents me le demandent,
je fais tous mes devoirs seuls et je pense à regarder mon agenda pour préparer mes travaux de
la semaine. Ça, c’est mon plus gros avantage, car ça me donne plus de temps pour faire ce que
j’aime ensuite et en plus j’ai des super bonnes notes. Aussi, à la maison, je suis plus capable
de contrôler mon impulsivité. Avant, c’est comme si mes paroles ou mouvements partaient
tout seuls… Je sens que c’est plus possible de choisir ma réaction avant d’agir, alors ça fait
moins de chicane dans la famille et on communique mieux et plus souvent. Et j’ai moins de
conséquences. Si je pouvais recommencer mon primaire, j’aurais aimé savoir tout de suite que
j’avais un TDA/H, ça m’aurait beaucoup aidé et les professeurs auraient compris que je ne
suis pas impoli et irrespectueux. Moi aussi. »
Nolan, 15 ans.

3 – Impacts secondaires du TDA/H


Le TDA/H et ses comorbidités entraînent des impacts secondaires dans toutes les sphères de
vie, qui doivent aussi être évalués et considérés dans le plan de soins.

 Apprentissages scolaires – Une des premières plaintes des familles concerne les
difficultés ou retards scolaires. Un diagnostic tardif, des troubles cognitifs associés, ou
des retards cumulés peuvent évidemment ajouter un poids aux apprentissages.
 Psychologiques – L’estime de soi est bien sûr affectée par les défis, échecs et rejets
vécus, et par le manque d’autonomie ressenti et reflété. De plus, comme une de leurs
difficultés est de s’appliquer dans le travail nécessitant un effort mental soutenu, ils
sont parfois perçus comme paresseux, refusant les responsabilités, ou opposants.
Investiguer la source et les déclencheurs de ces comportements fait partie intégrante
d’un bon raisonnement clinique. Les parents ressentent aussi souvent une culpabilité
devant le diagnostic reçu, ou simplement suspecté, souvent par ignorance des causes
du TDA/H.
 Relationnel et social – L’impulsivité et l’hyperactivité se manifestent dans les jeux en
perte de buts, oublis de consignes, mauvaise compréhension des règles, réaction au fait
de ne pas gagner, etc. Il est donc parfois difficile pour l’enfant de conserver ses
amitiés et être compris dans sa bonne volonté. L’ajout d’une comorbidité à saveur
sociale (anxiété sociale, douance) ne fait pas que cumuler les symptômes, mais
interagit avec ceux du TDA/H pour produire un tableau différent et particulier et sujet
à mauvaise interprétation (par ex. opposition), d’où l’importance pour le clinicien
d’observer l’enfant dans son milieu de vie et questionner les déclencheurs de
comportements. Le TDA/H amène donc plus de conflits interpersonnels à l’école et à
la maison. Souvent, plus d’une personne de la famille vit avec un TDA/H et les
interactions deviennent parfois agitées, impulsives, générant de la colère et même des
coups entre frères et sœurs. Une étude complétée dans notre laboratoire a montré que
les parents ayant un enfant TDA/H ressentent un niveau de stress parental très élevé et
requérant même, pour un grand nombre, un support professionnel (Marticotte, 2020).
Le stress parental a en retour un effet sur le fonctionnement de l’enfant, ce qui
démontre bien l’aspect envahissant du TDA/H sur le plan familial.
 Santé physique – Le TDA/H est associé à un plus grand nombre de consultations
médicales, de grossesses non planifiées et d’ITS chez les adolescents (Chang et al.,
2019), ainsi qu’à un risque plus grand de blessures non intentionnelles et d’accidents
de la route. Leur sommeil montre aussi des particularités (Moreau, Rouleau, & Morin,
2013).

Divers facteurs contribuent à l’apparition d’une psychopathologie et l’évaluation doit


considérer les mécanismes de chaque niveau (génétique, neurologique, cognitif ou
comportemental) et l’interaction entre eux (figure 1). Tel que présenté dans les critères DSM,
les symptômes de TDA/H requis pour poser le diagnostic se retrouvent au niveau
comportemental. Afin de bien comprendre les facteurs étiologiques, il est important de
concevoir que l’étude empirique du TDA/H est abordée sous un de ces angles, selon
l’expertise du chercheur. Le TDA/H résulterait d’anomalies génétiques qui affectent le
développement neurologique, lequel modifie le développement cognitif et comportemental,
mais plusieurs études sont encore nécessaires pour bien comprendre l’ensemble des causes.

Figure 1
Niveaux d’analyse d’une psychopathologie. Figure adaptée de Gariépy, Vézina et
Rouleau (2016).

4 – Étiologie du TDA/H

a – Les études génétiques


La génétique s’intéresse aux relations entre les chromosomes, les gènes, les protéines, la
cellule et les répercussions de leurs interactions sur le code génétique d’une personne
(génotype) et les caractéristiques visibles qui en découlent, comme la couleur des yeux ou de
la peau (phénotype). Elle est particulièrement utile pour étudier la transmission de pathologies
physiques et psychiatriques et a permis d’identifier de nouveaux marqueurs biologiques et des
associations avec le TDA/H (par ex. avec l’obésité) qui auront éventuellement un impact sur
les traitements. Avoir un membre de la famille atteint du TDA/H est considéré comme un
facteur de risque, en ce sens que le frère ou la sœur d’un enfant TDA/H présente 9 fois plus de
risques de développer le trouble, que le frère ou la sœur d’un enfant sans TDA/H. Dans la
présente partie, les méthodes d’investigation de la génétique du TDA/H seront présentées,
avec une sélection des principaux résultats qui en découlent et qui sont d’intérêt pour le
lecteur.

Les études d’association pangénomiques et


de gènes candidats
Les études d’association pangénomiques (EAP) (« Genome-Wide Association Studies ») ont
permis de séquencer le génome de grandes cohortes d’individus sains (10.000-15.000) et d’en
tirer un « code génétique moyen » servant entre autres de comparaison aux populations
cliniques. Concrètement, un prélèvement salivaire ou sanguin permet d’analyser la séquence
d’ADN (c’est-à-dire, code génétique entier d’un individu) à la recherche de potentielles
mutations, ou anomalies, sur les gènes. Les EAP analysent le génome entier, sans hypothèse a
priori, des participants présentant le phénotype d’intérêt (TDA/H) et le comparent au génome
de référence. Ainsi, les régions différant du code de référence permettent l’identification des
chromosomes, des allèles et parfois même des gènes responsables du phénotype.
L’identification d’un chromosome riche en gènes codant pour la dopamine mènera bien sûr à
de futures études approfondies de ces gènes candidats, puisque le TDA/H est associé à une
anomalie dopaminergique. Les EAP n’ont pas permis d’identifier de gènes ayant une
anomalie assez forte pour dépasser le seuil statistique, parce que cette méthode détecte
seulement des anomalies ayant une taille d’effet « grande » et le TDA/H est considéré comme
étant « hétérogène », c’est-à-dire causé par plusieurs gènes ayant des anomalies de plus petite
taille. On considère donc les différences identifiées dans ces études comme susceptibles de
jouer un rôle dans le TDA/H, et ces gènes sont considérés « candidats ».

Les gènes candidats du TDA/H


La littérature a permis d’identifier des associations entre des mutations génétiques et
chromosomiques et des caractéristiques du TDA/H. Parmi ces gènes candidats, certains sont
responsables de la formation de synapses, des processus d’apprentissage, ou de la plasticité
cérébrale.

DAT1 – Aussi appelé SLC6A3, ce gène régule le transport de la dopamine dans le cerveau. Il
modère l’activité de la protéine DAT, qui facilite l’acheminement de la dopamine de la fente
synaptique au cytoplasme des neurones. Une variation dans le nombre de répétitions de
séquences de nucléotides sur ce gène (résultant en une mutation génétique) est associée au
diagnostic de TDA/H à l’enfance (Waldie et al., 2017). Des mutations sur DAT1 résultent en
une migration cellulaire défectueuse pour certaines aires du cerveau, qui sont
morphologiquement et fonctionnellement dysfonctionnelles chez les patients (Pineau et al.,
2019). Des mutations sur DAT1 ont été associées à une dysfonction du circuit de la
récompense, considéré comme un endophénotype du TDA/H (voir partie « Modèles »). Ces
résultats pointent vers l’impact de DAT1 sur le développement de structures
neuroanatomiques, comme le cortex cingulaire antérieur, associées aux fonctions exécutives
et touchées dans le TDAH, telle la prise de décision en situation de récompense (Klein et al.,
2017).

DRD4 – Ce gène récepteur est activé par la dopamine et exprimé en grandes quantités dans
les régions cérébrales atteintes dans le TDA/H. Une mutation sur DRD4 serait corrélée à un
ralentissement de la vitesse de traitement de l’information et à l’impulsivité (Turic, Swanson,
& Sonuga-Barke, 2010) et associée à des anomalies exécutives chez les enfants.

COMT – Ce gène encode l’enzyme Catechol-O-methyltransferase et sa mutation produit une


activité accrue de l’enzyme, entraînant une dégradation plus rapide de la dopamine et de la
norépinéphrine, neurotransmetteurs centraux dans le TDA/H (Klein et al., 2017). Cette
anomalie a aussi été associée avec le circuit de la récompense (Corral-Frias et al., 2016). Les
méta-analyses sur COMT ne permettent pas encore de confirmer son lien causal avec le
TDA/H, mais des liens corrélationnels sont bien établis.

5HTT – Transporteur de la sérotonine, 5HTT est grandement impliqué dans différents


processus affectifs, telle la régulation émotionnelle. Il a été démontré qu’une mutation sur
5HTT est plus fréquemment trouvée chez les enfants ayant un TDA/H (Gizer, Ficks, &
Waldman, 2009).

Les études de jumeaux


Cette méthodologie renseigne sur l’héritabilité [2] d’un phénotype en incluant des individus
génétiquement identiques (jumeaux monozygotes, partageant 100 % de leur code génétique),
ou des jumeaux dizygotes (50 %), mais qui ne partagent pas le même « environnement »
(c’est-à-dire, facteurs non programmés génétiquement), comme le fait qu’un seul jumeau
apprenne la musique ou ait souffert d’une méningite en bas âge. Ce qui diffère entre les
jumeaux est considéré comme attribuable aux facteurs non génétiques. L’héritabilité du
TDA/H est estimée à 0,78 (jusqu’à 0,88 dans certaines études), ce qui est considéré très élevé
et presque équivalent à celle de la taille (autour de 0,80). De tous les facteurs responsables du
TDA/H, 76 % sont d’origine génétique et 24 % d’origine environnementale (Faraone &
Larsson, 2018). Les causes environnementales identifiées par la recherche et donc considérées
comme facteurs de risque incluent entre autres les complications obstétricales, une naissance à
très faible poids (inférieur à 1500 g), la consommation de substances tératogènes, de tabac et
d’alcool in utero, ou toute autre condition externe pouvant altérer le développement cérébral
du fœtus et du jeune enfant (c’est-à-dire négligence, trauma crânien, événement traumatique).
Ces « accidents environnementaux » sont donc susceptibles de contribuer aux phénotypes
comportementaux.

L’épigénétique
L’épigénétique est un mécanisme par lequel ces facteurs non génétiques viennent modifier les
mécanismes moléculaires et l’expression des gènes. Par exemple, les hormones de stress
sécrétées par la mère interfèrent avec l’expression de certains gènes chez le fœtus, dont DRD4
(Grizenko et al., 2013). Les effets épigénétiques peuvent s’exprimer dans les domaines
cognitifs, moteurs et émotionnels au cours du développement. Un nouveau type d’études, les
associations épigénomiques (EAE) (Epigenome-Wide Association Study), analysent aussi le
génome, mais en recherchant spécifiquement les « marqueurs épigénétiques ». Entre autres, la
présence inattendue d’une méthylation de l’ADN (c’est-à-dire l’addition d’un groupe méthyle
à une molécule d’ADN) modifie l’activité du segment adénique correspondant, créant ainsi
une mutation se traduisant en phénotypes observables. La méthylation est considérée comme
un marqueur des influences environnementales sur l’expression des gènes et représente une
découverte majeure en génétique et dans la compréhension des causes du TDA/H. Les traces
de la méthylation de l’ADN se dissipent parfois après quelques années (van Dongel et al.,
2019 ; Walton, 2019), mais son effet serait permanent sur le génome et le développement.
Concrètement, cela signifie que des perturbations environnementales sont biologiquement
codées dans le génome d’un individu, rendant les influences externes gravées dans l’ADN.
Une des rares EAE sur le TDA/H (Neumann et al., 2019) suggère que le génome d’enfants
TDA/H ayant été exposés à des influences tératogènes lors de la grossesse présente de tels
marqueurs, ce qui supporte que la méthylation à la naissance soit associée au TDA/H.

b – Survol des anomalies neurologiques


structurales et fonctionnelles
Les anomalies génétiques discutées plus haut conduisent à un développement cérébral
perturbé dans les régions qui leur sont associées. La littérature a chez l’enfant et l’adulte a
identifié des structures neuroanatomiques perturbées, dont les principales sont résumées dans
la figure 2 (voir chapitre 1 pour une présentation plus approfondie des aspects
neuroanatomiques fonctionnels et structurels).

Figure 2
Le réseau cognitif/attentionnel cingulo-fronto-pariétal, composé des cortex cingulé
antérieur dorsal, préfrontal dorsolatéral, préfrontal ventrolatéral et pariétal. Ces
régions travaillent entre elles et avec d’autres régions comme le striatum et le cervelet
pour soutenir la cognition, l’attention et les processus de contrôle moteur normaux.
Toutes ces régions du cerveau présentent des anomalies fonctionnelles et structurales
dans le TDA/H (figure adaptée de Bush, 2010).
Outre ce qui est présenté dans la précédente figure, il est connu que le volume cérébral total et
le volume cérébelleux sont réduits de 3 %-5 % chez les enfants et adolescents TDA/H,
particulièrement dans l’hémisphère droit. Le volume de la matière blanche serait réduit chez
ceux n’ayant jamais été médicamentés (Castellanos et al., 2002). Une réduction du volume de
la matière grise est observée et de façon plus prononcée chez les individus plus jeunes
(Jacobson et al., 2018). Un volume réduit mène à des dysfonctions, telle une surproduction
hormonale, ou une moins bonne connectivité (Cortese, 2012). On considère actuellement qu’il
y a un retard de maturation cérébrale dans le TDA/H et que certaines structures se
développeront plus tardivement, mais le volume demeurera réduit chez l’adulte TDA/H.
Le cortex préfrontal démontre un amincissement chez les enfants TDA/H par rapport aux
enfants contrôle et le taux d’amincissement est corrélé avec la sévérité des symptômes
d’hyperactivité et d’impulsivité (Cortese, 2012). Cette anomalie est aussi associée à trajectoire
développementale moins favorable. Plus récemment, une altération du réseau cérébral du
mode par défaut (« Default Mode Network ») a été proposée comme une caractéristique
centrale du TDA/H (Castellanos & Proal, 2012). Une anomalie du circuit mènerait à un plus
grand « vagabondage de l’esprit » (mind wandering), c’est-à-dire des pensées non reliées à la
tâche en cours. En neurophysiologie, des signaux relevés par électroencéphalogramme
(EEG) réfèrent à des ondes classifiées selon leur amplitude et fréquence. Les anomalies
connues sont pour Thêta (associée à l’endormissement ou un ralentissement cortical et se
traduisant par des comportements d’inattention) et Bêta (associée à l’activité mentale et la
concentration). Les patients auraient une fréquence accrue d’ondes thêta et plus faible d’ondes
Bêta, ce qui pourrait expliquer l’inattention et le manque de vigilance typiques du TDA/H
(Klein, 2017). Finalement, les systèmes de neurotransmission dysfonctionnels dans le TDA/H
touchent essentiellement la transmission dopaminergique, noradrénergique, sérotoninergique
et cholinergique, raison pour laquelle les médications pour le TDA/H ciblent ces systèmes.

5 – Fonctionnement cognitif des enfants


vivant avec un TDA/H

a – Les processus attentionnels

Cadres théoriques et éléments d’évaluation


psychométrique
La séquence des facteurs étiologiques présentée ci-avant conduit aux dysfonctions cognitives
observées dans le TDA/H, mais le rôle causal de la cognition dans les symptômes
comportementaux est très incertain et encore peu documenté ; les relations entre ces deux
niveaux semblent plutôt supporter deux phénomènes associés dans le TDA/H avec des
influences mutuelles encore incomprises. La littérature suggère que la cognition est une
sphère touchée du développement, mais pour une proportion des enfants seulement, et sa
contribution au TDA/H n’est pas bien comprise actuellement. Cette littérature sera très
brièvement résumée dans la prochaine partie. Le lecteur pourra se référer aux chapitres 11 et
12, qui portent respectivement sur la mémoire à court terme/de travail et les fonctions
exécutives, afin d’explorer plus en détail les aspects théoriques de l’attention et de ses liens
avec ces domaines cognitifs.

Le modèle de Posner (Posner & Petersen, 1990 ; Petersen & Posner, 2012) – Le modèle
inclut trois grands réseaux attentionnels (figure 3) plutôt impliqués dans les tâches requérant
le déplacement visuel de l’attention et la performance en lien avec la présence d’indices.
Chacun des réseaux est associé à des réseaux cérébraux sous-jacents. Le développement des
réseaux a été substantiellement étudié ce qui fournit des informations fort pertinentes pour
l’évaluation des enfants (Posner, Rothbart & Voelker, 2016). Le système d’alerte correspond
assez bien aux notions décrites dans le modèle ci-après de Van Zomeren & Brouwer (1994) et
est centré sur l’activation et l’éveil. L’orientation sollicite particulièrement les régions
pariétales et se divise en processus d’engagement, déplacement et désengagement de
l’attention. Le contrôle exécutif est volontaire, géré par les régions préfrontales et leurs
connexions. Il est responsable de résoudre les conflits attentionnels en activant les structures
liées à la gestion des buts et en inhibant celles associées aux distracteurs (le lecteur est invité à
lire le modèle révisé pour avoir plus de détails sur les réseaux, leurs bases neurologiques et les
ajouts sur l’autorégulation). La tâche la plus appropriée pour évaluer les réseaux attentionnels
est le Child-Attention Network Test (Rueda et al., 2004), l’adaptation pour enfants du ANT
développé par l’équipe de Posner lui-même et basée étroitement sur son modèle. Il est
possible de l’administrer en ligne sur la plateforme Inquisit (www.millisecond.com), avec une
licence temporaire et un accès au serveur qui comptabilise toutes les mesures.

Figure 3

Le modèle neuroanatomique de l’attention de Posner et Rothbart. [3]


Van Zomeren et Brouwer (1994) – L’attention est maintenant conceptualisée comme une
architecture incluant divers processus, sollicités selon la tâche en cours. Van Zomeren et
Brouwer (1994) ont proposé une classification composée de trois grands domaines,
soit l’intensité, la sélectivité et le contrôle attentionnel (figure 4). La classification est dite
« intégrative » puisqu’elle considère les principaux modèles théoriques, tels Posner et
Shallice, ce qui la rend très utile et exhaustive en clinique. La batterie informatisée KITAP
(Zimmermann, Gondan, & Fimm, 2005), théoriquement fondée, est conçue spécifiquement
pour évaluer l’ensemble des processus de cette classification. Les épreuves sont normées et
standardisées pour l’évaluation d’enfants, sur une plateforme ludique bien appréciée. Les
mêmes auteurs ont développé la TAP pour les grands adolescents et adultes, qui permet les
évaluations longitudinales des plus jeunes avec un cadre psychométrique et théorique
comparable. Ces tâches ne seront pas citées à nouveau dans les descriptions ci-bas.

Figure 4
Classification des processus attentionnels selon Van Zomeren et Brouwer (1994).
L’intensité – Cette catégorie réfère à la disponibilité des ressources attentionnelles d’un
individu, en force et en durée. 1) L’Alerte inclut les processus d’alerte tonique qui sont à la
base de l’architecture attentionnelle, liés à l’éveil de l’individu et à la capacité à déployer
rapidement ces ressources pour réagir à ce qui se présente dans l’environnement. Ce niveau
d’activation varie au cours de la journée, de façon involontaire. L’alerte est aussi phasique,
lorsque la situation exige une réponse à un signal de l’environnement. L’alerte se mesure avec
des épreuves de temps de réaction (TR) simples et ne sollicitant pas de traitement cognitif
approfondi (par ex., appuyer sur une touche du clavier lorsqu’un carré apparaît à l’écran).
Une diminution de la vitesse de traitement est identifiée lorsque les TR sont trop élevés par
rapport à une norme. Précisons ici que ce ralentissement se fera ressentir dans une grande
majorité de tâches plus complexes puisqu’elles requièrent à la base de réagir, mais tout
ralentissement dans les épreuves neuropsychologiques ne saurait être attribuable à un trouble
d’alerte. De la même façon, toutes les tâches chronométrées moins bien réussies par un
patient ne doivent pas être associées à une diminution de la vitesse de traitement. Ces tâches
comptabilisent les temps et les erreurs, deux manifestations d’une même difficulté, reflétant la
façon dont le patient compense sa difficulté à la tâche donnée (se ralentir ou faire moins
d’erreurs). 2) La vigilance se définit comme la capacité à maintenir l’attention sur une longue
période de temps en présence d’un stimulus à faible occurrence (par ex. un vérificateur de
qualité sur une chaîne de montage dont la tâche est de regarder attentivement le défilement de
chaque pièce sur la courroie afin de détecter celles présentant une défectuosité). 3) L’attention
soutenue est un concept près de la vigilance, mais s’en distingue par la fréquence des stimuli
présentés, soit un flot continu d’informations qui doivent être traitées sur une longue période
de temps (les jeux vidéo pourraient entrer dans cette catégorie). La vigilance et l’attention
soutenue se mesurent avec des épreuves d’un minimum de 15 minutes et ne nécessitant pas de
processus complexe. L’épreuve « coups de fusil » de la TEA-Ch (Manly et al, 2006) peut
s’avérer intéressante. Le déclin des TR et de la performance dans le temps est la signature
type de ces troubles. Le clinicien ne serait pas fidèle à la théorie s’il choisissait une tâche de 5
minutes, complexe, parce que nommée « attention soutenue » par le manuel. Il est donc
impératif de choisir les outils en référence aux modèles neuropsychologiques.

Sélectivité – La sélectivité attentionnelle est sollicitée lorsque la situation requiert un focus de


l’attention et le partage des ressources attentionnelles. L’attention sélective permet d’orienter
les ressources sur l’information pertinente tout en inhibant les distracteurs présents (par ex
écrire un texte en présence de personnes qui discutent). Notre capacité cognitive étant limitée,
nous devons faire le tri parmi les informations les plus pertinentes à traiter. L’attention
sélective se mesure dans une épreuve où des distracteurs seront présents (par exemple,
identifier une image parmi d’autres). Un très grand nombre d’épreuves sont disponibles pour
cette fonction, telles « recherche dans le ciel » de la TEA-Ch et les tâches de barrage.
L’attention divisée partage les ressources attentionnelles entre deux ou plusieurs tâches
simultanées (par ex., écouter le professeur et prendre des notes). Elle est pour sa part évaluée
par la double tâche (par ex faire un tracé en présence de sons à reconnaître). Dans le cas de
l’attention sélective comme divisée, il serait pertinent d’avoir une condition de comparaison
avec les mêmes stimuli sans distracteurs pour la première, et seulement la tâche de base pour
la seconde. La différence entre les deux conditions isolera les processus de sélection et de
division. Cela permet d’exclure des influences externes, comme un trouble d’une autre
fonction cognitive sur la condition de base.

Contrôle attentionnel – Cet axe est responsable de la modulation des deux autres (intensité et
sélectivité), particulièrement via la flexibilité cognitive qui permet de déplacer et allouer les
ressources de façon volontaire et avec plus d’efforts. Pour le détailler, les auteurs renvoient le
lecteur au modèle SAS de Shallice (2002). Les fonctions purement « attentionnelles » du
modèle consistent donc en l’intensité et la sélectivité.

TDA/H et fonctionnement attentionnel selon les modèles théoriques – Des différences entre
les enfants TDA/H et contrôles ont fréquemment été rapportées au niveau de l’alerte par une
lenteur des TR moyens. Les données récentes suggèrent que ce qui caractérise plutôt leur
profil est une plus grande variabilité de leurs TR (l’écart-type), reflétant de petits
lapsus attentionnels. L’attention soutenue et la vigilance ont également été décrites comme
déficitaires (Willcut, Doyle, Nigg, Faraone, & Pennington, 2005). Les rares études ayant
employé une méthode pour distinguer ces deux concepts dans des tâches appropriées
indiquent une atteinte de la vigilance avec une attention soutenue préservée (Tucha al., 2009 ;
Sanscartier, 2010). Des déficits liés à l’attention sélective ont été rapportés de même qu’à
l’attention divisée, quoi que cette dernière a été très peu étudiée. Par ailleurs, un bon nombre
d’autres études ont contredit ces résultats en montrant des performances normales chez les
enfants TDA/H au niveau de l’alerte, l’attention soutenue ou à la vigilance (Tucha, et al.,
2009), l’attention sélective (Huang-Pollock, Nigg, & Carr, 2005 ; Huang-Pollock et al., 2006),
à l’attention divisée (Geurts, Verté, Oosterlaan, Roeyers, & Sergeant, 2005 ; Rommelse et al.,
2007). Des résultats aussi discordants indiquent que les atteintes attentionnelles peuvent
difficilement être considérées comme une caractéristique fondamentale du TDA/H.

b – Les processus exécutifs


Les conceptions théoriques et méthodes d’évaluation des fonctions exécutives ont été
présentées auparavant (voir chapitre 12) et ne seront pas reprises ici. Après la vague d’études
attentionnelles, une majorité de travaux se sont orientés vers le fonctionnement exécutif.
Certaines études ont montré une préservation exécutive chez les patients et observent que les
performances d’enfants avec un TDA/H sont comparables à celles des enfants contrôle sur
certaines tâches. Par ailleurs, un grand nombre d’études ont démontré qu’ils arrivent plus
difficilement à inhiber ou interrompre une réponse automatique, à planifier, et traiter
l’information en mémoire de travail. Depuis quelques années, les relations entre fonctions
exécutives et les facteurs affectifs sont particulièrement étudiés et supportent que la régulation
émotionnelle et les situations dans lesquelles une motivation ou gratification sont présentes,
sollicitent l’activation des fonctions exécutives. Les patients TDA/H ont tendance à choisir
une gratification immédiate plus petite, qu’une à long terme plus substantielle ; cet effet est
nommé le délai de gratification (voir modèle de Sonuga-Barke plus loin).

Une méta-analyse de Willcutt et al. (2005) ont révisé 83 études, dans lesquelles les groupes de
patients présentaient une performance plus faible sur l’ensemble des tâches d’inhibition,
planification et flexibilité. Toutefois, les tailles d’effet étaient modérées (d = 0,4 à 0,6),
étonnamment plus faibles que les effets mesurés pour les symptômes de TDA/H (d = 2,5 à
4,0). La même équipe a aussi démontré que l’analyse des profils individuels montrait que
moins de la moitié des patients avaient un déficit aux tâches exécutives (Nigg, Willcutt,
Doyle, & Sonuga-Barke, 2005). Conséquemment, il est difficile de supporter les hypothèses
selon lesquelles les déficits exécutifs seraient au cœur du trouble ; toutefois, comme la moitié
des patients sont touchés, il est aussi inapproprié de considérer que les fonctions exécutives
n’ont pas de lien avec le TDA/H.

c – Fonctionnement cognitif et TDAH :


Conclusion
Des lacunes méthodologiques limitent les conclusions à ce jour, entre autres le fait que la
plupart des études ont été basées sur des méthodologies d’approche psychométrique (c’est-à-
dire, des tests sélectionnés pour leur fréquence de publication ou de batteries cliniques étant
donné les normes accessibles) plutôt que sur un rationnel théorique. Comme l’interprétation
des résultats n’est alors pas fondée sur un cadre théorique, cette approche entraîne une grande
hétérogénéité dans les interprétations des résultats. De plus, les outils cliniques sont
multidéterminés, c’est-à-dire qu’ils sollicitent plusieurs processus simultanément. Afin
d’identifier et isoler des processus impliqués dans une pathologie, il s’avère essentiel
d’utiliser des épreuves d’origine expérimentale élaborées à partir de cadres théoriques valides.
Finalement, le lecteur doit veiller à évaluer les critères d’inclusion dans les études, puisqu’un
bon nombre d’entre elles n’exigent pas un diagnostic officiel de TDA/H ; il devra donc
distinguer les études portant sur des symptômes de TDA/H (par ex un individu ayant un
résultat élevé à un court questionnaire) de celles portant sur des individus cliniquement
diagnostiqués.

Un autre point majeur à considérer dans cette littérature est que les études comparent
habituellement un groupe de patients TDA/H à un groupe de participants contrôles, et souvent
d’une fourchette d’âge élargie. Il est connu qu’une proportion des patients ne
présenteront aucun déficit cognitif (30 %) et que d’autres peuvent en présenter d’importants,
ce qui influence la moyenne de groupe (voir Nigg et al., 2005). L’hétérogénéité cognitive
retrouvée illustre aussi qu’aucun des déficits cognitifs identifiés dans les études n’est retrouvé
chez l’ensemble des patients TDA/H. D’ailleurs, les rares auteurs ayant étudié les relations
entre le fonctionnement cognitif et les symptômes de TDA/H ont soit montré qu’il ne pouvait
prédire les symptômes, ou seulement en partie les symptômes d’inattention. Les enfants chez
qui on retrouve les déficits cognitifs les plus importants ne sont pas nécessairement ceux
présentant une grande sévérité des symptômes TDA/H. Les troubles cognitifs sont donc non
nécessaires et non suffisants pour expliquer le TDA/H, mais étant observés chez la moitié des
patients, ils représentent des endophénotypes valides dont le rôle reste à définir.

6 – Modèles neuropsychologiques du
TDA/H
Une première conception neuropsychologique du TDA/H de type combiné (Barkley, 1997) a
proposé que les symptômes résulteraient d’un déficit de l’inhibition de la réponse, lequel
aurait un impact secondaire sur d’autres fonctions exécutives. Bien qu’elle ait été testée par la
suite, cette proposition se voulait d’abord une hypothèse explicative et non un modèle fondé
sur des données empiriques. Elle s’est avérée présenter plusieurs lacunes, entre autres une
difficulté à opérationnaliser les concepts via des mesures psychométriques. En effet, malgré le
fait que l’inhibition soit au cœur de la proposition, Barkley ne pointait pas spécifiquement
l’inhibition au sens neuropsychologique et n’a pas prétendu au départ que les composantes
devaient être supportées par les épreuves neuropsychologiques, ce qu’il a tenu lui-même
recadrer par la suite. La partie précédente fait bien la démonstration (depuis 2005) que
l’évaluation cognitive ne peut supporter le diagnostic. La compréhension des niveaux
cognitifs et comportementaux (décrits dans la figure 1) a été entremêlée, surtout en clinique,
ce qui a entraîné une certaine confusion et des modifications de procédures diagnostiques non
fondées par la science et non incluses dans les lignes directrices.

a – Le modèle à deux voies (Sonuga-Barke,


2002)
À la suite de la découverte du délai de gratification comme caractéristique du TDA/H,
Sonuga-Barke a proposé un modèle pour le TDA/H combiné totalement différent et intégrant
les aspects motivationnels aux aspects cognitifs, dans lequel le TDA/H est conçu comme le
résultat développemental de deux voies distinctes. Cet apport majeur à l’étude du TDA/H a
permis une vision plus intégrative du TDA/H. La première est caractérisée par le style
motivationnel de l’individu, lié au délai de gratification et au circuit de la récompense. La
seconde réfère à une difficulté de régulation de la pensée et de l’action, se manifestant en
trouble inhibiteur et qui aura un impact sur l’engagement à la tâche et contribuera aux
symptômes TDA/H. Ces conceptions ont été reprises et approfondies dans le modèle de Nigg
et Casey (2005) présenté ci-après.

b – Théorie intégrative du TDA/H de Nigg


et Casey (2005)
Les auteurs de cette théorie intégrative du TDA/H ont fait le travail colossal de relever toute
la littérature en neurosciences cognitives et affectives permettant d’identifier les
endophénotypes ou marqueurs aux niveaux neurologiques, psychologiques, affectifs, cognitifs
et comportementaux et de les réunir dans une explication à trois voies interreliées (le lecteur
pourra référer à l’article original pour une vue complète), qui mèneront à différents
phénotypes de TDA/H. La voie fronto-striatale est sollicitée dans le contrôle, la sélection,
l’inhibition de la réponse, ainsi que de la mémoire de travail. La voie fronto-cérébelleuse est
impliquée dans le traitement temporel et des nouvelles informations. Elle contribue à détecter
les situations importantes et le moment auquel on doit y réagir. Ces deux premières voies sont
responsables du contrôle exécutif, et sont associées aux symptômes inattentifs
spécifiquement. La voie fronto-limbique supporte l’apprentissage par renforcement et le
conditionnement d’évitement ; elle est donc centrale dans la régulation émotionnelle et les
facteurs motivationnels. Elle est pour sa part associée aux symptômes hyperactifs-impulsifs et
aux comorbidités de type extériorisé.

7 – Compléments sur la démarche


d’évaluation diagnostique et raisonnement
clinique
Aucun test sanguin, génétique, ou neuropsychologique ne peut confirmer un diagnostic de
TDA/H. Ce dernier repose sur la démarche clinique d’un clinicien ayant les compétences de
recueillir, confronter et interpréter divers indicateurs provenant de différents informants.

a – Qui peut faire le diagnostic ?


Au Québec, le psychologue et le médecin sont habiletés par la loi à se prononcer sur le
diagnostic de TDA/H, toujours dans les limites de leurs compétences. Si des tests
psychométriques sont utilisés, le professionnel doit avoir la formation requise en
psychométrie.

La démarche d’évaluation est hypothético-déductive, c’est-à-dire basée sur un raisonnement


clinique. Elle requiert la génération d’hypothèses de façon dynamique, du début à la fin de
l’évaluation. La décision d’utiliser un outil psychométrique doit être fondée sur une question
clinique précise et non exploratoire. La prochaine partie suggère un guide résumé des étapes à
suivre pour le clinicien, dans lequel les principales questions à se poser sont mentionnées afin
de supporter son raisonnement clinique. Bien évidemment, il s’agit simplement d’un support
clinique proposé au lecteur, qui ne se prétend pas exhaustif et qui peut tout à fait être adapté
(tableau 2).

Tableau 2

Démarche d’évaluation diagnostique du


TDA/H et raisonnement clinique
b – Précautions supplémentaires :
 Les plus jeunes de classe (nés en septembre) sont plus susceptibles d’être erronément
diagnostiqués TDA/H en raison de leur immaturité neurologique et développementale.
 Le diagnostic et les comorbidités doivent être vus en évolution constante, ils varient en
fonction de divers facteurs. Réévaluer au besoin et suivre étroitement les enfants.
 Attention aux a priori : l’agitation motrice et l’inattention ont des causes multiples.
 Selon le milieu clinique et le nombre d’enfants TDA/H qui le consultent, il est facile
avec la prévalence élevée d’avoir une hypothèse a priori de TDA/H, il est
recommandé d’être prudent dans les hypothèses de départ.
 Assurer la liaison post-diagnostique à tous les intervenants impliqués ; la transparence
avec l’école et les intervenants est toujours de mise, même en essai pharmacologique,
car leurs observations sont essentielles.

Encadré 2. Témoignage de la mère de


Nolan, présentant un TDA/H
« Alors qu’il venait de naître, nous devions sans cesse faire bouger et stimuler Nolan. Chaque
matin, son père marchait des heures avec lui dans un sac ventral pour explorer la maison,
sinon il pleurait. Au fil des années, nous avons fini par croire que c’était sa personnalité et
qu’il était un enfant très joyeux, actif, presque trop de bonne humeur. Il n’arrivait pas à
contrôler son excitation et ses jeux se terminaient souvent par une punition ou un accident (2
fractures, 2 commotions cérébrales, etc.). Au rythme de 3 rencontres annuelles de professeurs,
pendant 9 ans, c’est au minimum 27 fois (je ne compte pas les courriels et mots dans
l’agenda !) que je me suis fait répéter que Nolan ne faisait pas d’efforts, avait besoin d’attirer
l’attention sur lui en faisant le clown. Il a multiplié les retenues et retraits de privilèges, à
l’école comme à la maison. Rien ne collait, même avec une constance irréprochable (comme
nous l’enseignent si bien les livres d’éducation parentale pourtant) ; son père et moi n’avions
aucun succès. Décidément, nous étions de mauvais parents…
Au secondaire, les devoirs et leçons prenaient toute la place. Je devais l’encadrer pour la
gestion de son agenda, les post-it, tableaux, calendriers au mur avec autocollants… Des
heures à côté de lui pour qu’il se concentre et ne se lève pas pour faire autre chose. À 12 ans,
il détestait l’école, n’avait plus d’ambition et développait beaucoup de colère. L’impatience,
la fatigue, la gestion quotidienne des crises envahissaient toute la famille et rendaient la
relation entre son père et moi très tendue. J’ai pourtant posé la question à tous ses
professeurs : “Pensez-vous que Nolan pourrait avoir un TDA/H ?” Ils m’ont toujours répondu
que non. Malgré nos thérapies familiales, coachings parentaux, des consultations avec un
psychologue en privé, après avoir longuement payé un orthopédagogue et un tuteur… On m’a
dit qu’il n’aimait pas l’école, était parfois anxieux et avait donc besoin de plus d’attention
positive de la part de ses parents. J’étais à bout de ressources et j’ai décidé de consulter une
neuropsychologue. Même si Nolan présentait de l’hyperactivité et de l’impulsivité sur tous les
questionnaires, ainsi qu’une attention fragile, l’examen montrait aussi un trouble anxieux. Elle
nous a dit ne pas conclure en un TDA/H et que l’anxiété expliquait l’agitation. Sa
prescription : faire plus de sport (il était dans un programme sport-études où il en faisait 3
h/jour), une bonne alimentation (nous sommes végétariens, pas de sucre ni produits chimiques
à la maison) et faire des respirations (je suis professeure de yoga et il médite depuis des
années). Nous sommes revenus à la maison découragés, sans ressources… et
épuisés. “Maman, finalement je n’ai pas de TDA/H, je ne suis juste pas bon à l’école…”
À 14 ans, Nolan devient de plus en plus impulsif et hyperactif, à son âge c’était excessif. Lors
de notre visite annuelle, sa pédiatre nous a longuement interrogés puis nous a parlé du
TDA/H. Elle a pris soin de bien nous l’expliquer et a proposé une médication. Dès le premier
jour, mon conjoint et moi avons vu l’effet et même pleuré de joie presque tout le week-end,
on n’y croyait pas ! Pour la première fois, nous avons eu un souper en famille sans que cela
tourne au drame. Maintenant, Nolan est posé, fait ses devoirs seul en 30 minutes, a de bons
résultats et n’a plus d’échecs, peut enfin mettre des mots sur ses émotions et nous parler en
nous regardant dans les yeux (il n’était donc pas impoli et indifférent ?). Mon fils devient
soudainement mature et respectueux ? Nous avions peur qu’avec la médication Nolan perde
sa personnalité, son côté enjoué et actif, qu’il devienne terne. Il est encore plus lumineux et
joyeux, comme si la médication permettait l’émergence de sa réelle personnalité dans toute sa
splendeur. La pédiatre n’a pas seulement prescrit la médication, elle nous a accompagnés.
Chaque mois, nous avons parlé de son alimentation, de son mode de vie. Elle a ajusté
graduellement sa médication et a développé avec lui sa routine du soir pour permettre un bon
sommeil. Elle a changé nos vies ! Nolan comprend maintenant qu’il n’était pas « défectueux »
et nous les parents, savons maintenant que ce n’était pas notre faute… Enfin… Juste encore
un peu de culpabilité pour ne pas avoir donné la médication avant.
Brenda, mère de Nolan, 15 ans.

8 – La prise en charge du TDA/H chez


l’enfant
Le TDA/H n’a pas de « cure » pour le moment, et la prise en charge repose d’abord sur un
bon diagnostic, puis la gestion et réduction des symptômes, des troubles associés et impacts
secondaires. C’est pourquoi l’évaluation doit veiller à bien décrire les relations entre les
différents aspects identifiés. Nous résumerons ci-bas les connaissances actuelles qui nous
paraissent centrales au travail du clinicien.

a – Approches pharmacologiques
La médication psychostimulante est encore, à ce jour, la recommandation de première ligne
pour les enfants de 5 ans et plus ayant reçu un diagnostic de TDA/H. Elle est bien sur un sujet
fort médiatisé, souvent abordé avec un biais négatif et génère diverses réticences chez les
parents, parmi lesquelles on peut noter une peur des effets secondaires potentiels, le risque de
dépendance et de toxicomanie, ou le risque qu’elle devienne une « béquille » sur laquelle
l’enfant s’appuiera sans faire d’efforts. Il est donc essentiel de connaître l’état de la littérature
afin d’émettre des recommandations supportées par la science et non par nos propres valeurs
ou nos peurs. Tout d’abord, la médication vise la réduction des symptômes TDA/H. À ce
niveau, la majorité des études sont réalisées avec le méthylphénidate et montrent une
amélioration clinique. Le traitement aurait un effet bénéfique sur le fonctionnement des
structures cérébrales touchées dans le TDA/H (Rubia et al., 2014). Les traitements
pharmacologiques seraient aussi bénéfiques pour certaines comorbidités (par ex. abus de
substances) et les impacts secondaires du TDA/H tels les blessures, accidents de la route,
rendement scolaire et la criminalité, qui seraient réduits entre 9-58 % selon les variables
(Chang et al., 2019). Concernant l’abus de substances, la recherche a démontré que le risque
est plus grand pour les adolescents n’étant pas traités par médication. La réduction de
symptômes TDA/H ouvre la porte à diverses interventions et stratégies, et psychothérapies,
qui peuvent dès lors être mises en place plus efficacement pour soutenir une plus grande
autonomie. Concernant l’efficacité à long terme, les études sont plus restreintes, mais
certaines rapportent que, chez des adultes TDA/H n’ayant jamais été médicamentés
auparavant, une tomographie par émission de positron complétée au début du traitement par
méthylphénidate et après 1 an montre une augmentation de 24 % de la densité des
transporteurs de dopamine au niveau du striatum ventral (Wang et al., 2013). En ce qui
concerne l’effet de la médication sur le fonctionnement cognitif, les qualités méthodologiques
sont moins satisfaisantes, mais une revue Cochrane indique tout de même un certain effet
(Storebo et al., 2015) dont la magnitude n’est pas encore quantifiée. L’identification d’une
médication efficace pour un individu donné à partir d’une analyse génétique n’a pour le
moment pas de support empirique reconnu.

b – Approches non pharmacologiques


Les approches non pharmacologiques sont de plus en plus étudiées. La plupart des auteurs
supportent une approche complémentaire plutôt qu’alternative lorsque possible.

 Remédiation cognitive – La littérature relève des études démontrant des améliorations


cognitives à la suite d’un entraînement chez les enfants TDA/H, mais ce domaine
nécessite plus d’études avec des avis solides et méthodes de traitement supportées
théoriquement. En ce sens, le programme Cogmed (www.cogmed.com) montre des
résultats encourageants pour la mémoire de travail auprès d’enfants vivant avec un
TDA/H. Les effets semblent toutefois limités ou même absents chez les adultes ou
populations ne démontrant pas de troubles cliniques (voir chapitre 11). Les résultats
les plus probants en intervention cognitive sont pour la plupart issus de contextes
d’interventions plus écologiques comme le milieu scolaire, ou d’études ayant assuré
un transfert des acquis. Une limite majeure à cette littérature est le fait que souvent, le
critère d’inclusion est le diagnostic de TDA/H, et non la présence d’un trouble
cognitif. Bien que ce soit contre-intuitif, une simple recommandation pour réduire la
symptomatologie hyperactive lors d’activités cognitives ou scolaires est de ne pas
demander à l’enfant de demeurer calme, assis sur sa chaise et de ne pas bouger. Ayant
possiblement déjà un bassin de ressources cognitives et attentionnelles limitées, il
devra en utiliser une partie pour contrôler son comportement. Conséquemment, il aura
moins de ressources disponibles pour compléter la tâche en cours. Le laisser travailler
debout, assis sur un grand ballon, ou marcher pendant qu’il apprend ses tables de
multiplication sont des adaptations faciles à implanter et très efficaces.
 Neurofeedback – Des résultats ont montré une réduction des symptômes après un
traitement, mais il y aurait des limites méthodologiques et techniques dans cette
littérature, qui freinent les interprétations et sa recommandation pour le moment
(Zuberer, Brandeis, & Drechsler, 2015). Les données issues d’essais contrôlés ne
semblent pas supporter ses effets sur la performance cognitive (Cortese et al., 2016).
Des études supplémentaires semblent donc nécessaires et cette méthode pourrait
devenir une intervention prometteuse pour les enfants.
 Suppléments d’Omega-3 – Une revue récente sur la question des interventions non
pharmacologiques (Sonuga Barke et al., 2013), relève qu’une fois considérés certains
biais méthodologiques comme l’évaluation à l’aveugle, les suppléments d’Omega-3
auraient un effet significatif sur la réduction des symptômes TDA/H chez les enfants
de 6 à 12 ans, par rapport à un placebo. Certaines hypothèses sur leurs effets cognitifs
sont à l’étude pour les patients ayant des déficits cognitifs.
 Activité physique – Les revues récentes décrivent un effet bénéfique aigu et long terme
de l’exercice cardio sur des variables cognitives et comportementales, tandis que les
non cardio amélioreraient des mesures cognitives, comportementales et aussi motrices
en aiguë, immédiatement après l’exercice. Les protocoles évaluent des durées
d’exercices de 30 minutes en moyenne, allant jusqu’à 90 minutes. Les résultats sont
encourageants malgré le petit nombre d’études, mais l’effet de variables confondantes
telles que la motivation et les renforcements doit encore être quantifié (Den Heijer et
al., 2017).
 Interventions basées sur la pleine conscience – Le vagabondage de l’esprit (mind
wandering), est particulièrement présent dans le TDA/H et est associé à un moins
grand bien-être et à plus de symptômes d’anxiété et de dépression. La littérature a
clairement montré que l’entraînement à la pleine conscience (PC) [6], via la
neuroplasticité et une meilleure autorégulation, améliore le fonctionnement du réseau
par défaut (default-mode network), composé des structures neuroanatomiques touchées
dans le TDA/H. Quelques études ont permis de montrer une faisabilité et adhérence
très satisfaisante pour la population TDA/H, puis des effets comparatifs significatifs
sur diverses variables (pour des recommandations pour instaurer une pratique à la
maison et à l’école, voir Rouleau, 2019 ; Cours gratuit en ligne MOOC sur le TDA/H
de l’Université Laval [Québec]). Une récente étude de notre équipe, avec le
programme PEACE-ADHD [7] suggère que le tableau clinique de TDA/H pourrait
influencer la pratique choisie par les enfants (yoga ou méditation) (Veillette,
Thériault-Couture, Simard, Rouleau, Tessier, & Rouleau, 2018) et le yoga pourrait
s’avérer plus accessible pour un enfant très hyperactif et impulsif. Dans leur récente
revue systématique sur les approches de pleine conscience auprès d’enfants et
adolescents TDA/H, Barranco-Ruiz et al. (2019) ont rapporté que sur 12 études
disponibles, 11 montraient une réduction des symptômes, ainsi que de l’anxiété, du
perfectionnisme, des problèmes sociaux et de régulation émotionnelle après
l’intervention. Bien que la qualité méthodologique de certaines études soit parfois plus
faible, les résultats sont encourageants et devront être répliqués avec des hypothèses
sur les mécanismes cognitifs, neurologiques et psychologiques menant aux
améliorations cliniques observées.

9 – Conclusion
La pédopsychiatrie a une compréhension encore lacunaire de l’étiologie des pathologies, ce
qui limite le pronostic et l’efficacité des interventions offertes puisqu’elles le sont sur la base
du diagnostic comportemental, unique à tous les patients recevant ce diagnostic. Les récentes
approches de médecine individualisée et de précision (Posner, 2018) intègrent les divers
niveaux d’analyse de la pathologie dans l’objectif d’un traitement plus ciblé. La recherche
axée sur les processus étiologiques du TDA/H et sur les mécanismes de changement des
traitements permettra éventuellement d’associer les profils génétiques, neurologiques et
cognitifs à des symptômes précis de TDA/H, puis à des traitements plus individualisés et
efficaces.

Encadré 3. Vue synthétique des points


principaux de ce chapitre
 Le TDA/H est un trouble neurodéveloppemental, causé par des facteurs génétiques et
neurologiques principalement, avec une contribution mineure, mais significative de
l’environnement.
 Pour en assurer la validité, le diagnostic doit reposer sur des indicateurs
comportementaux (DSM-5) et non biologiques ou cognitifs. Les tests cognitifs sont
d’une grande utilité pour compléter l’évaluation des troubles associés et d’un
diagnostic différentiel (par exemple, trouble d’apprentissage) et/ou évaluer l’impact
fonctionnel et cognitif du TDA/H. L’évaluation neuropsychologique contribuera aussi
au plan de soins des patients présentant des troubles cognitifs.
 Le diagnostic du TDA/H exige une formation et une expertise psychologique ou
médicale tenant compte des divers niveaux génétique, neurologique, cognitif et
comportemental. Si des tests sont administrés, des compétences en psychométrie sont
essentielles pour une interprétation valide.
 La médication demeure à ce jour la recommandation de première ligne. Le suivi des
enfants TDA/H devrait idéalement être à long terme, avec des rencontres fréquentes
surtout la première année suivant le diagnostic ainsi qu’à l’adolescence.
 L’ajout d’interventions complémentaires telles que l’activité physique, l’apport
d’Omega-3, la pleine conscience, et l’amélioration de l’hygiène de vie, est
recommandé. Le neuropsychologue et le clinicien en charge devraient être informés de
ces nouvelles données probantes afin de fournir des recommandations supportées
scientifiquement.
Notes
 [1]

Tableau adapté de American Psychiatric Association (2013).

 [2]

L’héritabilité réfère à la contribution relative des facteurs génétiques et des facteurs


environnementaux dans l’expression d’un trait observable dans une population.

 [3]

Adapté de Posner & Rothbart, 2007.

 [4]

Ces facteurs peuvent contribuer à la présence de symptômes similaires à ceux du


TDA/H et leur cause doit être prise en charge par le médecin

 [5]

Toutes ces hypothèses peuvent au besoin être investiguées lorsque le TDA/H est
supporté, au jugement du clinicien

 [6]

Brièvement, la PC réfère à l’habileté à être volontairement pleinement attentif à


l’expérience présente, sans vagabondage de l’esprit, sans a priori ni désir de modifier
l’expérience. Traditionnellement pratiquée en Orient pour un développement
personnel continu et à long terme, elle a été importée en Occident, adaptée pour les
novices dans un contexte séculaire et même intégrée à des programmes thérapeutiques
en médecine (douleurs chroniques, troubles de l’humeur et alimentaires, etc.).
Actuellement, des centaines d’hôpitaux américains offrent ces programmes dans leurs
services et plans de soins. Les milieux scolaires ont tout récemment suivi le pas et
plusieurs équipes de recherche étudient actuellement les ingrédients thérapeutiques en
fonction de l’âge et du contexte académique des enfants.

 [7]

PEACE – Programme d’Entraînement de l’Attention et de la Compassion chez


l’Enfant du MANDALAB (version TDAH), Rouleau & Tessier (Manuel en
préparation). Adaptation du programme Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR ;
Kabat-Zinn, 2013) pour enfants de 8-11 ans vivant avec un TDAH.

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