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CHAPITRE 1 : L’ECOLE CLASSIQUE ET LE FORDISME

INTRODUCTION
Le courant de pensée classique du management des organisations est né dans le contexte de deuxième
révolution industrielle (1870-1945). La deuxième révolution industrielle était marquée par
une augmentation de la production, des échanges commerciaux et de la consommation.
Deux nouvelles énergies voient le jour :

 L’électricité
 Le pétrole
L’exploitation de ces deux nouvelles énergies va entraîner un effet de levier important pour la
production industrielle (moteur à explosion pour l’automobile, éclairage des usines…) et le
transport de marchandises au niveau international. De nouveaux secteurs d’activité voient le jour :
l’aluminium, le textile, la métallurgie, etc.
La science, l’ingénierie et la recherche se développent fortement et intègrent les entreprises qui font
face à une demande de plus en plus croissante.
Pour faire face à cette demande de production et atteindre des niveaux de performance maximums, les
praticiens et théoriciens ont commencé à réfléchir aux meilleures manières d’organiser le travail
au sein des usines et des entreprises.
Cette nouvelle organisation du travail doit prendre en compte les mutations de l’appareil de
production après la seconde révolution industrielle, à savoir :
- La mécanisation et l’intensification des rythmes de travail
- La qualification de la main-d’œuvre
- La spécialisation des activités
Les premiers auteurs qui ont étudié les organisations d’entreprise étaient :

 Frédérick Winslow TAYLOR


 Henri FAYOL
 Max WEBER
 Ford
Adam SMITH (1776) :
L’idée que la division du travail allait permettre d’augmenter la productivité des travailleurs tout en
minimisant les coûts de production a été annoncée déjà par l’économiste classique Adam Smith en
1776 dans son livre « Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations ».
Selon lui, les entreprises peuvent produire plus et mieux si les ouvriers se spécialisent pour faire ce
qu’ils savent faire le mieux de manière efficace : c’est la division technique du travail .
La division technique du travail est le fait d’organiser le travail en spécialisant les travailleurs par
poste. Chaque tâche va être effectuée par un seul travailleur. Ce dernier, en se spécialisant à une tâche,
il la maîtrisera mieux, ce qui le rendra plus productif.
Adam Smith, dans sa théorie des avantages absolus, met en lumière l'efficacité de cette la Division
technique du travail pour accroître rapidement les gains des entreprises.

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I- FREDERICK W. TAYLOR (1856-1915) ET L’ORGANISATION SCIENTIFIQUE DU
TRAVAIL
Ingénieur et théoricien américain, connu pour sa vision scientifique de l’organisation de l’entreprise.
(OST).

« Le freinage systématique est pratiqué par les ouvriers dans l’intention délibérée de maintenir leur
patron dans l’ignorance de la vitesse à laquelle on peut accomplir un travail »

Le point de départ de sa théorie est que le manque de productivité des entreprises est dû à « la
flânerie » des ouvriers et l’ignorance de l’encadrement :
1. Les ouvriers pensent que l’augmentation de la productivité provoque le chômage : plus ils sont
productifs, plus les effectifs risquent d’être réduits ;
2. Les modes de rémunération ne sont pas incitatifs : d’un côté Taylor estime qu’une partie des
ouvriers est trop peu payée, et d’un autre, il explique que le salaire à la journée n’incite pas les
ouvriers à faire des efforts supplémentaires pour améliorer la productivité (car les heures sup ne sont
pas récompensés) ;
3. Les pratiques professionnelles empiriques sont peu rigoureuses : les ouvriers ne maîtrisent pas
« la science de l’organisation » donc il faut les organiser de sorte à améliorer la productivité ;
4. L’encadrement (les managers) est également ignorant de la science de l’organisation : il a une
méconnaissance des modes et des temps opératoires nécessaires pour atteindre l’efficacité
escomptée.

Taylor met alors au point le concept d’OST : l’organisation scientifique du travail

L’OST est un ensemble de méthodes et de moyens ayant pour but de transférer la détermination du
travail des ouvriers (les modes et les temps opératoires) à la direction.

Pour mettre en place l’OST, Taylor va étudier les temps et les mouvements de travail . Selon lui, il
n’existe qu’une seule manière d’accomplir une tâche donnée : le « One best way », et cela passe
par la conception de standards et de normes précises pour chaque tâche à exécuter.

Pour cela, il va :
1. Définir la séquence idéale des mouvements à effectuer (mode opératoire)
2. Chronométrer chaque mouvement (temps opératoire)
3. Créer une norme, de mode et de temps opératoires, standardisée par tâche, qui sera prescrite et
généralisée à tous les ouvriers

⇒ Les méthodes de travail deviennent alors standards et rationnelles (logiques).

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L’application de ces observations scientifiques, de la rationalisation et du contrôle des tâches aboutit
à une double division du travail :

« Aux bureaux de penser, aux ateliers d’exécuter »

La division verticale : c’est le principe de la séparation de la conception et de l’exécution. Seuls « les


bureaux » (composés d’ingénieurs instruits) disposent des compétences, de la rationalité et du temps,
permettant de concevoir des méthodes de travail scientifiques et efficaces. L’objectif du bureau est
d’établir « la seule et la meilleure façon de travailler en un minimum de temps » : One best way.

La division horizontale : à chaque opérateur (ouvrier) est attribué une seule et unique tâche, la plus
simple possible, afin d’accélérer les gestes. C’est la parcellisation des tâches des ouvriers.

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La spécialisation est un facteur de performance dans l’entreprise. Il faut quelqu’un qui soit là pour
concevoir, d’autres pour exécuter et le contrôle doit être assuré par un contrôleur. Le contrôle est un
outil de gestion, pour voir si ce qu’on a prévu a été bien fait, de savoir si on est dans les normes.

Les principes de Taylor, appelés « Taylorisme » ont créé une révolution dans l’esprit de l’employé et de
la direction (gagner plus en travaillant moins et mieux). Ils ont été appliqués progressivement aux États-
Unis à partir du début du XXème siècle, puis se sont répandus en Europe.
Bien que l'ouvrier taylorien soit plus productif, le travail devient plus aliénant et déresponsabilisant.
Les ouvriers, en se spécialisant, se sentent isolés et n’ont plus la possibilité de prendre des initiatives et
ne font qu’exécuter une micro-tâche de manière répétitive toute la journée.
L’ouvrier est entrainé dans les rouages de la machine qui, en appliquant son propre rythme, elle
renvoie l’Homme à ses limites.
L’OST a engendré une déqualification des ouvriers qui ne réfléchissent plus et ne sont plus capables de
faire preuve de créativité.
D’où, un turn-over élevé, beaucoup d’absentéismes, des problèmes psychologiques et une baisse de
la productivité.

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II- HENRI FAYOL (1841-1925) ET L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE DU TRAVAIL

Ingénieur et théoricien français, ayant exercé les fonctions de directeur général d’une société
minière pendant trente années. Ses travaux sur les organisations ont été élaboré à la même époque que
ceux de Taylor.

Il partage avec Taylor le principe de division du travail :

« L’ouvrier qui fait toujours la même pièce, le chef qui traite constamment les mêmes affaires,
acquièrent une habileté, une assurance et une précision qui accroissent leur rendement. »

Mais contrairement à Taylor dont l’étude de l’organisation de l’entreprise était centrée sur les ateliers
de production, Fayol s’est focalisé sur la direction de l’entreprise et sur la fonction
d’administration. De plus, il ne s’appuie pas sur des recherches scientifiques, mais sur sa propre
expérience de dirigeant.

En effet, du fait de sa grande expérience dans l’administration de la société, Fayol estime que les
entreprises doivent être organisées en « fonctions ». Ces fonctions correspondent à toutes les activités
de l’entreprise :

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Cette division de l’entreprise en fonctions est tout à fait pertinente aujourd’hui, mais nous pouvons y
ajouter 2 fonctions :

 Les ressources humaines (RH)


 La recherche et le développement (R&D)

Henri Fayol est le premier à avoir mis au centre de l’organisation de l’entreprise la fonction
Administrative, où est centralisée la prise de décisions.

La fonction administrative correspond au management d’aujourd’hui.

Il a défini 14 principes indispensables à l’efficacité de la fonction administrative :

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L’organisation de l’entreprise en fonctions ainsi que le rôle important de la direction (à travers les
14 principes) constituent des apports considérables au management d’entreprise.

Ces principes d’organisation sont toujours d’actualité aujourd’hui (soit un siècle plus tard).

Cela démontre la pertinence des travaux d’Henri Fayol sur l’organisation d’entreprise et le rôle
important de la direction.

Les idées formulées par F. associent stratégie et théorie organisationnelle et montrent la nécessité de
faire évoluer la fonction de commandement par le développement de qualités de leadership.

III- MAX WEBER (1864-1920) ET L’ORGANISATION BUREAUCRATIQUE

Max Weber est un sociologue allemand. Spécialiste du droit. Il est l’inventeur de l’organisation
bureaucratique. Pour Weber, le concept central de l’organisation de l’entreprise est l’autorité.

On reconnait dans le modèle d’organisation de Weber la discipline et l’efficacité allemande :


conception d’un cadre de travail formel (notes de service ; procédures administratives) permettant
de maintenir l’ordre et entraînant le progrès et l’innovation.

Max Weber distingue 3 types d’organisations, fondés sur les caractéristiques de l’autorité au sein de
l’entreprise :

L’autorité charismatique :
Il s’agit d’une relation de prophète à adeptes qui implique la révélation d’un héros et sa
vénération. L’organisation fonctionne par rapport un homme, par référence à un héros, un
leader.
L’autorité traditionnelle :
Elle est liée à la fonction de la personne (son statut), en particulier au sein des entreprises
familiales et repose sur l’adhésion au bien fondée de dispositions transmises par le temps.
L’autorité rationnelle :
Elle repose sur un système de buts et de fonctions étudies rationnellement, conçu pour
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maximiser la performance d’une organisation et mis à exécution par des règles et procédures. Ce
système impersonnel correspond pour Weber à la bureaucratie qui est, pour lui, la forme
d’administration la plus efficace car elle ne tient pas compte des qualités personnelles des
individus.

Weber définit 6 principes sur lesquels repose l’organisation bureaucratique basée sur la rigueur:

L’organisation bureaucratique s’oppose au modèle charismatique (les gens fonctionnent par


rapport un homme, par référence à un héros, un dieu) et au modèle de l’organisation traditionnelle
(les gens obéissent aux croyances et au caractère sacré de celui qui gouverne).

CONCLUSION :

L’école classique, à travers les travaux de ses 3 auteurs principaux, a permis de donner un cadre
d’organisation ainsi que des principes de base de fonctionnement des grandes entreprises.

Un autre modèle d’organisation emblématique de la 2eme révolution industrielle est apparu, suite à
l’application des principes de l’école classique : le Fordisme

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II- HENRY FORD (1863 – 1947) ET LE FORDISME (PRODUCTION ET CONSOMMATION
EN MASSE)

Entrepreneur américain, il a fondé la célèbre marque automobile du même nom, et a révolutionné


l’organisation de la production industrielle en son temps.

Ford était un ingénieur en chef, passionné par la mécanique et l’automobile depuis son tout jeune âge. Il
co-fonde la Henry Ford Company en 1901. Son objectif est de produire en masse des automobiles
pour permettre à tout un chacun d’acheter sa voiture. Il voit dans la consommation la clé de la paix.

« La plus haute finalité de la richesse n’est pas de faire de l’argent, mais de faire que l’argent
améliore la vie »

Outre la prise de risque et le charisme, ce qui caractérise le plus souvent les entrepreneurs c’est leur
manière de résoudre les problèmes. Afin de pouvoir produire en masse ses automobiles, Ford était
confronté à deux principaux problèmes :
 Comment mettre en place un mode de production de masse ?
 comment limiter l’absentéisme des ouvriers pour maintenir les cadences de production?

Ford s’est inspiré des principes de l’école classique et notamment de l’OST de Taylor.

Il a introduit 3 grands principes:


 La standardisation du produit (produits identiques)
 Le travail à la chaîne
 L’augmentation du pouvoir d’achat des ouvriers

1- La standardisation du produit :

« Les gens peuvent choisir n’importe quelle couleur pour la Ford T, du moment que c’est le noir.»

Le principe du Fordisme est simple : produire en masse un seul et même produit strictement identique.

C’est la révolution de la Ford T noire :


Le 1er mars 1913, est installée dans l'usine automobile de Detroit, la première chaîne d'assemblage
d'une voiture automobile, La Ford modèle T, voiture conçue et destinée à un large public.

La standardisation du produit se matérialise par l’utilisation de pièces standards, parfaitement


interchangeables dans la construction et la maintenance des véhicules. Cela permet une accélération
de la production et une simplification de la maintenance (réparation simplifiée, envoi postal des pièces
détachées).

2- Le travail à la chaine :

Afin de pouvoir produire ses véhicules en masse, Ford a mis au point une nouvelle organisation,
reposant sur :

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 La parcellisation des tâches
 La spécialisation du travail
 L’introduction du convoyeur (travail à la chaine)

C’est la naissance du travail à la chaîne


L'originalité du procédé réside dans l'installation, à mi-hauteur de corps d'homme, d'un convoyeur
qui déplace, d'un poste de travail à un autre, le véhicule en cours de montage.

Le travail étant apporté à l'ouvrier (et non l'inverse), celui-ci n'a plus qu'à exécuter les opérations
limitées et strictement définies qui lui ont été allouées.

Conséquences :
 C’est la machine (le convoyeur) qui fixe le rythme de travail (la cadence)
 Les pièces se déplacent entre les travailleurs, moins de manutention
 Economies d’échelle importantes
 Gains de productivité
La méthode se révèle efficace : le temps de montage est divisé par douze dans les années 1920.

3- L’augmentation du pouvoir d’achat des ouvriers

Henry Ford a eu une idée révolutionnaire : augmenter les salaires de ses employés pour augmenter les
profits de l’entreprise.

Pour n’importe quel comptable il s’agit d’un réel paradoxe car augmenter les salaires entraîne une
hausse des charges et donc une baisse des profits de l’entreprise.

Pourtant, en augmentant les salaires de ses employés, Ford a réalisé une énorme économie d’argent
pour son entreprise. En effet, l’augmentation des salaires a permis :
 De diminuer le turn-over (et donc les coûts de formation et de recrutement)
 D’augmenter la motivation du personnel (et donc la productivité)
 Aux ouvriers d’accéder à la consommation de biens standardisés

C’est le principe du « Five dollars a day » (équivaut 18 000 euros par an aujourd’hui)

Le modèle d’organisation de Ford, basé sur les 3 principes entraîna le développement des entreprises
de production de biens standardisés et de la consommation de masse.

Ce modèle a par la suite montré ses limites et fut décrié, notamment dans le chef d’oeuvre « Modern
Time » ou Les Temps modernes, de Charlie Chaplin).

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CONCLUSION

La révolution industrielle marque un grand changement dans l’économie et dans les modes de vie :
 Production et consommation de masse
 Innovations (de produits, de marchés, organisationnelles)
 Travail qualifié (professionnalisation)
L'école classique était bien adaptée à l'esprit et aux conditions de son époque, ainsi qu'à l'avancement
des travaux des sciences et techniques proches des organisations
Les auteurs de l’école classique ont énormément apporté à l’organisation des entreprises.. A travers
leur vision rationnelle, ils ont donné aux entreprises des moyens de se développer afin de répondre aux
besoins et vaincre certaines difficultés techniques.

Cependant, ce modèle basé sur la division et la spécialisation du travail, s’est avéré très rigide
et éprouvant et s’est confronté à de nombreux problèmes:
 La perte de qualification du travail ouvrier
 Le travail répétitif et monotone : turn-over, absentéisme, accidents du travail
 Une faible réponse aux besoins de diversification de la demande

Les critiques faites à l'approche classique sont les suivantes :


 Les lacunes des hypothèses, notamment dans le domaine psychologique de l'homme (l'homme
n'est pas motivé que par le salaire) ;
 La naïveté de ses principes en matière d'organisation; notamment le « One best way» qui peut
s'appliquer à toutes les organisations et à toutes les circonstances;
 La sous-estimation de l'impact des conflits d'intérêt et de pouvoir dans les organisations ;
 L'existence de propositions contradictoires et souvent ambiguës (exp. l'initiative laissée aux
employés et la centralisation des décisions cher Fayol) ;
 La croyance en la rationalité illimitée des personnes et en l'efficacité de la spécialisation, de la
centralisation et de l'unité de commandement ;
 Enfin la critique la plus importante est le peu d'importance attachée à la dimension humaine de
l'entreprise. Cette grande faiblesse est à l'origine des critiques les plus virulentes faites à l'école
classique.
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Le Taylorisme provoque la naissance d'un pouvoir syndical important et des conflits sociaux durs
contre les cadences infernales de travail ou le salaire au rendement.
Le taylorisme devient également le symbole de l'exploitation capitaliste de l'homme par l'homme. Il
est vivement combattu par les partis de "gauche" et critiqué.
Il devient alors indispensable de trouver un sens plus humain au travail. C’est ce qui a conduit
l'émergence de l’Ecole des relations humaines et de la sociologie des organisations qui mettent
l'accent sur le facteur humain. Mais si cette Ecole a vieilli, plusieurs de ses principes demeurent
valables aujourd’hui.

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