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Historique vrai de rugby dans le monde

2.1.1. L’émergence du rugby : l’institutionnalisation d’une joute ?

Certains voient l’origine du rugby comme étant la soule, jeu traditionnel pratiqué sous

l’ancien régime dont le berceau semble être la France, qui consistait en un jeu de masse

extrêmement violent se déroulant dans des lieux variés (aussi bien à la ville qu’à la

campagne), et opposant la plupart du temps deux villages rivaux par l’intermédiaire de leurs

habitants (quasi essentiellement les hommes). La « soule » désigne le mobile pour lequel se

défiaient les gens, consistant en une boule de bois ou bien de vessie de porc, cette dernière

pouvant être remplie de foin ou bien gonflée d’air. Quelques historiens considèrent d’ailleurs

que, pendant cette période médiévale, football et soule étaient en réalité le même jeu, à la fois

support de relations sociales et emprunt de valeurs religieuses. Tous les coups y étaient permis

pour se saisir de cette boule ou se défaire des adversaires, le nombre de joueurs n’était pas

limité et les parties pouvaient durer pendant plusieurs jours.

En remontant encore chronologiquement, il est possible de trouver une origine

commune aux jeux traditionnels, que la soule partagerait avec le hurling, le knappan etc. Cette

origine pourrait être attribuée à l’haspartum, jeu de balle romain consistant en des
confrontations collectives sur un terrain aux lignes tracées, et dont l’objectif consistait à

lancer le ballon au-delà de la ligne de fond du camp adverse. L’haspartum était également un

jeu très violent, qui autorisait de nombreuses modalités d’interventions sur le porteur de balle,

et se jouait sous forme de passe à la main (le ballon ne pouvant être frappé au pied car trop

dur) Malgré certaines ressemblances, force est d’admettre que différentes pratiques analogues

ont pu coexister en des lieux et périodes différents.

L’origine du rugby moderne serait plutôt à situer en Angleterre, au XIXème siècle ; loin

de revendiquer avec ces jeux traditionnels une filiation, Pociello (2007, p10) envisage plutôt

la forme sportive du rugby, comme une anti-soule. En effet, de nombreuses caractéristiques

séparent le rugby, du folk football ou de la soule. Si les deux derniers s’inscrivaient dans une

temporalité rituelle et festive liée aux calendriers des fêtes religieuses et folkloriques, la

pratique du rugby, quant à elle, devient séculière. Le sport promeut l’égalité entre les

participants, introduit la spécification des rôles, rationalise l’activité pour plus d’efficacité

alors qu’aucun principe d’égalité des chances entre les protagonistes n’est établi dans les jeux

traditionnels (nombre de joueurs indéterminé, espace de jeu non circonscrit…). Si les règles

du jeu fondent la pratique du rugby, il ne s’agit dans un premier temps que de conventions
locales et coutumières (d’où existence de nombreuses variantes de ces activités) qui

permettent les pratiques traditionnelles. Sans compter, l’important niveau de violence

physique inhérente au folk-football ou à la soule. La légende veut qu’un certain 1er novembre

1823 William Webb Ellis, jeune joueur et praepostor (surveillant-adjoint) dans le collège de

Rugby (ville située en Angleterre, à proximité de Londres), se saisit du ballon à la main au

cours d’une partie de football et courut ainsi en direction du but adverse, réalisant de cette

manière le geste qui allait être distinctif du rugby. Mais il faut surtout souligner le contexte

social et historique qui a permis l’émergence des sports avec l’apparition de règles à des fins

particulières de « sociabilisation », et non l’apparition du rugby comme un événement isolé

issu d’un fait historique supposé. En effet, cette rupture n’a été possible que par une

“conjonction unique d’événements et d’actions collectives” ayant pour “cadre principal le

système éducatif anglais et la réforme des collèges” initié dès le début du XIXème siècle

(Darbon, 2007, p11). Mais la légende nous en dit beaucoup de la manière dont le rugby et le

rugbyman cherchent à être perçus (Darbon, 2008).

En s’intéressant à quelques dates charnières, nous pourrons constater

l’institutionnalisation progressive du rugby et l’image qui s’est développée autour de ce sport


au fil des deux derniers siècles. Tout d’abord, c’est en 1844 que les premières règles du rugby

furent rédigées. Le docteur et pédagogue Thomas Arnold, qui est Directeur du Collège de

Rugby de 1828 à 1842, va encourager la pratique du football-rugby, dans une optique de

formation sociale. Si les vertus pédagogiques de cette pratique sont décelées très tôt,

intervient de manière concomitante la nécessité de codifier le jeu pour le rendre davantage

éducatif et réduire (en tout cas réglementer) le niveau de violence. A ce sujet, Sir Wavell

Wakefield, ancien joueur international anglais qui a notamment participé plus tard aux

améliorations des règles, dira que le rugby « est un jeu dur et c’est une de ses vertus

principales”. C’est ainsi qu’en 1844, un comité d’élèves nommés par la direction du Collège

de Rugby fut chargé de rédiger les premières règles du rugby, ce qui donna lieu à un écrit des

règles de football-rugby l’année suivante. Mais c’est la scission soccer/football et Footballrugby qui va
véritablement engendrer une institutionnalisation du rugby. En 1863 est créée la

Football Association, qui va bannir du jeu trois caractéristiques propres du rugby de l’époque

: le fait de porter la balle à la main, le “hacking” (coups de pied portés aux tibias) et le

“tripping” (croc-en-jambe). En conséquence, la Rugby Football Union (RFU) sera fondée en

1871 par trois anciens élèves du Collège de Rugby, qui rédigèrent le premier code officiel du
football-rugby dont les 59 “lois” vont remplacer les 37 “règles” précédentes (datant de 1845).

Il est important de rappeler ici que les évolutions réglementaires ont toujours suivi une triple

orientation, à savoir clarifier le jeu, protéger les joueurs et conserver l’affrontement loyal et le

parti pris athlétique. Ce nouveau code, pour protéger les joueurs, va supprimer le “hacking”

qui sera remplacé par le placage aux jambes après un passage par le ceinturage afin de

maintenir la rudesse inhérente à ce sport. L’introduction de la règle du hors-jeu, en créant

deux groupes distincts séparés par la ligne formée par le ballon devait réduire la violence du

jeu en évitant que des bagarres ne se développent en de multiples endroits du terrain. De

même la règle du tenu ajoutée en 1874, en imposant au joueur tenu de lâcher le ballon sous

peine de sanction, visait à éviter que le porteur de balle ne soit systématiquement passé à

tabac puisque l’intervention sur les joueurs ne pouvait se faire que sur le porteur de balle.

L’avènement de la RFU et la mise en place de ce code marquent véritablement l’avènement

du rugby et le début de son expansion internationale (d’abord dans l’Empire britannique puis

Rugby Football Union 1875 et la Welsh Football Union en 1881 ce qui débouchera sur la

création de l’International Rugby Board (IRB) en 1886.

Le rugby se développe en France par l’intermédiaire de jeunes anglais implantés dans la


ville du Havre, créant ainsi le premier club, le Havre Athletic Club Rugby, en 1872. Il

s’implantera ensuite sur Paris, en 1877 avec la constitution du club des « English Taylor »), et

en 1878 avec celui du Paris Football Club. Viendront ensuite le Racing Club de France (1882)

et le Stade Français l’année d’après (1883). Comme nous l’explique J.-J. Sarthou (2010,

p.37), « la diffusion du rugby en France est une affaire de classes moyennes et supérieures »,

comme le montre l’organisation du premier championnat scolaire par les « écoles

prestigieuses de Paris » (…) « sous l’impulsion du baron Pierre de Coubertin ». Le rugby

s’étendra sous la IIIème république en direction du sud-ouest, et fera l’objet d’une

confrontation entre l’église et l’école laïque : « l’église condamnera la balle ovale, les contacts

et gestes violents qui l’entourent, tandis que l’école laïque, notamment en aquitaine, la met en

avant comme parfait complément de formation des mâles virils et chauvins... » (Jaurena,

2007, p9). Le rugby français ne débutera que tardivement ses premières rencontres

internationales, avec un match du Stade Français contre le Rosslyn Park (club anglais) en

1892 à Paris, qui se soldera par une lourde défaite du club français.

L’émergence du Rugby dans ces différentes étapes d’institutionnalisation, de

construction d’un socle commun, constitue en quelque sorte la réglementation progressive


d’un combat, un affrontement rude mais non violent. Et c’est de sa rudesse, qu’il a voulu

conserver à travers son évolution, que le rugby tire sa vertu : « Sa dureté engendre

automatiquement la rigueur morale. Le rugby a tenu à conserver les difficultés d’un sport

collectif de combat pour être mieux qu’un simple exercice physique, pour rester une véritable

école où l’homme de bien voudrait forger son caractère et découvrir le sens de la vie

collective » (Garcia, 1993, p12).

ensuite dans le monde). Le premier match international se joue en Ecosse, Angleterre- Ecosse,

en 1871. La RFU anglaise sera ralliée par la Scottish Football Union en 1873, puis par l’Irish

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