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Les espaces publics

Un espace public peut désigner un espace accessible à tous et toutes,


un espace appartenant à la collectivité, ou un espace dont l’usage est
géré collectivement par une communauté. Il s’oppose à l’espace privé,
qui est la propriété d’un individu ou d’un groupe susceptible d’en
restreindre l’accès.

L’accessibilité est donc au centre de la notion d’espace public. Sophie


Blanchard et al. (2021) rappellent que l’archétype idéel de l’espace
public est l’agora grecque, centrale et ouverte à tous. En fait, l’espace
public parfaitement accessible n’existe qu’en théorie, et l’agora grecque
elle-même était très inégalement accessible selon les individus (leur
rang, leur statut juridique, leur genre) : la définition de l’espace public
est donc historiquement située.

https://geoconfluences.ens-lyon.fr/ , janvier 2023


Les mêmes auteurs montrent que les places publiques des villes
européennes, souvent considérées comme des espaces publics par
excellence, sont en fait inégalement accessibles, notamment en
raison du fait que le capital spatial dépend des individus, et que
certains peuvent limiter leur pratique de déplacement en fonction de
leur genre (Blidon, 2015) ou de leur statut.

Ainsi, certaines populations sont perçues comme indésirables par


les pouvoirs publics qui tentent de les dissuader d’accéder aux
espaces publics (Blanchard et al., 2021). C’est le cas par exemple
des sans-abri, perçus comme des marqueurs de pauvreté trop
visibles et chassés des quartiers touristiques par toute une panoplie
de dispositifs, tels que les « bancs anti-SDF ».
La définition de l’espace public varie en fonction des usages
des pratiques quotidiennes des habitants. En Chine, il peut s’agir de la
ruelle, prolongement de la maison ; ailleurs de l’église ou de la place du
marché (ibid.). Certains espaces ruraux sont aussi des espaces publics, à
l’instar des forêts domaniales françaises, intensément fréquentées les
week-end. Enfin, des espaces privés peuvent jouer le rôle d’espaces
publics, tels que les grands centres commerciaux ou shopping malls ;
c’est de plus en plus le cas dans la ville néolibérale : ils peuvent être des
espaces de plus grande diversité sociale que les places centrales.
Toutefois, s’ils sont des espaces de rencontre et de coprésence, ils ne
peuvent pas être les espaces de débat ou de contestation sociale, donc
de politique au sens large, car tout événement qui s’y déroule est
réglementé par une police privée travaillant pour le compte de l’entreprise
propriétaire.
L'espace public est un singulier dont le pluriel – les espaces publics – ne lui correspond pas.

En effet, l'espace public évoque non seulement le lieu du débat politique, de la confrontation
des opinions privées que la publicité s'efforce de rendre publiques, mais aussi une pratique
démocratique, une forme de communication, de circulation des divers points de vue ; les
espaces publics, quant à eux, désignent les endroits accessibles au(x) public(s), arpentés par
les habitants, qu'ils résident ou non à proximité. Ce sont des rues et des places, des parvis et
des boulevards, des jardins et des parcs, des plages et des sentiers forestiers, campagnards
ou montagneux, bref, le réseau viaire et ses à-côtés qui permettent le libre mouvement de
chacun, dans le double respect de l'accessibilité et de la gratuité.

Toutefois, depuis quelques années, les espaces publics sont ceux que le public – ou des
publics – fréquente indépendamment de leurs statuts juridiques. Ainsi, des lieux privés
ouverts à un certain public sont qualifiés d'espaces publics, comme par exemple un centre
commercial ou une galerie marchande. Il est indispensable de faire le point sur cette
expression (au singulier et au pluriel) qui désigne des réalités différentes – parfois même
inconciliables entre elles – et par conséquent de commencer à en établir l'historique, puis
d'en repérer leurs possibles devenirs.

PAQUOT Thierry, « Introduction », dans : Thierry Paquot éd., L’espace public. Paris, La Découverte, «
Repères », 2009, p. 3-9. URL : https://www.cairn.info/l-espace-public--9782707154897-page-3.htm
Les espaces publics peuvent être accaparés par des personnes privées (le
professeur Y vient chaque après-midi s'asseoir sur ce banc du jardin public et
l'occupe durant trois heures environ) ou partagés collectivement (le trottoir de
cette avenue reçoit de nombreux piétons entre telle heure et telle autre heure),
ou bien encore accueillir du public alors même qu'ils appartiennent à un centre
commercial, un musée ou une enclave résidentielle sécurisée, de droit privé.

Ces espaces publics – dont la responsabilité juridique varie d'un cas à un autre,
et dont les usages sont incroyablement versatiles – mettent en relation, du
moins potentiellement, des gens, qui s'y croisent, s'évitent, se frottent, se
saluent, conversent, font connaissance, se quittent, s'ignorent, se heurtent,
s'agressent, etc. Ils remplissent une fonction essentielle de la vie collective : la
communication. Ils facilitent l'urbanité élémentaire et reçoivent, comme un don
anonyme et sans réciprocité attendue, l'altérité. C'est dans les espaces
publics que le soi éprouve l'autre. C'est dans ces espaces dits publics que chacun
perçoit dans l'étrangeté de l'autre la garantie de sa propre différence.
10 IDÉES CLÉS POUR CONCEVOIR DES ESPACES PUBLICS
PLUS ATTRAYANTS
PAR G.HELLEMAN ADAPTATION ET TRADUCTION :
EDOUARD MALSCH

Malgré la diversité de forme des espaces publics qui structurent nos


villes contemporaines, il semble possible de dégager un certain
nombre de facteurs qui garantissent une appropriation de ces
derniers par les usagers et donc indirectement leur qualité.
Old Market Square, Nottingham – Gustafson Porter + Bowman
1- Une expérience à vivre
Il existe plusieurs manières de concevoir un nouvel espace public.
Toutefois une des règles les plus basiques semble être le fait d’y
proposer quelque chose à faire. Les basiques sont le repos, le jeu, la
marche, le vélo, le jogging, le fait de se restaurer ou même de
travailler etc. En plus de ces formes d’utilisation désorganisées et
plutôt individuelles, les gens se rendent également quelque part car
on peut y satisfaire une offre collective. Ces formes d’utilisation
collectives de l’espaces se matérialisent en terrains de sports, ou
aires de jeux, ou encore en des espaces offrant la possibilité à des
activités temporaires telles que les marchés, les foires, festivals et
autres concerts ou autres événements sportifs de se dérouler.
Bien évidemment tous les espaces ne peuvent être dimensionnés
pour accueillir l’intégralité de ces types d’activités, toutefois pour être
vécu, un espace public doit vivre et pour vivre il doit être attractif et
donc proposer quelque chose…
Midland Railway Square –
PLACE Laboratory – © Dion Robeson
2-Une bonne symbiose avec l’architecture environnante
Un espace public vivant et dynamique prendra en compte les
constructions environnantes. L’interaction entre l’espace extérieur,
ses utilisateurs et le bâti, est effectivement primordiale. La
conception des bâtiments peut jouer un rôle important dans la
détermination de l’attractivité de l’espace public. Cette attractivité
augmente lorsque la dimension humaine est bien prise en compte:
en d’autres termes, la hauteur du bâti, les couleurs, les formes, les
détails et la fonction de chaque bâtiment favorisent la stimulation
de nos sens lorsque l’on déambule dans l’espace public. Limiter la
longueur des façades monotones pourrait être une piste pour
favoriser un espace public de qualité.
Old Market Square, Nottingham – Gustafson Porter + Bowman
L’expérience n’est effectivement pas du tout la même lorsque vous vous
promenez sur un trottoir le long d’une façade aveugle et passive sans aucune
ouverture. La hauteur du bâtiment n’est pas forcément un problème, il faut
toutefois se concentrer sur la façon dont est conçu le rez-de-chaussé. Il semble
particulièrement important qu’il y ait une transition en douceur entre l’espace
privé du bâti et l’espace public de la rue. Une réflexion sur la fonction de ces
espaces d’interface entre le privé et le public semble donc être primordiale pour
la réussite d’un espace public. On peut répondre à ce critère en implantant des
terrasses de restaurants, de cafés, ou plus simplement des bancs et des
espaces végétalisés apaisés.

3- Un espace accessible
Très logiquement, un espace public qui n’est pas facile à atteindre est d’ores et déjà
désavantagé. Par conséquent, il est important de s’assurer que les piétons, les cyclistes, voir
éventuellement les automobilistes pour se garer à proximité, peuvent facilement y accéder.

Ces règles d’accessibilités sont différentes en fonction du type d’espace. Outre l’accessibilité
des différents modes de transport, il est également primordial que l’espace public soit
facilement localisable.
Mariahilferstrasse – Bureau B+B orso.pitro – Vienne
Monash Northern Plaza – Ben Wrigley
4- Un espace confortable
La perception du confort est subjective. Toutefois, plusieurs facteurs peuvent affecter
cette perception. L’idée est de se sentir le bienvenu dans l’espace public. Ce sentiment
est influencé par les choses que nous voyons autour de nous, par la diversité des
couleurs, par la propreté ou encore la sûreté d’un espace et le mobilier qui peut être
offert pour répondre à certains besoins.

Plusieurs questions peuvent être posées à ce sujet :


•Êtes-vous protégé en tant que piéton ou cycliste contre des situations dangereuses (trafic)
ou est-ce l’accent est plutôt mis sur la voiture?
•La rue a-t-elle une surface agréable et uniforme?
•La rue est-elle sans obstacles?
•Le trottoir est-il assez large?
•L’espace n’est-il pas trop grand?
•Y a-t-il des endroits pour se protéger du vent, de la pluie ou de la chaleur?
•Y a-t-il des endroits pour profiter du soleil?
•Quid du bruit ?
•Y a-t-il des toilettes?
•ou d’autres services comme du WIFI gratuit?
•etc.
Toutes ces choses peuvent effectivement rendre un espace public plus confortable…
5- Une mixité des fonctions
Les espaces monotones et monofonctionnels sont généralement
beaucoup moins attrayants que les endroits où vous pouvez faire
beaucoup de choses différentes. Un parc d’entreprise est déserté après
les heures de travail. A contrario, une rue d’un quartier résidentiel, est
peu fréquentée durant les heures de bureau. La mixité des fonctions
offerte par un espace public a un impact positif sur la diversité des
utilisateurs et les plages horaires sur lesquelles ce dernier est utilisé.

Il semble également important de ne pas privilégier qu’un seul


groupe particulier d’utilisateurs et de favoriser une diversité par la
multiplicité des fonctions offertes dans l’espace public. (Sportif,
lecteurs, promeneurs, adultes, jeunes enfants etc.) L’idée est bien de
capter un public le plus large possible. Le fait de combiner ces
multiples fonctions accroît la possibilité de créer des points de
rencontre ce qui semble être également très positif.
New Road – Brighton – Gehl Architects
6- Un espace en couleur
L’apparence est également importante. l’overdose de bitume est très logiquement peu
attrayante. L’ajout de pièces d’eau, ou de verdure (arbres, plantes, fleurs, gazon) donne à un
espace une atmosphère complètement différente.
Le Red Planet est un projet d'espace public au sein d'une rue commerçante, conçu pour améliorer
l'expérience des clients du centre commercial à usage mixte. Une zone autrefois réservée à la circulation
se transforme en un endroit où s'arrêter et passer du temps en famille
L'espace comprend un terrain de basket-ball anormal. La topographie artificielle permet aux enfants de
s'allonger, de glisser, de grimper, bref, d'avoir la liberté d'utiliser l'espace comme bon leur semble. Un
panier de basket-ball plié avec des lumières LED sert d'éclairage pour la zone
D'autres espaces, tels qu'une piste d'athlétisme, des objets, des obstacles, des plateformes et des
bancs caractérisent la zone. L'espace est monochromatique, de couleur rouge, et la même couleur a
été donnée au mobilier urbain existant pour une expérience immersive
Il semble également important de travailler sur la lumière et l’éclairage de
l’espace. La conception lumière est un domaine en pleine expansion.

7- Suffisamment de place pour les piétons


Plutôt logique, mais un espace public ne peut se développer que si le piéton est
le point de départ de sa conception et de sa programmation. Sans être radical vis
à vis des voitures, la diminution du trafic est un gage d’une meilleure qualité de
vie et d’une appropriation accrue des espaces publics.

Des exemples d’espaces apaisés, partagés entre les automobilistes, les cyclistes
et les piétons qui sont conçus afin de ne pas être immédiatement interprétés
comme des espaces de circulation sont nombreux.
Luiz Paulo Conde Waterfront Promenade / Olympic Boulevard
B+ABR Backheuser e Riera Arquitetura – © Ignasi Riera
Lewis Cubitt Park – Ooze – John Sturrock
McBurney Lane – Langley – Canada – HAPA
La sécurité des piétons peut également être améliorée en fermant certaines rue au trafic
hors livraisons et habitants. (Voir les Superblocks à Barcelone), en rétrécissant les chaussées
et en agrandissant les trottoirs, en abaissant la vitesse maximale, en plaçant plus de
végétation etc.
29 AOÛT 2016
LES « SUPERBLOCKS » À LA RESCOUSSE DE L’URBANISME CATALAN
PAR EDOUARD MALSCH

la municipalité catalane a mis au point un nouveau plan de déplacement pour rendre la rue
aux habitants. Objectif : une réduction de 21% du trafic en interdisant la
circulation automobile dans 60% des rues de la ville. Les rues ainsi rendues aux piétons
seront transformées en « espaces citoyens ». L’idée est de recréer des mini-quartier
ou « Superblocks » plus ou moins imperméables aux voitures. Ces dernières ne
représentent en effet que 20% du total des déplacements de la cité catalane alors qu’elles
occupent 60% des espaces…

Le manque d’espaces verts est également une des raison ayant conduit à la mise en oeuvre
de cette nouvelle organisation. Barcelone n’offrirait ainsi en moyenne que 6,6 m2 d’espace
vert par habitant (1,85 pour les quartiers de l’Eixample et 3,15 à Gràcia) ce qui se rapproche
des niveaux d’une ville extrêmement dense comme Tokyo. Et demeure bien loin de
Londres (27 m2) ou d’Amsterdam proche des 87 m2. Alors que l’organisation mondiale de la
santé suggère d’offrir au minimum 9 mètres carrés par habitant.
Cette ambitieuse réforme sera déployée progressivement à toute l’agglomération et en
premier lieu, dans le quartier de l’Eixample, dont la trame en damier de blocs carrés,
imaginée par Ildefons Cerdà devrait faciliter sa mise en oeuvre. Concrètement,
chaque « Superblock » est composé de neufs « carrés » du damier de Cerdà. La
circulation est alors limitée aux voiries périphériques des « Superblocks » et n’est
autorisée, dans les rues internes, que pour les résidents et les livraisons, à une vitesse
réduite de 10km/h. Cette nouvelle structure urbaine devrait notamment permettre de
libérer quelques 160 intersections à transformer en espaces publics.

Outre la réduction de l’utilisation de l’automobile, la ville souhaite également accroître les


mobilités alternatives. 300 km de nouvelles pistes cyclables seront ainsi déployées. (La ville en
compte environ 100 km) Enfin un important chantier est également engagé sur le réseau de
bus pour que chaque habitant soit désormais situé à moins de 300 mètres d’un arrêt avec un
temps d’attente moyen de 5 minutes quelque soit l’arrêt contre 14 aujourd’hui.
8- Propre, entretenu et sécurisé
Cela va de soi, mais des revêtement de sol abîmés, des espaces
verts négligés, des façades mal entretenues, des lumières hors
services ou encore du mobilier urbain défectueux sont peu
attrayants et n’incitent pas les gens à se rendre dans l’espace
public.

L’entretien d’un espace public est primordial, il semble donc impératif


de prendre en compte cette dimension de gestion dans le temps dès
la conception…
Glenelg Foreshore Playspace – WAX Design –
© Sweet Lime Photo
9- Un espace ludique
En plus des activités et des événements sportifs, les espaces publics
sont souvent plus attractifs lorsqu’ils possèdent une fonction ludique.
Cette notion va bien au-delà des installations de jeu standard que l’on
retrouve dans les aires de jeux pour enfants. Ces éléments ludiques
voir pédagogiques peuvent en effet être également réalisés pour les
adultes.
10- Du mobilier pour s’asseoir
C’est finalement un peu la base, imaginez un espace vide, plantez-y
un arbre et installez un banc juste en dessous : votre espace public
est né ! Les bancs en nombre ne feront pas forcément de votre
espace un espace qualité, il s’agit plutôt de bien les disposer et
d’offrir des situations alternatives.
Certaines personnes rechercheront le soleil, d’autres l’ombre, parfois, un endroit calme
pour travailler ou bouquiner tandis que d’autres personnes préféreront disposer d’une belle
vue dégagée. Du mobilier mobile offrant une plus grande flexibilité pourrait être une bonne
solution pour répondre à ce facteur.

Octopus – Florentjin Hofman – Shenzhen – UAP


Lidabashi Plano – Earthscape – Tokyo
Channel Center Park and Iron Street Park – Halvorson Design Partnership – Boston
Klyde Warren Park – Dallas, Texas – The Office of James Burnett – © Mei-Chun Jau

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