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TRAVAUX DIRIGÉS
DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX
3ème année de Licence
2023-2024
Sujet n°1 : Commentaire d’arrêt Cass. Ch. Mixte. 26 mai 2006, n°03-19.495
La Cour (…) Sur le moyen unique : Attendu, selon l’arrêt attaqué (CA Papeete, 13
févr. 2003), qu’un acte de donation partage dressé le 18 décembre 1957 et contenant
un pacte de préférence a attribué à Mme Adèle Amaru un bien immobilier situé à
Haapiti ; qu’une parcelle dépendant de ce bien a été transmise, par donation partage
du 7 août 1985, rappelant le pacte de préférence, à M.Ruini Amaru qui l’a ensuite
vendu le 3 décembre 1985 à la SCI Emeraude, par acte de M. Solari, notaire ;
qu’invoquant une violation du pacte de préférence, stipulé dans l’acte du 8 décembre
1957, dont elle tenait ses droits en tant qu’attributaire, Mme Pere a demandé, en 1992,
sa substitution dans les droits de l’acquéreur et subsidiairement le paiement des
dommages et intérêts. Attendu que les consorts P. font grief à l’arrêt d’avoir rejeté la
demande tendant à obtenir une substitution dans les droits de la société Emeraude,
alors, selon le moyen : 1°/ que l’obligation de faire ne se résout en dommages et
intérêts que lorsque l’exécution en nature est impossible, pour des raisons tenant à
l’impossibilité de contraindre le débiteur de l’obligation à l’exécuter matériellement ;
qu’en dehors d’une telle impossibilité, la réparation doit s’entendre au premier chef
comme une réparation en nature et que, le juge ayant le pouvoir de prendre une
décision valant vente entre les parties au litige, la cour d’appel a fait de l’article 1142
du code civil, qu’elle a ainsi violé, une fausse application ; 2°/ qu’un pacte de
préférence dont les termes obligent le vendeur d’un immeuble à en proposer d’abord
la vente au bénéficiaire du pacte, s’analyse en l’octroi d’un droit de préemption, et
donc en obligation de donner, dont la violation doit entrainer l’ inefficacité de la vente
conclue malgré ces termes avec le tiers, et en la substitution du bénéficiaire du pacte à
l’acquéreur, dans les termes de la vente ; que cette substitution constitue la seule
exécution entière et adéquate du contrat, laquelle ne se heurte à aucune impossibilité ;
qu’en la refusant, la cour d’appel a violé les articles 1134, 1138 et 1147 du code civil ;
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3°/ qu’en matière immobilière, les droits accordés sur un immeuble sont applicables
aux tiers dès leur publication à la conservation des hypothèques ; qu’en subordonnant
le prononcé de la vente à l’existence d’une faute commise par l’acquéreur, condition
inutile dès lors que la Cour d’appel a constaté que le pacte de préférence avait fait
l’objet d’une publication régulière avant la vente contestée, la cour d’appel a violé les
articles 28, 30 et 37 du décret du 4 janvier 1955.
Mais attendu que, si le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger
l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir
la substitution à l’acquéreur, c’est à la condition que ce tiers ait eu connaissance,
lorsqu’il a contracter, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du
bénéficiaire de s’en prévaloir ; qu’ayant retenu qu’il n’était pas démontré que la société
Emeraude savait que Mme P. avait l’intention de se prévaloir de son droit de
préférence, la cour d’appel a exactement déduit de ce seul motif, que la réalisation de
la vente ne pouvait être ordonnée au profit de la bénéficiaire du pacte ; D’où il suit que
ce moyen n’est pas fondé ; Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; (…)
Sujet n°2 : Commentaire d’arrêt, Cass.3e civ., 31 janv. 2007, n°05.21. 071, Sté Aux Jardins de
France c/ Sté Capesterre
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Exercice :
Dissertation : Les spécificités du contrat de vente
Documents :
Document 1 :
Définition. Selon l’article 1582, alinéa 1er, du code civil : « La vente est une convention par
laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer ». Le trait caractéristique de la vente
est qu’elle est translative de propriété (sect. 1), et que cette prestation s’effectue moyennant le
paiement d’un prix (sect. 2); encore faut-il préciser un prix en argent. La définition légale peut être
complétée en utilisant les classifications classiques des contrats. La vente est un contrat
synallagmatique à titre onéreux; ces deux précisions s’évincent de la formule légale; mais il faut
ajouter que c’est un contrat consensuel, et en principe commutatif (mais il peut exister des ventes
aléatoires).
Document 2 :
Extrait de Vente : formation par Olivier Barret et Philippe Brun, Répertoire de droit immobilier
(Octobre 2019, actualisation 2023).
Art. 4 - Transfert de propriété
63. Singularité de l'effet translatif. - Aux termes de l'article 1583 du code civil : « … la
propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la
chose et du prix ». L'effet translatif contribue, lui aussi, à souligner le particularisme de la
vente en regard d'autres contrats tels que le bail (V. infra, nos 64 s.), le prêt (V. infra,
nos 68 s.), le dépôt (V. infra, nos 70 s.), et le contrat de fourniture et d'assistance (V. infra,
nos 74 s.).
§ 1er - Vente et bail
64. Effet translatif vs droit de jouissance. - L'effet translatif de la propriété permet de
distinguer la vente et le bail, puisque ce dernier ne confère au preneur qu'un droit de
jouissance, de nature personnelle, relativement à la chose. Encore convient-il d'observer que
les deux contrats peuvent se combiner, comme au cas de crédit-bail (V. Crédit-bail [Civ.] ),
de location-accession immobilière (V. Location-accession à la propriété immobilière
[Civ.] ) ou de location-vente (V. Location-vente [Civ.] ) ; généralement, la jouissance
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concédée tend alors à anticiper le transfert de la propriété que les parties ont en vue. C'est
pourquoi ces contrats sont soumis à des régimes hybrides.
65. Indépendamment des combinaisons auxquelles la vente et le louage se prêtent, la
distinction de ces deux contrats s'avère parfois malaisée. Il en est ainsi, tout d'abord, en
présence de la vente dite de fruits, spécialement de la vente d'herbe : dans la mesure où les
fruits ressortissent à la jouissance de la chose, il est permis d'hésiter sur la qualification exacte
d'une telle convention. La portée pratique de la solution est pourtant considérable, puisque,
selon que la cession des fruits de l'exploitation agricole est analysée comme un bail ou
comme une vente, elle relève ou non du statut du fermage.
66. Présomption de l'article L. 411-1 du code rural. - L'article L. 411-1 du code rural, tel
qu'il est issu de la loi no 84-741 du 1er août 1984, vise à régler la difficulté. Il pose une
présomption simple de bail en présence de « toute cession exclusive des fruits de
l'exploitation lorsqu'il appartient à l'acquéreur de les recueillir ou de les faire recueillir ».
Pour combattre la présomption, le cédant doit, suivant le même texte, établir « que le contrat
n'a pas été conclu en vue d'une utilisation continue ou répétée des biens » – ce qui,
concrètement, implique que l'acquéreur des fruits change tous les ans (rappr. Civ. 3e, 2 juin
1993, nos 92-10.593 et 92-10.618, Bull. civ. III, no 77. – Civ. 3e, 27 oct. 1993, no 91-11.166 ,
Bull. civ. III, no 129 ; Gaz. Pal. 1994. 1. Somm. 293. – Civ. 3e, 12 juill. 1995, no 93-
14.613 , D. 1995. IR 218 . – Civ. 3 e, 24 mai 2000, no 98-20.148 , RD rur. 2001. 53) – ni
« dans l'intention de faire obstacle à l'application du » statut du fermage – ce qui postule que
l'acquéreur d'herbe ne soit astreint à aucun acte de culture ou d'entretien du fonds –. La
jurisprudence s'efforce de mettre en œuvre ces principes de qualification avec nuance. Par
exemple, un arrêt de la Cour de cassation a approuvé une cour d'appel d'avoir déduit qu'une
vente d'herbe consentie pour une année, tacitement renouvelée une fois, n'était pas une
opération continue et répétée dans l'intention de faire obstacle au statut du fermage, dès lors
que la même cour d'appel avait constaté que la propriétaire souhaitait aliéner le fonds, ce
qu'elle avait réalisé dès que possible, et non le faire exploiter, et que la circonstance
exceptionnelle de la disparition de son conjoint, qui exploitait de son vivant les prairies,
l'avait contrainte à renouveler tacitement la vente d'herbe consentie dans l'attente de la vente
des prairies (Civ. 3e, 24 mars 2004, no 02-15.920 , Bull. civ. III, no 63).
67. Concession de carrière. - La distinction du bail et de la vente a également suscité des
difficultés en présence du contrat de concession d'une carrière. Ce contrat se rapproche, à
première vue, du bail en ce que le concessionnaire exerce de manière successive un droit
d'extraction, en contrepartie duquel il verse parfois une redevance périodique. Mais la
jurisprudence récuse cette analyse (Com. 17 avr. 1953, D. 1953. 387. – Civ. 3e, 30 mai 1969,
Bull. civ. III, no 437 ; D. 1969. 561 ; JCP 1970. II. 16173, note G. Hubrecht) : elle traite la
convention comme une vente de meubles par anticipation entre les parties, portant sur les
matériaux extraits (Civ. 3e, 25 oct. 1983, Bull. civ. III, no 197), et comme une vente
immobilière à l'égard des tiers (Req. 15 déc. 1857, DP 1859. 1. 366. – Civ. 28 nov. 1949,
D. 1950. 38) – auxquels, par conséquent, celle-ci n'est opposable que dans la mesure où elle
a été publiée à la conservation des hypothèques – ; car le droit d'exploitation concédé a pour
effet d'entamer la substance du bien, ce qui est incompatible avec une simple jouissance, et
équivaut donc à un transfert de propriété (V., sur l'ensemble de la question,
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69. Cas particulier. - Cela posé, la combinaison de la vente et du prêt peut se rencontrer
dans le cas particulier de la vente avec consignation de l'emballage. En vérité, tout dépend
alors de la commune intention des parties : à défaut de précision, la jurisprudence paraît
encline à considérer que la consignation constitue un prêt à usage, dès lors que l'emballage
doit être restitué et que son usage est gratuit (Civ. 1 re, 2 mars 1954, D. 1954. 275 ; JCP 1954.
II. 8117, note J. Hémard ; RTD civ. 1954. 510, obs. J. Carbonnier). Lorsqu'en revanche, la
propriété de l'emballage est transférée à l'acheteur, et que celui-ci a la faculté de le rendre
contre remise du prix, les tribunaux considèrent qu'il y a eu vente de l'emballage, avec
promesse de rachat (Com. 14 oct. 1974, Gaz. Pal. 1975. 1. 129 ; RTD civ. 1975. 323, obs.
G. Cornu ; RTD com. 1975. 584, obs. J. Hémard).
§ 3 - Vente et dépôt
70. Critère : recherche de la commune intention des parties. - L'effet translatif de la
propriété permet de différencier la vente du dépôt, par lequel, suivant l'article 1915 du code
civil, « on reçoit la chose d'autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature »
(V. Dépôt [Civ.] ). Mais certaines opérations combinent le dépôt et la vente. Tel est le cas,
par exemple, de celle par laquelle un marchand et son fournisseur conviennent que le premier
vendra ce qu'il pourra et restituera au second la marchandise non vendue au terme du délai
stipulé. On parle alors de dépôt-vente. La détermination de la véritable nature d'un tel contrat
dépend de la commune intention des parties, qu'il appartient au juge du fond de rechercher
souverainement s'il y a litige.
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contractants, la vente pourra alors avoir été conclue sous la condition résolutoire de la non-
revente des biens fournis (Paris, 12 déc. 1980, D. 1981. IR 447, obs. C. Larroumet) ou sous
la condition suspensive de la revente (Versailles, 8 nov. 1990, D. 1992. Somm. 193, obs.
O. Tournafond ). Lorsqu'en revanche, le commerçant vend des marchandises en tant que
représentant du fournisseur, le contrat est un dépôt assorti d'un mandat de vendre (rappr., à
propos du diffuseur de presse :
72. Applications. - En application de ces critères, s'analyse comme une vente sous condition
résolutoire le contrat par lequel un industriel remet des marchandises à un marchand
ambulant, moyennant le versement immédiat d'une somme d'argent à titre de garantie, sous
réserve de la faculté attribuée au marchand de restituer les invendus à l'industriel passé un
délai de quinze jours, et de recevoir en retour la somme correspondante (Crim. 10 déc. 1969,
Gaz. Pal. 1970. 1. 90 ; RTD civ. 1970. 371, obs. G. Cornu).
73. L'enjeu pratique de la qualification retenue est important, dans la mesure où celle-ci
commande à la fois le régime de la restitution, le fournisseur pouvant à tout moment exiger
la restitution de la chose confiée à l'intermédiaire au cas de mandat, et la charge des risques
liés à la disparition fortuite de la chose. Spécialement, en ce qui concerne la charge des
risques, on sait que celle-ci repose normalement sur le propriétaire ; en conséquence, lorsque
le dépôt-vente est analysé comme une vente sous condition résolutoire, c'est au commerçant
distributeur qu'il incombe, normalement, de supporter les risques liés à la perte des invendus
(Paris, 12 déc. 1980, préc. [supra, no 71]) ; et, lorsque le dépôt-vente a la nature d'un dépôt,
c'est le fournisseur qui demeure tenu d'assumer ces derniers.
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§ 1er - Principe
77. Condition en principe nécessaire et suffisante. - Aux termes de l'article 1583 du code
civil, la vente « est parfaite entre les parties… dès qu'on est convenu de la chose et du prix ».
Il ressort du texte que, pour être valablement formée, la vente n'exige en principe aucune
formalité ; il suffit que les volontés des parties se soient rencontrées sur ses éléments
essentiels, c'est-à-dire sur la chose et sur le prix. Ainsi, la vente se voit conférer, comme la
plupart des contrats en droit français, un caractère consensuel (sur les hésitations manifestées
par le groupe de travail auteur de l'avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux,
quant à l'opportunité du maintien du principe du transfert solo consensu, V. l'exposé des
motifs de l'avant-projet, consultable sur le site de l'association Henri Capitant). Il en découle,
par exemple, que la signature d'un acte de vente immobilière par l'acquéreur après le décès
des venderesses n'empêche pas la perfection du contrat, dès lors que les deux parties ont
donné leur consentement avant ce décès (Civ. 3e, 27 nov. 1990, Bull. civ. III,
no 225 ; D. 1992. Somm. 195, obs. G. Paisant ; JCP 1992. II. 21808, note Y. Dagorne-
Labbe). De la même manière, un contrat de vente de photographie aérienne est formé dès
que les parties sont convenues de la chose et du prix, non à réception de la photographie par
l'acquéreur (Civ. 1re, 1er juin 1999, no 97-14.165 , D. 2000. 622, note M. Thioye ; RTD com.
2000. 163, obs. B. Bouloc ).
78. Dérogations : exceptions conventionnelles. - Cela étant, l'article 1583 du code civil
n'est pas un texte d'ordre public. Les contractants sont donc libres d'y déroger, et de convenir
que la vente ne deviendra parfaite qu'après l'accomplissement de telle ou telle formalité
(Paris, 18 sept. 1989, D. 1989. IR 258). Spécialement, il n'est pas rare, dans le cadre des
promesses réciproques de vente et d'achat, que les contractants écartent la règle de l'article
1589 du code civil suivant laquelle : « La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a
consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix », et diffèrent la
formation de la vente jusqu'au jour de la signature de l'acte authentique qui la constatera. Une
telle stipulation est pleinement valable, pourvu qu'elle soit très clairement exprimée : la
jurisprudence est fixée en ce sens depuis un arrêt de la chambre des requêtes de la Cour de
cassation en date du 4 mai 1936 (DH 1936. 313), aux termes duquel : « L'énonciation dans
un acte sous seing privé portant accord sur la chose et sur le prix qu'un acte notarié sera
ultérieurement dressé n'a pour effet de subordonner la formation et l'efficacité du contrat à
l'accomplissement de cette formalité que s'il résulte clairement, soit des termes de la
convention, soit des circonstances, que telle a été la volonté des parties ». Ce principe de
solution est rappelé régulièrement par la jurisprudence (Civ. 3e, 20 déc. 1994, no 92-20.878).
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Attendu que pour ordonner la restitution à Mme Y... des sommes au paiement desquelles elle avait
été condamnée en première instance, l'arrêt retient que le droit de chasse affectant la propriété
acquise découle de la loi, que le silence de la venderesse porterait donc seulement sur le fait qu'elle
n'a pas fait usage de la faculté légale de former opposition à l'exercice de ce droit, mais que cette
opposition constitue l'exception, alors que le droit commun est bien l'application du droit de chasse
et que, dès lors, il ne saurait y avoir de silence dolosif ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à la venderesse d'informer l'acquéreur, quelle que soit
l'utilisation envisagée pour l'immeuble, de la situation juridique de la propriété vis-à-vis de
l'exercice du droit de chasse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour ordonner la restitution de la somme de 4 000 francs, l'arrêt retient que cette
somme aurait servi à compenser la perte des loyers et que, dès lors, ce paiement n'apparaît pas sans
cause ;
Qu'en statuant ainsi, par un motif dubitatif, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte
susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 juin 1998, entre les parties,
par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles
se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.
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Documents :
Document 1 : Extrait Droit des contrats spéciaux, juin 2022, Lextenso par Sarah Farhi
87. Les conditions de formation du contrat de vente. Les articles 1582 et 1583 du Code civil
prévoient que la vente est un contrat consensuel formé grâce à la rencontre des volontés de
l’acheteur et du vendeur sur la chose et le prix. La formation du contrat de vente, quant à ses
conditions de fond, semble simple. Tel n’est pas toujours le cas, car la rencontre des volontés peut
parfois résulter d’un processus complexe (section 1). À ces conditions de fond s’ajoute
exceptionnellement un formalisme imposé par le législateur pour former le contrat de vente
(section 2).
Section 1
La rencontre des volontés
88. Les processus de rencontre des volontés. Pour conclure la vente, les volontés des parties au
contrat doivent se rencontrer grâce à l’acceptation d’une offre selon les conditions des
articles 1113 et suivants du Code civil (1•). À côté de ce processus simple qui relève du droit
commun des contrats, il existe un processus complexe matérialisé par des avant-contrats (2•).
89. Le consentement des contractants. Selon l’article 1594 du Code civil, « tous ceux auxquels
la loi ne l’interdit pas peuvent acheter ou vendre ». Le contrat de vente est un contrat bilatéral
accessible à tout vendeur (A) et tout acheteur (B). Si les parties sont libres de former le contrat de
vente, le législateur s’assure néanmoins de l’intégrité de leur consentement (C).
A - Le vendeur
90. Le consentement du vendeur. Les parties au contrat de vente doivent trouver un accord sur
la chose et le prix, mais encore faut-il que le vendeur dispose de la capacité de vendre (1), et
qu’aucune restriction à sa liberté de vendre ne lui soit imposée (2).
1) La capacité de vendre
91. La capacité juridique de vendre. Pour vendre un bien, il est nécessaire de disposer de la
capacité juridique. Il s’agit de l’application des règles du droit commun des obligations. Ainsi, un
mineur non émancipé 45 ou un majeur protégé 46 ne peut pas conclure seul un contrat de vente, car
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il s’agit d’un acte qui requiert une liberté de disposer qu’il n’a pas. Cependant, l’article 1148 du
Code civil admet que les incapables concluent seuls des actes de la vie courante dès lors que les
conditions sont normales. Le mineur non émancipé, le majeur sous tutelle ou curatelle peut ainsi
vendre seul des chaussures sur une plate-forme d’occasion en ligne dès lors que le prix obtenu
n’est pas ridiculement bas. Le non-respect de ces règles relatives à la capacité juridique permet
l’exercice d’une action en nullité à l'égard du contrat de vente.
92. La capacité des personnes morales. Pour les personnes morales, la capacité juridique de
vendre doit être mise en parallèle avec l’objet social. Les actes de la personne morale doivent
participer à la réalisation de l’objet social et notamment les contrats de vente qui doivent répondre
à cette exigence.
93. La capacité de disposer. Outre la capacité juridique, le vendeur doit également disposer du
pouvoir de vendre le bien. Le vendeur doit donc être propriétaire de la chose vendue. Cette question
ayant déjà été examinée 47, elle ne sera pas ici à nouveau exposée.
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peut être forcée. Il s’agit des ventes réalisées dans le cadre d’une procédure d’expropriation pour
cause d’utilité publique, d’une procédure collective, d’une réquisition ou d’une saisie.
B - L’acheteur
1) La capacité d’acheter
98. La capacité de l’acheteur. Pour acheter un bien, il est nécessaire de disposer de la capacité
juridique. Il s’agit de l’application des règles du droit commun des obligations. Ainsi, un mineur
non émancipé 51 ou un majeur protégé 52 ne peut pas conclure seul un contrat de vente, car il s’agit
d’un acte qui requiert une liberté de disposer qu’il n’a pas. Cependant, l’article 1148 du Code
civil admet que les incapables concluent seuls des actes de la vie courante dès lors que les
conditions sont normales. Le mineur non émancipé, le majeur sous tutelle ou curatelle peut donc
acheter seul une baguette de pain dès lors que son prix ne dépasse pas 2 €. Le non-respect de ces
règles permet l’exercice d’une action en nullité relative du contrat de vente.
99. La capacité des personnes morales. Pour les personnes morales, la capacité juridique
d’acheter doit être rapprochée de l’objet social. Les actes de la personne morale doivent participer
à la réalisation de l’objet social, notamment les contrats de vente qui doivent répondre à cette
exigence.
100. L’existence d’incapacités spéciales. Des incapacités spéciales d’acheter sont également
prévues afin de protéger les vendeurs en situation de faiblesse. Ainsi, les professionnels travaillant
dans un établissement accueillant des personnes âgées ou effectuant des soins psychiatriques ne
peuvent pas acheter les biens des patients. En outre, aux termes de l’article 1596 du Code civil :
– le tuteur ne peut acheter les biens de l’incapable ;
– le mandataire ne peut acquérir les biens qu’il doit vendre ;
– les administrateurs ne peuvent acheter les biens qu’ils doivent gérer ;
– les officiers publics ne peuvent acquérir les biens nationaux vendus par leur ministère ;
– les fiduciaires ne peuvent acheter les biens du patrimoine affecté.
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102. Les mécanismes d’éviction de l’acheteur. Il existe des mécanismes légaux qui permettent à
une personne de se substituer à l’acheteur initialement choisi par le vendeur. Ces mécanismes qui
évincent l’acheteur sont une restriction à la liberté d’acheter. Il s’agit du droit de préemption et du
droit de retrait. Le droit de retrait est exercé après la conclusion de la vente et permet à son titulaire
de prendre la place de l’acquéreur grâce à une faculté de substitution. Au contraire, le droit de
préemption est exercé avant que la vente ne soit conclue. Ce droit permet à son titulaire d’acquérir
prioritairement le bien de l’acheteur. Les droits de préemption sont très nombreux. S’il ne s’agit
pas d’en donner une liste exhaustive, il est possible de citer le droit de préemption reconnu aux
musées nationaux pour les ventes d’œuvres d’art aux enchères, ou encore le droit de préemption
urbain qui permet à une commune de se porter acquéreur prioritaire d’un immeuble dans certaines
zones de son territoire.
103. Les obligations d’acquérir. Il existe des mécanismes conventionnels qui imposent à
l’acheteur des obligations d’acquérir. Il s’agit notamment des clauses d’exclusivité ou de minima
qui aménagent les conditions dans lesquelles un acheteur va acquérir des biens. Elles se retrouvent
fréquemment dans les contrats de distributions 53. Si la clause est d’exclusivité, l’acheteur ne peut
acquérir les biens qu’auprès d’un unique vendeur déterminé dans le contrat. Si la clause est de
minima, l’acheteur a l’obligation d’acquérir une certaine quantité de biens auprès du vendeur. Pour
protéger la liberté d’acheter, ces clauses sont traitées avec sévérité par la jurisprudence et le
législateur. L’article L. 330-1 du Code de commerce limite notamment à 10 ans la durée des
clauses d’exclusivité.
C - L’intégrité du consentement
104. Un consentement éclairé. Pour conclure un contrat de vente, la rencontre des consentements
du vendeur et de l’acheteur peut se dérouler selon un processus simple. Il s’agit de la conjonction
entre une offre et son acceptation, qui permet de conclure le contrat instantanément. Ce mécanisme
relevant du droit commun des contrats ne fera pas ici l’objet de développements, tout comme la
protection de la volonté des parties issue de l’application des vices du consentement. Ce propos
s’attachera à examiner l’obligation d’information (1) et les mécanismes qui aménagent la
réflexion des parties (2), ceux-ci ayant un impact sur l’intégrité du consentement des contractants
à la vente.
1) L’obligation d’information
dans l’ancien article 1134 du Code civil qui imposait aux parties d’exécuter le contrat de bonne
foi. Pour la jurisprudence, l’exigence de bonne foi imposait implicitement au vendeur d’informer
l’acheteur sur les caractéristiques du bien vendu. Depuis l’ordonnance, une obligation générale
d’information a été créée au nouvel article 1112-1 du Code civil, qui dispose que « celle des parties
qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre
doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait
confiance à son cocontractant ». Cette disposition s’applique à tous les contrats spéciaux, et
particulièrement à la vente.
106. Le fondement spécial. Un fondement spécifique au contrat de vente existe également.
L’article 1602 du Code civil dispose ainsi que « le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à
quoi il s’oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s’interprète contre le vendeur ». Dès lors, le vendeur
est présumé connaître parfaitement la chose et doit communiquer les informations à l’acheteur.
Cette information délivrée par le vendeur autorise-t-elle l’acheteur à ne pas être curieux ? Après
des hésitations tant en jurisprudence qu’en doctrine, il faut aujourd’hui considérer que l’acheteur
n’a pas à être curieux. Il reçoit les informations sans avoir à s’enquérir des qualités de la chose
achetée. Il n'a donc pas à poser des questions pour s'informer.
Si l’obligation d’information est imposée à tous les vendeurs, son intensité varie selon la qualité
de l’acheteur. En effet, le vendeur doit délivrer toutes les informations qu’il détient à l’acheteur
profane, afin que celui-ci puisse apprécier toutes les caractéristiques de la chose. Le vendeur
professionnel est ici présumé connaître parfaitement le bien vendu. Il doit même conseiller
l’acheteur pour qu’il acquière un bien en « adéquation avec l’utilisation qui en est prévue » 54. En
revanche, si l’acheteur est un professionnel, le vendeur doit le renseigner uniquement s’il ne peut
pas apprécier seul les caractéristiques techniques de la chose.
107. L’absence d’information sur la valeur. Que l’acheteur soit profane ou professionnel,
l’obligation d’information n’impose jamais au vendeur d’informer sur la valeur réelle du bien 55.
En outre, l’information étant ici donnée par le vendeur à l’acheteur avant la conclusion du contrat
pour éclairer son consentement, son inexécution relève du champ de la responsabilité délictuelle.
108. Les obligations d’information spéciales à certaines ventes. À côté de l’obligation générale
d’information, une obligation spéciale d’information est imposée à certains vendeurs. Par exemple,
le législateur a renforcé l’obligation d’information du vendeur immobilier par le biais des
diagnostics de performances énergétiques obligatoires. En droit de la consommation, la protection
du consommateur est assurée par un arsenal de mentions obligatoires listées à l’article L. 111-1 du
Code de la consommation. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive.
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109. Les délais de réflexion. Pour assurer la réalité du consentement des parties, les contractants
peuvent bénéficier d’un délai de réflexion avant (a) ou après (b) la conclusion du contrat de vente.
110. Les différents types de délais. Pour éviter les achats impulsifs et préserver les ménages du
risque de surendettement, le législateur a créé dans certaines ventes un délai de réflexion. Grâce à
ce délai, les parties sont obligées de peser le pour et le contre de la vente avant de conclure le
contrat.
111. Le délai de réflexion pour les ventes à crédit. Un délai de réflexion est prévu pour les ventes
à crédit. Il s’agit des achats financés par des crédits contractés auprès d’établissements financiers.
Le Code de la consommation considère ainsi, dans son article L. 311-1, que le crédit effectué pour
financer un achat particulier est un « crédit affecté ». Si le crédit est une enveloppe à la disposition
de l’emprunteur, utilisée au coup par coup pour effectuer des achats, le crédit n’est pas affecté. En
matière de vente mobilière à crédit, l’acheteur bénéficie d’un délai de réflexion de 15 jours. En
effet, comme l’offre de prêt doit être maintenue par l’établissement financier pendant une durée
minimale de 15 jours à partir de sa remise 56, ce délai permet à l’emprunteur-acheteur de réfléchir
à la portée de son engagement. Cependant, l’emprunteur-acheteur peut accepter le prêt et conclure
la vente avant l’expiration du délai. En matière de vente immobilière à crédit, l’acheteur bénéficie
d’un délai de réflexion de 30 jours. Assurément, comme l’offre de prêt doit être maintenue par
l’établissement financier pendant une durée minimale de 30 jours à compter de sa réception 57, ce
délai permet à l’emprunteur-acheteur de réfléchir. Ici, l’emprunteur-acheteur ne peut jamais
accepter le contrat de prêt et donc conclure la vente avant l’expiration d’un délai de 10 jours.
112. Le délai de réflexion pour les ventes d’un immeuble à usage d’habitation par un
acheteur non professionnel. Un délai de réflexion est prévu pour les ventes portant sur un
immeuble à usage d’habitation avec un acquéreur non professionnel. Pour la construction ou
l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, l’article L. 271-1 du Code de la construction et
de l’habitation prévoit que l’acheteur non professionnel dispose d’un délai de réflexion de 10 jours
à compter de la remise ou de la notification du projet d’acte authentique. Tant que ce délai n’est
pas écoulé, la vente ne peut pas être conclue. Cependant, si la vente immobilière a été précédée
par un avant-contrat, comme une promesse synallagmatique ou unilatérale, le délai de réflexion ne
s’applique pas. Dans ce cas, une faculté de rétractation est offerte à l’acquéreur pendant un délai
de 10 jours après de la signature de la promesse 58.
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également à l’acheteur de revenir sur son consentement dans certains cas grâce à la faculté de
rétractation. L’exercice de cette faculté de rétractation ne doit toutefois pas participer d’un abus de
droit 59.
114. La rétractation dans les ventes à distances ou par démarchage. Une faculté de rétractation
existe pour les ventes à distance ou par démarchage. Il s’agit des ventes effectuées par téléphone,
internet ou par catalogue. Il s’agit également des ventes réalisées après un démarchage hors du lieu
où le vendeur professionnel exerce son activité ainsi que des ventes réalisées après un démarchage
dans le lieu où le professionnel exerce son activité. Selon l’article L. 221-18 du Code de la
consommation, le délai de rétractation de l’acheteur est de 14 jours à compter de la réception du
bien acheté. Cependant, si le professionnel n’a pas informé l’acheteur de l’existence d’une faculté
de rétractation, le délai est allongé à 12 mois 60. La faculté de rétractation a été modifiée par la
loi Hamon du 17 mars 2014 qui a allongé le délai de rétractation de 7 à 14 jours. Grâce à cette
faculté de rétractation, l’acheteur peut renoncer au contrat. Après l’exercice de cette faculté, le
vendeur doit rembourser intégralement l’acheteur dans un délai de 14 jours, sauf si ce vendeur
attend le retour des biens délivrés ou la preuve de leur renvoi 61 qui doit intervenir au plus tard
14 jours après l’exercice de la rétractation 62. Par exemple, un étudiant qui achète 3 000 marque-
pages adhésifs sur le site www.toutpouretudier.com, dispose de 14 jours pour annuler sa
commande. Le vendeur devra alors rembourser l’intégralité du prix payé, à condition que l’étudiant
renvoie les 3 000 marque-pages reçus.
115. La rétractation dans les ventes à crédit. Une faculté de rétractation existe pour les ventes à
crédit. Il s’agit des ventes réalisées grâce à un crédit contracté auprès d’établissements financiers.
En matière de vente mobilière financée par un crédit à la consommation, l’acheteur bénéficie d’un
délai de rétractation de 14 jours 63. Si le crédit à la consommation est affecté, c’est-à-dire réalisé
pour acheter un bien particulier, le délai de rétractation est aussi de 14 jours 64. Lorsque le crédit
est affecté, l’exercice de la faculté de rétractation entraîne la résolution de plein droit du contrat
sans que le vendeur ne puisse disposer d’une indemnité. Tant que le délai de rétractation n’est pas
écoulé, le vendeur ne peut recevoir aucun paiement de l’acheteur, le consentement de ce dernier
pouvant encore être rétracté 65.
116. La rétractation dans les ventes d’immeubles à usage d’habitation par un acquéreur non
professionnel. Un délai de rétractation existe pour les ventes d’immeubles à usage d’habitation
avec un acquéreur non professionnel. En effet, l’article L. 271-1 du Code de la construction et de
l’habitation prévoit que pour les contrats de « construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage
d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en propriété
d’immeubles d’habitation ou la vente d’immeubles à construire ou de location-accession à la
propriété immobilière », l’acquéreur non professionnel dispose d’une faculté de rétractation de
10 jours. Le contrat peut également étendre la faculté de rétractation prévue à l’article L. 271-1 à
l’acheteur professionnel 66. Ce délai court « à compter du lendemain de la première présentation
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de la lettre » notifiant l’acte de vente à l’acquéreur. Si la vente est précédée d’un avant-contrat,
comme une promesse, la faculté de rétractation ne s’applique qu’à ce contrat préparatoire.
L’acquéreur n’a alors pas de faculté de rétractation pour la vente elle-même, puisque la rétractation
a pu être exercée lors de la signature de l’avant-contrat.
117. La faculté de dédit ou de repentir. Si la rétractation du consentement peut être légale, elle
peut également être prévue dans le contrat. Les parties peuvent insérer dans le contrat de vente une
clause qui aménage une faculté de dédit ou de repentir. Une telle clause permet à l’une, à l’autre
ou aux deux parties de retirer leur consentement. Elle entraîne un anéantissement rétroactif de la
vente. L’exercice de la faculté de dédit suppose généralement le versement d’une indemnité par
celui qui l’exerce, mais il ne s’agit pas d’une condition de validité de la clause. Le dédit peut être
gratuit.
118. La formation de la vente grâce à un avant-contrat. La vente peut être formée selon un
processus simple de rencontre des volontés. Il s’agit de l’offre et de l’acceptation, notions étudiées
dans le droit commun des contrats. Cependant, la vente est souvent précédée d’une promesse (A)
ou d’un autre avant-contrat (B), qui relèvent d’un processus complexe de rencontre des volontés.
119. Les différents types de promesses. Pour prévoir les modalités de la vente, les parties peuvent
conclure un contrat préparatoire grâce à une promesse unilatérale (1) ou à une promesse
synallagmatique (2).
1) La promesse unilatérale
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ce dernier ayant déjà donné son consentement à la vente. La promesse est donc un contrat unilatéral
distinct de la vente qu’elle prépare. La majorité des promesses unilatérales sont de vente. Le
promettant s’engage à vendre un bien déterminé à un prix déterminé au bénéficiaire, qui demeure
libre de l’acheter ou non. Dans de plus rares cas, la promesse est d’achat. Le promettant s’engage
alors à acheter un bien précis à un prix précis au bénéficiaire, qui reste libre de vendre le bien ou
non.
122. La codification de la promesse unilatérale. Si la promesse unilatérale est un avant-contrat
largement identifié depuis des décennies, le Code civil de 1804 ne la mentionnait pas.
L’ordonnance du 10 février 2016 a remédié à cette situation. Désormais, le nouvel article 1124 du
Code civil dispose que « la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant,
accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments
essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du
bénéficiaire ». La promesse unilatérale doit contenir les éléments essentiels du contrat de vente
pour être valable. La promesse doit mentionner la chose et le prix en respectant les mêmes
exigences que la vente elle-même. En outre, comme le promettant donne d’ores et déjà son
consentement au contrat, celui-ci doit répondre aux exigences imposées pour tout contrat de vente.
123. La durée de la promesse unilatérale. La promesse unilatérale de vente peut être conclue
pour une durée déterminée ou indéterminée. Si la promesse contient un délai, il s’agit alors de la
période dans laquelle le bénéficiaire doit lever l’option. Une fois le délai écoulé, la promesse
devient caduque dès lors que le bénéficiaire n’a pas manifesté sa volonté de former la vente. En
revanche, si la promesse ne contient pas de délai, le bénéficiaire peut opter pendant un délai de
5 ans. Il s’agit de l’application du délai de prescription de droit commun. Toutefois, pour écourter
ce temps, le promettant peut mettre en demeure le bénéficiaire d’opter dans un délai raisonnable.
124. L'indemnité d’immobilisation. La promesse unilatérale peut contenir une clause prévoyant
une indemnité d’immobilisation. Pour compenser le préjudice subi par le promettant à cause de
l’immobilisation du bien pendant le délai de réflexion du bénéficiaire, une indemnité est prévue
dans le cas où le bénéficiaire ne conclurait pas la vente. Il s’agit « du prix de l’exclusivité réservée
au bénéficiaire » 67. Mais lorsque l’indemnité atteint un montant élevé, le bénéficiaire peut préférer
conclure un contrat qu’il ne désire pas plutôt que de perdre de l’argent. Le montant élevé de
l’indemnité peut donc ôter au bénéficiaire sa liberté de contracter. Cette difficulté a été relevée par
la jurisprudence. Dans plusieurs décisions 68, la Cour de cassation considère que le bénéficiaire ne
dispose plus de sa liberté de contracter dès lors que l’indemnité d’immobilisation est élevée,
notamment si elle correspond à plus de 15 % du prix de vente. Dans ces circonstances, la Cour
requalifie alors la promesse unilatérale en promesse synallagmatique de vente.
125. Les conditions de forme. La promesse unilatérale ne répond pas à des conditions de forme
particulières. Cette affirmation connaît toutefois deux exceptions. D’abord, pour les promesses
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unilatérales réalisées par un acte sous seing privé et qui portent sur un immeuble, un fonds de
commerce ou des droits sociaux de société civile immobilière, l’article 1589-2 du Code
civil impose son enregistrement dans les 10 jours qui suivent sa conclusion. Cette mesure n’a pas
pour but l’opposabilité de la promesse aux tiers, mais l’information des services fiscaux pour éviter
la dissimulation d’une partie du prix de vente. Ensuite, pour les promesses unilatérales portant sur
un immeuble, consenties par une personne physique et ayant une durée de 18 mois ou plus,
l’article L. 290-1 du Code de la construction et de l’habitation prévoit la forme authentique sous
peine de nullité de la promesse. Cet article a pour but de protéger le promettant qui immobilise son
bien pendant une longue durée, raison pour laquelle la nullité encourue est relative, et ne peut
jamais être invoquée par le bénéficiaire de la promesse 69. Comme déjà évoqué, si la promesse
unilatérale est d’achat, qu’elle porte sur un immeuble à usage d’habitation et qu’elle a été consentie
par une personne physique, l’acquéreur dispose d’un délai de rétractation de 10 jours.
126. La variété des effets. La promesse unilatérale de vente produit des effets juridiques avant la
levée d’option (1) et après la levée d’option (2) par le bénéficiaire.
127. Les droits des parties. À ce stade, le bénéficiaire ne dispose d’aucun droit sur le bien. Il a
seulement la possibilité de lever l’option pour former la vente avec le promettant. Ce droit d’option
est un droit potestatif que le bénéficiaire exerce librement. Le promettant, en revanche, subit plus
de restrictions. Il ne peut pas conclure le contrat de vente avec un tiers, et comme il a déjà donné
son consentement au futur contrat, il est tenu de contracter dans l’éventualité où le bénéficiaire le
souhaiterait. Avant la levée d’option, les parties sont dans une situation d’attente.
128. La rétractation de la promesse unilatérale. Une difficulté apparaît néanmoins lorsque le
promettant rétracte la promesse. Cette rétractation est surprenante, car le promettant a déjà donné
son consentement au contrat de vente. La rétractation de la promesse devrait être impossible. La
Cour de cassation avait pourtant autorisé le promettant à se rétracter. Dans un arrêt du 15 décembre
1993 70, elle considérait que « tant que le bénéficiaire n’a pas levé l’option, l’obligation du
promettant ne constitue qu’une obligation de faire » dont l’exécution forcée ne saurait être
ordonnée. Par conséquent, la rétractation de la promesse avant la levée de l’option faisait obstacle
à la conclusion du contrat et n’exposait le promettant qu’au paiement de dommages-intérêts. Cette
solution a été largement critiquée.
129. L’absence d’effets de la rétractation de la promesse pour l’avenir. Le législateur n’est pas
resté sourd à la critique, puisque l’alinéa 2 du nouvel article 1124 du Code civil énonce que « la
révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la
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que le bénéficiaire voulait lever l’option. Pour protéger le bénéficiaire, il suffit donc de publier la
promesse pour s’assurer que les tiers ont en connaissance.
2) La promesse synallagmatique
rédaction d’un acte authentique par le notaire, elles décident de transformer une formalité non
exigée par le législateur en formalité essentielle. Avec cette précision, elles font de leur promesse
synallagmatique un contrat autonome qui ne peut pas valoir vente. Évidemment, la Cour de
cassation exige que les parties expriment clairement leur volonté de transformer la formalité
normalement accessoire en formalité essentielle 76. Dans une promesse synallagmatique, il faut
ainsi être extrêmement vigilant quant aux stipulations des parties.
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139. Les autres avant-contrats. Outre les promesses, deux autres avant-contrats permettent de
préparer un contrat de vente. Il s’agit du pacte de préférence (1) et du contrat-cadre (2).
1) Le pacte de préférence
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être déterminé ou indéterminé. En cas de délai indéterminé, le bénéficiaire semble disposer d'un
délai de 5 ans pour opter, c'est-à-dire disposer du délai de prescription de droit commun 79.
144. Des effets variables dans le temps. Pour déterminer les effets du pacte de préférence, il faut
étudier deux périodes : avant la décision de vendre du promettant (1) et après sa décision de
vendre (2).
147. L’offre prioritaire au bénéficiaire du pacte. Dès lors que le promettant a décidé de vendre,
il doit informer le bénéficiaire et lui faire parvenir une offre. Ici, il faut se reporter aux stipulations
du pacte pour connaître les modalités d’information du bénéficiaire. Une fois l’offre transmise, le
pacte de préférence devient une promesse unilatérale qui engage le promettant à vendre le bien 82.
Si le bénéficiaire accepte, le contrat de vente est donc formé par la rencontre des volontés des
parties sur le prix et la chose.
148. La violation du pacte de préférence et tiers acquéreur de bonne foi. Une difficulté
apparaît lorsque le promettant a décidé de vendre le bien sans respecter la priorité du bénéficiaire.
Il y a alors une violation du pacte de préférence. Si le tiers acquéreur est de bonne foi et ignorait
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l’existence du pacte, la vente conclue avec le promettant demeure valable. Le bénéficiaire peut
toutefois engager la responsabilité contractuelle du promettant pour obtenir réparation de la
violation de sa priorité. Cette sanction instituée par la jurisprudence 83 a été reprise à l’alinéa 2 de
l’article 1123 du Code civil, qui dispose que « lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en
violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi ».
149. La violation du pacte de préférence et tiers acquéreur de mauvaise foi. Si le tiers
acquéreur est de mauvaise foi et connaissait l’existence du pacte, le bénéficiaire peut demander la
nullité du contrat de vente ou demander sa substitution au tiers. Le bénéficiaire pourra également
se prévaloir de dommages-intérêts. Cette solution, affirmée par la chambre mixte dans un arrêt du
26 mai 2006 84, a été reprise au nouvel article 1123, alinéa 2 du Code civil. Il précise que « lorsque
le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier
peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu ».
Le bénéficiaire peut ainsi obtenir soit la nullité de la vente conclue avec le tiers, soit être substitué
au tiers pour former la vente avec le promettant. Le législateur exige néanmoins que le bénéficiaire
démontre que le tiers connaissait l’existence du pacte et, plus encore, qu’il connaissait la volonté
du bénéficiaire d’acheter le bien.
150. L’action interrogatoire. Cette preuve n’étant pas aisée à rapporter, les alinéas 3 et 4 de
l’article 1123 incitent le tiers à s’informer pour éviter une éventuelle violation du pacte. Ils
énoncent que « le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il
fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir.
L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus
solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat ». Des doutes planent
sur l’interprétation de cette action interrogatoire. Le tiers sera-t-il en mesure d’effectuer l’action
s’il n’a pas connaissance du pacte ? A priori non, le promettant n’ayant aucun intérêt à divulguer
l’existence du pacte. Le tiers n’ayant pas mis en œuvre l’action interrogatoire sera-t-il
systématiquement considéré comme de mauvaise foi ? La jurisprudence devra trancher ces
questions.
2) Le contrat-cadre
151. La notion de contrat-cadre. Le contrat-cadre permet de prévoir les conditions des futures
conventions signées entre les parties. Les modalités des contrats futurs sont ainsi déterminées à
l’avance. Créé par la pratique pour répondre à un besoin de simplicité dans les relations d’affaires,
le contrat-cadre a fait son entrée dans le Code civil grâce à l’ordonnance du 10 février 2016.
Désormais, le nouvel article 1111 précise que « le contrat-cadre est un accord par lequel les parties
conviennent des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures. Des contrats
d’application en précisent les modalités d’exécution ». Cette disposition ne purge pas toutes les
questions relatives aux conditions de validité (a) et au régime (b) du contrat-cadre.
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155. Les contrats d’application du contrat-cadre. Dans un contrat-cadre, les parties consentent
aux conditions qui seront appliquées aux futurs contrats d’application. Les contrats d’application
conclus entre les parties relèvent donc des modalités précisées dans le contrat-cadre.
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158. La vente : un contrat consensuel par principe. Grâce à l’article 1583 du Code civil, le
consensualisme est le principe qui s’applique au contrat de vente. Cela signifie que la vente n’est
ni un contrat réel, ni un contrat solennel. Pour que le contrat de vente soit formé valablement,
l’échange des consentements suffit. Il n’est pas besoin que le bien vendu soit remis à l’acheteur. Il
n’est également pas nécessaire de rédiger un écrit. Par exemple, lorsque vous désirez acheter une
baguette de pain, nul besoin de faire un contrat écrit avec le boulanger ou d’être en possession de
la baguette pour que le contrat soit formé. L’accord verbal sur la baguette et son prix suffit.
2 • LE FORMALISME CROISSANT
159. Le formalisme croissant dans la vente. Par principe, le consensualisme s’applique à toutes
ventes. Ce principe connaît des exceptions qui n’ont cessé de se développer ces 30 dernières
années. À côté du formalisme de droit commun (A) est apparu un formalisme en droit de la
consommation (B).
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161. Le formalisme lié à la rédaction d’un écrit. Le législateur peut imposer la rédaction d’un
écrit pour la vente de certains meubles. L’écrit est notamment exigé pour la vente de bateau 88, de
navire 89, d’avion 90, de droits sur un brevet d’invention 91 ou encore de droits sur une marque 92.
162. Le formalisme lié à la rédaction de mentions spéciales. Le législateur peut également
imposer la rédaction de mentions obligatoires dans l’écrit constatant la vente. Avant la loi du
19 juillet 2019 de simplification et de clarification du droit des sociétés, dite loi Soilihi la vente
d'un fonds de commerce devait comprendre de nombreuses mentions obligatoires. Depuis cette
loi, cette exigence est supprimée.
163. La forme authentique. En matière immobilière, la vente doit revêtir la forme authentique. Il
s’agit d’une exigence liée à la publicité foncière. Pour être opposable aux tiers, la vente
d’immeuble doit être publiée sur les registres de la publicité foncière. Seuls les actes dressés en la
forme authentique peuvent être inscrits sur un tel registre 93. Pour être publiée, la vente d’immeuble
doit donc revêtir la forme authentique. En l’absence de publication, le contrat de vente immobilier
est inopposable aux tiers. En cas de conflit entre plusieurs acheteurs successifs, l’acquéreur inscrit
en premier à la publicité foncière est considéré comme le propriétaire du bien. Outre l’opposabilité,
la forme authentique permet au notaire de collecter les droits d’enregistrement et impôts qui
s’appliquent à la vente.
164. Les mentions obligatoires. L’achat d’un lot dans une copropriété immobilière ou d’un
immeuble à usage d’habitation impose la rédaction de mentions obligatoires dans l’acte de vente.
La loi Carrez du 18 décembre 1996, la loi ALUR du 24 mars 2014 et la loi Climat et Résilience du
22 août 2021 imposent notamment que soient mentionnés la superficie des parties privatives, les
diagnostics techniques, les documents relatifs à l’organisation de l’immeuble et à la situation
financière de la copropriété, un état des risques naturels...
165. Le formalisme particulier aux ventes électroniques. En raison des risques liés au
commerce électronique, le législateur exige un formalisme pour les ventes électroniques. Ce
formalisme a été créé par une directive européenne du 20 mai 1997 transposée par une ordonnance
du 23 août 2001. Désormais, pour conclure un contrat électronique, une information préalable doit
être fournie par le vendeur à distance. Il doit fournir les informations prévues aux articles L. 111-
1, L. 111-2, L. 221-5 et R. 221-2 du Code de la consommation. Il s’agit de préciser son identité, la
prestation, les conditions contractuelles de la vente, les modalités de rétractation, les modalités de
résiliation, les étapes à suivre pour conclure le contrat, les moyens techniques permettant de
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corriger les erreurs... Une fois le contrat conclu, le vendeur doit accuser réception par voie
électronique de la commande. Il confirme ainsi le contrat dans son ensemble et fournit la preuve
électronique de la convention.
166. La règle du double clic. Bien évidemment, le législateur impose également des exigences
formelles pour l’offre et l’acceptation effectuées sur internet. Il s’agit notamment de la règle du
double-clic, codifiée dans le droit commun des contrats à l’article 1127-2 du Code civil : pour
acheter un bien, il faut d’abord placer l’article dans son panier puis valider ce panier ; deux clics
sont donc requis. Cette règle permet à l’acheteur de vérifier que sa commande est conforme à sa
volonté et qu’un problème informatique n’a pas entraîné un surnombre d’articles dans son panier.
167. Le formalisme croissant pour les ventes à l’égard d’un consommateur. Depuis une
trentaine d’années, le législateur a imposé un formalisme croissant dans les ventes effectuées par
un professionnel à l’égard d’un consommateur. Grâce à ce formalisme, le législateur s’assure de
l’information complète du consommateur, dont le consentement est alors censé être pleinement
éclairé. Il est toutefois possible de douter de la réalité de l’information du consommateur, les
mentions obligatoires étant rarement lues.
168. L’information sur le prix. Le législateur prévoit notamment que le vendeur doit
obligatoirement informer l’acheteur sur le prix grâce à un affichage, un marquage ou un
étiquetage 94. L’article L. 111-1 du Code de la consommation oblige le vendeur professionnel à
fournir une liste d’information à l’acheteur avant la conclusion du contrat de vente. Le non-respect
de ses obligations formelles n’entraîne pas systématiquement la nullité du contrat, puisque des
amendes administratives 95 ou des sanctions pénales 96 sont parfois prévues.
169. L’encadrement des rabais. En outre, pour attirer le consommateur recherchant des rabais
importants, les professionnels proposent de nombreuses réductions. Celles-ci ne doivent toutefois
pas tromper le consommateur. Pour protéger l’acheteur en quête d’une bonne affaire, le législateur
a imposé des règles pour les ventes en liquidation, au déballage et en soldes.
170. Les ventes en liquidation. Les ventes en liquidation. Selon l’article L. 310-1 du Code de
commerce, il s’agit des ventes « tendant, par une réduction de prix, à l’écoulement accéléré de la
totalité ou d’une partie des marchandises d’un établissement commercial à la suite d’une décision,
quelle qu’en soit la cause, de cessation, de suspension saisonnière ou de changement d’activité ».
Elles doivent faire l’objet d’une publicité et sont soumises à une autorisation du maire.
171. Les ventes au déballage. Les ventes au déballage. Selon l’article L. 310-2 du Code de
commerce, il s’agit des ventes effectuées sur un marché aux puces, lors de brocantes ou vide-
greniers. Si ces ventes sont effectuées sur des emplacements non destinés à la vente au public, elles
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ne peuvent avoir une durée cumulée supérieure à 2 mois par an. Ces ventes au déballage doivent
être préalablement déclarées à la mairie de la commune.
172. Les soldes. Les soldes. Les ventes en soldes sont prévues à l’article L. 310-3 du Code de
commerce. Par une réduction du prix, il s’agit d’écouler les marchandises en stock. Ces ventes
sont accompagnées d’une publicité. Les soldes ne peuvent être réalisées que lors de périodes
limitativement définies : deux périodes d’une durée minimale de 3 semaines et d’une durée
maximale de 6 semaines chacune, dont les dates sont fixées par décret.
Document 2 : Olivier Barret, Vente : effets / Obligation d’imformation de tout vendeur n°705,
Repertoire de droit civil, ( Mise à jour Janvier 2023).
Obliagtion à part entière. - L'existence d'une Obligation d’imformation sur le bien vendu, à la
charge de tout vendeur, est aujourd'hui acquise : elle traduit le devoir de loyauté qui doit inspirer
les parties tant lors de la formation du contrat que dans le cours de son exécution. Sans doute, le
manquement à cette l' Obligation. lorsqu'il procède d'une réticence dolosive, peut être sanctionné
à l'aide de la théorie des vices du ; mais, pour éviter à l'acheteur d'avoir à rapporter la preuve,
souvent difficile, de l'intention de tromper qui animait le vendeur lors de la conclusion du contrat,
et pour prendre en compte, aussi, le comportement du vendeur postérieur au contrat, la
jurisprudence n'hésite pas à consacrer l'autonomie de l’ obligation qu'elle fonde sur d'autres textes,
issus tant du droit de la vente que du droit commun des contrats.
S'agissant du droit de la vente, elle recourt fréquemment à l'article 1602, alinéa 1er, du code civil,
aux termes duquel : « Le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige ». Bien qu'il
ne soit porteur que d'une directive d'interprétation du contrat – comme le montre la disposition de
l'alinéa 2, suivant laquelle : « Tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur » –, la
jurisprudence et la doctrine tendent à voir dans ce texte une règle de fond qui consacre l’obligation
d’information du vendeur : c'est au visa de l'article 1602 que la Cour de cassation affirme, par
exemple, qu'« il appartient au vendeur d'informer l'acquéreur, quelle que soit l'utilisation envisagée
pour l'immeuble, de la situation juridique de la propriété vis-à-vis du droit de chasse » (Civ. 3e,
21 févr. 2001, no 99-17.666 , Bull. civ. III, no 22 ; D. 2002. Somm. 932, obs. G. Pignarre ; AJDI
2002. 412, obs. F. Cohet-Cordey . – V. déjà, à propos du droit de chasse, Civ. 3e, 20 mars 1996,
no 94-12.704 , Bull. civ. III, no 84 ; RDI 1997. 90, obs. J.-C. Groslière et C. Saint-Alary
Houin . – Adde : Civ. 3e, 7 déc. 1988, Gaz. Pal. 1989. 1. Somm. 31. – Civ. 1re, 13 oct. 1993, no 91-
16.344 , Bull. civ. I, no 287 ; D. 1994. Somm. 237 , à propos d'une vente d'ordinateur de capacité
insuffisante). C'est encore en s'appuyant sur le même texte que la Cour de cassation a posé que le
vendeur concessionnaire doit informer ses clients qu'il ne participe pas aux offres promotionnelles
d'équipements proposées par l'importateur sur le plan national (Civ. 1 re, 13 avr. 1999, no 97-
11.156 , Bull. civ. I, no 131 ; D. 1999. IR 146 ).
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Exercice :
Dissertation : La chose dans la vente
Documents :
Pour pouvoir être vendue, la chose doit remplir quatre séries de conditions : exister, être
appropriée, dans le commerce juridique et déterminée ou déterminable.
Parce que la chose doit en principe exister au moment de la vente (C. civ., art. 1601), sa perte
totale ou partielle emporte des conséquences variables selon que l'acheteur connaissait ou ignorait
le risque de perte. Sauf exceptions, la vente peut en revanche valablement porter sur une chose
future (C. civ., anc. art. 1130, art. 1163 nouv.).
Une chose ne peut être vendue qu'à la condition d'être appropriable, ce qui exclut du domaine de
la vente les cessions de valeurs incorporelles non protégées par un monopole d'exploitation
(information, savoir-faire non breveté…). Elle doit aussi en principe être appropriée par son
vendeur. Mais cette règle supporte de nombreuses nuances (vente d'un bien indivis, d'un droit
réel démembré…).
Pour être l'objet d'une vente la chose doit être aliénable, c'est-à-dire susceptible d'aliénation. Les
choses hors commerce, soit parce qu'elles sont dangereuses (drogues…) ou illicites (contrefaçons),
soit parce qu'elles sont physiquement (choses humaines…) ou juridiquement attachées à la
personne ne peuvent être vendues.
Enfin, la chose objet de la vente doit être au moins déterminée dans son espèce, c'est-à-dire le
genre auquel elle appartient même si sa quantité peut n'être que déterminable.
Document 2 : Frédéric Zenati, Les choses hors-commerce, RTD civ. 14 juin 1996 n°’420
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l'arrêt rapporté, dernière pièce de la théorie jurisprudentielle des souvenirs de famille. Si l'on
conçoit une insaisissabilité non fondée sur une inaliénabilité générale (art. 14-3e L. 9 juill. 1991),
l'indisponibilité se contredit si elle ne se traduit pas par une insaisissabilité.
La valeur vénale d'une chose n'écarte pas plus la qualification de souvenir de famille qu'elle fait
échec à la règle de l'indisponibilité. L'opinion, parfois professée, selon laquelle, la qualification de
souvenir de famille pourrait être refusée aux objets en fonction de l'importance de leur valeur
vénale (Gulphe, concl. sous Civ. 1 re, 21 févr. 1978, JCP 1978.II.18836) se trouve contredite. Le
juge n'a pas, selon une approche pragmatique, à peser l'intérêt moral et l'intérêt patrimonial d'une
chose pour statuer sur sa nature. La chose est ou n'est pas un souvenir de famille. Sa valeur vénale
est sans incidence sur sa nature, laquelle s'impose objectivement. Mieux, sa nature détermine
parfois même une valeur vénale, comme on peut le constater en l'espèce. C'est parce que les effets
de la Maison de France sont hors-commerce qu'ils attisent le commerce. Le seul critère que le juge
doit retenir est la valeur morale et la Cour de cassation prend bien soin de le rappeler en notant que
les effets disputés ont une grande valeur affective.
La mise au point qu'effectue la Cour suprême intéresse autant la jurisprudence que la doctrine.
Certaines décisions laissent à penser que l'indisponibilité des souvenirs de famille n'est pas de droit
et ne peut résulter que d'une clause d'inaliénabilité (Paris, 7 déc. 1987, D. 1988.182, note Lindon).
Le tribunal de Paris, saisi au fond de la présente affaire, n'a pas hésité à affirmer que la notion de
souvenirs de famille est exclusivement successorale et ne saurait être déterminante des modalités
de transmission entre vifs des biens auxquels elle s'applique, lesquels ne sont pas incessibles (TGI
Paris 1re ch. 1er mars 1995, JCP 1995.II.22477, obs. Hovasse-Banget). L'intérêt de l'espèce est
précisément de montrer que les souvenirs de famille relèvent au contraire du droit des biens et
n'intéressent le droit successoral que par contrecoup. C'est parce que les souvenirs de famille sont
un des rares biens de mainmorte admis par le droit français qu'il est interdit de les partager et de
les transmettre. Il nous est apparu qu'il y a dans cette notion la rémanence d'une forme archaïque
de propriété commune totalement étrangère à l'indivision et à la conception moderne des biens
fondée sur la disponibilité (cette Revue 1989.775). Les souvenirs de famille sont une variété de
communauté de biens de mainmorte, forme de propriété très répandue au Moyen-Age et très
voisine de la propriété en main commune du droit romain primitif. La chose y appartient
indivisiblement au groupe sans droit subjectif pour chacun des communistes et se trouve donc
impartageable. Ce lien d'appartenance est authentiquement perpétuel en ce sens que la chose est
inaliénable et intransmissible. Le groupe conserve la chose au-delà des décès de ses membres par
simple subrogation de personnes (A.-M. Patault, Introduction historique au droit des biens, n° 51).
Tant que le groupe existe, la communauté persiste. On comprend que nombre d'auteurs aient été
tentés par l'idée de personne morale, car cette notion traduit bien la transcendance de l'intérêt du
groupe par rapport à l'existence des membres de ce dernier. Mais cette notion est anachronique et
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inadaptée ; les communistes sont biens propriétaires eux-mêmes de la chose commune et perdent
leur participation dans la chose par le décès. Il faut se décider à abandonner les techniques
juridiques modernes pour rendre compte fidèlement de la nature des souvenirs de famille. Le
membre de la famille auquel échoit la détention et la conservation des souvenirs de famille n'est
pas un simple dépositaire, mais, ainsi que le dit M. Sériaux (Les successions, les libéralités, n° 50),
un chef de famille ou du moins une personne ayant un rôle central dans le groupe, à la manière du
« maître » qui se trouvait au centre des communautés taisibles (A.-M. Patault, op. cit. n° 50).
Le droit contemporain peut-il tolérer la persistance de figures aussi étrangères à son esprit et à ses
principes ? Les souvenirs de famille ne sont pas le produit d'une convention, ce qui dispense de
s'interroger sur leur conformité à l'ordre public. Le droit constitutionnel des biens n'est pas encore
suffisamment formulé pour qu'il soit loisible de lancer des exclusives. Si le droit au partage nous
paraît fondamental, sa préservation n'est pas affectée par des atteintes circonscrites. Il en va de
même de la disponibilité des biens. Les souvenirs de famille sont des biens de mainmorte rares
(souvent le privilège des grandes familles) et en voie de disparition. Lorsque la famille comme
groupe ne sera plus (ce qui ne saurait tarder), ils ne seront plus qu'un souvenir. Point n'est besoin,
pour sauvegarder la libre circulation des biens, de les pourchasser.
Document 3 : Jean-Baptiste Seube, Defrénois 28 févr. 2017, n°04 - page 244 ( à propos de l’arrêt
de la Cour de cassation, 3ème civ, 27 oct. 2016, no 15-23846)
L’article 1599 dispose que la vente de la chose d’autrui est nulle. Elle emporte ainsi restitution de
la chose et du prix, outre des dommages et intérêts si l’acheteur ignorait que la chose fut à autrui.
Mais que décider lorsque la vente portait sur plusieurs parcelles et qu’une seule était à autrui ?
Comment fixer le montant des restitutions lorsque l’acte de vente n’avait pas ventilé le prix entre
les différentes parcelles cédées ? C’est à cette question, à notre sens inédite, que répond l’arrêt
commenté.
En l’espèce, une caisse mutuelle complémentaire et d’action sociale (CMCAS) avait vendu à un
établissement public foncier quatre parcelles pour le prix global de 446 000 €. Une de ces parcelles,
la seule constructible, appartenant à un tiers, l’acquéreur avait assigné le vendeur en nullité
partielle du contrat. Les parties s’accordaient sur la nullité partielle de la vente mais ne trouvaient
pas un accord sur le montant de la somme à restituer. La cour d’appel de Caen avait alors recouru
à l’article 1637 du Code civil qui, relatif à l’éviction partielle, dispose que « si, dans le cas de
l’éviction d’une partie du fonds vendu, la vente n’est pas résiliée, la valeur de la partie dont
l’acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l’estimation à l’époque de l’éviction, et
non proportionnellement au prix total de la vente (…) ». Elle avait alors condamné le vendeur à
restituer la somme de 281 100 €. L’arrêt est cassé par la Cour de cassation : « Qu’en statuant ainsi,
alors que le contrat de vente de la parcelle AK 67 avait été annulé pour vente de la chose d’autrui
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en application de l’article 1599 du Code civil, la cour d’appel a violé le premier texte susvisé, par
refus d’application, et le second, par fausse application »1.
D’un point de vue théorique, on aura peut-être du mal à distinguer les hypothèses de nullité
partielle (visées par l’article 1599) et d’éviction partielle lorsque la vente n’est pas résiliée. Dans
les deux cas, c’est un « bout de vente » qui survit. La Cour de cassation rend pourtant une solution
extrêmement ferme selon laquelle les domaines des articles 1599 et 1637 du Code civil sont
inconciliables. Le premier s’applique pour le cas où la vente est annulée (s’agirait-il d’une nullité
partielle) ; le second pour le cas où la vente n’est pas résiliée et où l’acquéreur subit une éviction
partielle. Les parties ayant en l’espèce réciproquement admis le principe de la nullité partielle de
leur contrat, il semblait acrobatique de régler le quantum des restitutions par référence à un article
qui était visiblement inapplicable. L’arrêt est donc cassé pour avoir refusé d’appliquer
l’article 1599 et violé l’article 1637. Puisque la Cour casse l’arrêt seulement en ce qu’il a
condamné le vendeur à restituer la somme de 281 100 €, la Cour de renvoi n’aura qu’à déterminer
le montant des restitutions.
D’un point de vue pratique, le recours à l’article 1637 du Code civil gênait visiblement le vendeur
qui estimait que la somme à restituer était trop élevée. En l’espèce, seule la parcelle appartenant à
autrui était constructible. L’application de l’article 1637 du Code civil avait alors conduit la cour
d’appel à se fonder sur une estimation de la parcelle litigieuse que l’acheteur avait demandé aux
services fiscaux avant l’acquisition. Elle avait abouti à la somme de 281 000 €, soit 100 €/m2. Cette
estimation, qui ne convenait visiblement pas au vendeur, est donc écartée. Mais quelle estimation
sera retenue par la cour de renvoi ? L’article 1599 du Code civil, dont la Cour de cassation appelle
à l’application, est muet sur la question : faut-il tenir compte de la seule surface que représentait
la parcelle appartenant à autrui par rapport à la surface globale des parcelles vendues ? N’est-il pas
injuste de ne pas tenir compte des caractéristiques de la parcelle appartenant à autrui – la
constructibilité – dont étaient dépourvues les autres parcelles ? Ne faut-il pas tenir du compte du
fait que les parcelles non constructibles n’ont pas beaucoup d’utilité pour un établissement public
foncier dont l’objet est de réaliser des constructions ? Mais si ces parcelles sont à ce point
dépourvues d’utilité pour lui, pourquoi n’avoir pas poursuivi l’annulation totale de la vente ?
Autant de questions auxquelles l’arrêt de cassation, pas plus que les moyens qui y sont attachés,
ne permettent de répondre.
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Exercices :
Dissertation : La dissociation des effets réels (transfert de propriété et transfert des risques) de la
vente.
Cas pratique : Grâce et Myvec viennent d’emménager dans la maison qu’ils ont fait construire à
Moungali. Pour cette occasion, ils ont décidé de recevoir leurs amis à diner. Pour rendre leur
demeure plus acceuillante, ils ont acheté cinq bouquets de treize roses chacun. Il a été convenu
que le fleuriste viendrait livrer les bouquets de fleurs dans l’après-midi avant le dîner.
Toutefois, le matin du bal, ils ont reçu un appel téléphonique de la part du fleuriste (commerçant).
Ce dernier leur explique qu’une coupure de courant s’est produite et que le générateur électrique
chargé de prendre le relais est tombé en panne subitement sans raison de sorte que la climatisation
du magasin n’a pas fonctionné et que toutes les fleurs sont fanées et abîmées.
Très contrariés par cette mauvaise nouvelle il vienne vous consulter pour avoir des conseils. Que
peuvent-ils espérer obtenir ?
Documents :
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sont une conséquence nécessaire, qui en dérivent comme l’effet derive de sa cause, et qui ne
doivent pas être confondus avec le contrat. L’engagement est consommé dès que la foi est donnée.
Il serait absurde que l’on fût autorisé à éluder ses obligations en ne les
exécutant pas. Le système du droit français est donc plus raisonnable que celui du droit
romain, il a sa base dans les rapports de moralité qui doivent exister
entre les hommes. Ce système est encore plus favorable au commerce. Il rend possible ce qui ne
le serait souvent pas, si la tradition matérielle d’une chose vendue était nécessaire pour rendre la
vente parfaite. Par la seule expression de notre volonté, nous acquérons pour nous-mêmes,
et nous transportons à autrui toutes les choses qui peuvent être l’objet de nos conventions. Il
s’opère par le contrat une sorte de tradition civile qui consomme le transport du droit, et qui nous
donne action pour forcer la tradition réelle de la chose et le paiement du prix. Ainsi, la
volonté de l’homme aidée de toute la puissance de la loi, franchit toutes
les distances, surmonte tous les obstacles, et devient présente partout comme la loi même. »
Document 3 : Jérôme Julien, Revue des contrats juin 2021, n° 200a6, p. 101
C’est une question presque ordinaire qu’a eu à connaître la Cour de cassation dans un arrêt du
3 février 2021 et pourtant, à notre connaissance, cette décision est la première à être rendue en la
matière. Les faits sont eux-mêmes d’une grande banalité : un consommateur acheta des biens sur
le site internet d’un vendeur, mais ne vit rien venir. La simplicité de la situation devrait conduire,
idéalement, à une solution elle-même simple. Tel est sans doute le cas à la lecture de la décision
de la haute juridiction. La question posée était de savoir sur qui devait peser le risque de perte du
bien acheté : le vendeur ou l’acheteur ? Alors qu’une juridiction de première instance, statuant en
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dernier ressort, avait rejeté la demande du consommateur (dont l’objet est d’ailleurs
intéressant, et dont il sera fait mention infra), la Cour de cassation, appliquant
strictement et littéralement l’article L. 216-4 du Code de la consommation, censura le jugement :
« tout risque de perte ou d’endommagement des biens est transféré au consommateur au moment
où ce dernier ou un tiers désigné par lui, et autre que le transporteur proposé par le professionnel,
prend physiquement possession de ces biens » (c’est la lettre de l’article L. 216-4), « il résultait de
ses constatations que l’acheteur n’avait pas pris physiquement possession des biens achetés sur
internet ». Comme bien souvent en droit de la consommation, la règle a une finalité essentiellement
pratique : si la discipline n’est pas rétive à la conceptualisation et aux grands principes, elle se
caractérise surtout par son aspect pragmatique, et l’article L. 216-4 en est une belle illustration. La
disposition a pour but de régler une difficulté courante à laquelle chacun peut se retrouver
confronté. Que faire en cas de perte ou d’endommagement du bien livré ? Il est apparu, non sans
raison, que l’application du seul droit commun, ou même des règles spéciales normalement
applicables, serait pour le consommateur non seulement source de difficulté dans son exercice,
mais encore probablement peu efficace. Deux éléments en particulier semblent soulever difficulté :
le premier est lié à la nature du contrat conclu, ici une vente à distance, et aux règles relatives
au transfert de propriété ; le second est lié au mode d’exécution du contrat : en effet, de manière
générale, le vendeur confie l’acheminement de la marchandise vendue à un tiers, transporteur. Le
consommateur se trouve alors face à deux questions immédiates : contre qui agir (le vendeur ou le
transporteur ?) et que demander ? Le droit commun, celui du droit du commerce
électronique et enfin celui du droit du transport proposent des solutions distinctes et qui répondent
assurément à des finalités différentes. Afin de simplifier les chose s, et d’offrir à l’acheteur
visibilité et intelligibilité – qui semblent devenir l’objectif ultime de la législation contemporaine –
le droit de la consommation adopta une règle simple, claire et apparemment dénuée d’ambiguïté :
tout risque est transféré à l’acheteur consommateur lorsqu’il prend physiquement possession du
bien. Il en résulte qu’avant ce moment, il ne peut assumer un tel risque, ce qui sous-entend que
celui-ci pèse sur quelqu’un d’autre. Pourtant, l’analyse trouble quelque peu la limpidité promise,
tant au regard du domaine de la règle que de son régime.
Le domaine de la règle contenue à l’article L. 216-4 paraît de prime abord simple à déterminer. Le
texte figure dans un chapitre consacré à la livraison et au transfert de risque. Logiquement, les
premiers articles1 évoquent les règles relatives à la livraison, qui doit s’opérer à la date convenue
entre les parties ou, à défaut, au plus tard 30 jours après. Si tel n’est pas le cas, le consommateur
dispose, dans les conditions fixées par l’article L. 216-2, du droit de résoudre le contrat. Les autres
articles règlent donc la question du transfert des risques. Outre l’article visé dans la présente
décision, deux autres dispositions doivent être mentionnées pour que le tour d’horizon soit
complet : l’article L. 216-5 prévoit que si le consommateur confie la livraison du bien à un
transporteur autre que celui proposé par le professionnel, le transfert des risques s’opère lors de la
remise du bien au transporteur. Gageons que l’hypothèse est rare en pratique. Enfin, l’article
L. 216-6 prévoit, opportunément, que l’ensemble des dispositions de ce chapitre est d’ordre public.
Voilà pour le contexte.
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La question du transfert des risque sonne à l’oreille du juriste, et en particulier du civiliste, comme
une musique bien connue. L’hypothèse est solidement ancrée dans le droit commun : si le contrat
ne peut être exécuté en raison d’un cas de force majeure, l’article 1218 du Code civil précise que –
si l’empêchement est définitif – le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de
leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. Le premier de ces textes
précise que « l’impossibilité d’exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence
lorsqu’elle procède d’un cas de force majeure et qu’elle est définitive ». Voilà pour le débiteur de
l’obligation inexécutée, le vendeur en l’occurrence, mais qu’en est-il du créancier ? La question
pratique est de savoir s’il demeure pour sa part tenu de ses obligations, en l’espèce de payer le
prix. C’est ici que la théorie des risques entre en application, oscillant entre principe et exception.
Le principe, res perit debitori, veut que les risques (d’inexécution en raison d’un cas de force
majeure) pèsent sur le débiteur (de l’obligation qui ne peut plus être exécutée). Devant assumer
ces risques, cela signifie que ce débiteur ne peut rien exiger de l’autre partie, qui se trouve donc
libérée. L’exception, pour sa part, concerne les contrats translatifs de propriété : res perit domino.
En effet, le droit français, traditionnellement, lie le transfert des risques à la propriété de la chose
: supporte les risques le propriétaire. Or, en application de l’article 1583 (en matière de vente), le
transfert de propriété – effet légal de la vente – s’opère dès que les parties sont convenues de
la chose et du prix, c’est-à-dire dès la formation du contrat. Il en résulte donc que, en droit
commun, les risques sont pour l’acheteur dès la formation du contrat, et donc avant même que le
bien entame son acheminement. La conclusion s’impose alors d’elle-même : si le bien vient à périr
par cas de force majeure, l’acheteur – qui par hypothèse ne le recevra jamais – est néanmoins tenu
du prix et, s’il l’a déjà payé, ce qui est l’hypothèse courante en matière de vente sur un site internet,
il ne peut en demander restitution. C’est, en substance, ce que rappelle l’article 1196 dans son
troisième alinéa : « Le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose. » En
décidant que, s’agissant du contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, les risque
sont transférés à celui-là uniquement lorsqu’il en prend physiquement possession, le Code de la
consommation paraît prendre le contre-pied de la règle de droit commun. En d’autres termes,
l’article L. 216-4 viendrait déroger à celle contenue à l’article 1196 du Code civil. Mais encore
faut-il être sûr que les textes traitent de la même question. Pour affiner l’analyse, partons du texte,
puis revenons à l’affaire. Le texte de l’article L. 216-4 utilise une formule très différente – en
réalité – de celle de l’article 1196. Là où celui-ci évoque « les risque s de la chose », sans plus
ample précision, celui-là s’intéresse à « tout risque de perte ou d’endommagement ». Il paraît
évident que la référence aux risques de la chose, du Code civil, renvoie à la théorie des risques,
classiquement entendue. La formule utilisée par le Code de la consommation est en revanche
différente, puisqu’elle vise « tout risque » de perte ou d’endommagement : elle est à la fois plus
précise (le risque de perte ou d’endommagement) et plus large (tout risque). Il paraît alors
raisonnable de considérer que le risque visé est celui de perte ou d’endommagement
indépendamment de la cause qui en est à l’origine. Ainsi, le Code de la consommation a une vision
élargie de la notion de risque, celui-ci étant identifié par sa conséquence plus que par sa cause.
Cela change beaucoup de chose s en réalité, car la perte de la chose – pour prendre la situation de
la présente espèce – peut avoir des origines diverses. Pour s’en tenir à des considérations simples,
elle peut découler d’un cas de force majeure comme d’une faute du vendeur, ou du transporteur.
Or, les risques – au sens civiliste du terme – sont distincts de la responsabilité 2. Les deux notions
sont même antinomiques l’une de l’autre : là où il y a force majeure (et donc application de la
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théorie des risques) il ne peut y avoir de responsabilité (puisque la force majeure exonère de toute
responsabilité). S’il y a force majeure conduisant à la perte de la chose , il faut appliquer la théorie
des risques, et si tel n’est pas le cas, c’est sur le terrain de la responsabilité qu’il faut se placer. En
droit commun, c’est l’un ou l’autre. La formule du Code de la consommation s’inscrit-elle dans
cette dichotomie ? Certes pas dans l’esprit du plaideur, puisque l’arrêt nous apprend que l’objet de
sa demande n’était pas le remboursement du prix qu’il avait payé, très certainement, d’avance,
mais bien la « condamnation du vendeur au paiement de dommages-intérêts ». C’était donc bien
une action indemnitaire qui était engagée. En tant que telle, elle pourrait se concevoir car la perte
de la chose attendue peut parfaitement causer un préjudice à l’acheteur. Mais tout dépend alors de
l’origine de la perte: force majeure ou défaillance contractuelle ? La Cour de cassation, admettant
l’application de l’article L. 216-4 confirme donc, ne serait-ce qu’indirectement, que le mot
« risque » employé par le Code de la consommation doit recevoir une compréhension
large et distincte de celle du Code civil. Il est même possible d’aller plus loin : l’arrêt révèle que
le rejet de l’action par le jugement reposait sur le fait que La Poste – le transporteur choisi par le
vendeur – avait offert à l’acheteur une indemnisation, « reconnaissant ainsi implicitement une
défaillance de ses services », aux dires du jugement. On était donc bien sur le terrain de la
responsabilité, et non du cas de force majeure. Pourtant, l’article L. 216-4 demeure la bonne voie
d’entrée du procès. Ce texte définit donc bien largement le risque, opérant ainsi une sorte de fusion
entre le risque et la responsabilité. Fusion dans la notion, englobante, ce qui ne signifie pas une
fusion dans les régimes juridiques applicables.
Le régime de la règle pose également quelques questions qui ne sont pas sans intérêt. Elles
pourraient se résumer, de manière simple, en trois mots : qui ? quand ? quoi ?
La première interrogation porte assez naturellement sur la personne qui doit assumer les risques
tels que précédemment précisés. S’il ne s’agit pas du consommateur, du moins tant qu’il n’a pas
pris physiquement possession du bien, il ne peut alors s’agir que de son cocontractant, à savoir le
professionnel, le vendeur en l’occurrence. Cela s’induit d’une part de l’ensemble des articles du
chapitre, qui évoquent expressément cette relation entre le (vendeur pour la situation de l’espèce)
professionnel et le consommateur (acheteur). Et cela même si le vendeur a recours à un
transporteur pour acheminer le bien. La meilleure preuve se trouve dans l’article L. 216-5 qui
précise que si le consommateur choisit un transporteur (autre que celui proposé par le
professionnel), le risque de perte ou d’endommagement est « transféré au consommateur lors de
la remise du bien au transporteur ». Tout se passe donc entre le vendeur et l’acheteur, ce que
confirme la lecture de l’article L. 132-7 du Code de commerce : « La marchandise sortie du
magasin du vendeur ou de l’expéditeur voyage, s’il n’y a convention contraire, aux risques et périls
de celui à qui elle appartient, sauf son recours contre le commissionnaire et le voiturier chargé du
transport. » Néanmoins, faire peser le risque de perte ou d’endommagement sur le vendeur
professionnel ne signifie pas autre chose que cela, et notamment n’empêche pas, éventuellement,
une action en responsabilité, dans la mesure où elle serait possible. Si la perte provient d’un cas de
force majeure, les chose s en resteront là.
La deuxième interrogation est relative au moment auquel le transfert du risque se produit. Là
encore, le texte de l’article L. 216-4 est clair dans son énoncé : l’instant à prendre en considération
est celui de la prise de possession physique du bien par le consommateur, qu’il y ait transport ou
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FACULTÉ DE DROIT
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pas3. Cependant, le texte prévoit la possibilité d’une variante, si le bien est remis à un tiers désigné
par le consommateur. Dans ce cas, le transfert de risque se produit lors de la remise du bien à ce
tiers. Il en résulte donc que, dans ce cas, le consommateur peut supporter le risque de perte ou
d’endommagement, alors même qu’il n’est pas lui-même en possession du bien. On peut imaginer
que la livraison chez un commerçant, avec par exemple la pratique du point relai, pourrait
correspondre à cette situation.
La troisième et dernière interrogation est peut-être la plus importante. Elle pourrait se résumer de
la manière suivante : quelle peut être la demande du consommateur ? En effet, affirmer que
le risques pèse sur le vendeur est une chose , déterminer ce que cela recoupe exactement en est une
autre. Là encore, tout dépend de la cause de la perte comme dans le présent arrêt. Si elle est due à
un cas de force majeure, peu de difficultés sont soulevées : rejoignant le droit commun, cela ne
peut signifier que la libération de l’acheteur de son obligation de payer le prix. Si ce dernier a payé
lors de la commande, il doit seulement pouvoir demander le remboursement. S’il y a force majeure,
il ne peut y avoir de responsabilité, et donc pas de demande de dommages-intérêts. Mais que se
passe-t-il si la perte est due, en réalité, à une défaillance du vendeur, ou du transporteur ? L’article
L. 216-4 du Code de la consommation peut-il servir de fondement à une action indemnitaire ?
C’était bien le cas dans la présente affaire : le consommateur avait réclamé, sur ce fondement, des
dommages-intérêts au vendeur. Le jugement avait rejeté la demande en invoquant le fait que le
transporteur avait « implicitement » reconnu une défaillance dont le vendeur n’était pas
responsable, ce qui conduisit à la censure de la décision par la Cour de cassation. Faut-il alors en
conclure que la haute juridiction admet qu’une demande indemnitaire puisse prospérer sur le
fondement de l’article L. 216-4 ? Pour énoncer les choses autrement, si la notion de risques dans le
Code de la consommation est globale, et intègre la perte due à un cas de force majeure comme à
une défaillance contractuelle, son régime ne doit-il pas, également, associer les deux ? Nous n’en
sommes pas convaincu, pour au moins deux raisons. En premier lieu, le texte de l’article L. 216-4
ne le sous-entend pas, visant uniquement les risque de perte ou d’endommagement, sans évoquer
un quelconque préjudice. En second lieu, et contrairement à ce que laisse entendre le jugement, le
fait que la faute soit imputable au transporteur n’exonère pas le vendeur pour autant, d’autant plus
que la vente eut lieu ici par le biais d’un site internet. Or, l’article 15 de la loi du 21 juin 2004,
pour la confiance dans l’économie numérique, relative notamment au commerce électronique,
dispose que celui qui se livre à cette activité est « responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur
de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter
par elle-même ou par d’autres prestataires de service, sans préjudice de son droit de recours contre
ceux-ci. Toutefois, elle peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en rapportant la
preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit à l’acheteur, soit
au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues
au contrat, soit à un cas de force majeure », disposition reprise4, en substance, pour le contrat à
distance, par l’article L. 221-15 du Code de la consommation. Et la Cour de cassation a eu
l’occasion de préciser que le transporteur n’est pas un tiers au sens de ce texte 5. Il eut alors été
préférable pour le consommateur d’agir sur le fondement de l’article L. 216-4 pour obtenir la
restitution du prix, considérant cet article comme régissant uniquement la répartition des risques
(même entendus de manière large) et sur l’article L. 221-15 au soutien de sa demande
indemnitaire.
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