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TRAVAUX DIRIGÉS
DROIT DES CONTRATS SPÉCIAUX
3ème année de Licence
2023-2024
Sujet n°1 : Commentaire d’arrêt Cass. Ch. Mixte. 26 mai 2006, n°03-19.495
La Cour (…) Sur le moyen unique : Attendu, selon l’arrêt attaqué (CA Papeete, 13
févr. 2003), qu’un acte de donation partage dressé le 18 décembre 1957 et contenant
un pacte de préférence a attribué à Mme Adèle Amaru un bien immobilier situé à
Haapiti ; qu’une parcelle dépendant de ce bien a été transmise, par donation partage
du 7 août 1985, rappelant le pacte de préférence, à M.Ruini Amaru qui l’a ensuite
vendu le 3 décembre 1985 à la SCI Emeraude, par acte de M. Solari, notaire ;
qu’invoquant une violation du pacte de préférence, stipulé dans l’acte du 8 décembre
1957, dont elle tenait ses droits en tant qu’attributaire, Mme Pere a demandé, en
1992, sa substitution dans les droits de l’acquéreur et subsidiairement le paiement des
dommages et intérêts. Attendu que les consorts P. font grief à l’arrêt d’avoir rejeté la
demande tendant à obtenir une substitution dans les droits de la société Emeraude,
alors, selon le moyen : 1°/ que l’obligation de faire ne se résout en dommages et
intérêts que lorsque l’exécution en nature est impossible, pour des raisons tenant à
l’impossibilité de contraindre le débiteur de l’obligation à l’exécuter matériellement ;
qu’en dehors d’une telle impossibilité, la réparation doit s’entendre au premier chef
comme une réparation en nature et que, le juge ayant le pouvoir de prendre une
décision valant vente entre les parties au litige, la cour d’appel a fait de l’article 1142
du code civil, qu’elle a ainsi violé, une fausse application ; 2°/ qu’un pacte de
préférence dont les termes obligent le vendeur d’un immeuble à en proposer d’abord
la vente au bénéficiaire du pacte, s’analyse en l’octroi d’un droit de préemption, et
donc en obligation de donner, dont la violation doit entrainer l’ inefficacité de la
vente conclue malgré ces termes avec le tiers, et en la substitution du bénéficiaire du
pacte à l’acquéreur, dans les termes de la vente ; que cette substitution constitue la
seule exécution entière et adéquate du contrat, laquelle ne se heurte à aucune
impossibilité ; qu’en la refusant, la cour d’appel a violé les articles 1134, 1138 et
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1147 du code civil ; 3°/ qu’en matière immobilière, les droits accordés sur un
immeuble sont applicables aux tiers dès leur publication à la conservation des
hypothèques ; qu’en subordonnant le prononcé de la vente à l’existence d’une faute
commise par l’acquéreur, condition inutile dès lors que la Cour d’appel a constaté
que le pacte de préférence avait fait l’objet d’une publication régulière avant la vente
contestée, la cour d’appel a violé les articles 28, 30 et 37 du décret du 4 janvier 1955.
Mais attendu que, si le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger
l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et
d’obtenir la substitution à l’acquéreur, c’est à la condition que ce tiers ait eu
connaissance, lorsqu’il a contracter, de l’existence du pacte de préférence et de
l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir ; qu’ayant retenu qu’il n’était pas
démontré que la société Emeraude savait que Mme P. avait l’intention de se prévaloir
de son droit de préférence, la cour d’appel a exactement déduit de ce seul motif, que
la réalisation de la vente ne pouvait être ordonnée au profit de la bénéficiaire du
pacte ; D’où il suit que ce moyen n’est pas fondé ; Par ces motifs : Rejette le
pourvoi ; (…)
Sujet n°2 : Commentaire d’arrêt, Cass.3e civ., 31 janv. 2007, n°05.21. 071, Sté Aux Jardins de
France c/ Sté Capesterre
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privé avait précédé l’acte de vente du 1er septembre 1999 mentionnant le bail avait
d’ores et déjà été remis au tiers acquéreur) ne caractérisaient pas « un faisceau de
présomptions graves, précises et concordantes » démontrant d’une part que le congé
avait été donné dans le seul but d’anéantir le pacte de préférence, et d’autre part que
l’effet ainsi désiré ne s’étant pas produit, les parties à la vente étaient passées outre, en
fraude des droits de la SA Aux Jardins de France, qu’ainsi, la cour d’appel a entaché
sa décision d’un défaut de réponse à conclusions en violation de l’article 455 du
nouveau code de procédure civile ;
3°/ que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être
révoquées que par leur consentement mutuel ; que le bailleur qui s’engage aux termes
d’un pacte de préférence, à ne vendre qu’au preneur, ne peut revenir sur cet
engagement irrévocable dont l’exécution, dans l’hypothèse où il décide de vendre son
bien, dépend de la seule volonté du bénéficiaire ; qu’en refusant à celui-ci la possibilité
de se substituer au tiers acquéreur avec lequel le vendeur a finalement contracté, la
cour d’appel a violé les articles 1134, alinéas 1 et 2 du code civil ;
4°/ de l’exécution de l’engagement irrévocable du bailleur de ne vendre son bien qu’au
preneur ne peut être paralysée par la négligence d’un bailleur à transmettre son offre
de prix au titulaire du droit de préférence ; qu’en déniant au bénéficiaire le droit de se
substituer au tiers acquéreur au motif que l’expression de sa volonté d’acquérir avait
été faite à une époque à laquelle le vendeur n’avait formulé aucune proposition de
vente ni offre de prix, la cour d’appel s’est déterminée par des motifs inopérants en
violation de l’article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que si le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger
l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir
sa substitution à l’acquéreur, c’est à la condition que ce tiers ait eu connaissance,
lorsqu’il a contracter, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du
bénéficiaire de s’en prévaloir ; qu’ayant souverainement retenu qu’il n’existait aucune
preuve de ce que la société Capesterre avait eu connaissance de l’intention de la
société Aux Jardins de France de faire usage de son droit de préférence, la cour
d’appel, qui n’était pas tenue de s’exprimer sur des éléments de preuve qu’elle décidait
d’écarter, a pu en déduire abstraction faite d’un motif surabondant relatif à une
éventuelle levée de l’option par le bénéficiaire du pacte, que la violation du pacte de
préférence ne pourrait être sanctionné que par l’allocation des dommages-intérêts ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le troisième moyen qui ne serait pas de
nature à permettre l’admission du pourvoi ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi (…)
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Exercice :
Dissertation : Les spécificités du contrat de vente
Documents :
Document 1 :
Définition. Selon l’article 1582, alinéa 1 er, du code civil : « La vente est une convention par
laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer ». Le trait caractéristique de la
vente est qu’elle est translative de propriété (sect. 1), et que cette prestation s’effectue moyennant
le paiement d’un prix (sect. 2); encore faut-il préciser un prix en argent. La définition légale peut
être complétée en utilisant les classifications classiques des contrats. La vente est un contrat
synallagmatique à titre onéreux; ces deux précisions s’évincent de la formule légale; mais il faut
ajouter que c’est un contrat consensuel, et en principe commutatif (mais il peut exister des ventes
aléatoires).
Document 2 :
Extrait de Vente : formation par Olivier Barret et Philippe Brun, Répertoire de droit immobilier
(Octobre 2019, actualisation 2023).
Art. 4 - Transfert de propriété
63. Singularité de l'effet translatif. - Aux termes de l'article 1583 du code civil : « … la
propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la
chose et du prix ». L'effet translatif contribue, lui aussi, à souligner le particularisme de la
vente en regard d'autres contrats tels que le bail (V. infra, nos 64 s.), le prêt (V. infra,
nos 68 s.), le dépôt (V. infra, nos 70 s.), et le contrat de fourniture et d'assistance (V. infra,
nos 74 s.).
§ 1er - Vente et bail
64. Effet translatif vs droit de jouissance. - L'effet translatif de la propriété permet de
distinguer la vente et le bail, puisque ce dernier ne confère au preneur qu'un droit de
jouissance, de nature personnelle, relativement à la chose. Encore convient-il d'observer
que les deux contrats peuvent se combiner, comme au cas de crédit-bail (V. Crédit-bail
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66. Présomption de l'article L. 411-1 du code rural. - L'article L. 411-1 du code rural, tel
qu'il est issu de la loi no 84-741 du 1er août 1984, vise à régler la difficulté. Il pose une
présomption simple de bail en présence de « toute cession exclusive des fruits de
l'exploitation lorsqu'il appartient à l'acquéreur de les recueillir ou de les faire recueillir ».
Pour combattre la présomption, le cédant doit, suivant le même texte, établir « que le
contrat n'a pas été conclu en vue d'une utilisation continue ou répétée des biens » – ce qui,
concrètement, implique que l'acquéreur des fruits change tous les ans (rappr. Civ. 3e, 2 juin
1993, nos 92-10.593 et 92-10.618, Bull. civ. III, no 77. – Civ. 3e, 27 oct. 1993, no 91-
11.166 , Bull. civ. III, no 129 ; Gaz. Pal. 1994. 1. Somm. 293. – Civ. 3e, 12 juill. 1995,
no 93-14.613 , D. 1995. IR 218 . – Civ. 3e, 24 mai 2000, no 98-20.148 , RD rur. 2001.
53) – ni « dans l'intention de faire obstacle à l'application du » statut du fermage – ce qui
postule que l'acquéreur d'herbe ne soit astreint à aucun acte de culture ou d'entretien du
fonds –. La jurisprudence s'efforce de mettre en œuvre ces principes de qualification avec
nuance. Par exemple, un arrêt de la Cour de cassation a approuvé une cour d'appel d'avoir
déduit qu'une vente d'herbe consentie pour une année, tacitement renouvelée une fois,
n'était pas une opération continue et répétée dans l'intention de faire obstacle au statut du
fermage, dès lors que la même cour d'appel avait constaté que la propriétaire souhaitait
aliéner le fonds, ce qu'elle avait réalisé dès que possible, et non le faire exploiter, et que la
circonstance exceptionnelle de la disparition de son conjoint, qui exploitait de son vivant
les prairies, l'avait contrainte à renouveler tacitement la vente d'herbe consentie dans
l'attente de la vente des prairies (Civ. 3e, 24 mars 2004, no 02-15.920 , Bull. civ. III, no 63).
67. Concession de carrière. - La distinction du bail et de la vente a également suscité des
difficultés en présence du contrat de concession d'une carrière. Ce contrat se rapproche, à
première vue, du bail en ce que le concessionnaire exerce de manière successive un droit
d'extraction, en contrepartie duquel il verse parfois une redevance périodique. Mais la
jurisprudence récuse cette analyse (Com. 17 avr. 1953, D. 1953. 387. – Civ. 3e, 30 mai
1969, Bull. civ. III, no 437 ; D. 1969. 561 ; JCP 1970. II. 16173, note G. Hubrecht) : elle
traite la convention comme une vente de meubles par anticipation entre les parties, portant
sur les matériaux extraits (Civ. 3e, 25 oct. 1983, Bull. civ. III, no 197), et comme une vente
immobilière à l'égard des tiers (Req. 15 déc. 1857, DP 1859. 1. 366. – Civ. 28 nov. 1949,
D. 1950. 38) – auxquels, par conséquent, celle-ci n'est opposable que dans la mesure où elle
a été publiée à la conservation des hypothèques – ; car le droit d'exploitation concédé a
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pour effet d'entamer la substance du bien, ce qui est incompatible avec une simple
jouissance, et équivaut donc à un transfert de propriété (V., sur l'ensemble de la question,
C. LARROUMET, La publicité des contrats de fortage et la mobilisation par anticipation,
Mélanges A. Colomer, 1993, Litec, p. 209 s. – Ph. MALAURIE, L. AYNÈS et P.-
Y. GAUTIER, op. cit., no 83).
§ 2 - Vente et prêt
68. Effet translatif vs restitution. - L'effet translatif de la propriété permet d'opposer la
vente et le prêt. Par le contrat de prêt, le prêteur remet une chose à l'emprunteur, pour que
celui-ci s'en serve puis la lui restitue en nature s'il s'agit d'un prêt à usage ou commodat, ou
par équivalent s'il s'agit d'un prêt de consommation. À vrai dire, si la distinction entre les
deux contrats est nettement marquée en présence du commodat, elle l'est beaucoup moins
en présence du prêt de consommation tel que le prêt de somme d'argent, par exemple : c'est
qu'alors le prêteur transfère la propriété de la chose à l'emprunteur, lequel s'engage à
restituer non cette chose, mais une chose équivalente. Aussi, certains auteurs soutiennent
que le véritable critère de distinction entre les deux contrats réside davantage dans
l'obligation de restituer mise à la charge de l'emprunteur, et dont l'acheteur n'est en principe
pas tenu, que dans le transfert de propriété opéré par la vente (Ph. MALAURIE et
L. AYNÈS et P.-Y. GAUTIER, op. cit., no 84).
69. Cas particulier. - Cela posé, la combinaison de la vente et du prêt peut se rencontrer
dans le cas particulier de la vente avec consignation de l'emballage. En vérité, tout dépend
alors de la commune intention des parties : à défaut de précision, la jurisprudence paraît
encline à considérer que la consignation constitue un prêt à usage, dès lors que l'emballage
doit être restitué et que son usage est gratuit (Civ. 1re, 2 mars 1954, D. 1954. 275 ; JCP
1954. II. 8117, note J. Hémard ; RTD civ. 1954. 510, obs. J. Carbonnier). Lorsqu'en
revanche, la propriété de l'emballage est transférée à l'acheteur, et que celui-ci a la faculté
de le rendre contre remise du prix, les tribunaux considèrent qu'il y a eu vente de
l'emballage, avec promesse de rachat (Com. 14 oct. 1974, Gaz. Pal. 1975. 1. 129 ; RTD civ.
1975. 323, obs. G. Cornu ; RTD com. 1975. 584, obs. J. Hémard).
§ 3 - Vente et dépôt
70. Critère : recherche de la commune intention des parties. - L'effet translatif de la
propriété permet de différencier la vente du dépôt, par lequel, suivant l'article 1915 du code
civil, « on reçoit la chose d'autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature »
(V. Dépôt [Civ.] ). Mais certaines opérations combinent le dépôt et la vente. Tel est le cas,
par exemple, de celle par laquelle un marchand et son fournisseur conviennent que le
premier vendra ce qu'il pourra et restituera au second la marchandise non vendue au terme
du délai stipulé. On parle alors de dépôt-vente. La détermination de la véritable nature d'un
tel contrat dépend de la commune intention des parties, qu'il appartient au juge du fond de
rechercher souverainement s'il y a litige.
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marchandises pour son propre compte, et non en tant que représentant du fournisseur, le
« dépôt-vente » doit être analysé comme une vente conditionnelle. Suivant la volonté des
contractants, la vente pourra alors avoir été conclue sous la condition résolutoire de la non-
revente des biens fournis (Paris, 12 déc. 1980, D. 1981. IR 447, obs. C. Larroumet) ou sous
la condition suspensive de la revente (Versailles, 8 nov. 1990, D. 1992. Somm. 193, obs.
O. Tournafond ). Lorsqu'en revanche, le commerçant vend des marchandises en tant que
représentant du fournisseur, le contrat est un dépôt assorti d'un mandat de vendre (rappr., à
propos du diffuseur de presse :
72. Applications. - En application de ces critères, s'analyse comme une vente sous
condition résolutoire le contrat par lequel un industriel remet des marchandises à un
marchand ambulant, moyennant le versement immédiat d'une somme d'argent à titre de
garantie, sous réserve de la faculté attribuée au marchand de restituer les invendus à
l'industriel passé un délai de quinze jours, et de recevoir en retour la somme correspondante
(Crim. 10 déc. 1969, Gaz. Pal. 1970. 1. 90 ; RTD civ. 1970. 371, obs. G. Cornu).
73. L'enjeu pratique de la qualification retenue est important, dans la mesure où celle-ci
commande à la fois le régime de la restitution, le fournisseur pouvant à tout moment exiger
la restitution de la chose confiée à l'intermédiaire au cas de mandat, et la charge des risques
liés à la disparition fortuite de la chose. Spécialement, en ce qui concerne la charge des
risques, on sait que celle-ci repose normalement sur le propriétaire ; en conséquence,
lorsque le dépôt-vente est analysé comme une vente sous condition résolutoire, c'est au
commerçant distributeur qu'il incombe, normalement, de supporter les risques liés à la perte
des invendus (Paris, 12 déc. 1980, préc. [supra, no 71]) ; et, lorsque le dépôt-vente a la
nature d'un dépôt, c'est le fournisseur qui demeure tenu d'assumer ces derniers.
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76. Le principe est le consensualisme (V. infra, nos 77 s.). Demeurent cependant quelques
particularités, pour les ventes requérant un écrit (V. infra, nos 81 s.) ou soumises à
autorisation préalable (V. infra, nos 86 s.), les ventes publiques (V. infra, nos 88 s.) et la
publicité foncière (V. infra, nos 91 s.)
§ 1er - Principe
77. Condition en principe nécessaire et suffisante. - Aux termes de l'article 1583 du code
civil, la vente « est parfaite entre les parties… dès qu'on est convenu de la chose et du
prix ». Il ressort du texte que, pour être valablement formée, la vente n'exige en principe
aucune formalité ; il suffit que les volontés des parties se soient rencontrées sur ses
éléments essentiels, c'est-à-dire sur la chose et sur le prix. Ainsi, la vente se voit conférer,
comme la plupart des contrats en droit français, un caractère consensuel (sur les hésitations
manifestées par le groupe de travail auteur de l'avant-projet de réforme du droit des contrats
spéciaux, quant à l'opportunité du maintien du principe du transfert solo consensu,
V. l'exposé des motifs de l'avant-projet, consultable sur le site de l'association Henri
Capitant). Il en découle, par exemple, que la signature d'un acte de vente immobilière par
l'acquéreur après le décès des venderesses n'empêche pas la perfection du contrat, dès lors
que les deux parties ont donné leur consentement avant ce décès (Civ. 3e, 27 nov. 1990,
Bull. civ. III, no 225 ; D. 1992. Somm. 195, obs. G. Paisant ; JCP 1992. II. 21808, note
Y. Dagorne-Labbe). De la même manière, un contrat de vente de photographie aérienne est
formé dès que les parties sont convenues de la chose et du prix, non à réception de la
photographie par l'acquéreur (Civ. 1re, 1er juin 1999, no 97-14.165 , D. 2000. 622, note
M. Thioye ; RTD com. 2000. 163, obs. B. Bouloc ).
78. Dérogations : exceptions conventionnelles. - Cela étant, l'article 1583 du code civil
n'est pas un texte d'ordre public. Les contractants sont donc libres d'y déroger, et de
convenir que la vente ne deviendra parfaite qu'après l'accomplissement de telle ou telle
formalité (Paris, 18 sept. 1989, D. 1989. IR 258). Spécialement, il n'est pas rare, dans le
cadre des promesses réciproques de vente et d'achat, que les contractants écartent la règle
de l'article 1589 du code civil suivant laquelle : « La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il
y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix », et diffèrent la
formation de la vente jusqu'au jour de la signature de l'acte authentique qui la constatera.
Une telle stipulation est pleinement valable, pourvu qu'elle soit très clairement exprimée :
la jurisprudence est fixée en ce sens depuis un arrêt de la chambre des requêtes de la Cour
de cassation en date du 4 mai 1936 (DH 1936. 313), aux termes duquel : « L'énonciation
dans un acte sous seing privé portant accord sur la chose et sur le prix qu'un acte notarié
sera ultérieurement dressé n'a pour effet de subordonner la formation et l'efficacité du
contrat à l'accomplissement de cette formalité que s'il résulte clairement, soit des termes de
la convention, soit des circonstances, que telle a été la volonté des parties ». Ce principe de
solution est rappelé régulièrement par la jurisprudence (Civ. 3e, 20 déc. 1994, no 92-
20.878).
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Attendu que pour ordonner la restitution à Mme Y... des sommes au paiement desquelles elle
avait été condamnée en première instance, l'arrêt retient que le droit de chasse affectant la
propriété acquise découle de la loi, que le silence de la venderesse porterait donc seulement sur
le fait qu'elle n'a pas fait usage de la faculté légale de former opposition à l'exercice de ce droit,
mais que cette opposition constitue l'exception, alors que le droit commun est bien l'application
du droit de chasse et que, dès lors, il ne saurait y avoir de silence dolosif ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à la venderesse d'informer l'acquéreur, quelle que soit
l'utilisation envisagée pour l'immeuble, de la situation juridique de la propriété vis-à-vis de
l'exercice du droit de chasse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour ordonner la restitution de la somme de 4 000 francs, l'arrêt retient que cette
somme aurait servi à compenser la perte des loyers et que, dès lors, ce paiement n'apparaît pas
sans cause ;
Qu'en statuant ainsi, par un motif dubitatif, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte
susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 juin 1998, entre les
parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état
où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de
Bordeaux.
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Documents :
Document 1 : Extrait Droit des contrats spéciaux, juin 2022, Lextenso par Sarah Farhi
87. Les conditions de formation du contrat de vente. Les articles 1582 et 1583 du Code civil
prévoient que la vente est un contrat consensuel formé grâce à la rencontre des volontés de
l’acheteur et du vendeur sur la chose et le prix. La formation du contrat de vente, quant à ses
conditions de fond, semble simple. Tel n’est pas toujours le cas, car la rencontre des
volontés peut parfois résulter d’un processus complexe (section 1). À ces conditions de fond
s’ajoute exceptionnellement un formalisme imposé par le législateur pour former le contrat de
vente (section 2).
Section 1
La rencontre des volontés
88. Les processus de rencontre des volontés. Pour conclure la vente, les volontés des parties
au contrat doivent se rencontrer grâce à l’acceptation d’une offre selon les conditions des
articles 1113 et suivants du Code civil (1•). À côté de ce processus simple qui relève du droit
commun des contrats, il existe un processus complexe matérialisé par des avant-contrats (2•).
89. Le consentement des contractants. Selon l’article 1594 du Code civil, « tous ceux auxquels
la loi ne l’interdit pas peuvent acheter ou vendre ». Le contrat de vente est un contrat bilatéral
accessible à tout vendeur (A) et tout acheteur (B). Si les parties sont libres de former le contrat
de vente, le législateur s’assure néanmoins de l’intégrité de leur consentement (C).
A - Le vendeur
90. Le consentement du vendeur. Les parties au contrat de vente doivent trouver un accord sur
la chose et le prix, mais encore faut-il que le vendeur dispose de la capacité de vendre (1), et
qu’aucune restriction à sa liberté de vendre ne lui soit imposée (2).
1) La capacité de vendre
91. La capacité juridique de vendre. Pour vendre un bien, il est nécessaire de disposer de la
capacité juridique. Il s’agit de l’application des règles du droit commun des obligations. Ainsi,
un mineur non émancipé 45 ou un majeur protégé 46 ne peut pas conclure seul un contrat de vente,
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car il s’agit d’un acte qui requiert une liberté de disposer qu’il n’a pas. Cependant, l’article 1148
du Code civil admet que les incapables concluent seuls des actes de la vie courante dès lors que
les conditions sont normales. Le mineur non émancipé, le majeur sous tutelle ou curatelle peut
ainsi vendre seul des chaussures sur une plate-forme d’occasion en ligne dès lors que le prix
obtenu n’est pas ridiculement bas. Le non-respect de ces règles relatives à la capacité juridique
permet l’exercice d’une action en nullité à l'égard du contrat de vente.
92. La capacité des personnes morales. Pour les personnes morales, la capacité juridique de
vendre doit être mise en parallèle avec l’objet social. Les actes de la personne morale doivent
participer à la réalisation de l’objet social et notamment les contrats de vente qui doivent
répondre à cette exigence.
93. La capacité de disposer. Outre la capacité juridique, le vendeur doit également disposer du
pouvoir de vendre le bien. Le vendeur doit donc être propriétaire de la chose vendue. Cette
question ayant déjà été examinée 47, elle ne sera pas ici à nouveau exposée.
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d’expropriation pour cause d’utilité publique, d’une procédure collective, d’une réquisition ou
d’une saisie.
B - L’acheteur
1) La capacité d’acheter
98. La capacité de l’acheteur. Pour acheter un bien, il est nécessaire de disposer de la capacité
juridique. Il s’agit de l’application des règles du droit commun des obligations. Ainsi, un mineur
non émancipé 51 ou un majeur protégé 52 ne peut pas conclure seul un contrat de vente, car il
s’agit d’un acte qui requiert une liberté de disposer qu’il n’a pas. Cependant, l’article 1148 du
Code civil admet que les incapables concluent seuls des actes de la vie courante dès lors que les
conditions sont normales. Le mineur non émancipé, le majeur sous tutelle ou curatelle peut donc
acheter seul une baguette de pain dès lors que son prix ne dépasse pas 2 €. Le non-respect de ces
règles permet l’exercice d’une action en nullité relative du contrat de vente.
99. La capacité des personnes morales. Pour les personnes morales, la capacité juridique
d’acheter doit être rapprochée de l’objet social. Les actes de la personne morale doivent
participer à la réalisation de l’objet social, notamment les contrats de vente qui doivent répondre
à cette exigence.
100. L’existence d’incapacités spéciales. Des incapacités spéciales d’acheter sont également
prévues afin de protéger les vendeurs en situation de faiblesse. Ainsi, les professionnels
travaillant dans un établissement accueillant des personnes âgées ou effectuant des soins
psychiatriques ne peuvent pas acheter les biens des patients. En outre, aux termes de
l’article 1596 du Code civil :
– le tuteur ne peut acheter les biens de l’incapable ;
– le mandataire ne peut acquérir les biens qu’il doit vendre ;
– les administrateurs ne peuvent acheter les biens qu’ils doivent gérer ;
– les officiers publics ne peuvent acquérir les biens nationaux vendus par leur ministère ;
– les fiduciaires ne peuvent acheter les biens du patrimoine affecté.
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102. Les mécanismes d’éviction de l’acheteur. Il existe des mécanismes légaux qui permettent
à une personne de se substituer à l’acheteur initialement choisi par le vendeur. Ces mécanismes
qui évincent l’acheteur sont une restriction à la liberté d’acheter. Il s’agit du droit de préemption
et du droit de retrait. Le droit de retrait est exercé après la conclusion de la vente et permet à son
titulaire de prendre la place de l’acquéreur grâce à une faculté de substitution. Au contraire, le
droit de préemption est exercé avant que la vente ne soit conclue. Ce droit permet à son titulaire
d’acquérir prioritairement le bien de l’acheteur. Les droits de préemption sont très nombreux.
S’il ne s’agit pas d’en donner une liste exhaustive, il est possible de citer le droit de préemption
reconnu aux musées nationaux pour les ventes d’œuvres d’art aux enchères, ou encore le droit de
préemption urbain qui permet à une commune de se porter acquéreur prioritaire d’un immeuble
dans certaines zones de son territoire.
103. Les obligations d’acquérir. Il existe des mécanismes conventionnels qui imposent à
l’acheteur des obligations d’acquérir. Il s’agit notamment des clauses d’exclusivité ou de minima
qui aménagent les conditions dans lesquelles un acheteur va acquérir des biens. Elles se
retrouvent fréquemment dans les contrats de distributions 53. Si la clause est d’exclusivité,
l’acheteur ne peut acquérir les biens qu’auprès d’un unique vendeur déterminé dans le contrat. Si
la clause est de minima, l’acheteur a l’obligation d’acquérir une certaine quantité de biens auprès
du vendeur. Pour protéger la liberté d’acheter, ces clauses sont traitées avec sévérité par la
jurisprudence et le législateur. L’article L. 330-1 du Code de commerce limite notamment à
10 ans la durée des clauses d’exclusivité.
C - L’intégrité du consentement
1) L’obligation d’information
dans l’ancien article 1134 du Code civil qui imposait aux parties d’exécuter le contrat de bonne
foi. Pour la jurisprudence, l’exigence de bonne foi imposait implicitement au vendeur d’informer
l’acheteur sur les caractéristiques du bien vendu. Depuis l’ordonnance, une obligation générale
d’information a été créée au nouvel article 1112-1 du Code civil, qui dispose que « celle des
parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de
l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou
fait confiance à son cocontractant ». Cette disposition s’applique à tous les contrats spéciaux, et
particulièrement à la vente.
106. Le fondement spécial. Un fondement spécifique au contrat de vente existe également.
L’article 1602 du Code civil dispose ainsi que « le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à
quoi il s’oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s’interprète contre le vendeur ». Dès lors, le
vendeur est présumé connaître parfaitement la chose et doit communiquer les informations à
l’acheteur. Cette information délivrée par le vendeur autorise-t-elle l’acheteur à ne pas être
curieux ? Après des hésitations tant en jurisprudence qu’en doctrine, il faut aujourd’hui
considérer que l’acheteur n’a pas à être curieux. Il reçoit les informations sans avoir à s’enquérir
des qualités de la chose achetée. Il n'a donc pas à poser des questions pour s'informer.
Si l’obligation d’information est imposée à tous les vendeurs, son intensité varie selon la qualité
de l’acheteur. En effet, le vendeur doit délivrer toutes les informations qu’il détient à l’acheteur
profane, afin que celui-ci puisse apprécier toutes les caractéristiques de la chose. Le vendeur
professionnel est ici présumé connaître parfaitement le bien vendu. Il doit même conseiller
l’acheteur pour qu’il acquière un bien en « adéquation avec l’utilisation qui en est prévue » 54. En
revanche, si l’acheteur est un professionnel, le vendeur doit le renseigner uniquement s’il ne peut
pas apprécier seul les caractéristiques techniques de la chose.
107. L’absence d’information sur la valeur. Que l’acheteur soit profane ou professionnel,
l’obligation d’information n’impose jamais au vendeur d’informer sur la valeur réelle du bien 55.
En outre, l’information étant ici donnée par le vendeur à l’acheteur avant la conclusion du contrat
pour éclairer son consentement, son inexécution relève du champ de la responsabilité délictuelle.
108. Les obligations d’information spéciales à certaines ventes. À côté de l’obligation
générale d’information, une obligation spéciale d’information est imposée à certains vendeurs.
Par exemple, le législateur a renforcé l’obligation d’information du vendeur immobilier par le
biais des diagnostics de performances énergétiques obligatoires. En droit de la consommation, la
protection du consommateur est assurée par un arsenal de mentions obligatoires listées à
l’article L. 111-1 du Code de la consommation. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive.
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109. Les délais de réflexion. Pour assurer la réalité du consentement des parties, les contractants
peuvent bénéficier d’un délai de réflexion avant (a) ou après (b) la conclusion du contrat de
vente.
110. Les différents types de délais. Pour éviter les achats impulsifs et préserver les ménages du
risque de surendettement, le législateur a créé dans certaines ventes un délai de réflexion. Grâce
à ce délai, les parties sont obligées de peser le pour et le contre de la vente avant de conclure le
contrat.
111. Le délai de réflexion pour les ventes à crédit. Un délai de réflexion est prévu pour les
ventes à crédit. Il s’agit des achats financés par des crédits contractés auprès d’établissements
financiers. Le Code de la consommation considère ainsi, dans son article L. 311-1, que le crédit
effectué pour financer un achat particulier est un « crédit affecté ». Si le crédit est une enveloppe
à la disposition de l’emprunteur, utilisée au coup par coup pour effectuer des achats, le crédit
n’est pas affecté. En matière de vente mobilière à crédit, l’acheteur bénéficie d’un délai de
réflexion de 15 jours. En effet, comme l’offre de prêt doit être maintenue par l’établissement
financier pendant une durée minimale de 15 jours à partir de sa remise 56, ce délai permet à
l’emprunteur-acheteur de réfléchir à la portée de son engagement. Cependant, l’emprunteur-
acheteur peut accepter le prêt et conclure la vente avant l’expiration du délai. En matière de
vente immobilière à crédit, l’acheteur bénéficie d’un délai de réflexion de 30 jours. Assurément,
comme l’offre de prêt doit être maintenue par l’établissement financier pendant une durée
minimale de 30 jours à compter de sa réception 57, ce délai permet à l’emprunteur-acheteur de
réfléchir. Ici, l’emprunteur-acheteur ne peut jamais accepter le contrat de prêt et donc conclure la
vente avant l’expiration d’un délai de 10 jours.
112. Le délai de réflexion pour les ventes d’un immeuble à usage d’habitation par un
acheteur non professionnel. Un délai de réflexion est prévu pour les ventes portant sur un
immeuble à usage d’habitation avec un acquéreur non professionnel. Pour la construction ou
l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, l’article L. 271-1 du Code de la construction et
de l’habitation prévoit que l’acheteur non professionnel dispose d’un délai de réflexion de
10 jours à compter de la remise ou de la notification du projet d’acte authentique. Tant que ce
délai n’est pas écoulé, la vente ne peut pas être conclue. Cependant, si la vente immobilière a été
précédée par un avant-contrat, comme une promesse synallagmatique ou unilatérale, le délai de
réflexion ne s’applique pas. Dans ce cas, une faculté de rétractation est offerte à l’acquéreur
pendant un délai de 10 jours après de la signature de la promesse 58.
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118. La formation de la vente grâce à un avant-contrat. La vente peut être formée selon un
processus simple de rencontre des volontés. Il s’agit de l’offre et de l’acceptation, notions
étudiées dans le droit commun des contrats. Cependant, la vente est souvent précédée
d’une promesse (A) ou d’un autre avant-contrat (B), qui relèvent d’un processus complexe de
rencontre des volontés.
119. Les différents types de promesses. Pour prévoir les modalités de la vente, les parties
peuvent conclure un contrat préparatoire grâce à une promesse unilatérale (1) ou à
une promesse synallagmatique (2).
1) La promesse unilatérale
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relevée par la jurisprudence. Dans plusieurs décisions 68, la Cour de cassation considère que le
bénéficiaire ne dispose plus de sa liberté de contracter dès lors que l’indemnité d’immobilisation
est élevée, notamment si elle correspond à plus de 15 % du prix de vente. Dans ces
circonstances, la Cour requalifie alors la promesse unilatérale en promesse synallagmatique de
vente.
125. Les conditions de forme. La promesse unilatérale ne répond pas à des conditions de forme
particulières. Cette affirmation connaît toutefois deux exceptions. D’abord, pour les promesses
unilatérales réalisées par un acte sous seing privé et qui portent sur un immeuble, un fonds de
commerce ou des droits sociaux de société civile immobilière, l’article 1589-2 du Code
civil impose son enregistrement dans les 10 jours qui suivent sa conclusion. Cette mesure n’a pas
pour but l’opposabilité de la promesse aux tiers, mais l’information des services fiscaux pour
éviter la dissimulation d’une partie du prix de vente. Ensuite, pour les promesses unilatérales
portant sur un immeuble, consenties par une personne physique et ayant une durée de 18 mois ou
plus, l’article L. 290-1 du Code de la construction et de l’habitation prévoit la forme authentique
sous peine de nullité de la promesse. Cet article a pour but de protéger le promettant qui
immobilise son bien pendant une longue durée, raison pour laquelle la nullité encourue est
relative, et ne peut jamais être invoquée par le bénéficiaire de la promesse 69. Comme déjà
évoqué, si la promesse unilatérale est d’achat, qu’elle porte sur un immeuble à usage d’habitation
et qu’elle a été consentie par une personne physique, l’acquéreur dispose d’un délai de
rétractation de 10 jours.
126. La variété des effets. La promesse unilatérale de vente produit des effets juridiques avant
la levée d’option (1) et après la levée d’option (2) par le bénéficiaire.
127. Les droits des parties. À ce stade, le bénéficiaire ne dispose d’aucun droit sur le bien. Il a
seulement la possibilité de lever l’option pour former la vente avec le promettant. Ce droit
d’option est un droit potestatif que le bénéficiaire exerce librement. Le promettant, en revanche,
subit plus de restrictions. Il ne peut pas conclure le contrat de vente avec un tiers, et comme il a
déjà donné son consentement au futur contrat, il est tenu de contracter dans l’éventualité où le
bénéficiaire le souhaiterait. Avant la levée d’option, les parties sont dans une situation d’attente.
128. La rétractation de la promesse unilatérale. Une difficulté apparaît néanmoins lorsque le
promettant rétracte la promesse. Cette rétractation est surprenante, car le promettant a déjà donné
son consentement au contrat de vente. La rétractation de la promesse devrait être impossible. La
Cour de cassation avait pourtant autorisé le promettant à se rétracter. Dans un arrêt du
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15 décembre 1993 70, elle considérait que « tant que le bénéficiaire n’a pas levé l’option,
l’obligation du promettant ne constitue qu’une obligation de faire » dont l’exécution forcée ne
saurait être ordonnée. Par conséquent, la rétractation de la promesse avant la levée de l’option
faisait obstacle à la conclusion du contrat et n’exposait le promettant qu’au paiement de
dommages-intérêts. Cette solution a été largement critiquée.
129. L’absence d’effets de la rétractation de la promesse pour l’avenir. Le législateur n’est
pas resté sourd à la critique, puisque l’alinéa 2 du nouvel article 1124 du Code civil énonce que
« la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas
la formation du contrat promis ». Désormais, la révocation de la promesse avant la fin du délai
d’option n’a aucun effet. Le bénéficiaire peut lever l’option et former le contrat malgré la
rétractation. L’ordonnance de 2016 ne reprend pas la jurisprudence et restaure la force
obligatoire de la promesse unilatérale. Cette solution a d’ailleurs été validée par la Cour de
cassation qui a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC relative à
l’inconstitutionnalité de l’alinéa 2 de l’article 1124 71. La haute juridiction a estimé que
l’irrévocabilité de la promesse unilatérale de vente était conforme à la Constitution.
130. L’absence d’effets de la rétractation de la promesse pour le passé. Dans un arrêt du
23 juin 2021 72, la Cour de cassation abandonne également sa jurisprudence initiée en 1993. Dans
cette décision rendue au printemps 2021, la troisième chambre civile précise que pour les
promesses unilatérales de vente conclues avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février
2016, la rétractation par le promettant avant la levée d'option du bénéficiaire est sans effet. La
Cour de cassation supprime donc définitivement la possibilité de rétracter la promesse unilatérale
avant la levée d’option d’achat du bénéficiaire, peu importe que la promesse ait été conclue avant
ou après l’entrée en vigueur de l’ordonnance de réforme du droit des contrats.
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promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul ». Si l’ordonnance
reprend le principe, elle modifie la sanction et son fondement. Sous l’empire du Code civil de
1804, la Cour de cassation considérait que le contrat conclu avec le tiers de mauvaise foi était
inopposable au bénéficiaire. Dans l’article 1124, le législateur va plus loin, puisqu’il précise que
le contrat conclu avec le tiers est nul. Grâce à la nullité du contrat conclu avec le tiers,
l’exécution forcée de la promesse est possible et le bénéficiaire peut conclure la vente avec le
promettant. En outre, le fondement de la mauvaise foi du tiers est supprimé, l’article 1124
précisant que le tiers doit « avoir connaissance de l’existence » de la promesse. Pour obtenir la
nullité du contrat, démontrer que le tiers connaît l’existence de la promesse suffit. Il n’est plus
besoin de prouver que le tiers savait que le bénéficiaire voulait lever l’option. Pour protéger le
bénéficiaire, il suffit donc de publier la promesse pour s’assurer que les tiers ont en
connaissance.
2) La promesse synallagmatique
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immobilière rédigée sous seing privé entraîne la conclusion de la vente. Ses effets sont
néanmoins différés à la rédaction de l’acte authentique de vente par le notaire, qui est une
formalité accessoire.
135. Les exceptions. Ce principe souffre toutefois d’exceptions, car la règle de l’article 1589
n’est pas d’ordre public. Dans un arrêt de la troisième chambre civile du 10 mai 2005 74, la Cour
de cassation précise que cette règle n’a qu’un « caractère supplétif » et que les contractants
peuvent subordonner la conclusion de la vente à une formalité spéciale. Les parties à la promesse
synallagmatique peuvent donc décider d’ériger une condition normalement accessoire, en
condition essentielle à la formation du contrat de vente 75. Tant que la formalité considérée
comme essentielle par les parties n’est pas réalisée, le contrat de vente ne peut pas être formé et
la promesse synallagmatique ne peut pas valoir vente. Par exemple, dans une promesse
synallagmatique mobilière, lorsque les parties stipulent expressément que la formation de la
vente est retardée à la rédaction d’un acte authentique par le notaire, elles décident de
transformer une formalité non exigée par le législateur en formalité essentielle. Avec cette
précision, elles font de leur promesse synallagmatique un contrat autonome qui ne peut pas
valoir vente. Évidemment, la Cour de cassation exige que les parties expriment clairement leur
volonté de transformer la formalité normalement accessoire en formalité essentielle 76. Dans une
promesse synallagmatique, il faut ainsi être extrêmement vigilant quant aux stipulations des
parties.
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promesse. Si la promesse synallagmatique est autonome, cela signifie qu’une formalité est
transformée en condition essentielle du consentement des parties. En cas d’inexécution de la
promesse, l’exécution forcée est impossible, car la formalité est devenue essentielle à la
formation de la vente. L’inexécution de la promesse ne peut donc se résoudre que par équivalent,
par l’obtention de dommages-intérêts.
138. La violation de la promesse synallagmatique. Une dernière hypothèse d’inexécution de la
promesse synallagmatique doit être envisagée. Il s’agit de la violation de la promesse par la vente
du bien à un tiers. Dès lors que la vente au tiers a été publiée et que la promesse n’a pas fait
l’objet d’une publication, la vente au tiers est valable même s’il est de mauvaise foi. Dans ce cas,
le bénéficiaire de la promesse peut engager la responsabilité contractuelle du promettant, et la
responsabilité délictuelle du tiers de mauvaise foi pour obtenir des dommages-intérêts. En
revanche, si la promesse synallagmatique a été publiée, la vente au tiers est impossible, la
publicité permettant l’opposabilité de cette promesse aux tiers.
139. Les autres avant-contrats. Outre les promesses, deux autres avant-contrats permettent de
préparer un contrat de vente. Il s’agit du pacte de préférence (1) et du contrat-cadre (2).
1) Le pacte de préférence
141. La notion de préférence. Le pacte de préférence est un contrat grâce auquel le promettant
s’engage à proposer prioritairement la vente d’un bien déterminé au bénéficiaire, si un jour il
décide de le vendre. Dans un pacte de préférence, le promettant ne donne pas son consentement à
la vente future. Il s’engage simplement à offrir une priorité d’achat au bénéficiaire si un jour il
décide de vendre le bien. Le promettant n’a ici jamais l’obligation de vendre. Et le bénéficiaire
n’a pas l’obligation d’acheter. Si le promettant souhaite vendre son bien, le bénéficiaire a un
droit d’option. Le bénéficiaire pourra acheter le bien ou refuser de former le contrat de vente.
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142. L’absence de conditions spéciales. Dans un pacte de préférence, le promettant n’est jamais
certain de vendre et le bénéficiaire n’est jamais certain d’acheter. Il peut ainsi être distingué des
promesses qui obligent une partie ou les deux à conclure la vente projetée. Le pacte de
préférence se distingue également des autres avant-contrats par ses conditions de formation. Il
n’est soumis à aucune condition spéciale. Le pacte doit répondre aux conditions de droit
commun et mentionner le bien sur lequel la préférence porte. La détermination du prix n’est donc
pas exigée pour la validité du pacte, ce prix pouvant simplement être précisé dans l’offre
effectuée par le promettant. Il n’est toutefois pas rare de trouver dans le pacte de préférence un
prix ou des éléments qui permettent sa détermination ultérieure.
143. La durée du pacte de préférence. Le pacte de préférence peut être conclu à durée
déterminée ou indéterminée. Si le pacte mentionne une durée, la priorité d’achat du bénéficiaire
s’éteint à l’expiration du délai dès lors que le promettant n’a pas souhaité vendre son bien. Si le
pacte de préférence ne précise pas de durée, le promettant est tenu de respecter la priorité d’achat
tant qu’il n’a pas proposé le bien au bénéficiaire. Le délai laissé au bénéficiaire pour opter peut
également être déterminé ou indéterminé. En cas de délai indéterminé, le bénéficiaire semble
disposer d'un délai de 5 ans pour opter, c'est-à-dire disposer du délai de prescription de droit
commun 79.
144. Des effets variables dans le temps. Pour déterminer les effets du pacte de préférence, il
faut étudier deux périodes : avant la décision de vendre du promettant (1) et après sa décision
de vendre (2).
145. Le droit de créance du bénéficiaire contre le promettant. Une fois le pacte de préférence
conclu, et tant que le promettant ne décide pas de vendre, le bénéficiaire ne dispose d’aucun droit
sur le bien. Le bénéficiaire est simplement titulaire d’un droit de créance contre le promettant : le
droit de se voir proposer prioritairement la vente du bien. Sauf pacte conclu intuitu personae, le
bénéficiaire peut céder sa priorité 80 et doit alors notifier cette cession au promettant.
146. L’obligation du promettant. En ce qui concerne le promettant, le pacte l’oblige à proposer
la vente en priorité au bénéficiaire. Tant que le promettant ne souhaite pas vendre le bien, il
conserve matériellement son bien ainsi que le droit de l’utiliser. En outre, comme le promettant
n’est obligé de proposer le bien en priorité au bénéficiaire qu’en cas de vente, il demeure libre
d’aliéner son bien par un autre moyen. Le promettant peut ainsi librement échanger, donner ou
apporter en société le bien objet du pacte. Cependant, dans un arrêt du 6 décembre 2018 81, la
troisième chambre civile précise que le promettant ne peut pas conclure une promesse unilatérale
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de vente sans violer le pacte de préférence. En effet, comme la promesse de vente concourt à la
formation de la vente, elle contient une violation de la priorité d’achat du bénéficiaire du pacte
de préférence.
147. L’offre prioritaire au bénéficiaire du pacte. Dès lors que le promettant a décidé de
vendre, il doit informer le bénéficiaire et lui faire parvenir une offre. Ici, il faut se reporter aux
stipulations du pacte pour connaître les modalités d’information du bénéficiaire. Une fois l’offre
transmise, le pacte de préférence devient une promesse unilatérale qui engage le promettant à
vendre le bien 82. Si le bénéficiaire accepte, le contrat de vente est donc formé par la rencontre
des volontés des parties sur le prix et la chose.
148. La violation du pacte de préférence et tiers acquéreur de bonne foi. Une difficulté
apparaît lorsque le promettant a décidé de vendre le bien sans respecter la priorité du
bénéficiaire. Il y a alors une violation du pacte de préférence. Si le tiers acquéreur est de bonne
foi et ignorait l’existence du pacte, la vente conclue avec le promettant demeure valable. Le
bénéficiaire peut toutefois engager la responsabilité contractuelle du promettant pour obtenir
réparation de la violation de sa priorité. Cette sanction instituée par la jurisprudence 83 a été
reprise à l’alinéa 2 de l’article 1123 du Code civil, qui dispose que « lorsqu’un contrat est conclu
avec un tiers en violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du
préjudice subi ».
149. La violation du pacte de préférence et tiers acquéreur de mauvaise foi. Si le tiers
acquéreur est de mauvaise foi et connaissait l’existence du pacte, le bénéficiaire peut demander
la nullité du contrat de vente ou demander sa substitution au tiers. Le bénéficiaire pourra
également se prévaloir de dommages-intérêts. Cette solution, affirmée par la chambre mixte dans
un arrêt du 26 mai 2006 84, a été reprise au nouvel article 1123, alinéa 2 du Code civil. Il précise
que « lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en
prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers
dans le contrat conclu ». Le bénéficiaire peut ainsi obtenir soit la nullité de la vente conclue avec
le tiers, soit être substitué au tiers pour former la vente avec le promettant. Le législateur exige
néanmoins que le bénéficiaire démontre que le tiers connaissait l’existence du pacte et, plus
encore, qu’il connaissait la volonté du bénéficiaire d’acheter le bien.
150. L’action interrogatoire. Cette preuve n’étant pas aisée à rapporter, les alinéas 3 et 4 de
l’article 1123 incitent le tiers à s’informer pour éviter une éventuelle violation du pacte. Ils
énoncent que « le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il
fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir.
L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus
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solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat ». Des doutes
planent sur l’interprétation de cette action interrogatoire. Le tiers sera-t-il en mesure d’effectuer
l’action s’il n’a pas connaissance du pacte ? A priori non, le promettant n’ayant aucun intérêt à
divulguer l’existence du pacte. Le tiers n’ayant pas mis en œuvre l’action interrogatoire sera-t-il
systématiquement considéré comme de mauvaise foi ? La jurisprudence devra trancher ces
questions.
2) Le contrat-cadre
151. La notion de contrat-cadre. Le contrat-cadre permet de prévoir les conditions des futures
conventions signées entre les parties. Les modalités des contrats futurs sont ainsi déterminées à
l’avance. Créé par la pratique pour répondre à un besoin de simplicité dans les relations
d’affaires, le contrat-cadre a fait son entrée dans le Code civil grâce à l’ordonnance du 10 février
2016. Désormais, le nouvel article 1111 précise que « le contrat-cadre est un accord par lequel
les parties conviennent des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures.
Des contrats d’application en précisent les modalités d’exécution ». Cette disposition ne purge
pas toutes les questions relatives aux conditions de validité (a) et au régime (b) du contrat-cadre.
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futures, doit-il déterminer le prix des contrats d’application ou bien l’absence de prix est-elle
possible ? S’il peut être tentant de définir le prix à l’avance pour une totale prévision
contractuelle, cette logique ne tient pas compte de l’évolution des prix. Après des hésitations sur
la question, la Cour de cassation a admis l’indétermination du prix dans les contrats-cadres par
quatre arrêts rendus par l’assemblée plénière le 1 er décembre 1995 87. L’indétermination du prix
n’est donc pas une cause de nullité du contrat-cadre. L’assemblée plénière précise également que
le prix peut être fixé unilatéralement par une partie. Cependant, en cas de fixation abusive du
prix, la partie engage sa responsabilité contractuelle et le contrat-cadre peut être résolu.
L’ordonnance du 10 février 2016 a repris cette jurisprudence. Désormais, l’article 1164 du Code
civil dispose que « dans les contrats-cadres, il peut être convenu que le prix sera fixé
unilatéralement par l’une des parties, à charge pour elle d’en motiver le montant en cas de
contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant
à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat ».
155. Les contrats d’application du contrat-cadre. Dans un contrat-cadre, les parties consentent
aux conditions qui seront appliquées aux futurs contrats d’application. Les contrats d’application
conclus entre les parties relèvent donc des modalités précisées dans le contrat-cadre.
156. Le consentement aux contrats d’application. Le consentement exprimé dans le contrat-
cadre vaut-il consentement pour les contrats d’application ? La réponse est négative, car tous les
contrats sont distincts les uns des autres. Pour chaque contrat d’application, les parties doivent à
nouveau exprimer leur consentement. Ainsi, le distributeur peut refuser de conclure un contrat
d’application si le prix fixé par le fournisseur en application du contrat-cadre ne lui convient pas.
Comme le distributeur n’a pas donné son consentement au contrat d’application dans le contrat-
cadre, il est impossible de le contraindre à accepter le prix fixé par le fournisseur.
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158. La vente : un contrat consensuel par principe. Grâce à l’article 1583 du Code civil, le
consensualisme est le principe qui s’applique au contrat de vente. Cela signifie que la vente n’est
ni un contrat réel, ni un contrat solennel. Pour que le contrat de vente soit formé valablement,
l’échange des consentements suffit. Il n’est pas besoin que le bien vendu soit remis à l’acheteur.
Il n’est également pas nécessaire de rédiger un écrit. Par exemple, lorsque vous désirez acheter
une baguette de pain, nul besoin de faire un contrat écrit avec le boulanger ou d’être en
possession de la baguette pour que le contrat soit formé. L’accord verbal sur la baguette et son
prix suffit.
2 • LE FORMALISME CROISSANT
159. Le formalisme croissant dans la vente. Par principe, le consensualisme s’applique à toutes
ventes. Ce principe connaît des exceptions qui n’ont cessé de se développer ces 30 dernières
années. À côté du formalisme de droit commun (A) est apparu un formalisme en droit de la
consommation (B).
160. Un formalisme varié. Le formalisme de droit commun dans la vente doit être distingué
selon que le bien vendu est un meuble (1), un immeuble (2) ou que la vente est électronique (3).
161. Le formalisme lié à la rédaction d’un écrit. Le législateur peut imposer la rédaction d’un
écrit pour la vente de certains meubles. L’écrit est notamment exigé pour la vente de bateau 88, de
navire 89, d’avion 90, de droits sur un brevet d’invention 91 ou encore de droits sur une marque 92.
162. Le formalisme lié à la rédaction de mentions spéciales. Le législateur peut également
imposer la rédaction de mentions obligatoires dans l’écrit constatant la vente. Avant la loi du
19 juillet 2019 de simplification et de clarification du droit des sociétés, dite loi Soilihi la vente
d'un fonds de commerce devait comprendre de nombreuses mentions obligatoires. Depuis cette
loi, cette exigence est supprimée.
163. La forme authentique. En matière immobilière, la vente doit revêtir la forme authentique.
Il s’agit d’une exigence liée à la publicité foncière. Pour être opposable aux tiers, la vente
d’immeuble doit être publiée sur les registres de la publicité foncière. Seuls les actes dressés en
la forme authentique peuvent être inscrits sur un tel registre 93. Pour être publiée, la vente
d’immeuble doit donc revêtir la forme authentique. En l’absence de publication, le contrat de
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vente immobilier est inopposable aux tiers. En cas de conflit entre plusieurs acheteurs successifs,
l’acquéreur inscrit en premier à la publicité foncière est considéré comme le propriétaire du bien.
Outre l’opposabilité, la forme authentique permet au notaire de collecter les droits
d’enregistrement et impôts qui s’appliquent à la vente.
164. Les mentions obligatoires. L’achat d’un lot dans une copropriété immobilière ou d’un
immeuble à usage d’habitation impose la rédaction de mentions obligatoires dans l’acte de vente.
La loi Carrez du 18 décembre 1996, la loi ALUR du 24 mars 2014 et la loi Climat et
Résilience du 22 août 2021 imposent notamment que soient mentionnés la superficie des parties
privatives, les diagnostics techniques, les documents relatifs à l’organisation de l’immeuble et à
la situation financière de la copropriété, un état des risques naturels...
165. Le formalisme particulier aux ventes électroniques. En raison des risques liés au
commerce électronique, le législateur exige un formalisme pour les ventes électroniques. Ce
formalisme a été créé par une directive européenne du 20 mai 1997 transposée par une
ordonnance du 23 août 2001. Désormais, pour conclure un contrat électronique, une information
préalable doit être fournie par le vendeur à distance. Il doit fournir les informations prévues aux
articles L. 111-1, L. 111-2, L. 221-5 et R. 221-2 du Code de la consommation. Il s’agit de
préciser son identité, la prestation, les conditions contractuelles de la vente, les modalités de
rétractation, les modalités de résiliation, les étapes à suivre pour conclure le contrat, les moyens
techniques permettant de corriger les erreurs... Une fois le contrat conclu, le vendeur doit accuser
réception par voie électronique de la commande. Il confirme ainsi le contrat dans son ensemble
et fournit la preuve électronique de la convention.
166. La règle du double clic. Bien évidemment, le législateur impose également des exigences
formelles pour l’offre et l’acceptation effectuées sur internet. Il s’agit notamment de la règle du
double-clic, codifiée dans le droit commun des contrats à l’article 1127-2 du Code civil : pour
acheter un bien, il faut d’abord placer l’article dans son panier puis valider ce panier ; deux clics
sont donc requis. Cette règle permet à l’acheteur de vérifier que sa commande est conforme à sa
volonté et qu’un problème informatique n’a pas entraîné un surnombre d’articles dans son
panier.
167. Le formalisme croissant pour les ventes à l’égard d’un consommateur. Depuis une
trentaine d’années, le législateur a imposé un formalisme croissant dans les ventes effectuées par
un professionnel à l’égard d’un consommateur. Grâce à ce formalisme, le législateur s’assure de
l’information complète du consommateur, dont le consentement est alors censé être pleinement
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Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait aux vendeurs d'informer l'acquéreur, quelle que soit
l'utilisation envisagée pour l'immeuble, de la situation juridique de la propriété vis-à-vis de
l'exercice du droit de chasse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 1994, entre les
parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état
où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de
Poitiers.
Exercice :
Dissertation : La chose dans la vente
Documents :
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Pour pouvoir être vendue, la chose doit remplir quatre séries de conditions : exister, être
appropriée, dans le commerce juridique et déterminée ou déterminable.
Parce que la chose doit en principe exister au moment de la vente (C. civ., art. 1601), sa perte
totale ou partielle emporte des conséquences variables selon que l'acheteur connaissait ou
ignorait le risque de perte. Sauf exceptions, la vente peut en revanche valablement porter sur une
chose future (C. civ., anc. art. 1130, art. 1163 nouv.).
Une chose ne peut être vendue qu'à la condition d'être appropriable, ce qui exclut du domaine de
la vente les cessions de valeurs incorporelles non protégées par un monopole d'exploitation
(information, savoir-faire non breveté…). Elle doit aussi en principe être appropriée par son
vendeur. Mais cette règle supporte de nombreuses nuances (vente d'un bien indivis, d'un droit
réel démembré…).
Pour être l'objet d'une vente la chose doit être aliénable, c'est-à-dire susceptible d'aliénation. Les
choses hors commerce, soit parce qu'elles sont dangereuses (drogues…) ou illicites
(contrefaçons), soit parce qu'elles sont physiquement (choses humaines…) ou juridiquement
attachées à la personne ne peuvent être vendues.
Enfin, la chose objet de la vente doit être au moins déterminée dans son espèce, c'est-à-dire le
genre auquel elle appartient même si sa quantité peut n'être que déterminable.
Document 2 : Frédéric Zenati, Les choses hors-commerce, RTD civ. 14 juin 1996 n°’420
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La valeur vénale d'une chose n'écarte pas plus la qualification de souvenir de famille qu'elle fait
échec à la règle de l'indisponibilité. L'opinion, parfois professée, selon laquelle, la qualification
de souvenir de famille pourrait être refusée aux objets en fonction de l'importance de leur valeur
vénale (Gulphe, concl. sous Civ. 1re, 21 févr. 1978, JCP 1978.II.18836) se trouve contredite. Le
juge n'a pas, selon une approche pragmatique, à peser l'intérêt moral et l'intérêt patrimonial d'une
chose pour statuer sur sa nature. La chose est ou n'est pas un souvenir de famille. Sa valeur
vénale est sans incidence sur sa nature, laquelle s'impose objectivement. Mieux, sa nature
détermine parfois même une valeur vénale, comme on peut le constater en l'espèce. C'est parce
que les effets de la Maison de France sont hors-commerce qu'ils attisent le commerce. Le seul
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critère que le juge doit retenir est la valeur morale et la Cour de cassation prend bien soin de le
rappeler en notant que les effets disputés ont une grande valeur affective.
La mise au point qu'effectue la Cour suprême intéresse autant la jurisprudence que la doctrine.
Certaines décisions laissent à penser que l'indisponibilité des souvenirs de famille n'est pas de
droit et ne peut résulter que d'une clause d'inaliénabilité (Paris, 7 déc. 1987, D. 1988.182, note
Lindon). Le tribunal de Paris, saisi au fond de la présente affaire, n'a pas hésité à affirmer que la
notion de souvenirs de famille est exclusivement successorale et ne saurait être déterminante des
modalités de transmission entre vifs des biens auxquels elle s'applique, lesquels ne sont pas
incessibles (TGI Paris 1re ch. 1er mars 1995, JCP 1995.II.22477, obs. Hovasse-Banget). L'intérêt
de l'espèce est précisément de montrer que les souvenirs de famille relèvent au contraire du droit
des biens et n'intéressent le droit successoral que par contrecoup. C'est parce que les souvenirs de
famille sont un des rares biens de mainmorte admis par le droit français qu'il est interdit de les
partager et de les transmettre. Il nous est apparu qu'il y a dans cette notion la rémanence d'une
forme archaïque de propriété commune totalement étrangère à l'indivision et à la conception
moderne des biens fondée sur la disponibilité (cette Revue 1989.775). Les souvenirs de famille
sont une variété de communauté de biens de mainmorte, forme de propriété très répandue au
Moyen-Age et très voisine de la propriété en main commune du droit romain primitif. La chose y
appartient indivisiblement au groupe sans droit subjectif pour chacun des communistes et se
trouve donc impartageable. Ce lien d'appartenance est authentiquement perpétuel en ce sens que
la chose est inaliénable et intransmissible. Le groupe conserve la chose au-delà des décès de ses
membres par simple subrogation de personnes (A.-M. Patault, Introduction historique au droit
des biens, n° 51). Tant que le groupe existe, la communauté persiste. On comprend que nombre
d'auteurs aient été tentés par l'idée de personne morale, car cette notion traduit bien la
transcendance de l'intérêt du groupe par rapport à l'existence des membres de ce dernier. Mais
cette notion est anachronique et inadaptée ; les communistes sont biens propriétaires eux-mêmes
de la chose commune et perdent leur participation dans la chose par le décès. Il faut se décider à
abandonner les techniques juridiques modernes pour rendre compte fidèlement de la nature des
souvenirs de famille. Le membre de la famille auquel échoit la détention et la conservation des
souvenirs de famille n'est pas un simple dépositaire, mais, ainsi que le dit M. Sériaux (Les
successions, les libéralités, n° 50), un chef de famille ou du moins une personne ayant un rôle
central dans le groupe, à la manière du « maître » qui se trouvait au centre des communautés
taisibles (A.-M. Patault, op. cit. n° 50).
Le droit contemporain peut-il tolérer la persistance de figures aussi étrangères à son esprit et à
ses principes ? Les souvenirs de famille ne sont pas le produit d'une convention, ce qui dispense
de s'interroger sur leur conformité à l'ordre public. Le droit constitutionnel des biens n'est pas
encore suffisamment formulé pour qu'il soit loisible de lancer des exclusives. Si le droit au
partage nous paraît fondamental, sa préservation n'est pas affectée par des atteintes circonscrites.
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Il en va de même de la disponibilité des biens. Les souvenirs de famille sont des biens de
mainmorte rares (souvent le privilège des grandes familles) et en voie de disparition. Lorsque la
famille comme groupe ne sera plus (ce qui ne saurait tarder), ils ne seront plus qu'un souvenir.
Point n'est besoin, pour sauvegarder la libre circulation des biens, de les pourchasser.
Document 3 : Jean-Baptiste Seube, Defrénois 28 févr. 2017, n°04 - page 244 ( à propos de l’arrêt
de la Cour de cassation, 3ème civ, 27 oct. 2016, no 15-23846)
L’article 1599 dispose que la vente de la chose d’autrui est nulle. Elle emporte ainsi restitution
de la chose et du prix, outre des dommages et intérêts si l’acheteur ignorait que la chose fut à
autrui. Mais que décider lorsque la vente portait sur plusieurs parcelles et qu’une seule était à
autrui ? Comment fixer le montant des restitutions lorsque l’acte de vente n’avait pas ventilé le
prix entre les différentes parcelles cédées ? C’est à cette question, à notre sens inédite, que
répond l’arrêt commenté.
En l’espèce, une caisse mutuelle complémentaire et d’action sociale (CMCAS) avait vendu à un
établissement public foncier quatre parcelles pour le prix global de 446 000 €. Une de ces
parcelles, la seule constructible, appartenant à un tiers, l’acquéreur avait assigné le vendeur en
nullité partielle du contrat. Les parties s’accordaient sur la nullité partielle de la vente mais ne
trouvaient pas un accord sur le montant de la somme à restituer. La cour d’appel de Caen avait
alors recouru à l’article 1637 du Code civil qui, relatif à l’éviction partielle, dispose que « si,
dans le cas de l’éviction d’une partie du fonds vendu, la vente n’est pas résiliée, la valeur de la
partie dont l’acquéreur se trouve évincé lui est remboursée suivant l’estimation à l’époque de
l’éviction, et non proportionnellement au prix total de la vente (…) ». Elle avait alors condamné
le vendeur à restituer la somme de 281 100 €. L’arrêt est cassé par la Cour de cassation : « Qu’en
statuant ainsi, alors que le contrat de vente de la parcelle AK 67 avait été annulé pour vente de
la chose d’autrui en application de l’article 1599 du Code civil, la cour d’appel a violé le premier
texte susvisé, par refus d’application, et le second, par fausse application »1.
D’un point de vue théorique, on aura peut-être du mal à distinguer les hypothèses de nullité
partielle (visées par l’article 1599) et d’éviction partielle lorsque la vente n’est pas résiliée. Dans
les deux cas, c’est un « bout de vente » qui survit. La Cour de cassation rend pourtant une
solution extrêmement ferme selon laquelle les domaines des articles 1599 et 1637 du Code civil
sont inconciliables. Le premier s’applique pour le cas où la vente est annulée (s’agirait-il d’une
nullité partielle) ; le second pour le cas où la vente n’est pas résiliée et où l’acquéreur subit une
éviction partielle. Les parties ayant en l’espèce réciproquement admis le principe de la nullité
partielle de leur contrat, il semblait acrobatique de régler le quantum des restitutions par
référence à un article qui était visiblement inapplicable. L’arrêt est donc cassé pour avoir refusé
d’appliquer l’article 1599 et violé l’article 1637. Puisque la Cour casse l’arrêt seulement en ce
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qu’il a condamné le vendeur à restituer la somme de 281 100 €, la Cour de renvoi n’aura qu’à
déterminer le montant des restitutions.
D’un point de vue pratique, le recours à l’article 1637 du Code civil gênait visiblement le
vendeur qui estimait que la somme à restituer était trop élevée. En l’espèce, seule la parcelle
appartenant à autrui était constructible. L’application de l’article 1637 du Code civil avait alors
conduit la cour d’appel à se fonder sur une estimation de la parcelle litigieuse que l’acheteur
avait demandé aux services fiscaux avant l’acquisition. Elle avait abouti à la somme de
281 000 €, soit 100 €/m2. Cette estimation, qui ne convenait visiblement pas au vendeur, est donc
écartée. Mais quelle estimation sera retenue par la cour de renvoi ? L’article 1599 du Code civil,
dont la Cour de cassation appelle à l’application, est muet sur la question : faut-il tenir compte de
la seule surface que représentait la parcelle appartenant à autrui par rapport à la surface globale
des parcelles vendues ? N’est-il pas injuste de ne pas tenir compte des caractéristiques de la
parcelle appartenant à autrui – la constructibilité – dont étaient dépourvues les autres parcelles ?
Ne faut-il pas tenir du compte du fait que les parcelles non constructibles n’ont pas beaucoup
d’utilité pour un établissement public foncier dont l’objet est de réaliser des constructions ? Mais
si ces parcelles sont à ce point dépourvues d’utilité pour lui, pourquoi n’avoir pas poursuivi
l’annulation totale de la vente ? Autant de questions auxquelles l’arrêt de cassation, pas plus que
les moyens qui y sont attachés, ne permettent de répondre.
Exercices :
Dissertation : La dissociation des effets réels (transfert de propriété et transfert des risques) de la
vente.
Cas pratique : Grâce et Myvec viennent d’emménager dans la maison qu’ils ont fait construire à
Moungali. Pour cette occasion, ils ont décidé de recevoir leurs amis à diner. Pour rendre leur
demeure plus acceuillante, ils ont acheté cinq bouquets de treize roses chacun. Il a été convenu
que le fleuriste viendrait livrer les bouquets de fleurs dans l’après-midi avant le dîner.
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Toutefois, le matin du bal, ils ont reçu un appel téléphonique de la part du fleuriste
(commerçant). Ce dernier leur explique qu’une coupure de courant s’est produite et que le
générateur électrique chargé de prendre le relais est tombé en panne subitement sans raison de
sorte que la climatisation du magasin n’a pas fonctionné et que toutes les fleurs sont fanées et
abîmées.
Très contrariés par cette mauvaise nouvelle il vienne vous consulter pour avoir des conseils. Que
peuvent-ils espérer obtenir ?
Documents :
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Document 3 : Jérôme Julien, Revue des contrats juin 2021, n° 200a6, p. 101
C’est une question presque ordinaire qu’a eu à connaître la Cour de cassation dans un arrêt du
3 février 2021 et pourtant, à notre connaissance, cette décision est la première à être rendue en la
matière. Les faits sont eux-mêmes d’une grande banalité : un consommateur acheta des biens sur
le site internet d’un vendeur, mais ne vit rien venir. La simplicité de la situation devrait conduire,
idéalement, à une solution elle-même simple. Tel est sans doute le cas à la lecture de la décision
de la haute juridiction. La question posée était de savoir sur qui devait peser le risque de perte du
bien acheté : le vendeur ou l’acheteur ? Alors qu’une juridiction de première instance, statuant en
dernier ressort, avait rejeté la demande du consommateur (dont l’objet est d’ailleurs
intéressant, et dont il sera fait mention infra), la Cour de cassation, appliquant
strictement et littéralement l’article L. 216-4 du Code de la consommation, censura le jugement :
« tout risque de perte ou d’endommagement des biens est transféré au consommateur au moment
où ce dernier ou un tiers désigné par lui, et autre que le transporteur proposé par le professionnel,
prend physiquement possession de ces biens » (c’est la lettre de l’article L. 216-4), « il résultait
de ses constatations que l’acheteur n’avait pas pris physiquement possession des biens achetés
sur internet ». Comme bien souvent en droit de la consommation, la règle a une finalité
essentiellement pratique : si la discipline n’est pas rétive à la conceptualisation et aux grands
principes, elle se caractérise surtout par son aspect pragmatique, et l’article L. 216-4 en est une
belle illustration. La disposition a pour but de régler une difficulté courante à laquelle chacun
peut se retrouver confronté. Que faire en cas de perte ou d’endommagement du bien livré ? Il est
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apparu, non sans raison, que l’application du seul droit commun, ou même des règles spéciales
normalement applicables, serait pour le consommateur non seulement source de
difficulté dans son exercice, mais encore probablement peu efficace. Deux éléments en
particulier semblent soulever difficulté : le premier est lié à la nature du contrat conclu, ici une
vente à distance, et aux règles relatives au transfert de propriété ; le second est lié au mode
d’exécution du contrat : en effet, de manière générale, le vendeur confie l’acheminement de la
marchandise vendue à un tiers, transporteur. Le consommateur se trouve alors face à deux
questions immédiates : contre qui agir (le vendeur ou le transporteur ?) et que demander ? Le
droit commun, celui du droit du commerce électronique et enfin celui du droit du transport
proposent des solutions distinctes et qui répondent assurément à des finalités différentes. Afin de
simplifier les chose s, et d’offrir à l’acheteur visibilité et intelligibilité – qui semblent devenir
l’objectif ultime de la législation contemporaine – le droit de la consommation adopta une règle
simple, claire et apparemment dénuée d’ambiguïté : tout risque est transféré à l’acheteur
consommateur lorsqu’il prend physiquement possession du bien. Il en résulte qu’avant ce
moment, il ne peut assumer un tel risque, ce qui sous-entend que celui-ci pèse sur quelqu’un
d’autre. Pourtant, l’analyse trouble quelque peu la limpidité promise, tant au regard du domaine
de la règle que de son régime.
Le domaine de la règle contenue à l’article L. 216-4 paraît de prime abord simple à déterminer.
Le texte figure dans un chapitre consacré à la livraison et au transfert de risque. Logiquement, les
premiers articles1 évoquent les règles relatives à la livraison, qui doit s’opérer à la date convenue
entre les parties ou, à défaut, au plus tard 30 jours après. Si tel n’est pas le cas, le consommateur
dispose, dans les conditions fixées par l’article L. 216-2, du droit de résoudre le contrat. Les
autres articles règlent donc la question du transfert des risques. Outre l’article visé dans la
présente décision, deux autres dispositions doivent être mentionnées pour que le tour d’horizon
soit complet : l’article L. 216-5 prévoit que si le consommateur confie la livraison du bien à un
transporteur autre que celui proposé par le professionnel, le transfert des risques s’opère lors de
la remise du bien au transporteur. Gageons que l’hypothèse est rare en pratique. Enfin, l’article
L. 216-6 prévoit, opportunément, que l’ensemble des dispositions de ce chapitre est d’ordre
public. Voilà pour le contexte.
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exécutée). Devant assumer ces risques, cela signifie que ce débiteur ne peut rien exiger de l’autre
partie, qui se trouve donc libérée. L’exception, pour sa part, concerne les contrats translatifs de
propriété : res perit domino. En effet, le droit français, traditionnellement, lie
le transfert des risques à la propriété de la chose : supporte les risques le propriétaire. Or, en
application de l’article 1583 (en matière de vente), le transfert de propriété – effet légal de
la vente – s’opère dès que les parties sont convenues de la chose et du prix, c’est-à-dire dès la
formation du contrat. Il en résulte donc que, en droit commun, les risques sont pour l’acheteur
dès la formation du contrat, et donc avant même que le bien entame son acheminement. La
conclusion s’impose alors d’elle-même : si le bien vient à périr par cas de force majeure,
l’acheteur – qui par hypothèse ne le recevra jamais – est néanmoins tenu du prix et, s’il l’a déjà
payé, ce qui est l’hypothèse courante en matière de vente sur un site internet, il ne peut en
demander restitution. C’est, en substance, ce que rappelle l’article 1196 dans son troisième
alinéa : « Le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose. » En décidant que,
s’agissant du contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, les risque sont transférés
à celui-là uniquement lorsqu’il en prend physiquement possession, le Code de la consommation
paraît prendre le contre-pied de la règle de droit commun. En d’autres termes, l’article L. 216-4
viendrait déroger à celle contenue à l’article 1196 du Code civil. Mais encore faut-il être sûr que
les textes traitent de la même question. Pour affiner l’analyse, partons du texte, puis revenons à
l’affaire. Le texte de l’article L. 216-4 utilise une formule très différente – en réalité – de celle de
l’article 1196. Là où celui-ci évoque « les risque s de la chose », sans plus ample précision, celui-
là s’intéresse à « tout risque de perte ou d’endommagement ». Il paraît évident que la référence
aux risques de la chose, du Code civil, renvoie à la théorie des risques, classiquement entendue.
La formule utilisée par le Code de la consommation est en revanche différente, puisqu’elle vise
« tout risque » de perte ou d’endommagement : elle est à la fois plus précise (le risque de perte
ou d’endommagement) et plus large (tout risque). Il paraît alors raisonnable de considérer que
le risque visé est celui de perte ou d’endommagement indépendamment de la cause qui en est à
l’origine. Ainsi, le Code de la consommation a une vision élargie de la notion de risque, celui-ci
étant identifié par sa conséquence plus que par sa cause. Cela change beaucoup de chose s en
réalité, car la perte de la chose – pour prendre la situation de la présente espèce – peut avoir des
origines diverses. Pour s’en tenir à des considérations simples, elle peut découler d’un cas de
force majeure comme d’une faute du vendeur, ou du transporteur. Or, les risques – au sens
civiliste du terme – sont distincts de la responsabilité2. Les deux notions sont même
antinomiques l’une de l’autre : là où il y a force majeure (et donc application de la théorie
des risques) il ne peut y avoir de responsabilité (puisque la force majeure exonère de toute
responsabilité). S’il y a force majeure conduisant à la perte de la chose , il faut appliquer la
théorie des risques, et si tel n’est pas le cas, c’est sur le terrain de la responsabilité qu’il faut se
placer. En droit commun, c’est l’un ou l’autre. La formule du Code de la consommation s’inscrit-
elle dans cette dichotomie ? Certes pas dans l’esprit du plaideur, puisque l’arrêt nous apprend
que l’objet de sa demande n’était pas le remboursement du prix qu’il avait payé, très
certainement, d’avance, mais bien la « condamnation du vendeur au paiement de dommages-
intérêts ». C’était donc bien une action indemnitaire qui était engagée. En tant que telle, elle
pourrait se concevoir car la perte de la chose attendue peut parfaitement causer un préjudice à
l’acheteur. Mais tout dépend alors de l’origine de la perte: force majeure ou défaillance
contractuelle ? La Cour de cassation, admettant l’application de l’article L. 216-4 confirme donc,
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cela ne peut signifier que la libération de l’acheteur de son obligation de payer le prix. Si ce
dernier a payé lors de la commande, il doit seulement pouvoir demander le remboursement. S’il
y a force majeure, il ne peut y avoir de responsabilité, et donc pas de demande de dommages-
intérêts. Mais que se passe-t-il si la perte est due, en réalité, à une défaillance du vendeur, ou du
transporteur ? L’article L. 216-4 du Code de la consommation peut-il servir de fondement à une
action indemnitaire ? C’était bien le cas dans la présente affaire : le consommateur avait réclamé,
sur ce fondement, des dommages-intérêts au vendeur. Le jugement avait rejeté la demande en
invoquant le fait que le transporteur avait « implicitement » reconnu une défaillance dont le
vendeur n’était pas responsable, ce qui conduisit à la censure de la décision par la Cour de
cassation. Faut-il alors en conclure que la haute juridiction admet qu’une demande indemnitaire
puisse prospérer sur le fondement de l’article L. 216-4 ? Pour énoncer les choses autrement, si la
notion de risques dans le Code de la consommation est globale, et intègre la perte due à un cas de
force majeure comme à une défaillance contractuelle, son régime ne doit-il pas, également,
associer les deux ? Nous n’en sommes pas convaincu, pour au moins deux raisons. En premier
lieu, le texte de l’article L. 216-4 ne le sous-entend pas, visant uniquement les risque de perte ou
d’endommagement, sans évoquer un quelconque préjudice. En second lieu, et contrairement à ce
que laisse entendre le jugement, le fait que la faute soit imputable au transporteur n’exonère pas
le vendeur pour autant, d’autant plus que la vente eut lieu ici par le biais d’un site internet. Or,
l’article 15 de la loi du 21 juin 2004, pour la confiance dans l’économie numérique, relative
notamment au commerce électronique, dispose que celui qui se livre à cette activité est
« responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations
résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres
prestataires de service, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci. Toutefois, elle peut
s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en rapportant la preuve que l’inexécution ou la
mauvaise exécution du contrat est imputable, soit à l’acheteur, soit au fait,
imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au
contrat, soit à un cas de force majeure », disposition reprise4, en substance, pour le contrat à
distance, par l’article L. 221-15 du Code de la consommation. Et la Cour de cassation a eu
l’occasion de préciser que le transporteur n’est pas un tiers au sens de ce texte 5. Il eut alors été
préférable pour le consommateur d’agir sur le fondement de l’article L. 216-4 pour obtenir la
restitution du prix, considérant cet article comme régissant uniquement la répartition des risques
(même entendus de manière large) et sur l’article L. 221-15 au soutien de sa demande
indemnitaire.
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