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Conférence de Yalta

conférence entre alliés de la Seconde Guerre mondiale

La conférence de Yalta est une réunion des principaux


responsables de l'Union soviétique (Joseph Staline), du Royaume-
Uni (Winston Churchill) et des États-Unis (Franklin D. Roosevelt).
Elle s'est tenue du 4 au 11 février 1945 dans le palais de Livadia,
situé dans les environs de la station balnéaire de Yalta en Crimée.
Elle a été préparée par la conférence de Malte du 31 janvier au
2 février 1945, où les États-Unis et le Royaume-Uni se sont
concertés pour présenter un front uni à Staline sur la planification
de la campagne finale contre les troupes allemandes et
japonaises et sur la limitation de la progression de l'Armée rouge
en Europe centrale. Les buts de la conférence de Yalta sont les
suivants :

adopter une stratégie commune afin de hâter la fin de la


Seconde Guerre mondiale ;
régler le sort de l’Europe après la défaite du Troisième Reich ;
garantir la stabilité du nouvel ordre mondial après la victoire.
Cet article ne cite pas suffisamment ses sources
(avril 2021).
Si vous disposez d'ouvrages ou d'articles de référence ou si
vous connaissez des sites web de qualité traitant du thème
abordé ici, merci de compléter l'article en donnant les
références utiles à sa vérifiabilité et en les liant à la section
« Notes et références »

En pratique : Quelles sources sont attendues ? Comment


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Conférence de Yalta

Les dirigeants alliés à la conférence. De gauche à droite : Churchill,


Roosevelt et Staline.

Type Conférence diplomatique


Pays Union soviétique
Localisation Palais de Livadia, Yalta
Coordonnées 44° 28′ 04″ nord, 34° 08′ 36″ est
Date 4 au 11 février 1945
Participant(s) Joseph Staline
Franklin D. Roosevelt
Winston Churchill

Géolocalisation sur la carte : Europe

(Voir situation sur carte : Crimée)


(Voir situation sur carte : Europe)
modifier (https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Conf%C3%A9rence_de_Yalta&action=e
dit&section=0)

L'objectif principal de Staline est de faire confirmer les résultats de


la conférence interalliée de Moscou du 9 octobre 1944 esquissant
un plan de partage de l'Europe du Sud-Est en « zones d'influence »
pour l'après-guerre. Ce sont ces résultats qui, ajoutés à ceux de la
seconde conférence de Québec, débouchent sur la « guerre
froide »[1]. La version officielle soviétique après la guerre est
fondée sur le souci de « préserver l'Union soviétique de futures
attaques, comme en 1914 et en 1941, en la protégeant par un
glacis territorial et politique » [réf. nécessaire]. La diplomatie
soviétique œuvre donc pour commencer à la création d’une
Pologne dirigée par un gouvernement ami de l'URSS.

Churchill et Roosevelt cherchent à obtenir de Staline la promesse


que l'URSS entre en guerre contre le Japon dans les trois mois
après la capitulation de l’Allemagne et les deux sont donc prêts à
faire des concessions.

Staline négocie d'autant plus en position de force que les troupes


soviétiques ne sont plus qu’à une centaine de kilomètres de
Berlin.

Par ailleurs, Roosevelt, dont la santé se dégrade, affiche une totale


méconnaissance des valeurs morales de son interlocuteur[2] en
affirmant : « Si je lui donne tout ce qu'il me sera possible de
donner sans rien réclamer en échange, noblesse oblige, il ne
tentera pas d'annexer quoi que ce soit et travaillera à bâtir un
monde de démocratie et de paix »[3].

Enfin, les médias et les manuels scolaires présentent souvent


cette conférence comme un « partage du monde entre
puissants », idée tenace déjà dénoncée dans un article de
Raymond Aron, « Yalta ou le mythe du péché originel », dans Le
Figaro du 28 août 1968. Cette « image faussée a une double
origine. D'une part, elle est le reflet, a posteriori, du partage effectif
du monde, survenu à partir de 1947, avec les doctrines
antagonistes [Truman pour l'ouest et Jdanov pour l'est], dans le
cadre de la Guerre froide. D'autre part, elle exprime le
ressentiment de responsables frustrés par leur absence de la
conférence [De Gaulle et les exilés de l'est] ou ses résultats »[4],[5].

Rapport des forces


En février 1945, le rapport des forces est nettement à l'avantage
de Staline.

Les forces soviétiques sont, de loin, les premières en nombre et


en armement, atteignent Varsovie et Budapest, et menacent Berlin
depuis les têtes de pont conquises sur l'Oder quelques jours plus
tôt. Cependant, Staline est prudent. Sa priorité est la prise de
Berlin, à la fois comme symbole de sa victoire et pour les
avantages politiques et scientifiques qu'elle lui confèrera. Il tient à
s'emparer du maximum de régions industrielles allemandes et de
l'institut de physique nucléaire de Dahlem, où il espère trouver des
éléments de fabrication de la bombe atomique. Il craint une
capitulation allemande, voire un retournement des alliances, qui le
frustrerait ainsi de sa victoire. Aussi, il fait croire à ses alliés que
Berlin n'est pas prioritaire et que l'offensive principale de l'Armée
rouge portera vers la Bohême et la vallée du Danube : il les invite à
chercher la jonction en Allemagne du Sud.

Pour Roosevelt, Eisenhower et les responsables américains en


général, la priorité est de finir la guerre avec le minimum de pertes
en vies américaines. Le président américain accepte de laisser
l'URSS fournir l'effort de guerre le plus lourd, quitte à lui
abandonner une plus vaste zone d'occupation. Peu méfiant, il
annonce dès le début de la conférence que les troupes
américaines quitteront l'Europe deux ans après la fin de la guerre.

De son côté, Churchill souhaite rétablir un équilibre européen et


éviter une hégémonie soviétique sur le continent, mais, ayant déjà
beaucoup cédé lors de la conférence interalliée de Moscou le
9 octobre 1944, il n'est plus en position de revenir sur ses
concessions. C'est d'ailleurs à cette conférence moscovite que
furent joués les sphères d'influence et les rapports de force à
l'avantage des communistes[5].

Les accords

Palais de Livadia, près de Yalta, où sont signés les


accords de Yalta en 1945.

Les accords conclus à l'issue des rencontres prévoient :


des élections libres dans les États européens libérés, les trois
alliés s'engageant à « constituer des autorités
gouvernementales provisoires largement représentatives de
tous les éléments démocratiques des populations et qui
s'engageront à établir, dès que possible, par des élections libres,
des gouvernements qui soient l'expression de la volonté des
peuples » (cf. Communiqué final en annexe : Déclaration sur
l'Europe libérée) ;
l'organisation en avril 1945 de la conférence de San Francisco ;
l’entrée en guerre de l'URSS contre le Japon dans les trois mois
qui suivent la défaite de l'Allemagne, l'URSS recevant en
échange le sud de l’île de Sakhaline et les îles Kouriles ;
la destruction du militarisme allemand et du nazisme ;
la division de l'Allemagne en trois zones occupées par les trois
vainqueurs : États-Unis, URSS, Royaume-Uni (par la suite,
Churchill soutient une division de l'Allemagne en quatre zones
d'occupation, la quatrième revenant alors à la France. Cette
proposition aboutit peu avant la conférence de Potsdam : cf.
Déclaration de Berlin du 5 juin 1945) ;
déplacement de la Pologne vers l'ouest : elle cède des
territoires à l'URSS et reçoit en compensation des territoires
enlevés à l'Allemagne ;
l'établissement de la frontière soviéto-polonaise sur la ligne du
pacte germano-soviétique de 1939 (correspondant en partie à
la ligne Curzon) ;
la réorganisation du « Comité de Lublin », gouvernement pro-
soviétique établi en Pologne « suivant des bases démocratiques
plus étendues, avec l'inclusion des chefs démocrates se
trouvant à l'étranger », des membres du gouvernement polonais
en exil à Londres (cf. Communiqué final en annexe : Pologne) ;
quelques modalités concernent le fonctionnement de l'ONU
dont la création a été décidée en 1944 à la conférence de
Dumbarton Oaks : le droit de veto des membres permanents du
Conseil de sécurité jouera pour tous les cas sauf pour les
questions de procédure ; l’URSS demande autant de sièges
qu'elle compte de républiques (soit 16 [Lesquels ?]), mais en
obtient « seulement » trois (un pour l'Union Soviétique, plus
deux pour l'Ukraine et la Biélorussie) ; les Nations unies auront
un droit de regard sur l'organisation de l'Europe.

Une conférence pour terminer la guerre

L'Allemagne : défaite, occupation, réparations

Article détaillé : Occupation de l'Allemagne après la Seconde


Guerre mondiale.

Lors de la première séance plénière, la question principale porte


sur la défaite de l’Allemagne par une analyse de la situation
militaire. Cela débouche sur le premier article du communiqué
disponible au public[6].
Selon la dernière phrase de cet article, « Il a été procédé à un
échange complet et réciproque des renseignements ». Le général
Marshall indique qu’une offensive massive est possible sur le
front de l’ouest mais que les alliés ne peuvent franchir le Rhin
avant le mois de mars.

Staline prend alors la décision que l’Armée rouge libérera la


Tchécoslovaquie et la Hongrie, repoussant la prise de Berlin. Ainsi,
Staline évite toute tension avec les alliés occidentaux. Cependant,
cette première séance plénière est importante en définissant
correctement le cadre général des négociations qui vont suivre :
les Occidentaux sont en position d’infériorité par rapport aux
Soviétiques.

Lors de la deuxième séance plénière du 5 février, Staline aborde la


question de l’occupation de l’Allemagne, qu’il considère être la
plus importante.

Lors de la conférence de Téhéran, tous les Alliés étaient d’accord


sur un démembrement complet de l’Allemagne, mais cette
certitude devient moins évidente à l’approche de la victoire.

Les Occidentaux pensent briser le Reich nazi, mais faut-il détruire


l’Allemagne et sa population ? On peut lire dans le deuxième
article du communiqué disponible au public : « Nous sommes
inflexiblement résolus à anéantir le militarisme et le nazisme
allemand », mais les alliés présentent le peuple allemand comme
victime du nazisme et décident qu’« Il n’est pas dans notre
intention d’anéantir le peuple allemand ». Churchill considère alors
l’Allemagne comme une future alliée contre l’expansionnisme
soviétique.

Pourtant, un démembrement de l’Allemagne est conclu avec une


« autorité suprême » des occupants, censé garantir la paix future
en Europe. Chacun des alliés occupera une zone séparée, et la
France est invitée à participer à ce projet. Cependant, les
Soviétiques sont en position de force, et la zone française est
donc prise aux dépens de la zone anglaise et américaine.

La France est aussi invitée à siéger au Conseil de contrôle


interallié pour l’Allemagne. De plus, il est conclu que l’Allemagne
sera entièrement démilitarisée et désarmée. Cette mesure est
encore plus sévère que ce qui est prévu par le traité de Versailles
de 1919, qui fixe le nombre de militaires allemands à un maximum
de cent mille.

La question des réparations est elle aussi engagée par Staline, qui
demande de l’Allemagne en gage de réparation, 20 milliards de
dollars au total, dont la moitié ira à l’URSS.

Sur ce point, c’est aussi Churchill qui s’oppose à cette somme


démesurée et insiste pour que l’économie allemande ne soit pas
anéantie. Il est d’ailleurs écrit dans le troisième article du
communiqué disponible au public, que les dommages à verser par
l’Allemagne seront à calculer « dans la plus grande mesure
possible ». Cette question n’est pas résolue entièrement.

Sont définis les différents moyens de réparation des dommages


auxquels est contrainte l’Allemagne : des transferts de biens et
d’argent, des livraisons de marchandises, et l’utilisation de la
main-d’œuvre allemande. Les deux points sur lesquels la
conférence ne s’est pas fixée sont la mise en œuvre de ce plan et
surtout le montant des réparations.

Pour cela, les Alliés décident la création d’une commission, qui


siègera à Moscou, réunira les représentants des trois pays alliés
et fixera le coût total des réparations sur la base de la proposition
du gouvernement soviétique. Si la demande soviétique est ainsi à
moitié acceptée, c’est parce que Roosevelt considère que les
Soviétiques font déjà suffisamment de concessions et il ne prend
donc pas le parti des Britanniques.
La partition de l'Allemagne en zones d'occupation alliées telle qu'elle
fut retenue :
zone française (deux enclaves) et, depuis 1947 la Sarre
zone britannique
zone américaine
zone soviétique, devenue ensuite la RDA
zone rattachée à la Pologne

Le plan de partition en trois de Winston Churchill :


L'État nord-allemand à majorité protestante
L'état bavaro-austro-hongrois à majorité catholique (la Danubie), incluant
les actuelles Autriche et Hongrie
L'état ouest-allemand mixte protestant et catholique (la Rhénanie)
Le plan de partition en sept de Franklin Delano Roosevelt :
La Hanovre
La Prusse
La Hesse
La Saxe
La Bavière
La zone internationale (deux enclaves)
L'Autriche

Le plan Morgenthau :
La Niederlande
La Hochlande
La zone internationale
Territoires perdus par l'Allemagne : la (Sarre rattachée à la France, la
Haute-Silésie rattachée à la Pologne, et la Prusse-Orientale partagée entre
celle-ci et l'URSS)

Le Japon : une entrée en guerre de l’URSS ?


La conférence porte sur la question de la défaite japonaise. Il est
dit que : « Les chefs des gouvernements des trois grandes
puissances […] ont décidé d’un commun accord […] que l’URSS
entrera en guerre contre le Japon ». Si cette formule « commun
accord » est employée dans ce cas précis c’est tout d’abord pour
ne pas contrarier Churchill. En effet, la question de l’Extrême-
Orient, concernant les modalités et les conditions de
l’engagement soviétique, s’est réglée lors d’une conversation
privée entre Roosevelt et Staline.

L'URSS entrera en guerre trois mois après la capitulation


allemande (ce sera donc, finalement, le 8 août 1945). Les
conditions de l’engagement ayant fait débat sont celles de Port-
Arthur et des chemins de fer mandchous. L’URSS obtient le statu
quo en Mongolie et l'annexion des îles Kouriles et Sakhaline. Port-
Arthur ne sera pas annexé mais internationalisé, et les chemins de
fer mandchous ne seront pas propriété de l’URSS mais contrôlés
par une commission soviéto-chinoise.

Néanmoins, Staline et Roosevelt veulent un accord du président


chinois sur ces points, et ne pas les lui imposer. Churchill n'est
mis au courant de ces propositions que le lendemain de
l’entrevue, et malgré son hostilité et sa volonté de négociation, il
finit par céder, craignant d’être mis à l’écart sur les affaires
japonaises.
Une conférence pour poser les bases d'un
monde nouveau

Roosevelt : pour une organisation politique mondiale

Pour Roosevelt, le principal dossier de Yalta est celui de la future


Organisation des Nations unies. Il entendait réussir, là où Wilson
avait échoué après la Première Guerre mondiale avec la Société
des Nations, et devenir l’arbitre entre les Britanniques et les
Soviétiques. Il ne se montre donc pas trop exigeant avec Staline,
notamment sur la question de la Pologne. Tous les acteurs sont
d’accord sur ce projet mais une question fait débat : qui sera
membre du Conseil de sécurité, et quels pays composeront
l’Assemblée ? Les Américains soutiennent l’adhésion de la Chine
et les Britanniques celle de la France au sein du Conseil de
sécurité. Bien que Staline objecte le fait qu’il serait en position
défavorable, il finit par céder. Le réel problème se pose alors pour
la composition de l’Assemblée. Les Soviétiques craignent une
mainmise anglo-américaine (soutien des pays du Commonwealth
et d’Amérique latine). L’URSS exige donc que chacune des seize
républiques soviétiques fédérées dispose d’un siège. Dans l’extrait
de la conférence non disponible au public, on constate que l’URSS
obtient l’adhésion de deux républiques fédérées : la Russie
blanche (Biélorussie) et l’Ukraine. Après réflexion et négociations,
Staline ne demandait plus que l’adhésion de ces deux républiques
et la Lituanie. Cette dernière est refusée, mais Roosevelt doit
s’incliner face à Staline pour préserver la réussite de son projet
(l'ONU).

Une conférence future est programmée pour le 25 avril 1945 à


San Francisco. Cette conférence fut organisée parce que les trois
grands n’ont su se mettre d’accord sur le système de vote de
l’assemblée de la future ONU et sur l’obtention du droit de veto ou
non. Ils ne se sont d’ailleurs pas mis d’accord sur les États qui
pourront accéder à cette organisation. Il est donc déclaré dans un
extrait non disponible au public : « Les nations associées qui
auraient déclaré la guerre à l’ennemi commun avant le
1er mars 1945 » seront invitées à la conférence de San Francisco
et pourront faire partie de l’ONU.

La question polonaise

Les questions à propos de la Pologne font l’objet de vives


tensions à Yalta. En effet, du côté de l’URSS, la Pologne est le
pays dont elle a obtenu une partie du territoire dès 1939, à la suite
du pacte germano-soviétique, et du côté occidental, la Pologne
est une alliée qui avait eu la garantie d’une aide en cas d’agression
allemande, ce qui a entraîné l’entrée en guerre des alliés. Lors de
la conférence, les deux principales questions concernant la
Pologne sont la nouvelle délimitation de ses frontières et la
composition de son gouvernement, qui définira la nature de son
futur régime politique.
La frontière orientale de la Pologne ne pose pas de problème,
comme on peut le voir dans l’article VI : « La frontière orientale de
la Pologne à l’Est devra suivre la ligne Curzon, avec des déviations
au profit de la Pologne sur une profondeur de 5 à 8 kilomètres par
endroits ». Le vrai problème est celui de la frontière occidentale
avec l’Allemagne, Staline proposant alors le fleuve de la Neisse.
Ce déplacement de la frontière occidentale vers l’ouest est une
compensation des pertes orientales, dans le but de ne pas réduire
la taille du territoire polonais de manière trop importante. La
question porte ensuite sur le choix de la Neisse : le fleuve se
sépare en deux, la Neisse orientale et la Neisse occidentale. Les
trois s’accordent sur une formule ambiguë : « La Pologne devra
obtenir des accroissements sensibles de territoire au nord et à
l’ouest ». Churchill est sceptique : l’annexion de cette partie du
territoire allemand, jusqu’à l’Oder et la Neisse signifie la présence
de six millions d’Allemands sous la souveraineté polonaise.
Toutefois, Staline déclare que « le problème des nationalités est
un problème de transport ». Dans l'année suivante, 11,5 millions
d'Allemands seront alors « déplacés » hors de ces territoires,
remplacés par 4,5 millions de Polonais eux-mêmes « déplacés »
hors de la Pologne orientale devenue soviétique[7].

La question de la composition du gouvernement polonais et de


son régime politique est plus aiguë. Pour Churchill, elle a une forte
signification symbolique puisque le Royaume-Uni a accueilli le
gouvernement polonais en exil durant la guerre. Pour Roosevelt,
elle touche à l’électorat américain puisqu'il venait d’être réélu
après avoir fait des promesses à des millions d’Américains
d’origine polonaise. Il y a deux gouvernements de Pologne : l'un en
exil à Londres depuis 1939, de fait plutôt proche des Occidentaux,
puisqu'il a dû fuir la Pologne à la suite de l'invasion soviétique.
Staline a mis en place un second gouvernement, d'obédience
communiste, l’a installé à Lublin après la libération de l’est de la
Pologne, l’a officiellement reconnu en juillet 1944 et lui a confié
l’administration du territoire polonais derrière les lignes militaires
soviétiques, en ignorant le gouvernement en exil à Londres. Les
Occidentaux refusent de reconnaître ce gouvernement puisqu'ils
estiment qu’il y a un problème de représentativité. Pour pallier ce
problème, on s’accorde à Yalta sur la mise en place « d’élections
libres et sans contraintes ». Pourtant, Staline n’a pas la moindre
intention de dissoudre le gouvernement de Lublin ou de se
soumettre à de véritables élections libres. Il réaménagera
seulement l’équipe gouvernementale de Lublin en y ajoutant
quelques membres supplémentaires polonais.

La déclaration sur l'Europe libérée

Cette déclaration a été proposée par Roosevelt et Staline et


montre généreusement les principes censés permettre
l’établissement d’un « ordre mondial régi par le droit ». Il est dit
dans cet article que dans chacun des pays libérés, des
gouvernements provisoires seront constitués en ayant la forme et
la politique que chacun de ces États souhaite. Il est aussi dit que
des élections libres auront lieu dans chacun de ces pays. Cet
article est une grande preuve de naïveté de la part de Roosevelt,
qui se félicite d’avoir donné une tonalité morale aux accords de
Yalta. D’ailleurs, par cynisme ou lassitude, Staline approuve tout
sans protester.

Cependant, cette déclaration sur l’Europe libérée mentionne une


convention sur la libération des prisonniers, qui n'est pas anodine.
Celle-ci n’apparaît ni dans le communiqué officiel ni dans le
protocole des travaux. Elle prévoit que tous les prisonniers des
Allemands seront regroupés par nationalité et dirigés vers leur
pays d’origine. En réalité, de nombreux prisonniers russes ne
souhaitent pas repartir en URSS, d'autant que le règlement de
l'Armée rouge assimile la capture par l'ennemi à une trahison. On
évalue à deux millions le nombre de Soviétiques rapatriés contre
leur gré et déportés au goulag comme « traîtres ».

Conclusion
Conservé à la Bildarchiv der
Österreichischen Nationalbibliothek
de Vienne, le fameux accord de
pourcentages contresigné par
Churchill et Staline à Moscou le
9 octobre 1944.

Conséquences territoriales et
démographiques des changements
actés en Europe orientale par les
conférences inter-alliées de Moscou
(1944), Yalta et Potsdam (1945).

Dans le communiqué officiel du 11 février 1945, il n'est pas fait


état des trois sièges concédés à l’URSS à l’assemblée générale de
l’ONU, de l’évaluation des réparations allemandes ou des
avantages territoriaux reconnus à l’URSS en Asie.

Ce communiqué produit donc une profonde impression sur la


presse et dans les milieux parlementaires. Spontané ou organisé,
l’enthousiasme est très manifeste aux États-Unis et en URSS.
En Europe occidentale, la satisfaction est plus nuancée, les
Britanniques évoquent le chaos allemand après Versailles comme
un exemple à ne pas suivre. En France, bien que Charles de Gaulle
souligne le manque de précision sur le cas polonais et perçoive la
naïveté de la « Déclaration sur l’Europe libérée », la conférence et
ses conclusions sont globalement saluées, d'autant qu'elle admet
la France parmi les « Quatre Grands » et lui fait de substantielles
concessions par rapport au statut que les Anglo-Américains sont
un temps disposés à accorder à la France.

Les résultats de Yalta sont approximatifs. Les Anglo-Américains


obtiennent peu d'engagements concrets importants sur le futur
européen en contrepartie de ce qu'ils offrent à Staline, qui est de
plus décidé à exploiter au mieux sa position de force en Europe de
l'Est.

Les trois chefs de gouvernement ou d’État n’ont négocié aucun


point sur la question des déportés, les Soviétiques ayant libéré
Auschwitz le 27 janvier sans rien révéler avant le début de mai.

Contrairement à la légende, ce n'est pas à Yalta que s'est décidé le


« partage de l'Europe » en « taux d'influence » mais à Moscou, le
9 octobre 1944, à travers un accord entre Churchill et Staline. Les
États-Unis, présidés par le président Roosevelt, attaché au droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes, n'en sont pas informés dans
un premier temps.
Contresigné par Churchill et Staline, cet accord prévoit les « taux
d'influence » suivants, respectivement pour les Alliés occidentaux
et pour l'URSS : Hongrie et Yougoslavie : 50-50 %, Roumanie : 10 %
- 90 %, Bulgarie : 25 % - 75 % et Grèce : 90 % - 10 %, nonobstant le
poids respectif des non-communistes et des communistes dans
les mouvements de résistance et les opinions (par exemple, les
communistes étaient très minoritaires en Roumanie et Bulgarie
mais majoritaires en Grèce à la tête du principal mouvement de
résistance). Les pourcentages étaient très théoriques et
inapplicables de facto[5]. Certains historiens ont estimé que
l'influence de cet accord a été exagérée. Par exemple, la
Tchécoslovaquie, la Hongrie et la Yougoslavie ont vu les
communistes y monopoliser le pouvoir bien que les accords ne
mentionnent pas la première et aient prévu une égalité
d'influences dans les deux autres.

Cet accord avait été préparé au printemps 1943 lorsque Churchill


et Anthony Eden s'étaient rendus à Moscou pour conférer avec
Staline et Viatcheslav Molotov[8].

Selon Churchill, ces accords n'avaient qu'une portée provisoire, le


temps de la guerre, mais il est peu probable qu'il n'en ait pas perçu
le risque, même s'il a sous-estimé la violence qui allait s'exercer
sur les pays laissés aux Soviétiques. Son objectif principal était
d'obtenir de Staline un renoncement à la Grèce, où la guerre civile
grecque allait découler du choc entre la résistance grecque à
majorité communiste et la volonté anglaise de maintenir la Grèce
dans la sphère d'influence occidentale. L'établissement de la
tutelle soviétique en Europe orientale allait se traduire par
plusieurs décennies de dictature au sein du bloc de l'Est, et en
Grèce, les troubles et la dictature des colonels traduisaient la
tutelle des Anglo-Américains.

Presque immédiatement après Yalta, Staline viole les accords. En


Roumanie, les communistes noyautent les institutions, répriment
les protestations de manière sanglante et imposent au roi de
nommer un gouvernement communiste par le coup d'État du
6 mars 1945 alors que l'armée roumaine se bat contre la
Wehrmacht en Hongrie et Tchécoslovaquie. Le cas de la Bulgarie
obéit aux mêmes règles. En Pologne, les Soviétiques favorisent
les hommes politiques qu'ils ont placés, temporisent les
discussions avec les Alliés pour réprimer l'opposition et tendent
des pièges aux membres de la résistance non communistes.
Pendant tout ce temps, Roosevelt cherche à faire évoluer Staline
en jouant la carte de l'apaisement[9].

La conférence suivante réunissant les trois Alliés est celle de


Potsdam d’août 1945, qui tente d’éclaircir certains points jugés
trop flous à Yalta, mais l’URSS et les Alliés ont fait le lit de la
guerre froide. L'accord stipulait aussi le renvoi en URSS de ceux
qui avaient rejoint la Wehrmacht pour combattre le communisme
et de tous les prisonniers soviétiques. Or, être fait prisonnier au
front était assimilé par le code militaire soviétique à une trahison
passible de la peine de mort (pour ceux qui s'étaient rendus) ou
de la déportation au goulag (pour ceux qui avaient été
capturés)[10]

Pourquoi Yalta ?
En réalité, Roosevelt et Staline sont parvenus rapidement à un
accord parce que les intérêts américains et soviétiques étaient
convergents : tout d'abord, écraser l'Allemagne, ensuite se
partager le monde en zones d'influences. Dans cet esprit, l'Europe
Occidentale, celle de Charlemagne, avec laquelle les États-Unis
ont les relations commerciales et culturelles les plus étroites et
d'où vient la plupart des émigrants, sera réservée à l'influence
américaine, tandis que l'Europe de l'Est, constitués d'états faibles
et existant depuis peu, utile pour constituer un glacis protecteur
de l'URSS, sera réservée à l'influence soviétique. L'erreur de
Roosevelt, fortement influencé par son éminence grise, Harry
Hopkins, sera double : d'une part, croire en la pérennité de
l'alliance soviéto-américaine, alors que de Gaulle et Churchill, plus
lucides avaient anticipé la rupture future, pour des raisons
géopolitiques classiques, à savoir la fin de l'ennemi commun,
d'autre part, Hopkins et Roosevelt se tromperont complètement
sur la nature du régime soviétique et la personnalité de Staline,
qu'ils appelaient familièrement "Oncle Joe", contrairement à de
Gaulle et Churchill, là aussi, plus lucides[11].
Notes et références
1. A. Conte, Yalta ou le partage du monde, R. Laffont, 1964
2. Conte 1964, p. 364 parle de la « candeur de l'Occident » et A.
Fontaine de « l'espoir insensé qu'il (i.e. de fait, Roosevelt)
nourrit l'espoir de voir la patrie du socialisme s'associer à la
garantie d'un ordre international dont la patrie du capitalisme
est pour longtemps le véritable leader » (dans : La Guerre
froide 1917-1991, Éditions de la Martinière, 2004, p. 87).
3. Cité par A. Fontaine, Le Monde du 5 février 1990.
4. Yves Durand, Histoire de la Seconde Guerre mondiale, éditions
Complexe, 1998, p. 450.
5. Jean Sévillia, « Il y a 70 ans, Yalta n'a pas «partagé» le
monde », Le Figaro,‎4 février 2015 (lire en ligne (https://www.le
figaro.fr/histoire/2015/02/03/26001-20150203ARTFIG00337-il
-y-a-70-ans-yalta-n-a-pas-partage-le-monde.php) [archive],
consulté le 26 juin 2023)
6. La conférence de Yalta débouche sur deux textes : un
communiqué disponible au public et un autre non disponible
au public.
7. (de) H.E. Stier (dir.), Grosser Atlas zur Weltgeschischte, éd.
Westermann, 1985 (ISBN 978-3-14-100919-4), p. 160.
8. Selon (en) Diane S. Clemens, Yalta Conference, vol. 21, World
Book, 2006, p. 549 ; « Yalta Conference », dans Funk &
Wagnells New Encyclopedia, Philadelphie, États-Unis, World
Almanach Education Group, 2003 ; et Pierre de Senarclens,
Yalta, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1990, p. 50-52, Churchill aurait
dit : « Ne nous disputons pas pour des choses qui n'en valent
pas la peine » puis prit une demi-feuille de papier, griffonna ses
propositions et tendit le papier à Staline, qui sortit de sa
vareuse un crayon bleu de charpentier et traça un « V » pour
marquer son approbation. L'idée de préétablir des zones
d'influence dans les pays des Balkans et d'Europe orientale
pour éviter de se créer de futurs sujets de discorde, ne tenait
aucun compte de l'orientation politique des mouvements de
résistance de ces pays (le groupe résistant le plus puissant de
Grèce était à majorité communiste : ELAS, alors que les
communistes étaient minoritaires en Hongrie, Roumanie et
Bulgarie).
9. Pierre de Senarclens, Yalta, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1990,
p. 50-52
10. L'URSS, pas plus que l'Allemagne nazie, n'avait signé la
Convention de Genève : selon l'estimation du United States
Holocaust Memorial Museum, 3,3 millions de prisonniers
soviétiques sont morts sur les 5,7 qui ont été capturés par
l'Allemagne, soit un taux de mortalité de 57 %. Les neuf
dixièmes des survivants, une fois délivrés des Stalags, ont fini
au Goulag, soit un taux de déportation de 40 %. Voir : (en)

American Jewish Committee, Julius B. Maller (dir.) et Harry


Schneiderman (dir.), American Jewish Year Book, vol. 48 :
1946-1947, Philadelphia, Press of Jewish Publication Society
of America, 1946 (lire en ligne (http://ajcarchives.org/AJC_DAT
A/Files/1946_1947_13_Statistics.pdf) [archive] ), p. 599
[PDF]

11. Emmanuel Huyghues Despointes, Les Grandes Dates de


l'Occident, Paris, Dualpha Editions, 2015, 400 p., p. 228-229

Voir aussi

Bibliographie

: document utilisé comme source pour la rédaction de cet


article.

Arthur Conte, Yalta ou le partage du monde : 11 février 1945,


Paris, Éditions J’ai Lu, coll. « J’ai lu leur aventure »
(no A108/109), 1965, 448 p., poche.
Prix Historia 1964. Ouvrage donnant une vue d’ensemble
de la situation de l’Allemagne nazie au début de 1945 et de
l’étau qui se resserre sur Hitler. Cet ouvrage donne aussi un
panorama des différents pays du monde au moment de la
conférence. Il détaille chaque délégation et ses membres.
La bibliographie est trop ancienne. Les références aux
ouvrages d'Arthur Conte ne sont pas nécessaires. On peut
cependant citer l'ouvrage d’André Kaspi La Seconde Guerre
mondiale, où il est également question de cette conférence.
Jean Laloy, Yalta, hier, aujourd'hui, demain, Robert Laffont, 1988
(ISBN 978-2-221-04767-5).
Traduit en anglais, allemand et néerlandais.
Raymond Cartier, La Seconde Guerre mondiale, 1942-1945, Paris,
Éditions Presses de la Cité, 1965.
Vladimir Volkoff, Yalta, Paris, Éditions L'Âge d'Homme, 1983
(ISBN 978-2-260-00347-2).
Pierre de Senarclens, Yalta, Paris, Éditions PUF, coll. « Que sais-
je ? », 1984.
Arthur Funk, 1945 de Yalta à Potsdam, Éditions Complexe,
coll. « La mémoire du siècle », 1987.
Pierre de Senarclens, De Yalta au rideau de fer. Les grandes
puissances et les origines de la guerre froide, Paris, Presses de la
Fondation nationale des sciences politiques, 1993.
Charles Zorgbibe, Histoire des relations internationales 1945-
1962, Paris, Éditions Hachette, 1995.
Antony Beevor, La Chute de Berlin, De Fallois, 2002.

Articles connexes
Conférences inter-alliées
Les conférences de Casablanca et de Téhéran (tenues avant
Yalta) ainsi que celles de Potsdam et de San Francisco (tenues
après Yalta).
L'invasion soviétique de la Mandchourie, conséquence de
l'entrée en guerre de l'URSS contre le Japon.
Opération Keelhaul

Liens externes

Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :


Britannica (https://www.britannica.com/event/Yalta-Confere
nce) [archive] · Dizionario di Storia (http://www.treccani.it/encic
lopedia/conferenza-di-jalta_(Dizionario-di-Storia)/) [archive] ·
Gran Enciclopèdia Catalana (https://www.enciclopedia.cat/EC-G
EC-0034290.xml) [archive] · Store norske leksikon (https://snl.n
o/Jaltakonferansen) [archive] · Treccani (http://www.treccani.i
t/enciclopedia/conferenza-di-jalta) [archive] · Universalis (http
s://www.universalis.fr/encyclopedie/yalta-accords-
de/) [archive]
Notices d'autorité : VIAF (http://viaf.org/viaf/157752731) ·
BnF (http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb119530269)
(données (http://data.bnf.fr/ark:/12148/cb119530269) ) ·
IdRef (http://www.idref.fr/027505367) ·
LCCN (http://id.loc.gov/authorities/n81079448) ·
GND (http://d-nb.info/gnd/2015967-5) ·
Israël (http://uli.nli.org.il/F/?func=find-b&local_base=NLX10&find_co
· NUKAT (http://nukat.edu.pl/aut/n%20%2097045437) ·
Australie (http://nla.gov.au/anbd.aut-an35216693) ·
Tchéquie (http://aut.nkp.cz/kn20030210026) ·
WorldCat (https://www.worldcat.org/identities/lccn-n81079448)
Patrice Delpin, « Les accords de Yalta : communiqué de presse
et protocole secret » (https://clio-texte.clionautes.org/accords-d
e-yalta-1945.html) [archive], sur Clio-Texte, Paris, août 2015
(consulté le 26 juin 2023).
(en) « Archivage de la vidéo conférence de Yalta, en noir et blanc
16 mm de bande de film de guerre réunion eut lieu du 4 février
au 11 février, en 1945, décrivant Franklin D Roosevelt, Winston
Churchill, Joseph Staline. » (http://www.tvdata.ru/history/yalta_
conference) (Archive.org (https://web.archive.org/web/*/http://www.tvdata.ru/hi

story/yalta_conference) • Wikiwix (https://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://w

ww.tvdata.ru/history/yalta_conference) • Archive.is (https://archive.is/http://www.tv

data.ru/history/yalta_conference) • Google (https://webcache.googleusercontent.co

m/search?hl=fr&q=cache:http://www.tvdata.ru/history/yalta_conference) • Que

faire ?).

La conférence de Yalta expliquée en images (2 min 38 s) (http://


www.aleph99.info/1945-la-conference-de-Yalta.html) [archive].
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