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COURS : NEGOCIATION INTERNATIONALE ET INTERCULTURELLE MR BEN M’RAD RAMZI

Chapitre III : L’analyse des styles de négociation : Le cas Chine -USA


Nous mettrons en avant les différences fondamentales entre les cultures chinoise et occidentales et plus
particulièrement américaines dans le cadre de négociations internationales. Le choix des Etats-Unis et de la
Chine s’explique en raison des oppositions marquées entre les cultures, qui peuvent provoquer d’importants
malentendus entre les équipes de négociation.

1. La culture américaine de la négociation

• Dans la culture américaine, il est d’usage de recourir à des relations conflictuelles (affrontement) en
mobilisant un discours direct et peu cérémonial.
• L’objet de la relation est en effet de rapidement prendre position sur le sujet, quitte à faire preuve d’un
comportement agressif et démonstratif. En effet, dans la culture américaine, la négociation est abordée
comme un « deal », où la gestion du conflit, le rapport de forces et le sens de la persuasion dominent.
• Dans certains cas, cette stratégie peut aller jusqu’à intimider l’adversaire, au point de le forcer à revoir ses
exigences à la baisse.
• Elle consiste à tenter de dissuader l’adversaire, en persistant dans son comportement et son intransigeance,
et à formuler des menaces (ouvertes ou voilées), lorsque la partie adverse ne se soumet pas aux exigences
demandées.
• Le conflit (dans lequel le négociateur adopte une attitude peu conciliante) est d’ailleurs pour les
Américains considéré comme une démarche normale dans sa relation à l’autre. Cette conception présente
comme caractéristique de développer une stratégie relationnelle, à partir de ses propres forces et de ses
seuls objectifs.
• Elle prend par conséquent très faiblement en compte les intérêts de l’autre partie.
• Elle repose avant tout sur une stratégie de compétition, où l’on gagne au détriment de l’autre, dans le cadre
d’un jeu à somme nulle. Cette vision des négociations relève du mode distributif.

2. La culture chinoise de la négociation

• A l’inverse des américains, les chinois vont avoir recours à un discours indirect et plus subtil, en
recherchant la coopération à travers la mise en confiance de l’autre et l’art du compromis. Chez les
professionnels chinois comme dans de nombreux pays asiatiques, l’art du compromis se révèle en effet un
élément essentiel dans la conduite des négociations.
• La culture consensuelle chinoise conduit à développer une stratégie intégrative, où la culture de l’autre,
ses forces, ses faiblesses et ses objectifs font partie intégrante du processus de négociation.
• Les chinois accordent une importance déterminante aux préliminaires qui doivent permettre d’établir un
début de relation et honorer la future implication des partenaires dans la recherche d’un résultat
mutuellement satisfaisant.
• La recherche d’un compromis équitable est d’ailleurs au centre des préoccupations des négociateurs
chinois. Il s’agit en effet d’éviter la confrontation et le risque que le partenaire perde la face, quitte à
(volontairement) abandonner un avantage en obligeant (moralement) ce dernier à céder sur une autre
chose.
• Cette stratégie part du postulat que les négociations s’inscrivent dans une relation à long terme : elles sont
répétitives et conduisent le négociateur à traiter avec les mêmes acteurs dans une suite de négociations.
• Cet état de fait implique par conséquent de maintenir de bonnes relations avec l’autre partie, les relations
conflictuelles n’entraînant qu’un risque d’escalade vers le conflit.

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• Les professionnels chinois ne voient donc pas la négociation comme une fin en soi devant déboucher sur
un accord définitif.
• Au contraire, la négociation est perçue comme le début d’un processus de construction commune qui doit
évoluer au cours du temps et progressivement conduire à des relations satisfaisantes pour les deux parties.
• Selon cette conception, toute information nouvelle peut par conséquent venir modifier le cours de la
négociation, en apportant de nouveaux fondements à la relation.
• Alors que le négociateur américain va chercher à connaître et maîtriser l’ensemble des pièces du dossier
et agir de façon rationnelle (et logique), la partie chinoise va faire évoluer son comportement en fonction
des nouvelles hypothèses émanant de la relation ou de l’environnement.
• Ainsi, à chaque fois qu’une nouvelle information arrive, elle vient modifier l’ensemble des positions et
amène le négociateur chinois à changer de tactique.
• L’attitude observée par les négociateurs chinois ne signifie pas pour autant un manque de motivation ou
d’intérêt à l’égard du projet. Elle correspond simplement à une façon différente de parvenir à ses fins.

3. Les enseignements pour le négociateur américain


Parmi les erreurs fréquemment commises par les managers occidentaux et en particulier américains dans le
cadre de négociations avec des partenaires chinois, on peut citer les 7 pièges suivants :
• La sous-estimation des préliminaires : pour les négociateurs chinois, le climat relationnel et la
confiance sont des prérequis à une négociation constructive.
• La précipitation : l’impatience constitue dans la culture chinoise une preuve de faiblesse. Il convient
donc d’éviter des tactiques telles que le forcing, si l’on veut réussir à parvenir à un accord.
• L’excès de formalisation : dans la culture chinoise, le fait de vouloir trop clarifier les bases de
l’échange peut fortement limiter le développement de solutions et de rendre mal à l’aise l’autre partie.
Il est donc nécessaire de favoriser des échanges variés pour éviter l’impression d’une relation figée.
• L’association entre positionnement et pouvoir de décision : pour le partenaire chinois, la prise de
décision n’est pas individuelle mais collective, et demande notamment un consensus. Il peut donc être
une erreur de considérer que la personne qui s’exprime comme le principal décisionnaire.
• L’association entre approche contractuelle et engagement ferme : pour les chinois, le contrat n’est
qu’une simple étape de la négociation. Le processus des négociations peut donc être réouvert après la
signature du contrat (vision continue des négociations).
• La recherche excessive de l’excellence : l’objet d’une relation ne consiste pas, dans la philosophie
chinoise, à dominer l’autre mais à parvenir à un accord acceptable par tous.
• La volonté de domination : L’agressivité et les tentatives d’intimidation sont pour un chinois des
attitudes inacceptables dans le cadre de négociations.

4. Les enseignements pour le négociateur chinois


Les différences en matière de négociation ne doivent pas simplement se voir d’un point de vue tactique. Elles
traduisent des modes de pensée et d’actions radicalement opposées. En effet, l’une des différences marquantes
entre chinois et américains concerne la manière d’aborder et de gérer les négociations, en vue d’obtenir un
résultat probant.
• La culture américaine s’inscrit dans un système traditionnel de compétition, basé sur un jeu à somme
nulle, où l’une des parties gagne au détriment de l’autre. Dans ce système, le recours à la force (et à la
menace) fait partie des règles du jeu et doit permettre d’obtenir à court terme des résultats concrets
(accord définitif).
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• La culture chinoise aborde la négociation comme un processus sans fin et privilégie dans la démarche
le compromis, où l’intérêt des deux parties est pris en compte, afin d’établir une relation durable avec
le partenaire.

La négociation dans les cultures chinoise et américaine


Culture chinoise Culture américaine
Objectif recherché Créer un climat favorable à une Parvenir à un accord définitif
coopération durable entre les parties
Résultat attendu Doit germer au cours de la Doit être envisagé avant les
négociation négociations

Moyens utilisés Confrontation indirecte Confrontation directe


Approche discrète (prise de recul) Approche démonstrative
Politique de conciliation Politique persuasive ou
d’intimidation
Horizon temporel Long terme Court terme

Système de pensée Collectif Individualiste


Circulaire Séquentiel
Orienté sur la relation Orienté sur l’information
Attitudes et comportement Attitude cordiale Attitude peu conciliante
Modestie Sentiment de supériorité
Patience Impatience (deadline)
Subtilité/ Ruse Rapport de forces

• La pensée circulaire repose sur l’idée que la capacité d’interaction génère une énergie qui circule entre
tous, elle pose les bases d’un management qui donne et qui reçoit en même temps. Un manager qui
utilise cette forme de pensée se positionne comme un acteur du processus de décision et non pas
comme le maître autonome dudit processus.
• La pensée séquentielle ou linéaire repose sur une construction en cause / effet, qui procède d’un
raisonnement analytique par étapes, avec les procédures et les instructions à suivre.
Les négociateurs chinois doivent par conséquent savoir que leurs partenaires américains auront préparé dans
le détail et de façon de très professionnelle la démarche de négociation et qu’ils savent précisément ce qu’ils
comptent en retirer en termes d’avantages. Ils doivent également réaliser que le rapport de forces fait partie
intégrante de la culture américaine.
Les négociateurs chinois doivent de ce fait tirer (au moins) cinq enseignements dans leur relation avec des
partenaires américains :
1. Les négociateurs américains ont des intentions précises.
2. Ils ont déjà élaboré avant même les négociations une stratégie d’action (objectif, moyens, durée) au
service d’un résultat rapide et centré sur des exigences précises.
3. Ils n’hésiteront pas recourir à la force, s’ils sentent une faille chez le partenaire.
4. Les négociateurs américains refuseront de s’inscrire dans des relations floues et incertaines.
5. Les négociateurs américains pourront rapidement perdre patience.

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