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Du XV° au xx°siècle
Et trois monographies :
1927
A mon père, Henri PIRENNE qui fut échevin des Travaux de la Ville de Verviers de
1878 à 1896.
Ce sont les aspects successifs de Verviers, du XV° au XX° siècle, que j’ai
voulu évoquer dans les pages qui suivent.
J’avais d’abord placé dans le corps de mon travail l’étude du vieil Hôtel de
Ville, celle du Perron et celle de l’Hôtel de Ville actuel. Ces trois monographies
tenaient une place trop importante : elles détruisaient l’impression d’ensemble. Je les
ai donc retirées. Actuellement, une partie distincte est consacrée à chacun de ces
monuments. Je regrette de ne pas avoir eu les loisirs suffisants pour ajouter un
chapitre sur l’ancienne Eglise St-Remacle : on trouvera du moins, en note, plusieurs
choses concernant ce monument vénérable.
Qu’il soit bien entendu que mon histoire des Constructions Verviétoises n’est
qu’un travail d’amateur, entrepris assez inconsidérément. Pour le mener à bien, il eût
fallu un architecte doublé d’un historien, et je ne suis qu’un dessinateur qui regarde
quand il passe dans la rue.
1
Je dois cependant citer le livre de monsieur Emile FAIRON : « Les industries
au pays de Verviers »1. Ce livre m’a été d’une utilité primordiale. Dans cette
brochure, l’histoire de Verviers –car l’histoire de Verviers est-ce autre chose que
l’histoire de son industrie ?- est pour la première fois donnée au public, par un savant
qui connaît son sujet mieux que personne, avec clarté, ordre, et une grande richesse
de documentation inédite. Cet ouvrage fait, une bonne fois, table rase des légendes
qui obscurcissaient notre vue.
Dès l’abord, j’ai trouvé dans ce livre, -petit mais si dense, d’aspect modeste,
mais si important- quelque chose de solide sur quoi m’appuyer. Les phases de notre
vie économique qu’il expose si bien donnent l’explication des phases de notre
activité constructive, car il est évident que celles-ci découlent de celles-là. Ce n’est
pas seulement ce livre qui m’a guidé : son auteur lui-même a bien voulu lire mon
travail, me signaler des erreurs, me prêter son manuscrit sur l’administration
communale de Verviers et enfin, me fournir copie de plusieurs extraits d’archives du
dépôt de Liège, extraits du plus grand intérêt.
Sont joints à mon travail une série de vues du vieux Verviers dessinées in
extremis et des croquis de vestiges de diverses époques. Pas plus que le texte, ils
ne sont d’un architecte ; ce sont des dessins de paysagiste exécutés presque tous
d’après nature.
1
Cet ouvrage est en vente, au profit des aveugles de la guerre, aux guichets de la Bibliothèque
Communale. Prix : 2 francs.
2
Henri DE SONKEUX, boulanger de son métier, est né à Verviers en 1650 et mort en 1708 à
Namur. Voir sur H. DE SONKEUX et son frère Jean, qui fut bénédictin à St-Hubert, le chapitre CXCV
du Tome II des Notices de Nautet. Nautet possédait le manuscrit original de DE SONKEUX,
manuscrit devenu par la suite propriété de la Société d’Archéologie et d’Histoire : on en trouvera
une copie à la Bibliothèque Communale.
2
Communal. Il eût été intéressant d’en montrer beaucoup plus ; mais le livre serait
devenu trop coûteux.
PREMIERE PARTIE :
Verviers est habité depuis fort longtemps. Son nom, nous disent les
philologues, est très ancien1. Des poteries gallo-romaines ont été trouvées dans son
sol2 et « nous sommes autorisés à croire », écrit Mr FAIRON, « que la paroisse de
Verviers a existé avant le IX° siècle »3.
Il n’en persiste pas moins que Verviers, relégué dans son coin d’Ardennes, ne fut
pendant tout le Moyen-Âge qu’un pauvre petit village. Ses habitations se groupaient
à proximité de la Vesdre et du ruisseau de Mangombroux, mais à l’abris de leurs
inondations, sur la hauteur où se trouve aujourd’hui l’Hôtel de Ville. Les demeures
étaient faites en bois, argile et chaume.
Il ne reste naturellement pas plus de trace de ces cabanes primitives que des
arbres qui se dressaient aux alentours et des forêts qui faisaient tout leur horizon.
Une petite église, d’abord en bois, puis plus tard en pierre, fruste chapelle
romane4 : devant elle, sur la place, une halle, sorte de marché couvert aux forts
piliers de chêne ; en contrebas, sur le canal5 qui lui servait de biez, le moulin : voilà
tous les monuments de l’endroit. Il était habité par des bûcherons. Ils allaient couper
du bois pour les forges des environs où plusieurs trouvaient à s’employer. Entre-
temps, ils chassaient, pêchaient, s’occupaient de leurs bêtes.
1
Verviers semble bien être un Viroviacum d’origine celtique. Le quartier de Sommeleville porte un
nom qui rappelle une villa gallo-romaine ; mais on n’a découvert aucune trace de substructions de
cette villa (Note de Mr Jules FELLER).
2
Ces poteries sont conservées au musée Communal. Elles furent trouvées en 1908 sous les caves
du Bazar (Voir Chronique Société Verviétoise d’Archéologie et d’Histoire, 1908, p15). On en a
trouvé aussi au pont des Couvalles.
3
« Certaines particularités relatives à la dîme, aux antiques processions banales à Stavelot et à
Liège et aux endroits d’usage dans les forêts, autorisent à croire que la paroisse de Verviers a
existé avant le IX° siècle ». E. FAIRON : « Industries au pays de Verviers », p8.
4
Nous ne possédons rien concernant ces églises primitives, mais ce que j’en dis est de toute
probabilité (voir « Anciennes églises et vieilles tours de village » par l’abbé J. CEYSSENS. Bulletin
des Commissions d’Art et d’Archéologie ; LXIII° année,2° fascicule).
5
Pour la grande ancienneté du canal, voir E. FAIRON, p8.
3
Tous les matins, le herdier sonnait du cor pour réunir les porcs des
particuliers, puis partait avec le troupeau. Il le menait paître sous les chênes et le
ramenait au coucher du soleil1.
4
Sur la tour fut érigée orgueilleusement une flèche hardie, la plus haute de la
région.
Bientôt, après 1527, les magistrats firent édifier une nouvelle Halle, bâtiment
spacieux pour lequel l’argent ne fut pas épargné1. Une nouvelle église, un nouvel
Hôtel de Ville !
Quelques tours2 dominent avec pittoresque les toitures du commun. Ces tours
n’avaient rien de monumental : c’étaient des édicules construits en colombage
comme le reste de la maison. On vient de démolir (en 1925), sur le Marché, au coin
formé par Crapaurue et la rue de Heusy, une maison qui fut, au XVI° siècle, une des
riches demeures de Verviers. Ses proportions, les ornements en bois sculptés avec
maîtrise et verve qui décorent les rampants d’un pignon resté debout sur la rue de
Heusy, le long dossier de banc gothique découvert à l’intérieur de la partie détruite 3,
indiquent que c’était là une maison sortant de l’ordinaire.
C’était celle de maître Laurent del court4, chirurgien, échevin de 1558 à 1575,
riche personnage allié à la noble famille des Stembert. Ses murs étaient faits avec
les matériaux traditionnels : bois et torchis, primitivement, sans doute, du chaume la
recouvrait.
Mais il semble que l’on a fait mieux : Verviers aurait possédé dès la première
moitié du XVI° siècle, une maison en pierre et en briques. Dans notre village, c’était
un fameux luxe pour un particulier.
Cette lithographie est divisée en 9 compartiments contenant chacun une église de Verviers. Dans le
compartiment du milieu se dresse St-Remacle avec le loup.
1
La cinquième partie du présent travail fait l’histoire de cette Halle-Hôtel de Ville.
2
La Bouverie, ferme louée à un seigneur d’Eupen pour servir de prison et de fourrière, possédait
une tour. Ce bâtiment était, croit-on, situé dans l’impasse Gouvy actuelle.
La Tour Quentin : Il en est souvent fait mention dans les écrits du XVII° et du XVIII° siècles. Les
Carmes l’habitèrent en 1665 en arrivant à Verviers. Elle devait dater du XVI° siècle car nous
savons que sa porte était décorée du linteau en accolade caractéristique de cette époque. Cette
porte, dernier vestige de la tour et de la maison fut démolie en 1875. Elle était située dans la rue
du Pont actuelle (qui primitivement s’appelait comme la rue joignante Secheval) là où se trouve
actuellement la troisième maison à partir du coin de la rue. Ces renseignements me sont fournis
par Mr Gustave RUHL qui a vu cette porte encore debout et en a fait un croquis reproduit dans
l’ouvrage de Mr DEL COURT VAN KRIMPEN : « La Famille Del Court Van Krimpen réfugiés de
Verviers en Hollande ; leur rôle dans l’industrie drapière en Hollande, … ».
La Tour du Marché : au XVI° siècle, Bertrand Delle Tour était propriétaire de la Tour du Marché
(voir Bulletin de la Société Verviétoise d’Archéologie et d’Histoire, 1904. Inventaire des biens
meubles de maître Laurent del Court.
3
Le dossier en question et une partie du fenestrage ont été donnés au Musée de Verviers par la
Coopérative Ouvrière, propriétaire de l’immeuble démoli. La maison avait été modernisée vers
1830.
4
On trouvera dans le Bulletin de la Société Verviétoise d’Archéologie et d’Histoire, 1904,
l’inventaire dressé en 1575 des biens meubles de maître Laurent del Court. Il habitait sur le Marché
une maison à trois étages, avec une étable contenant trois vaches, deux génisses et un pourceau.
La Tour Quentin appartenait à son frère, le commissaire Thomas del Court. Son beau-frère
Bertrand del Court était propriétaire de la Tour du Marché.
5
Et pourtant, l’on peut voir, dans la rue des Carmes, à la façade postérieure de
l’immeuble qui fait le coin de cette rue et de Crapaurue, deux fenêtres à linteaux de
pierre d’une accolade, d’un travail soigné. C’est le seul morceau architectural, en
pierre du XVI° siècle, encore en place dans notre ville.
En 1562, le Perron est complètement remis à neuf ; une annexe est construite
à la Halle pour servir de boucherie 4 et les bâtiments du moulin sont agrandis et
modernisés, comme l’atteste le linteau d’une porte de cave que l’on peut voir au coin
1
Jehan de Stembert, mort en 1578, seigneur de Villers (près d’Andrimont), châtelain de Soiron,
échevin de Verviers en 1549 et bourgmestre. Le Musée conserve la pierre tombale, très
intéressante, de son fils : Jean de Stembert, échevin et greffier, né en 1536 (voir Catalogue Renier,
n°9).
2
Le Musée possède un curieux lion de pierre s’appuyant sur un écusson portant les armes des de la
Mark (Erard de la Mark fut prince-évêque de Liège de 1506 à 1538). Renier affirma (Catalogue
Renier, n°106) que ce lion surmontait une colonne gothique et que cet ensemble resta placé au
milieu du parapet du pont au Lions jusqu’en 1794.
Voir aussi au Musée un fragment de lion en pierre trouvé en 1906 en creusant une tranchée pour le
gaz au pont aux Lions. Un lion identique se trouvait dans le parc de Hombiet, sur une colonne ;
mais en 1919, des vandales ont brisé la colonne en la renversant et le lion a disparu. Ces deux
lions, d’assez mauvaise facture, auraient-il servi à la décoration du pont lors de sa réfection en
1746 ? Avant cette date le pont s’appelait pont du Jeune Pierre ou pont Lejeune ; c’est après qu’on
l’a appelé pont au Lion ou aux Lions.
3
Cette date m’a été donnée par Mr FAIRON ; DETROOZ croyait (Tome II, p101) que le pont avait
été refait en pierre en 1496.
4
On trouvera la transcription de deux intéressants contrats concernant ces travaux dans la partie
de ce livre consacrée à l’ancien Hôtel de Ville et dans celle consacrée au Perron.
6
de la rue des Tuileries et du Mont du Moulin. Ce linteau porte sculptée une anille de
moulin avec la date 1567. C’est le millésime le plus ancien encore en place à
Verviers1. L’hôpital rustique de Sècheval fut aussi modernisé en 1572 2. En 1576,
s’élevèrent la maison pastorale3 près de l’église et la maison des vicaires sur le
Thier-Mère-Dieu4 . Enfin, l’eau de Mangombroux fut amenée rue de Heusy par une
sorte de canal en 1599.
Pour ne pas mêler le tout d’une façon inextricable, reprenons, l’un après
l’autre, ces différents points :
1
Voir aussi, encastrée dans le soubassement d’une maison de la rue Coronmeuse (n°8), une pierre
portant en creux le dessin d’une anille (l’anille est une pièce en fer, scellée dans la meule
courante ; elle sert à suspendre l’arbre vertical ou fer de meule). Ce vestige lapidaire de l’ancien
moulin date du XVI° siècle ou du début du XVII° siècle étant donné l’âge probable de la maison qui
le porte.
2
Voir LEJAER, Chronique de le Société Verviétoise d’Archéologie et d’Histoire, 1910.
3
C’est à partir de 1546 que la résidence à Verviers devint obligatoire pour ses curés (LEJAER,
Annales, p76).
4
Le Musée conserve une vue de la Maison des Vicaires, dessinée en 1830 par Lion. Une vierge en
bois était primitivement placée sur ce bâtiment, dans une niche. Voici ce qu’en dit JS. RENIER dans
son second Catalogue du Musée, n°113 : « Photographie de la statuette en bois de la Vierge et de
l’Enfant Jésus, placés en 1575 (d’après LEJAER, la maison était moins ancienne) pour l’extinction
d’une peste, dans une niche en pierre, trilobée, à la façade du grand bâtiment, dit le quartier des
Vicaires, parce qu’il était consacré à la demeure de ceux-ci. Elle s’élevait au-dessus de Thier-Mère-
Dieu, vis-à-vis de la maison de Grand’Ry ; à sa démolition, feu M.R. de Biolley la fit incruster dans
la tour de Hombiet (la niche et l’image), d’où les intempéries l’altérant, obligèrent à la descendre à
Verviers. Mr Henri Le Pas-Demortier l’acquit et conserve en sa demeure de Forge-Thiry cet
intéressant souvenir historique de notre cité : ce brave citoyen l’a fait complètement restaurer ».
Cette Vierge se trouve aujourd’hui dans la chapelle des Sœurs Dominicaines auxquelles elle fut
donnée par Mme veuve Le Pas.
7
1. La Contre-réforme, couvents et églises1.
1
On peut trouver dans le manuscrit du Dr LEJAER une histoire détaillée des ordres religieux établis
à Verviers (p160 et suivantes).
2
Arrivée des Récollets en 1626 - Construction de l’église en 1646-50 - Pose de la statue de la
Vierge dans une niche sur la façade en 1664 - Miracle en 1692 - Construction d’une chapelle pour
la Vierge en 1702.
C’est le frère Antoine Robert qui a dressé les plans de cette chapelle. « Les bourgmestres et gens
de la Ville de Verviers, spécialement assemblés en corps au lieu accoutumé ayant vu et mûrement
considéré le plan et dessin dressé par le frère Antoine Robert, Récollet, d’une chapelle à faire en
l’honneur de Notre-Dame de la Miséricorde au frontispice de l’église des Révérends Pères Récollets
de cette ville leurs présentés par le Révérend Père gardien du dit lieu, n’y ont rien trouvé à dire, au
contraire, ont approuvé autant qu’en eux est, le bon dessin de cette entreprise, souhaitant qu’il se
puisse mettre au plus tôt à exécution, pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.
Faits sur la maison de ville, dans la grande salle, le 6 décembre 1700.
Par ordonnance (signé) JB. Jodoci » (Note communiquée par Mr le Doyen Tschoffen).
L’église, à l’exception de la chapelle, fut détruite par le feu en 1810. Le mobilier actuel provient en
grande partie de l’ancienne église du Val-Dieu. La partie incendiée a été reconstruite en 1818 sur le
plan primitif par Henri Douha. En 1859, la chapelle de la Vierge fut remaniée à l’intérieur avec
goût. La façade qui était restée intacte jusqu’en 1893 fut alors dénaturée par la construction d’une
tour munie d’un carillon, œuvre de l’architecte Van Assche, de Gand. Sur cette église, voir J.
RENIER : « Historique du Couvent, du Collège et de l’église des Pères Récollets à Verviers »,
ouvrage contenant une vue de l’église telle qu’elle était en 1789.
3
Arrivée des Sépulchrines en 1635 - Construction d’une église rue du Collège en 1734.
Une Franquinet fut, au XVIII° siècle, abbesse de ce couvent. Sa pierre tombale peut se voir dans
l’église (J. PEUTEMAN, « Inscriptions et blasons verviétois, n°56). Son portrait est conservé au
Musée (Catalogue n°545 et 546). Le maître-autel porte les armes des Franquinet. L’église possède
de très belles boiseries Louis XIV, les plus belles de la ville.
4
Les Conceptionnistes s’installèrent en Crapaurue (cour Kaison) - Construction de leur église en
1709. Les couvent et église ont disparu, démolition en 1889.
5
Arrivée des Carmes en 1656. Ils construisirent une église en 1690. On peut en voir les plans au
Musée (don de Mr Crémer-de Monty). En 1721, construction d’une église plus grande : c’est l’église
encore debout aujourd’hui. Les chronogrammes de la façade donnent la date de 1721 sous les
niches des statues. L’une de celles-ci -la Vierge- est la copie d’une vierge de Robert Verburg (mort
en 1720), on peut voir l’original dans l’église St-Denis à Liège. L’église, de sobre mais de bonne
architecture, présente dans sa simplicité extérieure, tous les caractères des chapelles conventuelles
verviétoises. A l’intérieur, les lambris sculptés, les confessionnaux, la chaire de vérité, la tribune
des orgues, les trois autels, les stucs du plafond, conservent le bel ensemble créé au XVIII° siècle.
Le trésor de l’église possède de remarquables broderies du XVI° siècle que l’on croit provenir de
l’abbaye de Stavelot.
Voir sur cette église Gustave RUHL : « L’église St-Joseph à Verviers en 1912 » et SAUMERY : Tome
III. Les jardins du couvent étaient magnifiques.
Voir aussi les articles de Mr E. BURGUET et M. PIRENNE dans le « Courrier du Soir », n° des 2, 16
et 23 février, 2 et 22 mars et 5 avril 1924.
Le Musée conserve un registre, manuscrit enluminé, contenant tous les actes et lettres importantes
de la communauté de 1660 à 1693 (don Crémer-de Monty).
6
Les Récollectines bâtirent couvent et chapelle rue de Hodimont. La première messe fut dite en
1689.
7
Arrivée des Capucins en 1683 - Construction de l’église, avec les pierres des murs en démolition
de l’enceinte, en 1690 à Sommeleville. Brûlée en 1732 et rebâtie. Transformée au XIX° siècle en
fabrique, fut incendiée dans la seconde moitié du siècle. La Vierge que l’on voit encore dans une
8
Tous ces religieux, au début, se logent pauvrement, mais ils ne tardent pas à
s’imposer ; ils sont protégés par les bourgeois ; ils s’enrichissent et peuvent bientôt
construire des couvents, puis enfin élever des églises.
L’extérieur de celles-ci n’a rien de bien luxueux : cependant, conçues par des
moines cultivés, ce sont de sérieux monuments à la façade portant, dans des niches,
des statues sculptées à la mode nouvelle. Leurs grands toits d’ardoises à lucarnes
font, dans le paysage urbain, des masses imposantes qu’égaient de jolis campaniles1
niche en Sommeleville a peut-être été placée par les Capucins ; c’est là tout près que se trouvait
l’église. Le maître-autel et les petits autels de l’ancienne église des Capucins sont ceux qui ornent
aujourd’hui l’église St-Joseph dont le maître-autel a vu, chose très regrettable, sa partie supérieure
qui encadrait un bon tableau du temps, être détruite dernièrement afin de laisser voir les fenêtres
du nouveau chœur gothique. D’après SAUMERY, les autels primitifs de l’église des Carmes étaient
très beaux.
1
Le seul de ces campaniles qui nous reste est celui de l’église des Carmes. Cette église est
condamnée à être démolie et remplacée par une nouvelle, exécutée dans l’inévitable imitation
gothique. Espérons qu’il faudra longtemps avant que l’on ait réuni la somme nécessaire à la
réalisation du projet dont l’exécution fera disparaître la vieille église. Elle est le plus ancien de nos
monuments ayant conservé son aspect primitif, à l’extérieur et à l’intérieur.
2
Voir sur ce sujet le travail du Dr LEJAER : « Les fortifications de Verviers ».
3
Les portes restèrent debout jusqu’au début du XIX° siècle. Ce fut la porte de Heusy qui disparu la
dernière en 1863. L’&administration Communale la fit démolir en suite d’une pétition signée par les
gens du quartier. Une partie des matériaux servit à construire l’abattoir actuel. Plusieurs portes
sont bien visibles sur les vues de Verviers dessinées par Leloup, d’après nature vers 1740. Ces
dessins sont conservés au Musée Communal.
4
Voir E. FAIRON, p19.
9
qui lui faut pour vivre : des pauvres. Ceux-là se logent comme ils peuvent ; ils
occupent, s’y entassant, les vieux logis délaissés dans le fouillis des ruelles.
1
Le propriétaire actuel est Mr CARRIER, entrepreneur. La maison possédait sur le derrière une cour
fermée par un corps de logis qui existe encore, assez bien conservé, rue des Vieillards. L’intérieur
de la maison de la rue des Raines est très intéressant. Elle fut classée par la Commission Royale
des Monuments parmi les constructions les plus remarquables du pays. Malheureusement, elle
s’abîme tous les jours un peu plus.
2
La façade postérieure de cette maison donnait sur la canal. Elle est construite en encorbellement.
10
moins ont été modernisées dès le XVIII° siècle. Assez fréquemment pourtant, leurs
corbeaux restent en place, seuls souvenirs de l’antique façade1.
Dans la seconde moitié du XVII° siècle, les bourgeois ont construit avec des
matériaux moins rustiques : l’emploi de la pierre et de la brique devient fréquent.
L’esprit constructif reste d’ailleurs le même ; en somme, dans ces nouvelles façades,
la pierre remplace les pièces de bois et la brique succède au torchis. Les spécimens
bien conservés de ces maisons sont devenus très rares à Verviers, cependant, la
maison Moulan, en Crapaurue, est arrivée jusqu’à nous sans avoir été trop
dénaturée. Nous y retrouvons les fenêtres à meneaux et les corbeaux, mais ici,
meneaux de pierre. Deux bandeaux moulurés coulent le long de la façade. La
maison est datée 1650, en relief, dans une pierre au-dessus de la porte. Le pignon
est fait en colombage à l’ancienne mode.
Cependant, une spacieuse habitation d’un genre tout différent fut, au XVII°
siècle, construite en Crapaurue. Ses proportions imposantes, sa porte cochère,
l’élévation de ses étages aux fenêtres sans meneaux encadrées de jambages,
1
Voir, rue de Heusy, n°8, une maison à trois étages ayant conservé tous ses corbeaux dont
quelques-uns possèdent encore le pendentif.
2
Rue Renier, maison datée de 1668 et maison, rue de la Paroisse, datée 1657. L’hôtel des
Ardennes (place du Palais), démoli récemment, portait la date de 1669. Voir au Musée une
cheminée en pierre datée de 1666 provenant de cet immeuble. La maison était aussi sans doute de
1666 mais le 6 final des ancres du pignon aura, je suppose, été mis à l’envers.
On trouvera au Musée quelques vestiges provenant des maisons du XVII° siècle, entre autres :
1. une pierre sculptée portant un écu surmonté d’un heaume et la date 1636. D’après JS.
RENIER, les meubles du blason, qui furent martelés en 1795, étaient celles de la famille
Bailoux, qui compta deux de nos bourgmestres ; cette pierre surmontait la porte de la
maison Chinval, actuellement démolie, rue de Heusy.
2. Un linteau de pierre daté 1652 et portant les initiales H.D.S. Il provient d’une maison
située dans une cour de la rue du Collège ; elle fut démolie pour faire place à la maison
Terfve (voir PEUTEMAN, « Inscriptions et blasons verviétois », 3 et 4).
3. Notons enfin une autre pierre, linteau de porte aussi, qui sert actuellement de première
marche à un escalier de cave de la maison Lambrette, rue des Raines. Cette pierre porte la
date 1635 et les mêmes initiales que la précédente, initiales surmontées d’un 4. Ce 4,
d’après certains archéologues, est une pièce héraldique que plaçaient les marchands sans
armoiries ayant épousé une femme noble au-dessus de leurs initiales ; d’après Mr Victor
TOURNEUR, ce signe est simplement une sorte de paraphe fréquent aux XVI° et XVII°
siècle
3
On rencontre aux environs de Verviers de nombreux spécimens de ces bonnes maisons du XVII°
siècle. Theux en conserve de remarquables. A Liège, la maison Curtius est le type monumental de
ce genre.
11
linteau et appui moulurés, sa chaîne d’encoignure, sa corniche, ses toits, le
belvédère qui les surmonte, lui donnent un air aristocratique. Cette maison -ce
château plutôt- fait (faisait) un contraste frappant avec la maison Moulan qui lui est
contiguë1. Et pourtant ce n’est pas longtemps après celle-ci qu’elle a été construite.
Mais cette maison exceptionnelle était, comme on s’en doute, la maison d’un
personnage qui, lui aussi, sortait de l’ordinaire. C’était celle d’un homme très riche,
évidemment, mais aussi d’un homme instruit, connaissant les pays étrangers, d’un
intellectuel : le fameux jurisconsulte Denis de Charneux, « de famille ancienne et
noble » écrit Detrooz2.
« Il fut engendré par Denis des Maret 3 en 1629. » écrit De Sonkeux dans ses
mémoires ; « il prit le nom de de Charneux après qu’on eut décapité un des Maret en
Liège en 1639 ». En septembre 1638, un Desmaret fut chef d’une conspiration dont
le but était de s’emparer de la citadelle de Liège afin de rétablir les franchises et la
liberté de la cité et de réduire les impôts. Découverts et pris après une courte
résistance, les conjurés furent châtiés et subirent la peine capitale. Le nom de ceux-
ci semble avoir survécu, car l’époque révolutionnaire les plaça au nombre des
1
On trouve à Liège plusieurs constructions de ce genre élevées au XVII° siècle, entre autres, rue
Féronstrée, la maison datant de vers 1660 du riche commerçant verviétois Lambert de Fays
(aujourd’hui propriété Van Zuylen). Lambert de Fays était cousin germain et beau-frère de Denis
de Charneux, avocat lui aussi très riche, qui se fit construire la maison de Crapaurue.
2
Après la mort de Denis de Charneux, la maison fut, dans la première partie du XVIII° siècle,
habitée par les Franquinet, qui lui firent subir des changements d’après le goût nouveau (le style
Louis XV). Sur l’épi du belvédère sont découpées dans le fer de la girouette leurs armoiries. Les
ardoises couvrant le côté est du belvédère portent la date 1769 : date de restauration. Les ancres
du pignon ouest attestent que ce fut bien Denis de Charneux qui fit bâtir la maison ; elles
montrent, plusieurs fois répétées, ses initiales D.C. entrelacées. Une salle du rez-de-chaussée
(actuellement magasin d’oranges) conserve un plafond richement décoré de stucs Louis XIV : ils
encadraient encore dernièrement de bonnes peintures, mais très noircies ; aujourd’hui on ne peut
plus les voir car elles furent détruites ou bien recouvertes par le badigeon uniforme qui fut appliqué
récemment dans la salle. Ce plafond est tout ce qui subsiste d’intéressant à l’intérieur de la maison
qui fut remaniée vers 1850. Le balcon est de cette époque. A noter que cet immeuble, par deux
fois au moins modernisé, en garde un air ambigu.
C’est dans cette maison qu’en 1703, Milord Marlborough, après avoir pris la ville de Limbourg
défendue par M. de Regnac, vint loger quand il repassa par Verviers (voir Bulletin de la Société
Verviétoise d’Archéologie et d’Histoire, p466, 1919-1920).
3
Ce Denis des Marets fut enterré sous le nom de Denis de Charneux en l’église St-Martin à Visé. Il
était mort en 1663. Un joli cénotaphe portait ses armoiries (d’or à la croix engrêlée de gueules au
franc-canton fascé de sept pièces d’argent et d’azur au lion couronné de gueules brochant) et un
médaillon circulaire où son portrait et celui de son épouse (Dame Catherina Pernode, trépassée en
1640) étaient sculptés en bas relief. Ce petit monument, attribué à Delcour, a disparu à la suite de
l’incendie de l’église allumé par les Allemands le 14 août 1914 (voir C.J. COMHAIRE : « Cénotaphe
de l’église de Visé » - La Meuse, 4 février 1926).
12
martyrs de la liberté ». C’est Jean Renier qui relate ainsi la cause de la
condamnation de Desmaret en se basant sur la chronique manuscrite de Hinnisdal4.
« Ayant achevé toutes ses classes, Denis de Charneux fut désireux de voir les
pays étrangers. Il s’acquit le titre d’Ecuyer impérial et jurisconsulte dans laquelle il
était très profond » écrit De Sonkeux.
Le père vécut très vieux, il avait nonante ans quand, dans sa belle maison, il
rendit l’âme à Dieu. Il fut comme la plupart des notables de la ville, enterré dans
l’église des Récollets. Voici l’extrait le concernant du registre mortuaire de l’église :
« Denis de Charneux, écuyer du Saint-Empire romain, jadis bourgmestre et
commissaire. Mr le Mayeur a porté grand blason qui a été mis sur le corps mort. On
a porté 36 flambeaux de la maison mortuaire. 27 mai 1719. Enterré dans le chœur ».
13
le deuil de leur maître, de Charneux lègue à l’Hospice des Orphelins de la Ville deux
prairies qu’il possédait dans les Couvalles. Tout le reste de ses biens ira à des
cousins que le vieil avocat désigne »1.
Ce travail, exécuté par ordre, semble avoir été le seul de quelques importance
qu’ait mené à bien l’Administration pendant la première moitié du siècle. Comment
aurait-on pu, avec des finances communales mises à mal par suite des incessants et
ruineux passages des troupes, trouver l’argent pour les travaux publics ?
Et « comme cette ville », écrit De SONKEUX, « était dans les rues sales,
remplies de cloaques et de vilains fumiers et inégales, il fut conclu au dit Conseil de
nettoyer et de paver, ce qui fut fait, commencé par la rue de Hodimont en l’an 1658,
1
Extrait du compte-rendu d’une communication fait par Mr PEUTEMAN à la Société Verviétoise
d’Archéologie et d’Histoire, le 5 févier 1924.
2
Renseignements fournis par Mr E. FAIRON. Il semble que des restes de l’ancienne prison existent
encore dans l’impasse Gouvy.
3
« Les bourgmestres firent construire un pont de pierre sous la rue de la Brassine au
commencement de Broux, au-dessus de la foulerie Paquette. Il fut commencé le jour de St-
Laurent, 10 août 1674 par Colas de Sart, maçon, sous le consulat de Thomas Jodocy et Christophe
Cloos. C’est pour ce sujet qu’on l’appelle pont St-Laurent. Auparavant, il était de bois à marcher
dessus deux personnes de front appelé le pont Quilin ». Extrait des mémoires de De SONKEUX.
Deux socles datés de 1674 et sculptés aux armes de T. Jodocy et de C. Cloos sont conservés au
Musée. « Ces socles furent trouvés en une fouille faite en Crapaurue dans la cour Verdenne,
derrière la maison Collet ou de Lhonneux », Catalogue Renier, 7 et 8.
Tout porte à croire que ces deux pierres décoraient jadis le pont St-Laurent.
4
Le 21 août 1674 fut aussi commencé un grand pont de bois proche l’hôpital nouveau (musée
actuel). « Il n’y avait, en ce passage d’eau, que de grosses pierres éloignées une de l’autre d’un et
demi pied. Quand la rivière était enflée, cela rendait le passage imparfait et il fallait faire de longs
détours. La charpenterie du dit pont fut faite par maître Jean Nicolet ». Extrait de De SONKEUX.
14
puis le Wirxhas du moulin l’an 1659, Crapaurue l’an 1660 par Colas de Sart et la rue
des Récollets par des ouvriers liégeois ; la Brassine (Place Verte) par des liégeois et
Colas de Sart fut commencé l’an 1662 et de suite Sècheval, Sommeleville et la rue
de Heuzier ».
Des établissements de bienfaisance furent édifiés. L’un surtout, par ses vastes
proportions et sa sérieuse architecture, vint donner une physionomie nouvelle au
bord de la rivière, près de la porte d’Andrimont. C’est là qu’il fut construit, en 1661-
1668, par les mambours des pauvres pour servir de refuge aux vieillards des deux
sexes : on l’appelait l’Hôpital nouveau, grand bâtiment en pierre et en briques
possédant un rez-de-chaussée éclairé par des hautes fenêtres en plein-cintre et un
étage plus bas aux fenêtres à meneaux. Son toit d’ardoises à lucarnes portait un
campanile car l’hospice possédait une chapelle2.
15
Nous avons vu plus haut que l’église paroissiale avait été, au début du XVI°
siècle, agrandie et mise au goût du jour. Elle ne l’était plus du tout à la fin du XVII°
siècle et, de nouveau, elle était devenue beaucoup trop petite. Encore une fois, elle
fut agrandie et modernisée1. Le chœur fut démoli et refait dans de plus vastes
proportions ; le reste du bâtiments fut aussi transformé ; les anciennes fenêtres
gothiques furent remplacées par de grandes fenêtres en plein cintre ; un campanile
vint surmonter le chœur et, continuant à se conformer au style alors en honneur : le
style jésuite. Le curé Bilstain et après lui son neveu et successeur le curé Lemoine 2
déployèrent un grand zèle à transformer la décoration intérieure et à renouveler le
mobilier. Avant eux, l’église était encore à peu près complètement gothique ; ils
s’efforcèrent d’en bannir ce style3. Il ne fallait pas que l’église paroissiale continuât à
1
Auparavant, l’église avait déjà reçu des embellissements et des transformations. Une longue
pierre provenant de l’ancienne église fut, lors de la construction de l’école des Frères allemands
(école devenue aujourd’hui bureaux de l’Hôtel de Ville) encastrée dans la cage d’escalier : elle
porte cette inscription « Hble Bertrand Lowijs laisné jadict Bourgmestre et Commissaire de Vervier
et Dmelle Ida de la Montagne sa compagne ont fait mettre cette verrière à la réparation de ceste
église. Priez Dieu pour eux. 1653. »
L’ancienne école porte aussi, au-dessus d’une de ses fenêtres, une pierre aux armoiries d’Antoine
Bertrand bourgmestre, pierre provenant de la vieille église. Le Musée conserve deux pierres du
même genre aux armoiries de Bilstein et Closset : « Elles firent partie des linteaux des fenêtres de
St-Remacle, du côté sud, données par des habitants lors des restaurations de l’église en 1693. »
Catalogue Renier, p12 et 13.
2
On peut voir les portraits de Bilstain et de Lemoine figurant à genoux comme donateurs dans
deux tableaux peints par Hubert Daniel dit Follet de Verviers. Ces tableaux se trouvent dans l’église
St-Remacle actuelle.
3
Voici ce qu’écrit DE SONKEUX à propos de ces travaux : « Le maître-autel était de petite et basse
structure, ressemblant plutôt à un estal de boutique de mercier qu’à une table où on doit immoler
une victime si sacrée (il veut parler de l’ancien autel gothique). Il était posé où est maintenant la
balustrade des communiants. Le curé Lemoine fit rallonger le chœur de l’église du côté du levant
comme il se voit aujourd’hui et construire un très bel autel (c’est celui qui se trouve aujourd’hui
dans l’église de Stembert). La table (c’est-à-dire je crois le tableau) d’autel qui représente la sainte
Trinité fut érigée et assise la veille de la Pentecôte, 29 mai 1700. Le chœur garni de beaux sièges
pour les choristes et la sacristie remplie de très beaux ornements de diverses couleurs, de
chasubles, de chapes à servir selon les temps et solennités. Il fit démolir l’autel Ste-Catherine qui
était difforme à l’église et y fit replacer l’autel de Notre-Dame de Pitiez l’an 1669 et fit bâtir une
chapelle en forme d’un chœur pour les confrères de Notre-Dame. Les bancs, que les séculiers s’en
servent à l’église les fit tenir une autre posture à les mieux ranger et fit embaucher et couvrir les
parois de bois de blanc polly et y fit mettre les armoiries de qui voulait que cela a illustré
admirablement l’église. Il fit ériger trois sièges confessionnaux où il n’y en avait qu’un. L’escalier
par où l’on montait à la galerie, qui était dans l’église, il le fit mettre hors d’icelle dans le lieu où il
est aujourd’hui ». Les petites stalles de l’église sont aujourd’hui à l’église de Wegnez. C’est un
Carme -Frère Joseph- qui fut l’auteur des plans du chœur du XVII° siècle.
L’église fut désaffectée en 1838. Elle fut vendue. Son clocher fut abattu. Jusqu’au jour de sa
démolition, elle servit de magasin à laine. Elle mesurait 18,5 mètres de largeur et, du chœur au
parvis, 24 mètres.
La première pierre de la nouvelle église paroissiale fut posée en 1839. Peu de chose de l’ancienne
église fut jugé digne de figurer dans la nouvelle. Les deux autels qui se trouvent de chaque côté de
la porte d’entrée en proviennent, l’un d’eux contient un triptyque de Douffet, célèbre peintre
Liégeois. Les deux statues, d’allure décorative, qui se trouvent aussi à proximité de l’entrée -St-
Lambert et St-Sévère- avaient été achetées en 1703 (DE SONKEUX) à Robert Verbeur de Liège ; ce
Verbeur est sans doute Robert Verburg, de Liège, mort en 1720.
Deux autres statues en bois, de grandeur naturelle -St-Remacle et St-Lambert-, après la
désaffectation de l’église, furent déposées dans les deux niches de la façade de l’église Notre-Dame
des Récollets. Elles y restèrent jusqu’au jour où l’on construisit une tour à cette église. On les
déposa alors au Musée (voir aussi au Musée divers vestiges lapidaires du XVII° siècle : armoiries,
pierres tombales et une belle table de bronze, monument funéraire à la mémoire d’Edmond Fion,
mort en 1738, et de son épouse Jeanne de Xhorez, morte en 1735 (voit Catalogue Renier, n°74).
Cette table de bronze est l’œuvre du fondeur Levache qui signa le beau mortier que possède Mr le
pharmacien Wirth, de notre ville. Ce mortier porte cette inscription : « Pierre Dutz m’a fait faire par
16
paraître rustique, démodée ; il ne fallait pas qu’elle fut éclipsée par celle des
Récollets dont le bel et nouvel intérieur, le grand et brillant autel, éblouissaient les
fidèles. Tout fut remis à la mode même, en partie, la vieille tour.
Avant de pousser plus loin notre étude, jetons un coup d’œil d’ensemble sur le
Verviers du début du XVIII° siècle. A ce moment, il conserve l’aspect d’une cité du
XVI° siècle mais de gros bourgs qu’il était encore en 1600, il est, comme nous
l’avons dit, devenu une bonne ville2. L’agglomération s’étire le long de la rivière, des
Grandes Rames au faubourg d’Espagne (Hodimont).
Entrons en ville par le pont de l’Hôpital nouveau (le pont d’Al Cute). Au lieu
des grosses pierres sur lesquelles jadis on passait l’eau qui les recouvrait les jours
de crue, obligeant ainsi à de longs détours, nous trouvons maintenant un solide pont
de bois en dos d’âne. Malgré les nombreuses fouleries, l’eau de la Vesdre a gardé
sa pureté ; les ouvriers vont y pêcher les jours de fête. Ils y jettent l’épervier.
17
La porte de la ville franchie, nous voyons des maçons en train d’agrandir
l’hôpital en construisant une chapelle en prolongement de son pignon est (1721).
Notre rue des vieillards n’était alors qu’un sentier. Il se faufilait entre les
clôtures -haies ou barrières- de prairies qui s’étendaient jusqu’à la Vesdre et les
murs en moellons percés de portes s’ouvrant sur les jardins d’habitations dont la
façade donnait sur la rue des Raines. Celle-ci n’est pas encore pavée mais plusieurs
maisons lui donnent déjà bon air. Bientôt elle va devenir la rue aristocratique.
Autour de la place, sur le sol mouvementé d’où par endroit le rocher affleure,
les maisons se plantent, sans souci de l’alignement : les vieilles, en colombage sous
leur toit de chaume -ce sont les plus nombreuses- ; les modernes : en pierres et
briques, couvertes d’ardoises1.
Des volets, des petits carreaux, des barreaux de fer aux fenêtres à meneaux,
des marches devant les portes, des pavés dur et inégaux. Au milieu, l’Hôtel de Ville
se dresse, isolé mais familier, bonhomme, sans prétention à l’élégance. Noirci,
démodé, il reste cependant imposant par sa masse et sa solidité.
1
Il y avait sur le Marché plusieurs bonnes maisons bourgeoises, c’est dans l’une d’elles que « le 25
juillet 1672, le bourgmestre Jean de Herve traite magnifiquement, en sa maison sur le Marché,
Ferdinand, comte de Linden, nouvellement élu gouverneur de Franchimont » DE SONKEUX, p16.
2
« Barada » ou « tchapê à gordène (courtine) » note de Mr J. FELLER.
3
Ceci se passa vers 1690.
4
Il s’agit de l’ancien Perron, le nouveau fut construit en 1732.
5
Le ruisseau de Mangombroux coulait par la rue du Pont mais un petit canal détournait une partie
de son eau le long de la rue de Heusy, puis elle descendait Crapaurue.
18
mettent à discuter au sujet des têtes de maures qui soutiennent la bordure en bois
sculpté de la vieille maison qui fait le coin de Crapaurue.
Mais, derrière l’Hôtel de Ville, pointe la flèche de la paroisse ; elle domine tout,
portant son coq d’or haut dans le ciel. Les hirondelles le sillonnent, nombreuses ;
leurs nids sont à l’aise aux coins des grands corbeaux des toits. La ville est vivante,
paisible pourtant. En plein centre subsistent des vergers, des haies : des branches
d’arbres dépassent des murs. Les bruits sont fraternels ; c’est la voix de l’homme,
celle des animaux, celle des outils traditionnels : marteau du forgeron, scie du
charpentier, le long du canal le tic-tac des moulins des fouleries et, dans tous les
coins, la battement des métiers à tisser.
Les cloches tintent, à tout bout de champ on rencontre des moines, des
nonnes ; la Vierge des Récollets fait encore des miracles. Enfin, au cœur de la cité,
entre la tour gothique de l’église et l’Hôtel de Ville ; le cimetière. Sous les croix de
tous âges sont venus chercher le repos éternel ceux du ban depuis des siècles.
1
« Du pèlerinage ai lieu nommé Hombiet ou Hobiet . Un certain Crosset fit bâtir, au
commencement du XVIII° siècle, 7 chapelles bien solides et de pierre bien taillée, de distance en
distance sur cette haute montagne… Outre ces 7 chapelles, il en fit construire tout au sommet de
cette montagne une huitième beaucoup plus considérable avec un quartier pour un ermite et fit
placer un crucifix à chaque extrémité de la montagne », DETROOZ, p158.
Les 7 chapelles se voient nettement sur les dessins de Leloup.
Une belle pierre sculptée, du XVI° siècle, se trouve encore actuellement au-dessus de la montagne
de Hombiet. Elle supportait jadis une croix de bois, mais il ne paraît pas que ce fut sa destination
primitive. Jean Renier, dans son histoire d’Andrimont, dit qu’elle portait la croix finale du calvaire.
C’est possible, mais en tout cas ce n’est pas une des pierres taillées commandées par Crosset au
XVIII° siècle. Elle est beaucoup plus ancienne, elle doit dater du début du XVI° siècle.
2
Cette ferme fut sans doute construite par Thomas de Bilstain, curé de Verviers et Andrimont
(1647 à 1691). La bâtisse conserve, dans la cour, au-dessus d’une porte charretière, une date et
une devise sculptées dans la clé de voûte : « 1678 - Mihi vivere est et mori lucrû » (vivre et
mourir, pour moi, sont également bien).
Une autre pierre, ancien linteau brisé, se voit aussi dans la cour, encastrée dans les pavés. Elle
porte cette inscription : « In domin-confido » (J’ai confiance en le seigneur ».
Au XVIII° siècle, le quartier-maître de cette ferme a été richement transformé. Donnant sur le
jardin, une sorte de balcon Louis XV porte dans son grillage en fer forgé ces initiales entrelacées
E.M.P.V. Dans le jardin, on remarque aussi un socle gothique du XVI° siècle. Il supporta jadis un
cadran solaire, mais en réalité, c’est une base de pilier. Je ne vois pas d’impossibilité à ce que ce
soit la base d’un des piliers de notre ancien Hôtel de Ville construit en 1527.
19
Ce bon vieux temps avait son amertume. Des guerres incessantes ne laisse
pas d’année sans amener dans la ville des troupes de passage, des nationalités
différentes mais toutes composées de soudards grossiers, arrogants et pillards.
Les gamins accourus regardent les adieux qu’il fait à sa jeune femme et à ses
nombreux enfants. On leur jette quelques liards. Justement vient à passer un
bourgmestre ; il découvre sa perruque et souhaite bon voyage. Le régent est
soucieux : c’est monsieur Franquinet. Il se rend à la Maison de Ville où l’attend son
confrère Renate Godard pour discuter ensemble la grave affaire de l’impôt des 24
patards3.
1
Voir manuscrit LEJAER.
2
J’anticipe peut-être un peu : au commencement du XVIII° siècle, l’exploitation du prolétariat n’est
pas arrivé à son apogée qui fut atteinte dans la première partie du XIX° siècle.
3
Sur cette affaire, voir DETROOZ, tome II, chapitre XXVI.
20
fils. On en voit plusieurs acheter des titres de noblesse. Voilà une aristocratie
verviétoise. Elle va suivre la mode des grandes villes, chercher à se tenir à la
hauteur.
En architecture, Liège au XVIII° siècle imite Paris ; Verviers imitera Liège : les
styles Louis XV et Louis XVI vont régner chez nous comme ils règnent sur le monde.
A la fin du XVIII° siècle, Verviers aura encore une fois changé d’aspect.
Considérations générales.
Cette manière ancestrale de bâtir eut à la fin du XVII° siècle, à vrai dire, des
exceptions plus ou moins radicales : les couvents et leurs chapelles, les
transformations de l’église paroissiale, le château de Denis de Charneux ; mais il
s’agit là de constructions conçues par des moines étrangers à la ville et par un
intellectuel qui a beaucoup voyagé.
Ceux-ci n’ignorent pas que la façon de bâtir de nos maçons n’est que la
tradition gothique s’attardant dans une ville sans culture et que, depuis longtemps, ce
mode rustique et sans noblesse –disent-ils- est remplacé dans les grandes villes par
quelque chose de bien plus digne. Là-bas, on ne se contente plus d’élever de
bonnes maisons, on veut aussi de belles maisons. Des architectes savants les
construisent, non plus selon la tradition locale, mais d’après les majestueux modèles
créés jadis à Rome.
« Le XVIII° siècle fut pour le Pays de Liège comme pour les Pays-Bas une
époque de repos bienfaisant et de restauration économique 1 .» Les styles français,
1
« Histoire de Belgique » de H. PIRENNE, tome V, p339.
21
décoratifs, luxueux, aristocratiques, conviennent à cet état nouveau de sécurité et de
richesse. Liège les adopte avec enthousiasme et Verviers, de son mieux, va imiter la
capitale. Ce qui frappait surtout l’œil dans nos maisons du XVII° siècle, c’étaient
leurs fenêtres à meneaux vitrées dans des carrés de plomb. De ces fenêtres, le
XVIII° siècle n’en veut plus : il les lui faut à la française, c’est-à-dire à deux ouvrants
vitrés dans des carrés de bois. L’ancienne fenêtre était en somme plus solide et plus
pratique mais la nouvelle donne aux façades quelque chose de plus ouvert, de plus
élégant. Dès que la nuance fut sentie, le dégoût pour les meneaux devint général.
Toutes les habitations que l’on va construire seront tributaires de l’innovation et, petit
à petit, les vieilles demeures vont être mises à la mode par la suppression des
meneaux de leurs fenêtres.
C’est à la fin du règne de Louis XIV que l’on éleva chez nous les premières
maisons à fenêtres sans meneaux. Dans ces nouvelles bâtisses, le meneau vertical
(qui supportait le milieu du linteau) étant supprimé, il fallut pour conserver de la
solidité à la partie supérieure de la fenêtre employer dans sa construction une série
de claveaux. Comme je viens de le dire, c’est à la fin, tout à la fin du règne de Louis
XIV que les linteaux appareillés furent employés pour la première fois à Verviers,
mais c’est du temps de le Régence que leur usage y devint général.
1
Le grand nombre de ces maisons semble indiquer à cette époque une ère de prospérité
exceptionnelle. Ce genre de maisons, si communes à Verviers, est assez rare à Liège. Hodimont en
possède une quantité. Ce bourg, à la suite de la longue guerre douanière, a dû fort s’agrandir.
Plusieurs industriels verviétois avaient transporté leur industrie au-delà de l’eau (voir E. FAIRON).
2
N° 18. Cette maison fut celle de JJ. Fyon, bourgmestre de Verviers, membre de l’Etat-Tiers,
colonel d’un régiment des volontaires franchimontois et maître des postes impériales, l’un des plus
zélés promoteurs de la révolution de 1789. Sa popularité fut très grande.
3
Maison Louis Simonis, n°31.
4
L’ancien Hôpital, rue de Limbourg, construit en 1737, a ses fenêtres en plein cintre fait de
claveaux ; aucune maison bourgeoise à Verviers n’adopta ce genre de fenêtres.
22
Sur les moins anciennes de nos maisons du temps de la Régence, on
remarque quelques velléités décoratives aux claveau des linteaux. Celui qui fait clef
s’orne d’une moulure rectiligne à sa partie supérieure puis ses coins se coupent en
courbe, sans moulure ou avec moulure, et les claveaux qui le touchent ont aussi leur
coin libre arrondi. Ce sont là des signes précurseurs de l’introduction du style Louis V
à Verviers.
23
Nos vieux quartiers en conservent beaucoup, de proportions plus modestes ;
ce ne sont pas les moins caractéristiques. Malheureusement, le rez-de-chaussée,
qui en étaient la partie la plus décorée, a presque toujours été modernisé pour les
besoins de l’un ou l’autre commerce (entre autres rue de Heusy, n°21-22). Les
constructions Louis XV de la rue des Raines étaient sans doute considérées alors
comme les plus belles de la ville ; elles indiquaient que leurs propriétaires occupaient
le premier rang et affirmaient leur supériorité sur la masse des petits bourgeois logés
encore à l’ancienne mode. Et pourtant, elles sont loin de pouvoir rivaliser avec les
façades des élégants hôtels de la noblesse liégeoise, et leur intérieur manque de
cette belle ordonnance que les architectes de la capitale savaient créer.
Les hôtels verviétois sont des hôtels bourgeois. Sont-ce des architectes qui
les ont édifiés ? On est plutôt tenté de croire qu’ils sont surtout l’œuvre de maîtres
maçons s’inspirant de ce qu’ils ont vu faire à Liège ou ailleurs. Il faut prendre garde
d’exagérer la transformation de la physionomie de la ville. Elle est réelle, mais
Verviers, malgré tout, conserve un aspect pittoresque plutôt qu’élégant. Pendant le
XVIII° siècle, quantité de maisons en colombage persistent, les toits de chaume
restent fort nombreux ; on en rencontrera encore en pleine ville au XIX° siècle 1. Il n’y
a pas à Verviers que des Crésus ; beaucoup ne peuvent suivre la mode et certains
bourgeois conservateurs s’obstinent à garder inchangée la maison paternelle aux
fenêtres à meneaux. Les gens distingués du temps dédaignent cette rusticité. Du
moins chez eux ils comptent bien n’en conserver trace ; si, pas encore par
l’ordonnance, du moins par le luxe qui se déploie dans leur demeure.
Liège possède alors une foule de sculpteurs sur bois d’une habileté
incomparable et de ferronniers d’élite. Les richards de chez nous les font travailler
pour eux. Ils veulent leurs meilleures œuvres. La maison Biolley-Piron renfermait
plusieurs salles décorées de boiseries, œuvres de virtuoses 2. La porte de cette
maison –qui donnait jadis sur les jardins situés derrière elle3- était surmontée du
riche balcon en fer forgé qui s’effrite aujourd’hui lamentablement. Il avait été créé à
force de patience par un artiste rompu aux finesses du métier. Ce grillage de luxe est
caractéristique du goût du temps pour la décoration touffue.
L’orphelinat des filles, rue du Collège, est une construction du XVII° siècle
transformée au XVIII°. La façade ne manque pas d’intérêt mais l’intérieur surtout est
remarquable. Le vestibule, la cage d’escalier et le salon forment un ensemble
unique.
On s’était mis à porter tous les soins vers l’embellissement de l’intérieur. Nos
fabricants voulurent posséder des salons, pièces de luxe inconnues à Verviers
jusque là. Ces salons faisaient l’orgueil de leurs propriétaires : ils rivalisaient de
richesse, ils l’étalaient. Ils y donnaient des fêtes qu’illuminait l’éclat des bougies
fichées dans des lustres de verre ou dans les appliques accrochées aux murs tendus
1
En 1778, l’Administration Communale exempte d’impôts ceux qui changent leur toit de paille en
toit d’ardoises (RENIER, « Administration Communale », p66).
2
Les boiseries d’un salon de cette maison ont été achetées au complet par le Musée du
Cinquantenaire. La salle y est reconstituée ; portes, lambris, volets, cheminée sculptés en Louis XV
fleuri. La cheminée est en marbre et surmontée d’un encadrement de bois contenant un bouquet
peint à l’huile. En dessous se trouve une petite glace.
3
Aujourd’hui, rue des Vieillards.
24
de soies persanes. Sous le plafond décoré de stuc, parmi les meubles à rocailles ;
fauteuils, chaises, buffets, consoles peints en tons clairs, rehaussés d’or, nos
nouvelles aristocrates admiraient, dans les miroirs surmontant la cheminée de
marbre (encore une nouveauté), leurs robes à paniers, tandis que leurs époux, en
culotte, habits de couleur tendre, jabots de dentelle et perruques poudrées,
s’essayaient aux belles manières.
« L’Hôtel de Ville de Verviers est reconstruit par Arnold Rouha sur les plans de
l’architecte Renoz », écrit A. de Ryckel. La chose n’est pas tout à fait exacte : Arnold
1
Voir aussi une maison dans ce genre –à part le rez-de-chaussée-, fort bien conservée, en
Crapaurue n°91.
2
C’est le seul monument important construit à Verviers dans la seconde partie du XVIII° siècle par
l’Administration Communale.
3
La maison situé à mi-côte de la montagne « aux Dardanelles » au-dessus de la rue Raymond est
un joli type de maison Louis XVI. Elle fut sans doute construite peu après l’Hôtel de Ville. Les tuiles
rouges qui la recouvrent aujourd’hui lui enlèvent beaucoup de son cachet. A l’époque où elle a été
bâtie, dans le bois aimé des rossignols, à quelque distance des portes de la ville, c’était une
élégante maison de campagne.
25
Douha n’était que maître maçon comme le stipule le registre de l’état-civil. Il vint à
Verviers surveiller les travaux de construction du nouvel édifice.
Arnold Douha naquit à Liège ; il séjourna à Verviers tout le temps que dura la
construction de l’Hôtel de Ville1. Jugeant que chez nous il pourrait mieux gagner sa
vie qua dans sa ville natale, il décida de se fixer à Verviers. Il était alors marié à
Jeanne Ramoux et le ménage avait un fils âgé d’une vingtaine d’années : Henri
Douha, né à Ans-Glain en 1755. Le père avait sans doute veillé à ce que son fils fit
des études d’architecture, peut-être sous la direction de Renoz ; en tout cas, le jeune
homme devint un bon architecte. Il se fixa comme son père à Verviers ; une sorte
d’association dut exister entre le père et le fils : elle dura longtemps, lorsque le vieux
Douha mourut en 1813, son fils avait 58 ans.
Detrooz, qui fut sans doute de ses amis, en fait le plus grand éloge : « A
Laurenty je joindrai Henri Douha, excellent architecte qui a infiniment mérité du piblic
de Vervier pas les beaux édifices qu’il a bâtis. Avant lui, rien n’était de plus mauvaise
architecture et plus mesquin que ceux que l’on construisait. Douha a tout changé ;
depuis lui, la ville s’est embellie extraordinairement ».
Il semble bien qu’il fut l’architecte de la maison du vicomte Alf. Simonis, rue du
Collège, quoique J.S. Renier l’attribue à Renoz. La grande maison de Biolley, en
Sommeleville, est aussi probablement de lui. Le docteur Lejaer affirmait qu’elle avait
1
« Pendant la construction de l’Hôtel de Ville, Arnold Douha, surveillant de travaux, logeait chez
Mathieu Dehalleux qui comptait 15 sous par jour pour la nourriture et le logement », manuscrit
LEJAER, p538.
2
De ce temps-là, les numéros ne changeaient pas à chaque rue.
3
LEJAER, « Annales », p177.
4
Qui d’ailleurs ne manquait pas de talent et est aujourd’hui trop oublié.
26
été construite au XIX° siècle par Balat 1. Je crois pour ma part qu’elle fut édifiée par
Douha et que, après coup, Balat vint y apporter des modifications. La façade de ce
vaste hôtel est purement Louis XVI.
I. LE STYLE EMPIRE
Sous l’Empire, la prospérité rentra chez nous et, sous le régime hollandais,
notre ville s’enrichit de plus en plus. En 1830, Verviers comptait 30.000 habitants.
1
Balat, architecte du roi, né en 1818, mort en 1895. Auteur du grand escalier et d’une salle de bal
de style Louis XIV au palais royal. Balat est aussi l’auteur du Musée des Peintures Anciennes
construit en 1876. Léopold 1° logea dans la maison de Biolley en 1832. Balat ne pouvait
évidemment pas l’avoir construite à cette date.
2
SCHAYES, « Histoire de l’architecture en Belgique ».
27
bureaux d’octroi de la rue de la Grappe et de la rue d’Ensival 1 sont des exemples de
ce style Empire qui avait comme idéal le temple grec. Le fronton triangulaire, la
colonne et le pilastre, les linteaux droits sans clef, voilà les éléments caractéristiques
de ce style à Verviers.
C’est d’après lui que l’on a construit chez nous au XIX° siècle jusque vers
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1840 . Plus la date des bâtisses se rapproche de nous, moins le style est pur.
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Celui-ci est un joli monument. On remarquera ses colonnes à cannelures purement doriques. Il
est malheureusement enlaidi par des affiches.
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Ces maisons construites surtout sous le régime hollandais, sans grandes prétentions, sont-elles
bien du style Empire ? Cette attribution est peut-être abusive, mais il faut bien faire un groupe de
toutes les constructions du premier tiers du XIX° siècle et lui mettre une seule étiquette afin de ne
pas tomber dans trop de subdivisions.
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