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1. Panorama général Chaque type de produits provoque, tout au long de son cycle de
vie, des impacts spécifiques. La répartition des contributions de la
consommation moyenne d’un Européen à l’effet de serre et à la
production de déchets ménagers (ordures ménagères, encom-
1.1 Enjeux environnementaux liés brants et déchets verts) est donnée figure 2 à titre illustratif.
à la qualité écologique des produits Les impacts environnementaux croissants de nos modes de
consommation résultent de la multiplicité des produits et services
Industrie, agriculture, transports... tous ces secteurs d’activité que nous consommons. Ainsi, au-delà de discours qui stigma-
ont des impacts négatifs sur l’environnement. Or, quelle est la fina- tiseraient quelques produits particuliers (sacs de caisse, lingettes,
lité de ces activités si ce n’est de mettre à disposition des consom- produits à usage unique...), il convient avant tout d’améliorer les
mateurs les biens et services achetés au quotidien ? Ainsi, par performances de chaque produit et service en fonction de ses
exemple, nos déchets sont avant tout nos achats. Quant à « l’effet impacts environnementaux spécifiques et de s’interroger sur la
de serre », il résulte en partie du cycle de vie des produits que nous multiplication de nos biens et le raccourcissement de leur durée de
consommons (fabrication, distribution, élimination). vie (pour cause d’obsolescence technique, esthétique, effet de mode
ou pièces non réparables...). Ce raccourcissement est synonyme de
Pour approcher plus finement les impacts liés à notre consomma- renouvellement d’achat plus rapide et donc de consommation de
tion, la Commission européenne, au travers de sa politique intégrée ressources supplémentaires.
des produits (PIP), a mené diverses études qui permettent de carac-
tériser la consommation moyenne d’un Européen. Leur synthèse Pour orienter notre société de consommation vers des modes
sur la période 1999-2002, intitulée « Impacts sur l’environnement plus durables, il convenait donc de développer des sigles de
des produits et services consommés en Europe » et réalisée par Bio reconnaissance distinctifs aptes à guider les consommateurs vers
Intelligence Services pour l’ADEME en mai 2006 permet d’illustrer des choix de produits plus respectueux de l’environnement : les
quantitativement la consommation moyenne individuelle et les écolabels, signes officiels de reconnaissance de la qualité environ-
impacts environnementaux qui en résultent (figures 1, 2, 3). nementale des produits, en sont la pièce centrale.
Textiles
Chaussures
14 kg
Eau potable 4 paires
59 m3
Savon et hygiène
Fruits, légumes, sucre et céréales 5 kg
491 kg
Produits d'entretien
Viande 11 kg
96 kg
Emballages
155 kg
Lait
77 kg
Fruits, Occupation
légumes, des bâtiments
Produits céréales résidentiels Voitures
de soin 23 % individuelles
et sucre
pour bébé < 0,1% 16,9 % Occupation des
< 0,1 % bâtiments tertiaires
12 % Transports de
Boissons alcoolisées
marchandises
< 0,1 %
9,9 % Appareils
Produits de jardinage
électriques
et déchets verts
ménagers
< 0,1 %
7,5 % (6,9 %)
Chaussures
0,1 %
Viandes
Service gestion
5,4 %
de l'eau potable
0,6 %
Services de gestion
Papier (hors 9,3 t éq. CO2 des déchets
emballages) 5%
1% Textiles
Travaux publics 5 %
1% Matériaux de contruction
Équipements 3%
informatiques Transports publics
1,4 % (1,2 %) Produits Emballages 2,6 %
d'entretien Meubles 2%
2% 2%
Pour les appareils électriques, la valeur entre parenthèses correspond à la phase d’utilisation :
sur les 7,5 % de contribution des appareils électriques ménagers, 6,9 % correspondent à la phase
d’utilisation. Cette phase d’utilisation fait l’objet d’un double comptage : elle est également incluse
dans les 23 % de contribution de l’occupation des bâtiments résidentiels (idem pour la catégorie
équipements informatiques et l’occupation des bâtiments tertiaires). Figure 2 – Bilan effet de serre de la
consommation annuelle moyenne d’un
Européen
Fruits, Occupation
légumes, des bâtiments
Produits céréales résidentiels Voitures
de soin et sucre < 0,1 % individuelles
pour bébé < 0,1 % Occupation
18 %
< 0,1 % des bâtiments tertiaires
Boissons alcoolisées < 0,1 % Transports
< 0,1 % de marchandises
< 0,1 %
Produits de jardinage Appareils
et déchets verts électriques
18 % ménagers
Chaussures 1,7 %
0,7 %
Service gestion Viandes
de l'eau potable 9%
1,6 %
Services de gestion
Papier (hors 580 kg des déchets
emballages) < 0,1 %
10 % Textiles
Travaux publics 1,5 %
< 0,1 % Matériaux de contruction
Équipements 8,6 %
Transports publics
informatiques Produits 0,4 %
Emballages
0,8 % d'entretien Meubles 27,4 %
3,3 % Figure 3 – Déchets ménagers liés à la
< 0,1 %
consommation annuelle moyenne d’un
Européen
1.2 Déclarations écologiques concentrés sur quelques points sensibles en matière d’environne-
ment (« protège la couche d’ozone », « biodégradable à 100 % »...).
sur les produits
Parallèlement, les produits qualifiés de « verts » ont gagné en
Largement présentes en France dès la fin des années 1980, les efficacité de manière à satisfaire les besoins du consommateur en
déclarations écologiques sont des messages imprimés sur les termes de préoccupations environnementales et d’aptitude à
produits ou sur leur emballage, sous forme de textes explicatifs ou l’usage (capacité d’un produit à répondre aux attentes du
de pictogrammes, vantant les mérites environnementaux, réels ou consommateur en matière de service rendu lors de son utilisation).
prétendus, du produit considéré (« protège l’environnement », Après une génération de produits destinée aux seuls
« 100 % recyclé »...). Au fil des années, ces messages ont évolué : consommateurs « écologistes », les vendeurs se sont peu à peu
d’une génération axée sur l’absence de telle ou telle substance adressés à l’ensemble des consommateurs, affirmant qu’un produit
(« sans chlore », « sans colorant »...), les messages se sont peu à peu pouvait être à la fois efficace et « respectueux de l’environnement ».
■ Marques ou labels privés collectifs initiés par un secteur pro- Outils Audit
fessionnel ou par un organisme considéré comme indépendant du d’évaluation environnemental
(série 14010)
fabricant, qui assurent que chaque produit qui les porte satisfait à un Analyse de cycle de vie
cahier des charges, identique pour tous. On citera, pour exemple, le Évaluation des (série 14040)
pictogramme APUR (Association des producteurs et utilisateurs de performances
carton recyclé) qui informe l’acheteur sur la quantité effective de environnementales
fibres recyclées présente dans le papier. (série 14030)
■ Écolabels, signes officiels de reconnaissance des avantages envi- Terminologie Termes et définitions (14050)
ronnementaux des produits qui les portent. Chaque pays présente
ses procédures propres : en France, la marque NF-Environnement
résulte d’une certification, régie par la loi no 94-442 du 3 juin 1994. tions ne sont pas trompeurs par nature : c’est le manque de
Le produit écolabellisé a fait l’objet d’un contrôle par tierce partie et connaissances qui conduit le consommateur à une appréciation
a satisfait à un cahier des charges préétabli fixant des critères pour erronée. Exemple : la boucle de Moebius.
la catégorie de produits considérés : l’élaboration des cahiers des
Ce sigle, très largement répandu, signifie généralement que le
charges a fait appel aux différentes parties intéressées (profession-
produit ou l’emballage qui le porte est recyclable : il s’agit là d’une
nels, associations, pouvoirs publics...). L’écolabel peut être national
caractéristique technique des matériaux qui ne présuppose en rien
(« NF-Environnement » français, « Ange bleu » allemand...) ou
de l’effectivité du recyclage après utilisation dudit produit, le
supranational (Écolabel européen, Cygne blanc du Conseil
recyclage effectif dépend de bien d’autres facteurs (existence d’un
Nordique).
système de collecte séparative, d’une filière de recyclage, de
En France, la cohabitation actuelle de tous ces types de décla- débouchés industriels...). Dans le cas cité, si le consommateur
rations écologiques résulte de la jeunesse des écolabels, qui se perçoit que le sigle en question se réfère au recyclage, la dis-
traduit par un faible nombre de catégories couvertes et une faible tinction entre techniquement recyclable ou effectivement voué à
visibilité sur le marché, et aussi de la volonté de différenciation des être recyclé lui échappe généralement.
professionnels (préférence pour un sigle spécifique à leurs propres La figure 4 donne des exemples de symboles ou de picto-
produits par opposition à une reconnaissance certes officielle mais grammes présents sur les produits.
exploitable également par les produits concurrents).
Il convient de citer un dernier type d’information à caractère
écologique, actuellement en voie de développement. C’est un cas 1.3 Pratiques aujourd’hui normalisées
particulier d’étiquetage écologique, couramment dénommé
« écoprofil ». Informatif et non sélectif, il fait appel à la compré- Concernant l’approche « produit », les travaux environnementaux
hension supposée accrue du public, professionnel en particulier, de l’ISO sont centrés sur les outils d’évaluation (normes relatives
pour les questions environnementales. Ces étiquettes peuvent se à l’analyse de cycle de vie : série des ISO 14040), la prise en compte
présenter sous forme de diagrammes ou de tableaux récapitulant de l’environnement en conception (« éco-conception » : ISO 14062)
les valeurs de quelques indicateurs environnementaux clés et sur la communication écologique (Normes relatives à l’étiquetage
(exemples : effet de serre, potentiel de destruction de la couche environnemental : série des ISO 14020). Ces différentes normes
d’ozone, CO2, déchets...). Ces valeurs sont généralement issues des sont le pendant des normes, aujourd’hui plus connues, traitant du
résultats d’une ACV (Analyse de cycle de vie) des produits. management environnemental des sites ou organismes (tableau 1).
Aux côtés de ces déclarations à caractère environnemental, Concernant spécifiquement les normes relatives à l’étiquetage
d’autres types d’informations sont diffusés et souvent compris à environnemental, celles-ci traitent à la fois des écolabels officiels
tort par le consommateur comme correspondant à un avantage (ISO 14024), des autodéclarations (ISO 14021) et des éco-profils
environnemental effectif, spécifique au produit. On citera les (ISO 14025) et bénéficient d’une norme internationale commune :
marquages obligatoires (exemple : le point vert Éco-emballage l’ISO 14020 (cf. [Doc. G 6 250V2]).
dont la signification est que l’entreprise a payé sa contribution aux
La diffusion et l’appropriation de ces différentes normes doit
coûts de valorisation des déchets d’emballages ménagers) ou les
conduire, à terme, à clarifier et assurer la sincérité des procla-
pictogrammes d’identification des matériaux (acier, aluminium,
mations à caractère écologique. En effet, si l’application des normes
plastiques, carton...) qui, dans un but de valorisation de leurs
ISO est volontaire, leur caractère mondial ainsi que la référence
images, intègrent souvent des éléments graphiques à consonance
qu’elles constituent dans le cadre des échanges commerciaux inter-
environnementale, généralement liés au récyclage (boucle, flèches
nationaux doivent faciliter une diffusion massive et une adoption
disposées en triangle...).
progressive par tous des bonnes pratiques préconisées. En
Sauf exception (exemple : mettre en exergue l’absence d’une particulier, dans le cadre des autodéclarations, ces normes peuvent
substance qui n’est généralement pas présente dans la servir de support à l’élaboration de différentes réglementations ou
composition des produits considérés), les différents types d’asser- préconisations nationales.
MONOPRI X
80 %
PAPIER RECYCLE
b Écolabels
Écolabel français Exemples d'écolabels étrangers
Marque NF - Environnement
Ange Bleu allemand Cygne Blanc nordique
Écolabel européen
c Autres
02
aluminium acier PE - HD
■ Difficulté de définir l’unité fonctionnelle d’un groupe de limiter à des ACV parcellaires, en prétextant de cet outil-alibi pour,
produits : si les peintures peuvent être comparées sur la base d’une au final, définir des critères auxquels une réunion d’experts et un
unité de surface recouverte pendant une durée définie et présentant peu de bon sens auraient pu aboutir. Une dernière solution, inter-
certaines caractéristiques de qualité déterminées, ou si les impacts médiaire, se veut avant tout pragmatique (voir « La procédure
générés par les sacs-poubelle peuvent être rapportés à un volume pratique de création d’un écolabel NF-Environnement ») : faire au
de déchets stocké et transporté, pour de nombreuses autres catégo- mieux en l’état actuel des connaissances et des contraintes, tout en
ries, la détermination quantifiée du service rendu apparaît problé- conservant une approche basée sur le cycle de vie. Pour ne citer
matique. C’est le cas en particulier des produits pour lesquels la qu’un exemple, prenons les impacts liés au transport et à la
satisfaction de l’utilisateur est hautement subjective et les pratiques distribution d’un produit de consommation courante. Il n’est pas
individuelles très variables : parfums, shampooings, produits déso- toujours possible de décrire un circuit de distribution représentatif
dorisants... Une seconde cause majeure de difficulté concerne les type pertinent et de connaître précisément la contribution des
produits qui, en plus de leur fonction principale, remplissent plu- transports aux impacts de l’ensemble du cycle de vie du produit. Il
sieurs fonctions annexes non quantifiables. On citera pour exemple faut de surcroît prendre en considération l’obligation de ne pas
le cas des mobiliers de crèches ou de maternelles : chaque élément créer des barrières aux échanges : un critère qui limiterait le
pris séparément peut être qualifié en fonction de son ergonomie, de nombre de kilomètres parcourus est donc proscrit. Dans ce champ
sa résistance et de sa durabilité ; toutefois, il s’inscrit dans un de contraintes, une première solution pourrait être d’évincer le pro-
ensemble, présentant un caractère ludique et récréatif, auquel sont blème en ne préconisant aucun critère lié aux transports. Une
associées des fonctions d’éveil pour le moins difficiles à quantifier. seconde solution est celle préconisée par une approche plus
Dès lors qu’il n’apparaît pas possible de définir une unité fonction- pragmatique. Elle conduit à retenir un critère sur l’optimisation des
nelle exhaustive, faut-il pour autant s’interdire d’œuvrer pour l’amé- transports (par le taux de remplissage des camions, la démontabi-
lioration de la qualité écologique de ce type de produits ? La lité des produits, l’optimisation du volume des emballages...) en
question est loin d’être tranchée : pour preuve, les exemples cités arguant du fait qu’au pire ce critère n’aura pas de conséquence sur
précédemment, qui font ou ont fait l’objet de travaux d’écolabellisa- l’environnement, mais, qu’au mieux, voire probablement dans la
tion, soit à l’échelle nationale, soit à l’échelle européenne. Certains majorité des cas, ce critère sera bénéfique à l’environnement. Cette
de ces travaux ont conduit à des aberrations méthodologiques : approche pourrait sembler en contradiction avec une démarche de
définition d’une unité fonctionnelle correspondant à la simple type ACV, mais il n’en est rien : c’est, en effet, grâce aux ensei-
moyenne des quantités utilisées, hors considération de l’efficacité gnements tirés d’ACV antérieurement réalisées des produits
variable des produits, ce qui équivaut à une unité fonctionnelle non d’autres secteurs, mais présentant un système de distribution
fonctionnelle... D’autres ont clairement délimité leur champ d’étude similaire, que l’on peut affirmer aujourd’hui que le transport
à une fonction principale (s’asseoir par exemple) ou à une caracté- constitue un impact important qui nécessite d’être minimisé.
ristique donnée (quantité de matières actives par exemple) pour Notons pour finir que l’utilisation d’un outil de calcul et d’inter-
tenter de surpasser les difficultés rencontrées. Qu’elles soient prétation, qu’il s’agisse de l’ACV ou d’une autre approche, ne
contestées par les uns ou défendues par les autres, ces différentes constitue toujours qu’un élément d’aide à la décision. La décision
démarches auront au moins eu le mérite de mettre en évidence la finale relève toujours d’un choix stratégique et politique, au regard
variété des approches possibles et leur risque de dérives respectif, de l’ensemble des intérêts en jeu et des sensibilités propres des
qu’il s’agisse de la rigueur toute théorique d’une ACV au champ décideurs. Ainsi, imaginons que, pour remplir un service donné,
d’études mal défini, ou, à l’inverse, du caractère réducteur d’une deux types de produits distincts soient éligibles. Imaginons de plus
approche trop simplificatrice [1]. qu’une ACV démontre que l’un d’entre eux requiert l’utilisation
■ Disponibilité de données représentatives : la réalisation d’une d’une substance aux impacts environnementaux particulièrement
ACV requiert la connaissance d’une grande quantité de données importants. Deux voies s’offrent alors : la première, dans une
quand elle est centrée sur un produit précis. Cette quantité s’accroît logique d’exclusion, consiste à ouvrir l’écolabel uniquement aux
encore considérablement dès lors que l’on cherche à décrire une produits ne faisant pas appel à la substance incriminée. La seconde
catégorie regroupant des produits distincts, soit par leur technolo- choisit une logique de progrès en ouvrant l’écolabel aux deux
gie, soit par leur composition même. D’un point de vue métho- types de produits, tout en proposant des critères permettant de
dologique, l’ACV d’une catégorie de produits constitue souvent un limiter les impacts de la substance en cause (approche géné-
défi qui pose des problèmes particuliers (signification des données ralement retenue au niveau français). Selon la catégorie de produit
collectives, représentativité des moyennes, mode de prise en considérée et les aspirations des différents acteurs impliqués dans
compte des écarts-types...). Outre les questions pratiques liées à la le processus d’écolabellisation, l’une ou l’autre de ces deux voies
collecte de ces données (moyens en temps et en argent), la sera retenue, sans pour autant avoir été uniquement fondée sur la
connaissance de ces dernières nécessite la pleine collaboration des simple analyse comptable des flux d’entrée et de sortie d’une ACV.
industriels impliqués, ce qui, pour des raisons de manque
d’adhésion au but poursuivi (l’écolabellisation) ou de confidentialité
(mise à plat des procédés et communication des résultats) s’avère 3.2 Principaux types de critères
difficile à obtenir. Actuellement, faute de données concernant
l’ensemble des étapes du cycle de vie, certaines études se Les exigences d’un écolabel, qu’il s’agisse de la marque
contentent de la prise en compte des principaux matériaux « NF-Environnement » ou de l’écolabel européen s’expriment sous
constitutifs pour lesquels les données sont disponibles, et tentent, forme de critères de nature différente :
avec plus ou moins de succès, d’approcher les autres étapes du — les critères d’aptitude à l’usage : pour se positionner claire-
cycle de vie du produit. Ces approximations peuvent permettre ment comme des produits avant tout aptes à satisfaire les attentes
l’obtention de valeurs chiffrées précises mais celles-ci restent par- du consommateur en termes d’usage et d’efficacité, les produits
cellaires et souvent non représentatives. Or, comme dans tout essai écolabellisés doivent présenter des performances au moins égales
de quantification et de modélisation de phénomènes complexes, la à celles des produits courants appartenant à la même catégorie.
qualité des résultats ne réside pas dans la précision apparente des Cette obligation se traduit par des critères d’aptitude à l’usage, qui
valeurs, mais dans la rigueur avec laquelle les données ont été reprennent, quand elles existent, les normes et exigences en
collectées et traitées et dans la justesse des hypothèses successives vigueur dans le secteur considéré, ou, à défaut, essayent de forma-
retenues. liser au mieux des exigences d’aptitude à l’usage ;
Face à ces difficultés, plusieurs solutions sont envisageables. — les critères écologiques : dans l’objectif de limiter les impacts
L’une, radicale, consiste à ne réaliser des écolabels que pour les sur l’environnement des produits considérés, ces critères se tradui-
catégories de produits ne présentant pas ce type de difficultés... À sent par des exigences portant sur la composition des produits, sur
l’autre extrême, une seconde solution pourrait consister à se leurs procédés de fabrication, ou sur certaines qualités intrinsè-
ques du produit relevant de choix de conception (cf. § 3.3). Ils peu- ■ Critères liés à la durabilité des produits
vent également être centrés sur l’information du consommateur,
Exemple : rpérennité de l’offre : les pièces de rechange assurant
dans un souci de pédagogie, pour l’inviter à de meilleures prati-
la fonctionnalité de l’appareil devront être disponibles pendant une
ques environnementales lors de l’utilisation du produit et de son
période de 10 ans après la fin de production de l’appareil (NF-Environne-
élimination après usage.
ment aspirateurs-traîneaux).
La juxtaposition d’exigences d’efficacité (critères d’aptitude à
l’usage) et d’exigences environnementales (critères écologiques)
illustre l’une des caractéristiques essentielles des écolabels, bien ■ Critères d’exclusion ou de limitation d’une substance donnée
que celle-ci soit rarement explicitée. Il s’agit de la notion de Exemple :
« nécessaire et suffisant ». Cette notion tend à éviter une éventuelle
sous-efficacité des produits labellisés qui conduirait soit à une sur- • Absence de substances à base de cadmium, plomb, chrome VI,
consommation du produit pour satisfaire à l’usage souhaité, ce qui mercure et arsenic et de dibutyl, dioctyl ou di 2-éthyl-héxylphtalates et
en ferait perdre l’intérêt écologique, soit à un rejet par le absence de symbole de danger, ce qui interdit de fait les substances
consommateur de l’ensemble des produits écolabellisés suite à une pour lesquelles cet étiquetage réglementaire est obligatoire
mauvaise expérience sur un produit précis... À l’autre extrême, cette (NF-Environnement peintures, vernis et produits connexes).
notion s’oppose à la surefficacité de certaines générations de pro-
• Teneur en phosphates inférieure ou égale à 50 g par cycle de
duits, souvent synonyme de ponctions environnementales inutiles.
lavage (écolabel européen sur les détergents textiles).
Par exemple, à quoi servirait un produit particulièrement robuste,
qui présenterait des consommations en matières premières fortes
et une durabilité technique d’une dizaine d’années, si en pratique, ■ Critères concernant l’information : les informations exigées
les évolutions technologiques et les habitudes de consommation peuvent être destinées soit au consommateur (sensibilisation), soit
conduisent à le remplacer annuellement ? De même quel serait à des opérateurs impliqués lors de la valorisation du produit arrivé
l’intérêt d’un produit ménager pouvant techniquement résorber les en fin de vie (marquage d’identification des matériaux) :
taches les plus complexes, si cela se traduit par une agressivité
accrue au regard de l’environnement (difficulté à être dégradé une Exemple :
fois rejeté dans l’eau, par exemple), alors qu’en pratique son usage • Indication de la quantité nécessaire et suffisante de produit à
se limite au nettoyage de salissures courantes ? Toute la difficulté utiliser : exigence de recommandations sur l’emballage concernant
de l’approche réside dans la définition pratique du « nécessaire et l’utilisation de la lessive et son dosage (écolabel européen sur les
suffisant », la notion de superflu étant par nature subjective. détergents textiles).
• Identification visant à favoriser le recyclage : pour les
composés en matière plastique d’une masse supérieure à 50 g, un
3.3 Formalisation des critères écologiques marquage permanent doit permettre d’identifier les matières utilisées
(NF-Environnement composteurs individuels de jardin).
Selon la catégorie de produits considérée et l’approche retenue,
les critères écologiques sont de nature variées. La nature même
d’un critère résulte directement de considérations environnemen- ■ Critères liés à la conception des produits : actuellement peu
tales, mais son seuil et la sélectivité qui en découle sont le résultat présents dans les travaux d’écolabellisation, ces critères pourraient
d’un processus de concertation et de négociation itératif qui fait être amenés à se développer. Ils viseraient, par exemple, à accroître
appel aux différentes parties intéressées. la durabilité effective des produits soit en évitant leur remplacement
Nous nous limiterons ici à l’exposé de quelques exemples, étant total lors de la défection d’un élément les composant (notion de
entendu qu’un même écolabel juxtapose au final plusieurs types séparabilité et de réparabilité), soit en les préservant d’une
de critères écologiques. obsolescence trop rapide (possibilité de mise à niveau techno-
logique grâce à la modularité des équipements). Bien que souvent
■ Critères liés aux flux des sites de production (inventaire difficiles à formaliser, de tels critères sont d’ores et déjà intégrés au
comptable) niveau français pour des catégories comme l’ameublement ou les
blocs autonomes d’éclairage de sécurité.
Exemple : réduction des émissions de soufre : les émissions de
soufre dans l’air, résultant de la production de pâte ou de pâte et de La sélectivité finale de l’écolabel dépend de la combinaison des
papier ne doivent pas dépasser 1,5 kg de soufre par tonne sèche à l’air critères : le facteur limitant l’accessibilité à l’écolabel peut, soit être
(écolabel européen sur les papiers à copier). le résultat des différents critères, unitairement peu sélectifs mais
dont la combinaison conduit à une forte sélectivité finale, soit
■ Critères liés aux impacts potentiels (interprétation) résulter d’un ou deux critères particulièrement restrictifs, les autres
critères n’étant alors que des garde-fous, comme ceux, par
Exemple : réduction de la pollution de l’eau : la demande
exemple, qui ne font que reprendre la réglementation en vigueur.
chimique en oxygène (DCO) des rejets résultant de la production de
pâte ou de pâte et de papier ne doit pas dépasser 30 kg par tonne Au côté des critères unitaires (axés sur une seule caractéristique)
sèche à l’air (écolabel européen sur les papiers à copier). décrits ci-dessus, il existe des critères combinant plusieurs carac-
téristiques qui, au moyen d’un système de pondération préétabli,
■ Critères écologiques relatifs à l’usage du produit conduisent à attribuer au produit une note globale et à fixer une
Exemple : valeur plafond à cette dernière pour l’attribution de l’écolabel
(exemple : l’écolabel européen sur les papiers hygiéniques ou sur
• Économie d’eau et d’énergie : consommation d’eau inférieure l’hébergement touristique). Si ce type de critère apparaît aux uns
ou égale à 15 L et consommation d’électricité inférieure ou égale à
séduisant car pratique (il conduit à une classification unique des
0,23 kWh par kilogramme de linge sur la base du résultat obtenu pour produits : la note la plus faible correspondant au « meilleur »
le cycle « blanc 60 oC » (écolabel européen sur les laves-linge). produit ou au « pire » selon l’échelle retenue), il est jugé par
• Limitation du bruit : puissance acoustique inférieure ou égale à d’autres comme tout à fait discutable, tant dans sa construction
80 dBA, référence 1 pW (NF-Environnement aspirateurs-traîneaux). (addition algébrique de grandeurs hétérogènes et coefficients de
• Efficacité énergétique : les lampes fluorescentes compactes doi- pondération non explicites) que dans ses effets induits (phéno-
vent être de classe A en matière d’efficacité énergétique et présenter mène de compensation : un produit présentant une caractéristique
une intensité lumineuse supérieure à 70 % à la 10 000e heure d’utilisa- particulièrement mauvaise vis-à-vis d’un impact donné pourrait
tion (écolabel européen sur les ampoules électriques à culot unique). accéder à l’écolabel s’il minimise ses autres impacts).
Écolabel européen
• Amendements organiques et supports de culture
400 • Ampoules et tubes électriques
• Aspirateurs
• Chaussures
• Détergents pour lave-vaisselle
• Détergents pour textiles
200
• Hébergement touristique
• Lave-linge
• Lave-vaisselle
• Liquide vaisselle
• Matelas
• Nettoyants multi-usages et nettoyants pour sanitaires
0 • Ordinateurs
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 • Ordinateurs portables
• Papier graphique et papier pour photocopie
Chiffre d'affaires sortie usines • Papiers absorbants et papiers toilette
des produits portant l'écolabel • Peintures et vernis intérieurs
européen (en millions d'euros) • Produits textiles
Nombre d'entreprises Nombre de références vendues • Réfrigérateurs et congélateurs
titulaires de l'écolabel portant l'écolabel européen • Revêtements de sols (en dur : dalles, céramique...)
européen (en nombre de références) • Services de camping
• Téléviseurs
Figure 5 – Évolution de l’écolabel européen de 1998 à 2005
• ...
de ne pas savoir quoi faire, le manque de pression sociale, les importante : en effet, tandis que l’acheteur est invité à prendre en
contraintes financières, l’attente d’exemplarité de la part des insti- compte des objectifs de développement durable lors de la détermi-
tutions, l’invisibilité des bénéfices, le souci du moindre effort ou nation de ses besoins, la référence aux exigences des écolabels offi-
encore l’insuffisance des offres..., sont autant de raisons avancées ciels est proposée comme l’un des moyens de définir les
par les consommateurs pour ne pas adopter de comportement spécifications techniques du marché. Cette évolution vers une plus
environnemental malgré leur réel intérêt pour la protection de grande prise en compte de l’environnement dans l’achat public
l’environnement. constitue une tendance lourde et s’appuie sur des directives euro-
péennes récentes encore plus ambitieuses que les textes français
■ Le développement récent de politiques d’achats « durables », actuels.
tant au niveau d’organismes publics que d’entreprises privées, Dans ce contexte, l’avenir des écolabels apparaît aujourd’hui
devrait stimuler l’offre de produits de qualité écologique reconnue. favorable. Évolution des préoccupations environnementales des
Or, bon nombre des produits à destination des entreprises sont consommateurs, développement des stratégies d’écoconception
également à destination des ménages : le développement de la des entreprises et prise en compte du développement durable
demande des professionnels, privés ou publics, pourrait donc créer dans l’achat public sont autant de signes encourageants. Les
les marchés nécessaires à un plus grand investissement des fournis- écolabels, grâce à la fois à la rigueur qui fonde leur légitimité, à
seurs dans les produits de qualité écologique, investissement qui, leur processus concerté et transparent et à leur évolutivité,
par rebond, pourrait bénéficier également au marché grand public. pourraient bien se révéler comme l’un des outils les plus pertinents
Concernant spécifiquement les achats publics, qui correspondent à pour répondre aux attentes naissantes des marchés et orienter
quelque 10 % du PIB français, l’évolution du code des marchés notre société vers des modes de production et de consommation
(décret no 2006-975 du 1er août 2006) marque une inflexion plus durables.