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Note de synthèse 2023

LIMITES
PLANÉTAIRES
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Pôle Eco-conception
CCI Saint Etienne, photographie de ©Laurie Joanou
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TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ 4

LISTE DES FIGURES 5


5
INTRODUCTION 68

I. LE CADRE DES LIMITES PLANÉTAIRES 8


1. Présentation du cadre
2. Détermination de l’espace de fonctionnement sûr
9
3. La situation actuelle : où en sommes-nous ?

10
II. L’ÉCO-CONCEPTION ET SES STRATÉGIES AU SERVICE DE 13
L’ENVIRONNEMENT
12
1. L’éco-conception, une démarche bénéfique pour l’environnement 13
2. Les stratégies d’éco-conception et leurs limites
3. La question de la performance environnementale
en éco-conception 17

19
III. INTÉGRER LES LIMITES PLANÉTAIRES EN ÉCO-CONCEPTION 17
GRÂCE À L’AESA 20

1. Présentation de l’évaluation absolue de la soutenabilité


environnementale (AESA)
2. Justification de la méthode AESA choisie pour notre étude de cas
3. Présentation étude de cas avec application AESA : hypothèses
et résultats
4. Les questionnements soulevés par ce travail

IV. POSITIONNEMENT DU PÔLE ECO-CONCEPTION 25

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3
RÉSUMÉ
Les activités humaines constituent le premier facteur d’impact global sur les
systèmes terrestres. Le cadre des limites planétaires, qui a émergé en 2009, aide
à mieux comprendre les processus atteints à cause de nos activités, et aide à
quantifier l’état du système Terre afin d’obtenir un outil d’aide à la décision quant
aux décisions à entreprendre pour respecter les seuils écologiques de notre planète.

Dans le même temps, la démarche d’éco-conception est une des méthodes


employées pour réduire les impacts environnementaux de nos activités. Cependant,
rien ne garantit que la démarche d’éco-conception aboutisse à un système
(produit, service) qui ait des impacts suffisamment bas, assurant une performance
environnementale suffisante.

Le Pôle s’est proposé d’essayer d’intégrer des indicateurs de


performance environnementale dans le cadre d’une démarche
d’éco-conception, grâce au cadre des limites planétaires.

Une étude de cas basée sur une robe made in France a été l’occasion de tester
une nouvelle méthode d’évaluation environnementale : l’évaluation absolue de la
soutenabilité environnementale (AESA). Ce travail a permis de dégager un scénario
d’utilisation durable pour la robe.

Malgré les limites induites par l’AESA, elle constitue une façon d’opérationnaliser le
cadre des limites planétaires, afin de disposer d’un outil permettant aux entreprises
de savoir si leur système mis sur le marché est soutenable ou non, au regard des
limites planétaires.

REMERCIEMENTS

Le Pôle souhaite remercier Natacha Gondran, Mines Saint-


Etienne/Laboratoire Environnement Ville Société pour sa
précieuse contribution dans ces travaux de recherche.

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LISTE DES FIGURES
Figure 1 : La roue de stratégie de Brezet. 6

Figure 2 : Illustration du cadre des limites planétaires en 2022, d’après 9


Steffen et al., 2015, Personn et al., 2021, Wang-Erlandsson et
al., 2022. Adapté du rapport « La France face aux neuf limites
planétaires » publié par le Ministère de la Transition Ecologique.

Figure 3 : Illustration du concept d’espace de fonctionnement sûr, 10


frontière et limite planétaire. Source : A. Boutaud & N. Gondran,
adapté de Röckstrom et al., 2009, & Steffen et al., 2015.

Figure 4 : Les variables de contrôle associées au processus de réchauffement 11


climatique. Source : A. Boutaud & N. Gondran.

Figure 5 : La démarche d’éco-conception. 13

Figure 6 : Les étapes du cycle de vie à considérer dans une démarche 12


d’éco-conception.

Figure 7 : La méthode AESA en image. 18

Figure 8 : Illustration de l’application du principe égalitaire, puis du principe 20


du droit acquis, pour la répartition de l’espace de fonctionnement
sûr.

Figure 9 : Détails des différents rapports obtenus, lorsqu’on considère que 21


la robe est portée 38 fois par an.

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5
INTRODUCTION
Les organisations, et plus précisément les entreprises, s’intéressent à la démarche
d’éco-conception depuis les années 1990. Depuis, l’éco-conception a su s’imposer
comme une méthode permettant de réduire les impacts environnementaux
des biens et des services, appliquant différentes stratégies, dont une partie est
présentée ici dans la célèbre roue de Brezet :

0. Développer de nouveaux concepts 4. Optimiser la logistique


Repenser la façon de fournir le service Emballages réduits
Dématérialisation Emballages adaptés
Utilisation partagée Emballages moins polluants
Intégration de nouvelles fonctions Emballages réutilisation/recyclables
Optimisation fonctionnelle du produit Modes de transports
Biomimétisme Logistique optimisée, approvisionnements locaux

1. Séléctionner des matériaux à moindre 5. Réduire l’impact de la phase d’utilisation


impact Diminuer la consommation d’énergie
Moins toxiques Utiliser de l’énergie moins polluante/renouvelable
Renouvelables Réduire la consommation de consommables
Recyclés Consommables moins polluants
Recyclables Réduire la production de déchets
A contenu énergétique moindre Minimiser les pertes et gaspillages
Naturels

2. Réduire l’utilisation des matériaux 6. Optimiser la durée de vie d’un produit


Réduction en masse Durabilité et fiabilité d’un produit
Réduction en volume Faciliter la maintenance et l’évolution
Structure modulaire
Re-design des pièces pour optimiser la fonction
Penser au design (effet de mode, renouvellement)
Rationalisation / Diversité Renforcer le lien produit/utilisateur

3. Optimiser les techniques de production 7. Optimiser la fin de vie


Best Avaliable Technologie (BREF) Remise à niveau/refabrication
Réduire les étapes de production Réutilisable / Upcycling
Diminuer les consommations d’énergies Recyclage closed-loop
Choisir des technologies propres Désassemblage facilité
Réduire les déchets Biodégradation
Diminuer l’utilisation de consommables Incinération moins polluante
Choisir des consommables moins polluants

Figure 1 : La roue de stratégie de Brezet.

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6
L’application de ces pistes d’amélioration – en prenant en compte l’ensemble du
cycle de vie et en prêtant attention aux transferts d’impacts – garantit d’obtenir un
meilleur bilan environnemental comparé à une référence :
le système lui-même, un système concurrent, etc.

À partir de ces résultats, une organisation peut décrire son système comme étant
« éco-conçu », ce qui lui permet de valoriser sa démarche dans le cadre de sa
politique RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) ou de sa communication
environnementale.

L’éco-conception étant une démarche d’amélioration continue, un système (produit


ou service) éco-conçu ne le reste jamais indéfiniment. En effet, les améliorations
successives du système rendent obsolètes les systèmes issus des précédentes
démarches d’éco-conception. Ceci donne l’opportunité à une organisation de se
challenger pour innover, et de gagner en maturité pour se perfectionner.

Dès lors, on peut se demander si ces améliorations successives sont suffisantes pour
répondre aux enjeux actuels de préservation de la biosphère pour un développement
durable. Serait-il possible d’écoconcevoir dans le but de respecter la biosphère ?

Finalement, comment utiliser les limites planétaires comme référence d’éco-


conception pour définir ce qu’est un produit éco-conçu ?

Le Pôle Éco-conception vous propose cette note de synthèse


dans le but de vous présenter ses pistes de réflexion pour
intégrer des critères de performance environnementale
dans les offres produit/service, à l’aide du cadre des limites
planétaires.

Cette note a été réalisée dans le cadre d’un stage de recherche


pour le Master Sciences de l’Évaluation Environnementale
et des Risques porté par l’École des Mines de Saint-Étienne,
encadré par Natacha Gondran, professeure en évaluation
environnementale et spécialiste des limites planétaires et de
la soutenabilité écologique, et Samuel Mayer, directeur du
Pôle Éco-conception Performance du Cycle de vie, le centre
français d’expertise, de compétences et connaissances sur
l’éco-conception.

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I. LE CADRE DES LIMITES
PLANÉTAIRES
1. PRÉSENTATION DU CADRE
L’intensification des activités humaines (agriculture,
industrie, transport, etc.), et les pressions exercées sur
la nature qui en découlent (destruction et dégradation
des milieux naturels, accumulation de gaz à effet de
serre, surconsommation de ressources naturelles,
érosion de la biodiversité, etc.), ont fortement impacté
notre environnement.

Les scientifiques s’accordent même à dire que nous


sommes passés de l’ère de l’Holocène à celle de
l’Anthropocène.

En d’autres termes, nous sommes sortis de l’ère


caractérisée par sa stabilité climatique ayant permis
à l’humanité de se développer, pour entrer dans une
ère où les humains constituent le premier facteur
de changement sur Terre, dépassant les forces
géophysiques.

A partir de ce constat, il devient alors nécessaire de connaître les paramètres dont


la Terre dépend afin d’être habitable.

Les chercheurs et chercheuses du Stockholm Resilience Centre en Suède, menés par


Johan Rockström et Will Steffen, ont donc créé le cadre des limites planétaires
en 2009. Le but de ce groupe de travail a été de considérer le « système Terre » et
d’identifier ses principaux processus de régulation et de résilience. En tout, neuf
processus environnementaux majeurs ont été identifiés, tous interconnectés et
interdépendants.

Ils peuvent être séparés en deux catégories, en fonction de la portée de leurs effets
en cas de perturbation de leurs équilibres :

a. Les processus dont les effets se manifestent à l’échelle planétaire,


qui menacent de déséquilibrer le système Terre :

• Le changement climatique
• L’appauvrissement de l’ozone stratosphérique
• L’acidification des océans

b. Les processus dont les effets sont plus localisés, mais qui exercent une
influence sur la capacité de la planète à faire face aux perturbations, réduisant
ainsi sa résilience :

• La perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore


• La perturbation des cycles de l’eau
• Le changement d’affectation des sols
• L’atteinte à l’intégrité de la biosphère (biodiversité génétique et fonctionnelle)
• L’introduction de nouvelles entités dans l’environnement (pollution chimique)
• La charge atmosphérique en particules et aérosols

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8
Figure 2 : Illustration du cadre des limites planétaires en 2022, d’après
Steffen et al., 2015, Personn et al., 2021, Wang-Erlandsson et al., 2022.
Adapté du rapport « La France face aux neuf limites planétaires » publié par le
Ministère de la Transition Ecologique.

Ces processus permettent, lorsqu’ils sont quantifiables, de définir un « espace de


fonctionnement sûr et juste pour l’Humanité ». Il s’agit de définir différents
seuils permettant d’identifier les zones à risque, les niveaux de pressions desquels il
faut se tenir éloigné pour que la Terre reste propice à la vie humaine.

La Terre fonctionne de telle façon que, même si les limites ne sont pas dépassées, il
y a quand même des signaux annonciateurs de dérèglement des équilibres naturels.
Il suffit de seulement se rapprocher de la limite, sans forcément la franchir, pour
d’ores et déjà observer des effets concrets de perturbation du système Terre.

La gravité de ces effets augmente de façon exponentielle à partir du moment où


l’on sort de l’espace de fonctionnement sûr. C’est pourquoi il est judicieux de se tenir
éloigné de la limite pour empêcher l’apparition de ces phénomènes. L’application
de ce principe de précaution nous donne alors un seuil à respecter pour rester dans
un environnement sûr : la frontière planétaire.

La limite planétaire représente un point de bascule qui fait passer le système Terre
vers un état moins propice à la vie humaine. Le respect des frontières planétaires
permet donc, inévitablement, de respecter les limites planétaires, mais également
de ne pas subir les conséquences de la perturbation des équilibres des 9 processus
cités plus haut.

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9
Le respect des frontières est d’autant plus important quand on sait que le
dépassement d’une limite planétaire est irréversible : impossible de « se rattraper ».

En résumé : la Terre possède plusieurs limites à ne pas dépasser, pour tout un


ensemble de processus. Il faut faire attention à se tenir éloigné de ces limites
sous peine de subir les conséquences du dérèglement des équilibres, avant
même que la limite soit atteinte.

Pour maximiser les chances de ne pas atteindre la limite planétaire, il faut respecter
la frontière planétaire. Pour les scientifiques, la frontière planétaire est donc la
barrière entre l’espace de fonctionnement sûr et la zone à risque.

Par application du principe de précaution, cette frontière correspond à la borne


inférieure de l’intervalle d’incertitude (quand celui-ci peut être calculé).

L’ensemble des seuils des frontières planétaires constitue alors ce qu’on appelle
l’espace de fonctionnement sûr et juste pour l’Humanité, le Safe Operating Space.

PROCESSUS ÉCOLOGIQUE
Régulation planétaire, avec des seuils continentaux ou planétaires

Espace opérationnel
de sécurité

Zone d’incertitude,
risque accru
( ex. 350 ppm CO2)

Niveau dangereux,
risque élevé
(ex. 550 ppm CO2)

Figure 3 : Illustration du concept d’espace de fonctionnement sûr, frontière et limite


planétaire. Source : A. Boutaud & N. Gondran, adapté de Röckstrom et al., 2009, &
Steffen et al., 2015.

Reste à savoir comment quantifier les processus identifiés précédemment afin de


déterminer les seuils à respecter pour rester dans un espace de fonctionnement sûr !

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2. DÉTERMINATION DE L’ESPACE DE
FONCTIONNEMENT SÛR
La quantification des processus permet une appréhension complète des enjeux liés
aux limites planétaires.

D’une part, elle établit une base solide d’indicateurs, définissant ainsi les seuils
fondamentaux qui distinguent la zone à risque de l’espace de fonctionnement sûr.

D’autre part, cette quantification nous fournit une échelle de comparaison, nous
permettant de prendre pleinement conscience de la gravité des dépassements
pour les processus concernés. Elle joue également un rôle crucial dans la prévention
de l’aggravation de la situation pour les autres processus.

La quantification devient ainsi un outil d’aide à la décision, guidant le choix de


mesures préventives, afin de maintenir ou de rétablir des seuils de pression
acceptables pour la planète.

Comment quantifier un processus ?

Il est nécessaire d’attribuer une ou plusieurs variable(s) de contrôle au processus.


Il s’agit d’un facteur qui permet d’agir sur un processus, et, in fine, sur le système
Terre. C’est une composante que l’on peut réguler pour minimiser les risques de
dépassement des seuils critiques et maintenir l’équilibre environnemental.

Prenons le processus de réchauffement climatique, pour lequel les


scientifiques ont sélectionné deux variables de contrôle :

• la concentration de CO2 dans l’atmosphère (en partie par million – ppm)


• le forçage radiatif (en W/m2).

Figure 4 : Les variables de contrôle associées au processus de réchauffement


climatique. Source : A. Boutaud & N. Gondran.

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11
À chaque variable de contrôle est donc associée (selon les travaux de Steffen
et al., 2015) :

• un intervalle d’incertitude dans lequel se situe la limite planétaire, avec comme


borne inférieure la frontière planétaire : 350 ppm ; 1 W/m²
• le niveau actuel de pression : 410 ppm ; 2,72 W/m² en 2021 d’après le GIEC (400
ppm ; 2,3 W/m² en 2015 d’après Steffen et al., 2015).

Pour chaque paramètre, les scientifiques ont déterminé différents seuils à


considérer :

• Le seuil représentant la frontière entre l’espace de fonctionnement sûr et la


zone d’incertitude, qui est une zone à risque.
• Le seuil représentant le passage de la zone de risque à la zone de danger.
La nuance réside dans le fait qu’au-delà de ce seuil, la limite planétaire a été
franchie avec certitude, et que les effets sur l’environnement sont décuplés.

3. LA SITUATION ACTUELLE : OÙ EN
SOMMES-NOUS ?
Au fur et à mesure des années et du progrès scientifique, de nouvelles limites
planétaires ont pu être quantifiées. Le travail effectué au Pôle Eco-conception se
base sur le cadre conceptuel des limites planétaires tel que défini par Steffen et al.,
2015.

Aujourd’hui, on considère que 6 des 9 frontières ont été dépassées :

• Le changement climatique : frontière planétaire dépassée


• L’appauvrissement de l’ozone stratosphérique : frontière planétaire non
franchie
• L’acidification des océans : frontière planétaire non franchie
• La perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore : limites
planétaires dépassées
• La perturbation des cycles de l’eau :
• eau bleue : frontière planétaire non franchie
• eau verte : frontière planétaire dépassée
• Le changement d’affectation des sols : frontière planétaire dépassée
• L’atteinte à l’intégrité de la biosphère :
• biodiversité génétique : limite planétaire dépassée
• biodiversité fonctionnelle : limite non quantifiée
• L’introduction de nouvelles entités dans l’environnement : limite planétaire
dépassée
• La charge atmosphérique en particules et aérosols : limite non quantifiée

Respecter les frontières planétaires revient donc à aligner nos actions sur les
possibilités offertes par la Terre.

Le défi pour l’Humanité est donc de réussir à vivre dans les frontières planétaires.
Ce concept doit donc pouvoir s’intégrer dans un ensemble d’activités de
production :

• Secteur primaire : l’exploitation de ressources naturelles ;


• Secteur secondaire : transformation de matières premières (industries
manufacturières, construction, …) ;
• Secteur tertiaire : les services marchands et non marchands.

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II. L’ÉCO-CONCEPTION
ET SES STRATÉGIES
AU SERVICE DE
L’ENVIRONNEMENT
1. L’éco-conception, une démarche
bénéfique pour l’environnement
L’éco-conception est une démarche qui cherche à concilier les impératifs liés à
la production et à la commercialisation d’un système (produit, service) avec la
nécessité de préserver notre environnement. La norme ISO 14006 définit l’éco-
conception comme une « approche méthodique qui prend en considération les
aspects environnementaux du processus de conception et développement dans
le but de réduire les impacts environnementaux négatifs tout au long du cycle de
vie d’un produit ».

L’objectif d’une démarche d’éco-conception est donc de parvenir à un système


(produit, service) offrant un service équivalent à la référence choisie, tout en
réduisant son impact environnemental.

Une démarche d’éco-conception doit suivre les étapes présentées dans le


schéma ci-dessous :

Figure 5 : La démarche d’éco-conception.

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13
Une démarche d’éco-conception réussie s’appuie sur différents principes.
Tout d’abord, le système étudié doit satisfaire les besoins des personnes utilisant le
système, tout en garantissant une réduction de ses impacts environnementaux
négatifs.

Il est également nécessaire de considérer un ensemble de parties prenantes,


internes comme externes, afin de maîtriser au mieux la chaîne de valeur du
système.
Le degré d’implication des parties prenantes jouera alors un rôle dans la stratégie
d’éco-conception choisie, en accord avec la réduction d’impact visée.

L’éco-conception s’intéresse à l’ensemble des étapes du cycle de vie du système,


de l’extraction des matières premières à la fin de vie, en passant par la fabrication,
la distribution et l’utilisation. Pour chacune de ces étapes, il est nécessaire de
considérer les impacts du système sur l’environnement.

Figure 6 : Les étapes du cycle de vie à considérer dans une démarche


d’éco-conception.

Et en parlant d’impacts, ceux-ci peuvent être de nature très diverse : consommation


de ressources, émissions de gaz à effet de serre, pollution de l’eau et de l’air,
dégradation des sols, altération des écosystèmes, perte de la biodiversité, etc.
En éco-conception, on considère un ensemble de critères d’impacts
environnementaux, grâce à différents outils d’évaluation de l’impact
environnemental : checklists, matrices indice écologique, analyse du cycle de vie,
etc.

Les caractères multi-étapes et multicritères de la démarche d’éco-conception


permettent alors de piloter les transferts d’impact, que ce soit d’une étape du
cycle de vie à une autre ou d’un critère d’impact à un autre.

Enfin, la capacité à négocier des compromis se révèle indispensable dans une


démarche d’éco-conception. Ces compromis sont la clé pour obtenir un juste
équilibre entre les exigences en matière de performance environnementale du
système, la rentabilité de l’entreprise, les contraintes réglementaires, et d’autres
paramètres.

Il est important de retenir ici que toute entreprise peut se lancer dans une démarche
d’éco-conception. La stratégie que la structure adoptera pourra dépendre de son
niveau d’expérience dans ce domaine et des objectifs de réduction des impacts
environnementaux, tels que définis par l’équipe projet.
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2. Les stratégies d’éco-conception
et leurs limites
Les stratégies d’éco-conception adoptées par les entreprises peuvent être
regroupées en plusieurs catégories :

• L’idée de faire mieux avec moins, avec la réduction de la quantité de


ressources à utiliser, un approvisionnement circulaire grâce à l’utilisation de
matériaux recyclés, recyclables, éviter l’utilisation de ressources fossiles, …

• L’augmentation de la durée de vie du système mis sur le marché : réparation,


réutilisation, reconditionnement, remanufacturing, …

• L’intensification de l’usage : plutôt que de se concentrer sur la vente d’unités


individuelles, les fabricants adoptent des modèles économiques axés sur la
prestation de services ou la mise à disposition des produits en tant que service,
la vente de services mutualisées, …

• Un modèle économique qui cherche à s’affranchir du schéma traditionnel qui


lie le volume des ventes au bénéfice économique, pour tendre vers l’économie
de la fonctionnalité avec un modèle économique basé sur la vente de biens et
de services pour assurer une performance d’usage.

L’approvisionnement circulaire est une stratégie qui devient rapidement


obsolète. Pourquoi ?

Après plusieurs itérations de la stratégie d’éco-conception d’approvisionnement


circulaire, on peut atteindre une limite mécanique ou technique. Cela signifie que,
même avec des améliorations continues, il peut devenir difficile d’atteindre des
gains supplémentaires significatifs en termes d’efficacité ou de réduction d’impact
environnemental.

Une autre limite réside dans le fait que la boucle ne peut pas être infinie sans perdre
en qualité au fil du temps. Par exemple, les cycles de recyclage successifs ont pour
conséquence la perte de qualité de la matière. Chaque étape de recyclage peut
entraîner une dégradation progressive des propriétés physiques ou chimiques des
matériaux, ce qui peut limiter leur réutilisation ou recyclage ultérieur.

À un certain point, la qualité peut atteindre un niveau où les matériaux ne sont


plus adaptés à une utilisation dans des produits exigeant des normes élevées,
notamment en termes de sécurité.

Cette réalité met en évidence une tension entre la durabilité à court terme, obtenue
par la réduction de la demande de nouvelles matières premières, et la durabilité à
long terme, qui est limitée par la qualité et la durabilité des matériaux recyclés.

Les limites des stratégies relevant de l’optimisation de la phase d’utilisation quant à


elles relèvent du comportement de la personne consommant le système (produit,
service). La rapidité avec laquelle les consommateurs perçoivent un produit comme
obsolète peut contrecarrer les efforts d’allongement de la durée de vie. Si une
technologie est dépassée, il devient difficile d’allonger la durée de vie du produit. Si
le coût de la réparation est peu incitatif, cela encouragera plus à se tourner vers le
remplacement que la réparation.

Enfin, le comportement des consommateurs, notamment la propension à surutiliser


les produits et à ne pas en prendre soin, peut contrebalancer les gains potentiels
d’intensification de l’usage avec ce qu’on appelle des « effets rebonds ».

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15
Ces limites, plus ou moins nombreuses en fonction de la stratégie, sont la raison
pour laquelle la notion de « performance environnementale » du système éco-
conçu est essentielle.

En effet, le gain environnemental ne sera pas le même en fonction de la stratégie


employée. Il est nécessaire de ne pas se limiter à un seul type de stratégie, notamment
l’approvisionnement circulaire, sous peine de rapidement atteindre un seuil de
performance au-delà duquel il sera difficile d’obtenir des gains environnementaux
suffisamment importants.

De plus, il n’existe pas de définition de système (produit, service) éco-conçu, à part


pour les produits couverts par des écolabels dont on peut vérifier que le produit
a bien fait l’objet d’une démarche d’éco-conception, avec un bon pilotage des
transferts de pollution.

3. La question de la performance
environnementale en éco-conception
La question à se poser, concernant les limites des différentes stratégies, concerne
alors la notion de « système éco-conçu ». En effet, il n’existe à ce jour aucune exigence
quant à la performance environnementale attendue en sortie de processus d’éco-
conception. De plus, rien ne garantit qu’un système éco-conçu soit en phase avec
les seuils des limites planétaires.

C’est pourquoi nous avons travaillé à l’intégration d’indicateurs de performance


environnementale dans une démarche d’éco-conception, grâce au cadre des
limites planétaires : comment définir un système éco-conçu par le prisme des
limites planétaires ?

La stratégie choisie a été de réaliser une évaluation absolue de la soutenabilité


environnementale d’un produit, afin d’en déterminer le caractère soutenable ou
non soutenable.

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III. INTÉGRER LES LIMITES
PLANÉTAIRES EN
ÉCO-CONCEPTION
GRÂCE À L’AESA
1. Présentation de l’évaluation absolue
de la soutenabilité environnementale
(AESA)
Le cadre des limites planétaires est, comme son nom l’indique, applicable à une
échelle globale. Pour qu’il puisse nous servir en éco-conception, il faut donc adapter
son échelle pour savoir comment analyser si un système respecte les limites
planétaires ou non, pour définir ainsi son caractère éco-conçu.

L’évaluation absolue de la soutenabilité environnementale, en anglais Absolute


Environmental Sustainability Assessment (AESA), est une approche qui découle
du cadre des limites planétaires. Le but de cette nouvelle méthode est d’estimer si
un système respecte ou non les limites planétaires.

C’est un concept qui découle du besoin de quantifier les pressions et les impacts
exercés par l’humanité sur la planète. La méthode AESA combine l’évaluation
environnementale et le cadre des limites planétaires – les limites physiques de la
planète au-delà desquelles il y a un risque de perturbation grave et irréversible
des systèmes terrestres qui soutiennent la vie – pour déterminer si l’impact d’un
système respecte les niveaux de pressions anthropiques que les systèmes naturels
peuvent supporter.

En effet, l’AESA est novatrice et pertinente dans le sens où elle permet de savoir si
un système permet de rester dans les limites planétaires, contrairement à d’autres
méthodes d’analyses qui ne permettent que de savoir si un système est relativement
plus soutenable qu’un autre système de référence. L’analyse n’est plus relative mais
absolue : soit on est soutenable soit on ne l’est pas.

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L’AESA se déroule en deux grandes étapes :

• Une première étape qui consiste à réaliser l’évaluation environnementale


d’un système défini, pour obtenir une vision détaillée des différents impacts
du système. À ce stade de la démarche, c’est l’ACV qui est la plus utilisée car
elle permet de quantifier les impacts environnementaux selon plusieurs
catégories d’impacts, plus ou moins en lien avec les limites planétaires.

• La seconde étape de l’AESA consiste à attribuer une allocation, une « part de


l’espace de fonctionnement sûr » (share of Safe Operating Space), ou encore
une fraction de la « capacité de charge » (Carrying Capacity) du système Terre.
En d’autres termes, il s’agit de définir un « budget », un « reste à émettre »,
une « autorisation d’impact maximale » que le système donné peut avoir
sur l’environnement sans compromettre la résilience du système Terre.
Ces attributions doivent répondre à une logique, c’est pourquoi il est nécessaire
de s’appuyer sur des principes de partage (sharing principles), qui eux-mêmes
découlent des théories de justices distributives.

Figure 7 : La méthode AESA en image.

L’application de la méthode AESA en éco-conception pourrait donc se faire à


plusieurs niveaux. Elle permettrait de savoir si le système, tel qu’obtenu à la fin de
la démarche, participe ou non au dépassement des limites planétaires.
Ce dépassement, ou non dépassement, conditionnerait alors l’appellation « éco-
conçu » du système.

Cette méthode pourrait aussi permettre de challenger les pistes d’éco-conception


au regard des limites planétaires, durant l’étape d’idéation de la démarche d’éco-
conception.

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18
2. Justification de la méthode AESA
choisie pour notre étude de cas
Il existe aujourd’hui deux grandes méthodes pour réaliser une AESA. Ces deux
méthodes utilisent l’outil d’ACV (Analyse du Cycle de Vie) pour réaliser l’évaluation
environnementale afin de déterminer les impacts réels du système étudié.

Une première approche consiste à calculer des facteurs de normalisation d’ACV


qui soient conformes aux recommandations fournies par l’International Life Cycle
Data handbook, le manuel regroupant les données internationales sur le cycle de
vie, produit par le Centre commun de recherche (JRC) de la Commission européenne.
Cette méthode a été pensée pour s’adapter aux catégories d’impacts en ACV. Ce
qui veut dire que les « budgets écologiques » sont calculés avec les mêmes unités
que les impacts calculés en ACV.

La particularité de cette méthode est donc qu’elle permet d’obtenir un « reste à


émettre » qui soit soutenable, pour des catégories d’impacts qui sont parfois
éloignés des processus naturels mentionnés dans les limites planétaires.

Par exemple, il existe un « reste à émettre » pour des catégories telles que
l’utilisation de ressources minérales et métalliques, alors que la raréfaction des
ressources (combustibles fossiles et ressources minérales) ne fait pas partie des
limites planétaires. En effet, elle n’est pas considérée comme une menace pour la
stabilité du système Terre.

L’idée est de calculer le rapport entre les impacts et l’allocation définie par personne,
en adoptant une approche basée sur le principe égalitaire. Ensuite, cette allocation
peut être ajustée en intégrant d’autres principes de partage. Ceci permet d’adapter
le « budget écologique » pour qu’il reflète au mieux la réalité du système, en tenant
compte des enjeux spécifiques, du secteur d’activité, etc.

Cette approche vise à obtenir un «reste à émettre» qui reflète fidèlement la


réalité, en tenant compte des enjeux environnementaux spécifiques et des efforts
nécessaires pour rendre le système étudié véritablement soutenable.

La seconde méthode consiste à réaliser une ACV basée sur les limites planétaires.
Cette approche vise à estimer les impacts d’un système en employant les unités
utilisées pour mesurer les variables de contrôle des limites planétaires. Cela requiert
une adaptation dans la façon de réaliser l’ACV. En effet, il faut alors déterminer la
fonction d’usage et la durée de vie du produit pour que la collecte des données
d’inventaire fournisse des résultats exploitables, pour pouvoir appliquer la méthode.

Dans le même temps, cette méthode impose d’attribuer une part de l’espace
de fonctionnement sûr au système étudié, en partant de l’échelle globale,
internationale. L’adaptation des limites planétaires à une échelle plus restreinte
s’impose. Cette descente d’échelle peut être réalisée en ayant recours aux principes
de partage mentionnés plus tôt.

Pour simplifier, la première méthode consiste à réaliser une ACV classique puis
de normaliser les résultats en utilisant des facteurs représentant la part d’espace
de fonctionnement sûr par personne, pour différentes catégories d’impacts.
La seconde méthode fait en sorte d’adapter l’ACV pour que les résultats soient
traduisibles dans les métriques des limites planétaires.

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Pour l’étude de cas qui va suivre, la première méthode a été adoptée car elle
permettait de conserver les indicateurs classiquement utilisés dans ce genre d’études.
En effet, il était plus réalisable de conduire une AESA en se basant directement sur
des résultats d’ACV obtenus dans le cadre des travaux d’accompagnement du Pôle
Eco-conception.

Cette méthode d’évaluation absolue de la soutenabilité environnementale a été


appliquée sur un projet de type TREMPLIN, proposé par l’ADEME.

3. Présentation d’une étude de cas avec


application AESA : hypothèses et résultats

Dans le cadre d’un projet TREMPLIN, le Pôle a été sollicité pour réaliser l’Analyse de
Cycle de Vie simplifiée d’une robe de la marque Laurence Glorieux.

Les résultats d’ACV simplifiée ont permis d’obtenir les impacts


environnementaux de la robe selon 6 catégories d’impacts :

• Appauvrissement de la couche d’ozone (kg éq. CFC-11)


• Utilisation de ressources minérales et métalliques (kg éq. Sb)
• Changement climatique (kg éq. CO2)
• Acidification (mol éq. H+)
• Eutrophisation eaux douces (kg éq. P)
• Formation d’ozone photochimique (kg éq. COVNM)

A ce stade, la première étape de l’AESA a été réalisée. Il est ensuite question de


comparer les impacts de la robe sur une année, à sa part d’impact autorisé pour un
an également.

Tout d’abord, il est question d’estimer l’impact environnemental qu’une robe


fabriquée et portée en France peut avoir, autrement dit la place que peut prendre
la robe dans le « reste à émettre » par personne. L’idée est de pouvoir répartir la
capacité de charge de la planète – la charge maximale de pollution qu’elle peut
supporter tout en respectant les limites planétaires – entre toute la population
mondiale, de façon égale.

Ensuite, il s’agit de répartir ce reste à émettre de façon à obtenir un « budget »


spécifique à la robe, compris dans le « reste à émettre » personnel.

C’est à cette étape que les facteurs de normalisation entrent en jeu. Ces facteurs
ont été calculés grâce aux travaux d’un laboratoire de l’Union européenne (JRC) qui
a publié un ensemble de facteurs de normalisation qui sont, pour la plupart, dérivés
des limites planétaires.

Les données sont disponibles ici.

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On peut considérer qu’un facteur de normalisation, pour une catégorie d’impact
donnée, représente la part d’espace de fonctionnement sûr qui pourrait être
accordée à chaque personne afin de respecter les limites planétaires, en faisant
l’hypothèse que tout le monde produit la même quantité d’émission par personne.
C’est notre « budget écologique personnel », une part de ce qu’on peut émettre.

Ceci permet de répartir l’espace de fonctionnement sûr entre chaque être humain.

Ensuite, plusieurs hypothèses ont été appliquées afin d’avoir un « budget écologique
personnel » plus précis car propre à la robe.

Ce « budget personnel » doit pouvoir être utilisé pour différents usages : se loger, se
nourrir, se déplacer, etc. Il a donc été réparti de façon à estimer un budget spécifique
pour subvenir au besoin de « se vêtir », en prenant en compte les émissions passées
des différents secteurs d’activité.

Cadre des limites planétaires : Application du principe du droit accuis :


un espace de fonctionnement sûr répartition du budget individuel selon
pour l’ensemble de la population la part de responsabilité sectorielle dans
les impacts globaux

Application du principe égalitaire :


attribution d’une part égale par personne
de l’espace de fonctionnement sûr

Part exprimée en unité compatible avec les


unités des catégories d’impacts en ACV

Figure 8 : Illustration de l’application du principe égalitaire, puis du principe du droit


acquis, pour la répartition de l’espace de fonctionnement sûr.

Le « budget écologique » attribué à ce besoin doit ensuite être réparti entre tous les
habits d’une même garde-robe personnelle. En effet, le budget par habit dépend
du remplissage de la garde-robe.

Une garde-robe simple permettra de répartir le « reste à émettre » pour le besoin


de se vêtir entre peu de vêtement. En revanche, un problème se pose pour une
garde-robe fournie, qui résulte en une répartition du budget entre beaucoup de
vêtements, donc un budget par habit moins important.

En somme, le « budget écologique » pour la robe sera moins important si l’on


considère qu’une personne possède beaucoup de tenues. A l’inverse, cette même
robe pourrait avoir un budget plus important si la personne a une garde-robe
raisonnée : on a un même budget à se répartir entre moins de vêtements.

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Le remplissage d’une garde-robe est directement lié à la fréquence d’utilisation
des vêtements : moins une personne possède de vêtements, plus elle devra les
porter souvent tout au long de l’année et effectuer un roulement. Une personne
qui possède beaucoup de vêtements, elle, aura l’occasion de changer de tenue
beaucoup plus souvent, et donc les vêtements seront moins portés durant l’année.

Pour traduire cette notion de garde-robe remplie ou sobre, l’hypothèse appliquée


a été la suivante : une journée dans l’année représente une tenue, et chaque tenue
est portée le même nombre de jour, sans notion de préférence.

Ceci permet d’obtenir différentes fréquences d’utilisation pour un vêtement. En


faisant varier cette fréquence, on obtient alors un « reste à émettre » plus ou moins
important pour la robe. Une fréquence d’utilisation importante permet d’obtenir
un budget plus important, et vice-versa.

Les résultats

L’étude AESA réalisée ici a donc permis d’effectuer le rapport entre l’impact annuel
de la robe, selon 6 catégories d’impacts, avec les budgets calculés à partir des limites
planétaires correspondantes.

Le rapport suivant est calculé pour chaque catégorie d’impact :

: impact de la robe, ramené à l’année, pour les 6


catégories d’impact.

: population mondiale de 2020.

: part d’espace de fonctionnement sûr attribuée à la robe


(« budget », « reste à émettre » pour la robe).

: espace de fonctionnement sûr (Safe Operating Space).

: les catégories d’impacts (6 au total).

: part du secteur textile dans les émissions de GES mondiales (6,7%).

: fréquence d’utilisation de la robe pendant un an.

Au vu des hypothèses appliquées ici, le seul facteur sur lequel il est possible d’agir
pour obtenir un rapport R égale ou inférieur à 1 est le facteur β, lié à la fréquence
d’utilisation de la robe. Avec R ≤ 1, on s’assure que les impacts de la robe sont
inférieurs ou égaux à leur « budget associé ».

L’ensemble de ces hypothèses permet de dire qu’il faut porter la robe 38 fois
par an minimum pour qu’elle soit soutenable, pour l’ensemble des catégories
d’impact étudiées.

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SCÉNARIO DURABLE : LA ROBE
CATEGORIE D’IMPACT
EST PORTÉE 38 JOURS/AN

Appauvrissement de la couche d’ozone


6,61E-04
(kg éq.CFC-11)

Utilisation de ressources minérales


7,19E-02
et métaliques (kg éq.Sb)

Changement climatique
1,00E+00
(kg éq.CO2)

Acidification (mol éq.H+)


2,53E-02

Eutrophisation eaux douces (kg éq. P)


4,36E-02

Formation d’ozone photochimique


2,59E-02
(kg éq.COVNM)

Figure 9 : Détails des différents rapports obtenus, lorsqu’on considère que


la robe est portée 38 fois par an.

4. Les questionnements soulevés


par ce travail
Ce premier travail de recherche comporte des limites de par l’utilisation de l’outil
d’ACV pour l’évaluation des impacts environnementaux, et de par l’application de
l’AESA, objet de recherche nouveau qui n’est pas encore stabilisé.

L’Analyse du Cycle de Vie est l’outil le plus complet actuellement pour quantifier
les impacts environnementaux d’un système avec un périmètre précis et une unité
fonctionnelle qui lui est propre. Cet aspect peut être critiqué dans la mesure où l’ACV
devient alors assez subjective et dépend grandement des hypothèses appliquées
dès la première étape. L’ACV nous donne une modélisation à l’instant t, une image
de ce que sont les impacts environnementaux en lien avec une problématique
spécifique, en fonction du contexte de l’étude. L’ACV est donc elle aussi relative car
ses résultats dépendent des situations et des données d’entrée.

L’ACV ne permet pas non plus de disposer d’une priorité sur la criticité des impacts.
D’autant plus que tous les impacts sur l’environnement ne sont pas pris en compte,
notamment sur la biodiversité qui constitue une des limites planétaires largement
dépassée.

L’ACV fait perdre de l’information sur la localisation des impacts. Or, ceci est un
critère important car certaines limites sont quantifiées à l’échelle régionale. L’impact
d’un système pourrait donc participer au dépassement des seuils écologiques sur
une région donnée et/ou un espace localisé.

Aussi, une des limites de l’ACV à prendre en compte réside dans l’accessibilité de
ce type d’outil. En effet, l’ACV n’est pas réalisable pour toutes les organisations
car elles n’ont pas forcément les connaissances ou les ressources nécessaires pour
s’approprier la méthode et maîtriser les outils d’ACV disponibles (logiciel et base de
données).

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Ensuite, des limites accompagnent aussi la méthode AESA car c’est une méthode
d’évaluation environnementale récente. Les données permettant la descente
d’échelle des limites planétaires pour s’adapter à l’échelle du système sont limitées,
ce qui conditionne le choix des principes de partage utilisés ici.

Le résultat de l’AESA est à la fois dépendant des résultats d’ACV et de ses hypothèses,
et aussi des hypothèses appliquées afin de répartir l’espace de fonctionnement sûr
à la bonne échelle.

Les principes de partage eux-mêmes sont sujet à discussion. La notion de ce qui


est « juste » peut être représentée selon plusieurs principes différents : égalitaire,
utilitaire, responsabilité historique, etc. Il n’existe pas aujourd’hui une seule « bonne
façon » de se répartir l’espace de fonctionnement sûr, mais plusieurs façons qui
peuvent être discutées et confrontées pour en analyser les points forts et les failles.

Cette étude de cas comporte toutefois des perspectives intéressantes.


Contrairement à d’autres méthodes d’évaluation environnementale, l’AESA nous
permet de savoir si une robe est soutenable ou non, en fonction de l’utilisation
qu’en fait le client.

La plupart des méthodes d’évaluation visent une réduction d’impact relative par
rapport à une référence. Il n’y a aucune garantie que cette réduction soit suffisante
pour respecter les limites planétaires.

L’AESA, quant à elle, donne une distinction entre ce qui est soutenable et ce qui
ne l’est pas, indépendamment de toute référence liée au système évalué. Le but
n’est plus de faire « mieux », mais de faire « assez bien » pour que les frontières
et les limites planétaires soient respectées. Cette qualité peut être intéressante
à exploiter lors de la comparaison de solutions d’éco-conception afin de savoir
laquelle respecte son allocation d’espace de fonctionnement sûr.

L’AESA a donc pu être appliquée dans le cadre d’un premier diagnostic en éco-
conception. Ceci ouvre la porte à des possibilités pour fusionner une approche
absolue de la soutenabilité environnementale avec une démarche d’éco-conception.

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IV. POSITIONNEMENT DU
PÔLE ÉCO-CONCEPTION
Le cadre des limites planétaires est de plus en plus partagé et atteint aujourd’hui
des audiences diverses, tant chez les citoyens que chez les organisations, soucieuses
de leurs impacts sur l’environnement.
En effet, il y a actuellement une demande croissante pour aller vers plus de
soutenabilité afin de respecter les seuils écologiques de notre planète, dans de
nombreux secteurs d’activité.

La question qui se pose alors concerne la meilleure façon d’intégrer ces limites
globales à l’échelle du système (produit, service, système), de façon pertinente et
opérationnelle.

Pour le Pôle, l’intérêt de l’intégration de ces limites planétaires en éco-conception


réside dans le fait qu’elles représentent un véritable outil d’aide à la décision pour
tendre vers des systèmes soutenables.

La discussion est ouverte avec les organisations afin de déterminer les attentes
concernant la meilleure façon de tendre vers le respect des frontières planétaires
au sein des activités humaines.

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