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ROGER MUCCHIELLI

Les méthodes
actives

dans la pédagogie
des adultes
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La collection Formation Permanente a été créée, en 1966, par Roger


Mucchielli, agrégé de philosophie, docteur en médecine et docteur ès lettres
en sociologie et psychologie. Elle est dirigée depuis 1981 par Lionel Bellenger,
responsable pédagogique au groupe HEC et intervenant à Polytechnique,
par ailleurs fondateur de la société de conférences et formations IBEL.
Riche de plus de 200 titres, la collection Formation Permanente s’adresse
à tous ceux qui s’intéressent à la psychologie sociale ou veulent concevoir
eux-mêmes leur formation continue.
La formule originale des ouvrages permet à chacun de travailler sur les contenus
théoriques et pratiques et d’effectuer en permanence son perfectionnement.
Véritable outil d’auto-formation, chaque titre est rédigé par un expert recon-
nu qui apporte au lecteur les éléments de réponse indispensables pour
renforcer au quotidien ses compétences et ses savoir-faire.
Depuis 50 ans le succès de la collection ne se dément pas, les ouvrages les plus
célèbres étant régulièrement réédités et mis à jour par leurs auteurs.

Le présent ouvrage a été traduit


en allemand (Otto Muller Verlag, Salzbourg)
en espagnol (Editorial Diana, Mexico)
en portugais-brésilien (Livraria Martins Fontes Editora, Sao-Paulo)

© 1972 ESF Éditeur


SAS Cognitia
35, rue Godot de Mauroy
75009 Paris

13e édition 2016


ISBN 978-2-7101-3212-7
ISSN 0768-2026

www.esf-scienceshumaines.fr

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a), d’une part,
que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une
utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple ou
d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement
de l’auteur ou ses ayants droit, ou ayants cause, est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou repro-
duction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les arti-
cles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
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Comment tirer le meilleur parti de cet ouvrage?

Cet ouvrage a pour vocation de vous accompagner dans votre développement pro-
fessionnel et personnel.
Pour remplir au mieux ces missions, il est constitué de 3 parties :
1 — La première partie, « Comprendre les enjeux », vous apporte les éclairages
indispensables pour :
3 acquérir une vue d’ensemble de la thématique ;
3 maîtriser la méthodologie ;
3 et découvrir les outils appropriés.

2 — La deuxième partie « Mettre en pratique » vous permet de vous entraîner, et


grâce aux exercices proposés, d’approfondir et d’assimiler la thématique développée
tout au long de l’ouvrage. Les corrigés, quant à eux, permettent de faire le point sur
la progression engagée et d’entamer un travail de réflexion personnel.
3 — La dernière partie « Pour aller plus loin » vous propose :
3 une bibliographie ;
3 un lexique lorsque cela est pertinent ;
3 un programme de session de formation pour les profession-
nels qui souhaiteraient monter un stage de formation ;
3 un index.
Pour profiter au mieux des ressources de cet ouvrage, l’auteur a conçu un plan
d’autoformation personnalisé qui vous conduira, étape par étape, à la maîtrise du
sujet traité. Ce plan d’autoformation se trouve page suivante.
Bien entendu, vous pouvez également choisir de découvrir cet ouvrage de façon habi-
tuelle, en vous appuyant sur la table des matières que vous trouverez en page 5.

N ous espérons que cet ouvrage vous rendra les meilleurs services dans vos
activités professionnelles et personnelles. N’hésitez pas à nous écrire pour
nous faire part de vos remarques, critiques et suggestions :
ESF Sciences humaines
20, rue d’Athènes
75009 Paris
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Plan d’autoformation

Cet ouvrage est pour la pratique des méthodes en relation étroite avec
La conduite de réunions, avec La méthode des cas et avec L’interview de groupe.
Dans un premier temps, travaillez avec le présent ouvrage selon le
plan de formation ci-dessous, en ne vous reportant aux autres ouvrages
que lorsque c’est indiqué.
Ce premier travail doit vous prendre 1 ou 2 mois selon le temps dont
vous disposez (faites en moyenne 1 point ou 2 de ce plan d’autoformation,
par semaine). Laissez passer ensuite 1 mois et recommencez en élargissant
votre formation avec certains ouvrages spécialisés cités dans la bibliographie.

1 Lisez l’introduction et le chapitre 1.

2 Faites l’exercice 1 B, et multipliez les expériences à ce propos.


Essayez, si possible, de réaliser en famille la situation décrite dans
l’exercice 1 A variante 2 et réfléchissez sur vos observations.

3 Faites, après un temps, l’exercice 2.


Lisez le protocole de l’exercice 3 et essayez de prévoir les réactions
des participants. Éventuellement vous pouvez réaliser cette situa-
tion avec un groupe d’amis complaisants et prévenus des buts.

4 Lisez ensuite le chapitre 2, sections 1 et 2.


À partir de là, notez vos observations en toutes occasions d’écoute
d’une conférence ou de spectacle d’un film d’information.
Commencez à vous interroger sur la différence entre l’information
par le film (moyen audiovisuel) et l’information par conférence.

5 Lisez le chapitre 2, section 3, puis faites l’exercice 4 et terminez la


lecture de le chapitre 2.
Réunissez une documentation sur les machines à enseigner, allez
voir un centre ou une faculté qui utilise une de ces machines.
Cherchez à vous familiariser (lectures conseillées) avec la program-
mation d’un enseignement.

6 Faites l’exercice 5, première et deuxième partie.

4
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7 Lisez le chapitre 3 en entier.


Pour vous familiariser avec la conduite de groupe en étude de cas,
faites l’exercice 7 de l’ouvrage La méthode des cas.
Quoique ces exercices vous éclairent sur la technique de l’anima-
tion, ces clartés restent inutiles tant que vous n’avez pas vaincu, par
ailleurs, une éventuelle peur du groupe. Sur ce dernier point,
apprenez à intervenir de manière spontanée et décontractée dans
les réunions de groupe (professionnels, politiques, syndicaux, etc.)
des diverses associations auxquelles vous appartenez.

8 Lisez le chapitre 4, sections 1, 2 et 3.


Réunissez une documentation sur les moyens audiovisuels, demandez
les catalogues des organismes diffuseurs de films de formation (adres-
ses à la fin de la bibliographie). Reprenez vos remarques antérieures
sur le film d’information et analysez l’impact particulier de ce moyen
à l’occasion d’autres observations (utilisant la télévision).
Cherchez à voir une salle équipée d’un circuit intérieur de télévi-
sion, et, si possible, à observer des stagiaires qui suivent une forma-
tion dans ces conditions.
Visitez un Institut d’apprentissage des langues vivantes équipé de
moyens audiovisuels (cabines individuelles avec magnétophone et
autocontrôle).

9 Faites l’exercice n° 7, A et B et lisez la section 4 du chapitre 4.


Réunissez effectivement une documentation biographique et histo-
rique sur les créateurs et sur les grandes inventions.
Participez si possible à un brainstorming. À défaut, renseignez-vous
sur ce type de réunion (consultez Osborn, op. cit., ou lisez le chapi-
tre 4 de l’ouvrage La conduite des réunions. Un exercice de conduite
de brainstorming y est également proposé).

10 Lisez le chapitre 5, section 1.


Essayez d’établir, selon ce schéma un plan de formation complet
qui serait applicable à des stagiaires désireux de se former au poste
que vous occupez, la durée de cette formation étant fixée de façon
optimale par vous (ce qui suppose par contrecoups que vous fixez
le niveau des entrants).

11 Lisez le protocole des exercices 8 et 9, et ensuite la section 2 du chapi-


tre 5.

12 Faites l’exercice 10 et lisez les sections 3 et 4 du chapitre 5 ainsi que


la conclusion générale.

5
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Table des matières

Comment tirer le meilleur parti de cet ouvrage ? . . . . . . . . . . . . . . . . 3

Plan d’autoformation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

1re partie – Comprendre les enjeux


Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Chapitre 1. Spécificité de la pédagogie des adultes . . . . . . . . . . . . . 13
1. Le long passé de l’éducation des adultes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2. L’inadéquation des méthodes scolaires traditionnelles . . . . . . 19
3. Les principes d’une pédagogie spéciale pour adultes . . . . . . . . 25
4. Les problèmes particuliers du perfectionnement
des formateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
5. Pour conclure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
Chapitre 2. De l’information-spectacle
à l’enseignement programmé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
1. Caractéristiques de la communication pédagogique . . . . . . . . 38
2. L’information-spectacle et ses insuffisances . . . . . . . . . . . . . . . 46
3. Comment rendre plus efficaces les conférences
et films d’information? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
4. Les machines à enseigner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
Chapitre 3. Les « méthodes actives » dans la formation . . . . . . . . . . 63
1. La pédagogie du learning ou formation par l’apprentissage . . . 64
2. Les méthodes de découverte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
3. Les méthodes actives proprement dites . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
4. L’utilisation du groupe dans la pédagogie active . . . . . . . . . . . 81
Chapitre 4. Psychopédagogie des motivations et de la créativité. . 89
1. La manipulation des motivations en situation pédagogique . . . 90
2. Revue des motivations pédagogiquement exploitables . . . . . . . 96
3. Les moyens audiovisuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
4. La créativité et la pédagogie de la créativité . . . . . . . . . . . . . . . 107
5. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117

Chapitre 5. Quelques problèmes pratiques dans la formation


des adultes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
1. Comment établir un plan de formation ? . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
2. Comment contrôler la situation pédagogique ? . . . . . . . . . . . . 131
3. Comment contrôler le changement visé par la formation ? . . . 138
4. Comment organiser l’autocontrôle
et l’autoperfectionnement des enseignants et formateurs ? . . . 142

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147

7
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2e partie – Mettre en pratique


Exercice 1. La perception des connaissances supposées
et des facteurs d’erreur chez l’élève. Un jeu de rôle . . . 151

Exercice 2. Effets du blâme, de la louange et de l’absence


d’information sur les performances . . . . . . . . . . . . . . . . . 157

Exercice 3. Les effets du feed-back


et de l’absence de feed-back . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160

Exercice 4. Vraie et fausse méthode interrogative . . . . . . . . . . . . . . . 165

Exercice 5. Comparaison des méthodes pédagogigues . . . . . . . . . . 168

Exercice 6. Motiver un groupe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174

Exercice 7. Apprentissage et créativité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178

Exercice 8. Une expérience de non-directivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180

Exercice 9. Une étude de cas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182

Exercice 10. Un questionnaire docimologique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185

Corrigés des exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189

3e partie – Pour aller plus loin


Programme d’un stage de formation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201

Lexique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223

Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229

8
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Première partie

COMPRENDRE LES ENJEUX


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Introduction

L a loi du 3 décembre 1966 engageait les premières étapes de l’institu-


tion officielle de l’éducation permanente et amorçait la coordination
des actions de formation. Deux ans plus tard, la loi du 31 décembre 1968
étendait le système d’indemnisation des stagiaires dans des conditions tel-
les que le droit à la formation permanente était pratiquement formulé.
L’accord national interprofessionnel du 9 juillet 1970 sur la formation et
le perfectionnement professionnel reconnaît et organise le droit à des
congés de formation.
Un avenant de 1971 à l’accord du 9 juillet 1970, introduit par les orga-
nisations professionnelles et syndicales, assimile aux autorisations
d’absence pour suivre une formation, les autorisations d’absence deman-
dées par les cadres et les agents de maîtrise en vue d’enseigner. Enfin, par
la loi de juillet 1971, le financement est prévu de sorte que depuis 1976,
2 % des salaires payés par les entreprises et organismes sociaux vont au
financement des actions de formation, ce qui représente plusieurs
milliards de francs lourds.

Avertissement

Le contexte législatif auquel il est fait allusion dans cet ouvrage de référence date
des premières éditions, l’auteur Roger Mucchielli, ayant disparu en 1981.

L’article premier de cette loi du 16 juillet 1971 précise clairement les


objectifs : « La formation professionnelle permanente constitue une obli-
gation nationale. Elle comporte une formation initiale et des formations
ultérieures destinées aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie

11
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Comprendre les enjeux

active ou s’y engageant. Ces formations ultérieures constituent la forma-


tion professionnelle continue. La formation professionnelle continue fait
partie de l’éducation permanente. Elle a pour objectif de permettre l’adap-
tation des travailleurs au changement des techniques et des conditions de
travail, de favoriser leur promotion sociale par l’accès aux différents
niveaux de la culture et de la qualification professionnelle, et leur contri-
bution au développement culturel, économique et social. »
Ainsi la formation continue intéresse brusquement tous les citoyens,
hommes et femmes qui font partie de la « population active », c’est-à-dire
qui assument des rôles socioprofessionnels effectifs, et qui croyaient être
définitivement « sortis de l’école ».
Des centaines de milliers d’adultes (le nombre des stagiaires est passé
de 60 000 en 1968 à 1 735 000 en 1978) vont avoir à acquérir ou à perfec-
tionner leur qualification tout en assurant leur promotion personnelle, et
des dizaines de milliers d’enseignants, chevronnés ou improvisés, vont
avoir à assurer le rôle nouveau de formateurs d’adultes.
Le branle-bas général va s’intensifier, et même si, dans un avenir
proche, la spécialité d’enseignant d’adultes est créée, et si des écoles de
formation de formateurs d’adultes sont instituées, une longue période de
tâtonnements a commencé en 1972 et se prolonge.
Étant donné ces faits et dans l’esprit dans lequel la formation des
adultes est réclamée et mise sur pied, les méthodes actives sont les plus
indiquées pour susciter la capacité d’autodéveloppement et la créativité,
qualités premières des professionnels d’aujourd’hui et de demain.
Encore faut-il les connaître et les adapter à la pédagogie des adultes ; c’est
l’objet du présent séminaire destiné aux formateurs.

12
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1
CHAPITRE

Spécificité de la pédagogie
des adultes

O n peut s’interroger sur la possibilité conceptuelle d’une « pédago-


gie des adultes » (puisque par étymologie la pédagogie est l’art
d’enseigner les enfants), et préférer (comme le propose Pierre Goguelin)
le mot d’andragogie. En pratique, la différenciation n’est jamais poussée
bien loin et l’on assiste à des conséquences attristantes tel par exemple le
transfert pur et simple, en pédagogie des adultes, de méthodes d’ensei-
gnement primaires et traditionnelles (c’est-à-dire concrètement l’exposé
du maître avec pour aides la craie et le tableau, ceci devant le groupe
disposé comme à l’école communale), telle aussi l’inverse (qui est très à la
mode depuis la réforme de 1969) qui consiste à considérer tous les élèves
comme des adultes, y compris les enfants de 10 ans et à instituer des
« méthodes nouvelles » (le groupe en autoformation par exemple) valables
seulement en pédagogie des adultes.
Beaucoup de difficultés se dissolvent lorsqu’on analyse la spécificité de
l’enseignement des adultes.

1. Le long passé de l’éducation des adultes


Quoiqu’elle n’ait pas encore défini ses méthodes, la pédagogie des
adultes a défini ses clients et ses objectifs depuis bientôt deux siècles, si
l’on fait de Condorcet, avec son rapport de 1792, le père de l’éducation
permanente.

13
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Comprendre les enjeux

1.1 Au temps des Lumières


Voici le projet (présenté par le Comité de l’instruction publique à
l’Assemblée nationale) en 1792 :

« L’instruction doit être universelle, c’est-à-dire s’étendre à tous les


citoyens. Elle doit, dans ses divers degrés, embrasser le système entier
des connaissances humaines et assurer aux hommes, dans tous les âges
de la vie, la faculté de conserver leurs connaissances et d’en acquérir de
nouvelles. On instruira le peuple des lois nouvelles, des observations
d’agriculture, des méthodes économiques qu’il lui importe de ne pas
ignorer : on lui montrera l’art de s’instruire lui-même. »

Tous les mots clés sont dans ce texte : l’éducation permanente sous la
formule « conserver ses connaissances et en acquérir de nouvelles à tous
les âges de la vie »,… la relation de la formation continue avec les réalités
et les nécessités de l’existence et le métier à l’âge adulte, ceci dans l’ex-
pression « ce qu’il lui importe de ne pas ignorer », faisant allusion à la
législation, à l’agronomie et à l’économie politique,… et même le slogan
promis à un grand avenir apprendre à apprendre, que Condorcet appelle
« l’art de s’instruire soi-même ».

1.2 Au siècle de l’industrialisation


Les Anglais, à la fin du XVIII siècle, avaient mis sur pied des écoles
e

pour adultes (celle de Nottingham s’ouvre en 1798) avec le souci pra-


tique d’apprendre à lire aux gens, et de leur enseigner ensuite ce qu’ils
avaient besoin de savoir pour leur métier et pour leur promotion. Ces
Adults Institutions servent en 1815 de modèle pour un projet français,
attribué à Guizot, instituant des « classes d’adultes ».
Dès 1830, d’anciens polytechniciens créent « l’Association polytech-
nique d’instruction populaire », et cette idée est suffisamment dans l’air à
l’époque pour que personne ne s’étonne en 1831 des initiatives d’un ex-
enseignant célèbre de l’École polytechnique, Auguste Comte, instituant à
ses propres frais les cours pour adultes dans les mairies de Paris, avec un
programme bien étudié puisqu’il s’agissait de les amener à la sociologie
(le mot sera créé par Auguste Comte avec des implications politiques en
1840) en commençant par les mathématiques et en enchaînant, selon
« l’ordre historique, dogmatique et logique », par l’astronomie, la phy-
sique, la chimie, la biologie.
Les intellectuels sont alors tellement excités pour l’éducation des adultes
que je m’étonne que quelqu’un n’ait pas trouvé à l’époque la méthode de la
formation par la démultiplication (1 adulte en forme 10, ces 10 en forment
10 chacun, soit 100,… ces 100 en forment 1000 et ainsi de suite en progres-
sion géométrique) qui couvre les 10 millions d’adultes actifs… en 7 relais.

14
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Spécificité de la pédagogie des adultes

D’autant plus surprenant que Fourier, par ailleurs inventeur de l’utilisation


des motivations pour l’attribution des fonctions sociales, étendait avec un
principe analogue son socialisme à la planète entière en cinq ans. Ceci se
serait passé, si on l’avait écouté, entre 1830 et 1835.
À partir du milieu du XIXe siècle, le mouvement d’éducation univer-
selle se divise en deux courants qui vont connaître des destins séparés :
d’une part l’idéologie socialiste persévère dans sa visée d’éducation du
peuple, ce qui nous donnera vers la fin du siècle le populisme, puis le
mouvement dit des Universités populaires créé dans les premières années
du XXe siècle, à peu près à la même époque que les Cercles d’études du
Sillon,… qui se prolongeront après 1920 par les Équipes Sociales. « En
1902, écrit Benigno Caceres (in Histoire de l’éducation populaire), il y avait
47 universités populaires à Paris, 48 en banlieue et une cinquantaine en
province dont celles de Brest (animée par C. Guieyesse) et de Rennes, où
une intime fusion s’était opérée peu à peu entre étudiants et ouvriers ».
Puis après la guerre de 14-18, se développe le Mouvement des compa-
gnons de l’université nouvelle d’orientation socialo-communiste. Plus
concrets mais issus du même souci d’éducation populaire sont la création,
en 1920, des ciné-clubs, et les développements après la Deuxième guerre
mondiale, des associations de culture populaire dont Peuple et Culture, et
les autres institutions parmi lesquelles l’Institut de culture populaire,
Tourisme et Travail, etc. Plus près de nous, après 1968, la vieille idée
d’université populaire est redécouverte par les nouveaux socialistes qui
croient alors l’inventer. On parla aussi d’« Universités d’été ».
La seconde branche se développa séparément, en dehors de l’idée
d’éducation du peuple et de tout but politique, et se centra de façon très
réaliste sur les nécessités de la formation des adultes et de la promotion
professionnelle.
En Angleterre, en hommage à un apôtre de l’éducation des tra-
vailleurs, John Ruskin (1819-1900), est fondé à Oxford en 1899 le Ruskin
College (qui fonctionne toujours).
Dès 1865 s’organisent en France les cours du soir au Conservatoire
national des arts et métiers de Paris.
Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique sous Napoléon III
lance une campagne d’instruction des adultes. Son compte rendu en
avril 1866 reflète son enthousiasme personnel.

Un compte rendu enthousiaste (extrait) :


« 30 000 instituteurs se sont mis résolument à l’œuvre. Ils ont ouvert, dans
22 947 communes, 22 980 cours d’adultes pour les hommes et 1 706 pour
les femmes, au total 24 686 écoles nouvelles où chacun d’eux a donné
en moyenne 140 heures de leçons. Ces cours ont été suivis par

15
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Comprendre les enjeux

552 938 hommes et 42 567 femmes dont le plus grand nombre était arrivé
à l’âge où l’expérience de la vie fait sentir vivement le regret de l’instruc-
tion négligée ou perdue. Plus de 3/5e de ces cours sont gratuits… »
(Victor Duruy, 1866).

1.3 Au XXe siècle


En 1919, la loi Astier prévoit que tous les jeunes en apprentissage dans
les entreprises doivent recevoir des cours professionnels d’enseignement
technique.
En avril 1928, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris décide la
création d’une école de perfectionnement dans l’administration des affai-
res, et entre en liaison avec la Business School de Harvard. En 1930, l’école
est créée sous le nom de Centre de préparation aux affaires, et elle devien-
dra par la suite le Centre de perfectionnement dans l’administration des
affaires, premier institut de promotion et de formation d’adultes qui fonc-
tionne toujours, et a même connu de grands développements (toutes les
universités ont aujourd’hui un institut d’administration des entreprises).
En 1936, le gouvernement organise la promotion sociale, aussi bien
professionnelle par la création de ce qui deviendra la FPA, formation pro-
fessionnelle accélérée, (cf. p. 67) que syndicale et ouvrière avec les
Collèges du travail et les Écoles normales ouvrières. En 1946, le gouver-
nement crée une direction générale de l’Éducation populaire et des
Sports, en avril 1948 sont mis sur pied les Cours de perfectionnement
pour la Promotion du Travail.
En 1949, commence aux USA la floraison des programmes de perfec-
tionnement des cadres, et, en France, est créé cette même année l’Institut
français pour la formation et le perfectionnement des chefs (IFPC). En
1953, au XIe Congrès international de psychologie (Paris), l’idée de « for-
mation dans l’entreprise » est au programme et apparaît, malgré les réti-
cences, comme un des rôles possibles du psychologue industriel.
Au niveau international, on s’occupe de l’éducation des adultes et une
division « éducation des adultes » est créée à l’Unesco (en 1979, le direc-
teur en est un Tanzanien, son bureau est à Paris 1).
En 1956, l’expression « promotion sociale » est remplacée par celle
d’« éducation permanente » dans le projet Billières, alors ministre de
l’Éducation nationale. Il faisait suite à un avant-projet préparé par
P. Arents, définissant l’éducation permanente.

1. L’Unesco édite régulièrement un bulletin d’information sur l’éducation des adultes dans les divers pays du monde.

16
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Spécificité de la pédagogie des adultes

L’éducation permanente selon P. Arents

1) « Un prolongement naturel de l’enseignement ».


2) « Un perfectionnement professionnel et technique à tous les niveaux ».
3) « Un moyen de protection de l’homme contre les effets déshumanisants
de la technique et des propagandes ».
4) « Une promotion du travail et un reclassement de certains adultes ».

En 1959 est publiée la loi du 31 juillet, charte de la Promotion sociale


en France ; elle organise la formation continue en 3 degrés :
1) la préparation du CAP par les apprentis et adultes en un ou deux ans
de cours du soir ou par demi-journées prises sur l’horaire de travail;
2) la promotion professionnelle des ouvriers qualifiés qui pourront
devenir techniciens en deux ou trois ans ;
3) la promotion supérieure du travail (par laquelle les techniciens
deviendront ingénieurs en trois ou quatre ans).
Cette même loi prévoit la formation-promotion pour les agriculteurs.
En 1962, un service spécial de la Promotion sociale est créé auprès du
Premier ministre pour harmoniser les initiatives dans ce domaine, mais
déjà depuis longtemps le Centre universitaire de coopération écono-
mique et sociale de Nancy, sous l’impulsion de Schwartz, avait lancé la
notion d’éducation permanente et systématique en proposant la forma-
tion par la démultiplication ou par progression géométrique permettant
la prise en charge autonome de la formation continue par les entreprises
elles-mêmes.
« Il s’agit, écrit B. Schwartz (dans le numéro spécial de la revue Esprit
sur « La réforme de l’université » en 1956), dans une première phase de
former des hommes dont la plupart deviendront des instructeurs et qui,
dans une seconde phase, formeront à leur tour d’autres hommes qui eux-
mêmes deviendront instructeurs et ainsi de suite… C’est probablement la
seule méthode qui permette en un temps limité (par exemple dix ans)
d’embrasser des ensembles considérables : toute une entreprise, toute
une industrie, toute une région. »
La notion de formation permanente (après celle de formation conti-
nue et d’éducation permanente) prend corps. Louis Armand et Michel
Drancourt l’avaient mise en avant en 1961 (dans Plaidoyer pour l’avenir) et
ils écrivaient :

17
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Comprendre les enjeux

« Nul doute que dans l’histoire de la formation, la période où l’ins-


truction a été concentrée sur la jeunesse sera considérée comme paléo-
culturelle 2… Tous les adultes doivent être aujourd’hui concernés, et il
faut repenser la manière dont sont distribuées les connaissances. Dans
une première étape, il faut apprendre à apprendre… La formation per-
manente est le seul moyen… ».
Depuis 1967, le Conseil de l’Europe et plus spécialement son Conseil
de la coopération culturelle (CCC) multiplie les colloques et les rapports
sur l’éducation permanente dans les États de la Communauté.
Avec l’avènement de l’ère des ordinateurs qui représente réellement
le début d’une révolution technologique comparable à l’apparition du
machinisme industriel au XVIIIe siècle,… l’idée s’implante que nous vivons
une période de changement accéléré (« période d’accélération », « de
mutation », etc.), et qu’il faut « rester dans la course » pour ne pas être
éliminé. La notion de « recyclage » est à la mode.
Les mass-média ont joué un rôle évident dans cette mobilisation géné-
rale des esprits, sans apporter pour autant les solutions espérées. Je veux
dire que les communications de masse se sont développées d’une manière
fantastique depuis la fondation en 1836 du premier journal à bon marché
(le quotidien La Presse) par Émile de Girardin.
La multiplication des journaux, des cinémas (les frères Lumière inven-
tent le cinématographe en 1894, la première salle de cinéma s’ouvre à Paris
en décembre 1895, il y a plus de 200 000 salles de cinéma en France en
1979), l’invention de la radio (la TSF entre dans le domaine commercial
dès 1903 à la suite des réalisations de Marconi), la télévision (issue en 1923
des travaux de Belin, la première émission expérimentale ayant lieu en
France en 1932), qui prend, à partir de 1948 (date de l’inauguration des
premières émissions sur 849 lignes) une extension extraordinaire
(15 millions de récepteurs télé en France en 1979)… tout cela a submergé
le monde d’informations, a intensifié le besoin de savoir, a diffusé instanta-
nément les nouveautés, les découvertes et les réalisations techniques, mais
n’a pas réellement eu le rôle formateur que l’on était en droit d’espérer.
Le décalage entre l’instant historique de la découverte scientifique ou
technique, de la réalisation industrielle ou artistique… et l’instant de sa
connaissance (comme information-spectacle) par une masse d’individus,
décalage qui était autrefois de plusieurs générations, est aujourd’hui de
quelques heures, et cela contribue fortement à façonner le sentiment que
chaque professionnel est « dépassé ». L’avantage traditionnel des anciens

2. C’est-à-dire relevant d’un âge préhistorique de la culture.

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Spécificité de la pédagogie des adultes

sur les jeunes se dissout tous les jours un peu plus. Les idées de recyclage
périodique et de formation permanente prennent de plus en plus un
caractère d’urgence.
C’est dans ce lointain courant et dans ce contexte que les lois récentes
parues en 1970 et en 1971 font obligation à tous les organismes sociaux et
professionnels, et pratiquement à tous les corps de métier, de prévoir et
d’organiser la formation permanente de leur personnel, et instituent pour
les employés le droit à la formation. D’où le grand branle-bas depuis 1972 3.
Ajoutons, car ceci est aussi important que la lutte contre la stagnation
et la routine, que la formation permanente apparaît comme le moyen le
plus efficace – et peut-être le seul – de lutter contre le processus de
bureaucratisation, maladie maintenant diagnostiquée comme mortelle
pour toute société et pour tout organisme social.

2. L’inadéquation
des méthodes scolaires traditionnelles
Quoique la nécessité de la formation des adultes n’ait fait aucun doute
depuis deux siècles et qu’elle soit aujourd’hui acceptée comme une
urgence, la solution du problème sur le plan méthodologique reste étran-
gement nébuleuse.
L’image de l’École – ou, au mieux, de l’Université – s’impose avec une
insistance d’autant plus extravagante que la preuve est faite (depuis
qu’on essaye) que la transposition de la pédagogie de type scolaire ou
universitaire aux adultes est un échec.
Il est temps de considérer cet échec comme un fait (et non comme un
hasard ou comme un scandale), d’en analyser les causes et de mettre sur
pied une méthodologie spéciale de la pédagogie des adultes.

2.1 La mentalité des adultes


Les raisons sont pourtant simples à cerner pour qui veut bien s’arra-
cher à la fascination de la pédagogie telle qu’elle est pratiquée à l’école
primaire, au lycée ou à l’université.
 Nous appelons « adultes » les hommes et les femmes qui ont plus de
23 ans et qui sont entrés dans la vie professionnelle, assumant des rôles
sociaux actifs et des responsabilités familiales, ayant déjà une expérience

3. Une « Agence nationale pour le développement de l’éducation permanente » a été créée le 1er janvier 1973 en rem-
placement de l’Institut National de formation des adultes, qui avait été créé en 1963.

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Comprendre les enjeux

directe de l’existence. Si par surcroît nous les supposons normaux, nous


considérerons qu’ils sont sortis du type de relations de dépendance et de
« mentalité » caractéristiques de l’enfance et de l’adolescence, qu’ils ont
accédé à un autre type de relations sociales d’interdépendance, qu’ils se
sont pris en charge eux-mêmes dans l’organisation de leur vie et de leur
« horizon temporel » (de leurs projets personnels et sociaux) et qu’ils
ont, avec un réalisme et un pragmatisme efficients, une conscience suffi-
sante de leur insertion sociale, de leur situation, de leurs potentialités et
de leurs aspirations.
Cela implique qu’ils n’ont plus ni la vie protégée (intrafamiliale) de
l’enfance, ni la splendide marginalité des étudiants, à l’instruction et aux
loisirs desquels les contribuables consacrent 15 000 F par tête et par an.
 Caractères généraux de la mentalité des adultes. Au plaisir de la
découverte expérimentale du monde inconnu, plaisir à peine contreba-
lancé par l’apprentissage du « savoir de base » dans la discipline de l’école
primaire,… aux plaisirs de l’imagination romantique des adolescents et
des étudiants (car les étudiants ordinaires de nos universités, ceux qui
n’ont pas encore d’insertion professionnelle et qui ont entre 18 et 23 ans,
sont des adolescents) reconstruisant le monde selon leur fantaisie et leurs
rêves… s’est substitué chez les « adultes » le souci de vivre dans ce monde
et d’y tracer leur route personnelle après avoir découvert qu’« on ne peut
pas faire n’importe quoi, n’importe comment ni à n’importe quel
moment » (selon la belle formule de Gaston Berger).
À ce réalisme, à ce sens de soi, du présent et de la relativité du projet,
s’associent des handicaps de plus en plus sévères avec l’âge :
– la curiosité universelle, celle de l’enfance, s’estompe… ;
– l’impression de possibilités infinies, celle de l’adolescence s’éteint… ;
– l’intelligence, qui culmine en valeur absolue, entre 13 et 17 ans,
baisse, et compense ses pertes par une plus grande capacité d’organi-
sation de l’acquis… ;
– les rôles sociaux marquent la personnalité et, sous certains aspects,
la déforment, risquent même de l’étouffer… ;
– les motivations (les besoins, les sentiments, les aspirations, les atten-
tes) changent… ;
– la plasticité du Moi, ses pouvoirs d’adaptation quasi illimités, se rétré-
cissent, et, à la place, un certain équilibre défensif s’installe ; les résis-
tances au changement se font de plus en plus fortes.
Ces caractéristiques générales, qu’il convient de compléter par les
données de la psychologie différentielle des sexes et des âges de la vie,
aussi bien que par la psychologie de la personnalité (esquissée dans le
séminaire Les complexes personnels, chapitre 2), font déjà comprendre l’ina-

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Spécificité de la pédagogie des adultes

déquation des méthodes de l’école, du lycée ou des universités, dans la


pédagogie des adultes. Elles permettent, de plus, d’entrevoir d’autres
méthodes plus adaptées.

2.2 Les raisons de l’échec


des méthodes scolaires
On a quasi irrésistiblement tendance à appliquer le système tradition-
nel – et même le plus archaïque – parce qu’il est simple et commode, et
parce que l’on conçoit l’enseignement des adultes comme devant combler
les lacunes d’une instruction insuffisante.

 Force et stabilité de l’image de la classe traditionnelle

Le système est simple et commode : un magister compétent (ou sup-


posé tel) expose et explique ce qu’il sait à des élèves qui sont là justement
pour l’apprendre. Apprendre, dans ce système, c’est mémoriser des
connaissances ou des séquences de « gestes techniques » dont le maître
donne le modèle (dont il est le modèle). Naturellement le maître pense
que cela servira par la suite aux élèves, soit au niveau de leur « culture
générale », soit en vue d’une activité sociale future qui reste dans le vague
au moment considéré.
 Le contenu et la forme. Cette conception globale détermine et
« explique » tous les aspects du système en ce qui concerne le contenu et
la forme des leçons :
1) la généralité et l’abstraction des connaissances, puisqu’il n’y a pas
de situation professionnelle actuelle à traiter ;
2) l’atomisation et le cloisonnement des connaissances, puisque cha-
cune est un potentiel en soi et doit être présentée dans sa pureté
intrinsèque ;
3) l’accent mis sur la qualité de la « gymnastique mentale » plus que sur
la résolution de problèmes de l’existence, puisque ceux-ci sont à venir
et non précisés, et qu’il faut développer par conséquent des « fonctions
mentales » (le raisonnement, la mémoire, l’intuition, la perception des
formes, etc.) et des « mécanismes de base » (savoir lire, savoir écrire,
savoir calculer… à plusieurs niveaux de complexité des situations possi-
bles et à tous les sens de ces termes – sens propre et sens figuré –);
4) le contenu encyclopédique des programmes.
 L’espace. La même conception détermine et « explique » tous les
aspects du système en ce qui concerne le dispositif spatial :
1) l’essentiel est d’écouter et de mémoriser individuellement, donc on
individualise les élèves dans la classe grâce à un dispositif qui les centre
sur le magister et qui favorise le travail individuel ;

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Comprendre les enjeux

2) les élèves sont ensemble (on ne peut réaliser l’idéal du précepteur


individuel) mais le groupe en tant que tel est dissocié par la disposi-
tion des tables et par la culture de l’individualisme ;
3) la discipline de la classe consiste à éliminer tout ce qui pourrait dis-
traire l’individu ou troubler la communication magister-élève ; le maî-
tre, seule source d’énergie, « tient » sa classe sous son regard et sous
son autorité ;
4) il dispose d’« aides techniques » (manuels scolaires, tableau, images,
appareils) et de conditions les meilleures possibles d’acoustique et de
visibilité (à lui d’avoir une voix claire et qui porte).
 La relation maître-élèves. Enfin la même conception détermine et « ex-
plique » tous les aspects du système en ce qui concerne la relation maître-
élèves :
1) l’autorité du savoir donne au magister le pouvoir (et les pleins pou-
voirs) dans la classe (le système attire d’ailleurs ceux qui cherchent la
puissance à bon compte, car il favorise l’exercice de l’autorité, il cultive
ainsi le complexe de supériorité chez les enseignants) ;
2) le magister est le juge ; c’est lui qui corrige et sanctionne, il note, il éva-
lue, il arbitre, il adresse compliments ou blâmes ;
3) Le magister est la vedette et le modèle, c’est lui qu’on regarde et
qu’on admire (le système attire aussi ceux qui cherchent un public
favorable à bon compte, favorise les tendances théâtrales et exhibition-
nistes, et cultive le complexe de Narcisse chez les enseignants) ;
4) le magister est paternaliste (ou maternel) : il agit, même dans sa
sévérité, « pour le bien des élèves », et il entretient des rapports affectifs
avec eux, ce qui lui permet de les influencer sentimentalement ; il aime
les enfants et s’identifie facilement à eux (le système attire ceux qui ont
un cœur tendre, et qui aiment « materner » leurs subordonnés).

Le « style », personnel de chaque magister est sans doute la résultante du


dosage, en lui, de ces quatre tendances ; mais un magister est toujours
sensible à quatre genres de frustration (si on doute de sa supériorité, si
on ne craint pas son jugement, si on ne le regarde pas, et si on ne s’atta-
che pas à lui).

Cette image paradigmatique de la classe est ancrée dans nos habitudes


et on y revient toujours discrètement quand on pense à l’enseignement
des adultes, en cachant son caractère archaïque par une surabondance
de moyens matériels modernes, au premier rang desquels les moyens
audiovisuels, les micros, les jeux de lumière, etc., mais toujours on
retrouve le magister qui « fait la leçon » ou l’exposé, et les élèves, indivi-
dualisés, qui sont là pour écouter et apprendre.

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Spécificité de la pédagogie des adultes

La commodité du système est indéniable : facilité de prévision de l’orga-


nisation matérielle, facilité de prévision du programme et de l’emploi du
temps, idée claire a priori chez les « élèves » du genre de travail à faire (cahier,
prise de notes, conservation des notes, recherche de manuels, prévision de
travaux à domicile, etc.),… tranquillité d’esprit des organisateurs qui, ayant
trouvé le magister spécialiste, s’en remettent à lui et lui laissent la responsa-
bilité de la suite en se mettant en position de spectateurs-observateurs… 4
En outre, le système est seul à fonctionner vite et bien dans certains cas. En
ce qui se rapporte à la pédagogie des adultes, il est quasi automatiquement
utilisé lorsque les « élèves » sont envoyés d’autorité à des classes de culture gé-
nérale parce qu’ils ont eu une scolarité insuffisante (comme c’était le cas na-
guère dans l’Armée).

À retenir

On peut dire que plus l’on conçoit l’éducation des adultes comme destinée à
pallier une scolarité insuffisante, à « boucher des trous » dans le savoir, ou à
acquérir les « connaissances de base »,… plus on aura tendance à les « renvoyer
à l’école » et à reconstituer le système traditionnel.

Et comme on trouvera toujours des magistri avides de remplir le rôle


prévu…, le système traditionnel, si commode, tend à persister.

 Le système scolaire et universitaire est inadapté


à la formation des adultes
La formation des adultes ne peut se faire par le système scolaire et uni-
versitaire traditionnel pour plusieurs raisons :
 Résistance au « retour à l’école ». Les organisateurs et les enseignants
sont toujours prêts à transférer le modèle scolaire ou universitaire, mais les
élèves-adultes ne montrent généralement pas la même ardeur. Une résis-
tance au « retour à l’école » se manifeste suffisamment souvent pour
mériter une attention spéciale. Certes, quelques adultes retrouveront sans

4. Puisqu’il s’agit de la prégnance de l’image traditionnelle, nous n’avons pas à parler ici de la mise en question plus ou
moins violente du système à travers l’Histoire de la Pédagogie, mise en question qui a fait essayer les attitudes exac-
tement contraires chez le Magister (cf. R. Mucchielli, Histoire de la Philosophie et des Sciences Humaines, chapitres
Histoire de la pédagogie). Nous aurons à les évoquer brièvement ci-dessous à propos des méthodes actives.

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Comprendre les enjeux

difficulté les attitudes d’antan (y compris la douce somnolence), mais la


plupart résistent au système parce qu’il évoque des souvenirs désagréables,
parce qu’il porte en lui une menace d’évaluation ou de sanction, ou tout
simplement parce qu’ils espéraient bien en avoir fini avec l’école et dési-
rent maintenant être traités autrement qu’en enfants, en adolescents, ou
même en étudiants.
Il y a aussi une crainte assez inavouable celle de révéler une infériorité
que le « personnage social », fabriqué entre-temps, a compensé de
manière satisfaisante quoique peut-être précaire.
 Sentiment que les connaissances de type scolaire-universitaire ne
servent à rien (ou presque) dans la vie professionnelle. Je ne pense pas
que ce soit là une « rationalisation secondaire », c’est-à-dire une justifica-
tion logique et de mauvaise foi couvrant les motivations précédentes.
L’effacement des connaissances par le temps et l’oubli, s’est accentué
par le fait que « l’expérience sur le tas » n’avait pas grand-chose à voir
avec le savoir acquis à l’école (même s’il s’agit d’une « grande école »). Il
est banal mais vrai, de dire que le jeune diplômé frais émoulu de gran-
des institutions a tout à apprendre en arrivant dans la réalité du métier
auquel il s’était en principe préparé. Et ceci nous conduit au cœur du
problème.
 Impossibilité de dissocier et de cloisonner les connaissances. Le cloi-
sonnement des matières, habituel et peut-être nécessaire au lycée et à
l’université, ne peut plus avoir cours. La réalité professionnelle est inter-
disciplinaire. Il ne s’agit même pas de l’interdisciplinarité telle qu’elle est
« pensée » par les universitaires aujourd’hui ; pour eux elle est encore un
résultat de la réflexion et de l’évolution des sciences. La réalité est inter-
disciplinaire parce qu’elle est la réalité, et parce que les disciplines uni-
versitaires sont des catégories ou des points de vue sélectifs qui masquent
toujours la plus grande partie du réel. Le professionnel adulte a rencon-
tré la réalité, et sauf débilité mentale, il se rend bien compte qu’elle est
complexe et qu’elle est là. Et il lui a fallu s’accommoder en tâtonnant
(c’est ce qu’on appelle « faire son expérience »).
 Impossibilité de dissocier théorie et comportement pratique en situa-
tion professionnelle. Il ne s’agit plus d’avoir « théoriquement raison » ou
de reprendre un par un les facteurs qui « devraient être présents ». Le jeune
médecin sait bien, pour l’avoir appris, qu’il y a des maladies atypiques, mais
le voilà devant le malade « atypique » (ils sont même presque tout le temps
« atypiques », pensera-t-il) et il doit faire quelque chose tout de suite.
L’ingénieur agronome est là et il lui serait facile d’analyser cette terre mais
les gens du village lui sont hostiles et sont superstitieux. Les connaissances
théoriques de la formation et la logique se perdent dans les sables de la
réalité… L’irrationnel est partout et cependant la responsabilité est

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Spécificité de la pédagogie des adultes

inévitable. Ce ne sont plus des connaissances universitaires qu’il faut à


l’adulte, ce sont des comportements en situation, une nouvelle perception
utile, des réflexes, ou alors un art de l’action opportune.
 Laformation de l’adulte dans son milieu professionnel est en rela-
tion avec ce milieu à un point tel que le milieu l’empêche, la neutralise ou
au contraire la favorise. Sa formation, tout en paraissant personnelle, est
fonction de l’orientation de la politique de formation de l’organisme
social dont il est membre. La signification de sa formation dépend de
l’entourage professionnel, de la nature des relations humaines dans cet
organisme social.
Pour ces raisons – entre autres 5 – l’application du schéma universitaire
à la formation des adultes est sujette à échec.

3. Les principes
d’une pédagogie spéciale pour adultes
Tout l’arsenal des méthodes pédagogiques – arsenal que nous allons
passer en revue – sera disponible pour les nouveaux « enseignants spécia-
lisés », des plus anciennes aux plus modernes, mais tous ces moyens se
révéleront inutiles s’ils ne sont pas choisis selon certains principes et adap-
tés à leur nouveau but.

3.1 Définition rigoureuse


du but concret
La pédagogie des adultes sonne le glas de l’éducation polyvalente et
générale qui est celle des écoles, des lycées et des universités. Nous avons vu
p. 19 que l’éducation des enfants ne peut pas être autre que polyvalente et
générale. L’histoire de la pédagogie est pleine de formules retentissantes
pour relier l’école et la vie, pour lutter contre la fermeture de l’école sur
elle-même, source de dévitalisation (de scolastisme) et d’inefficacité, et c’est
bien. Mais la vie dont parlent Rousseau, Pestalozzi, Decroly, Ferrière,
Freinet et tant d’autres, c’est l’univers, la nature, le milieu social, la vie quo-
tidienne de l’enfant. C’est concret mais c’est encore – et nécessairement (et
heureusement!) – polyvalent et général.
Ces appels et ces expériences ont été utiles, et le sont toujours, pour évi-
ter la tendance naturelle de toute école (comme de tout organisme social)

5. Vous trouverez dans l’exposé 1 du séminaire de D. Chevrolet (Les méthodes directives dans la pédagogie des adultes,
paru dans cette collection) des compléments indispensables à propos de « La psychologie des adultes ».

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Comprendre les enjeux

à se couper de ses fonctions originelles et à vivre pour soi, à se prendre


elle-même pour but, à se bureaucratiser.
La liaison université-industrie est une très belle initiative du même
genre, destinée à éviter l’autoculture bureaucratique de l’institution 6,
mais nous devons reconnaître que l’étudiant, s’il fait des stages pratiques,
passe et doit passer de stage en stage, gardant ainsi la liberté de rester au
niveau des potentialités indéfinies.
C’est ce genre de formation qui ne peut plus avoir cours pour les adul-
tes. Le réel auquel ils doivent faire face n’est évidemment pas le centre de
formation lui-même ni la réalité-spectacle qu’offre l’école ouverte sur la
vie, ni la réalité oppressive qu’offre inversement l’invasion de l’école par
l’État ou par la politique pour inculquer le plus tôt possible une idéolo-
gie aux jeunes esprits. Le réel, pour les adultes, c’est leur vie, et, dans le
contexte de leur vie, c’est leurs responsabilités professionnelles actuelles
et futures, leurs aspirations, leur propre horizon temporel.

 Les préalables à toute formation

C’est donc par rapport à un type de situations professionnelles concrè-


tes, à un comportement pratique bien défini, que devra s’organiser la for-
mation. La formation « sur mesure » est un des thèmes éternels de la
pédagogie mais était jusqu’à présent entendu au sens de l’individualisa-
tion de l’enseignement : du « sur mesure » par rapport à la personnalité
de l’élève (les buts, eux, étant fixés par les programmes officiels).
Maintenant il s’agit du « sur mesure » par rapport au comportement opti-
mum en situation pratique professionnelle, et même par rapport à telle
situation particulière bien précise.
 Analyser la situation professionnelle. Ce principe entraîne pour pre-
mière conséquence qu’on ne peut commencer par la formation, il faut
commencer par l’analyse de la situation professionnelle à maîtriser ulté-
rieurement par le stagiaire. Nous avons déjà vu (cf. ouvrage L’étude des pos-
tes de travail, p. 7) que l’étude du poste à occuper est un préalable à toute
formation. Ajoutons ici que le poste tel qu’il est, représente un cas parti-
culier et que l’analyse doit porter sur les autres manières possibles, sur le
traitement optimum de la situation professionnelle concrète telle qu’elle
se présente actuellement et telle qu’elle va se présenter prochainement
(comment elle évolue).

6. Cette tendance naturelle des institutions est très remarquable et il y a même des centres de formation profession-
nelle qui fonctionnent en autarcie, ne servant qu’à fabriquer des « diplômés du centre », sans aucune idée des postes
de travail auxquels le centre est censé préparer ses élèves.

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Spécificité de la pédagogie des adultes

Important

Une étude psychologique et ergologique des situations professionnelles concrè-


tes est donc le préalable impératif à toute organisation d’une pédagogie des
adultes.

Dans le cas d’une demande de formation formulée par une entreprise


ou par un individu, la première réponse doit donc être une enquête
psycho-ergologique portant sur le ou les postes réels auxquels cette for-
mation devra préparer…, sur les « situations » (au sens psychologique)
auxquelles l’individu aura à faire face…, sur les comportements précis
(comportements de réponse) à acquérir…, sur le lot d’informations (set
of informations) qu’il aura à traiter en position de travail.
 Analyser la demande. Cette enquête psycho-ergologique doit se dou-
bler d’une recherche psychosociologique, en vue de comprendre la signi-
fication de la demande de formation. C’est ce que dit très justement à ce
propos Caspar (op. cit., p. 73 et 77 suiv.).
La nécessaire analyse de la demande selon P. Caspar
« Loin de proposer immédiatement une réponse à la demande de forma-
tion, il faut au contraire prendre le temps d’une analyse de la demande
elle-même… chercher à comprendre… ce que la demande veut dire…
Au lieu de répondre directement à ce qui est demandé, il faut réinsérer
la demande dans les structures de l’entreprise, de façon à faire au niveau
des conduites individuelles et collectives un diagnostic sur ce à quoi il
faut réellement répondre…
« Pourquoi ? D’abord parce que le problème de formation consiste sou-
vent à préparer à un rôle nouveau, qui doit être inventé en même temps
que le système éducatif qui y conduit, mais aussi parce que agir ainsi
c’est supposer implicitement que ceux qui ont formulé la demande
initiale ont omis, volontairement ou non, une partie de l’information
nécessaire ; ou encore qu’ils n’ont pas forcément conscience de la totalité
du problème qu’ils posent ou encore qu’ils ne savent pas où ils vont… La
demande (de formation) doit être reformulée et interprétée au niveau du
contenu latent, avant toute décision. »

Au-delà du « contenu strict » de la demande (de ce que le demandeur


demande), il faut comprendre la réalité du problème tel qu’il se pose, le
contexte de la demande ou du besoin exprimé, c’est-à-dire aussi bien les
conditions dans lesquelles la demande a émergé, que l’ensemble des struc-
tures constituant le contexte du changement attendu de la formation.
Autrement dit, il faut savoir mieux que le demandeur ce dont il a besoin, et

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Comprendre les enjeux

ne pas donner tout de suite ce qui est demandé, car la demande se situera
trop souvent au niveau de « cours », de « catalogue des moyens éducatifs »,
de « références extérieures » et de « modèles scolaires-universitaires ». On
ne peut définir réellement les objectifs qu’en dépassant les dires premiers
du client pour l’aider à préciser ce qui se passe en fait, car ses idées sur la for-
mation adéquate ne sont pas forcément valables. Il a pensé au remède…, il
faut d’abord assurer le diagnostic!
Pour comprendre la totalité de la situation déclenchante et du
contexte de la demande de formation, on dispose des méthodes d’inter-
view et de recherche de motivation, d’analyse de poste, de diagnostic
d’entreprise.
Cependant au terme de l’enquête, la conscience plus exacte du
demandeur étant assurée, son accord est requis.

 Organisation méthodique de l’itinéraire vers le but

Le but est par définition complexe et pluridisciplinaire, parce qu’il fait


ou fera partie de l’existence professionnelle, parce qu’il est du réel. C’est
par une réflexion récurrente (ou, si vous voulez, par un « compte à
rebours » pédagogique), que devront être définis les points clés de l’itiné-
raire de la formation. La finalité de l’enseignement étant bien précisée, il
importe d’aller le plus vite et le plus efficacement possible vers le but.
Nous débouchons donc d’une part sur la nécessité de la programmation
pédagogique, d’autre part sur l’utilisation finaliste (orientée par le but et
déterminée par lui) de tous les moyens disponibles.
Rien de « gratuit » dans les enseignements pour adultes ; aucun cloi-
sonnement intellectuel – et intellectualiste – des sciences ou techniques
concernées par le but.

 L’objection de l’indispensable « culture générale »


et de l’apprentissage de la créativité
À tout ce qui vient d’être dit, dont le lecteur aura relevé le pragma-
tisme centré sur la situation professionnelle concrète à maîtriser, on
objectera inévitablement l’importance de la culture générale et de l’ap-
prentissage de la créativité.
 1reobjection : la culture générale. Cette objection peut se nourrir
d’arguments solides : la centration sur un objectif de formation purement
professionnel-technique, court le risque de laisser échapper la véritable
promotion de l’Homme, et il faut la compenser à chaque instant par une
culture de l’esprit.

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Spécificité de la pédagogie des adultes

Ainsi en 1950, la charte du Aspen Institute for humanistic Studies (à


l’intention des cadres supérieurs) affichait haut ses buts : « Au milieu du
XXe siècle, au moment où les cris humains sont dominés plus que jamais
par la science, les hommes ont besoin de l’élévation et de la libération
que procure un humanisme véritable. En un monde qui n’a foi qu’en la
science et la technique, nous devons redécouvrir les vérités morales et spi-
rituelles qui permettront aux hommes de contrôler la science et toute sa
machinerie ». Les séminaires de cet institut (qui fonctionne toujours)
comportent – étalés sur deux fois deux semaines – des programmes de
gymnastique-relaxation, de philosophie, d’information culturelle, histo-
rique, esthétique.
En 1962 commença à fonctionner en France le Centre culturel de
Haute-Provence (à Lurs), dix ans après le premier Centre culturel de
Forcalquier. Les fondateurs le justifient ainsi : « Dans l’ensemble d’une
activité de formation, il est aujourd’hui admis que la formation générale
est indispensable à côté du perfectionnement professionnel pour élargir
les connaissances des cadres au-delà de l’horizon de leurs activités
présentes »…
Au cours de séminaires résidentiels d’une semaine, cette « ouverture »
était réalisée par la participation à des débats de culture générale, débats
auxquels étaient associées des personnes de formations et de compéten-
ces très diverses, et par l’audition de conférences ou de témoignages
variés.
Du même souci d’éviter une technicité trop étroite relève l’accent mis
sur l’apprentissage de la créativité. Après le célèbre slogan « Apprendre à
apprendre », la mode a été l’apprentissage de la créativité.
Nous aurons l’occasion d’analyser les méthodes correspondant à cet
aspect de la formation. L’essentiel, ici, est de souligner que, selon les bons
auteurs, toute pédagogie des adultes doit prendre pour objectif quelque
chose de plus que la maîtrise d’une situation professionnelle définie.
 2e objection : l’apprentissage de la créativité. La réponse est que
cette objection n’en est pas une. Le principe « Rien de gratuit dans une
pédagogie pour adultes » reste valable ; la culture générale et l’appren-
tissage de la créativité sont eux-mêmes justifiés par le but ; ils doivent
être compris et acceptés par les stagiaires comme faisant partie de ce
qui assurera leur future maîtrise de la situation professionnelle dans
une perspective de changement et de promotion. L’expérience prouve
que, sans cette justification, les heures consacrées à ces aspects de la for-
mation sont vécues comme des loisirs, agréables certes, mais sans fina-
lité perceptible, et donc sans engagement personnel authentique de la
part des stagiaires.

29
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Comprendre les enjeux

3.2 Responsabilité personnelle


et engagement du stagiaire
à toutes les étapes de sa propre formation
À la finalité pratique absolue de l’organisation pédagogique devra cor-
respondre un engagement personnel du stagiaire. Celui-ci devra être
impliqué et se sentir responsable de sa propre formation.
Comme nous retrouverons ci-dessous la question des motivations (et
les méthodes actives) au niveau des moyens pédagogiques, nous ne trai-
terons ici que du principe de la participation active du stagiaire à l’itiné-
raire de l’enseignement.

 Définition ou redéfinition du but avec les stagiaires

Nous insistons sur la nécessité de cette coopération. Elle a pour effet


l’implication personnelle des stagiaires dès le début 7.

 « Participation entretenue »

Au cours de la formation, cette coresponsabilité sera toujours recher-


chée et entretenue. La passivité des attitudes scolaires traditionnelles
sera donc systématiquement évitée. La participation au niveau des
méthodes consistera en une discussion-critique positive sur chaque
méthode utilisée et cela après sa mise en œuvre (évaluation systéma-
tique des séances).

 Auto-évaluation des résultats acquis


par les stagiaires au cours de la formation
Ceci sera strictement finalisé, c’est-à-dire que la « mesure » du chemin
parcouru sera plutôt l’auto-évaluation de la distance décroissante par rap-
port au but. Il y a là un renversement relatif à la tendance classique à éva-
luer les progrès, car la référence permanente, en pédagogie des adultes,
est le comportement final tel qu’il a été défini, et d’autre part le pédago-
gue cesse d’être le juge unique des progrès des élèves évalués d’après le
point de départ et d’après le programme. Ceci exige un remaniement
profond des relations « maître-élèves » telles qu’elles ont été stabilisées
par l’enseignement scolaire et universitaire.

7. Chevrolet propose même de penser la formation et son programme en termes de « négociation formateur-stagiaires ».

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Spécificité de la pédagogie des adultes

Ce remaniement, sur lequel nous allons revenir, n’est possible et souhaita-


ble que dans la pédagogie des adultes. Il est normal que l’on y prépare
les jeunes, mais il serait anormal que cette méthode soit la seule utilisée
dans l’enseignement des écoliers, lycéens et étudiants, tout simplement
parce qu’ils n’ont aucune responsabilité professionnelle, aucune idée de
la situation pratique réelle à traiter, aucune compétence donc pour évaluer
la méthode ou le programme.

3.3 Remaniement
de la relation maître-élève
Même les organisateurs les plus conscients et les plus compétents de
formation d’adultes se posent toujours la question (souvent orientée poli-
tiquement) du Pouvoir, et se perdent en considérations subtiles sur les
problèmes humains soulevés par l’autorité du formateur, autorité qui
peut interférer avec l’autorité hiérarchique.
C’est mélanger à plaisir deux types d’autorité bien connus depuis
longtemps dans les organismes sociaux (entreprises, services, administra-
tions, grands magasins, etc.) : l’autorité hiérarchique et l’autorité fonc-
tionnelle.
Même le vieux Taylor, en 1911, proposait, dans sa réorganisation des
entreprises, de créer une catégorie de contremaîtres-formateurs, aux-
quels il réservait une autorité fonctionnelle, bien distincte de l’autorité
qu’il appelait « de type militaire » et qui est l’autorité hiérarchique.
Le pédagogue d’adultes a l’autorité fonctionnelle d’un conseiller tech-
nique, et non pas un pouvoir autoritaire.

 Dans la situation scolaire traditionnelle,


le savoir est pouvoir
Nous avons vu que le système classique tout entier, assurant la supé-
riorité du magister, organise à son bénéfice la fusion des deux types d’au-
torité. Cela se justifie dans la mesure où est nécessaire l’apprentissage
simultané de connaissances de base et d’une discipline commune (indis-
pensable pour éviter le désordre dans le groupe-classe). Par ailleurs,
dans les mentalités infantiles et adolescentes, l’autorité a un effet sécuri-
sant ; il est bien connu que l’anarchie créée par quelques-uns engendre
l’insécurité pour tous.

 En pédagogie des adultes, le savoir est une fonction d’aide technique

Elle est à à la disposition de ceux qui en ont besoin pour traiter leurs pro-
pres problèmes. Ils peuvent et doivent avoir recours à plusieurs personnes

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Methodes_actives3:coll FP 6/07/12 9:30 Page 32

Comprendre les enjeux

compétentes pour en tirer les éléments de leur information et de leur déci-


sion personnelle finale.
Inévitablement des problèmes de personne se poseront, surtout si l’en-
seignant a un complexe de supériorité, une volonté de puissance plus ou
moins compensatoire d’autres impuissances, et s’il trouve dans la voie de
l’autorité fonctionnelle le moyen détourné de satisfaire une soif d’auto-
rité tout court.
Mais la définition du rôle exige une disponibilité, une ouverture, un
sens de la responsabilité et un souci de la liberté d’autrui que résume
l’expression « être au service des stagiaires ».
Dans ces conditions, c’est le stagiaire qui est le mieux placé pour dis-
cuter de l’opportunité de ce qu’on lui offre en réponse à sa demande
(elle-même précisée par la clarification du but).
Cela donne au spécialiste d’une question théorique une relativité bien
humble par rapport à l’existence concrète du stagiaire en situation pro-
fessionnelle critique.

Nous verrons ci-dessous une conséquence pédagogique importante de


ce principe : lorsque la personnalité compétente appelée pour les
besoins de la formation est étrangère au contexte professionnel concret
des stagiaires, il est nécessaire qu’un relais pédagogique soit institué qui
permettra la « traduction » des informations en termes adaptés au but
commun (cf. ci-dessous p. 42). Nous appellerons cela « la formation avec
relais 8 ».

3.4 Utilisation des énergies du groupe


comme tel
On sait mieux aujourd’hui, depuis les découvertes de Moreno et de
Kurt Lewin (cf. ouvrage La dynamique des groupes) que les groupes possè-
dent une énergie spécifique et que cette énergie peut être utilisée dans la
formation.

 Dans la pédagogie traditionnelle

En pédagogie traditionnelle, le groupe comme tel est neutralisé et


dissocié. Le dispositif spatial exprime cette intention, associée à une
conception de la relation maître-élèves et à l’individualisme des efforts
demandés, mais aussi à l’utilisation de la rivalité dans l’apprentissage.

8. À ne pas confondre avec la démultiplication dont il a été parlé ci-dessus. Ici il s’agit d’un second rôle qui, après
l’émission première, cherchera, avec les stagiaires, l’utilisation des informations reçues, et cela en se guidant unique-
ment sur les situations professionnelles à traiter.

32
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Spécificité de la pédagogie des adultes

« La classe » n’existe alors comme groupe que dans la perturbation de


l’ordre pédagogique imposé, dans l’indiscipline, dans le chahut, dans les
communications parallèles ou parasites. Administrativement la classe
existe, mais sa réalité groupale n’est pas utilisée. Le magister consomme
de l’énergie pour « porter sa classe à bout de bras », fabriquant la passi-
vité dont il se plaint. La dynamique du groupe devient une contre-force
opposée à la puissance du maître.

Attention

Il y a un danger à laisser le groupe à lui-même (non-directivité absolue de certains


maîtres pour prendre le contre-pied de la tradition) lorsqu’il s’agit de groupes d’en-
fants, d’adolescents et de jeunes étudiants, car des petits groupes s’organisent alors
spontanément, cherchant à exploiter les autres ou à lutter entre eux pour le pouvoir
laissé vacant.
Nous savons en effet (cf. ouvrage Communication et réseaux de communica-
tions p. 55 et 85) que l’organisation spontanée n’est jamais une organisation
démocratique, c’est-à-dire celle où les individus sont égaux et participent
ensemble à la conception des objectifs communs et à leur réalisation, dans un
esprit de coopération et de coresponsabilité. La structuration imposée aux
enfants et adolescents évite ainsi une autre organisation spontanée qui serait
sauvage, conflictuelle et anti-égalitaire.

 Dans la pédagogie des adultes

En pédagogie des adultes, au contraire, on devra utiliser les ressources


du groupe de multiples façons, ce que nous verrons à propos des
méthodes actives.

3.5 Traiter les problèmes humains


liés à la formation
À tous les niveaux de la formation surgiront des problèmes humains
et interhumains. Ceux-ci sont inévitables.
 Au niveau personnel, il y aura les problèmes de motivations indivi-
dualistes, de capacités, de préformation nécessaire, d’adaptation au poste,
de promotion, de changement d’emploi avec les retentissements subjec-
tifs divers, de peur des responsabilités, etc.

33
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Comprendre les enjeux

 Au niveau interpersonnel, il y a les inégalités d’aptitudes et d’attitu-


des avec leur cortège de difficultés interpersonnelles, les problèmes de
restructuration du réseau de communication dans le groupe profession-
nel, de changement de rôle, etc.
 Au niveau de l’organisme dans sa globalité, la formation engendre
des problèmes selon qu’elle s’inscrit ou non dans une politique générale
de formation. On rencontrera aussi les difficultés d’accessibilité des diver-
ses informations indispensables : informations générales sur l’entreprise
et ses structures, informations promotionnelles, informations opération-
nelles. On rencontrera enfin le problème fondamental, celui par rapport
auquel se construit la formation permanente, à savoir la difficulté de la
« débureaucratisation » (et de la « déroutinisation ») du contexte socio-
professionnel.

4. Les problèmes particuliers


du perfectionnement des formateurs
Tout ce qui précède concerne les adultes, et les apprentissages ou per-
fectionnements qu’ils attendent d’une formation.
La formation des formateurs entre dans cet ensemble comme un cas
particulier de la pédagogie des adultes, et, en un sens, tout notre sémi-
naire est fait dans le but de les aider dans cette tâche, puisque leur pro-
blème (en dehors de la compétence technique requise) est celui de la
pédagogie, c’est-à-dire des méthodes d’enseignement.
Cependant il faut considérer à part la question du perfectionnement
des enseignants déjà en exercice (instructeurs, instituteurs, professeurs,
maîtres de toutes les matières et de toutes les catégories), qui, aux termes
de la loi, doivent participer à des séminaires de perfectionnement.
La conduite de tels séminaires soulève des difficultés spéciales.

4.1 Les problèmes humains


La plus importante des difficultés vient de la mentalité même des
enseignants. Rares sont ceux qui pensent sincèrement avoir quelque
chose à apprendre en pédagogie. Malgré les aimables déclarations verba-
les sur l’intérêt a priori qu’ils ont pour un perfectionnement pédago-
gique, ils ont la plus grande certitude intime de leur valeur d’enseignants,
et considèrent in petto l’idée même de perfectionnement comme un
affront.

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Spécificité de la pédagogie des adultes

La surestime de soi, le sentiment vif de leur puissance absolue sur


« leur classe », la confiance dans leur savoir et dans leur savoir-faire croît
géométriquement par rapport à leurs années de pratique pédagogique.
De ce fait, plus l’enseignant est ancien dans son métier, moins il acceptera
l’idée d’un perfectionnement. La force des habitudes acquises joue
comme renforçatrice de l’orgueil inhérent à la fonction, et la mise en
question de ses méthodes sera proprement insupportable à tout ensei-
gnant non débutant.

4.2 La motivation
La deuxième difficulté, liée à la précédente, sera celle des motivations
pour suivre un séminaire de perfectionnement. J’ai pu constater que la
« désignation d’office » par la direction de l’établissement ou de l’orga-
nisme d’appartenance, entraînait parfois des comportements d opposi-
tion passive ou ouverte, voire des sabotages de la session.
Les problèmes humains (dont nous avons parlé ci-dessus) sont tou-
jours multipliés et exacerbés dans des séminaires de perfectionnement de
formateurs.
Il faudra donc veiller à motiver préalablement les enseignants et
instructeurs en faveur du séminaire, pour déjouer ou neutraliser les résis-
tances dues à la mentalité habituelle de cette catégorie professionnelle.
Dans ce but, nous suggérons pratiquement d’entreprendre des actions
psychologiques à plus ou moins long terme, destinées à provoquer le
volontariat, puis la participation et l’adhésion :
 Séances d’information (sur le mode expositif) consacrées aux
méthodes pédagogiques nouvelles ou aux problèmes pédagogiques.
Ces séances auraient pour but d’attirer l’attention du public d’ensei-
gnants sur les questions pédagogiques et leur évolution.
 Séances de démonstration d’appareils nouveaux facilitant l’enseigne-
ment (machines à enseigner, moyens audiovisuels nouveaux, films péda-
gogiques 9, etc.).
 Présentation des sessions par une circulaire dont l’introduction sera
particulièrement motivante, et qui sollicitera les « volontaires ».
 Réservation de moyens pédagogiques nouveaux et intéressants à ceux
des formateurs qui auraient suivi les sessions organisées à leur intention.

9. Beaucoup d’enseignants ignorent l’existence des nombreuses cinémathèques pédagogiques qui sont à leur dispo-
sition.

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Comprendre les enjeux

 Création d’une « pression de conformité » dans le groupe des ensei-


gnants au sein d’un établissement, pression les incitant à suivre les sémi-
naires, et pour cela offrir en priorité la formation aux responsables de
départements ou de sections.
Un bon moyen aussi est que les séminaires soient intéressants et
instructifs au point que les bénéficiaires paraissent « privilégiés » aux yeux
de leurs collègues.

Remarque :
Naturellement ces séminaires devront être situés en dehors des périodes
de vacances et comporter des avantages évidents à certains points de
vue (dispense de cours pendant le même temps, résidence agréable,
bénéfices divers non négligeables).

4.3 Le choix de l’animateur


La troisième difficulté réside dans le choix des animateurs des séminai-
res de perfectionnement d’enseignants. La conduite de tels séminaires est
généralement pénible car les maîtres sont ici en position d’« élèves » (ce
qu’ils ne supportent pas facilement), et les animateurs sont perçus comme
des collègues en démonstration. La tentation est forte alors, chez les stagiai-
res, de se mettre en position d’observateurs ou de critiques plus ou moins
malveillants.
De là, pour les animateurs, un rôle délicat. Ils n’échapperont pas, de
toute façon, au « procès d’intention » à chacune de leurs initiatives.
Tout au long de ces séminaires, plus que dans toute autre action de
formation d’adultes, les problèmes humains seront donc à analyser et à
traiter ouvertement par le groupe sous l’incitation prudente et non direc-
tive de l’animateur-responsable.

5. Pour conclure
En conclusion de ce chapitre d’ensemble sur la spécificité de la péda-
gogie des adultes, il faut souligner que malgré sa longue histoire, cette
pédagogie particulière, trop souvent raccrochée au schéma traditionnel
de la « classe » avec un magister et des « élèves » ou « apprentis », cher-
che encore aujourd’hui ses méthodes. Mais cette constatation ne doit pas
décourager. La pédagogie des adultes est à organiser progressivement en
la faisant et en réfléchissant sur la masse de données que chaque expé-
rience apporte. Elle est avant tout une recherche-action (Action-Research),
c’est-à-dire une entreprise réelle qui construira sa théorie en même temps
qu’elle se pratiquera, et qui connaîtra mieux ses moyens et ses obstacles
dans l’action, au contact de la réalité qu’elle a à changer.

36
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2
CHAPITRE

De l’information-spectacle
à l’enseignement
programmé

N ous avons vu ailleurs la classification des communications (cf. l’ou-


vrage Communication et réseaux de communications, p. 12 et 31 note).
Zajonc par exemple (in Psychologie sociale expérimentale, p. 68) distingue en
gros trois genres de communication : 1) la communication « incidente »
par laquelle on donne à autrui une information sans le savoir ou en ayant
une intention autre que celle de lui apprendre quelque chose… ; 2) la
communication « consommatoire », par laquelle l’émetteur exprime
directement son état émotionnel ou affectif, par besoin personnel d’ex-
pression ou de soulagement… ; 3) la communication « instrumentale »,
qui vise intentionnellement et expressément un but, cherche à produire
un effet déterminé sur le récepteur, et est capable de se modifier pour
s’adapter au récepteur et atteindre par là son objectif.
Selon cette classification, la communication pédagogique est, de toute
évidence, instrumentale.
Son but est de produire, de provoquer ou d’induire, un changement
chez le « récepteur ». Par là, elle doit s’adapter au récepteur, elle doit
tenir compte de tout un ensemble de conditions de la réception et du
changement…, afin d’accomplir son but de manière optima.
De ce point de vue, les divers modes de la communication pédago-
gique peuvent être évalués en termes d’efficacité (par rapport au résultat
qui doit être un changement chez le récepteur).

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Comprendre les enjeux

1. Caractéristiques
de la communication pédagogique
La simple définition de la communication pédagogique comme
instrumentale suffit déjà à renvoyer au néant pédagogique toute forme
de communication « incidente » (celle qui parle d’autre chose que ce qui
doit être enseigné, celle qui apprend apprend autre chose que ce qu’elle
dit), et toute forme de communication « consommatoire » (celle où
l’émetteur parle pour parler, par narcissisme et plaisir à s’écouter lui-
même, pour faire admirer sa science ou sa personne, ou tout simplement
celle où l’émetteur est hermétique et inintelligible).
Si le but de toute communication pédagogique est de modifier l’état du
savoir, du savoir-faire ou du comportement du récepteur, lui faire compren-
dre et ultérieurement réussir quelque chose (qui est l’objet de l’ensei-
gnement), alors il devient évident que la simple émission d’un message ne
suffit pas, et que deux feed-backs sont indispensables, l’un du récepteur à
l’émetteur, l’autre de l’émetteur au récepteur, pour que la communication
mérite le nom de « pédagogique ». Voyons cela de plus près.

1.1 Le premier feed-back


récepteur-émetteur
Le mot feed-back, emprunté au vocabulaire de la cybernétique, signi-
fie information récurrente. Dans un servo-mécanisme, le feed-back est
une fonction de contrôle qui, transmettant à une source d’opérations
réglées les informations concernant les résultats (information en retour),
permet la régulation de la source pour l’adapter aux normes et objectifs
prévus à l’avance.
Dans le modèle cybernétique de la communication, le feed-back est
une « communication sur la communication » (c’est ce qu’on appelle
une « métacommunication » selon le terme de Bateson, 1951), rensei-
gnant l’émetteur sur la qualité de l’émission et sur la manière dont elle a
été perçue ou comprise.
L’absence de feed-back caractérise l’information pure. L’émetteur
parle ou fait des signaux, envoie son message, mais ne reçoit en retour
aucune information sur ce qui a été perçu ou même si cela a été perçu.
Le conférencier parle à la radio ou à la télé, ou bien encore le profes-
seur prononce son cours ou sa leçon devant un amphi, puis plie ses
papiers et part sans s’occuper des « suites ».
Naturellement, dans ce dernier cas la situation est impure dans la
mesure où, comme nous le verrons, il y a d’autres feed-backs offerts, l’un

38
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De l’information-spectacle à l’enseignement programmé

au niveau non verbal, l’autre au niveau du contrôle de l’enseignement


qui aurait lieu tôt ou tard. Mais il est facile de concevoir un professeur qui
ne perçoit pas les signes offerts, et ne retire de la correction des épreuves
de contrôle que le renforcement de sa mauvaise opinion… sur ses audi-
teurs. Un tel professeur confondrait la valeur intrinsèque du contenu de
son discours avec la valeur de la méthode de transmission. Émettre n’est
pas communiquer.
Il « fait une communication », il n’a pas de communication. Pur émet-
teur d’information, il croit sans doute qu’il suffit, pour que ses auditeurs
apprennent, qu’ils soient exposés à une information. Il ne sait pas même
s’il a été « reçu » par le récepteur supposé. La non-assimilation de l’infor-
mation est interprétée volontiers par un professeur de ce type comme
signe de la non-intelligence des récepteurs ou de leur indifférence.

 Nécessité du feed-back

Le feed-back est nécessaire à l’émetteur s’il veut savoir dans quelle


mesure il a communiqué et ce qu’il doit faire pour assurer la communica-
tion.
Le souci d’assurer la communication n’a pas de sens si l’émetteur n’a
pas, simultanément, une certaine flexibilité, une capacité de se mettre en
question, de modifier son émission ou les conditions de son émission, en
vue d’en améliorer la réception.
Une première caractéristique essentielle de l’attitude pédagogique
authentique est le souci constant du feed-back récepteur-émetteur.
Ce feed-back, n’ayant de sens que si l’émetteur modifie en conséquence
sa communication, ne peut en aucun cas servir à juger le récepteur.
Par le feed-back, l’émetteur est renseigné sur :
– les obstacles à la communication ;
– la personnalité, les capacités… des récepteurs ;
– le degré d’adaptation de son message.
Il en retire donc, s’il sait l’utiliser :
– un accroissement de l’efficacité du message (modification du mes-
sage vers sa réception intégrale) ;
– un accroissement de sécurité (moins d’appréhension sur ce qui est
reçu ou retenu) ;
– une incitation à communiquer davantage ;
– une amélioration de la relation interpersonnelle émetteur-récepteurs.

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Comprendre les enjeux

 Les différents moyens utilisés

Les moyens ordinaires de ce premier feed-back pédagogique sont


nombreux.
 Le plus simpliste – et le plus fréquemment utilisé – est l’interroga-
tion du récepteur sur la communication. Sur ses conditions (« Comment
entendez-vous ? ») pour les améliorer autant que possible,… sur le
contenu (« Que vous ai-je dit ? »… « Répétez ce que vous devez faire »),…
sur ce qu’il a retenu (« Qu’est-ce que vous avez compris ? »). L’inter-
rogation des élèves (interrogation orale ou écrite, interrogation surprise,
interrogation-sondage, etc.) est de ce type. Mais il est remarquable que ce
feed-back ne semble pas nécessairement engager l’émetteur dans la voie
d’un changement. Il l’engage seulement à améliorer les canaux et les
conditions de réception. Tout laisse penser que l’émetteur s’arroge le
label de qualité absolue du contenu, et que les seules flexibilités exigées
le sont du canal et du récepteur.
 Les moyens au niveau verbal :
– Les questions et commentaires libres de la part des auditeurs au
cours de l’émission, lorsque cela est permis ou possible par les normes
formelles ou informelles de la situation. Au cours d’un dialogue inter-
mittent, l’enseignant revient sur ce qu’il a dit, le reformule en d’autres
termes, le schématise ou l’explicite, fait les détours et les comblements
rendus nécessaires pour assurer l’intellection.
– Les questions et commentaires libres des récepteurs après l’émis-
sion, situation qui n’a généralement aucun sens ni aucune valeur de
« complément » lorsqu’il s’agit de conférences publiques, comme on
le sait (quoiqu’on continue pour meubler la séance), mais qui, dans la
meilleure hypothèse (celle d’auditeurs-élèves motivés et d’un confé-
rencier intéressant) permet effectivement de reprendre les points
obscurs ou les compléments-comblements qui apparaissent indispen-
sables à l’intelligibilité, et qui, de plus, doivent servir à l’émetteur pour
modifier son émission suivante au même groupe.
– La séance d’évaluation. Particulièrement utile en pédagogie des
adultes, elle permet à l’enseignant ou à l’animateur, par les résultats
du dépouillement de savoir les réactions des stagiaires, leurs décep-
tions ou leurs attentes, tous renseignements de feed-back précieux
pour l’ajustement ultérieur.
Lorsque le « climat » est bon, la séance d’évaluation se fait après
chaque journée (plus fréquente elle prendrait souvent trop de temps) en
dispositif d’interview de groupe.
Si ce dispositif nuit à la sincérité des participants, on utilisera soit la
réunion de petits groupes en auto-organisation disposant d’un questionnaire-

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De l’information-spectacle à l’enseignement programmé

guide (dans Pour aller plus loin), soit le questionnaire d’évaluation (dans
Pour aller plus loin) qui doit être anonyme,… complet,… et facile à
dépouiller.
 Les moyens au niveau non verbal. Les signes non verbaux sont généra-
lement (lorsque l’instructeur y est attentif), les régulateurs les plus simples
et les plus efficaces de l’émission en situation pédagogique. Ils entrent dans
la vaste catégorie des paralangages (cf. l’ouvrage Communication et réseaux de
communication, p. 42-50).
– Les signes non verbaux repérables par l’émetteur sont ceux de
l’attention ou au contraire du désintérêt, de la distraction ou de la fati-
gue. Les attitudes et postures individuelles sont autant de signes que
tout un chacun reconnaît, même s’il n’est pas pédagogue.
– Les regards et mimiques. Le regard, par sa « présence » ou son
« absence », sa vivacité ou son apathie, son orientation,… la mimique,
par l’expression de la concentration, de l’étonnement, de l’incompré-
hension, de la lassitude, etc. sont également des signaux de la commu-
nication non verbale.
– Les mouvements collectifs, généralement non conscients, sont égale-
ment très significatifs. Gordon et Ogston ont en 1967 formulé, après
d’autres chercheurs antérieurs, une « théorie de la synchronie interac-
tionnelle » selon laquelle il y a une coordination spontanée entre les
mouvements du groupe des auditeurs (mouvement des yeux, de la tête,
du corps, respiration collective) et les phases du discours de l’émetteur.
Ces mouvements sont d’autant plus synchrones par rapport au rythme
de l’émission, que le discours est plus « suivi » et plus « compris ».

1.2 Le second feed-back, émetteur-récepteurs,


dans la communication pédagogique
On a souvent parlé du feed-back récepteurs-émetteur (et nous venons
de voir son importance pour la régulation adaptative de l’émetteur) mais
on a trop peu insisté, à mon avis, sur le second feed-back : le feed-back
émetteur-récepteurs.
Or l’existence de ce second feed-back est essentiel et caractéristique de la
communication pédagogique. Il y a en effet (ou il doit y avoir) une boucle
du feed-back pour qu’il y ait influence pédagogique, en ce sens que, au feed-
back récepteur-émetteur, l’émetteur doit répondre par un autre feed-back
immédiat, ceci en dehors de l’effet de régulation de l’émission ultérieure.
Pour clarifier ce point nous considérerons par convention qu’il y a
deux personnes (ou deux rôles) dans l’émetteur : l’émetteur proprement
dit et l’enseignant, ou, si l’on veut, l’informateur et le formateur (Ei et Ef), le
premier préoccupé de la valeur de l’émission et de sa bonne réception, le

41
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Comprendre les enjeux

second préoccupé de l’intégration de ce savoir ou de ce savoir-faire dans


le comportement du sujet à instruire.
De même considérons par convention qu’il y a deux personnes (ou
deux rôles) dans chaque « récepteur » : le récepteur proprement dit, et
d’autre part celui qui essaie d’assimiler ou d’incorporer ces connaissan-
ces, disons l’acteur (Rr et Ra).

feed-back régulateur de l’information

Ei émission – information Rr

Ef action – réponse Ra

feed-back régulateur de la formation

Figure 1 – Sens du bouclage des feed-backs


en interaction

Il suffit d’observer un instructeur essayant d’apprendre quelque chose


à quelqu’un (ex. un moniteur d’auto-école apprenant à conduire à un
conducteur-élève) pour voir manifestement les deux feed-backs. L’ins-
tructeur expose un élément du comportement global et, à ce niveau, le
feed-back, verbal ou non verbal, de l’élève lui fait redire ou réexpliquer
d’une autre façon si l’élève manifeste une non-compréhension. Puis
l’élève passe à l’action-selon-les-instructions, et l’autre feed-back se
produit, cette fois en sens contraire, par les signes (verbaux ou non) de
l’approbation ou de la désapprobation du moniteur.
L’exemple est facile parce qu’il contient nécessairement, étant donné
le domaine choisi, un passage à l’action de l’informé, et parce que sans
ces essais de pratique, l’élève resterait « informé » sans jamais être
« formé ».
Mais cet exemple n’est pas pour autant spécieux ni exceptionnel car
toute formation est modification du comportement effectif de l’instruit,
changement de l’instruit dans sa manière de traiter les situations profes-
sionnelles.
Tout enseignant qui resterait au niveau de la pure information se disqua-
lifie comme enseignant, « se dispense d’enseigner » comme dit Skinner.

42
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De l’information-spectacle à l’enseignement programmé

Or, pour que s’opère le feed-back régulateur de la formation, il faut


nécessairement donner à l’« élève » l’initiative d’une action qui applique-
rait d’une manière ou d’une autre l’information. La plus simple, la plus
élémentaire est la réponse à une question référée à l’information ; la plus
complète est l’essai du nouveau comportement référé à la formation, ou
à ce que l’on en a appris.
Et il est faux de dire qu’à ce moment, par un renversement de rôle, le
récepteur précédent devient émetteur, celui-ci devenant récepteur. Car
cette permutation des termes cacherait l’essentiel : le récepteur devient
acteur, et c’est son acte que le formateur doit réguler par divers moyens
parmi lesquels l’approbation-désapprobation, l’assistance plus ou moins
influençante, le constat de l’échec ou du succès.
Puisque, comme nous venons de le voir, toute situation de formation
(ses autres paramètres étant hors de question pour l’instant) implique le
double feed-back, il est intéressant de revoir, de ce point de vue nouveau,
les diverses situations pédagogiques expérimentales.

1.3 Les expériences de Leavitt


sur les effets du feed-back
On connaît (cf. exerc. prat. n° 5 in ouvrage Communication et réseaux de
communications), les expériences célèbres de Leavitt disposant quatre
groupes en situation pédagogique, le groupe 1 en situation de « feed-
back zéro » (moniteur caché dictant un travail), le groupe 2 en situation
de « feed-back muet » (aucun échange mais le moniteur est face au
groupe pour la même dictée), le groupe 3 en « feed-back oui-non » (le
moniteur, dans la même situation, ne répond que par oui ou non aux
questions), le quatrième en « feed-back libre » (échanges sans restriction
entre moniteur et élèves).
Rappelons les résultats de cette expérience avec des adultes, résultats
qu’on retrouve constamment en la refaisant.
 Degré d’incertitude-certitude des élèves quant à l’adéquation de ce
qu’ils ont fait par rapport à ce qui était demandé par l’instructeur (éva-
lué de « très peu certain » ou 1, à « très certain ou 6) :

Type de situation Moyenne

1. Classe à feed-back zéro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4,7 sur 6


2. Classe à feed-back muet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5,3
3. Classe à feed-back Oui-Non . . . . . . . . . . . . . . . . . 5,5
4. Classe à feed-back libre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5,6

43
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Comprendre les enjeux

 Degré de satisfaction des élèves à l’égard du système d’instruction


(de 1 « très mécontent », à 5 « très satisfait ») :
Type de situation Moyenne

1. Classe à feed-back zéro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3,9 sur 5


2. Classe à feed-back muet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4,4
3. Classe à feed-back Oui-Non . . . . . . . . . . . . . . . . . 4,5
4. Classe à feed-back libre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4,6

 Temps total de la « dictée » :

Type de situation Temps total moyen

1. Classe à feed-back zéro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229 secondes


2. Classe à feed-back muet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249 secondes
3. Classe à feed-back Oui-Non . . . . . . . . . . . . . . . . . 316 secondes
4. Classe à feed-back libre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 363 secondes

 Nombre total moyen des erreurs :

Type de situation Nombre total moyen d’erreurs

1. Classe à feed-back zéro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30


2. Classe à feed-back muet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
3. Classe à feed-back Oui-Non . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
4. Classe à feed-back libre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . zéro

 Inquiétude. Les moniteurs, en situation 1 et 2, sont plus « inquiets »


que les « élèves » sur les résultats de leur travail.
 Agressivité. En situation 1 (feed-back zéro) l’agressivité « monte »
dans le groupe des « élèves » et se libère par divers exutoires. Elle va en
décroissant dans les situations 2 et 3 ; elle est nulle en situation 4 sauf si
celle-ci suit dans le temps le passage en situation 1, auquel cas la situation
de feed-back libre (c’est-à-dire de liberté et détente) sert de champ d’ex-
pression à l’agressivité née en situation 1.
Si l’on analyse ces situations (présentées par Leavitt comme des varia-
tions sur le feed-back récepteurs-émetteur), on s’aperçoit qu’en fait elles
représentent des degrés variés de la restriction des deux feed-backs.
En mettant le moniteur hors de portée d’un feed-back qui lui aurait
permis d’adapter son débit, son vocabulaire, ses explications,… la situa-
tion 1 accroît son embarras, et cela nous explique « l’inquiétude sur les

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De l’information-spectacle à l’enseignement programmé

résultats » vus ci-dessus en point E. Mais la même situation prive les élèves
du feed-back inverse. Leur réaction est non seulement un accroissement
de l’incertitude mais surtout une montée de l’agressivité. La frustration
est plus sensible dans le groupe que chez le moniteur, et elle n’est pas de
même nature dans les deux cas : le mécontentement des erreurs et l’insé-
curité se transforment naturellement en accusation du moniteur.
En situation de feed-back muet, le fait même que le mutisme soit
imposé au moniteur montre que le seul feed-back supprimé est le feed-
back E → R. Dans cette situation typique, le moniteur reçoit le feed-back
qui lui est destiné (signaux verbaux et non verbaux) et donc dans ce sens,
le feed-back est libre (ou presque). C’est l’autre feed-back qui est impossi-
ble. Les effets négatifs qui s’ensuivent (incertitude, insatisfaction, nombre
d’erreurs impossibles à corriger, agressivité réactionnelle à la frustration)
sont donc bien dus au non-retour du feed-back dans le sens E → R.
Ce que Leavitt appelle « feed-back libre » ne correspond pas en fait à la
liberté du feed-back R → E, déjà instituée dans les situations 2 et 3
(« muet » et « oui-non »), mais essentiellement au feed-back E → R per-
mettant aux auditeurs-acteurs de réguler leur action. De là leur satisfaction;
de là aussi le temps beaucoup plus grand que consomme cette situation.
On peut donc conclure de ces expériences que, si la restriction du
feed-back R → E produit l’isolement du moniteur et son malaise, l’empê-
che d’adapter son action à ses auditeurs, le réduit au rôle d’émetteur
« aveugle »,… la restriction de l’autre feed-back désoriente les enseignés
et leur inflige une frustration d’autant plus gravement ressentie qu’ils
sont plus motivés pour exécuter la tâche.

Pour conclure

En conclusion de cette première section, on peut affirmer que les phénomènes


de feed-back doivent faire l’objet d’une attention et d’une intégration systéma-
tique dans tout enseignement.
Ignorer les deux feed-backs qui caractérisent toute situation de formation quelle
que soit la méthode employée suffit pour transformer l’enseignement en un dis-
cours dont on ne peut garantir ni la réception ni l’efficacité, et pour transformer
la situation pédagogique en une frustration à laquelle les enseignés seront tou-
jours plus sensibles que les enseignants.

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Comprendre les enjeux

2. L’information-spectacle et ses insuffisances

Confondant trop souvent « information » et « formation », les organi-


sateurs de sessions et séminaires ont une tendance marquée à inscrire au
programme, des conférences.
En fait, c’est ce que nous appellerons un spectacle culturel, et il est
facile de démontrer sa mince valeur formative.

2.1 Les conférences


dans les sessions de formation
Il s’agit généralement d’exposés prononcés par des personnalités com-
pétentes dans le domaine considéré, « parachutées » à un moment de la
session, et chargées de développer, devant l’auditoire des réflexions que
tout le monde s’accordera à trouver « pleines d’intérêt ».
Dans les meilleurs des cas, le conférencier s’est préalablement
enquis du nombre des auditeurs et de leur niveau de connaissances, ce
qui a quelquefois une conséquence sur la préparation de sa conférence,
mais le plus souvent il vient, sur l’invitation des organisateurs, au
moment jugé opportun par eux, pour diffuser un certain nombre d’in-
formations.
Il est bien connu que l’on ne peut pas facilement modifier l’émetteur
dans ce cas. Détenteur respecté d’un savoir dans sa spécialité, le confé-
rencier pense que son aptitude à l’enseigner va de soi. C’est d’ailleurs sa
compétence dans une matière, dans un secteur du savoir, qui a présidé au
choix de la personnalité invitée et à l’organisation de la succession éven-
tuelle des conférenciers dans une session.
On s’imagine toujours que le spécialiste d’un certain champ scienti-
fique ou pratique est du même coup apte à l’enseigner 1. Lorsque ces
conférenciers ont souci de leur rôle de « formateurs », ils ont tendance à
considérer que le mouvement d’adaptation doit se faire des élèves vers
eux. L’émetteur est à un haut niveau (le sien) et les auditeurs-élèves doi-
vent s’efforcer de l’atteindre. Ils seront déclarés « instruits » lorsqu’ils y
parviendront 2.

1. Notre système actuel de « formation » des professeurs consiste d’ailleurs à en faire des spécialistes d’une matière
d’enseignement sans s’occuper de leur savoir-faire pédagogique.
2. C’est en fonction du même postulat que le cours pour débutants ne peut décemment pas être accepté, dans les uni-
versités françaises, par un maître de conférences. Un tel cours sera confié à un enseignant lui-même débutant (jeune
assistant de préférence).

46
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De l’information-spectacle à l’enseignement programmé

 Déperdition et distorsion de l’information

La déperdition et la distorsion de l’information sont considérables.


On sait que, d’une manière générale, nous ne retenons que 10 % de ce
que nous lisons et 20 % de ce que nous entendons lorsque nous faisons
un effort d’attention suivi. De ces chiffres il ressort que la conférence est
deux fois plus utile qu’une lecture de même durée sur le même sujet,
mais les pertes sont tout de même importantes.
Par ailleurs les risques de « distorsion » de l’information sont loin
d’être négligeables. Il ne s’agit pas ici de la partialité du conférencier
mais des contresens sur ce qu’il a réellement voulu dire.
Tout professeur se rappelle du choc qu’il a reçu à la lecture des
notes prises par tel ou tel étudiant à son cours (choc qui d’habitude
change l’opinion du professeur sur l’élève mais ne change en rien le
cours). Il en va de même des auditeurs d’une conférence d’information
à buts de formation : tous les facteurs de distorsion que nous avons ana-
lysés ailleurs (cf. ouvrage Communication et réseaux de communications, cha-
pitre 1) se retrouvent ici, spécialement ceux provenant du cadre de
références du conférencier (et de son répertoire) et ceux provenant du
degré de préparation (ou plutôt d’impréparation) des auditeurs. Les
« questions » qui suivent en principe et la « discussion » officielle n’ar-
rangent rien : la participation reste limitée et de plus on court le risque
de questions oiseuses, hors sujet ou provenant d’auditeurs complète-
ment « déphasés ».

 Insuffisances du modèle

Les insuffisances de ce modèle sont bien connues, quoique cela n’em-


pêche nullement sa pérennisation.
Lorsqu’on fait le bilan des reproches que des participants adultes font
aux conférences qu’ils ont eu à écouter durant les sessions de formation,
on retrouve toujours les quatre griefs majeurs suivants :
– les conférences sont trop didactiques ; elles nous rappellent dés-
agréablement l’école ou l’université ;
– elles sont trop centrées sur la personne du professeur-conférencier,
elles ne donnent pas assez libre cours à une vraie discussion ;
– les discussions, lorsqu’elles ont lieu, ne sont pas assez « conduites » ;
elles se développent au hasard, sans centration suffisante vers des
objectifs précis ;
– les contenus des exposés-conférences et des discussions ne font pas
l’objet d’une préparation suffisante chez les participants. Il nous fau-
drait une documentation préalable.

47
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Comprendre les enjeux

2.2 L’information-spectacle

La conférence, de même que le cours magistral, ont fait l’objet d’at-


taques violentes. On sait que Michel Lobrot, par exemple, dénonce ce
genre, qu’il qualifie de « pédagogie terroriste ». Il écrit dans « Des mots,
des mots… Comment ?… Pourquoi ? » (art. in École des parents, 1971, n° 7,
p. 39-47) : « Dans notre monde moderne, on enseigne de plus en plus. Il
y a des enseignants et des enseignés, des gens qui savent et d’autres qui
ne savent pas mais qui sont supposés apprendre. D’où une situation
extrêmement dangereuse que j’appellerai le discours terroriste… Le lan-
gage parlé est la forme de langage qui se prête le mieux à cette sorte de
terrorisme… Moi, orateur, je vous ai en face de moi et je vous oblige à
m’écouter… Je vous tiens à ma merci… »
Il est probable que la perception de Lobrot (au-delà de ses intentions
politiques) est fondée sur une expérience personnelle pénible de l’école,
marquée par le pensionnat et une discipline sadique 3.
Il n’y a rien de « terroriste » dans les Conférences de nos sessions et il
me semble qu’elles méritent plutôt la dénomination de spectacles cultu-
rels, ce qui suffit à les différencier d’une formation au sens strict.
L’information-spectacle culturel, si on l’organise intentionnellement,
doit avoir certaines qualités : attractivité, talent du one-man-show que consti-
tue la conférence, conditions d’audition et de confort des auditeurs-
spectateurs, intérêt culturel et intellectuel du thème traité. Il faut, dans ce
cas, proposer un bon spectacle (mais il faut savoir que c’est un spectacle et
non une formation).
Du même genre, moins austère, relève le dîner-conférence-débat qui
agrémente certaines sessions. Les plaisirs de l’interconnaissance sont plus
certains et plus positifs que ce qui peut être appris et retenu dans ces cir-
constances.
Avec l’information par le film ou les images commentées, qui rempla-
cent parfois la conférence, nous restons dans l’information-spectacle,
malgré la supériorité des résultats en ce qui concerne la mémorisation
(nous retenons 50 % de ce que nous voyons et entendons en même
temps, lorsque notre attention a été continue pendant la durée de cette
information).

3. Dans l’Encyclopédie de la psychologie (Éd. Fernand Nathan) tome « Psychologie et pédagogie », Michel Lobrot écrit :
« Des instituteurs, j’ai gardé un souvenir de terreur… J’eus comme maîtres quelques curés sadiques… Leur méthode
pédagogique était celle du fouet… » (p. 374).

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De l’information-spectacle à l’enseignement programmé

À savoir

Si ces genres d’information ne sont pas de la formation à proprement parler,


c’est qu’ils ne comportent pas les feed-backs essentiels à toute communication
pédagogique, et qu’il n’y a pas participation active des enseignés.

3. Comment rendre plus efficaces


les conférences et films d’information ?
Il est facile d’« activer » les conférences ou films, et cela avec peu de
changement et peu de moyens supplémentaires 4.
Cependant il faut dire que toutes ces dispositions pédagogiques n’au-
ront d’effet que si une unité de direction, de responsabilité et d’organisa-
tion existe dans la session ou le centre de formation. Je veux dire que la
présence d’animateurs-responsables permanents est indispensable pour
faire les nécessaires liaisons entre les divers moments du stage et spéciale-
ment entre les interventions des conférenciers, c’est-à-dire pour assurer
finalement le passage de l’information à la formation.

La conférence, l’exposé magistral ou le film pédagogique donnent


généralement, lorsqu’ils sont bien faits, l’impression de densité et de
gain de temps. Le gain de temps est une vaste illusion, et la densité
n’est que potentielle tant qu’elle ne correspond pas à un changement
réel du savoir ou du savoir-faire des stagiaires, objectif de la péda-
gogie.

Toutes les actions supplémentaires que nous allons envisager ci-dessous


sont consommatrices de temps. Elles sont justifiées par le fait que le but
final n’est pas de gagner du temps mais de faire une formation valable.

3.1 Action d’animateurs-relais


Après la conférence ou l’exposé magistral, lequel s’est passé dans les
conditions habituelles décrites ci-dessus, c’est-à-dire sous la forme d’une
information substantielle certes mais projetée dans l’auditoire sans souci

4. Tous les compléments se trouvent dans le séminaire de Daniel Chevrolet, paru dans cette collection, particulière-
ment son exposé 2 : l’optimatisation des méthodes expositives.

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Comprendre les enjeux

des feed-backs (information-spectacle culturel), et avec le risque des


énormes déperditions-distorsions peu évitables dans ce système pédago-
gique, une « suite » est à organiser pour améliorer l’assimilation et pour
affermir la valeur formatrice espérée.

 Le relais sous forme d’animation de la discussion du groupe

Après le départ du conférencier (lequel a fait son « numéro » et s’en


va avec les compliments et les remerciements de l’organisateur de la ses-
sion ou du responsable du centre de formation), ou après la projection
du film d’information, le ou les animateurs réunissent le groupe (ce
groupe doit se subdiviser en petits groupes de 8 à 10 participants s’ils sont
trop nombreux) et consacrent du temps (entre deux et quatre fois le
temps de la conférence ou du film) à provoquer, par les interactions,
d’une part une assimilation de l’information telle qu’elle a été émise,
d’autre part une formation par adaptation active de cette information
aux problèmes réels qui sont ceux du groupe (besoins professionnels,
questions que se posent concrètement les participants par rapport à leurs
objectifs de formation).
La méthode qui donne les meilleurs résultats consiste à animer le
groupe de réflexion-discussion de façon non directive (cf. ouvrage La
conduite des réunions, chapitre 5) à partir des questions-starters successives :
1) Reconstitution des points principaux développés par le conféren-
cier, ou dans l’ordre chronologique du film d’information, ceci en évi-
tant toute interprétation ;
2) Qu’est-ce que cela vous a appris ?
3) En quoi cette information est-elle utile dans vos objectifs de forma-
tion ?
4) Comment se formulent les questions qui se posent à vous après
cette information ?
5) Comment y répondre ?
Sur chacun de ces thèmes, le groupe discute entre 30 et 45 minutes.
Un rapport est à établir, par groupe, par l’animateur. La mise en com-
mun des rapports est à faire en grand groupe. Si on en a le temps, la tota-
lité des rapports de groupes doit se trouver dans le compte rendu de la
session.
Lorsque des questions restent en suspens, les groupes doivent déci-
der des modes d’obtention des réponses (y compris l’interrogation, par
téléphone, de personnalités compétentes ou du conférencier lui-
même).

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De l’information-spectacle à l’enseignement programmé

Les animateurs-relais n’ont nullement à être spécialistes du domaine qui


correspond à l’information émise. On peut même dire qu’ils n’ont besoin
d’aucune compétence particulière dans les diverses questions soulevées
par l’information. Leur rôle est très défini et très limité : ils doivent utiliser
les interactions groupales pour faire circuler l’information retenue, la faire
approfondir, la faire fructifier. La seule compétence requise pour ce travail
est celle de l’animation des groupes.

 Le relais sous forme d’organisation


de l’interview indirecte du conférencier par les participants
Cette modalité d’exploitation n’est possible qu’après une conférence,
ou lorsque le film est présenté par une personnalité compétente. C’est en
effet la personnalité détentrice de l’information qu’il faut interviewer.
L’animateur-relais, en grand groupe, avant l’information-spectacle,
annonce à l’auditoire (après avoir prévenu le conférencier ou la personna-
lité qui présente le film) que des petits papiers vont être distribués, sur les-
quels les participants inscriront anonymement et lisiblement les questions
qui leur viennent à l’esprit au cours de l’information ou à sa fin. Ces ques-
tions seront à remettre à l’animateur. Il ne doit y avoir qu’une question par
papier, mais le nombre des questions par participant n’est pas limité.
Il en va donc comme prévu. Après l’émission de l’information, l’ani-
mateur en possession des papiers se met sur le côté de la salle et pose à la
personnalité compétente, au nom du groupe, les questions redistribuées
selon des thèmes par une rapide analyse de contenu.
En pratique, il faut que l’animateur-interviewer ait quelques aides
bénévoles pour rassembler les papiers après l’information-spectacle et
que tout de suite il puisse repérer une question importante et générale
parmi les premiers papiers qui arrivent. C’est cette question qu’il lance
en premier au conférencier. Il profitera du temps de réponse de celui-ci
pour effectuer l’analyse de contenu des questions, leur classement par
thèmes et l’ordre dans lequel il va les poser (passeront en priorité les thè-
mes qui regroupent le plus grand nombre de questions et ceux qui sont
les plus généraux par rapport au contenu de l’information reçue).
Après chaque question, l’animateur, s’identifiant aux questionneurs,
peut contester l’adéquation de la réponse à la question qu’il a formulée
et demander les précisions souhaitées par les papiers qu’il a en mains,
puis, après la fin de la réponse, s’adressant à l’auditoire, l’animateur
demande si les participants intéressés par cette question sont satisfaits,
sinon ils ont eux-mêmes à formuler oralement sur ce thème (et sur celui-
là seulement) les autres questions ou remarques qu’ils ont à dire.
Il passe ensuite à un autre thème… et ainsi de suite.

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Comprendre les enjeux

3.2 Action de sensibilisation des participants


avant l’émission de l’information
Comme nous aurons l’occasion de le dire ci-dessous à propos des
motivations on sait que l’information a d’autant plus d’influence et de
portée qu’elle tombe sur des esprits en état de réceptivité et de besoin.
Un certain nombre d’actions préparatrices sont faciles à réaliser dans
le but de donner à l’information une valeur formatrice. C’est cette action
préparatrice que l’on nomme « sensibilisation » (cf. aussi ci-dessous).

 Inverser l’ordre habituel des exercices pratiques


et des informations didactiques
Dans une session ou un centre de formation, les exercices pratiques
suivent, habituellement, l’exposé général ou la documentation. Ils en
constituent, selon le schéma traditionnel, les applications pratiques ou les
illustrations par des exemples.
Il s’agit, au contraire, si l’on veut sensibiliser les auditeurs-spectateurs à
l’information, inverser cet ordre. Les exercices pratiques seront proposés
avant l’information didactique. Les participants sont ainsi plongés dans
un tâtonnement expérientiel, en manquant d’information, mais en étant
dans la situation de « découverte » des difficultés.
Ils formulent et situent les questions dont les réponses leur seraient
utiles, et, dans cette phase de tâtonnement, les animateurs-relais par
groupe de travail, aident les participants à définir les difficultés et leurs
besoins d’information.
C’est ensuite que sera proposée (par la conférence) l’information
générale relevante, laquelle sera suivie des réponses aux questions formu-
lées oralement par les participants, individuellement ou par groupe de
travail.
Une variante de ce procédé consiste à faire travailler préalablement les
petits groupes, de 6 à 8 membres, sur des cas écrits avec un animateur par
groupe (cf. ouvrage La méthode des cas) Il faut évidemment que le cas étu-
dié corresponde au champ scientifique, technique ou pratique, sur lequel
portera l’information générale ultérieure.

 Répondre aux questions posées

Ne donner l’information qu’en réponse à des questions posées


par les participants ou les petits groupes de travail. Ce procédé a plusieurs
variantes.

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De l’information-spectacle à l’enseignement programmé

 Variante 1. Le conférencier invité se présente lui-même en précisant


les domaines de son expérience, de sa compétence, de ses recherches ou
de ses travaux. Cette introduction dure de 15 à 30 minutes.
Dans une seconde phase, il demande aux participants de formuler
individuellement les questions qu’ils ont envie de lui poser, ceci d’une
part par rapport à leurs intérêts ou objectifs personnels de formation, et
d’autre part par rapport aux domaines définis de sa compétence.
Après une analyse de contenu des questions (qu’il a prises en note) et
leur classement par thème, le conférencier bâtit sa « conférence »
impromptue, par séquences, en réponse à ce qui intéresse son public.
Des échanges entre l’auditoire et le conférencier doivent être institués
si le temps le permet, après chaque séquence.
 Variante 2. Le conférencier fait une sorte d’exposé qui est, en fait,
une introduction générale à la conférence qu’il pourrait développer.
Dans cet exposé introductif (qui durera environ 30 minutes) il brosse les
lignes générales et les limites du sujet qu’il voudrait traiter.
Dans une deuxième phase, la parole est donnée à l’auditoire, indivi-
duellement ou par petits groupes (formés par affinités, composés de 5 ou
6 membres et disposant de 30 minutes) pour formuler les questions qui
les intéressent par rapport au thème général annoncé.
Dans une dernière phase (qui peut être aussi suivie d’échanges), le
conférencier, après avoir pris en note les questions, fait sa conférence en
développant seulement les points désignés par l’auditoire.
 Variante 3. Avant l’arrivée du conférencier et en prenant le temps qu’il
faut (environ 1 h 30), des petits groupes de 6 à 8 membres en réunions-
discussions conduites par un animateur selon la bonne méthode (cf.
ouvrage La conduite des réunions, chap. 5) traitent le thème ou le sujet qui
sera celui de la conférence.
Par ce procédé, ils mettent en commun leurs connaissances ou leur
expérience sur le sujet et sous l’impulsion de l’animateur soucieux de sus-
citer et d’utiliser les interactions, préparent un rapport de groupe. Ce
rapport peut comporter des points d’interrogation.
En séance plénière et en présence du conférencier, ces rapports sont
lus successivement par les rapporteurs des groupes.
C’est pour clôturer cette séance de travail qu’a lieu alors la conférence
d’information, le conférencier étant parfaitement conscient du niveau
des connaissances et des attentes de l’auditoire puisqu’il a entendu les
rapports des groupes de travail préalables.

53
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Comprendre les enjeux

Ces procédés, surtout le second (exposé introductif assez bref et impor-


tance reportée sur les réponses aux questions), sont particulièrement
indiqués dans les dîners-débats. On sait par ailleurs que le dîner-débat a
pour objectif de favoriser l’interconnaissance et les relations informelles.
Les organisateurs veilleront donc à intensifier l’aspect informel de ce
genre de réunion.

Tous ces procédés sont palliatifs des insuffisances didactiques de la


conférence ou du film, ils tendent à établir et à assurer une meilleure
communication, le problème de la communication pédagogique étant,
comme nous l’avons vu, au centre de toutes les méthodes expositives.
C’est ce même problème que les machines à enseigner prétendent
traiter de façon optimale.

4. Les machines à enseigner

La machine à enseigner résout en effet le problème de la communica-


tion pédagogique et, éliminant de l’information tout aspect de « specta-
cle culturel », entend faire l’information-formatrice de la manière à la fois
la plus économique et la plus efficace.
Dans La révolution scientifique de l’enseignement (1968), B.F. Skinner écrit
(p. 111 et 129 de la traduction française) : « Dans les efforts pour amélio-
rer l’enseignement, efforts aujourd’hui très en vogue dans le grand public
et très en honneur chez les politiciens, il est extraordinaire de constater à
quel point le problème de méthode est négligé. Nul ne prend la peine
d’analyser l’enseignement et l’apprentissage, et l’on ne fait en réalité
aucun effort pour les améliorer en eux-mêmes… On entend partout : il
faudrait construire des écoles plus nombreuses et meilleures, il faudrait
recruter des maîtres plus nombreux et meilleurs, il faudrait rechercher les
meilleurs élèves, il faudrait multiplier les contacts professeurs-élèves, il
faudrait élaborer de nouveaux programmes. On ne se demande pas
comment ces meilleurs professeurs, travaillant dans de meilleures écoles
avec des élèves meilleurs, s’y prendront pour enseigner.

Et comme le meilleur professeur parlant dans la meilleure école à ces


élèves meilleurs s’aperçoit qu’il y a une formidable déperdition d’énergie
et que seulement un pourcentage infime de ce qu’il dit « passe » (en atten-
dant d’être rapidement oublié), alors découragé, il déclare que la faute en
incombe aux élèves et que ceux-ci doivent apprendre tout seuls…
Beaucoup ont préféré conclure que le professeur en fait, ne peut vraiment
enseigner; tout ce qu’il peut faire, c’est aider l’élève à « apprendre ».

54
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De l’information-spectacle à l’enseignement programmé

Or, si la communication ne passe pas ou passe mal elle n’est pas péda-
gogique, car la communication pédagogique c’est celle qui « passe » et qui
apprend quelque chose aux stagiaires, non pas comme une information-
spectacle ni même comme une information stockée dans la mémoire,
mais comme un changement de leur comportement dans une certaine
catégorie de problèmes professionnels en vue de les résoudre positi-
vement.

4.1 Les résultats de l’analyse


expérimentale de l’apprentissage

Ils permettent de formuler aujourd’hui des lois qui apparaissent comme


les conditions de base d’une communication pédagogique digne de ce
nom. J’en retiendrai 10, dont l’ignorance disqualifie un pédagogue.

Les 10 lois de la communication pédagogique

1. L’expérimentation montre que l’acheminement vers l’acquisition du savoir,


du savoir-faire ou du comportement nouveau ne se fait que si les étapes sont
mises minutieusement dans un ordre progressif par fragments successifs
aussi petits que possible, l’assimilation de chaque fragment ne pouvant se
faire que si les précédents sont assimilés.
Autrement dit, la communication n’est pédagogique que si les données à
assimiler sont distillées une à une dans un ordre rigoureux.
2. L’ordre en question est un ordre pédagogique, ordre spécifique qui n’a
pas forcément quelque chose à voir avec l’ordre logique de la matière ensei-
gnée ni même avec la structure du comportement final visé.
3. L’assimilation de chaque fragment doit être vérifiée par un feed-back.
De la synthèse entre ces trois premières conditions, il s’ensuit que la réponse
de l’élève sera toujours bonne. Si elle n’est pas bonne (s’il y a erreur), c’est
que le découpage des fragments est mal fait.
La réponse bonne, celle qui prouve l’assimilation, doit être « renforcée »,
c’est-à-dire encouragée, approuvée, récompensée.
4. Dans l’apprentissage d’un savoir, d’un savoir-faire ou d’un comportement
nouveau, l’échec (la rencontre de l’échec personnel) a toujours et à tous les
niveaux un effet nuisible parce que les réponses fausses laissent des traces,
même si elles sont corrigées.
Autrement dit l’habitude consistant à mettre l’élève ou l’étudiant en difficulté
pour qu’il fasse des erreurs est antipédagogique.

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Comprendre les enjeux

5. L’information de « l’élève » sur la valeur de ses réponses doit, pour avoir


un effet sur l’apprentissage, être immédiate. Après quelques minutes de
délai, l’effet devient nul.
Or vous savez que dans notre système traditionnel on donne les corrigés et
les résultats à distance des réponses fournies, après plusieurs jours ou même
plusieurs semaines de délai.
6. On peut expérimentalement évaluer à 50 000 le nombre de réponses bon-
nes encouragées, nécessaires à l'apprentissage d’une matière scolaire
annuelle.
7. La quantité brute du renforcement (importance de la gratification après la
bonne réponse) est secondaire. Un renforcement très petit mais appliqué
adéquatement est très efficace.
8. L’apprentissage, même intellectuel, exige que le sujet en situation d’ap-
pentissage soit actif. Toutes les « méthodes » qui supposent, exigent ou
favorisent la passivité, ralentissent ou contrecarrent l’apprentissage.
9. Chaque élève a son « rythme » propre d’apprentissage. Ainsi la « classe »
(collectivité des élèves qui suivent le même apprentissage) ne peut être au
mieux qu’un tâtonnement autour du rythme moyen qui ne convient à per-
sonne, et elle se fait généralement au rythme personnel du professeur.
10. Il n’y a aucune preuve que ce qui est appris ou compris facilement s’ou-
blie facilement. On a, par contre, la preuve expérimentale que ce qui est
appris dans la douleur, la peine ou l’ennui, s’oublie facilement.

4.2 La machine à enseigner,


modèle de communication pédagogique
Je me demande si l’opposition de beaucoup d’enseignants à la
machine à enseigner ne vient pas justement de ce qu’elle présente le
modèle de ce qu’ils devraient être et révèle par là ce qu’ils ne sont pas.
Nous avons vu que la communication pédagogique est instrumentale.

Skinner écrit expressément (op. cit., p. 48) :


« La machine en elle-même, naturellement, n’enseigne pas. Elle n’est
qu’un instrument mettant l’étudiant en contact avec le spécialiste qui a
composé le matériel qu’elle présente […] Il n’est pas excessif de compa-
rer la machine à un bon précepteur privé.
1 – Il existe en effet, un échange continuel entre le programme (le
contenu de la communication) et l’élève. À la différence des exposés des
manuels et des aides audiovisuelles habituelles, la machine induit une
créativité soutenue de la part de l’élève.
2 – […] La machine insiste pour que chaque point soit parfaitement
compris avant d’aller plus loin, […] elle s’assure que l’élève « suit » […]

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De l’information-spectacle à l’enseignement programmé

3 – […] La machine ne présente à l’élève que la matière qu’il est prêt à


aborder. Elle lui demande de faire le pas qu’il est, à tel moment, le mieux
en mesure de faire […]
4 – La machine aide l’élève à produire la réponse correcte […]
5 – Enfin la machine, toujours comme le précepteur privé, « renforce »
(approuve, félicite ou récompense) l’élève pour chaque réponse correcte,
utilisant ce feed-back immédiat non seulement pour modeler efficace-
ment son comportement mais pour le maintenir en vigueur, […] ce que le
profane traduirait en disant que l’on tient l’intérêt de l’élève en éveil. »

 Les déterminants de la communication pédagogique

Tout pédagogue qui a « du métier » et qui aime son métier, a une


intuition de ces déterminants de la communication pédagogique, et un
certain nombre de ses procédés empiriques sont repérables par rapport
aux strictes conditions ci-dessous définies :
– l’introduction progressive des notions nouvelles, des concepts et des
mots nouveaux, avec explication et vérification du sens… Tous les au-
tres mots non spécifiques du répertoire à enseigner doivent être les
plus simples et les plus banaux possibles ;
– la recherche et le comblement des lacunes et des ignorances ren-
dant inassimilables les données présentes… ;
– la redondance, si nécessaire à l’exposé pédagogique, et qui est une
manière de ralentir tout en répétant les choses importantes… ;
– le « contact » qui est un des aspects de la « présence » et qui est vigi-
lance à l’égard des signaux de feed-back… ;
– le soutien de l’intérêt par divers trucs dont les jeux variés du para-
langage (autre aspect de la « présence », qui revient à utiliser les dons
d’acteur de théâtre), les illustrations, les anecdotes, les références à la
pratique ou à la vie…

 L’apport de l’analyse expérimentale

 Mais l’analyse expérimentale des conduites d’apprentissage apporte


de quoi aller plus loin. Trois points particuliers seront soulignés dans cet
ensemble où toutes les conditions mériteraient un développement :
 La définition du but précis de la communication. Celui qui parle
doit préalablement définir clairement pour lui-même ce qu’il veut obte-
nir, l’objectif pédagogique de sa leçon, de sa leçon d’aujourd’hui, de l’en-
semble de sa session ou de son cours, ainsi que les rapports pédagogiques
entre chaque séance et l’ensemble, autrement dit : l’objectif, l’itinéraire
pédagogique et les points de passage.

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Comprendre les enjeux

 Il doit éviter la passivité de ses élèves et les faire agir ou répondre,


intervenir, susciter des comportements en relation avec leur niveau d’assi-
milation des étapes de la communication, il doit mobiliser le comporte-
ment (verbal s’il s’agit de connaissances intellectuelles, physique et
corporel s’il s’agit de connaissances pratiques) en réponse à ce qu’il
communique, ce qui revient à interrompre l’exposé à chaque point du
parcours pour donner le rôle actif aux auditeurs ou à permettre (en l’an-
nonçant) l’interruption libre de son exposé par des questions à n’importe
quel moment.
 Le feed-back doit être double, dans les deux sens : il y aura un feed-
back pour l’enseignant, venant de la valeur des réponses suscitées, feed-back
qui, nous l’avons vu, permet l’ajustement permanent du contenu et du
rythme de la communication… mais il y aura aussi un feed-back pour l’en-
seigné, qui sera informé, à chaque réponse, de la valeur de sa réponse.
Ainsi l’information devient formation ; le cadre de référence de
l’élève, son répertoire et la structure de son comportement de réponse
aux situations en vue desquelles on l’instruit, se mobilisent et recoupent
de plus en plus le cadre de référence, le répertoire et l’ensemble des
conduites du professionnel compétent.

4.3 L’enseignement programmé


Le principe des machines à enseigner est l’enseignement programmé.
Tout enseignement de ce type doit satisfaire à 5 critères qui sont ses carac-
téristiques de base.

Les 5 critères de l’enseignement programmé

1. Il présente des informations à « l’élève », soit visuelles, soit audiovisuelles,…


2. Ces informations, par tranches, s’organisent en une suite cohérente, pro-
gressive telle que chacune est nécessaire à la suivante pour que celle-ci soit
intelligible.
3. Chaque tranche d’information se termine par une question ou par un
blanc qui exige de l’élève une réponse, réponse qu’il est supposé capable
de donner en fonction de la tranche d’information reçue préalablement.
4. « L’élève » est renseigné immédiatement sur la valeur de sa réponse.
5. Il travaille seul, à son rythme personnel.

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De l’information-spectacle à l’enseignement programmé

 Les 2 premières machines à enseigner

En 1924, Pressey, chercheur américain, avait inventé une machine à


évaluer les connaissances (une machine docimologique, pour ainsi dire ;
cf. p. 140) qui proposait au candidat des réponses multiples à des ques-
tions d’examen. Le sujet « testé » devait appuyer sur des boutons corres-
pondant à ces réponses ; celles-ci étaient évaluées et enregistrées par la
machine.
À sa suite, Lumsdaine créa une machine qui projetait sur un petit
écran, des séquences de renseignements pratiques illustrés montrant
comment réparer une mécanique. À chaque étape de la démonstration,
la projection s’arrêtait et l’apprenti, sur une mécanique semblable à celle
du film, réalisait par imitation l’opération qu’il venait de voir. Il pouvait
faire repasser la séquence jusqu’à réussite de son action, et il faisait repar-
tir lui-même le film pour l’opération suivante et ainsi de suite.
Lumsdaine, dans un but de formation économique (il n’y avait pas
besoin de beaucoup de moniteurs et chaque apprenti travaillait à son
rythme avec une méthode audiovisuelle captivante) 5 avait donc déjà
infléchi la machine docimologique de Pressey dans la direction de la for-
mation individualisée.

 Les machines suivantes

 La machine à choix multiples et à programme linéaire, synthèse des


précédentes, est encore fabriquée et c’est celle qui est la plus facile à réali-
ser par des amateurs. Elle se caractérise par :
1. Une tranche simple d’information est fournie, après laquelle une
réponse est demandée à l’élève. L’information émise ou projetée est
nécessaire et suffisante pour que l’élève puisse répondre à la question
qui la clôt.
2. Plusieurs réponses ou résultats possibles sont présentés à l’élève
(c’est là le « choix multiple ») et il doit désigner la bonne réponse ou
le bon résultat.
3. Deux cas sont prévus : l’élève donne la « bonne réponse » et appuie
sur le bon bouton (signe objectif qu’il a reçu et compris l’information
préalable) ou, au contraire, fournit une « mauvaise réponse ». Dans le
premier cas, la machine gratifie la réponse (« exact », « juste », « bien »!)
et la tranche d’information suivante apparaît (soit automatiquement, soit
par la manipulation d’un levier). Dans le second cas (lorsque la réponse
ou le résultat sont erronés), le mécanisme se bloque et la tranche

5. On voit la filiation avec les méthodes audiovisuelles modernes d’apprentissage des langues vivantes.

59
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Comprendre les enjeux

d’information première est seule réaccessible. Les mêmes questions sont


posées de nouveau.
Le programme est « linéaire » en ceci qu’une séquence d’information
est prévue et une seule.
L’inconvénient du programme linéaire est que si l’élève n’a pas com-
pris l’information, il ne peut disposer de renseignements complémentai-
res. D’autre part, si l’information déjà vue revient, il aura tendance à don-
ner une réponse différente (ou à appuyer sur un autre bouton) pour
seulement éviter de faire la même erreur.
 La machine à enseigner de Skinner est à programme linéaire et évite
les choix multiples. Son principe oblige le pédagogue-programmateur
(en fait il s’agit d’un travail d’équipe) à composer les tranches d’informa-
tion de telle sorte que les réponses-actions de « l’élève » soient justes (évi-
tement systématique de l’erreur).
 La machine à skip branching a souci d’éviter le seul inconvénient de la
précédente, à savoir la longueur de la décomposition de l’information obli-
geant tout élève, quel que soit son niveau, à un itinéraire détaillé et complet.
Le skip branching permet pratiquement deux vitesses, l’une des deux étant
celle de la machine de Skinner, l’autre « bondissant » (d’où son nom) par-
dessus les informations inutiles et ne retrouvant la décomposition des infor-
mations complètes que lorsque l’élève en a besoin (cf. fig. 2).
De ce fait l’erreur est possible et prévue ; la réponse erronée renvoie à
une série complémentaire d’informations, selon le schéma suivant :
juste
Rép. juste vers information
Information C+
B + question faux question C
Information
A + question Rép. fausse

Programme
A4 A1 B3 Programme linéaire B1
linéaire

A3 A2 B2

Figure 2 – Schéma d’un skip-branching


 La machine de Crowder. Il n’y a pas de raison de croire que l’erreur
ne peut être corrigée que par une décomposition de l’information non
assimilée. Après réception d’une information, l’erreur de la réponse, si

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De l’information-spectacle à l’enseignement programmé

elle se produit, peut et doit faire trajet d’une analyse de la part du péda-
gogue, analyse qui lui révélera les lacunes du savoir de l’élève ou les
imprécisions de l’information (fonctions mêmes du premier feed-back).
Or, on peut déterminer à l’avance les types d’erreurs possibles (et en faire
la vérification ou la mise au point au cours d’expérimentations métho-
diques du programme). Elles ne sont jamais en nombre infini.
La machine à enseigner de Crowder prévoit donc toutes les réponses
erronées possibles après chaque séquence et, selon l’erreur et son analyse
préalable, renvoie alors à la séquence complémentaire corrective. Tel est
le programme ramifié, dont voici deux schémas possibles simplifiés, pour
une séquence comportant quatre erreurs (fig. 3 et 4) :

Juste
Information
B + question
Information Erreur 1
A + question

Erreur 2

Séquence
A1
Erreur 3

Séquence
Erreur 4
A2

Séquence
A3

Séquence
A4

Figure 3 - Schéma d’un programme ramifié


On voit la différence pédagogique essentielle entre la programmation
linéaire et les autres (skip branching et programmation ramifiée) : les
programmations non linéaires réintroduisent la possibilité de l’erreur
dans la réponse-action de « l’élève » ; cette erreur (que Skinner cherche à
éviter a priori pour les raisons vues ci-dessus) est considérée comme un
premier feed-back utile ; elle fait l’objet d’une analyse et sert à réguler le
flux de l’information. (Nous verrons, dans le chapitre 3, à propos des
méthodes actives une autre conception pédagogique de l’erreur.)

61
Methodes_actives3:coll FP 6/07/12 9:31 Page 62

Comprendre les enjeux

Juste
Information Information
A + question Erreur 1 B + question

A 12 Erreur 2

A 11
Erreur 3

A 23 A 22 A 21 Erreur 4

A 31 A 32

A 41 A 42 A 43 A 44

Figure 4 – Autre schéma représentant un programme ramifié

Le fait d’admettre l’erreur et de la corriger seulement par la présen-


tation de la bonne réponse dans l’enseignement par ailleurs programmé
(ou de laisser à l’élève la possibilité théorique et pratique de l’erreur) a
fait dire que, dans ce cas, l’enseignement n’était que semi-programmé.
De toute façon, l’enseignement semi-programmé doit satisfaire aux 3 pre-
miers critères del’enseignement programmé :
1) progression graduée par tranches d’information minima ;
2) participation de l’élève par réponse-action ;
3) vérification-évaluation immédiate de la réponse-action.
Dans toutes les méthodes d’enseignement programmé, le second feed-
back existe : il est constitué par la vérification-évaluation immédiate de la
réponse-action de l’élève.
C’est par cet ensemble de dispositions que l’information cesse d’être
une communication aveugle ou une information-spectacle pour devenir
une information-formation. Et cependant les machines à enseigner,
quoique leur avènement ait définitivement résolu les problèmes de la
communication pédagogique et de l’information didactique, et quoique
leurs résultats en pédagogie des adultes soient remarquables… ne sont
pas des méthodes actives au sens strict quoiqu’elles soient la mise en
forme optimale de la méthode interrogative. Elles sont une nouvelle
forme de conditionnement, le conditionnement opérant, utilisant l’acti-
vité du sujet, mais pas sa capacité de découverte ou d’innovation.

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3
CHAPITRE

Les « méthodes actives »


dans la formation

L’ expression « méthodes actives » est pratiquement née tout à la fin


du XIXe siècle quoique l’histoire de cette conception pédagogique
remonte loin dans le temps, à l’humanisme de la Renaissance, à Descartes
(qui rejeta la méthode d’autorité), à Locke et aux anti-intellectualistes du
XVIIIe siècle, à J.-J. Rousseau avec sa « pédagogie négative », à Pestalozzi, à
Frœbel et au courant dit de l’École Moderne… C’est à la triple influence,
vers la même époque, de l’Américain John Dewey (1859-1952), du Belge
Ovide Decroly (1871-1932) avec sa devise « l’École pour la Vie par la Vie »,
et du Suisse Adolphe Ferrière (1879-1960) que l’on doit l’intérêt pour les
méthodes actives. Dewey, avec sa devise « apprendre en faisant soi-même
son expérience » oppose les méthodes actives aux méthodes autoritaires
de l’école traditionnelle. Ferrière, avec sa devise « enseigner à partir des
besoins et des intérêts concrets », s’oppose aux méthodes intellectualistes
de l’école classique. Plus près de nous, Jean Piaget oppose les « méthodes
actives » aux méthodes qu’il appelle « réceptives ». Au lieu d’enregistrer
l’enseignement reçu, l’élève assimile par lui-même son programme et « se
forme » par des exercices personnels, dirigés par le formateur.
La définition est donc claire. Quoiqu’en fait, dans les méthodes dites
« classiques, autoritaires et intellectualistes », il y ait forcément une activité
(l’activité intellectuelle de l’attention et de la compréhension) et une moti-
vation (l’intérêt, direct ou indirect, à apprendre), il est certain que l’on
peut, en théorie et en pratique, distinguer méthodes passives et méthodes
actives en soulignant davantage alors la distance entre un apprentissage par
conditionnement-mémorisation-répétition, et une formation par le tâton-
nement expérimental et expérientiel, par la construction personnelle de la
réponse adaptée, par la découverte, par l’action, et en situation.

63
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Comprendre les enjeux

À un des bouts de ce qui est pratiquement un continuum, certains cri-


tiques stigmatisent avec force le dressage, le learning ou apprentissage par
conditionnement et répétition (tout en le trouvant tout naturel dans la
propagande politique dite d’intégration) ; à l’autre bout il y aurait les
groupes en autoformation, le formateur ayant complètement disparu,
limite ultime utopique,… puisque, en bonne logique, ces groupes moti-
vés devraient réinventer le savoir humain depuis le pithécanthrope.
Utopique en effet car ces groupes en autoformation pour éviter de réin-
venter l’histoire de l’Humanité se référeront à des informations, donc à
des découvertes faites par d’autres, à des livres, donc à des maîtres qui en
sont les auteurs.
J’ai dit ci-dessus qu’il s’agit, en réalité, d’un continuum, c’est-à-dire que
la limite stricte des deux méthodologies est difficile à tracer, et qu’il y a
beaucoup de méthodes mixtes, que tout formateur doit connaître.

1. La pédagogie du learning
ou formation par l’apprentissage
Henri Pieron, le pionnier de la psychologie de comportement (ce que
Watson à la même époque appela Behaviorisme) définissait ainsi le lear-
ning : « Il est caractérisé par une modification du comportement (c’est-
à-dire de l’ensemble des réactions objectives observables) dans le sens
d’une adaptation progressive, au cours d’activités répétées dans des
conditions semblables ».
Comme on le voit, l’accent est mis sur la répétition dans des condi-
tions semblables, répétitions au cours desquelles le comportement adap-
tatif est appris par dressage ou par habitude.

1.1 Le drill
Convenons d’appeler drill (du mot anglais qui signifie exercice, au
sens militaire) tout apprentissage par répétition jusqu’à obtention d’un
comportement-habitude, ou mieux encore « réflexe », qui se déclenche
sur signal et répond à la situation-standard pour laquelle il a été construit.
Ne reculez pas d’horreur devant le drill : c’est par drill que vous avez appris
la discipline des sphincters vers vos 2 ans, que vous avez appris le maniement
de la fourchette, puis celui de la plume et du crayon, que vous avez appris la
table de multiplication aussi bien que la conduite automobile, ou la tolérance
des verres de contact pour ceux d’entre vous qui en portent, etc.
Je dois dire – au risque de provoquer le scandale – que d’importants
automatismes de base peuvent et doivent être appris ainsi, et que l’être

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Les « méthodes actives » dans la formation

humain manifeste une aptitude certaine au conditionnement, supérieure


à celle de tout animal. La rapidité d’acquisition des habitudes – souvent
sur une seule expérience – est même une des caractéristiques de la haute
adaptabilité de l’espèce humaine.
En ce qui concerne la formation, le drill sera le montage de réponses
immédiates et sûres à des situations bien définies ou à des signaux
connus. Le système de référence est le schéma classique de ce qu’on
appelle le « conditionnement ».
 Le « conditionnement » fut découvert en 1902 par le physiologiste
russe Ivan Pavlov (prix Nobel de Médecine en 1904). Pavlov étudia scienti-
fiquement le phénomène bien connu qui consiste en ceci : si l’on fait pré-
céder la présentation de la nourriture (chez un animal) par un « signal »
quelconque « neutre » (sans signification a priori, tel un son ou un éclair de
lumière), la réaction « naturelle » dite « inconditionnelle » auparavant
déclenchée par la nourriture (la salivation) se déclenche dès le signal, après
un certain nombre de répétitions de la « liaison signal-nourriture ».
L’étude fut poussée très loin : réactions selon les « types neurologiques »,
selon les degrés d’espacement, selon les genres de signaux (certains provo-
quant des névroses), conditions de l’« extinction » du « réflexe conditionnel, »
ainsi acquis, etc. Tous ces travaux intéressent évidemment l’apprentissage hu-
main par « dressage » (et aussi inversement les buts de « déconditionnement »).
 L’étude expérimentale des conditions optima du drill a été poussée fort
loin. Dans l’ouvrage La formation par l’apprentissage (PUF, 1970), J. Leplat,
Cl. Énard et A. Weill-Fassina donnent une revue complète de ce qu’ils appel-
lent « les programmes systématiques de formation ». Sachez que l’on sait
assez exactement par exemple dans quelles conditions il faut organiser l’ap-
prentissage dit global (répétitions du comportement dans son tout) plutôt
que l’apprentissage dit fractionné (apprendre successivement chaque élé-
ment simple, isolé soit par morcellement, soit par décomposition spatiale ou
temporelle 1),… ou encore dans quelles conditions il faut organiser l’ap-
prentissage dit massé (continu et sans interruption) et l’apprentissage dit
distribué (avec des pauses entre les répétitions et des pauses de combien de
temps après combien de temps de drill, et en faisant quoi dans l’inter-
valle 2)… ou encore si pour obtenir la vitesse du comportement instruit, il
faut augmenter progressivement la cadence ou au contraire imposer la
vitesse dès le début pour provoquer l’adaptation progressive 3,… ou enfin

1. L’apprentissage global est d’autant plus efficace que les sujets ont un niveau de développement (âge et quotient
intellectuel) plus élevé, qu’ils sont plus familiarisés avec la méthode, que la tâche est moins longue et a plus d’organi-
sation interne.
2. Ce n’est pas par hasard que dans la méthode Assimil on recommande au début 20 minutes de travail toutes les
24 heures.
3. Certaines méthodes d’entraînement à la lecture rapide imposent la vitesse dès le début (Morton 1959).

65
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Comprendre les enjeux

comment se produira « l’intériorisation du modèle et des signaux » telle que


la tâche pourra être accomplie, par exemple, tout entière exactement et les
yeux bandés.
 On a appliqué ce système de formation dans des domaines très
variés, y compris dans le domaine des Sciences Humaines. Vous avez tous
entendu parler, par exemple, du TWI (Training Within Industry).
Cette méthode, créée dès 1941 par Ch. R. Dooley aux USA, se développa
de 1941 à 1945 et permit pendant cette période, la formation de 2 millions
d’agents de maîtrise à l’art de former le personnel et de 1 million d’autres à
l’art du commandement (programme FPC ou formation pratique des
chefs). Ces programmes furent recommandés par le Bureau International
du Travail (Commission de l’Unesco siégeant à Genève) en 1949.
Le TWI a aussi des programmes de formation à la conduite des réuni-
ons, à la résolution de problème, à la simplification du travail, etc.
Chaque « situation » est prévue, et une « fiche » du type check-list est à
appliquer pour faire face efficacement à la situation-signal dès qu’elle
apparaît.
Il reste quelque chose de ce TWI dans les comportements profession-
nels : si on dit, pour ajuster l’impact d’une information : « À qui dois-je la
communiquer ? Quoi communiquer ? Comment ? Quand ? Où ?… » c’est
un schéma TWI. En organisant une formation, si on dit que les sujets à
instruire doivent parcourir 5 étapes : Connaître, Comprendre, Adhérer,
Apprendre, Pratiquer…, c’est encore un schéma TWI.
Les adaptations modernes du TWI en font un instrument rapide et
efficace de la formation et même de l’entraînement mental à la compré-
hension-résolution de problèmes (cf. l’ouvrage de cette collection La for-
mation par les méthodes TWI, OM, SORA, de R. Bazin).
 Avantages du drill. Ils sont nombreux et intéressants ; citons entre
autres ceux-ci :
– Gain de temps dans la période d’instruction, car on supprime ou on
minimise la culture de base,… on concentre la formation sur l’effet à
obtenir,… on recherche l’immédiatement utile,… on règle le pro-
gramme sur l’objet et le but.
– Pas de formation longue des instructeurs. On requiert seulement qu’ils
aient une autorité et une expérience personnelle de ce qu’ils enseignent,
une bonne émission, et qu’ils possèdent la « fiche d’instruction » ad hoc
ou le manuel dont ils sont le relais. Leur recrutement est simplifié.
– Facilité du contrôle de l’acquis : comparaison au modèle de com-
portement (évaluation de « l’écart »), mesure du temps de réaction,
identité des « instruits » entre eux.

66
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Les « méthodes actives » dans la formation

– Certitude pour « l’utilisateur » ultérieur, que le savoir-faire est acquis.


Critère de confiance dans la formation.
– « Normalisation » des individus formés, c’est-à-dire qu’ils sont tous
des exemplaires du même modèle connu.
– Priorité au rendement.
 Les problèmes humains dans le drill. La méthode d’apprentissage par
drill ignore les problèmes humains dans la mesure même où elle vise
expressément l’efficacité, le rendement et la normalisation-standardisation
des individus formés. On accuse tout naturellement ces techniques de
« transformer les humains en robots », ce qui suscite une opposition chez
les « formés », et un « malaise » chez les instructeurs soucieux des « rela-
tions humaines ». Aussi trouve-t-on rarement affirmé le caractère d’automa-
tisation, et introduit-on le plus possible des « éléments de méthode active »
pour échapper à l’accusation et au malaise :
– au minimum sont introduites des « compensations ». On réalisera
une ambiance matérielle agréable pour soutenir le moral et l’intérêt
(souci de la qualité des salles, des moyens matériels, des dispositifs
d’aides audiovisuels, du fond sonore et des couleurs) ; on tiendra
compte des lois de la fatigue et des personnalités (progressivité des
exercices, rythme individuel d’apprentissage, temps d’exercice et de
repos, organisation des instants-détentes) ; enfin on recommande à
l’instructeur d’avoir, tout au long de l’entraînement mais plus encore
dans les instants de détente, des « relations humaines » avec les indivi-
dus à instruire, c’est-à-dire d’avoir des attitudes d’encouragement et de
compréhension, des relations affectives bonnes avec chacun des sta-
giaires, de susciter leur confiance et de faire en sorte que règne dans
le groupe un « bon moral » essentiellement constitué de satisfaction à
être là, de cordialité et de confiance dans l’avenir.
– au mieux sont introduites en outre certaines modalités d’application
ou d’expérience qui font appel à une « activité » de « l’élève », telle la
méthode interrogative pour vérifier l’acquis ou l’encouragement des
« essais et erreurs » personnels pour découvrir la solution, quoique le
cadre général de la méthode reste très analytique et directif. Cet
« habillage » du learning par des modalités « actives » est particulière-
ment typique de ce qu’on appelle la méthode Carrard.

1.2 La méthode Carrard


L’intérêt de l’étude de la méthode Carrard n’est pas seulement théorique
ou historique comme méthode de formation des adultes, car elle est encore
aujourd’hui la base de l’enseignement technique pratique et la source de
toutes les méthodes d’enseignement de la formation professionnelle

67
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Comprendre les enjeux

accélérée 4. Elle est « la méthode française » adaptée par l’INFP (Institut


national de formation professionnelle) et par tous les centres de formation
(plus de 500 en 1971) rattachés au ministère du Travail. Depuis 1960, cette
méthode a été adaptée dans la plupart des pays du monde.

Les bases historiques et théoriques


Le Suisse Alfred Carrard (1889-1948), ingénieur mécanicien et psycho-
technicien, pionnier en psychologie du travail, chercha à organiser
méthodiquement la formation professionnelle dans l’industrie.
Vers 1920-1930 (c’était aussi la belle époque de la psychotechnique),
Carrard dégage des « principes de l’éducation professionnelle », et orga-
nise, à partir d’eux, un learning rapide et efficace.
Il écrit : « l’analyse du savoir professionnel montre qu’il existe à la base de
chaque métier 5, qu’il soit de nature manuelle ou intellectuelle, une série
d’habitudes que le professionnel s’est assimilé avec le temps et que l’on
appelle des automatismes (réflexes professionnels). Des réactions de ce
type permettent à l’individu de vaquer à son travail sans avoir à réfléchir à
tout un ordre d’actions élémentaires, parce que c’est automatiquement
qu’il réagit de façon adéquate dans chaque situation donnée. Ainsi peut-il
se consacrer entièrement aux côtés difficiles de sa tâche sans courir le dan-
ger d’oublier un processus élémentaire, car c’est précisément cet élémen-
taire-là qui est devenu automatique chez lui »…
Ainsi est posée explicitement la nécessité d’un apprentissage (le plus bref
et le plus sûr possible) de ces « réflexes professionnels ». L’exercice
répété de chaque geste élémentaire jusqu’à son automatisation (ce qui
est du drill) est englobé, chez Carrard, dans un souci de maintenir en éveil
l’intérêt et la participation des apprentis, et c’est ce qui lui fait qualifier sa
méthode d’« active ».

Les 6 principes de Carrard

Voici les 6 principes généraux de la formation selon Carrard :


1. Rendre sensibles les choses de façon concrète et suggestive.
2. Ne jamais démontrer qu’une seule chose nouvelle à la fois (une seule
chose nouvelle par leçon).
3. Quand une chose nouvelle a été apprise ou comprise, laissez s’écouler
une nuit de sommeil là-dessus.

4. On peut faire remonter la fondation de la FPA à 1936, date à laquelle le ministère du Travail décida de créer des
centres de formation pour les travailleurs sans emploi. Par décret de septembre 1939, ces centres reçurent pour fina-
lité la formation rapide de main-d’œuvre qualifiée pour les secteurs industriels d’armement. En décembre 1940 fut
créé à Paris le Centre de formation professionnelle (14 rue Dareau), puis le Centre de Belle-Ombre près de Clermont-
Ferrand pour former des moniteurs. En 1946, à la suite du rapport Monnet qui estimait à 980 000 le nombre des
ouvriers nécessaire à la réalisation du Plan (dont 300 000 pour le Bâtiment) le Centre de la Rue Dareau devint
l’Institut national de formation des cadres professlonnels (INFCP) qui forma des moniteurs à une cadence accélérée,
et qui encouragea la création de FPA dans tous les départements. La méthode Carrard, fut la méthode officielle de
ces centres ; cependant, en pratique, la FPA la modifia dans le sens des méthodes actives.
5. Nous verrons ci-dessous une conception très différente de ces « bases » à propos de la « préformation ».

68
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Les « méthodes actives » dans la formation

4. Ne jamais laisser s’installer une mauvaise habitude et exercer par répéti-


tion le mouvement bien compris jusqu’à ce que l’apprenti le possède auto-
matiquement (jusqu’à ce qu’il devienne réflexe).
5. Ne jamais laisser s’affaiblir l’intensité de la concentration et pour cela
varier suffisamment les leçons et exercices.
N.B. – On peut fixer, au début, la durée d’une phase d’apprentissage à
quelques minutes et établir la succession des divers exercices de telle sorte
que chaque activité nouvelle mette en œuvre d’autres muscles et d’autres
intérêts. Pendant ce temps les fonctions fatiguées se rétablissent.
6. Maintenir l’intérêt continuellement en éveil grâce à une connaissance appro-
fondie de chaque élève, et en indiquant constamment le but futur à atteindre.

Par ailleurs, certaines règles pratiques commandent l’action des


moniteurs-formateurs (voir encadré).

8 règles pratiques pour l’action des formateurs

1. Éviter les énumérations et les longues explications.


2. Apprendre le nom des outils au fur et à mesure de leur emploi.
3. Ne jamais laisser faire de faux mouvements. Faire répéter les exercices
préliminaires insuffisamment assimilés autant de fois qu’il est nécessaire.
4. Ne passer à un exercice nouveau que si les précédents ont été parfaite-
ment assimilés et exécutés.
5. Faire exécuter l’exercice avant de donner l’explication. Étudier plusieurs cho-
ses en parallèles, mais dans chacune d’elles, une seule chose nouvelle par leçon.
6. Dès que l'intérêt se relâche, interrompre l’exercice et passer à autre chose.
7. L’apprenti doit se contrôler lui-même. Exiger ce contrôle dès le début.
8. Créer dans l’atelier, une ambiance de joie, de confiance, qui amène
l’apprenti à se réjouir de son activité.

La préoccupation d’éviter tout faux mouvement conduit à une décompo-


sition du geste professionnel 6 ; la succession des exercices, leur progression,

6. On est assez surpris de lire dans l’ouvrage de synthèse d’André Bayard sur la méthode Carrard, les noms de Locke,
Rousseau, Decroly, Dewey, Maria Montessori, comme références de la méthode. Il est vrai que les règles de la
méthode de Descartes sont très souvent mentionnées. Les premières références soulignent le souci de participation
active des apprentis ; la seconde révèle la décomposition pédagogico-rationnelle du geste à apprendre.

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Comprendre les enjeux

la combinaison de leurs résultats, doivent permettre d’acquérir insensi-


blement l’automatisme global avec le rythme imposé.
Pour chaque geste professionnel, l’instructeur-formateur dispose
d’une fiche d’instruction détaillant l’entraînement et les explications
qu’il a à donner à chaque étape. C’est le « plan d’enseignement ».
C’est avec cette méthode, par exemple, qu’un ouvrier tôlier-chaudron-
nier-soudeur à l’autogène en 1940 (expérience de la Société Nessy, centre
de Beaugency) était formé en 2 trimestres à raison de 5 jours de travail par
semaine, avec 1 heure de leçon théorique (technologie, arithmétique, des-
sin, traçage) pour 2 heures de travail pratique, dans des « classes » de
30 élèves en leçons théoriques et de 10 élèves en exercices pratiques.
Certes, les formateurs qui utilisent la méthode Carrard accentuent
autant que possible la participation active et utilisent beaucoup la méthode
interrogative, mais ce qu’il faut apprendre est bien défini dès le départ, et la
répétition est la méthode d’acquisition du « réflexe professionnel ».
C’est un apprentissage par drill qui est évidemment un learning by
doing (apprendre en faisant), mais qui n’a rien de commun avec la péda-
gogie active, de Dewey par exemple, pour qui la même formule learning
by doing signifiait que l’élève apporte lui-même le problème en rapport
avec sa vie hors de l’école, ou la question qui l’intrigue, définit en groupe
les conditions, les buts, l’utilité de sa solution, recherche les informations
disponibles, imagine et conçoit une hypothèse de travail, met les infor-
mations et l’hypothèse à l’épreuve d’une expérience qu’il construit lui-
même, et réfléchit sur les résultats.

1.3 Préformation et décomposition


du comportement final à acquérir
Avant de passer à la suite de l’examen des méthodes actives, il me
paraît important de souligner un point critique des méthodes analytiques
d’apprentissage.
On peut décomposer de plusieurs façons le mouvement à apprendre
par éléments, mais il s’agit toujours d’une analyse portant sur le déroule-
ment et l’organisation de ce mouvement. On le découpe, on le recons-
truit. Nous avons vu comment la psychologie expérimentale permet de
calculer le meilleur découpage, la meilleure progression dans l’optimum
de temps total et d’intervalles.
Mais il est évident que ce système même suppose que des automatismes
antérieurement constitués existent (par exemple un bon schéma corporel,
une coordination psychomotrice des gestes, un sens du rythme et une orga-
nisation de l’espace vécu). Il suppose aussi que les outils utilisés, les objets à
manipuler, les tâches à apprendre, font déjà partie de l’univers habituel

70
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Les « méthodes actives » dans la formation

dans lequel vit l’apprenti, de son monde culturel. Il suppose enfin que l’ap-
prenti comprend le principe de l’analyse et de la recomposition, qu’il a une
forme analytique de l’intelligence. Si toutes ces conditions sont données,
alors la méthode Carrard, pour la prendre comme exemple, donnera les
résultats escomptés.
Mais imaginons des apprentis qui ont un mauvais schéma corporel,
une coordination visuomotrice déficiente ou tel autre handicap neuro-
psychologique,… imaginons d’autres apprentis qui, provenant d’un
milieu socioculturel radicalement étranger au nôtre, ne peuvent ni situer
les objets, les outils et les tâches dans un contexte, ni les intégrer à leur
contexte personnel, ni même « fonctionner » intellectuellement sur le
mode analytique 7. Les méthodes de drill seront certainement capables,
avec le temps, d’opérer un dressage, mais tous les comportements appris
resteront étrangers à la personnalité et à la mentalité ; ils risquent d’être,
dans certains cas, instables (maladresse persistante, accidents, fatigue
paradoxale), dans d’autres cas, sources de désorganisation pathogène de
la personnalité si les problèmes de transculturation n’ont pas été résolus.
Dans tous ces cas la préformation est à envisager d’un tout autre point de
vue. Supposons une formation comportant le maniement d’outils futurs,
variés et nombreux; une préformation « rationnelle » consisterait à assurer et
à développer la structuration de l’espace, la latéralisation, la coordination
visuomotrice et psychomotrice, la capacité à se situer soi-même dans un
ensemble. Des exercices spéciaux, qui n’ont rien à voir avec la tâche concrète
future dans son déroulement réel et qui sont par exemple des exercices de
développement de l’attention, de la dextérité manuelle, de reproduction de
schémas orientés, etc. permettent de faciliter de manière essentielle les
acquisitions réalistes ultérieures. La méthode déjà ancienne de Vittoz déve-
loppe la concentration, les perceptions, la conscience et la maîtrise de soi;
plus récemment la méthode Ramain de préformation développe la coordi-
nation psychomotrice; la méthode psychocinétique de Le Boulch développe
la perception de soi, le schéma corporel, la structuration de l’espace social,
etc. Ce sont des méthodes de préformation fondamentale 8.

2. Les méthodes de découverte


Pour nous acheminer des méthodes d’apprentissage par drill et condi-
tionnement vers les méthodes actives, nous devons passer par les méthodes
de découverte, et auparavant étudier le conditionnement instrumental et le
conditionnement opérant.

7. Ces problèmes se trouvent posés lorsque l’on applique ces méthodes de formation professionnelles à des indigènes
étrangers à notre monde industriel. Ex. formation des ouvriers pétroliers au Sahara en utilisant les nomades locaux,
formation aux postes industriels de personnel venu de la brousse en pays africain, etc.
8. Cf. indic. bibliogr. sur Ramain et Le Boulch in l’ouvrage Méthodes directives et formation des adultes, de D. Chevrolet,
paru dans cette collection (exposé 2, ch. 4). 71
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Comprendre les enjeux

2.1 Du réflexe conditionné de Pavlov


au conditionnement instrumental de Thorndike
En se servant de la répétition de la situation et des signaux conditionnels,
avec une technique de maniement de la récompense pour renforcer les ges-
tes « bons » et de la punition pour éteindre les réactions « mauvaises » (par
rapport à l’acte global à apprendre),… on peut, en l’absence de toute autre
motivation que le plaisir de la gratification et la crainte de la punition ou de
la douleur (« réflexes inconditionnels ») apprendre n’importe quoi à n’im-
porte qui, conditionner et déconditionner à volonté 9.
Par un processus apparemment différent mais fondé sur les mêmes
fonctions du cerveau, on peut conditionner les opinions et les comporte-
ments en faisant vivre les individus dans une « ambiance » où tous les sti-
muli extérieurs sont agencés pour induire le même effet (conditionne-
ment par l’environnement), ce qui est d’ailleurs la codification d’une
forme spontanée de l’adaptation et de ce qu’on appelle l’acculturation 10.
Ces deux méthodes sont du conditionnement par répétition, ou condi-
tionnement « type-Pavlov ».
Tout autre est le conditionnement dit « instrumental ».

 Le conditionnement instrumental et la technique des « essais et erreurs »

Dans les expériences de conditionnement animal, Thorndike eut


l’idée de procéder autrement que Pavlov.
Il met l’animal dans une « boîte à problème », dans laquelle un méca-
nisme simple (tel un levier parmi d’autres éléments situationnels) permet la
résolution du problème (par exemple « sortir » ou « manger »), et l’animal
est livré à lui-même. Il s’agite, explore, et après un laps de temps plus ou
moins long appuie par hasard sur le levier. Il sort ou va manger, par exem-
ple. Lorsqu’on le remet dans la boîte un peu plus tard, le même scénario
recommence, et l’on s’aperçoit qu’après un certain nombre d’expériences
de ce genre, l’animal enfermé appuie immédiatement sur le levier. Le geste
utile, celui qui résout son problème, accompli d’abord par hasard et non dis-
tingué des autres formes de l’agitation, est progressivement isolé et retenu.

9. Une technique thérapeutique par déconditionnement et reconditionnement existe comme cure de tous les troubles
du comportement (cf. ouvrage Les complexes personnels, ex. prat. n° 7). La même technique appliquée aux idées et
opinions fait partie du « lavage de cerveau » (cf. l’ouvrage Opinions et changement d’opinion, exposé 4).
10. On peut considérer en effet qu’apprendre une langue en vivant dans le pays (sans suivre aucune leçon spéciale)
est une application de ce principe. « Habiter » un certain milieu fait contracter les habitudes de ce milieu. Il y a donc
une « pédagogie de l’imprégnation ». Il est recommandé, pour faciliter tout apprentissage, de faire vivre le sujet à
instruire dans une ambiance (un environnement) correspondant à ce qu’il a à apprendre (imprégnation par le
milieu), à lui faire « habiter » l’univers technologique auquel il doit s’adapter ou simplement le cadre professionnel
dans lequel il doit être à l’aise (la cabine du camion, la salle des machines, la tour de contrôle, etc.).

72
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Les « méthodes actives » dans la formation

La courbe d’apprentissage obtenue est très nettement différente de


celle des réactions conditionnelles de Pavlov.

100 %

80
« Réussite » du
comportement- 60
réponse global

40

20 Nombre
de répétitions
0
10 30 50 70 90 110

Figure 5 – Conditionnement pavlovien.


Apparition de la première réaction au signal conditionnel
ici à la 18e répétition

Des différences très importantes (sur le plan pédagogique futur) dis-


tinguent les deux expériences.
Dans celle de Thorndike, l’animal est « en situation réaliste » et il est
« motivé » (sortir du problème vital dans lequel il est enfermé), c’est-à-dire
que son comportement a un but, il est « finalisé ». L’animal a alors une acti-
vité « libre » (imprévisible par l’expérimentateur). Il n’a pas à
« apprendre » par réponse imposée, il apprend en faisant lui-même l’expé-
rience par essais et erreurs. La bonne réponse se fixe, éliminant les erreurs
commises au hasard, parce qu’elle est la seule qui soit utile et satisfasse la
motivation. Pas de punition prévue. En un sens, quoique la situation soit
« préparée » par l’expérimentateur, l’animal est en auto-apprentissage.
La « finalité » peut utiliser la douleur. Si le plancher de la boîte est par-
couru par un courant électrique, l’animal « apprend » rapidement à
appuyer sur l’interrupteur.
La méthode de Thorndike par essais et erreurs est à la base de la péda-
gogie de la découverte 11.
Et c’est ici que nous retrouvons le problème de la valeur pédagogique
de l’erreur.

11. Il est aussi une des sources historiques du « conditionnement opérant » (Skinner, 1938), cf. p. 61-62.

73
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Comprendre les enjeux

12

10

8
Nombre
de bonnes
réponses 6

Cumul des temps mis pour fournir la bonne réponse

Figure 6 – Conditionnement instrumental. Courbe d’acquisition

Skinner affirme que l’erreur est nocive pédagogiquement, qu’elle


risque de se fixer. Pour éviter les erreurs (là est son conflit fondamental
avec Pressey, le précurseur de l’enseignement programmé, et son refus de
toute question à choix multiple), il est conduit à supprimer pratiquement
les essais et les tâtonnements de l’individu en situation, cherchant à
résoudre son problème.
Toutes les difficultés de la discussion sur ce point viennent de la confu-
sion entre erreur et essai, ou entre tâtonnement expérimental finalisé et
erreurs provoquées par le système pour permettre à l’instructeur de les
dénoncer, de les corriger, de les punir. Par souci d’éviter les erreurs,
Skinner a évité les tâtonnements expérientiels chez l’élève. De ce fait, la
machine à enseigner malgré sa valeur pédagogique, n’est pas vraiment
une méthode active. La construction de la réponse dans les conditions
imposées par Skinner n’a rien de la découverte. Tout au plus est-elle une
forme supérieure et organisée de la méthode dite interrogative.
C’est l’ensemble de la situation qu’il faut changer pour permettre la
découverte personnelle par essais, erreurs et tâtonnements, car il est évi-
dent qu’introduire intentionnellement des erreurs dans les réponses mul-
tiples à une question-test (comme le faisait Pressey) risque de fixer ces
erreurs 12.

12. Ce risque va se retrouver dans la fabrication des questionnaires docimologiques (cf. p. 149).

74
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Les « méthodes actives » dans la formation

 L’étude de problème

La route qu’ouvrait Thorndike conduit à ce qu’on appelle en pédago-


gie active « l’étude de problème ».
Cette méthode, qui nous achemine vers la pédagogie de la découverte,
comprend 5 phases (par lesquelles passent les stagiaires livrés à eux-
mêmes) :
 Définir le problème proposé, c’est-à-dire la situation insatisfaisante
dont il faut « sortir », étant entendu que les sujets concernés n’ont pas de
réponse adaptée immédiate et qu’il y a une solution possible. Définir,
dans le cadre de la situation problématique bien perçue, les objectifs suc-
cessifs dans la direction de la solution éventuelle.
 Réunir et sélectionner l’information. La recherche de l’information
« relevante » ou pertinente est déjà une phase active à l’initiative des
sujets à former. L’information recueillie avec cette finalité et dans ces
conditions sera plus sûrement retenue que si elle est présentée par un
exposé a priori.
 Élaboration de l’information par la réflexion en vue de la solution,
ce qui met en branle la sélection de l’information, son organisation en
valeurs différentes et en degrés divers de certitude, et le raisonnement
sous toutes ses formes (induction, déduction, analogies, raisonnement
par l’absurde, appel à des modèles divers).
 Élaboration de la solution, après appel aux « idées », finissant par
une décision qui écarte des possibilités et retient une idée considérée
comme la plus satisfaisante (ou la moins insatisfaisante).
 Mise en œuvre de la solution et réflexion sur les résultats. Ici la ren-
contre du réel permet une adaptation meilleure ou renvoie à l’une ou
l’autre des phases antérieures.
Il est évident que cette méthode (qui peut être proposée à des indivi-
dus séparés ou à des groupes) se rapproche davantage de la conception
d’un Dewey que la machine à enseigner, et qu’elle mérite mieux le nom
d’« active ».

2.2 Pédagogie de la découverte


Avec les méthodes de « découverte » (learning by discovery) nous
entrons dans les méthodes actives au sens strict. Toutes les connaissances
et tous les progrès techniques ont commencé par être, historiquement,
des découvertes, et c’est mettre en mouvement le processus créateur que
d’enseigner par cette méthode.

75
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Comprendre les enjeux

 Les chemins de la découverte : induction et tâtonnement

La pédagogie par la découverte met en jeu l’induction, forme de rai-


sonnement qui consiste à analyser la structure, la forme ou les traits
essentiels d’un ensemble problématique réel, d’une expérience particu-
lière,… pour abstraire et généraliser en formulant la loi ou les lois qui
peuvent être « tirées » de ce cas.
La découverte du « concept clé » (selon l’expression de Skemp) à par-
tir d’une situation concrète où tout est présent d’abord dans le désordre,
est un moment décisif, car les données prennent un sens, le concept
prend une valeur. Les formules générales ainsi induites sont mémorisées
et intégrées au comportement à proportion même de la tension qui les a
fait rechercher et de la lumière qu’elles apportent sur « une classe de pro-
blèmes ».
L’autre variable aussi inévitable qu’essentielle est le tâtonnement, l’im-
possibilité d’éviter les erreurs. L’erreur, en situation de découverte per-
sonnelle, est instructive, car elle révèle quelqu’autre variable en jeu dans
la situation ou une insuffisance d’analyse, et en outre ferme une des
voies, renvoyant ainsi à une recherche sur une autre voie. En ceci elle fait
partie de l’adaptation dynamique au cours de laquelle la réponse (juste
et comprise) surgit par et dans le travail de recherche.

 Les effets de la méthode

Selon J.S. Bruner (dans l’ouvrage collectif La pédagogie par la découverte,


de Shulman et Keislar, tr. fr. 1973), l’enseignement par la découverte a
4 effets bénéfiques chez les sujets à instruire :
1) accroissement du potentiel intellectuel ;
2) motivation intrinsèque ;
3) meilleure mémorisation ;
4) apprentissage des méthodes générales de la découverte (ou heuris-
tique).
Ajoutons qu’elle donne confiance en soi (ou dans le groupe si la tâche
est groupale) et qu’elle favorise l’autonomie.

 Limites de la méthode

Il est probable que, malgré les dires de ses plus ardents défenseurs, la
méthode de la découverte ne convient pas forcément à tous les genres ni
à toutes les matières. On ne peut apprendre par cette méthode, des asso-
ciations de signes ou des séquences conventionnelles (les signaux routiers
par exemple, la graphie d’un alphabet ou le nom des éléments chi-
miques…). D’autre part, on ne peut pour chaque secteur scientifique

76
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Les « méthodes actives » dans la formation

faire repasser le sujet à instruire par l’histoire des découvertes car le


temps devient dévorant. Elle a, en outre, des inconvénients même dans
les secteurs où elle est recommandée (découverte des concepts et des
lois) :
– danger de ne pas formuler les résultats en termes suffisamment
généraux pour être transférables à des ensembles de même structure ;
– confusion de l’essentiel et de l’accessoire dans l’analyse des données
ou dans le tri des informations ;
– impossibilité de parvenir à des lois statistiques lorsqu’on part de
« cas concrets » dans des domaines où règnent les probabilités ;
– extrapolation abusive des résultats ;
– danger de « projection personnelle » dans l’analyse et les solutions.
Mais ces risques ne font que justifier la présence du formateur. Leur
prise de conscience peut même, dans certains domaines et spécialement
en Sciences Humaines, être un des bénéfices de la méthode.

3. Les méthodes actives proprement dites


Déjà en étudiant les méthodes d’apprentissage, l’enseignement pro-
grammé, la méthode interrogative, l’enseignement par la découverte, on
voit poindre l’essentiel des méthodes actives toutes les fois que chacune des
méthodes antérieures s’ouvre, par souci de donner à l’apprenti ou au sta-
giaire plus d’autonomie, plus d’initiative, plus de motivation personnelle,
plus de créativité.
Le double freinage est dû d’abord à l’instructeur, qui craint de perdre
l’autorité en instituant les méthodes actives, d’autre part aux apprentis
eux-mêmes qui craignent de perdre la sécurité de la méthode classique
par laquelle ils sont dispensés de l’effort de créativité et de tout change-
ment personnel profond.

3.1 Caractéristiques générales


des méthodes actives
Elles se résument à 5, essentielles, qui doivent servir de références et
de critères à toute organisation d’un enseignement (ou d’une partie de
l’enseignement) par méthode active (voir encadré).
Ces caractéristiques justifient l’adaptation des méthodes actives à la
pédagogie des adultes, plus capables que les adolescents, a fortiori que les
enfants, de tirer parti et de profiter de la grande autonomie que suppo-
sent ces méthodes.

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Comprendre les enjeux

Les 5 caractéristiques essentielles de l’enseignement


par méthode active
1. Activité des sujets à instruire. C’est l’application du principe selon lequel le
sujet apprend mieux s’il est engagé personnellement tout entier dans une
action. Nous avons déjà dit que nous retenons approximativement lorsque nous
faisons attention :
– 10 % de ce que nous lisons ;
– 20 % de ce que nous entendons ;
– 30 % de ce que nous voyons ;
– 50 % de ce que nous voyons et entendons en même temps.
Selon les mêmes estimations et dans les mêmes conditions d’attention, nous
retenons, par contre :
– 80 % de ce que nous disons ;
– 90 % de ce que nous disons en faisant quelque chose à propos de quoi
nous réfléchissons et qui nous implique.
Les méthodes actives cherchent à réaliser ces situations-là.
2. Motivation des sujets à instruire. La motivation doit être intrinsèque, c’est-
à-dire que les sujets se sentent concernés, impliqués et pas seulement intellec-
tuellement « intéressés » (cf. page 80).
Ce qui est acquis sera alors un changement au niveau de l’être et de la conduite,
plus qu’un savoir intellectuel ou un souvenir.
3. Participation à un groupe. Par cet aspect, les méthodes actives constituent un
apprentissage de la vie sociale, de la participation- coopération et d’un savoir-
être, en même temps qu'un acquis professionnel proprement dit.
4. Le moniteur est plutôt un facilitateur, un catalyseur, qu'un instructeur au sens
strict. Son autorité change de nature et d’expression.
5. Le contrôle comme tel disparaît, du moins dans ses formes classiques de véri-
fication du savoir intellectuel ou pratique. Il devient une auto-évaluation des indi-
vidus ou des groupes.

3.2 Revue des méthodes actives


Comme nous l’avons vu, la méthode active est un « esprit », une orien-
tation spéciale de la pédagogie. La plupart des enseignements, surtout
dans la pédagogie des adultes (où les participants connaissent les situa-
tions professionnelles auxquelles ils ont à faire face et sont motivés pour
en trouver les solutions), peuvent être reconsidérés dans cet « esprit ».
Cependant, certains procédés ont été systématisés.

78
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Les « méthodes actives » dans la formation

 La formation dirigée « sur le tas », c’est-à-dire en situation profession-


nelle réelle avec ses coordonnées nouvelles. Dans ce procédé, les individus
ont à constituer leur « expérience ». La différence avec les conditions ordi-
naires de l’expérience à acquérir (qui prendrait normalement du temps et
gaspillerait du matériel) est que le moniteur « assiste » les stagiaires, inter-
vient pour préciser les moments clés ou les points essentiels, pour « injec-
ter » l’information lorsqu’elle correspond à un besoin pratique.
Ce procédé a parfois ses dangers (si les situations réelles sont périlleu-
ses par exemple).
 La formation sur simulateurs. On appelle « simulateur » une situa-
tion expérimentale qui met en jeu les caractéristiques structurales des
conditions réelles. Les données de l'exercice « habillent » un modèle
situationnel épuré, et les partenaires apprennent, à travers le jeu, les schè-
mes de comportement adaptés, correspondant à un ensemble de situa-
tions réelles analogiques.
La validité de la formation sur simulateurs est fondée en effet sur la
valeur analogique du modèle utilisé et sur l’élimination des variables
parasites pouvant provenir de la situation de jeu. L’analyse structurale de
la « classe de situations » réelles qui sont l’objet de l’apprentissage peut
seule garantir la valeur du modèle utilisé.
Certains simulateurs sont des situations techniques dotées d’un appa-
reillage proche des conditions réelles, ainsi le tir au diorama pour la for-
mation des canonniers,… les cabines d’autobus avec défilé d’un paysage
cinématographique (route et obstacles) pour la formation des conduc-
teurs,… les simulateurs de vol pour la formation des pilotes et des cosmo-
nautes. D’autres simulateurs utilisent des maquettes moins réalistes et ce
sont les variables fonctionnelles de la situation réelle qui sont seules rete-
nues, le thème d’apprentissage étant un thème de jeu.
Les militaires ont eu recours très tôt à des méthodes de ce genre pour
la formation tactique des officiers (War-game, Kriegspiel, manœuvres mili-
taires miniatures sur boîte à sable). Le système s’est beaucoup développé
puisque la simulation est devenue un moyen de recherche des moyens
défensifs et offensifs au niveau des états-majors nationaux et interalliés.
Dans d’autres domaines les formations sur simulateurs utilisent aujour-
d’hui les ordinateurs. Ainsi les Business-games (méthodes de formation à
l’économie de marché, méthodes lancées par la Business School de Harvard),
les Management-games (utilisés au Carnegie Institute) sont des exercices de déci-
sions psychologiques, financières et économiques, à partir de données de
base distribuées aux équipes concurrentes de joueurs, équipes informées,
par l’ordinateur, des transformations de la situation globale de jeu sous
l’effet de circonstances fortuites ou des décisions prises par les participants.

79
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Comprendre les enjeux

Nous avons vu ailleurs (cf. ouvrage Le travail en équipe, p. 79-83) un


simulateur de formation à la communication et à la coopération (le
Synergomètre) où le cycle de formation est, de plus, gradué par l’intro-
duction (sous certaines conditions de réussite des niveaux inférieurs) de
variables de plus en plus complexes, réalisant de plus en plus complète-
ment les situations réelles 13.
À la Harvard Business School, les méthodes de simulation, combinées
avec la méthode des cas et les films dits « subjectifs » (provoquant l’identi-
fication à un personnage central) sont très utilisées : les stagiaires sont
placés dans des situations où ils doivent se comporter comme des respon-
sables de leurs décisions.
Ces méthodes permettent d’acquérir une « expérience accélérée ».
 La méthode des cas fut elle aussi utilisée systématiquement à la
Business School de Harvard dès 1935. L’école possède une casothèque de
26 000 cas. Nous avons développé ailleurs les modalités de construction
des cas, d’application pratique de la méthode, ses variantes et la program-
mation d’une formation longue (cf. ouvrage La méthode des cas).
Il existe des cas écrits et des cas filmés. C’est dans la discussion de
groupe que s’opère l’action formatrice proprement dite, d’une part par les
interactions groupales suscitées et protégées par l’animateur, d’autre part
par le dégagement et la formulation conceptuelle des « lois du champ ».
Presque toutes les matières (à Harvard c’est la législation qui fut la
première matière enseignée par la méthode des cas) se prêtent à cette
forme de pédagogie.
On peut aisément passer d’un travail groupal quelconque de formation,
à un redoublement de cette formation (et à son approfondissement) par la
méthode des cas. Il suffit pour cela de considérer le travail et les résultats
obtenus par le groupe en situation comme un cas, et de faire une réunion-
discussion (conduite selon la méthode des cas et avec les mêmes partici-
pants) sur leurs manières de travailler et de résoudre le problème précé-
dent (celui qui était le leur dans la phase de travail effectif).
 Mimodrames, sociodrames et jeux de rôle (role-playing) sont des mé-
thodes actives de formation aux relations humaines. Le jeu de rôle peut
d’ailleurs se combiner avec la méthode des cas (cf. ouvrage La méthode des cas).

Le jeu de rôle, dans la perspective pédagogique, doit être nettement dif-


férencié du psychodrame à buts thérapeutiques, lequel n’exclut pas les
chocs psychologiques, ici à éviter.

13. Cf. aussi R. Mucchielli et R. Maistriaux, La formation à la concertation, ESF-EME 1977, où sont présentés deux stimu-
lateurs efficaces (Synergomètre et Group-coopération-Game).

80
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Les « méthodes actives » dans la formation

 Le groupe de formation a été introduit à ses origines (1946 à New-


Britain, dans le Connecticut, USA) par Kurt Lewin et Ronald Lipitt à par-
tir d’une réflexion sur la formation par jeux de rôles et méthode des cas.
Le principe fut le suivant :
« Les membres d’un groupe, lorsqu’ils sont confrontés objectivement
avec des données concernant leur propre comportement et ses effets
et lorsqu’ils participent d’une manière non défensive à une réflexion
commune sur ces données, peuvent compléter très significativement
leur formation sur la connaissance de soi, sur les attitudes de réponse
des autres à leur égard, sur le comportement du groupe et du déve-
loppement des groupes en général. »
Nous avons traité ailleurs de ces phénomènes et de l’historique du
T-Group (cf. l’ouvrage La dynamique des groupes, p. 76 et suiv.), mais l’im-
portance du groupe dans la formation active est telle qu’il nous faut
développer son rôle et son mode d’utilisation.

4. L’utilisation du groupe
dans la pédagogie active
On ne peut pas éviter d’avoir « à faire avec des groupes », en pédagogie
ou en formation. L’ère du précepteur et l’ère du compagnonnage sont
dépassées. L’enseignant, l’instructeur, le moniteur sont en face de groupes.
Il est donc absolument nécessaire de connaître la psychosociologie, la socio-
métrie, la dynamique des groupes, pour pouvoir tenir le rôle de formateur.
La pédagogie traditionnelle, on l’a vu ci-dessus (cf. p. 31) ignore le
groupe et s’organise pour le neutraliser autant que possible (certitude
que cette énergie est « sauvage », peur du groupe). Le dispositif spatial et
l’architecture des locaux sont prévus pour créer un réseau centralisé sur
le magister et empêcher les interactions de groupe proprement dites.
Telle l’énergie brute du torrent captée et canalisée pour produire la
houille blanche, l’énergie du groupe doit et peut être captée pour deve-
nir motrice de la formation.

4.1 Psychologie des groupes de cotravail


Peut-être les efforts de neutralisation des groupes, en situation péda-
gogique traditionnelle, tiennent-ils moins à la peur qu’inspire le groupe
qu’à l’opinion fort répandue que le groupe n’a aucune capacité réflexive
et créatrice.
Je résumerai ici les développements donnés à cette question dans le
séminaire Le travail en équipe.

81
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Comprendre les enjeux

 Résultats des expériences sur les groupes de cotravail

Les premières recherches systématiques remontent à plus de 40 ans


(Almack, 1930) et ce fut d’ailleurs dans la ligne de l’intérêt nouveau pour
les groupes jusque-là considérés comme des réalités émotionnelles, inca-
pables de réflexion et ne pouvant sécréter que des normes, des mythes ou
des comportements grégaires (Gustave Le Bon, 1913).
De l’état actuel de la question, nous pouvons tirer, avec Seagoe (op. cit.,
p. 95), les conclusions suivantes, en ce qui concerne les groupes d’étu-
diants avancés et d’adultes :
 Le groupe de travail intellectuel (réflexion, décision, formation,
résolution de problèmes, etc.) produit des performances supérieures à
celles réalisées par un membre moyen du groupe. Le gain est dû à la plus
grande somme d’informations disponibles dans le groupe, à la diversité
d’interprétation des faits, à la mise à l’épreuve des idées de l’un par les
autres, et enfin au fait que le groupe libère l’individu des insécurités du
travail individuel et le rend capable d’essayer les idées nouvelles.
 Les individus participant à un travail de groupe apprennent davan-
tage que les individus à capacité égale travaillant seuls. Ceci proviendrait
d’une part de l’osmose sociale facilitant l’assimilation, d’autre part de
l’accroissement du flux des idées circulant, enfin de l’implication person-
nelle plus grande qui perméabilise les systèmes d’opinions. La mémorisa-
tion de l’acquis est meilleure.
 Les décisions prises en groupe dans l’accord général et à partir des
idées trouvées ensemble tendent à se fixer et à affecter le comportement
des participants. Ce phénomène, qui a été largement exploité en période
de changement, a été découvert par Lewin vers 1940.

 Conditions d’efficacité des groupes de travail

Ces résultats très importants concernant les performances réalisées, les


acquisitions et la mémoire de l’acquis, l’intégration des découvertes grou-
pales dans le comportement personnel,… ne se produisent que si
3 conditions sont réunies :
 Condition de nombre. La supériorité du travail de groupe augmente
avec le nombre de ses participants, jusqu’à un point critique au-delà
duquel elle diminue.
C’est là une application d’une loi générale en sciences humaines, loi que
j’ai désignée sous le nom de principe de Pascal, selon laquelle toute
disposition a priori favorable impliquant les humains a des effets positifs
jusqu’à un certain point au-delà duquel les effets deviennent négatifs.
Autres exemples : l’autorité, la division du travail, la spécialisation, etc.,
etc. La courbe correspondante à cette forme :

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Les « méthodes actives » dans la formation

Effet
positif

Effet
négatif
Intensification
ou accroissement

On sait depuis les chercheurs américains de la génération de Lewin


(Leavitt, Lippit, Guetzkow, Bavelas, Festinger, Bales, etc.) que ce sont les
interactions qui sont le facteur essentiel des progrès et du rendement des
groupes de travail intellectuel. L’interaction est l’échange interpersonnel
produisant l’interassimilation des contenus des interventions et l’évolu-
tion des idées personnelles sous le choc des idées d’autrui.

Un groupe de petit nombre (2, 3 ou 4) n’a pas beaucoup d’interac-


tions. Celles-ci augmentent géométriquement ensuite (5, 6, 7, 8 mem-
bres) puis si le nombre augmente, le groupe se fractionne ou tend à se
fractionner.
 Condition de maturité du groupe. Des personnes individuellement
normales et de maturité émotionnelle-affective-intellectuelle suffisante ne
constituent pas pour autant un groupe mûr. Nous avons vu ailleurs les éta-
pes de l’évolution affective des groupes (cf. ouvrage La dynamique des grou-
pes) et les critères de son potentiel optimum (confiance interpersonnelle,
identité des objectifs attitudes de coopération, capacité de percevoir et de
traiter positivement les éventuelles tensions internes et les obstacles à la pro-
gression du groupe vers ses buts).
 Condition d’« égalité de droit » des personnes pendant le travail.
Tout réseau restrictif des communications va à l’encontre de l’optimum
de fonctionnement et d’efficacité.
Le groupe de travail intellectuel (de discussion, de résolution de pro-
blème, de découverte, etc.) doit être démocratique, c’est-à-dire instituer
une égalité de droit pour tous les « cerveaux » présents. Or, l’égalité démo-
cratique n’est pas naturelle. Tout groupe laissé à lui-même développe
spontanément une organisation restrictive de l’égalité. Cette tendance
naturelle a des vertus certaines lorsque le groupe doit agir pour sa survie,
mais dans le cas d’un travail intellectuel, cette tendance naturelle stérilise
progressivement les performances, défait le moral chez la plupart, détruit
la cohésion. Il faut que l’égalité de droit soit instituée et maintenue, et
c’est un des rôles formels de l’animateur. C’est en partie à cause de ce rôle

83
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Comprendre les enjeux

qu’il sera « non directif », c’est-à-dire n’intervenant ni sur le fond ni sur les
résultats du travail, mais régulant le climat du groupe, la libre expression
de chacun, les interactions et les progrès du groupe vers ses objectifs.

4.2 Le groupe en autoformation


La mode pédagogique est à l’autoformation, à l’autogestion des grou-
pes en apprentissage, à la suppression des enseignants et des formateurs.
Puisque le problème final est de savoir si un groupe peut s’autoformer en
l’absence de formateur-pédagogue, il convient de considérer ce qui se
passe dans les essais de ce genre.

 Le petit groupe de travail intensif

Que le groupe puisse s’autoformer, la réponse est pratiquement posi-


tive puisque vous connaissez comme moi des petits groupes de travail
intellectuel, formés d’individus de même niveau approximatif et se
réunissant pour préparer une « colle », un examen, un exposé collectif.
Leur existence même semble résoudre la question de possibilité. Les
résultats confirment la valeur du système.
Mais considérons de plus près comment fonctionne un tel groupe
spontané :
 Il se forme par affinités. Les coéquipiers se choisissent par sympa-
thie réciproque. Ce fait, en apparence simple et « allant de soi »,
implique cependant un facteur essentiel du fonctionnement, à savoir l’ab-
sence de tensions internes.
 Les participants sont très peu nombreux. De 2 à 4, tel est, pratique-
ment, par effet d’une intuition juste du fonctionnement de telles équipes, le
nombre habituel de coéquipiers. Nous avons vu ci-dessus qu’au-delà de 4, le
groupe change de manière d’être, et commencent les interactions qui sont
la manifestation de la vie groupale. Au point que, en dessous de 5 (et spécia-
lement à 3, nombre idéal d’un groupe de travail autonome), il n’y a pas de
dynamique de groupe proprement dite : on peut restreindre les interactions
à la mise en commun des informations de chacun. Dans le « climat » de
sympathie (vu ci-dessus), la sommation des savoirs se fait rapidement, et la
« discipline interne » du pseudo-groupe est facile à régler.
 Les membres sont très motivés. La motivation extrinsèque (pression
d’un examen, d’un projet collectif à préparer ou d’un exposé) est forte,
et le climat affectif de l’équipe permet de surmonter les difficultés per-
sonnelles ou la faiblesse des motivations intrinsèques. La centration sur
les objectifs communs est facilitée. Les distractions, les amusements, les
fuites du groupe sont rares.

84
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Les « méthodes actives » dans la formation

 Les coéquipiers disposent de sources d’information extérieures et le


travail consiste à les citer, à les cumuler, à les mettre en commun, à les
assimiler. Le groupe peut inventer ses méthodes optimales de travail, de
classification, de présentation. Il n’invente pas d’autres contenus que
ceux des informations disponibles.
 Le travail du groupe est lié à l’instance de ses objectifs, c’est-à-dire sa
durée comme groupe est limitée aux buts qui ont justifié et provoqué son
existence.

Conseil

Toutes les fois que, dans les sessions ou des centres de formation, vous pourrez sus-
citer des petits groupes remplissant ces conditions (petits, formés par affinités, rece-
vant une tâche extérieure et un délai, motivés pour la tâche) vous pourrez les laisser
en auto-organisation et en autoformation, et avoir confiance dans le résultat.

 Les groupes d’autoformation plus grands et non spontanés

Ces groupes rencontrent des obstacles pratiquement insurmontables. Ils


découvrent rapidement, sans pour autant être capables de les résoudre, les
préalables qui stérilisent ou freinent le fonctionnement groupal.
La mise en commun des expériences, facteur fondamental de la for-
mation, ne se fait pas facilement, les tensions internes intervenant
comme blocages. La structuration du groupe est alors la voie nécessaire
pour sortir des difficultés, quoique cette structuration ne se fasse pas elle-
même facilement (le groupe est le théâtre d’une lutte pour le leadership).
Si c’est la compétence qui détermine le leadership, nous retombons
dans la situation du magister et des « élèves », avec, en moins, la sécurité
de l’autorité institutionnelle.
Ainsi livrer les groupes à eux-mêmes sur la seule foi de leur capacité à
s’auto-organiser et à s’autoformer conduit à des expériences malheureu-
ses. Elles ont historiquement été tentées (par exemple l’école libertaire,
l’autogouvernement des élèves et étudiants, l’auto-éducation,… Jean
Sturm et sa scola-civitas en 1550, Valentin Trotzendorf et le tribunal sco-
laire en 1560, Basedow et sa philantropina en 1755, Berthold Otto en 1906
avec sa classe sans maître, les « communautés scolaires » de Hambourg
lancées par Wyneken en 1918, etc.) ; elles ont toujours été des échecs.

85
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Comprendre les enjeux

L’idée renaît périodiquement, tout comme si l’on attendait toujours que


les torrents produisent spontanément de l’électricité, sans organisation
intermédiaire et sans conditions.

4.3 Nécessité d’un régulateur


Pour canaliser l’énergie du groupe, pour la diriger et la rendre
féconde, il faut un régulateur instruit des méthodes et des phénomènes
de la dynamique des groupes.

 Les fonctions du régulateur

Nous avons vu, à propos des méthodes actives, le rôle du régulateur.


Nous pouvons maintenant résumer ses fonctions :
– assurer les conditions matérielles du fonctionnement : nombre,
dispositif spatial, horaire ;
– assurer le développement de la maturité affective du groupe ;
– assurer l’égalité de droit ;
– aider le groupe à progresser vers ses objectifs…
… tout cela en utilisant l’énergie spécifique du groupe lui-même. Le
régulateur ne suffit d’ailleurs pas. Il faut que le groupe, par rapport à ses
objectifs et à ses motivations, puisse obtenir les informations dont il a
besoin et quand il en a besoin. Il lui faut donc aussi des sources d’infor-
mation accessibles.
L’idéal du formateur est peut-être, comme nous l’avons vu dans la
revue des méthodes actives, d’être capable de jouer les deux rôles (celui
d’informateur disponible et celui d’animateur-régulateur du groupe en
autoformation), en sachant qu’il s’agit de deux rôles absolument distincts
et qu’il doit déclarer au groupe le changement de rôle lorsqu’il est temps
de passer de l’un à l’autre.
Nous avons déjà dit que lorsqu’il s’agit de formation d’adultes motivés,
les deux rôles peuvent être tenus par des personnes distinctes.

 La connaissance de la psychosociologie des groupes 14

Pour simplifier, je définirai cette connaissance de deux façons indisso-


ciables :
– Connaissance expérientielle et non pas intellectuelle. Détenir un
savoir sur la psychosociologie des groupes ne sert pas beaucoup pour

14. Sur les caractéristiques du « groupe de tâche » et sur les problèmes d’analyse de sa dynamique par l’animateur,
cf. séminaire de D. Chevrolet, op. cit., particulièrement exposé 1, ch. 4.

86
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Les « méthodes actives » dans la formation

la conduite effective des groupes de travail. Ceci nous renvoie donc à


la formation des formateurs.
– Connaissance de la sociométrie, utile pour comprendre les relations
affectives internes, les « statuts sociométriques » des membres du
groupe-classe, et, pratiquement, pour former les sous-groupes de tra-
vail en fonction des relations sociales objectivement repérées.

4.4 Le groupe de formation


L’efficacité du groupe dépendra, certes, du régulateur mais la
coresponsabilité des membres est engagée et, finalement, requise. Une
formation personnelle au travail de groupe, à la coopération et à la com-
munication est donc nécessaire et celle-ci ne peut s’effectuer que dans le
groupe, par le groupe, pour le groupe.

 Le T-Group

Issu des découvertes historiques de Lewin en 1945 à New-Britain, le T-


Group a connu une ère de gloire internationale comme méthode de for-
mation… Nous avons décrit et défini ailleurs ses caractéristiques et ses
buts (cf. ouvrage La dynamique des groupes, chapitre 5).
 Les critiques faites au T-Group n’ont pas tardé à se faire jour. Il y en
a pratiquement 4 principales :
– La dureté et l’intensité de cette épreuve expérientielle provoquent,
chez certaines personnalités fragiles (qui ne se connaissaient pourtant
pas forcément comme fragiles), des chocs psychologiques dont les
effets peuvent être graves (dépressions, névroses, désorganisation ou
même dissociation du Moi). Le groupe est un véritable laminoir qui
peut faire du mal à ceux ou celles dont l’équilibre n’est pas à toute
épreuve. Il est d’ailleurs devenu quasi traditionnel de sélectionner les
participants volontaires et d’associer des psychologues et psychiatres
aux sessions pour « récupérer » les traumatisés éventuels.
– Enfermé dans son rôle de miroir, le moniteur ne peut intervenir
pour empêcher le groupe de glisser vers des situations psychosociales
traumatisantes pour certains membres. Ou au contraire, il risque, par
ses interventions intempestives et interprétatives, de faire une « psy-
chanalyse sauvage ».
– Lorsqu’il y a dans le groupe une personnalité capable, pour des rai-
sons idéologiques ou pathologiques, de « saboter » le groupe (un
sadique intelligent, par exemple), le groupe entre collectivement en état
de parabiose (névrose collective) dont il est ensuite difficile de sortir.

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Comprendre les enjeux

– Les applications pédagogiques et les extensions à la vie quotidienne


professionnelle ne sont pas évidentes et ne font pas l’objet d’exposés
de synthèse et de mise au point. Les applications et extensions sont
laissées à l’intelligence de chacun. Or, comme chacun est affective-
ment impliqué dans l’ici-maintenant du groupe et bouleversé, ces vues
formatrices ne vont pas forcément « de soi ».
 Les aménagements du T-Group et la mise au point de méthodes plus
pédagogiques ont été faits pour éviter ces inconvénients :
– les programmes de Groupes de formation sont, dans beaucoup de ses-
sions, allégés en ce qui concerne le « groupe de base ». Dans les sessions-
type, aux USA, le moniteur se fait pédagogue : les heures de groupe de
base se réduisent à deux ou quatre par jour, des exercices plus détendus
et des exposés de formation générale sont intégrés au programme;
– la formation de base au travail en groupe de réflexion-décision est
une autre formule, plus pédagogique, où les sous-groupes sont alter-
nativement au travail et en observation.
Ainsi la pédagogie et spécialement celle des adultes doit utiliser l’éner-
gie des groupes. Les groupes deviennent aujourd’hui des instruments de
formation et ils permettent véritablement l’assimilation et l’intégration des
connaissances au comportement, en quoi réside la formation authentique
comme changement. Mais les méthodes pédagogiques utilisant le groupe
et l’énergie du groupe comme levier de la formation des individus, exi-
gent d’être pensées et construites rigoureusement sans perdre de vue la
finalité de formation à des pratiques et à des responsabilités sociales.

 Conclusion

On peut donc avec Goguelin (op. cit., p. 111-112) définir les méthodes
actives comme fondées sur l’appropriation de la connaissance, sur la prise
de conscience et sur l’évolution réelle de la personnalité, ceci par opposi-
tion aux méthodes basées sur le modèle à imiter, sur la mémorisation et
sur la répétition que sont les méthodes traditionnelles scolaires ou celles
du conditionnement.
Par là se révélerait la plus grande relation des méthodes actives avec
l’autoperfectionnement des individus et avec l’autoformation des grou-
pes. Certes on ne peut espérer de tous le fameux désir d’« apprendre à
apprendre », et seuls continueront à apprendre ceux des stagiaires qui
sont les plus intelligents, les plus intéressés et les plus capables d’engage-
ment personnel malgré les difficultés et les échecs possibles,… mais il est
certain que les méthodes actives, dans la formation professionnelle des
adultes, contribueront beaucoup à éveiller chez le plus grand nombre les
motivations et la créativité.

88
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4
CHAPITRE

Psychopédagogie
des motivations
et de la créativité

C lassiquement, on appelle « motivation » toute tension affective : sen-


timent, désir, aspiration, tendance, besoin, etc. susceptible de déclen-
cher et de soutenir une action. La motivation dynamise, active, met en
branle (d’où la parenté du mot avec « mouvoir, motion »), dirige et cana-
lise le comportement vers des buts. Un comportement « motivé » est donc
un comportement orienté vers un but satisfacteur (faisant baisser, au
moins momentanément, la tension de motivation).
Par réciproque, on dira qu’un but quelconque est motivant lorsque sa
perception ou sa conception par un sujet éveille chez ce sujet un dyna-
misme, latent jusque-là, de telle sorte qu’il y a mobilisation de ce dynamis-
me et organisation du comportement, « polarisation » vers le but (pour
appropriation s’il est « chargé positivement », c’est-à-dire de valeur
positive-pour-le-sujet), ou loin du but (motivation négative et comporte-
ment polarisé par l’évitement si la valeur – ou plus exactement la
valence – est négative).
L’existence d’une motivation se traduit par des modifications typiques
du comportement :
1) la motivation dynamise le sujet, le rend « actif », et, de ce fait sou-
tient une activité qui, dans ces conditions, devient persistante (conti-
nue, entretenue) pendant toute la durée de la motivation, c’est-à-dire
de la présence (réelle ou imaginée comme proche) du but motivant
dans le champ psychologique ;
2) la motivation dirige ou oriente le comportement, qui apparaît alors
comme organisé et tendu vers le but ;

89
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Comprendre les enjeux

3) la motivation rétrécit le champ de conscience, en ce sens qu’elle a


un effet sélectif et intensificateur de stimuli spécifiques (ceux qui pro-
viennent du but) au détriment des autres stimuli du champ.
Autrement dit, la motivation a un effet sur l’attention :
4) à un haut degré d’intensité, la motivation réalise une surtension qui
désorganise complètement le comportement.

Nous formulerons tout de suite une loi que nous retrouverons ci-
dessous : la motivation crée une tension à effets positifs sur l’organisation,
la dynamisation et l’orientation du comportement adapté, et cela jusqu’à
un certain degré d’intensité au-delà duquel elle a des effets contraires.

1. La manipulation des motivations


en situation pédagogique
On peut, à certains égards, considérer que pour atteindre son objectif
propre (qui est d’enseigner quelque chose conformément à la définition
de sa fonction), le pédagogue est celui qui sait se servir des motivations et
donc qui a appris à les manipuler.

1.1 La création
de situations motivantes
Le mot de « manipulation » a pris un sens péjoratif aujourd’hui parce
qu’il est connoté comme l’art d’influencer les opinions et attitudes d’au-
trui dans un but caché à autrui et par des moyens invisibles à autrui. Ce
serait donc une technique pour « faire croire », pour « faire penser », ou
pour « faire agir » selon un plan préétabli dont le partenaire-victime est
non conscient. La manipulation cumulerait ainsi l’habileté technique, le
machiavélisme, la mauvaise foi, l’hypocrisie et l’exploitation de l’Autre
considéré comme un objet ou un instrument.
Mais c’est transférer abusivement la malignité des buts personnels du
manipulateur à ses techniques. Le but du pédagogue est clair et altruiste.
La manipulation qu’il est amené à faire n’a rien de blâmable, elle revient
à utiliser les ressorts dont il dispose, pour conduire les enseignés vers les
buts qu’ils se proposent eux-mêmes puisqu’ils sont là.
L’élève, l’apprenti, l’étudiant ou le stagiaire motivés pour apprendre
(c’est-à-dire positivement et à un degré utile de tension) ont des compor-
tements qui sont considérés comme hautement satisfaisants pour l’ins-
tructeur :
– ils manifestent un intérêt positif pour l’objet d’étude,
– ils font attention de manière continue,

90
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Psychopédagogie des motivations et de la créativité

– ils travaillent avec persévérance par eux-mêmes,


– ils résistent à la fatigue et au découragement,
– ils s’intéressent à leurs progrès, à leurs performances,
– ils apprennent plus vite et retiennent mieux.
Il est facile de voir que cet échantillon de comportements est déduit
des caractéristiques générales de la motivation énoncées ci-dessus.
Par contraste, le sujet motivé négativement cherchera – et trouvera –
toutes les occasions d’éviter l’étude, avec la même constance et le même
zèle que le précédent, mais en sens opposé.
L’indifférent, plaie pour le pédagogue, sera physiquement présent et
mentalement absent, sans attention, sans zèle, même s’il a de la bonne
volonté (pas d’intérêts, pas de buts).

1.2 Motivations extrinsèques


et motivations intrinsèques
Selon qu’il considère l’attention ou bien la motivation, le pédagogue
sera porté à utiliser des motivations extrinsèques et intrinsèques.

 Induire des motivations extrinsèques

La pédagogie traditionnelle a plutôt utilisé les motivations dites


extrinsèques. Partant du problème de l’attention considérée comme
signe majeur d’une motivation positive, les pédagogues ont toujours
essayé (c’est même à cela que se résumerait leur « art ») de provoquer,
encourager et maintenir, l’attention. Nous appellerons « motivations
extrinsèques » les incentifs (ou stimuli) utilisés pour éveiller et capter
l’attention.
La pédagogie classique se sert de deux ensembles convergents de
moyens : d’une part l’évitement des facteurs de distraction (c’est-à-dire
d’attention à autre chose qu’à l’objet de l’instruction), d’autre part la
mise en œuvre d’excitants de l’attention spontanée.
À l’actif du premier ensemble on mettra la discipline, l’anxiété de
l’interrogation-surprise, et même le dispositif spatial, l’isolement (rela-
tif) par rapport aux sollicitations « étrangères » ; à l’actif du second
ensemble, on mettra la présentation, l’illustration, le caractère « vivant »
des leçons, et les menus moyens de « réveil » de l’attention dans le
discours (plaisanteries-détentes, historiettes, astuces, etc.). On peut
considérer que les moyens audiovisuels sont des incentifs nouveaux et
précieux au service des mêmes intentions. En fait, ils sont aussi autre
chose (cf. p. 104).

91
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Comprendre les enjeux

Mais l’attention est-elle le signe de la motivation ? Il faut bien admet-


tre qu’il y a deux genres d’attention spontanée 1 et ces formes cor-
respondent d’une part aux incentifs, d’autre part aux motivations
intrinsèques, les seules à mériter le nom de motivations. L’attention du
premier genre est celle que provoquent les moyens d’attraction sensi-
ble ; elle est alors attirée. L’attention spontanée du second genre vient
du sujet ; elle est poussée par les déterminants internes (ou intérieurs)
de l’action. Sans être volontaire, elle exprime un vouloir, un désir ou
des intérêts personnels. On retrouve la même distinction des deux gen-
res d’attention dans la publicité (cf. ouvrage Psychologie de la publicité et
de la propagande) : d’une part les moyens qui attirent l’attention (flashes
lumineux, surface ou intensité des couleurs et des lumières, mouve-
ment des formes et des éléments,… tout ce qui attire le regard et les
réflexes de vigilance), d’autre part les moyens qui éveillent des motiva-
tions (besoins, désirs, aspirations, etc.), telles les affiches et images à
contenu symbolique ou « suggestif ».

 Induire des motivations intrinsèques

Partant du postulat de l’état d’indifférence a priori des « élèves », la


pédagogie classique utilise d’autre part des stimuli destinés à induire des
motivations « intrinsèques » :
– invocation des objectifs positifs à long terme (les raisons d’étudier,…
le bénéfice futur des études,… l’intérêt social ou promotionnel ou
financier,… la libération de l’état d’ignorance,… la gloire de la famille
ou le prestige personnel lié au haut statut social, etc.) ;
– récompenses à court terme (prix,… tableaux d’honneur,… félicita-
tions,… bonnes notes avec le cortège de gratifications sociales,… bon-
nes relations avec l’instructeur, etc.) ;
– sanctions destinées à décourager les comportements non recom-
mandés et à créer la crainte, d’où, espère-t-on, le renforcement corré-
latif des comportements d’application au travail et d’attention.
Mais ces motivations, tout en étant intrinsèques, sont tout de même
fabriquées plus ou moins artificiellement par les pédagogues et elles
utilisent l’intérêt indirect. Ce n’est pas la situation hic et nunc qui est
motivante. Par là ces stimuli sont encore, d’une certaine façon, extrin-
sèques.

1. L’attention intellectuelle ou volontaire est un effort personnel et, comme tel, fatigable et discontinu. C’est l’attention
spontanée que veulent provoquer les stimuli dont nous avons parlé.

92
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Psychopédagogie des motivations et de la créativité

La pédagogie active et les motivations intinsèques

La pédagogie active a plutôt tendance à utiliser des motivations intrinsèques.


Partant du constat des intérêts spontanés (donc authentiquement intrinsèques)
des élèves, la pédagogie dite moderne utilise ces intérêts comme motivations
(Cousinet, Decroly, Dewey, Freinet, Wasburne, etc.).
L’instructeur est amené à utiliser et à « diriger » les intérêts spontanés, c’est-
à-dire à les manipuler.

1.3 La manipulation
des motivations selon Skinner
Partant de l’analyse comportementale des réactions dites de motiva-
tion intrinsèque spontanée, le néo-béhaviorisme (Skinner) constate
d’une part que « faire à l’élève un devoir d’étudier par lui-même n’est
pas enseigner… c’est simplement le mettre en demeure d’apprendre
sans se donner la peine de l’instruire » (op. cit., p. 75), d’autre part que
les techniques aversives (susciter la peur des sanctions) ne donnent pas
pour autant les moyens d’apprendre et risquent même de provoquer
l’apathie puis la révolte. Skinner soutient que les motivations positives
intrinsèques peuvent parfaitement être « fabriquées » par un condition-
nement adéquat :
« Les élèves devraient, naturellement, être encouragés à chercher, à poser
des questions, à étudier par eux-mêmes, à être “créatifs”. Lorsqu’on les
analyse correctement, on s’aperçoit que les comportements que recou-
vrent ces expressions peuvent faire l’objet d’un enseignement systéma-
tique. » (Skinner op. cit., p. 134.)

Faisons, avec Skinner l’analyse de la motivation en termes de compor-


tement observable : on remarquera que le sujet motivé :
– reste très longtemps au travail, montre du zèle ;
– sans nervosité ni souci d’évasion ;
– en tension positive constante ;
– tolérant à la frustration, à la lassitude, au découragement ;
– manifeste une attention concentrée et soutenue.
On peut aussi observer le comportement d’un adulte passionné par
son travail, et l’on remarquera que :
– le sujet ne fait pas la distinction travail-loisir, car il a transcendé cette
antithèse, et son travail l’intéresse autant qu’un jeu… ;

93
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Comprendre les enjeux

– il est persévérant et continue à travailler malgré les difficultés et les


échecs, malgré l’absence de résultats immédiatement satisfaisants ;
– il se montre infatigable dans sa tâche.

« L’homme de science fait une expérience qui fournit par hasard d’excel-
lents résultats. Il la poursuit, s’engage dans de nouvelles difficultés, cons-
truit des appareils plus compliqués et attend plus longtemps avant d’être
à nouveau renforcé. Peut-être travaillera-t-il des mois et des années jus-
qu’à la prochaine découverte… L’homme de science est plus qu’un esprit
informé de sa spécialité… L’éducation s’occupe rarement, de ce quelque
chose en plus. » (Skinner, op. cit., p. 196.)

L’observation du « passionné par son travail ou par sa recherche », dit


Skinner, nous donne la clé de ce qui s’est passé : il a reçu des « renforce-
ments intermittents » 2. Pour comprendre alors l’application spectaculaire
de cette idée, il faut suivre de près la démonstration de Skinner, dont
voici les points principaux :

« Dès que nous avons établi le type particulier de conséquence que nous
appelons un renforcement 3 nous sommes en mesure de modeler le com-
portement d’un organisme pour ainsi dire à notre gré… Si nous prenons
soin de présenter de la nourriture à un pigeon affamé, à certains moments
précis, nous parvenons sans peine à dresser l’animal à 3 ou 4 réponses
bien définies au cours d’une seule démonstration. Nous pouvons lui
apprendre à tourner en rond, à décrire des 8 sur le sol de la cage, à se
tenir immobile dans un coin, à tendre le cou ou à frapper du pied… Il suffit
que nous changions très progressivement les contingences de renforce-
ment dans la direction du comportement souhaité. Les résultats sont sou-
vent spectaculaires. On voit littéralement l’apprentissage s’installer…
« Un second progrès important dans nos techniques nous permet de
maintenir le comportement en vigueur pendant des périodes prolon-
gées. Les renforcements continuent naturellement de jouer un rôle pri-
mordial au-delà du moment où l’organisme a appris à faire quelque
chose, où il a acquis un comportement nouveau. C’est ici qu’intervien-
nent les divers programmes de renforcement intermittent… Le fait remar-
quable ici, c’est que beaucoup des effets obtenus relèveraient, dans une
perspective traditionnelle, de la motivation, alors qu’ils résultent simple-
ment de la manipulation des contingences de renforcement. » (Skinner,
op. cit., page 17.)

La « manipulation des contingences de renforcement » (c’est-à-dire des


conditions de la récompense du comportement-à-façonner et à entretenir)

2. Rappelons que par hypothèse, en théorie béhavioriste, on ne s’occupe pas de la mentalité, du psychisme et des
« états intérieurs » on reste au niveau des comportements.
3. Le renforcement est le feed-back E → R immédiat et positif qui encourage automatiquement le fragment de com-
portement-réponse de l’instruit.

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Psychopédagogie des motivations et de la créativité

consiste, dans le renforcement intermittent, à espacer aléatoirement la


récompense :

« Cette nouvelle forme de programmation concerne l’entretien d’un com-


portement par des renforcements peu fréquents. Un pigeon continuera à
répondre, même si une réponse sur cent est renforcée, mais il ne le fera
que si les contingences de renforcement ont été soigneusement program-
mées. Il n’y a pas plus de chances qu’un pigeon, d’emblée, frappe 100 fois
le disque-réponse que pour qu’il décrive des huit sur le sol.
« Pour installer (le comportement continu de réponse) il faut d’abord ren-
forcer chaque bonne réponse, puis 1 sur 2, 1 sur 5 et ainsi de suite en
attendant à chaque étape nouvelle que le comportement soit relative-
ment stable avant d’aller plus loin. En usant de programmation minu-
tieuse, on a réussi à maintenir le comportement du pigeon alors que seu-
lement 1 réponse sur 10 000 était renforcée, et rien ne prouve que nous
ayons atteint une limite. Un observateur dirait sans doute que notre
pigeon est « très intéressé par son travail », qu’il est « plein de zèle »,
« remarquablement tolérant à la frustration », « imperméable au décou-
ragement » ou « tout dévoué à sa tâche ». (Skinner, op. cit., p. 93).

Ainsi la gageure est tenue par Skinner : apprendre à penser, appren-


dre à apprendre, être motivé pour son travail, sont des conduites et celles-
ci peuvent être apprises. Le vieil espoir pédagogique qui, sur ce point s’en
remettait à la bonne volonté des instruits (c’est-à-dire qui impliquait une
démission pédagogique) est réalisé par la programmation à renforce-
ment intermittent.
Malgré l’intérêt de premier plan de cette découverte, remarquons qu’il
s’agit d’une manipulation de la motivation et non de sa création ex nihilo.
En effet, à l’origine, Skinner se donne la motivation authentique qui seule
sert de support à l’établissement du « comportement motivé » artificielle-
ment fabriqué. Ce qu’il crée c’est la persévération s’inscrivant finalement
comme conduite autonome habituelle, mais il a fallu : 1) une motivation
de départ (l’animal affamé est motivé par l’objet-nourriture) ; et 2) un
renforcement (c’est-à-dire une gratification désirée, impliquant elle-
même une motivation, et qui seule rend « désirée » cette gratification).

Pour conclure

Ceci nous renvoie donc aux motivations intrinsèques exploitables, tout en ayant
le mérite de nous fournir une méthode scientifique de leur manipulation.

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Comprendre les enjeux

2. Revue des motivations


pédagogiquement exploitables
Les motivations pédagogiquement exploitables peuvent être indivi-
duelles ou communes, et parmi les communes, certaines sont spécifiques
aux adultes. D’autre part, les motivations peuvent entrer en conflit.

2.1 Les motivations individuelles


Il y a d’abord les motivations particulières permettant une instruction
individualisée ou l’action sur les individus un à un. On peut les classer en
3 catégories :
 Les motivations caractérologiques. On sait par exemple que la psycho-
logie intéresse plus les caractères introvertis 4 que les extravertis, que certains
caractères aiment le mouvement, le changement, l’imprévu, alors que d’aut-
res préfèrent la stabilité de l’habituel et du familier, etc. On a remarqué aussi
que le caractère individuel intervient dans la réaction aux récompenses-
punitions, aux succès et échecs : ainsi devant un même échec d’importance
moyenne, les extravertis sont dynamisés, les introvertis sont déprimés.
Le caractère détermine des goûts et des dégoûts, des intérêts et des
rejets. Il en est de même des « complexes ».
 Les motivations complexuelles. Les « complexes » sont des structures
pathologiques de la personnalité comportant une sensibilisation aiguë à
certaines situations, et des réactions émotionnelles ou affectives automa-
tiques et inadaptées à ces situations ; ils s’expriment par des intérêts, des
besoins, des désirs, des aspirations. Les réactions du Moi à ses complexes
sont à la source de recherches de compensation ou de surcompensation
qui sont autant de « motivations » (cf. l’ouvrage Les complexes personnels). On
a même pu faire (Szondi) la psychanalyse de toutes les « vocations », pro-
fessionnelles.
 Les aptitudes et les dons individuels. Quoique la notion de « don » ne
soit plus à la mode, pas plus que celle d’« aptitude » (suspectes toutes deux
d’impliquer la croyance à une « nature » ou à des données génétiques, ce
qui est contraire à la théorie qui fait, du milieu éducatif culturel et social, la
cause absolue des attitudes positives ou négatives), on peut admettre que
dons et aptitudes sont facteurs de motivations pour l’apprentissage, l’en-
traînement et la réussite, dans le domaine de réalisation de l’aptitude.

4. On appelle introverti (terme de Jung), le sujet humain qui est plus intéressé par la vie intérieure (la sienne et celle
des autres) que par l’action sur les objets, qui réfléchit avant d’agir, qui est plus idéaliste que réaliste. L‘extraverti au
contraire est plus intéressé par le monde extérieur que par les mondes intérieurs, agit d’abord et réfléchit ensuite,
est plus réaliste qu’idéaliste. Pour plus d’information, cf. l’ouvrage Les complexes personnels.

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Psychopédagogie des motivations et de la créativité

Il suffit de voir les dessins d’une classe pour repérer celui ou celle qui a
« des dispositions ». Tout moniteur d’auto-école se rend compte rapidement
du client « doué » et du client qui n’apprendra jamais à bien conduire.
La forme (sinon le niveau) de l’intelligence peut être classée dans
cette catégorie. Il y a des intelligences plus concrètes qu’abstraites, plus
pratiques que théoriques, et la forme de l’intelligence (ou encore celle de
la mémoire, quoique celle-ci concerne davantage les méthodes d’acquisi-
tion) détermine aussi des intérêts et des désintérêts, d’autant plus que la
réussite dans le domaine correspondant (comme dans celui des aptitu-
des) renforce aussitôt l’orientation elle-même.
Avec ces trois genres de motivations, on peut comprendre la plupart
des « intérêts spontanés » des individus ou encore, dans un programme
complexe et varié, les différences d’intérêt des parties du programme pour
tel stagiaire. On peut comprendre aussi les « hobbies » ou passe-temps
(intellectuels ou manuels) de ceux qui, mal orientés, ne trouvent pas
dans leur profession la satisfaction professionnelle qu’eut donnée la
conjonction profession-vocation.

2.2 Les motivations communes


Au niveau des groupes, il faut faire fond plutôt sur les motivations
communes. Elles sont naturellement individuelles aussi, mais étant plus
générales, elles peuvent plus facilement être utilisées dans la situation
pédagogique. De cette espèce seraient :
 La curiosité et le besoin de savoir. Il y a un attrait spécifique de l’in-
connu ou de la nouveauté. Sans parler ici de la pression sociale exercée
par le fait que « d’autres savent et pas moi », il est constant que la décou-
verte en tant que telle, motive. L’exploration et la connaissance de la
réalité font partie de l’activité adaptative normale et de la quête d’infor-
mation caractéristique du vivant.
 Le succès personnel. Gagner, réussir, triompher, atteindre le but
quel qu’il soit, est une motivation. Vaincre une difficulté, dominer la
situation, trouver la réponse juste suffit souvent (sauf contre-motivations
personnelles) à provoquer le travail et l’application. On sait que dans la
machine à enseigner, c’est ce type de « renforcement » qui est constam-
ment utilisé. Il semble, qu’il y ait, dans cette motivation, un besoin d’affir-
mation de soi, besoin fondamental universel qui ferait partie du dynamisme
de l’être même (et de tout être). Le succès renforce le potentiel d’action,
élève le moral, donne confiance en soi.
Inversement, l’échec déprime le potentiel d’action et provoque un évite-
ment de la situation génératrice (évitement proprement dit, évasion réelle
ou imaginaire, abandon, ennui, non-fixation de l’acquis par ego-défense).

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Comprendre les enjeux

 La mise à l’épreuve de soi la performance auto-évaluatrice. Proche de


la motivation précédente, celle-ci exprime le besoin de se connaître, de se
mesurer, de s’évaluer. L’intérêt pour les résultats, pour la performance, est
une motivation générale qui explique pourquoi l’information sur la perfor-
mance (feed-back moniteur-apprenti) est un facteur de soutien de la moti-
vation. Le fait de savoir exactement où on en est, dans le déroulement d’un
apprentissage vers un but, a la même fonction. Cette motivation est à rap-
procher de la « compétition avec soi-même » (cf. ci-dessous).
 Le besoin de réalisation de soi est une des motivations les plus fonda-
mentales des sujets humains. Elle est en relation avec le « niveau d’aspira-
tion » dans la mesure où elle est l’aspiration confuse mais essentielle à un
épanouissement personnel, à l’actualisation des potentialités de l’être.
L’idée de « progrès », de « développement » est liée au besoin de réalisa-
tion de soi et n’a de sens que par là. La réalisation « de quelque chose »
(création, œuvre, travail fini) participe à la même motivation. On sait que
l’inachèvement de la tâche en cours (par interruption extérieure) engen-
dre une tension pénible (connue sous le nom d’effet Zeigarnik).
 La compétition. L’auto-affirmation et le besoin de succès passent par la
rivalité avec autrui. Lorsque l’individu pense qu’il a de bonnes chances de
succès, l’esprit compétitif s’en trouve accru. La pédagogie classique a
d’ailleurs utilisé dès ses origines l’émulation comme situation motivante. Les
effets secondaires sont cependant moins satisfaisants (rivalité agressive,
culture de l’individualisme, obstacle à la coopération). La transformation de
la compétition-rivalité en compétition avec soi-même (performance auto-
évaluatrice, courbe des résultats personnels) évitera ces effets secondaires.
 La présence du groupe. On a remarqué depuis longtemps que (sauf
contre-motivation particulière et sauf surmotivation inhibante) la présence
d’un public, d’un auditoire, d’observateurs, dynamise l’individu, aug-
mente sa rapidité et son niveau de performance. Cependant cette pré-
sence intensifie les effets affectifs de l’échec ou de la frustration. Il en
résulte que seul le groupe où l’on se sent en confiance est stimulant.

Le travail en groupe, dont nous aurons à reparler utilise les effets posi-
tifs de la présence d’autrui et neutralise les effets négatifs.

2.3 Les motivations communes


spécifiques des adultes
À ces motivations particulières et communes, les adultes ajoutent d’au-
tres déterminants de l’attention et de l’activité :
 L’utilité. Quoique l’attribut d’« utile » soit donné à des connaissan-
ces différentes selon les individus, la perception de l’utilité (pour soi,

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Psychopédagogie des motivations et de la créativité

pour ceux dont on est responsable, pour le travail à faire, pour l’atteinte
des objectifs personnels, etc.) est motivante.
 La perception claire du but. En dehors de l’utilité, la perception
claire du but a un effet motivant sur l’engagement personnel dans le tra-
vail. « Savoir où on va » est un besoin adulte qui justifie l’itinéraire et fait
accepter les obstacles éventuels.
 La facilité. L’expérience acquise, la familiarisation avec le domaine
concerné, la représentation de l’accessibilité des connaissances, l’évalua-
tion de l’effort nécessaire et suffisant qui assure le succès, facilitent l’en-
gagement et le soutiennent. Cette motivation peut entrer en conflit avec
l’effort utile (cf. ci-dessous les conflits de motivations). Dans le domaine
de l’instruction, la clarté de l’exposé, l’ordre rationnel, la facilitation de
l’acquis, l’intelligibilité sont des facteurs motivants. L’inverse décourage.
 La pression de conformité. L’appartenance à des groupes (ou la
référence à des groupes dont on voudrait faire partie) détermine des acti-
vités et des acquisitions dans le but de « se mettre à l’unisson » ou « de se
mettre au niveau ». Les objectifs groupaux (l’idéologie du groupe) sont
poursuivis comme des objectifs personnels sous la pression groupale.
 Le prestige social. Le prestige social est une valeur, et comme telle
motivante. La recherche du statut social, de la promotion, de la considé-
ration, pousse à des efforts personnels persévérants.
Peut-être toutes les motivations ci-dessus se résument-elles en une
seule qui domine largement le tableau : la signification de la tâche
actuelle. Certes, il s’agit d’abord, pour chaque enseigné, de la significa-
tion que la tâche a pour lui, avec tout ce que cela implique de subjectif,
mais aussi ce qu’il en attend pour lui et pour son avenir, pour l’atteinte
de ses objectifs, comme jalon sur l’itinéraire qu’il va ou veut parcourir.
Pour preuve inverse, pensons à l’aboulie (perte mystérieuse du Vouloir et
de l’application) des étudiants qui ne savent pas ce qu’ils feront plus tard
ni « pourquoi ils sont là ».
C’est pourquoi il est essentiel que le sujet perçoive le rapport entre la
tâche proposée et ses buts ; il faut que systématiquement et authentique-
ment l’instructeur souligne le sens de ce qui est offert à l’enseigné non
pas le sens intellectuel naturellement, mais la justification de tel enseigne-
ment, de telle épreuve, voire de tel détail, par rapport aux buts admis de
l’instruction. Rien n’est plus démoralisant que la difficulté gratuite.

2.4 Conflit
de motivations et surmotivation
Les motivations peuvent entrer en conflit sous de multiples formes
(conflit des buts à long terme et des désirs à court terme, conflit ici et

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Comprendre les enjeux

maintenant entre des motivations positives et des contre-motivations,


etc.). Elles peuvent au contraire s’additionner et converger : l’action dans
ce cas est dite surdéterminée.
Autre chose est la surmotivation qui est l’intensification de la motiva-
tion, engendrant une surtension de l’individu en situation. La preuve
expérimentale a été faite qu’une surmotivation (par exemple violent
désir de succès, importance de l’issue de la situation pour le sujet, pres-
sion excessive de l’auditoire) produit à un certain degré une désadapta-
tion du comportement par suite de la tension émotionnelle elle-même.
Le trac est un effet de ce genre.
D’où la loi : l’acquisition croît proportionnellement à l’intensité de la
motivation jusqu’à un certain point au-delà duquel elle décroît, ou encore
le maximum d’acquisition se produit pour une motivation modérée.
Le « point critique » est très individuel (dépend des individus) mais il
devient commun dans certaines situations-limites. Il est fonction de
7 paramètres :
– la tâche elle-même (de son degré de difficulté) ;
– la situation globale et sa signification pour le sujet ;
– les capacités du sujet par rapport à la tâche ;
– les niveaux d’aspiration et d’expectation du sujet ;
– la sensibilité individuelle aux stress émotionnels ;
– le sentiment de responsabilité personnelle dans le résultat du travail ;
– la valeur des « supports » sur lesquels il peut compter.
Voici un exemple adapté de May V. Seagoe (op. cit., p. 68), où un jeune
homme relate la formation active à l’expression orale dans son institut.
Témoignage : le récit d’une formation active à l’expression orale
« Je me souviens très bien des “événements du jour” dont chacun de
nous devait parler. Nous avions été formés à choisir une nouvelle, à la
développer avec élégance et à la présenter de façon frappante. Puis nous
devions nous tenir debout face à tout le groupe et écouter les critiques,
pour la plus grande part négatives, qui accueillaient nos efforts.
« Le soir précédant cet exercice de style et d’éloquence était pour moi un
cauchemar. Je fouillais le journal pour découvrir le fait-divers ayant
quelque importance, assez court pour m’en souvenir aisément, assez
riche pour prêter à des développements philosophiques. Je le répétais
tant et tant qu’à la fin il se débitait tout seul et je n’étais plus qu’un
phonographe le jouant sans arrêt. Je le répétais en m’éveillant… Jamais
mon exposé n’était bon et la terreur que j’éprouvais en le faisant devait
être évidente. En tout cas, l’effet des critiques publiques a été de trans-
former pour moi en traumatisme toute expression devant un groupe :
dans ma vie d’adulte je ne me porte jamais volontaire pour un compte
rendu ou un exposé oral, et quand j’ai quelque chose à dire à un groupe
je prépare soigneusement des notes. S’il faut que je fasse un discours,

100
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Psychopédagogie des motivations et de la créativité

toute la terreur de mon expérience de jeunesse m’assaille à nouveau. J’ai


même du mal à me souvenir de ce dont j’ai à parler, et un attelage de
chevaux sauvages n’aurait pas la force de me traîner pour jouer un rôle
dans une pièce de théâtre.

2.5 Savoir jouer


du clavier des motivations
Lorsque Rousseau, toujours confiant dans la Nature, laisse Émile libre
de s’instruire lui-même dans le grand livre du monde, mais reste attentif à
guider ses pas, il utilise dans un but pédagogique la curiosité naturelle et les
situations dans lesquelles le hasard (quelquefois « arrangé ») met son élève.
Lorsque Dewey, Decroly ou Freinet attendent que les élèves apportent en
classe des problèmes que leur existence (et leur exploration) leur a posés,
ils utilisent l’intérêt spontané, et ils en profitent (en manipulateurs de talent)
pour injecter une longue suite de connaissances ou de savoir-faire.
 Au niveau individuel, l’enseignant, en « cherchant à connaître » tel
stagiaire cherche certes à apprécier son intelligence, ses connaissances ou
son habileté, mais aussi et surtout à comprendre ce qui l’intéresse (ses
motivations), et dès qu’il en « tient » une, il peut y accrocher le savoir
qu’il a charge de faire acquérir.
 Au niveau collectif, le pédagogue doit utiliser les motivations com-
munes (ci-dessus énumérées). Il doit assurer le feed-back instantané,
situer chaque leçon par rapport aux buts acceptés, en faciliter l’intelligi-
bilité, veiller à montrer l’organisation logique des connaissances sur tel
point, plutôt qu’exiger la mémorisation (ceci pour les adultes).
Au niveau des variations méthodologiques, il doit connaître toute la
gamme des méthodes pour utiliser le changement comme moyen de
maintenir l’effort.
Mais il peut aussi, et cela est plus important pour notre propos, créer
des motivations.

2.6 Actions de « sensibilisation »


et création de situations motivantes
Les méthodes actives telles qu’elles ont été définies par les grands
pionniers consistent à utiliser pédagogiquement des situations motivan-
tes. Je voudrais plutôt maintenant montrer comment créer une situation
motivante, comment l’exploiter, et quelles précautions prendre.
Nous avons déjà vu, à propos de l’« activation » des leçons tradition-
nelles comment l’enseignant peut, assez facilement, changer la situation
globale de telle façon qu’un intérêt spontané soit suscité (expression
d’une motivation intrinsèque créée).

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Comprendre les enjeux

 Les actions de « sensibilisation »

C’est Kurt Lewin qui prononça le premier, semble-t-il, l’expression


« séminaire de sensibilisation » (selon A. Marrow, La vie et l’œuvre de Kurt
Lewin, trad. fr. ESF 1971) au cours de ses interventions psychosociales
dans les entreprises vers 1945 (sensitization training).
Le mot évoque un phénomène biologique connu : dans l’allergie
(découverte en 1910), toute attaque de l’organisme par une substance se
comportant comme antigène rend ultérieurement cet organisme très sensi-
ble à une dose minime de cette substance (choc anaphylactique). En
psychologie du conditionnement, on avait remarqué (Pavlov, 1924) qu’un
traumatisme psychologique (telle une angoisse effroyable associée à des
conditions extérieures précises) laissait au sujet d’expérience une « sensibi-
lisation » telle que la faible réapparition fortuite d’une de ces conditions
produisait tout le tableau de l’angoisse. On rattache aujourd’hui à ces phé-
nomènes « la névrose traumatique ». Les chercheurs américains, dans le
même champ d’expérience, avaient constaté que la répétition d’un stimu-
lus fort, d’intensité constante, provoque une réaction d’intensité croissante
(phénomène appelé « pseudo-conditionnement »).
En psychologie sociale, le phénomène de sensibilisation pourrait se
définir comme une motivation acquise après une expérience abordée
dans l’indifférence ou dans un état d’intérêt tout intellectuel sans valeur
motivante.
Le discours, l’information reçue, l’information-spectacle ne peuvent
pas provoquer de motivation vraie (Lewin avait tiré les conséquences de
ce fait dès 1942 dans ses actions pour obtenir le changement des
comportements 5). Par contre, l’implication personnelle dans une dis-
cussion de groupe ou dans une expérience vécue provoque non seule-
ment un changement d’optique (action sur les opinions) mais des réac-
tions personnelles plus intenses lors de la rencontre ultérieure du
même problème.
 On peut donc acquérir ou contracter une motivation (au sens où
l’on attrape une maladie) alors qu’on était auparavant indifférent ou seu-
lement intéressé intellectuellement entre autres sujets d’intérêt, on est
alors « sensibilisé ».
 La sensibilisation se produit à la suite de la découverte personnelle
expérientielle du phénomène, c’est-à-dire si ce phénomène ou cet ordre

5. Allusion aux actions sur les consommateurs. cf. l’ouvrage Opinions et changement d’opinion, exercice 9 B, avec les
consignes pour refaire l’expérience.

102
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Psychopédagogie des motivations et de la créativité

de phénomènes a été rencontré d’une manière qui nous a mis en cause,


qui nous a concernés, qui nous a émotionnellement impliqués.
 Les effets de la sensibilisation sont doubles :
– nous reconnaissons désormais ce phénomène lorsqu’il se produit
devant nous, même si nous n’y sommes plus impliqués ;
– nous sommes intéressés par ce phénomène d’une façon nouvelle :
nous cherchons à le dépister en toutes circonstances, nous cherchons
à nous informer nous-mêmes sur ses causes, sa nature, ses modalités,
ses conséquences, etc. (attention sélective, motivation à la meilleure
connaissance personnelle du phénomène et à la recherche des infor-
mations disponibles à son sujet).
Dans les séminaires de sensibilisation, il conviendra donc de préférer
aux exposés d’information les découvertes expérientielles (expériences
mettant en cause à la fois l’objet que l’on veut faire étudier et les per-
sonnes), de préférer la participation personnelle active (l’engagement
personnel des participants) à toute situation d’auditeurs-spectateurs, de
provoquer le vécu, même dans le risque (mesuré), plutôt que l’attention
intellectuelle, et pour cela de ne pas craindre les réactions émotionnelles
ou affectives des participants.
La sensibilisation est le résultat d’une « mise sous tension » dans
laquelle le phénomène à étudier est impliqué dans une situation person-
nelle ou personnalisée.
La plupart des exercices pratiques collectifs des ouvrages de cette
collection ont été conçus dans cet esprit. Ils concernent les sciences
humaines. On peut appliquer les mêmes principes pour la sensibilisation
à d’autres domaines du savoir.

 La création de situations motivantes

Créer une situation-problème exerçant une pression pour l’individu


ou le groupe qui y est placé. L’essentiel est de fabriquer la situation de
telle sorte que pour en sortir, le groupe découvre le savoir, le savoir-faire
ou les attitudes, que l’on veut précisément faire acquérir. La situation doit
donc à la fois être désagréable mais acceptée, impliquante sans être cho-
quante, urgente sans précipitation, et n’avoir d’issue que par les canaux
obligés prévus.
Du fait même qu’un individu ou un groupe se place dans une telle
situation, il est motivé pour en sortir le plus vite et le mieux possible.
Ainsi la situation exerce une « pression » (que l’on peut doser) sur les in-
dividus qui y sont exposés, mais en même temps offre des moyens positifs
(repérables et obligés) pour sa résolution.

103
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Comprendre les enjeux

À éviter

Les fautes à éviter sont essentiellement de cinq sortes :


1. Extériorité de la situation. Non-implication des individus qui y sont expo-
sés. Ceci se produit quand la situation est « étrangère », inassimilable, ou
abstraite et intellectualisée.
2. Fermeture de la situation par des valeurs du type récompense-punition
instituées comme moyens de pression. Dans ces situations on crée une pres-
sion mais le but lui-même n’est pas motivant ; donc la pression sera vécue
comme oppressive, et des conduites réactionnelles sont à prévoir qui n’ont
rien de commun avec les acquisitions souhaitées.
3. Brusque mise en situation désagréable en laissant aux individus d’autres
voies que celles de la résolution par l’acquisition souhaitée. Selon une image
de Skinner (op. cit., p. 141) « jeter les gens à l’eau pour leur apprendre à
nager, voilà à quoi se ramène cet entraînement… Quelques-uns d’entre eux
réussiront à en sortir… Nous pouvons prétendre leur avoir appris à nager,
bien que la plupart nagent fort mal,… quant aux autres ils couleront ».
4. Surmotivation désorganisant l’acquisition. Nous avons vu ci-dessus à
propos de la surmotivation, les effets contraires obtenus par une situation
génératrice de surtension au moins pour certains individus. Il faut donc une
motivation en deçà de son point critique d’intensité.
5. Impossibilité d’éviter l’échec. Il faut que les efforts du groupe par les voies
obligées ne soient pas rendus vains par les conditions mêmes de la situation. Le
dosage de la difficulté en fonction des capacités du groupe est indispensable.
La sanction de ces erreurs, pour l’enseignant, est grave et immédiate : non seu-
lement les individus ou les groupes concernés se désintéressent du champ d’ac-
quisition offert, mais encore développent une agressivité réactionnelle contre lui
ou (si l’expression en est impossible contre l’instructeur) contre la tâche.

3. Les moyens audiovisuels 6


La liste des moyens audiovisuels s’accroît d’année en année et
chaque moyen perfectionne ses appareils. À la projection de vues fixes
commentées, et aux disques, utilisés déjà en 1930 par des maîtres brico-
leurs, aux tableaux de tous genres (de couleurs, de feutre, magnétiques,

6. Un séminaire entier est consacré à ces moyens : Audiovisuel et pédagogie de P. Lebel, paru dans cette collection. Il
convient de s’y reporter pour tous les compléments indispensables (épuisé, à consulter en bibliothèque).

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Psychopédagogie des motivations et de la créativité

à coulisses, de papier), au cinéma, à l’électrophone, au magnétophone


et maintenant au magnétoscope et à la vidéo-cassette, aux épiscopes,
épidiascopes, rétroprojecteurs, au système VERB permettant aux sta-
giaires de converser par téléphone-télévisé avec une personnalité com-
pétente située à des centaines de kilomètres,… s’ajoutent maintenant
des équipements de la télévision scolaire (télé-enseignement) couvrant
les classes normales éloignées du centre, les circuits intérieurs de télévi-
sion, les laboratoires de langue vivante équipés de leurs cabines indivi-
duelles, la machine à enseigner avec voix humaine, écran de cinéma et
ordinateur associé.
L’architecture commence (péniblement) à se modifier pour s’adapter
à la salle moderne d’enseignement où le moniteur-technicien doit d’a-
bord savoir jouer du clavier qui le relie aux divers moyens audiovisuels
télécommandés.

3.1 Jusqu’à présent,


ces moyens servaient d’auxiliaires
dans un système traditionnel
Incentifs nouveaux, ils étaient utilisés pour éveiller et maintenir l’atten-
tion, pour illustrer ou remplacer une information.
À ce titre, ils étaient les auxiliaires du magister et beaucoup servaient
soit de relance de l’attention (lettres mobiles aimantées sur tableaux de
couleur, diapositives d’illustration, jeux de lumières…), soit de facilita-
teurs de la fonction magistrale (rétroprojecteur par exemple).
Facteurs certains de motivation dans la mesure même où ils facilitaient
l’écoute et aidaient l’intellect, ils étaient des excitants de motivations
extrinsèques.
En bref, ils enrichissaient le spectacle tout en améliorant nettement
par la seule conjonction de « l’audio » et du « visuel » la mémorisation de
ce qui était ainsi offert, en qualité (exactitude) et en quantité (somme des
souvenirs fixés).

3.2 Les moyens audiovisuels


entraînent aujourd’hui une refonte totale
du système pédagogique
 Action en profondeur des images et des sons associés. L’information
reçue par les voies audiovisuelles ne s’adresse pas seulement à l’intelli-
gence et peut-être ne s’adresse-t-elle plus du tout à l’intelligence. Des
processus inconscients sont mis en branle, de suggestion directe par

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Comprendre les enjeux

exemple, et, de toutes façons, d’influence sur les déterminants irration-


nels de la conduite 7.
Nous sommes donc déjà devant un type d’information qui est specta-
cle pour la conscience, mais qui façonne des sentiments ou des manières
de percevoir. Ces moyens détiennent ainsi une action sur une certaine
classe de motivations latentes et peuvent en injecter d’autres.
 L’audiovisuel renouvelle le processus de conceptualisation. D’une
part il accélère considérablement la formation d’un concept par l’avalan-
che d’images possibles et par l’impact de la communication de ces don-
nées,… d’autre part il oblige à une forme de conceptualisation insolite et
nouvelle dans la mesure où les mots et l’intelligence conceptuelle sont
laissés de côté.
Le fait est qu’un décodage nouveau est exigé par ces moyens, c’est-
à-dire un autre langage et une autre organisation interne du langage 8.
On fabrique maintenant des films-concepts de 5 minutes pour injecter
une « idée claire » qui induit surtout une sensation durable, une impres-
sion de familiarité de la notion ainsi transmise.
On fait aussi des films-questions de 15 minutes qui reprennent et
intensifient l’intention des cas filmés pour provoquer la réaction et la
réflexion sur une situation-problème.
Le film de sensibilisation suscite l’implication émotionnelle et, confor-
mément à ce que nous avons vu ci-dessus, déclenche une nouvelle sélecti-
vité de l’attention quotidienne et une motivation.
Or, pour amplifier ces effets, on utilise les ressources de la technique
(300 m, fond musical à répercussion sur l’inconscient, zooms, renverse-
ment, flashes lumineux, chocs divers), et on utilise aussi les procédés de
conditionnement.
 L’audiovisuel assiège la conscience par tous les côtés simultanément.
Ces moyens peuvent faire vivre le stagiaire, en un court laps de temps
(1 heure mais tous les jours) dans un univers construit en vue de faire
une pression au changement. Tous ses sens y participent, son organisme
par les réactions émotionnelles, son inconscient par les influences subli-
minaires 9.

7. La preuve en est que l’on a trouvé une relation entre l’accroissement des agressions et la promotion de la violence
dans les films. On sait aussi la puissance de modification des opinions que détient une émission tendancieuse d’in-
formations télévisées.
8. On assiste à ce phénomène en voyant l’évolution des bandes dessinées vers le non-figuratif et l’irrationnel, car c’est
l’impact affectif-émotionnel qui compte.
9. Situées en dessous du seuil perceptif conscient. On dit aussi subceptives.

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Psychopédagogie des motivations et de la créativité

Ainsi non seulement une accélération et une extension de l’information-


formation est prévisible – et doit être utilisée – mais aussi l’émergence de
nouvelles manières de parler et de penser.
Selon certains auteurs, cette pédagogie futuriste accroîtrait la créativité.

4. La créativité et la pédagogie de la créativité


Deux séminaires spéciaux sont consacrés à la créativité dans notre col-
lection (Séminaires de Michel Fustier), je m’en tiendrai ici à la créativité
dans ses rapports avec les méthodes actives.
Bâti vers 1950 par analogie au mot « productivité » (capacité de produire
ou activité de production), le mot « créativité » signifie capacité de créer, acti-
vité de création. On dirait aussi bien « inventivité » au sens de puissance d’in-
venter. La « créativité » a fait fortune et cette dimension de l’être-humain fait
l’objet de nombreuses recherches et de nombreux colloques. Les premières
« assises des pratiques de créativité » (sous le patronage de l’ESSEC) ont eu
lieu à Paris les 12-13-14-15 mai 1974.
Qu’il y ait une « capacité d’invention » dans l’être-homme, c’est ce
qu’il est inutile de démontrer : la somme des changements en tous genres
que l’Homme a apportée au cours de l’Histoire, la succession fantastique
des inventions qui ont transformé la Nature et la Vie, en sont une preuve
suffisante.
Depuis l’invention du feu qui serait le premier acte par lequel se marque
la distance entre l’intelligence humaine et l’intelligence animale,… des
hommes n’ont cessé d’inventer et les autres hommes n’ont cessé d’apprendre
ces inventions, permettant ainsi la continuité des progrès de l’Humanité
considérée dans son évolution.
Il est probable que les ressources de créativité, le potentiel d’invention
de solutions nouvelles, d’idées originales, d’expression révolutionnant les
habitudes sociales, de valeurs bouleversant les normes acquises, de procé-
dés ou techniques jamais utilisés encore,… bref la capacité de découvrir,
d’apporter du neuf, de l’inouï, du génial, n’est pas répartie également.
Quelle que soit la bonne opinion que l’on ait de soi-même ou l’idéologie
égalitaire qu’on défend par principe, personne ne peut prétendre de
bonne foi que tout homme est un Léonard de Vinci qui s’ignore ou qui a
été stérilisé par l’éducation traditionnelle. Les inventeurs et les génies
créatifs sont une faible minorité.
Cependant il est probable que chaque être humain a des capacités
créatrices, si inégales qu’elles soient. L’encouragement de toute parcelle
de créativité devient tout naturellement un but de la formation dans la

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Comprendre les enjeux

mesure même où celle-ci, se plaçant dans la prospective d’un environne-


ment technologique et social en évolution constante et accélérée, prend
pour but non plus de conduire le stagiaire à un certain niveau de savoir
ou de savoir-faire, mais de susciter et de développer sa capacité d’auto-
perfectionnement, ses possibilités d’adaptation au changement.

4.1 Qu’est-ce que la créativité ?


Pour ces raisons toute réflexion sur les méthodes actives de formation
rencontre la problématique d’une pédagogie de la créativité, et d’abord
doit élucider la nature de la créativité.

 Pas de créativité sans d’abord une motivation

Dès 1906, dans « Essai sur l’imagination créatrice », Théodule Ribot,


un des pionniers de la psychologie comme science, opposant l’imagina-
tion reproductive (mémoire, rêverie avec images de déjà-vu, reproduc-
tion-imitation) à l’imagination créatrice, notait le rapport de celle-ci avec
la volonté, et écrivait : « Chaque besoin, tendance, désir peut devenir
créateur soit isolément, soit associé à d’autres, et c’est en ces éléments
derniers que l’analyse doit résoudre la spontanéité créatrice… Toute
invention a une origine motrice, le fond dernier de l’imagination cons-
tructive est moteur » (op. cit., p. 262-263).
Ce premier facteur est donc la motivation (le mot n’est pas dans le
répertoire de Ribot, mais c’est de cela qu’il s’agit). C’est le stimulant, le
ressort de la créativité. La recherche active du moyen nouveau, de l’idée
de solution, de l’hypothèse féconde, du comportement à inventer, est l’ef-
fet d’une tension constante vers un but susceptible de résoudre cette ten-
sion par la réussite de l’action, par la solution du problème qu’aucun
moyen connu habituel ne résout de façon satisfaisante.

 Pas de créativité sans imagination

Le même Ribot avait aussi noté ce second facteur, mais distinguait net-
tement l’imagination créatrice, de toutes formes de complaisance du Moi
dans l’imaginaire d’évasion, de distraction, ou de ressouvenir…
«… mode d’imagination qui est une forme permanente et définitive chez
les rêveurs qui vivent dans un monde d’images sans cesse renaissantes,
sans pouvoir les organiser, les traduire, en une œuvre d’art, en une théo-
rie, en une invention utile. » (Th. Ribot, op. cit., p. 265).

C’est Bachelard, dans ses œuvres épistémologiques (Le nouvel esprit scien-
tifique, 1946; La philosophie du non, 1950), qui a le mieux décrit l’imagina-
tion créatrice. Il y distingue un aspect négatif (ou plutôt « négateur ») et un
aspect positif.

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Psychopédagogie des motivations et de la créativité

 L’aspect négateur est le refus des solutions connues ou des valeurs


admises, l’insatisfaction devant la réalité du problème comparée aux
moyens habituels de sa solution. Cet aspect a été surestimé intentionnel-
lement par tous ceux qui ont voulu faire de l’individu créatif un contesta-
taire ou un révolutionnaire, comme s’il suffisait d’être politiquement
contestataire pour être créatif.
Pour Bachelard, il s’agit d’une attitude épistémologique, d’une forme
de l’intention de connaître ou de comprendre : tous les grands inven-
teurs ont été mécontents et insatisfaits des solutions admises, et par là leur
« Non » était l’aspect inévitable de leur recherche dans une direction
nouvelle. C’est ce qu’il appelle l’aspect polémique de la créativité.

C’est ainsi, dit-il, que la géométrie moderne est non euclidienne, la


logique moderne est non aristotélicienne, l’épistémologie moderne…
non cartésienne, la mathématique moderne… non pythagoricienne, la
physique… non newtonienne, la chimie… non lavoisienne, etc. Se déga-
ger des postulats qui paraissent évidents, des habitudes qui passent pour
des certitudes, de la peur de l’absurde, sont des attitudes qui font partie
de la créativité.

Mais il faut aussi, dit Bachelard dans un autre ouvrage (La formation de
l’esprit scientifique, 1947), éviter de se laisser prendre à la magie des images,
à la fascination de l’imaginaire tout chargé de thèmes inconscients enra-
cinés dans l’affectivité la moins capable de connaissance valable.
 L’aspect positif est l’imagination des possibles. L’imagination créa-
trice travaille, dit-il, dans le domaine du Pourquoi pas ?

« Une généralisation polémique fait passer la raison du pourquoi au


pourquoi pas. Nous ferons place à la paralogie à côté de l’analogie et
nous montrerons qu’à l’ancienne philosophie du comme si succède, en
philosophie scientifique, la philosophie du pourquoi pas. Comme le dit
Nietzsche, tout ce qui est décisif ne naît que malgré. C’est aussi vrai
dans le monde de la pensée que dans le monde de l’action. Toute
vérité nouvelle naît malgré l’évidence, toute expérience nouvelle naît
malgré l’expérience immédiate. » (Bachelard, Le nouvel esprit scienti-
fique, p. 6-7.)

Le possible n’est pas ce qui obéit aux lois et attend de l’événement son
existence, c’est au contraire le non-réel ou plus exactement le surréel,
tout ce qui implique, pour être « trouvé » (ce sera justement une « trou-
vaille ») : de l’imagination (au sens de « avoir des idées nouvelles »), de
l’audace, du sens prévisionnel, et aussi du réalisme puisque c’est la réali-
sation qui authentifiera l’imagination créatrice et fera qu’elle ne sera pas
un simple rêve sans portée ni efficacité.

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Comprendre les enjeux

 Pas de créativité sans intelligence

Du fait de l’importance accordée au facteur précédent que Alain


Beaudot, repris par Bertrand Schwartz appelle « la pensée divergente » 10,
du fait aussi de la persistance de l’anathème bergsonien contre l’intelli-
gence 11 (« l’intelligence est caractérisée par l’incompréhension naturelle
du vivant » disait Bergson en 1907), la fonction intellectuelle est régulière-
ment sous-estimée (et mésestimée) par les auteurs, mais son importance
est telle que dans toutes les descriptions, elle est inévitablement implicite.
L’opération de l’intelligence dans la pensée créatrice. C’est l’intelligence
qui anime la « pensée par analogie » chez Ribot comme chez Gordon (l’in-
venteur de la Synectique en 1961),… la création d’associations nouvelles
chez Spearman (in Creative Mind, 1930), la « capacité de sentir des éléments
troublants, manquants, de faire des hypothèses ou d’élaborer des idées à
partir de ces éléments, de communiquer les résultats et éventuellement de
reconsidérer les hypothèses » comme le dit E.P. Torrance (dans Guiding crea-
tive talent, 1962).
Mais l’intelligence en cause ici n’est pas seulement la capacité de rai-
sonner juste, et c’est ce qui explique la méfiance exagérée des théoriciens
de la créativité à l’égard de cette fonction supérieure.
 Il s’agit de l’intuition, à laquelle on fait référence toutes les fois que
l’on parle d’inspiration, d’illumination ou d’insight (nouvelle perception
du réel, prise de conscience soudaine d’une vérité non perçue jusque-là),
ou d’astuce et d’ingéniosité.
Or, dans la psychologie classique, l’intuition est rapportée à la sensibi-
lité plutôt qu’à l’intelligence. Il est évident qu’il s’agit d’une sensibilité
intellectuelle (et non d’une capacité de sensation physique, d’une forme
d’excitabilité ou d’émotivité),… d’une acuité intellectuelle (et non d’une
bonne qualité des organes des sens).
Zazzo, dans ses belles études sur l’intelligence, a bien montré que ce
vaste concept dépassait « le processus de raisonnement » décrit par
Piaget, et que l’intelligence avait des formes multiples dont certaines
échappent aux tests spécifiques (tests d’intelligence) institués par la
psychotechnique (ainsi la sottise n’est pas du tout la débilité mentale).

10. La pensée convergente est le raisonnement méthodique à partir des données acceptées comme des vérités et dans
le but de trouver la solution qui entraîne l’accord logique d’autrui. Elle est opposée par B. Schwartz à la pensée
divergente qui consiste à ne pas suivre la route du raisonnement commun, à ne pas penser dans une vérité qui
serait l’accord des esprits.
11. L’idée que « la créativité existe en tant que dimension indépendante de l’intelligence » (A. Beaudot, reprenant les
résultats des chercheurs américains comme Guilford et Torrance) – idée qui signifie que les tests classiques de QI
n’intègrent pas la créativité, est à l’origine du mouvement antipsychotechnique (cf. ouvrage L’examen psychotech-
nique).

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Psychopédagogie des motivations et de la créativité

 L’intelligence créatrice est en rapport avec un inconscient. S’il est


certain que la création esthétique est souvent une expression sublimée de
l’inconscient (au sens psychanalytique) de l’auteur, c’est-à-dire de ses
tendances refoulées, de ses fantasmes ou de ses conflits profonds, il ne
s’en déduit pas que toute créativité soit « expliquée » par l’inconscient tel
que le conçoit Freud.
Il faut admettre ici un autre inconscient dans la mesure même où une
partie du travail de l’esprit dans la création se fait hors du temps de la
réflexion et même hors de la conscience (pendant le sommeil par exem-
ple). Le célèbre mathématicien Henri Poincaré (dans La Science et l’hypo-
thèse, 1902, et Science et méthode, 1909) a décrit 4 phases :
1) une phase réfléchie de recherche et de calculs (phase préparatoire);
2) une phase inconsciente de brassage des idées ;
3) d’où émerge une synthèse ou une mise en forme, choisie par une
sorte de sensibilité esthétique profonde (phase de travail inconscient
suivi de la phase d’illumination)… ;
4) la réflexion et le raisonnement reprennent leurs droits ensuite dans
une dernière phase de vérification des idées ainsi jaillies, et de mise au
point définitive.
Ce qui semble plus général encore, c’est qu’un certain « échauffement »
est nécessaire, bouillonnement ou excitation intellectuels au cours desquels
les idées, les hypothèses, les connaissances et les questions s’entrechoquent
avant que naisse (lorsqu’elle naît) la Forme nouvelle.

 Pas de créativité sans confiance en soi

Ce dernier aspect de la créativité, catalyseur des précédents, a été


remarqué par tous les auteurs sous des dénominations diverses.
C’est lui qui est en fait souligné lorsqu’on parle de l’« isolement » du
créateur, capable de tenir tête à l’incompréhension ou même à l’hostilité
de l’opinion ambiante, marquée tout naturellement par des stéréotypes
et adhérant aux valeurs admises par l’effet du conformisme groupal.
C’est lui aussi qui, en dialectique avec l’intelligence capable de remet-
tre en question l’acquis et les croyances, fait l’innovateur, facilite la prise
de risque, et qui, en rapport avec la motivation, permet la résistance au
découragement.
C’est lui encore qui donne à la « spontanéité » au sens de Moreno (cf.
p. 114) son énergie et sa capacité d’ajustement à la réalité, tout en y ajoutant
la confiance dans l’avenir et dans la valeur des idées personnelles.

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Comprendre les enjeux

La biographie des grands inventeurs et des grands découvreurs met en


lumière cette force du Moi qui apparaît comme force de « caractère » et
qui est essentiellement unité de la personnalité (excellent schéma corpo-
rel, parfaite disponibilité des automatismes, absence de conflits intérieurs
stérilisants, capacité de faire face aux situations contraires ou contrarian-
tes pour les maîtriser et les dépasser).
Ces bases de l’authentique confiance en soi permettent de distinguer la
créativité normale (bien insérée dans un présent avec une vision prospec-
tive de l’avenir) de la pseudo-créativité des malades mentaux (fabulation,
foisonnement d’idées déréalistes, imaginaire narcissique et productivité
fantasmatique) qui a certainement une valeur esthétique mais qui n’a pas
d’efficacité pratique directe.
La question des rapports entre le créateur et le groupe est posée par la
confiance en soi qui est nécessairement porteuse d’un relatif individua-
lisme. Il est cependant expérimentalement prouvé qu’un petit groupe,
dans certaines conditions de composition et de travail, peut être créateur
(cf. ouvrage Le travail en équipe).

4.2 Les pédagogies de la créativité


Les méthodes actives sont au premier rang de la pédagogie de la créa-
tivité, alors que le drill, les méthodes expositives ou démonstratives consis-
tant à injecter un savoir tout prêt, ne peuvent au mieux que construire
des automatismes disponibles.
Pratiquement, tout ce qui a été écrit sur la pédagogie de la créativité
se répartit en deux ensembles de procédés : l’un consiste à éliminer systé-
matiquement les obstacles, l’autre à intensifier l’énergie créatrice.
Toute méthode est un dosage de facteurs provenant de l’un et l’autre
de ces ensembles.

 L’évitement de tout enseignement positif-directif

 La pédagogie négative de Rousseau. Dans L’Émile (1762), Jean-Jacques


Rousseau, fidèle à son hypothèse selon laquelle l’homme naît bon et ses
vices viennent de la Société qui le corrompt et de l’éducation traditionnelle
qui le sclérose,… construit une pédagogie où le maître a pour fonction de
protéger le libre épanouissement de la curiosité et les joies de la découverte
par expérience personnelle. Il évitera tout enseignement positif qui encom-
bre prématurément l’esprit de vérités toutes faites. Cependant le maître suit
un plan pédagogique précis : c’est lui qui place adroitement l’élève dans les
situations dont il attend la stimulation des qualités naturelles, et son « pro-
gramme général » se développe en 4 étapes chronologiques, visant succes-
sivement la vigueur physique, l’aiguisement des facultés d’observation et de

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Psychopédagogie des motivations et de la créativité

perception, l’éveil des fonctions intellectuelles, le façonnement des qualités


de « cœur ». Au terme de cette éducation, l’élève, confiant en lui-même,
dans ses instincts et dans la Nature, est capable d’inventer son chemin et de
faire face aux situations difficiles de l’existence.
 La pédagogie non directive de Rogers. L’hypothèse de Carl Rogers
(cf. en particulier article Learning to be free, 1963, repris et développé dans
l’ouvrage Freedom to learn, 1969, tr. fr. Liberté pour apprendre, Dunod, 1972) est
que « l’étudiant » (ou le stagiaire) désire spontanément apprendre et créer,
se réaliser, devenir soi-même. Selon l’auteur, tout « enseignement » au sens
strict (teaching) consiste à chercher à injecter à autrui un savoir « extérieur » à
lui, intention stupide et attitude néfaste, auxquelles il entend substituer l’au-
toformation (learning) 12.
« Apprendre », pour C. Rogers, c’est changer, abandonner ses dépen-
dances antérieures à l’égard d’un maître ou d’un moniteur, c’est renoncer à
la sécurité d’un savoir prédigéré, c’est s’exposer directement à la vie.
L’enseignant a pour rôle de favoriser ce processus de croissance natu-
relle, sinon, en adaptant une attitude directive, il montre qu’il aime main-
tenir les « élèves » dans sa dépendance, qu’il n’a aucune confiance dans
leur capacité propre d’apprendre, et que, sûr de son savoir, il refuse pour
lui-même le changement. La pédagogie, dit Rogers, doit être « centrée
sur l’étudiant » et son autodéveloppement.
Ceci implique pour l’enseignant une attitude de facilitation du proces-
sus d’auto-apprentissage chez le sujet à l’instruction, la non-directivité
absolue, l’abandon de l’idée de programme (remplacé par une discus-
sion égalitaire sur des thèmes émergeant spontanément du groupe
stagiaires-moniteur), l’abandon de la notation, de l’évaluation et des exa-
mens terminaux (remplacés par l’auto-évaluation des stagiaires).
Dans un chapitre de Liberté pour apprendre, Rogers indique que cette
manière de faire rencontre des résistances, soulève des frustrations et des
anxiétés chez les étudiants autant que chez les professeurs, les premiers exi-
geant d’être enseignés et instruits, les seconds étant tentés d’enseigner. Le
constat de ces résistances lui fait recommander d’aller progressivement et
prudemment vers cette situation idéale où toutes les structures sont dissou-
tes pour laisser paraître les initiatives et la spontanéité d’une recherche en
commun.
Cette prudence lui fait préconiser des procédés pratiques de transi-
tion, susceptibles d’utiliser les structures institutionnelles existantes en
attendant leur transformation. C’est dans cette attente que Rogers a

12. On remarque que ce mot est pris ici dans un sens à peu près contraire de ci-dessus p. 62.

113
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Comprendre les enjeux

recours au développement des motivations intrinsèques, aux machines à


enseigner et aux méthodes actives.
Mais la hâte de s’attaquer aux structures en place devient par instant
fiévreuse. Le « passage par le T-group » apparaît comme la panacée, et cer-
tains brûlent d’y envoyer tout le monde !
« On ne peut pas abandonner la bataille : le monde d’aujourd’hui change
d’une manière vertigineuse dans tous les domaines, dans celui de la
Science, de la technique, des relations sociales… et on ne peut se contenter
des « réponses » fabriquées dans le passé. Le but de l’éducation est de faire
des individus « ouverts » au changement, de construire une société dans
laquelle les gens se trouvent plus à l’aise dans le changement que dans la
rigidité. Le problème se trouve aussi, par conséquent, au niveau des éduca-
teurs car ils doivent être eux aussi ouverts et disposés à changer. La solution
consistera à créer le « climat » qui facilite ce changement à l’intérieur de tout
le centre de formation ou d’enseignement, dans lequel on puisse dévelop-
per la créativité de tous, directeurs, professeurs et élèves. L’instrument qui
semble le plus efficace pour ce but est l’expérience intensive de groupe (T-
group)… Il est évident que pour être efficient on doit appliquer le T-group à
tout le centre d’enseignement, à tous les groupes humains qui le compo-
sent. » (Miguel De La Puente, op. cit., p. 277).

 L’éveil et la stimulation de l’énergie créatrice

 L’éducation de la spontanéité selon Moreno. Dès Les fondements de la


Sociométrie (1934), Moreno oppose la spontanéité (élan vital, créativité,
initiative et autonomie du Je, liberté de l’être) à ce qu’il appelle « les
conserves culturelles » qui représentent toutes les connaissances admises,
tout le savoir figé, toutes les habitudes sociales et personnelles, tout ce qui
est routinier et automatique, tout ce qu’on peut stocker dans sa mémoire
pour s’en servir dans des circonstances définies à l’avance.
Par instinct de conservation, dit-il, l’homme aime les conserves cultu-
relles et la pédagogie traditionnelle qui les transmet, parce que c’est pour lui
la stabilité et la sécurité. L’homme a peur de sa spontanéité, et de ce fait c’est
cette force vivante indispensable qui se trouve paradoxalement la moins
évoluée et la moins éduquée.
La spontanéité est pour Moreno la matrice de la créativité, son éner-
gie immanente. Elle apparaît dans l’improvisation d’une réponse à une
situation nouvelle et dans l’adaptation de cette réponse, dans son effica-
cité pour résoudre la situation en l’absence de tout recours à des solu-
tions apprises ou toutes faites.
Elle est donc la création d’une réponse nouvelle et adéquate Comme
telle, elle est aux antipodes de la routine et aussi de la maladie mentale,
l’une et l’autre consistant à donner aux situations actuelles les mêmes
réponses stéréotypées que par le passé (donc à ignorer le présent dans sa

114
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Psychopédagogie des motivations et de la créativité

nouveauté essentielle) et à jouer éternellement le même rôle fixé (la


spontanéité permet de changer de rôle selon une perception juste des
situations et d’inventer le rôle adéquat). Elle est aussi aux antipodes du
dressage, du drill ou du conditionnement qui apprennent à faire exacte-
ment un geste ou une succession de gestes déterminés en réponse à un
signal provenant du milieu.
Pour développer la spontanéité, Moreno recommande :
– le jeu de rôle (role-playing) et le psychodrame, issu, comme on le sait,
du théâtre impromptu, et devenu ensuite une méthode de libération de
la spontanéité par dissolution des rôles fixés ou figés (avec la kyrielle de
comportements, de sentiments et d’anxiété qui les exprime);
– le développement de la « perception sociométrique de soi » dans le
groupe d’appartenance et l’ajustement de cette perception, c’est-à-dire
devenir capable de « se situer » immédiatement et valablement dans la
situation, par rapport à autrui, spatialement, socialement, moralement,
affectivement;
– les méthodes pédagogiques d'affrontement dans le sous-entraîne-
ment, c’est-à-dire éviter le drill et le surentraînement, préférer au
contraire l’insuffisance d’entraînement tout en assumant les situations
difficiles et en les affrontant avec cette préparation insuffisante.
 L’entraînement de l’imagination créatrice selon Osborn. Alex
F. Osborn (universellement connu comme l’inventeur du brainstorming)
décrit dans L’imagination constructive (1959) la méthode de libération de
la créativité (et l’art d’inventer) comme comportant deux aspects :
1) la neutralisation des blocages ;
2) la stimulation des idées spontanées nouvelles.
La neutratisation et la levée des blocages consistent à mettre systémati-
quement hors circuit les facteurs d’inhibition de la libre créativité, qui
sont : l’autocritique et la peur de la critique d’autrui,… le raisonnement
et la logique,… la peur de l’absurde,… le recours aux idées toutes faites,
aux solutions connues et aux attitudes conformistes,… l’habitude, habitu-
des personnelles et habitudes socioprofessionnelles.
La stimulation des idées nouvelles est opérée par plusieurs moyens
convergents : la motivation injectée dans le groupe 13, l’excitation des
interactions dans le groupe, le développement d’un « climat » de détente
et de liberté d’expression.
L’animateur du brainstorming est chargé du double rôle : éliminer
autoritairement les obstacles ou blocages a priori, stimuler l’assaut d’idées

13. Importance essentielle de la présentation du problème dans la première phase du brainstorming, cette présenta-
tion étant calculée pour motiver les participants.

115
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Comprendre les enjeux

entre les participants (cf. pour la formation à cette technique l’ouvrage


La conduite des réunions, chapitre 4 et travaux pratiques).
 La synectique de Gordon. Dans Synectics, the development of creative capa-
city (New York, 1961, tr. fr. 1965), William Gordon offre à la fois une théorie
et une pédagogie de la créativité. Le mot « synectique » est construit du grec
et signifie « combinaison d’éléments divers étrangers les uns aux autres ».
Gordon dénonce d’abord quatre préjugés anciens selon lesquels :
1) les processus créateurs seraient différents dans l’art et dans les
sciences ou les techniques ;
2) l’inspiration serait impossible à enseigner méthodiquement ;
3) la connaissance des processus créateurs stériliserait la création ;
4) l’individu seul (non le groupe) serait inventif.
• Les processus de la création. Les recherches expérimentales sur des sujets
en activité créatrice sur des problèmes techniques ou au moment de
l’inspiration, firent apparaître que l’activité créatrice est liée à un « état
psychique » particulier où l’inventeur, complètement décentré, est à la fois
comme « détaché » de son problème et impliqué à un point extrême. Ces
aspects contradictoires viennent de ce que l’inventeur a « décollé » de son
présent, de ses habitudes, de ses connaissances, de l’urgence même de sa
recherche, pendant que les données du problème vagabondent en état
d’isolation par rapport à leur sens habituel,… et de ce que, d’autre part, il
s’identifie personnellement avec les éléments du problème.
Tout le travail de Gordon consiste alors à décrire les « mécanismes
opérationnels » qui induisent cet état, de façon à le « fabriquer » chez les
sujets que l’on voudrait rendre créatifs. Il en décrit quatre :
– l’analogie personnelle : s’identifier avec l’objet d’étude, se projeter soi-
même dans les données du problème, ne pas avoir l’attitude d’expert…;
– l’analogie directe : rapprocher de l’objet d’étude, des faits ou des idées
venant d’une Science tout autre ou d’une observation étrangère au
domaine de recherche, tout en ayant une vague analogie avec l’objet…;
– l’analogie symbolique : condenser le problème ou les hypothèses
dans des images globales ayant une valeur de représentations sensibles
esthétiques,… avoir la vision poétique d’une Forme analogue… ;
– l’analogie fantastique : imaginer la solution dans le domaine du mer-
veilleux, du magique, du rêve le plus insensé.
Ces mécanismes ne doivent entrer en jeu qu’après une première
phase de travail d’analyse du problème dans ses détails, de façon à être
parfaitement familiarisé avec toutes les données, sans pour autant fixer
définitivement le sens de chaque donnée (familiarisation vécue et non
pas intellectuelle-rationnelle, perception naïve et non pas savante).

116
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Psychopédagogie des motivations et de la créativité

• Le groupe de synectique. L’activité créatrice est attendue de groupes de


personnes sélectionnées pour leur audace, leur souplesse d’esprit, leur
indépendance de pensée. Chaque groupe est de 5 personnes ; il est formé
d’individus de spécialités différentes appartenant à l’entreprise ou à l’or-
ganisme qui constitue ainsi son ou ses groupes de cerveaux créatifs. La
formation synectique de chaque groupe dure un an à raison d’une
séance par mois sous la direction d’un moniteur (synector), et après la for-
mation, les groupes réintègrent les organismes-clients.
Pendant un premier délai, chaque groupe apprend à vivre ensemble
(moral, cohésion du groupe) et reçoit une culture générale destinée à
« ouvrir l’esprit » en éloignant chacun de sa spécialisation. Puis l’entraî-
nement commence : pour chaque « problème » le travail du groupe (qui
dure plusieurs jours) comporte cinq phases successives :
– formulation du problème ;
– assimilation du problème et de ses données ;
– exploitation systématique des mécanismes opérationnels ;
– production de l’état psychologique de création ;
– découverte de la solution.
Cet échantillonnage de méthodologies 14 suffit à notre propos qui est
de faire mieux percevoir les rapports étroits entre pédagogie de la créati-
vité et méthodes actives, et les objectifs idéaux de celles-ci.

5. Conclusion
Il y a des cas où les instructeurs sont nécessairement amenés à n’utili-
ser que les méthodes de « bourrage de crânes » et de conditionnement
du comportement. Ce sont tous les cas où les principes directeurs de
« l’enseignement » sont les suivants :
– il existe une orthodoxie, un dogmatisme, des vérités à assimiler, une
doctrine déjà faite ou un savoir déjà prêt, ou une idéologie à incul-
quer…;
– on ne doit pas avoir confiance dans la découverte personnelle du sujet
à instruire, il faut donc lui assigner la matière à connaître, surveiller la
façon dont il la digère, guider à chaque instant ses pas, se méfier des
« idées personnelles » qui compromettent l’uniformité de l’instruction
pour tout le groupe et la standardisation des conduites ultérieures…;

14. Il faudrait mentionner ici la Créatique, science de la création et pédagogie de l’heuristique, lancée en 1967 par
Michel Demarest et Marc Druel (La Créatique, psychopédagogie de l’invention),… la théorie de la bisociation en
science, en art et en humour d’Arthur Kœstler (Le cri d’Archimède, 1965),… la théorie de l’invention de René Boirel
(1961) et les diverses références de ces auteurs.

117
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Comprendre les enjeux

– la vérification du savoir acquis doit être constante et rigoureuse. La


réussite au contrôle ainsi institué est le but de l’enseignement et doit
devenir le but du stagiaire ; des sanctions et des récompenses sont asso-
ciées aux résultats de la vérification, laquelle doit forcément être faite
autoritairement par les instructeurs .
Ces postulats se retrouvent dans des formations de style et de contenus
très variés : dans la formation militaire de base, dans la formation poli-
tique des militants de choc (formation paramilitaire), dans les formations
doctrinales et dogmatiques dont le but est de façonner les esprits, dans la
propagande d’intégration,… mais aussi dans tous les apprentissages de
comportements-réflexes indispensables à la réussite de l’action dans des
situations bien déterminées où l’erreur crée un danger… enfin dans tous
les cas où l’on veut gagner du temps et standardiser les sujets à instruire.
Il faut savoir que ces méthodes impliquent le postulat que le sujet à
instruire doit être un instrument futur dans les mains d’un responsable
de l’action groupale ou collective, c’est-à-dire une machine ou un objet.
Toutes les fois, au contraire, où l’on est centré sur les humains et non
sur l’idéologie à inculquer, sur le développement du potentiel adaptatif
et de la créativité, les méthodes actives sont les meilleures. Mais il ne faut
pas non plus tomber dans la pédagogie libertaire qui consiste à croire,
avec Tolstoi ou Rogers, que le maître n’a rien à enseigner et a lui-même
tout à apprendre de ses « élèves » promus au rang d’enfants-rois. Car s’il
est vrai que l’éducation doit être « centrée sur les personnes et sur leur
épanouissement », il est faux de croire que l’éducateur n’a rien à dire
d’instructif. La meilleure des preuves est que Rogers institue des métho-
des et qu’il est suivi parce qu’il est Rogers.
Ces réflexions sur la créativité et les pédagogies de la créativité servi-
ront surtout aux instructeurs d’adultes à mieux percevoir l’esprit dans
lequel ils doivent travailler, le climat des situations pédagogiques à insti-
tuer, la direction de leur propre changement pour être de mieux en
mieux adaptés à leur rôle.

118
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5
CHAPITRE

Quelques problèmes
pratiques dans la formation
des adultes

L a mise sur pied d’un plan de formation, la conduite pratique d’un


séminaire, l’organisation du feed-back et des contrôles, l’autocontrôle
de l’enseignant comme agent de changement sont parmi les problèmes
pratiques qui intéressent au premier chef les responsables de formation.

1. Comment établir un plan de formation ?


Nous prendrons pour hypothèse la plus générale que le plan de for-
mation doit être établi, a priori, dans le cadre d’une institution (le centre
de formation ou le complexe d’enseignement) et proposé comme tel aux
stagiaires, dans un but de formation professionnelle ou de perfectionne-
ment dans des fonctions déjà assumées.
La participation des stagiaires à l’établissement du plan dans ces condi-
tions ne peut pas être immédiatement effective puisque ce plan leur sera
proposé (dans certains cas ils s’inscriront sur la vue du plan et celui-ci doit
donc être annoncé ou affiché). Elle sera ménagée cependant de quatre
façons à la fois :
1. Préambule au plan, lui servant d’introduction, et permettant aux
futurs stagiaires de connaître les principes et les conceptions des
instructeurs, ainsi que les buts de la formation projetée.
2. Attention constante portée, par les responsables, aux feed-backs, en
cours de formation et en fin de formation, sur l’adéquation du plan
aux buts des stagiaires. Utilisation constante de ces feed-backs au
niveau de la conduite de la formation en cours et de l’élaboration des
plans futurs visant les mêmes buts.

119
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Comprendre les enjeux

3. Organisation méthodique des feed-backs à chaque échelon et à


chaque période (réunions d’évaluation, contrôles, etc.) .
4. Participation directe des stagiaires à des réunions de mise au point
détaillée (pour les contenus et pour les méthodes) de certaines pha-
ses, dans le cadre préalablement défini de façon générale par le plan.
La mise sur pied d’un plan de formation (que celui-ci porte sur plu-
sieurs années d’école ou sur quelques sessions de séminaires) se fait en
4 étapes :
1) la détermination du niveau final de la formation, de ses buts pra-
tiques réels et du savoir ou des comportements à maîtriser… ;
2) la détermination du programme et du cursus studiorum en fonction
d’une part de ce niveau final, d’autre part du niveau réel des
entrants… ;
3) l’organisation pratique de l’emploi du temps des stagiaires et le
choix des méthodes… ;
4) la mise en place et le fonctionnement du système, avec la prévision
des feed-backs au niveau de l’organisation elle-même.

1.1 Première étape


de l’élaboration du plan
Cette étape sert à déterminer le niveau final visé, et les connaissances
ou les comportements professionnels dont ce niveau final implique la
maîtrise.
Soulignons tout de suite que si cette opération préliminaire n’est pas
faite, le résultat sera le divorce entre la formation et la vie professionnelle
réelle, l’inadéquation de la formation, et ce qu’on appelle à juste titre la
bureaucratisation du centre de formation, c’est-à-dire son fonctionnement
en circuit fermé sur lui-même, n’ayant d’autre but que son autojustification
ou le diplôme qu’il délivre, sans souci de ce que vont faire effectivement
ensuite les sujets supposés « formés » (sans qu’on sache à quoi).
La détermination des objectifs est au terme d’une enquête sur le ter-
rain et d’une réflexion informée.

 Analyse sur le terrain

L’analyse sur le terrain (c’est-à-dire dans les lieux précis où ils existent)
s’effectue sur des postes de travail visés par la formation. Cette analyse qui
suppose une méthodologie de l’analyse des postes (cf. ouvrage L’étude des
postes de travail) doit se poursuivre dans quatre directions, et aboutir à une
synthèse globale finale après des synthèses partielles à chacune des qua-
tre phases.

120
Methodes_actives3:coll FP 6/07/12 9:31 Page 121

Quelques problèmes pratiques dans la formation des adultes

 Analyse sur le terrain, des postes de travail qui seront offerts ou


accessibles aux stagiaires ayant accompli la formation projetée. Si l’on
forme des instituteurs, il faut analyser le poste d’instituteur tel qu’il
existe ; si l’on forme des mécanographes ou des comptables, il faut réunir
une dizaine d’analyses de tels postes in situ, dans les entreprises où ces
postes fonctionnent, et faire la synthèse de ces analyses pour avoir une
première vue claire du genre de travail que font les professionnels
tenants du poste.
Dans la plupart des entreprises, les études de postes ne sont pas faites.
Il faudra donc disposer d’une équipe attachée au centre et qui fasse ces
analyses. Lorsqu’elles existent dans les entreprises, il faut utiliser ces docu-
ments et effectuer quelques sondages de vérification.
 Analyse des postes réels occupés par les sortants des promotions
antérieures, lorsque ces postes ont été offerts sur vu du diplôme ou du
certificat de formation. Cette analyse, lorsqu’elle est possible, est riche
d’enseignements. Elle permet, en outre, de définir l’image du centre
chez les employeurs.
 Interviews longitudinales, avec les sortants antérieurs, sur les caren-
ces remarquables de la formation reçue. Les diplômés des promotions
antérieures, ceux qui ont occupé un poste ou des postes successifs, sont
bien placés pour signaler les carences de leur formation dans le centre ou
l’école qui étaient censés les préparer à la vie professionnelle.
Par interviews non directives centrées à partir de questions-starters (du
genre « La formation reçue vous a-t-elle servi dans l’accomplissement de
votre rôle professionnel depuis… ? » ; « Quelles sont les acquisitions qui
vous ont servi le plus ? »… « le moins ? »… « Quelles sont les formations
ultérieures suivies ? »… « En quoi vous ont-elles été utiles ? »… « Quelles
sont les critiques que vous pourrez faire a posteriori à la formation que
vous avez suivie dans le centre de… ou dans les sessions de… ? » etc.).
 Analyse des postes-pilotes là où ils existent. L’analyse précédente ne
peut suffire à la détermination des objectifs concrets de la formation, car
la profession évolue comme tout le reste. Il est donc important de se por-
ter un peu plus dans le futur en analysant, là où ils existent, les postes de
travail « pilotes » ou « de pointe » ou quasi futuristes, correspondant aux
postes des professionnels actuellement à former.

 Détermination du « facteur x » de la formation

Nous appellerons « facteur x » les apprentissages qui, sans faire appa-


remment et immédiatement partie des capacités requises par les analyses
de postes, sont à considérer comme importantes du point de vue du

121
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Comprendre les enjeux

développement de la personne, de sa créativité et de son autoperfection-


nement ultérieur.

 Détermination des exigences de savoir,


savoir-faire et savoir-être impliquées par le niveau final visé
La synthèse des résultats des enquêtes et la détermination des appren-
tissages groupés sous le nom de « facteur x » se traduisent maintenant en
termes de savoir, savoir-faire, savoir-être, autrement dit en définition
exacte du niveau des connaissances intellectuelles exigées, des genres de
comportements à acquérir, des attitudes sociales ou prospectives à incor-
porer,… bref en termes de niveau final des instruits (relativement à l’état
actuel des connaissances et de l’évolution générale des sciences et des
techniques).

Supposons que la formation ait pour buts affichés la formation de certains


représentants de commerce aux fonctions de Conseillers de ventes. Le
poste de « Conseiller de ventes » devra faire l’objet d’études comme nous
l’avons vu, et de la synthèse se déduiraient les axes de formation suivants 1 :
1) techniques du marketing ;
2) merchandising ;
3) psychologie commerciale (des motivations, des consommateurs, de la
publicité, de la propagande, des public-relations) ;
4) pratique de l’étalagisme ;
5) pratique de la relation interhumaine, de l’entretien de conseil, de l’art
de discuter, de convaincre ou de persuader ;
6) animation de groupes quelconques (de discussion, de jeu en groupe
en salle et en plein air) ;
7) méthodes de connaissance rapide des caractéristiques industrielles et
commerciales d’un produit.
Le facteur x pourrait être : l’esthétique (peinture et dessin, sculpture et
modelage, architecture, décors et décoration, mise en scène), les moyens
d’imprimerie-photographie-gravure, la psychologie des couleurs et de
l’espace vécu, la création artistique.
Chacun de ces axes après détermination de son importance relative dans
le profil idéal des apprentissages est à traduire en niveau de savoir, savoir-
faire, savoir-être, et sur chacun la décision ne peut venir que de la discus-
sion entre les analystes du poste et les spécialistes des diverses branches
des connaissances exigées.

La transformation des résultats des analyses précédentes en niveaux


du savoir par spécialité exige, chez les membres du groupe pluridiscipli-

1. Exemple fictif car d’une part l’enquête n’a jamais été faite et d’autre part les formations à ces postes sont établies sur
d’autres bases a priori.

122
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Quelques problèmes pratiques dans la formation des adultes

naire de décision (ou au moins chez certains), des connaissances précises


portant sur :
– les sciences dont il est question, leur stade de développement le plus
actuel, leur prospective… ;
– les travaux en cours dans les instituts de recherche internationaux
ou nationaux, ou dans les bureaux d’études des entreprises.
De plus, un tel groupe doit distribuer ces exigences sur une sorte de
cible, définir ce qui est central ou essentiel, ce qui est important non
essentiel, ce qui est utile non important,… autrement dit pondérer les
éléments du programme.
Après cette première étape, on dispose de la liste complète de ce que les
futurs formés doivent savoir (ou être) à la fin de la formation (cf. fig. 7).

1re étape de l’élaboration du plan


}
Détermination du
niveau final de la
formation projetée
(Synthèse)
Transformation des
exigences du niveau
final en programme
final.

Analyse des
Analyse postes réels Analyse facteur Réunions
des postes occupés par des postes- x interdisciplinaires
offerts les anciens pilotes
sortants

Liaison avec Liaison avec les


Interviews lon- les études sciences de réfé-
Méthodologie gitudinales sur de postes rence, les instituts
de s étude s les carences de recherche et les
de poste remarquables bureaux d’études

Figure 7 – Contraintes et degré


de flexibilité des contraintes – 1re étape

1.2 Deuxième étape


de l’élaboration du plan
Dans cette étape (en l’absence de laquelle le centre de formation ou le
séminaire n’aura pas de rendement) on déterminera le programme réel
de la formation projetée. Elle consiste à élaborer le cursus studiorum, c’est-
à-dire la progression réelle de la formation.

123
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Comprendre les enjeux

 Évaluer le niveau des stagiaires entrants

Elle exige impérativement que les responsables du plan aient une idée
claire du niveau des entrants (niveau que nous appellerons N zéro). Ce
niveau est pratiquement fixé par les normes de la sélection des entrants
ou, aussi bien, par les conditions exigées des participants pour suivre la
formation.
Nous verrons ci-dessous que la sélection des entrants, sélection par rap-
port à un niveau ou à un stade de développement personnel, est une des
variables les plus importantes sur laquelle on peut agir pour aménager la
formation en ce qui concerne sa durée, ses moyens (budget, locaux,
moyens pédagogiques) et son rendement.

Les modalités habituelles de la sélection sont, soit le succès à un exa-


men d’entrée (dont les modalités sont à définir ainsi que ce que l’on en
attend exactement), soit des conditions de diplôme ou de pratique pen-
dant un temps minimum donné, soit des stages professionnels antérieurs,
etc. Tout cela rentre dans le concept de « filière d’entrée » dans la forma-
tion proposée.
La sélection à l’entrée peut être considérée comme décisive dans le
cas où le système institué (tel celui de nombreuses écoles et tel le système
recommandé par Carl Rogers) ne prévoit que cette sélection-là.
Autrement dit, on peut penser que si la sélection à l’entrée est bien faite
et si l’apprentissage est organisé efficacement, il n’y a aucune raison d’ins-
tituer une sélection ou un examen à la sortie.
Il est peu réjouissant de constater, dans beaucoup de formations, que le
niveau des entrants est mal connu, disparate, inégal, et que les enseignants
se basent sur un « niveau moyen » des entrants, évalué « intuitivement »
(c’est-à-dire pas évalué du tout). Or, il est facile de prévoir des évaluations
du niveau réel des entrants (tests docimologiques, tests psychologiques et
épreuves diverses en situation) et, ce niveau réel étant calculé, de prévoir
des formations préparatoires (ou de transit) qui mettraient les entrants au
niveau de départ souhaité par le responsable de la formation.
C’est là qu’un enseignement programmé trouverait une de ses meilleu-
res utilisations (les machines à programme ramifié sont spécialement indi-
quées). On peut aussi imaginer des formations préparatoires diversifiées.
De toute façon, l’habitude qui consiste à établir le programme sans
référence aux niveaux réels des entrants est aberrante. Elle conduit à un
gaspillage de temps, d’énergie, de budget.

124
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Quelques problèmes pratiques dans la formation des adultes

 La détermination précise du déroulement chronologique de la formation

Il constitue en effet la réponse à la question : « Comment passer du


niveau No au niveau Nf ? ».
Cette phase de réflexion nécessite la participation de pédagogues spé-
cialistes des connaissances exigées par le niveau final Nf.
La réunion interdisciplinaire instituée à cette phase aboutit à la mise sur
pied du programme des études, programme qui se trouve alors rédigé selon
un ordre pédagogique pour passer, sur chaque axe, du niveau No au niveau
Nf, en ménageant les nécessaires synchronisations pédagogiques pour le cas
où plusieurs enseignants trop spécialisés auraient à assurer la formation.
Si cette étape de l’élaboration du cursus studiorum est oubliée, délaissée
ou sous-estimée (ce qui se traduit généralement par l’imposition autori-
taire d’un programme qui comporte tout sans discrimination et au plus
haut niveau), il ne faudra pas s’étonner que les stagiaires soient dépassés,
qu’ils abordent les différents axes de leur apprentissage sans préparation
suffisante et sans faire la liaison entre les connaissances proposées, et
que le rendement soit bas ainsi que leur degré de satisfaction.

À la fin de cette étape on n’a pas encore tenu compte des contraintes
qui vont s’abattre sur le projet de formation, mais on a une idée claire du
contenu, de la chronologie et des articulations du programme ajusté aux
objectifs concrets des apprentissages (cf. fig. 8).

2e étape de l’élaboration
}
Détermination des programmes réels Étape 3
Étape 1
de la formation projetée

Connaissance Mise au point


du niveau No des entrants du cursus studiorum

Conditions d’entrée Réunions


ou sélection interdisciplinaires
des entrants des spécialistes

Figure 8 – Contraintes et degré


de flexibilité des contraintes – 2e étape

125
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Comprendre les enjeux

1.3 Troisième étape


Dans cette étape, on s’attachera à définir une organisation pratique
de la formation, le choix des méthodes et l’emploi du temps des sta-
giaires.
L’oubli de cette étape ou son élaboration défectueuse entraînera le
désordre (et l’inefficacité par effet du désordre) ainsi que l’inadéquation
des méthodes (avec les frustrations conséquentes des enseignants et des
enseignés, frustrations elles-mêmes sources de réactions psychologiques
et groupales selon le « climat »).

 Les contraintes venant de l’institution

Quoique ces contraintes puissent être ultérieurement aménagées grâce


aux feed-backs, il serait déréaliste d’organiser la formation sans en tenir
compte, et il faudra donc s’y adapter en profitant au mieux de la marge de
liberté dont on dispose et des relatives flexibilités de l’institution.
Nous appelons « institution » le cadre institutionnel dans lequel s’ins-
crit la formation projetée : école, centre, entreprise, organisme social,
administration ou complexe autonome d’enseignement, détenteurs des
moyens mis au service de la formation.
 Le budget alloué à la formation est la première des contraintes. Les
enseignants, tout préoccupés de leurs objectifs pédagogiques, ont ten-
dance à ignorer ou à mépriser cette contrainte (comme toutes les autres)
et à revendiquer lorsqu’ils en prennent connaissance. Un souci réaliste
des impératifs financiers et économiques est indispensable à un certain
moment (les rapports de feed-backs pouvant influencer cette contrainte
en vue des formations ultérieures, les prévisions devant être faites à
temps). Le coût de la formation est, pour l’institution, un investissement
qu’il est normal de calculer comme les autres.
 Le temps alloué à la formation est aussi une contrainte de l’institu-
tion. Le problème de l’organisation pratique de la formation sera posé
différemment si les formateurs disposent de 3 jours, de 3 semaines, de
3 mois ou de 3 ans.
 Les normes de l’institution interviennent aussi non seulement en ce
que la formation entre dans une certaine « politique de la formation »
mais en ce qu’elle doit se plier à des règles générales de l’institution
(horaires, vacances, grades et critères de promotion, normes formelles et
informelles de l’organisme de tutelle, etc.)… On peut ranger dans cette
catégorie de contraintes le nombre des stagiaires par promotion ou par
séminaire, quoique ce soit aussi là un paramètre important sur lequel les
responsables de la formation peuvent agir.

126
Methodes_actives3:coll FP 6/07/12 9:31 Page 127

Quelques problèmes pratiques dans la formation des adultes

 Nombre, spécialités statuts, horaires a priori des enseignants. Que les


enseignants « doivent » chacun un nombre d’heures limité, inscrit dans
leur statut respectif, qu’ils soient à plein temps ou non, permanents ou
contractuels,… qu’ils aient ou non la possibilité de trouver des moniteurs
ou autres auxiliaires,… qu’ils soient de telle ou telle spécialité, et que leur
nombre total soit limité,… tout cela va peser sur l’organisation matérielle
de l’emploi du temps des stagiaires.
 Moyens pratiques de l’institution. Enfin les installations et les moyens
matériels de l’institution entrent dans le compte des contraintes : y a-t-il
ou non des moyens fixes en travaux pratiques (laboratoires, ateliers,
machines, simulateurs), en locaux, en équipements audiovisuels ?

 Contraintes provenant du niveau de formation pédagogique


des enseignants
Il faut que la formation ait lieu sans attendre que la formation des for-
mateurs ait atteint ses objectifs idéaux. Il faut commencer avec ceux dont
on dispose et faire appel à des compétences extérieures pour compenser
(provisoirement sans doute) les manques et carences.
Ici se pose de nouveau (il se posait déjà à propos de leur qualification
pour la discussion du programme aux étapes antérieures du plan) le pro-
blème du recrutement des enseignants pour l’Institution et les modes
institutionnalisés de leur sélection, de leur formation et de leur perfec-
tionnement. Car selon leur propre formation pédagogique, ils percevront
différemment les conditions de réalisation du plan.
Se pose aussi le problème des relations professionnelles (et pédago-
giques) entre les enseignants concernés.
On peut agir sur ces paramètres en organisant, comme nous le ver-
rons, les séances d’évaluation-formation des enseignants in situ.

 Contraintes provenant des contenus du programme

Quoique la liberté (et la responsabilité) des enseignants soit très


grande, on l’a suffisamment vu, en ce qui concerne les méthodes péda-
gogiques à utiliser, certaines « matières » sont porteuses de méthode a
priori. Si on peut, par exemple, enseigner les mathématiques par la
machine à enseigner, l’enquête sur un milieu humain ne peut être ensei-
gnée par cours magistral avec tableau noir et craie, pas plus, que le
maniement de certaines machines ou appareils. La chimie est difficile-
ment « enseignable » sans laboratoire, la soudure électrique sans mise en
situation concrète, la formation aux relations humaines sans méthodes
expérientielles de groupe, etc.

127
Methodes_actives3:coll FP 6/07/12 9:31 Page 128

Comprendre les enjeux

Redisons cependant ici que la formation pédagogique des enseignants


joue un grand rôle puisque la connaissance des diverses méthodes leur
donnera une plus grande marge de liberté et d’adaptation (dans l’hypo-
thèse où ils ne sont pas prisonniers d’une conception pédagogique
inflexible liée à une idéologie).
L’élaboration du plan de formation se termine avec cette phase
(cf. fig. 9) ; le plan ainsi préparé n’a rien d’immuable puisque d’une part
des aménagements restent circonstantiellement possibles et d’autre part
les feed-backs permettront de faire mieux par la suite.
Cette phase d’élaboration se fait plus efficacement si la commission
interdisciplinaire déjà vue s’accroît de la présence des responsables de
l’institution et de délégués des stagiaires. Comme toute réunion, celle-ci
ne sera efficace que si tous les participants participent, c’est-à-dire ont et
acceptent d’avoir la coresponsabilité immédiate et sans appel des déci-
sions prises dans la marge de liberté dont ils disposent.

3e étape de l’élaboration du plan


}
Organisation pratique
Décisions pédagogiques
sur les méthodes
de la formation à utiliser, les contrôles Fonction-
Étape 2
Emploi du temps éventuels et les feed- nement
des stagiaires backs nécessaires

Normes Formation pédagogique


de l’institution de tutelle des enseignants

Réunions mixtes :
Direction – Enseignants
Délégués des stagiaires

Moyens
Budget pédagogiques
Coût de la formation disponibles

Temps imparti Nombre de


pour l’action de formation stagiaires

Nombre, spécialités,
statuts des enseignants

Figure 9 – Contraintes et degré de flexibilité des contraintes – 3e étape

128
Methodes_actives3:coll FP 6/07/12 9:31 Page 129

Quelques problèmes pratiques dans la formation des adultes

Au cas où d’autres séminaires ou d’autres enseignements avec les


mêmes objectifs ont eu lieu antérieurement, et si les rapports de feed-
backs ont été faits correctement, c’est à ce stade qu’il convient d’en tenir
compte, car ce ne sera plus possible après.

1.4 Quatrième étape


Cette étape correspond à l’organisation des feed-backs.
À partir de la fin de la troisième étape, la formation est décidée dans
tous ses aspects, et le plan passe à l’exécution.
Le système doit alors fonctionner comme prévu, sinon les feed-backs
n’auront pas de sens. La remise en question permanente est un des pro-
cédés de sabotage d’un plan quelconque dans la mesure où elle interdit
l’observation rationnelle des effets en vue d’une amélioration ultérieure.
Il faut au contraire « tenir ferme » sur la réalisation du plan et même
instituer un contrôle de la conformité de l’exécution par rapport aux
décisions prises en coresponsabilité.
Dans le cas où la formation est longue et s’étale dans le temps, plu-
sieurs mois ou plusieurs années, des réunions mixtes comprenant des
représentants de la direction, des enseignants et des stagiaires, doivent
périodiquement se tenir pour évaluer et contrôler ce fonctionnement.
Trois genres d’observations seront à l’ordre du jour permanent :
1) conformité de la formation au plan ;
2) aménagements à introduire dans l’exécution en référence avec la
marge de liberté laissée par le plan ;
3) accumulation des observations de feed-back en vue des modifica-
tions éventuelles des formations futures analogues.
Dans le cas où il s’agit de séminaires de brève durée, ces réunions sont
remplacées par des évaluations quotidiennes (cf. ci-dessous).
Si des contrôles des acquisitions ont été décidés (au cours de la troisième
étape), ces contrôles ont deux effets : feed-back immédiat intéressant les
enseignants, feed-back à long retour intéressant les futures décisions sur
toute formation analogue.

 Les feed-backs immédiatement utiles

Ce sont les feed-backs (en cours de session) concernant le déroule-


ment de la session, les évaluations des contenus et des méthodes par les
stagiaires à l’intention du ou des enseignants.

129
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Comprendre les enjeux

 Pour les sessions courtes de formation, l’expérience prouve que les


évaluations, par la totalité des stagiaires, doivent être quotidiennes. Ainsi
en fin de journée, on utilisera :
– soit le questionnaire d’évaluation par journée. Ce questionnaire, dis-
tribué à la clôture de la journée, sera anonyme. Le dépouillement en
sera fait immédiatement par les animateurs, et le compte rendu (suivi
des décisions éventuelles) en sera fait au groupe au début de la jour-
née suivante ;
– soit les petits groupes en auto-organisation, chargés de répondre à
une série de questions.
On trouvera des exemples possibles de ces deux questionnaires en
annexe.
 Pour les formations longues, l’expérience prouve que les réunions
entre enseignants et délégués des stagiaires (en vue de l’évaluation du
programme en cours, des ajustements possibles dans les limites du plan
et de la résolution des problèmes pédagogiques ou interhumains surgis
dans le temps de la formation) doivent avoir lieu une fois par semaine. Ici
encore les participants doivent être coresponsables et leurs décisions
(dans la marge de liberté dont ils disposent) doivent être sans appel.

 Les feed-backs à moyen et long terme

Dans les remarques et observations formulées au cours des réunions


précédentes, on doit relever déjà des éléments d’un dossier à faire, qui
concerne l’organisation générale et les critiques de structure. Ce dossier
sera préparé systématiquement et conservé.
Mais c’est la réunion finale globale (ou le questionnaire final global
dans les cas de sessions courtes) qui servira à formuler les éléments de
feed-backs utiles pour le plan ultérieur d’une formation analogue. Ces
dispositions impliquent l’existence d’une méthodologie générale des
feed-backs, de leur nature, de leur forme, de leur chronologie et des sui-
tes à leur donner.

 Les suites à donner aux feed-backs

Les éléments fonctionnels du système sur lesquels portent surtout les


suites à donner aux feed-backs, sont :
– Le niveau N zéro des entrants, et, éventuellement les opérations et
les critères de sélection à l’entrée, surtout si c’est là la seule sélection.
– La formation ou le perfectionnement pédagogique des formateurs,
moyen unique d’agir sur les méthodes.

130
Methodes_actives3:coll FP 6/07/12 9:31 Page 131

Quelques problèmes pratiques dans la formation des adultes

– Les contraintes externes de la formation, par quoi on peut agir,


entre autres, sur les moyens pédagogiques disponibles et sur d’autres
paramètres tels que le nombre des enseignants, le nombre des stagiai-
res, l’étalement de la formation.
– Les liaisons (en nombre, en qualité, en effets) à tous les niveaux où
elles sont nécessaires, externes (telles les liaisons avec la Recherche
fondamentale), internes (comme dans les commissions pluridiscipli-
naires ou les commissions mixtes).
Le lecteur s’étonnera que ne soit pas mentionnée l’action sur les pro-
grammes, mais cette action est d’une autre nature si l’on admet les critè-
res et les moyens de la définition du niveau final. Celui-ci ne peut chan-
ger que par suite de l’évolution réelle des postes de travail, et dans la
mesure où cette évolution dépasse les données de la prospective déjà inté-
grée. La vigilance sur cet aspect essentiel (contenu de la formation)
requiert la mise en place d’un système de redéfinition périodique du
niveau final, utilisant la méthodologie déjà vue à la première étape.
Sans feed-backs organisés et sans utilisation rationnelle des informa-
tions récurrentes, tout se sclérose : institution, enseignants, méthodes.
Au même titre que l’adéquation de la formation à ses objectifs (c’est-
à-dire la formation des stagiaires à des postes de travail ou à des manières
d’être indispensables à leur maîtrise de situation définis 2), l’utilisation de
feed-backs bien organisés représente le facteur de vie, de réalisme et de
progrès du centre promoteur de la formation.

2. Comment contrôler la situation pédagogique ?


Le moniteur qui fait sa démonstration devant un groupe vérifie les
reproductions du modèle, explique et passe à la démonstration suivante,
le conférencier qui fait son exposé, répond à des questions et s’en va,
l’animateur qui met en place une expérience en session et se centre sur
les conditions matérielles de son expérience, sont autant de formateurs
qui contrôlent parfaitement leurs dires et leurs gestes mais qui ne
« voient » pas la situation psychosociale globale et donc qui ne la contrô-
lent pas du tout.
Il est possible que rien ne vienne déranger le scénario préparé. Mais il se
peut aussi que des phénomènes se produisent qu’ils ne comprendront pas.

2. Cette définition, si rapide qu’elle soit, différencie la formation purement psychosociale (où la « centration sur les par-
ticipants » est recommandée par Rogers) de la formation psychosociale et professionnelle qui est ici notre vrai pro-
blème. Dans celle-ci la centration sociothérapique et psychothérapique sur les personnes ne suffit pas. La formation
doit se centrer sur les objectifs professionnels que visent ces personnes.

131
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Comprendre les enjeux

Le meilleur moyen est d’abord de comprendre de bout en bout ce qui


se passe dans la séance pédagogique, dans la session, au niveau du vécu
groupal (hic et nunc), et, pour cela, il faut avoir l’attention éveillée (et
informée) à l’égard de phénomènes constants qui relèvent des lois de
l’induction, des lois des climats pédagogiques, des lois de la dynamique
des groupes et de la sociométrie.
Comme un séminaire entier a été consacré à la dynamique des grou-
pes et à la sociométrie (cf. ouvrage La dynamique des groupes), nous nous
intéresserons ici plutôt aux autres aspects.

2.1 L’induction dans les situations


pédagogiques
Le mot induction est pris ici au sens psychologique de détermination-
provocation d’un type de réponse ou de réaction.

 Induction due au dispositif spatial et architectural

Ici, dans l’actuelle session, je fais un exposé sur la situation pédago-


gique. Vous êtes en face de moi dans une salle de cours. En entrant vous
avez occupé les places des auditeurs et j’ai occupé le pupitre du conféren-
cier. Ce dispositif des tables et du pupitre avec nos noms respectifs appa-
rents induisait par lui-même la situation pédagogique traditionnelle, celle
du magister développant ses idées devant un auditoire supposé attentif. Il
induisait la situation de l’information-spectacle.
Vos comportements et le mien, dès l’entrée, par le fait même que nous
cédions quasi automatiquement à la suggestion du dispositif, se trou-
vaient déterminés. Vos attentes prenaient forme, mon rôle se dessinait
d’avance.
Nous avons déjà vu les conséquences du système et nous les avons éva-
luées.
Ce phénomène commence à être suffisamment connu pour que les
organisateurs évitent la topographie de la classe traditionnelle et mettent
les participants en cercle, tout en maintenant le principe de l’exposé
magistral. J’ai même vu des dispositifs en long rectangle autour duquel
devaient se placer les auditeurs pour écouter l’exposé, ce qui leur donnait
le torticolis. Mais la disposition en cercle est inductrice, en rectangle
aussi, de même que la forme générale de la pièce et, autour d’elle, l’ar-
chitecture, quelle qu’elle soit, du centre…
De même que le dispositif de l’amphithéâtre universitaire induit le
cours magistral et tend à faire obstacle aux interactions, de même le
dispositif en cercle favorise les interactions et fait obstacle au cours

132
Methodes_actives3:coll FP 6/07/12 9:31 Page 133

Quelques problèmes pratiques dans la formation des adultes

magistral, de même le dispositif rectangulaire favorise le dialogue des


sous-groupes de voisinage et fait obstacle aux interactions vraies. Ainsi
prévoir un dispositif en U avec le conférencier sur la petite branche du U
est moins favorable que les arcs concentriques si l’on veut bien faire un
exposé, et ce dispositif en arcs concentriques détruit toute efficacité
d’une discussion où l’animateur voudrait susciter les interactions.
Il faut donc au moins ajuster les intentions du formateur et les induc-
tions du dispositif, et ne pas hésiter à changer le dispositif spatial suivant
les moments divers d’un séminaire (ou changer de salle, chaque salle
ayant une disposition et une architecture « fonctionnelle », c’est-à-dire
adaptée à la situation pédagogique intentionnellement recherchée).
D’autre part, le dispositif tel qu’il est a priori préparé, implique la pré-
vision d’un nombre de participants. Nous savons que le nombre, à son
tour, est inducteur de phénomènes psychosociaux et inhibiteurs d’autres
phénomènes ; par exemple un groupe de plus de 8 ou 10 personnes ne
peut pas discuter efficacement (avec la participation de tous) en un
temps limité à 1 h 30 ou 2 heures par exemple (ceci même au cas où il est
conduit avec une méthode adaptée).
Réfléchir sur les inductions topographiques est une première et essen-
tielle démarche du pédagogue. De même qu’un groupe de travail en dis-
cussion ne peut fonctionner que si le dispositif est circulaire, si le nombre
est réduit et s’il n’y a pas de tensions internes, de même une commission
officielle de 25 personnes placées le long de tables en rectangle allongé ne
peut absolument pas se livrer à une discussion créatrice simplement effi-
cace (utilisant les interactions de tous les participants), quel que soit le
temps dont elle dispose et quelles que soient les compétences de ses mem-
bres. Les habitudes sociales font que l’on recourt alors à la structuration
autoritaire (grâce à laquelle 6 ou 7 participants ont un statut social suffisant
pour participer, les autres étant leur public) et à des procédures rigides de
« décision de groupe » (le vote point par point, par exemple).

 Induction due à la structuration latente en fonction des statuts sociaux

La session ou le séminaire de formation d’adultes comprend générale-


ment des personnes de statuts sociaux différents. Il arrive même couram-
ment que soient mêlées des personnes de statuts très inégaux appartenant
au même organisme social.
Le formateur doit observer et comprendre les phénomènes d’induc-
tion des comportements dus à cette structuration inapparente.
Quoiqu’elles soient niées par l’intention égalitaire du promoteur, les dif-
férences de statuts (connues ou reconnues par les participants) pèsent
lourd dans la dynamique du groupe.

133
Methodes_actives3:coll FP 6/07/12 9:31 Page 134

Comprendre les enjeux

Le droit de parler (ou d’être d’avis contraire), le temps de parole, l’or-


dre chronologique des interventions, les accords et désaccords (les allian-
ces et conflits) sont induits par ces facteurs statutaires, de même que peu-
vent « se régler des comptes » personnels sous couvert des discussions sur
les thèmes du séminaire ou sous couvert des expériences proposées.
Du même ordre sont les divisions en sous-groupes d’opinion, sous-
groupes dont la solidarité se réfère à des sources absolument étrangères au
contenu de la session. Dans certains cas-limites, des difficultés graves se
font jour dans la session, auxquelles le formateur ne comprendra rien s’il
n’est pas informé des appartenances, des statuts, des conflits de statuts ou
des conflits des groupes de référence hors de la session.
Enfin se classent dans le même paragraphe les inductions de conduites
provenant de la manière dont est perçu l’animateur ou le formateur par les
leaders statutaires du groupe. Des batailles pour le leadership ou pour l’in-
fluence sur le groupe en session, sont menées par ceux qui ne supportent
pas l’animateur (la manière dont il conçoit son rôle ou simplement son sta-
tut ici-et-maintenant). Ceux-là lui font, en permanence, un « procès d’in-
tention » qui risque d’engendrer une gêne collective et qui induit un malaise
chez le formateur tant que celui-ci ne comprend pas ce qui se passe.

 Induction des contenus verbaux et non verbaux

Le contenu verbal est inducteur aussi bien des fluctuations d’intérêt


que de réactions de désaccord sur les idées émises, et cela d’autant plus
que l’émetteur est jugé plus étranger aux groupes de référence des parti-
cipants et qu’il est plus déconsidéré dans l’opinion groupale (quoique
des « clans » puissent se créer à son sujet).
Plus inductrices encore sont les communications non verbales ou le
paralangage qui accompagne en permanence le contenu verbal. Nous
avons vu ailleurs (cf. ouvrage Communication et réseaux de communications)
que le paralangage avait quatre fois plus d’effet que le contenu verbal
d’une communication. Le formateur doit donc veiller aux inductions
produites par son style, son ton, ses mimiques, la forme de ses réponses,
ses attitudes spontanées à l’égard des participants un à un. Tout est perçu
de manière non réfléchie par les stagiaires, avec une signification socio-
affective à laquelle ils réagissent à n’importe quelle occasion et avec diver-
ses justifications.

 Induction provenant des méthodes utilisées

Toute méthode pédagogique est inductrice, car elle implique une défi-
nition et une distribution des rôles, une manipulation des motivations,
une forme de pression exercée sur les stagiaires. Diverses tensions sont

134
Methodes_actives3:coll FP 6/07/12 9:31 Page 135

Quelques problèmes pratiques dans la formation des adultes

induites par des méthodes actives et se déchargent plus ou moins vite et


plus ou moins facilement. L’animateur peut recevoir, après une expé-
rience démonstrative ou un exercice de simulation, des décharges
d’agressivité qu’il doit comprendre par rapport à la situation dans
laquelle il a mis le groupe.
Il y a en effet, à certains moments, une solidarité latente du groupe
face au moniteur lorsque celui-ci essaie de forcer la prise de conscience
de faits pédagogiques expérientiels. Si le moniteur met en difficulté un
membre du groupe ou simplement ironise à ce moment-là, il déclenche
les conduites offensives-défensives du groupe contre lui. Nous en avons
donné ailleurs divers exemples (cf. La dynamique des groupes, page 38 et
exercice 10,… Opinions et changement d’opinion, exercice 9).
Mais déjà les phénomènes d’induction dus aux méthodes pédago-
giques font partie de la psychologie des « climats » pédagogiques (cf. ci-
dessous).

 Induction de comportements par d’autres aspects


de la situation globale vécue
Dans les sessions de formation pour adultes, certaines inductions de
comportement peuvent provenir de différents facteurs :
 L’idée même de « formation » est chargée de significations et cela
de manière non homogène selon les individus. Quoique officiellement
tous déclareront (du moins au début) qu’ils se réjouissent d’être là, vous
vous apercevrez peu à peu qu’ils éprouvent leur être-en-formation de
façon diverse, inductrice de réactions subjectives et déplacées 3. Les uns la
vivent comme une contrainte, d’autres comme une humiliation, d’autres
comme un danger de jugement ou de notation par un instructeur allié
secrètement à la direction, d’autres comme des vacances inespérées, etc.
 L’image de l’organisme de tutelle, celui dans le cadre duquel se fait
la formation, son « image de marque » pour ainsi dire, se reflète sur
l’image de l’actuelle session pour les participants et leur donne des
impressions non réfléchies ou suscite des attitudes latentes s’exprimant
en signes discrets de bonne ou mauvaise volonté, de bon ou mauvais
moral, d’espoir ou de résignation, de confiance ou de méfiance a priori.
 L’environnement socio-historique et les conceptions que s’en font indi-
viduellement les stagiaires. Les groupes d’appartenance ou de référence
dont font partie les stagiaires, en dehors de l’actuelle session, induisent des

3. C’est-à-dire ici soumises au mécanisme de « déplacement », ou encore se révélant par des réactions qui prennent
occasion ou prétexte dans des faits apparemment étrangers ou extérieurs à la question directe d’être-en-formation.

135
Methodes_actives3:coll FP 6/07/12 9:31 Page 136

Comprendre les enjeux

comportements ou des esquisses de comportement au cours de la session.


Ces groupes interviennent comme des groupes de pression. Le climat his-
torique ambiant, les courants idéologiques à la mode, la situation socio-
économique du pays, etc. chargent de significations le vécu actuel des
individus et du groupe en situation pédagogique.
 Les conditions de vie des personnes : l’existence en dehors de la ses-
sion, les facilités ou les difficultés de cette existence, les disponibilités en
argent (le fait que la formation soit gratuite ou payante qu’ils la paient ou
qu’elle leur soit offerte), les restrictions qu’elle suppose, etc., induisent
des facteurs positifs ou négatifs de « moral ».

2.2 Les climats pédagogiques


Une expérience de R. Lippitt, R. White et Kurt Lewin de 1939 est
maintenant devenue historique en psychopédagogie : l’expérience des
« climats ».
Cette expérience réussit avec n’importe quels participants. Je l’ai faite
avec des cadres industriels, des officiers instructeurs en perfectionnement
pédagogique, des assistantes sociales, des instituteurs, avec des résultats
toujours conformes à ceux formulés par Lewin (ceci à condition que les
participants ne connaissent pas préalablement ces expériences). C’est
dire le degré de validité de la loi des climats.

 Rappel de l’expérience

Elle est rapportée en détail, avec les instructions pour la faire en ses-
sion ou en TP, dans l’ouvrage La dynamique des groupes (exercice pratique
n° 5). Il nous suffira ici de rappeler qu’elle consiste à créer plusieurs
« classes » de 8 ou 10 participants ayant un même travail concret à exécu-
ter, chacune étant conduite par un instructeur.
1 – Dans l’une, l’instructeur a un style autoritaire-dur et toute une
série d’attitudes cohérentes : il indique le travail à faire étape par étape
sans donner les buts ni la revue d’ensemble, il se situe hors du groupe
et en position de supériorité, il ne s’adresse jamais au groupe et tou-
jours aux individus, il complimente et blâme individuellement, il exige
un travail bien fait, il interdit les distractions et les interactions, il a un
ton et une attitude qui découragent les mécontents.
2 – Dans la deuxième, l’instructeur a un style appelé « démocrati-
que » : il donne le travail dans sa vue d’ensemble et sa finalité, et
ensuite encourage le groupe à s’organiser efficacement. Il se situe
dans le groupe (dit « nous »…), il s’adresse au groupe et non aux
individus, il favorise les interactions et ne sanctionne pas les distrac-
tions éventuelles de certains, il a un ton et des attitudes qui favorisent

136
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Quelques problèmes pratiques dans la formation des adultes

l’ambiance de spontanéité et de détente, tout en ne perdant pas de


vue la tâche.
3 – Dans le dernier groupe, l’instructeur a un style appelé « laisser-
faire » : il donne au groupe le travail dans son ensemble et sa finalité,
puis se met à l’écart et « laisse-faire » avec le plus complet désintérêt,
ne répondant aux sollicitations que par « si vous voulez, comme vous
voulez… ».

 Les lois des climats

La première loi tirée de ces expériences pourrait se formuler ainsi : le


style du moniteur et sa méthode pédagogique engendrent un « climat
pédagogique ». Ce climat induit intégralement les comportements des
participants en situation, aussi bien à l’égard du moniteur qu’entre eux
pendant le travail ou à l’égard des incidents matériels ou interhumains
survenant pendant le travail. Il induit les sentiments à l’égard du travail
exécuté, la qualité du moral du groupe, le temps mis à exécuter la tâche
et le degré de satisfaction du groupe.
Dans le groupe à climat autoritaire, le travail est exécuté en un
minimum de temps et il est bien fait, mais le groupe juge la tâche
inintéressante, les individus ne manifestent pas d’agressivité directe
contre l’animateur mais sont très hostiles les uns envers les autres, ils
réagissent violemment et agressivement lors des incidents.
Dans le groupe à climat démocratique, le travail est exécuté en un
temps plus long et il est fait « à la satisfaction du groupe ». Celui-ci juge la
tâche intéressante et aucune agressivité ne se manifeste. Tout marche
bien si le groupe est sans tensions internes et s’il est disposé à faire la
tâche (absence de leader informel s’opposant au moniteur, et absence de
saboteur).
Dans le groupe à climat de « laisser-faire », deux cas se présentent
selon que les participants sont ou non motivés pour la tâche et, de plus,
capables ou non de s’auto-organiser. Dans le cas le plus favorable, après
une période d’anarchie et d’interagressivité (qui dure s’il n’y a pas
d’auto-organisation) le groupe, ayant éprouvé l’inertie et l’indifférence
du moniteur, l’exclut pratiquement et s’organise sous l’influence d’un
leader informel.

 Intérêt pédagogique

L’intérêt pédagogique de ces expériences est double :


1) elles révèlent la puissance inductrice du climat (et donc du style de
l’animateur) sur les comportements des individus en situation groupale

137
Methodes_actives3:coll FP 6/07/12 9:31 Page 138

Comprendre les enjeux

pédagogique, comportements que l’on a trop souvent tendance à rap-


porter à leur « caractère » au lieu de le rapporter à la situation telle
qu’elle est vécue ici et maintenant (loi de Lewin) ;
2) elles ont montré que le passage d’un climat dans un autre (ce qui
arrive lorsque les stagiaires passent d’un enseignant à un autre) a des
effets propres.
Ainsi en passant d’une « classe » ou d’un atelier où règne le climat
autoritaire-dur à une classe ou à un atelier où règne le climat dit démo-
cratique, les stagiaires déchargent dans celle-ci l’agressivité réactionnelle
accumulée dans celle-là ; en passant d’une classe ou d’un atelier « laisser-
faire » à une classe ou un atelier démocratique, les stagiaires transportent
dans celle-ci l’anarchie ou l’hostilité au moniteur qui se sont développées
dans celle-là ; en passant d’un climat anarchique ou de non-directivité
totale à un climat autoritaire, une partie des stagiaires est rassurée et tran-
quille, une autre partie est agitée et hostile, ce qui induit un renforce-
ment autoritaire du style du moniteur et entraîne des réactions en chaîne
dans la situation pédagogique.
Telles sont quelques-unes des variables qui déterminent les attitudes et
comportements dans la situation pédagogique, et auxquelles l’enseignant
doit être attentif pour comprendre le vécu du groupe. Lorsque ce vécu
bloque la formation, une analyse par le groupe lui-même est à instituer
par le formateur en position d’interview de groupe (cf. ouvrage
L’interview de groupe, p. 19-22).

3. Comment contrôler le changement


visé par la formation ?
Si l’action pédagogique est une action de changement portant sur les
sujets à instruire, il est naturel que l’agent de ce changement (l’instruc-
teur, l’enseignant, le formateur) se demande si son action a porté des
fruits.

3.1 Le problème du contrôle


est à poser en dehors
du problème de la sélection
Le problème de la sélection pose des problèmes psychologiques et
sociaux qui sont au centre des polémiques et des conflits entre les tenants
d’idéologies politiques contraires.

138
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Quelques problèmes pratiques dans la formation des adultes

Nous laisserons le problème de la sélection au libre arbitre des lecteurs


et je m’en tiendrai à celui du contrôle de l’acquis, problème pédagogique
inévitable.
 Ilfaut qu’il y ait un contrôle et une évaluation des résultats de la for-
mation, lorsque celle-ci est autre chose qu’une « sensibilisation » à un cer-
tain ordre de difficultés, de problèmes ou d’attitudes utiles.
Le contrôle ou l’évaluation sont nécessaires :
– d’abord parce que cette opération est un feed-back indispensable
pour les formateurs. Ceci est un point capital généralement distordu
ou méconnu : l’évaluation de l’acquis doit servir à alimenter la
réflexion du pédagogue ou de l’instructeur sur ses méthodes, et non
pas à comparer l’« élève » à un modèle idéal que l’enseignant prétend
incarner de manière définitive. L’épreuve de contrôle des enseignés
est un des moyens de l’autocontrôle de l’enseignant ;
– ensuite parce que l’opération de contrôle est une information dont
le sujet en formation a besoin pour évaluer la distance à laquelle il est
de ses objectifs, objectifs qu’il s’est fixés ou qu’il a acceptés en venant
suivre la formation. Nous avons vu ci-dessus (p. 41), que cette informa-
tion (deuxième feed-back ou feed-back E → R) est spécifique de la
communication pédagogique.
 Ce contrôle varie dans sa forme et dans sa périodicité, en fonction
des méthodes et des objectifs de la formation.
Il est immédiat après chaque tranche d’information dans la machine à
enseigner. Il peut être institué après un ensemble plus étalé d’informa-
tions ou d’apprentissage, pour évaluer une acquisition formant en elle-
même un tout, même si cet ensemble n’est qu’une des fonctions de la
formation globale. Il peut aussi se situer à la fin du cycle de formation, ce
qui n’empêche pas les formes précédentes. Cette dernière modalité est
généralement adaptée dans les épreuves de capacités par lesquelles on
cherche à savoir si les responsabilités correspondant à l’exercice des
acquisitions peuvent être assumées par les sujets sortant de la formation
prévue.
Dans une formation pour adultes normaux, bien organisée et bien faite,
les résultats du contrôle de l’acquis opéré par les enseignants ou du
contrôle opéré en auto-évaluation par les stagiaires coïncident nécessaire-
ment. Dans le cas des adultes (et dans ce cas seulement) il est alors psycho-
logiquement plus efficace de faire procéder à l’auto-évaluation, qui permet
au sujet en formation de se situer par rapport à ses objectifs terminaux.

139
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Comprendre les enjeux

3.2 Docimologie et épreuves pratiques


en situation réelle ou sur simulateurs
Tout contrôle de l’acquis comporte à dosage variable une évaluation
des connaissances et des comportements (manières de faire ou d’être)
nouveaux, objet et finalité de la formation.

 Les épreuves pratiques

Évaluées par rapport à l’efficacité optimale, elles se feront individuel-


lement ou en groupe, en situation réelle ou sur simulateur selon les buts
de la formation. Les contrôles peuvent être opérés de l’extérieur, ou par
autonotation, ou par une commission mixte à prévoir…
Le souci essentiel est de mesurer aussi objectivement que possible si le
stagiaire a intégré à sa personnalité les changements qu’il espérait de sa
formation, et donc de déduire, soit sa capacité à assumer les responsabili-
tés correspondantes, soit de compléter la formation, soit de changer
l’orientation.
NB – Nous avons déjà vu que le principe de la sélection à l’entrée de la
formation élimine la dernière éventualité. Nous devons ajouter cepen-
dant qu’elle ne l’élimine qu’en apparence puisque le problème de la
réorientation se pose pour ceux des postulants éliminés par la sélection à
l’entrée.

 La docimologie

La docimologie est, selon sa définition même, le système le plus objec-


tif et le plus rapide de contrôle des connaissances intellectuelles.

Il y a en effet plus de vingt-cinq ans aujourd'hui 4 qu’Henri Piéron
forgea le mot docimologie pour désigner l’ensemble des recherches
psychologiques et psychopédagogiques portant sur les examens de
connaissances, et finalement sur la valeur et le remplacement des exa-
mens. La chose était connue avant le mot puisque Pressey (cf. p. 59) pro-
posait en 1924 une machine à contrôler les connaissances acquises.
En 1958, à Rome, le XIIIe congrès international de psychologie appli-
quée, dans un symposium sur la docimologie, consacra la distinction, que
P. Dargue proposait dès 1952, entre la docimologie « critique » (recher-
che des variables qui compromettent la valeur objective des examens tra-
ditionnels, écrits ou oraux), et la docimologie « pratique » qui cherche à

4. C’est-à-dire, environ soixante ans en 2008.

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Quelques problèmes pratiques dans la formation des adultes

mettre au point des tests capables de donner une image exacte des capa-
cités de l’élève, de l’étudiant ou du stagiaire.
 Ces tests sont des questionnaires, c’est-à-dire des listes de questions,
chacune de celles-ci comportant plusieurs réponses proposées entre les-
quelles le répondant doit choisir. On dit aussi questions à choix multiples.
Le collationnement des réponses exactes permet le calcul du niveau.
Ces tests, comme tous les tests doivent être validés 5, fidèles 6 et étalon-
nés 7. Il est ahurissant de constater que dans certains centres, écoles ou
facultés, les questionnaires à choix multiples donnés pour le contrôle des
connaissances sont improvisés par des instructeurs, sans validation, sans
étalonnage, sans expérimentation préalable !
 L’établissement d’un test docimologique est délicat :
– Le contenu des questions doit tenir compte simultanément du pro-
gramme traité, du niveau réel du groupe en formation (par rapport
au programme), de la valeur discriminative des réponses (une ques-
tion à laquelle tous les instruits donnent une réponse exacte, et une
question à laquelle aucun des instruits ne donne une réponse
exacte,… sont des questions non discriminatives à éliminer du ques-
tionnaire final). Ce dernier critère exige une ou plusieurs expérimen-
tations du questionnaire pour sa mise au point avant lancement.
Enfin, parmi les réponses multiples proposées à chaque question, il est
recommandé de ne pas mettre des propositions fausses (risque de fixa-
tion des erreurs).
– La forme des questions doit tenir compte simultanément : de l’intel-
ligibilité sans ambiguïté,… de la nécessaire variété dans le système
d’ordonnancement des réponses,… de la présentation (qui doit être
agréable et motivante).
Contenu et formes des questions peuvent prêter, soit à une évaluation
homogène (pour un même groupe par exemple), soit à une évalua-
tion graduée (pour définir un niveau d’entrée par exemple).
– La correction et la notation. Les réponses doivent pouvoir être corri-
gées par une grille, c’est-à-dire automatiquement et sans ambiguïté.
L’énorme travail d’élaboration du questionnaire docimologique a pour
contrepartie la rapidité et la facilité du dépouillement des résultats (qui

5. La validité d’un test est sa qualité comme mesure effective de ce qu’il est censé mesurer. Les épreuves de validité
concernent sa construction, son contenu, sa prédictivité.
6. La fidélité d’un test est la constance des résultats obtenus par les mêmes sujets, soumis à ces épreuves ou à des
doublons, à délais variables.
7. L’étalonnage est la stabilisation statistique des performances et des écarts permettant par la suite de situer un résul-
tat sur une échelle de valeurs. Il met en jeu les calculs statistiques de l’échantillonnage, de la dispersion, des écarts
et des moyennes selon diverses catégories.

141
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Comprendre les enjeux

peut être fait par n’importe qui après exposé des consignes, et, bien
sûr, par une machine).
Les mauvaises réponses peuvent être notées différemment (pénalisa-
tions ou non) ; les bonnes réponses donnent des points variables selon la
difficulté discriminative.
Des dispositions sont naturellement prises pour faire échec au hasard
(le candidat qui répond « au hasard » ne doit pas pouvoir faire illusion)
en ménageant une zone non significative des performances par applica-
tion du calcul des probabilités,… et pour éviter tout automatisme dans le
choix de la réponse.
La docimologie a un intérêt évident pour la résolution du problème
des contrôles de l’acquis intellectuel. Comme dans l’enseignement pro-
grammé, le gros travail est dans la mise au point ; l’évaluation est automa-
tisée. Elle permet de mesurer le niveau des entrants (N zéro de notre
plan de formation), donc de composer mieux les programmes. Elle per-
met la mesure des progrès et l’évaluation de la formation.
Une docimothèque (bibliothèque de questionnaires docimologiques)
non accessible aux stagiaires serait à aménager dans chaque centre de for-
mation, s’enrichissant d’année en année, forte de plusieurs doublons par
niveau, se tenant à jour de l’évolution des enseignements.

4. Comment organiser l’autocontrôle et l’auto-


perfectionnement des enseignants et formateurs ?
Nous avons déjà vu (cf. p. 34) l’extrême difficulté qu’il y a à instituer le
contrôle de l’enseignant. Son autocontrôle est aussi difficilement accepté
que l’autre. Ces difficultés viennent, dans le cas le plus général, d’une
résistance particulièrement vive chez l’enseignant à mettre en cause son
Moi, ses habitudes, sa supériorité, son autorité.

4.1 Exploitation des évaluations-contrôles


des enseignés pour l’autocontrôle
des enseignants
Comme cela a été dit ci-dessus, ce sont les résultats pratiques de l’ac-
tion pédagogique qui permettent de juger cette action. Sans faire ici la
moindre démagogie, il faut avouer que lorsque les résultats objectifs
d’une formation sont nuls (et que la grande majorité des stagiaires n’a ni

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Quelques problèmes pratiques dans la formation des adultes

les connaissances, ni le savoir-faire, ni le savoir-être qui étaient les objec-


tifs de la formation), c’est que l’enseignement n’est pas passé, donc que
l’enseignant ne sait pas enseigner.
Ses échappatoires seront toujours nombreuses (l’enseignant rejettera
la faute sur la Société, sur l’inanité des programmes, sur l’inanité du
contrôle, sur ses contraintes, sur la stupidité des élèves, etc.), mais le fait
est que ses résultats nuls le désignent d’abord personnellement.
Les feed-backs que constituent les résultats objectifs de la formation
par rapport aux méthodes de l’enseignant doivent être systématiquement
utilisés pour augmenter chez l’enseignant le désir d’améliorer sa valeur
pédagogique. Deux genres d’informations sont à rechercher dans ce but :
1) l’évaluation de la satisfaction des instruits ;
2) l’évaluation des acquisitions des instruits.

 L’évaluation du degré de satisfaction des instruits

Elle est utile à l’enseignant pour se connaître, connaître les relations


socio-affectives qu’il a nouées avec les stagiaires, et surtout pour évaluer
ses méthodes car les instruits sont les mieux placés pour savoir si les
méthodes étaient motivantes et instructives.
Les enseignants ne chercheront pas, dans ce feed-back, une gratifica-
tion personnelle (ce dont ils sont souvent friands) ni les délices d’une
vaine flatterie, mais le test de la valeur de leurs méthodes et les voies de
leur éventuel perfectionnement 8.
L’évaluation de la satisfaction (qui se fera par questionnaire anonyme,
par sondages, par explicitation du vécu du groupe au moment des évalua-
tions de séances, par interview de délégués) doit, pour être utile, se faire à
partir d’un découpage permettant le repérage des méthodes utilisées.
On pourra évaluer ainsi non pas seulement le degré de satisfaction
globale, indice du moral du groupe, mais aussi les valeurs didactiques dif-
férentielles des méthodes.

 L’évaluation des acquisitions des enseignés

Elle implique, chez l’enseignant, la connaissance du niveau « de


départ » (intérêt des tests docimologiques pour les entrants) et la
connaissance périodique du niveau, évalué in situ et sans « préparation
personnelle intensive » (sans bachotage) de la part des enseignés.

8. Rappelons que tout ceci n’est affirmé qu’à propos de la formation des adultes normaux.

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Comprendre les enjeux

C’est en possession de ces deux reflets de son enseignement que l’en-


seignant pourra et devra se poser le problème de son autoperfectionne-
ment et des moyens de le réaliser.

4.2 Les moyens de l’autoperfectionnement


des formateurs
Ils sont plus nombreux qu’on ne le croit généralement et l’assistance à
des conférences de perfectionnement ne suffit pas. Il faut successivement
à l’enseignant : une conscience claire de son personnage, des moyens de
comparaison, et des moyens de formation.

 Les moyens de la prise de conscience de soi dans le rôle

La réflexion solitaire, toujours déformée par les complexes person-


nels, n’est pas garante d’efficacité.
L’enseignant qui veut contrôler ses manières-d’être-en-situation péda-
gogique (et qui ne peut pas « se mettre dans la classe pour assister à son
propre jeu de scène » 9) doit utiliser le meilleur moyen dont nous dispo-
sons : l’enregistrement.
– Le magnétophone offre une première et facile possibilité. L’auto-
audition est instructive à beaucoup de points de vue (voix, contenu
verbal, paralangage). Les effets de feed-back ne sont pas perceptibles
(sauf si ce sont des bruits collectifs).
– Le film, et aujourd’hui le magnétoscope, sont des instruments pleins
de possibilités.
C’est en s’écoutant et en se voyant en situation, que le formateur, s’il
est motivé et sincère, apprendra à se perfectionner. J’ai particulièrement
insisté sur la valeur de l’autoconfrontation dans le séminaire sur
L’observation psychologique et psychosociologique et la pratique du magnéto-
scope fait l’objet d’un important chapitre du séminaire de P. Lebel
Audiovisuel et pédagogie, déjà cité.

 Les moyens de comparaison

Comme il ne peut pas assister à une leçon faite par un collègue (car
d’une part la situation globale est modifiée et d’autre part le collègue
considérera une telle présence comme « critique », quelles qu’en soient
les justifications), et qu’il lui faut pourtant observer et comparer, l’ensei-

9. Parodie de la critique bien connue d’Auguste Comte contre l’introspection « On ne peut pas se mettre au balcon pour
se regarder passer dans la rue ».

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Quelques problèmes pratiques dans la formation des adultes

gnant de bonne volonté ne peut qu’aller assister à des cours ou sessions


pour voir pratiquer, dans la même discipline que lui, un autre enseignant.
Beaucoup d’institutions publiques lui sont ouvertes : Conservatoire
National des Arts et Métiers (à Paris et dans toutes les grandes villes de pro-
vince), Collège de France, cours publics, cours du soir, etc.

 Les moyens de formation

Nous en retiendrons trois, les deux premiers consacrant institutionnel-


lement les moyens de comparaison :
– travail de réflexion par petits groupes en auto-organisation et en
autoperfectionnement à partir de projection de films (tournés dans
les conditions vues ci-dessus à propos de la prise de conscience de soi)
mettant en scène des professeurs et instructeurs en situation réelle ;
– observation de méthodes à l’occasion de leçons concrètes faites par
des formateurs en situation, les observateurs étant derrière une glace
unitain, ou en salles reliées à la salle de travail par un circuit intérieur
de télévision ;
– participation à des séminaires de perfectionnement pédagogique
(après les actions de motivation déjà vues) où alterneront d’une part
des informations et des expériences pédagogiques, d’autre part des
méthodes de formation expérientielle, et enfin des débats interper-
sonnels de confrontation des problèmes, des idées et de l’expérience
acquise.
Dans toutes ces démarches, l’essentiel reste l’attitude, la disposition
d’esprit, l’authenticité de la recherche de perfectionnement.

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Conclusion

N ous avons voulu réfléchir, au cours de ce séminaire, sur les problè-


mes principaux de la pédagogie des adultes, et tout spécialement
sur la valeur et la place des méthodes actives.
En se gardant de tout a priori idéologique, les formateurs d’adultes
devront tenir compte de deux exigences :
1) D’une part il faut préparer efficacement les stagiaires à des respon-
sabilités professionnelles (et promotionnelles) précises, ce qui
implique un apprentissage des comportements correspondant à des
situations professionnelles préalablement définies. Cette exigence est,
dans certains cas, presque absolue : l’apprentissage d’appareils ou de
procédés nouveaux, la transformation d’un poste par utilisation de servo-
mécanismes ou d’ordinateurs, la formation à des procédures de gestion
ou à l’économétrie,… autant d’exemples où la situation à maîtriser,
quoique nouvelle, est définie, et donc où il y a des choses à savoir, des
comportements précis à apprendre…
2) D’autre part il faut aussi préparer efficacement les stagiaires à l’évo-
lution elle-même. Selon les conclusions du fameux colloque d’Amiens
en 1967, « dans la formation de demain, il ne s’agira plus essentielle-
ment d’acquérir des connaissances, pas même d’apprendre à appren-
dre, mais d’apprendre à devenir ».
Ces deux exigences paraissent contradictoires mais ne le sont pas : la
créativité n’est pas la culture en soi de la divergence et de la contestation,
elle est capacité de s’insérer efficacement dans l’évolution créatrice et d’y
participer en restant « en prise » sur le réel (et le réel n’est pas n’importe
quoi) ; la formation orientée vers la maîtrise d’une situation profession-
nelle définie, d’autre part, n’est pas une liste des comportements à auto-
matiser, elle intègre la prospective des postes et celle des aspirations
humaines ; cela induira donc nécessairement un élargissement de la for-
mation, soit à d’autres postes et à d’autres activités connexes, soit à des

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Comprendre les enjeux

manières de percevoir, de penser, de communiquer, et finalement d’être,


qui dépassent les savoir-faire techniques.
La pratique des méthodes actives, l’esprit même des méthodes actives
qui permettra aux formateurs d’en inventer de nouvelles à la lumière de
l’action, sont à considérer, dans la formation des adultes comme les
moyens privilégiés capables de répondre à la double exigence pédago-
gique et aux besoins de notre société.

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Deuxième partie

METTRE EN PRATIQUE
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EXERCICE 1

EXERCICE
La perception
des connaissances
supposées et des facteurs
d’erreur chez l’élève.
Un jeu de rôle

1. Exercice collectif
À faire en TP ou en session par petits groupes de 8 à 12 participants.
Matériel spécial : un magnétophone, un tableau noir et de la craie ou un
tableau de papier et ses crayons-feutres ; disponibilité d’une salle et d’un
bureau, ceci pour chaque petit groupe.
Le but de cet exercice est de permettre une première approche analy-
tique de la situation pédagogique. La situation « précepteur-élève unique »
est simple, mais, en session, la situation totale (ambiance, premières réac-
tions socio-affectives au moniteur, dispositif spatial, présence d’observateurs,
etc.) crée des conditions particulières et on devra, de ce fait, les analyser.
Le but secondaire sera donc de tirer au clair tous les déterminants de
la situation globale. Le but premier est de montrer : 1) que tout instruc-
teur présuppose des connaissances chez son élève, connaissances considé-
rées comme « allant de soi » et non explicitées ; 2) que l’élève réel ne
correspond pas forcément à l’image que s’en fait son instructeur ; 3) que
cette « distance » est toujours imputée à l’élève, jamais au maître ; 4) que
des interactions non verbales ont lieu entre les protagonistes et influent
sur le processus pédagogique.

© Roger Mucchielli, Les Méthodes actives dans la pédagogie des adultes, ESF éditeur, 2012.
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Mettre en pratique

 Variante 1

 Phase 1. Le moniteur demande deux volontaires dont l’un soit très


informé des règles, procédés et trucs, du calcul mental, très à l’aise dans
ce domaine,… et l’autre soit une personne qui n’aime pas et ne connaît
pas le calcul mental et qui est toujours mal à l’aise dans les calculs numé-
riques. Le premier sera précepteur du deuxième en « leçon particulière ».
S’il n’y a pas de participant compétent en calcul mental, on appli-
quera la variante 2 ci-dessous.
Lorsque les deux volontaires se sont fait connaître, le moniteur fait
sortir pour quelques minutes dans le couloir celui qui aura le rôle de
« l’élève » et demande à celui qui tiendra le rôle de « précepteur » de se
concentrer seul dans une autre salle ou dans le bureau à côté pour prépa-
rer 2 ou 3 procédés de calcul mental intéressants et de difficulté variée,
ceci sans se presser. Il l’informe qu’il devra, après chaque explication
théorique de la règle, proposer à son élève plusieurs exercices de calcul
mental pour l’entraîner à appliquer la règle et vérifier s’il a compris.
Il expose alors aux autres (restés dans la salle) ceci :
« Vous allez être, pendant cette leçon, en position d’observateurs, ce
qui veut dire d’abord que vous ferez le silence, vous ne manifesterez
aucune réaction, vous tâcherez de vous faire oublier. Chacun d’entre vous
doit observer (et prévoir un rapport écrit d’observation) trois choses par-
ticulièrement :
1) quelles sont les connaissances, de quelque nature qu’elles soient,
que le précepteur suppose chez son élève dans sa « leçon » (autre-
ment dit découvrez les acquis supposés ou implicites) ;
2) quels sont les processus de la compréhension ou de l’incompréhen-
sion de « l’élève », ses référents personnels réels, les facteurs de ses
erreurs (autrement dit découvrez, à travers ce qu’il dit, comment il en
est arrivé à ce qu’il dit ou à ce qu’il fait) ;
3) qu’est-ce qui se passe au niveau des attitudes et des interactions non
verbales (autrement dit inférez les phénomènes affectifs à partir des
comportements observables) et en quoi ces phénomènes retentissent-
ils sur le déroulement de la leçon au niveau verbal et intellectuel.
C’est de ces trois points que nous débattrons ensuite, après la fin de la
« leçon ». « Avez-vous des précisions à me demander ? »
Suivent les réponses aux éventuelles questions, reprenant ou commen-
tant les points précédents sans rien ajouter de nouveau.
Expliquer bien ce que vous attendez de leur observation et suggérez
qu’ils utilisent 3 colonnes sur des feuilles prises dans leur plus grande lar-
geur.

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Exercice 1

 Phase 2. Introduction des deux protagonistes du jeu de rôle. En


allant personnellement chercher « l’élève », l’animateur lui dira confi-
dentiellement : « Soyez vous-même, ne craignez pas la situation car ce
n’est pas un examen pour vous, c’est une expérience sur l’intelligibilité
de ce que dira l’autre protagoniste ». L’élève sera ensuite immédiatement
mis sur sa chaise, pendant que le précepteur sera appelé.
Le dispositif est donc en place : précepteur et élève de part et d’autre
d’une table, de profil par rapport au groupe d’observateurs, le tableau
étant à portée de l’élève, et le magnétophone en bonne place pour l’en-
registrement (tout en n’étant pas trop visible). Ainsi par exemple :

Magnétophone

« Élève » Table « Précepteur »

Observateurs

Si vous disposez d’un magnétoscope, place-le dans l’axe, au milieu des


observateurs ou juste derrière.
 Phase 3. Déroulement du jeu de rôle. Le moniteur (après avoir mis
en route le magnétophone) se met parmi les observateurs et prépare son
propre rapport d’observation. À la fin de la séance, il arrêtera le magné-
tophone et passera immédiatement à la phase suivante.
 Phase 4. Exploitation de l’exercice avec tout le groupe en dispositif
de débat libre avec le moniteur.
1. Rapport des observateurs sur le point 1. L’animateur procédera par inter-
views individuelles libres et écrira au tableau dans une première
colonne les réponses complémentaires.

Exemple de connaissances supposées :


– parler le français courant ;
– connaître le sens de tels et tels mots du vocabulaire mathématique ;
– reconnaître la gauche et la droite, le haut et le bas, l’avant et l’après ;
– savoir additionner, soustraire, multiplier ou diviser, etc.

2. Rapport des observateurs sur le point 2. L’animateur interviewe les obs-


ervateurs selon le même procédé en veillant à ce que l’on ne traite que
des processus intellectuels et verbaux chez « l’élève » en situation.
Analyse des processus des erreurs ou des moments d’incompréhension
(pourquoi il s’est trompé à tel moment ?).

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Mettre en pratique

Dans cette partie du rapport, « l’élève » discutera des remarques. Il


sera interviewé spécialement pour dire ce qui s’est effectivement passé
pour lui au niveau des processus de sa compréhension ou de son
incompréhension.
Les points clés de tout cela sont écrits au tableau par l’animateur dans
une deuxième colonne.
Exemple :
– entendu tel mot pour tel autre, d’où telle opération par tel processus ;
– n’a pas compris tel mot, d’où… ;
– n’a pas tenu telle recommandation pour essentielle et a donc été
entraîné à… ;
– a fait référence implicitement à telles et telles connaissances antérieu-
res… etc.

3. Rapport sur le point 3. L’animateur interviewera le couple précepteur-


élève dans le but de reconstituer les réactions affectives des protagonistes
pendant leur dialogue. Il s’agit de relever les attitudes, les comporte-
ments, les mimiques, le paralangage (intonations de la voix, interjections,
types de regard, etc.), d’inférer leurs significations et de voir leur rôle
dans le déroulement et la dynamique du jeu, dans les erreurs commises,
etc.
Exemple :
– sentiment chez l’élève que le précepteur est trop pressé ou confus ou
énigmatique, ou attentif à lui, très soucieux de clarté, de précision… ;
– intuition chez l’élève que le précepteur le juge idiot à l’occasion de telle
de ses réponses, ou au contraire calme intérieur provenant de sa
confiance… ;
– chez le précepteur, jugement in petto sur son élève à l’occasion de telle
réaction, de telle attitude ou de telle réponse, et influence de ces juge-
ments sur le contenu verbal ultérieur ou sur la marche de l’explication… ;
– émotions diverses de l’un et de l’autre…

4. Écoute de l’enregistrement pour vérifier et compléter en commun les résultats


acquis. L’animateur arrêtera la bande après chaque moment significatif
de l’un ou l’autre des phénomènes analysés ou à réanalyser. Il souli-
gnera encore à cette occasion l’erreur qui consiste à « suivre » au niveau
du contenu verbal des échanges au lieu de faire attention aux phéno-
mènes psychologiques et aux interactions.
5. Analyse de la situation totale : réactions affectives ou émotionnelles inti-
mes des observateurs pendant le jeu de rôle, impact de leur présence sur
les protagonistes, impact du dispositif spatial, réactions socio-affectives à
l’égard du moniteur soupçonné d’avoir « des intentions cachées » ou
simplement en tant qu’autorité organisant l’ensemble de l’expérience
(points délicats qu’il faut aborder mais sans insister lourdement).

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Exercice 1

Toute cette partie fera l’objet d’un débat en groupe, l’animateur étant
dans le groupe (disposé en cercle pour cette phase) et faisant parler
chacun.
6. Changement d’objectif (même dispositif spatial) à ce moment de l’ex-
ploitation, ce que l’animateur introduit en disant : « Nous allons main-
tenant orienter le débat dans une tout autre direction… Replaçons-
nous dans le cadre de la session. Moi, en tant qu’animateur, j’ai tenté,
par cette expérience, de vous apprendre quelque chose et vous, en
tant que participants, vous étiez là pour apprendre quelque chose.
J’avais donc un rôle d’enseignant et vous un rôle d’enseignés. Nos
objets de discussion seront donc maintenant :
– Qu’est-ce que je voulais vous apprendre ?
– Qu’est-ce que vous avez appris ?
– Comment avez-vous appris ce que vous avez appris, si minime que
cela soit ?
Après avoir écrit les trois questions au tableau, l’animateur, utilisant
exclusivement la technique d’interview de groupe sur les trois thèmes suc-
cessifs, conduira le débat pendant 30 à 45 minutes, rédigera les conclusions
du groupe sur chaque point et lira à la fin le rapport final de réponse, rap-
port qui doit entraîner l’accord du groupe (s’il est bien fait 1).

 Variante 2

L’animateur proposera un autre genre de contenu, par exemple


demandera si quelqu’un sait faire des pliages de papier pour réaliser des
cocottes, des bateaux, des sabliers, des avions, etc., le second joueur igno-
rant complètement ces jeux (matériel papier à prévoir.)
Même dispositif et même conduite de l’exercice total que dans la
variante 1, sauf sur un point essentiel (sans lequel l’expérience rate) : le pré-
cepteur ne doit pas montrer ce qu’il fait et seulement l’expliquer verbale-
ment; l’élève ne doit pas parler mais seulement faire des signes ou mimiques
d’accord ou d’incompréhension. Un écran de bois ou de carton fort, de la
largeur de la table et de 35 cm de haut, doit être placé entre le pupitre du
moniteur et celui de l’élève, empêchant chacun de voir le papier et les
mains de l’autre, et leur permettant de ne voir que leurs visages.
Cette variante intéresse beaucoup, et si l’« élève » est effectivement
choisi pour son incompétence et sa maladresse dans les pliages, il n’arri-
vera jamais à réaliser ce qui lui est dit. Il y a une mine de remarques à
faire par les observateurs.

1. Cf. pour ces méthodes l’ouvrage L’interview de groupe.

155
Methodes_actives4:coll FP 6/07/12 10:03 Page 156

Mettre en pratique

2. Exercice individuel
Vous pouvez vous exercer à détecter tous les phénomènes signalés à pro-
pos de l’exercice collectif (obscurité du vocabulaire pour l’auditeur,
connaissances supposées chez l’auditeur par l’émetteur, cadre de référence
implicite de l’émetteur, contenu verbal et paralangage, état de préparation
du récepteur, « bruits », etc.) en écoutant vous-même une conférence sur
une question intellectuelle (le mieux est un exposé de culture générale ou
spéciale diffusé par la radio sur France-Culture).
Il serait utile d’enregistrer l’exposé sur magnétophone et d’analyser
ensuite posément les variables de la communication pédagogique, selon
le schéma donné ci-dessus en A. Même opération avec la « télévision sco-
laire ». Vous pouvez recommencer à volonté les enregistrements et les
réflexions psychopédagogiques à leur propos.

Cet exercice ne comporte pas de corrigé.

156
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EXERCICE 2

EXERCICE
Effets du blâme,
de la louange et
de l’absence d’information
sur les performances

Cet exercice est individuel. Il peut être fait en session dans les conditions
de réunion-discussion suivantes : le texte des 2 expériences ci-dessous (et des
questions finales) est ronéoté et distribué à tous les participants. Ils se répar-
tissent par affinités par groupe de 5 ou 6, et disposent d’un temps limité
(45 minutes ou 1 heure) pour discuter et rédiger des conclusions par groupe.
Ces rapports font l’objet d’une lecture et d’un débat en grand groupe.

Expérience 1
Voici le résumé d’une expérience ancienne mais classique et constam-
ment validée, de E.B. Hurlock, menée avec des groupes de filles de 9 à
11 ans de niveau scolaire et de nombre égaux. Chaque groupe avait à effec-
tuer le plus grand nombre possible d’additions de 6 nombres de 3 chiffres
en un quart d’heure. Ce travail dura 15 séances, à raison de 3 séances par
jour pendant 5 jours avec les mêmes consignes. Dans chaque groupe, les
enfants avaient à travailler isolément tout en étant ensemble et en grou-
pant leur production à la fin.
Le groupe 1 travaillait seul, remettait sa production à des enseignants-
collecteurs, ne recevait aucune information et n’en entendait plus parler.
Les groupes 2, 3 et 4 travaillaient dans le même local. Par un a priori dont

© Roger Mucchielli, Les Méthodes actives dans la pédagogie des adultes, ESF éditeur, 2012.

157
Methodes_actives4:coll FP 6/07/12 10:03 Page 158

Mettre en pratique

les groupes n’étaient pas au courant, les enseignants-collecteurs en rece-


vant la production du groupe 2, félicitaient chaleureusement et publique-
ment (devant les 2 autres groupes) le groupe sur son travail (quel que
soit celui-ci) ; en recevant la production du groupe 3, ils se montraient
déçus et blâmaient publiquement le travail accompli ; le groupe 4 remet-
tait sa production sans recevoir ni louange ni blâme.
L’expérience fut répétée 6 fois avec d’autres enfants dans les mêmes
conditions et on obtint toujours les mêmes résultats.
Voici le tableau des productions des groupes :

Groupes 1er jour 2e jour 3e jour 4e jour 5e jour

1 11,8 12,3 11,6 10,5 11,4


2 11,8 16,6 18,8 18,8 20,2
3 11,8 16,6 14,3 13,3 14,2
4 11,8 14,2 13,3 12,9 12,4

Résultat moyen de chaque groupe


(nombre d’additions justes)

Expérience 2
J.B. Maller a été le premier aussi à réaliser une expérience devenue clas-
sique. Avec 810 enfants de 10 à 13 ans, il organise des séries de 3 groupes à
qui il donne un travail de production maxima d’additions, comme Hurlock.
Mais au groupe 1 de chaque série, il présente le travail comme un exer-
cice sans conséquence sur les appréciations scolaires; les enfants ne doivent
pas écrire leur nom sur les feuilles. Au groupe 2 il présente l’expérience
comme un concours individuel; chacun doit écrire son nom sur sa feuille et
il y a un classement final avec des prix à remporter. Au groupe 3, il présente
le travail comme une compétition avec une équipe similaire (fictive) d’une
autre école ; les enfants doivent inscrire le nom de leur équipe sur leurs
feuilles individuelles.
Résultats : sur l’ensemble des 810 sujets et des 6 périodes de travail que
comportait l’expérience, ce sont les groupes 2 qui donnent les meilleurs
résultats, la moyenne de production du groupe progressant d’une séance
à l’autre. Le groupe 1 reste de production égale. Le groupe 3 augmente
sa production pendant 3 séances et celle-ci décline ensuite.
Refaisant l’expérience plusieurs années après, dans les mêmes condi-
tions d’âge et de situations, J. Deese retrouve les mêmes résultats mais note
que, dans les groupes 2 se développent l’antagonisme entre individus, des

158
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Exercice 2

sentiments de supériorité chez les uns, d’infériorité chez les autres, et beau-
coup de problèmes individuels, interindividuels et à l’intérieur du groupe
comme tel.

Votre exercice
Question 1 : Quelles conclusions tirer de l’expérience 1 au niveau de
la pédagogie générale ?
Question 2 : Quelles conclusions tirer de l’expérience 2 au niveau de
la pédagogie générale ?
Question 3 : Y a-t-il des lois pédagogiques générales qui se dégagent de
la confrontation des réponses aux deux questions précédentes ?
Question 4 : Ces lois sont-elles valables en pédagogie des adultes, et à
quelles conditions ?

Corrigé page 189

159
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3 EXERCICE
EXERCICE

Les effets du feed-back


et de l’absence de feed-back

Ces exercices ne peuvent être faits qu’en session et avec des groupes.

1. Leçon avec feed-back zéro


Les stagiaires disposent de feuilles cartonnées quadrillées 21 × 27, de
règle, rapporteur, crayon, gomme (à distribuer).
Ils travailleront individuellement et de manière à ne pas voir les uns les
autres leur travail.

 Phase de présentation

Le moniteur présente l’exercice de la façon suivante : « Vous disposez


d’instruments de travail nécessaires et suffisants pour l’exercice qui va sui-
vre. Cet exercice consiste simplement à travailler sous la dictée d’un moni-
teur invisible. Sa voix a été enregistrée et vous écoutez cet enregistrement
qui durera quelques minutes à peine. Vos travaux sont personnels. Vous ne
devez vous régler que sur les instructions sonores sans référence à ce que
font les autres autour de vous et sans communiquer… Après le travail, nous
débattrons ensemble des conditions et des effets de cette expérience qui est
caractérisée par l’absence de tout feed-back… Pendant le travail je serai
absent de la pièce ». Puis le moniteur met en route l’enregistrement et sort
(il reviendra juste après la fin de la « dictée »).

© Roger Mucchielli, Les Méthodes actives dans la pédagogie des adultes, ESF éditeur, 2012.

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Exercice 3

La leçon enregistrée est celle-ci :


« Le travail que vous allez faire est individuel et personnalisé. Inscrivez
votre nom dans un coin quelconque de la feuille SVP.
Vous disposez d’une fiche quadrillée format 21 × 27, d’un rapporteur,
d’une règle-décimètre et d’un crayon… Je vous demande de bien vouloir
écouter les instructions qui vont suivre et de vous y conformer le plus
exactement et le plus rapidement possible… Je commence…
Mettez votre feuille cartonnée devant vous, de telle sorte que les petits
côtés soient en haut et en bas, les grands côtés étant à gauche et à droite…
Sur la feuille ainsi disposée marquez un point situé à 5 carreaux du bord
supérieur de la feuille et à 6 carreaux du bord gauche. Nous appellerons ce
point : point zéro… Du point zéro tracez vers la droite un segment hori-
zontal de 12 carreaux… Du point zéro tracez vers le bas un segment vertical
de 6 carreaux. Ces 2 segments représentent les 2 côtés d’un rectangle.
Tracez ce rectangle…
Du sommet de l’angle inférieur droit de ce premier rectangle, tracez
vers la droite un segment horizontal de 8 carreaux. Du sommet de l’an-
gle inférieur droit du même premier rectangle tracez vers le bas un seg-
ment vertical de 10 carreaux. Ces 2 segments représentent les côtés d’un
rectangle. Tracez ce rectangle…
Du sommet de l’angle inférieur droit du deuxième rectangle, tracez
vers le haut et la droite une ligne oblique faisant avec l’horizontale un
angle de 40°. Prolongez cette ligne oblique de l’autre côté du sommet de
l’angle vers le bas et la gauche. Sur cette ligne, de part et d’autre du som-
met de l’angle inférieur droit du deuxième rectangle, marquez 2 points.
Chacun de ces points est situé à 1,5 cm du sommet de l’angle. Le seg-
ment ainsi délimité, qui a 3 cm, représente le grand côté d’un rectangle
dont le petit côté a 2 cm. Tracez ce rectangle en dessous de la ligne
oblique…
Du sommet le plus inférieur de ce troisième rectangle, tracez vers la
droite un segment horizontal de la valeur de 7 carreaux… Du même som-
met, tracez vers le bas un segment vertical de la valeur de 12 carreaux. Ces
2 segments représentent les 2 côtés d’un rectangle, tracez-le… Du sommet
inférieur gauche du quatrième rectangle, tracez vers le bas et la gauche une
ligne oblique faisant avec la verticale un angle de 50°. Du même sommet
inférieur gauche du quatrième rectangle, tracez vers le bas un segment ver-
tical de 4 cm. À partir du point ainsi obtenu, menez une horizontale jus-
qu’à son intersection avec la ligne oblique précédemment définie. Le point
d’intersection de ces 2 lignes sera nommé point F…
Point final. Travail terminé. Fin des instructions. Veuillez remettre vos
feuilles s’il vous plaît. »

161
Methodes_actives4:coll FP 6/07/12 10:03 Page 162

Mettre en pratique

Attention !

Au moment de l’enregistrement, veillez à ce que l’émetteur 1 ait une voix claire


et neutre, distincte et sans intonations spéciales. Veillez à réguler le débit en fai-
sant exécuter le travail devant l’émetteur par quelqu’un de non informé, et sans
avoir à répéter.

 Phase de discussion en débat libre avec le groupe

Les points clés qui feront l’objet du débat (conduit en interview de


groupe sur guide d’interview) seront les suivants :
1 – Analyse des impressions des auditeurs-acteurs (inscrivez-les par
catégories au tableau : ex. l’évaluation subjective du temps, l’impossi-
bilité du feed-back Émetteur-Récepteur, le « fil » de la dictée, le souci,
le moment de la « démission », les réactions émotionnelles, etc.).
2 – Caractéristiques des divers aspects du feed-back.
3 – Effets d’un feed-back libre sur les auditeurs-acteurs.
4 – Analyse, par contraste, de la notion floue de « présence » du for-
mateur.

2. Les effets automatiques


du feed-back de renforcement
 Présentation

Vous présenterez l’expérience de la façon suivante : « Nous allons faire


une expérience de vocabulaires comparés. Cette expérience exige neuf
couples de partenaires ». (Il vous faut, de toutes façons, un multiple de 3,
donc 6, 9 ou 12 couples selon le nombre de stagiaires.) « Je demande donc
d’abord à 9 volontaires de se désigner comme étant des personnes ayant un
vocabulaire étendu, une bonne maîtrise du langage, ayant beaucoup lu de
livres variés et ayant beaucoup retenu de ces lectures. »
(Cette présentation est indispensable pour susciter chez ceux qui ne
seront pas volontaires, un sentiment discret d’infériorité nécessaire à la
poursuite de l’expérience.)

1. Il y a intérêt à ce que la voix ne soit pas celle de l’animateur de la session.

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Exercice 3

Les 9 volontaires s’étant fait connaître après les insistances d’usage (s’il y
a des difficultés, les plus vieux et ceux qui ont le plus haut statut seront
naturellement désignés), vous mettez dans une corbeille les noms des
9 autres personnes (celles qui restent après la nomination des volontaires),
et vous annoncerez froidement que ces personnes (celles dont les noms
sont dans la corbeille) vont être associées par tirage au sort chacune à un
des volontaires précédents. Dans chaque paire ainsi formée, la personne
tirée au sort sera soumise à l’épreuve de vocabulaire (on s’attendait natu-
rellement à l’inverse) et c’est un des volontaires qui sera son examinateur.
1) Le rôle de l’interrogé consiste à « dire pendant 15 minutes tous les
mots qui lui viennent à l’esprit, sans souci d’ordre ni d’originalité et indis-
tinctement les noms masculins ou féminins, singuliers ou pluriels, verbes,
adverbes ou adjectifs,… en évitant les noms propres, les articles et les pro-
noms. Ceci sans aucune précipitation car ce n’est ni une épreuve de vitesse
ni une épreuve de quantité mais seulement une épreuve de vocabulaire ».
2) Le rôle des examinateurs est des plus simples. « Ils doivent seule-
ment recueillir par écrit, exactement et sans omission, tous les mots pro-
noncés par leur partenaire. »

 Consigne secrète

Ceci dit, vous donnez 5 minutes de récréation aux futurs interrogés et


prenez à part, à l’abri des regards et des oreilles des précédents, vos
9 volontaires. Vous leur expliquez que l’expérience porte, en fait, sur les
effets du renforcement non verbal sur la production des personnes inter-
rogées, et que pour que l’expérience soit validée il faut 3 groupes :
1 groupe de contrôle (1/3 des présents) où l’examinateur prendra seule-
ment en note les mots émis, sans manifester la moindre réaction (donc
neutre et impassible), 1 groupe (1/3 des présents) où l’examinateur
réagira systématiquement aux verbes par des mimiques discrètes d’appro-
bation (sons approbateurs, mimiques de satisfaction et d’encourage-
ment) et restera neutre et impassible à tous les autres mots (tout en les
prenant en note). Invitez-les à ne pas laisser passer d’occasions et à ne pas
se tromper sur le renforcement. Un dernier groupe (1/3 restant) fera
l’inverse : sons désapprobateurs, mimiques discrètes de dérision toutes les
fois que sera produit un verbe. De tout ceci, naturellement, les interrogés
ne sont pas avertis, et ces signaux à la réception des mots (dans 2 groupes
sur 3) doivent être perçus par les émetteurs comme des réactions person-
nelles de l’examinateur absolument injustifiées et gratuites.
Les personnes-examinateurs (des 3 groupes) sont nommément dési-
gnées et leur répartition est prise par écrit par l’animateur, ainsi :
– groupe I (aucun renforcement d’aucune sorte) : MM. R S T ;

163
Methodes_actives4:coll FP 6/07/12 10:03 Page 164

Mettre en pratique

– groupe II (renforcement positif d’une catégorie de mots) : MM.


UVW ;
– groupe III (renforcement négatif de la même catégorie de mots) :
MM. X Y Z.

 Action

Puis, devant tout le monde réuni, l’animateur demande que à volonté,


chaque « examinateur » tire un nom dans la corbeille et parte avec son
partenaire dans un coin tranquille, faire l’épreuve de vocabulaire. Retour
en salle dans 15 minutes.
Tous les couples sont donc assez rapidement au travail (prévoir des
« coins tranquilles » assez espacés).

 Dépouillement et analyse des résultats

Au retour, détente à l’extérieur de la salle pour les interrogés, pendant


que l’animateur demande aux examinateurs (à tous, aussi bien groupe II
et III que I) de faire leurs calculs :
– nombre total de mots produits ;
– nombre total des verbes ;
– pourcentage des verbes ;
– moyennes des 3 nombres précédents pour le groupe I, le groupe II,
le groupe III.
Si l’expérience réussit, il doit y avoir des différences significatives entre les
résultats des 3 groupes : dans le groupe II, le pourcentage des verbes aug-
mente par rapport au même pourcentage dans le groupe I,… dans le
groupe III cette proportion baisse. Cette expérience délicate, mais simple et
démonstrative, prouve que le feed-back E æ R est régulateur de l’action de R
(ici la production de celui qui travaille sous le regard d’une personne à qui il
attribue la compétence dans le domaine de son action) et que cette régula-
tion est automatique (non consciente et non volontaire chez l’instruit).

 Phase de débat en grand groupe et d’exploitation de l’expérience

Au cours de cette phase seront abordés :


– la clarification pour tous des buts de l’expérience ;
– la formulation des résultats ;
– l’analyse des conditions et des effets des situations réalisées ;
– la formulation de la loi de l’effet automatique du feed-back.

Cet exercice ne comporte pas de corrigé.

164
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EXERCICE 4

EXERCICE
Vraie et fausse méthode
interrogative

Cet exercice est individuel. Il pourra être fait en TP et en sessions de


groupe si on distribue le texte ronéoté aux participants en leur demandant :
1°) de l’étudier individuellement ; 2°) de constituer de petits groupes de
3 ou 4 par affinités (pas plus de 3 ou 4 car il n’y a pas lieu de provoquer des
interactions trop nombreuses et ici inutilement ralentissantes) pour com-
pléter et rédiger leurs réponses aux questions.
Les deux textes qui suivent sont adaptés de l’ouvrage de B.F. Skinner :
The Technology of teaching (trad. fr., p. 55 et 131) sans qu’il ait lui-même
comparé ces exemples.
Vous lirez ces 2 textes et répondrez ensuite aux questions suivantes :
1. Dans les 2 cas, l’instructeur utilise une méthode interrogative.
Quelles différences voyez-vous entre elles cependant, du point de vue :
a) de la situation globale d’interrogation ; b) des attitudes du moni-
teur ; c) de la méthode utilisée ; d) des acquisitions de « l’élève » ?
2. Analyser la dynamique des 2 situations (interactions entre l’induc-
teur et l’induit) et ses résultats.
3. À propos de l’un et de l’autre, Skinner discute de la valeur de la
maïeutique (art d’« accoucher les esprits », méthode attribuée classi-
quement à Socrate). À votre avis, quel rapport y a-t-il entre chacune de
ces méthodes et la maïeutique ?

Texte 1
Un professeur interroge un candidat sur un petit point d’histoire.
Professeur – C’est l’Anabase que vous prenez là ? Que veut dire le mot
Anabase ?

© Roger Mucchielli, Les Méthodes actives dans la pédagogie des adultes, ESF éditeur, 2012.
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Mettre en pratique

Candidat – (Reste muet.)


P. – Vous le savez très bien, prenez votre temps, ne vous affolez pas.
Anabase signifie…
C. – Une montée.
P. – Qui est monté ?
C. – Les Grecs, Xénophon.
P. – Très bien !… Xénophon et les Grecs. Les Grecs sont montés. Où
sont-ils montés ?
C. – Contre le Roi des Perses, ils sont montés pour attaquer les Perses.
P. – C’est exact. Une montée… Mais je pensais que nous parlions plu-
tôt d’une descente lorsqu’une armée ennemie porte la guerre dans
un pays.
C. – (Reste muet.)
P. – Ne disons-nous pas que les Barbares sont descendus ?
C. – Oui.
P. – Alors pourquoi les Grecs disent-ils monter ?
C. – Ils sont montés pour attaquer le Roi des Perses.
P. – Oui, mais pourquoi montés, et pourquoi pas descendus ?
C. – Ils sont descendus après, quand ils sont revenus en Grèce.
P. – Parfaitement, ils sont descendus après… mais pourriez-vous don-
ner une raison pour laquelle ils disent monter plutôt que descendre
en Perse ?
C. – Ils sont montés en Perse.
P. – Pourquoi ne dites-vous pas qu’ils sont descendus ?
C. (une pause, puis)… – Ils sont descendus en Perse.
P. – Vous ne m’avez pas compris !

Texte 2
Extrait d’une leçon de physique de niveau secondaire.
Instructeur. – Les parties importantes d’une lampe de poche sont la
pile et l’ampoule. Quand nous « allumons » notre lampe de poche, cela
veut dire qu’un contact s’est établi. Entre quoi s’est établi ce contact ?
Élève. – Entre la pile et l’ampoule.
I. – Quand nous allumons notre lampe de poche, un courant élec-
trique traverse le fil très fin qui est à l’intérieur de… ?
E. – L’ampoule.

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Exercice 4

I. – Oui et c’est le courant électrique qui échauffe ce fil. Lorsque ce fil


est chauffé au maximum, il produit naturellement de la chaleur mais
quoi aussi ?
E. – De la lumière.
I. – Le fil très mince à l’intérieur de l’ampoule s’appelle le filament.
L’ampoule s’allume lorsque le filament est chauffé par le passage d’un
courant… ?
E. – Électrique.
I. – Oui, lorsqu’une pile usée ne produit plus qu’un faible courant, le
filament ne devient pas très chaud. Que se passe-t-il en ce qui
concerne la lumière ?
E. – Il y a moins de lumière.
I. – Bon. Pouvez-vous compléter cette loi : la quantité de lumière pro-
duite ou émise par un filament dépend de… ?
E. – De la chaleur de ce filament.
I. – Bien. Donc plus la température d’un filament est élevée et plus la
lumière sera…
E. – Brillante.
I. – La lumière d’un filament très chaud est blanche ou jaune. Savez-
vous de quelle couleur est la lumière d’un filament moins chaud ?
E. – Rouge.
I. – Donc la couleur, comme la quantité de lumière dépendent de la…
E. – Température.
I. – De la température du filament émetteur. Un objet qui émet de la
lumière parce qu’il est chaud est dit incandescent. Le filament de
la lampe, lorsqu’elle est allumée, est donc…
E. – Incandescent.
I. – Oui. Un filament, de même que tout objet ou particule qui peut être
chauffé, deviennent incandescents lorsqu’ils sont chauffés à 800 degrés
centigrades environ. À cette température, ils commencent donc à…
E. – Être incandescents.
I. – Oui, mais aussi à…
E. – Produire de la lumière.
I. – Oui, à émettre de la lumière. 800 degrés est la limite inférieure de
température à laquelle des objets et particules chauffés émettent de la
lumière. Il n’y a pas de limite supérieure de température. Un objet ne
sera pas une source incandescente de lumière au-dessous de quelle
température ?
E. – 800 degrés centigrades
I. – Exact.
Corrigé page 190

167
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5 EXERCICE
EXERCICE

Comparaison
des méthodes pédagogiques

Cet exercice est individuel ou collectif

Première partie
En session, le texte de l’exercice sera distribué et les groupes
de réflexion seront formés de 4 ou 5 membres qui auront à s’auto-
organiser. Leur composition (et ceci est très important pour la suite) sera
particulière en ceci qu’ils doivent comporter 3 ou 4 personnes compéten-
tes dans un métier ou dans un domaine quelconque du savoir, et 1 per-
sonne étrangère à ce domaine ou à ce métier. Cette personne jouera,
dans la seconde partie du travail, le rôle dit « du poète », qui empêchera
les spécialistes de se croire universellement intelligibles (ce qui arriverait
s’ils étaient seulement, entre eux). Le texte de l’exercice sera, sur les
ronéotés, suivi des questions auxquelles chaque groupe a à répondre. Le
rapport final, à établir après 40 à 45 minutes de discussion pour chaque
groupe, est l’ensemble des réponses à ces questions.
Cet exemple est adapté de celui de H. Aebli repris partiellement par
Goguelin (in La formation continue des adultes, p. 108-110).
Vous lirez ci-dessous 4 manières d’enseigner la même chose (appren-
dre à calculer à une « classe » de 20 individus, la longueur d’un côté d’un
rectangle dont on connaît la surface et la mesure de l’autre côté).

© Roger Mucchielli, Les Méthodes actives dans la pédagogie des adultes, ESF éditeur, 2012.

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Exercice 5

 Méthode 1

L’instructeur parle à tout le groupe et dit :


Nous savons déjà que pour calculer la surface d’un rectangle (il écrit
au tableau Surface S), lorsqu’on connaît la longueur des deux côtés a et b
(il écrit en espaçant à la suite de S… a… b), mesurée dans la même unité
de mesure,… on multiplie a par b (il écrit au tableau le signe = entre S et
a, et le signe × entre a et b). Si nous connaissons S (il souligne S) et a (il
souligne a), dans la même unité de mesure, il suffira, pour trouver b, de
diviser S par a. Ainsi par exemple si :
36
S = 36 m2 et a = 4 m, on aura b = = 9 m.
4
Écrivez : calcul d’un côté b du rectangle lorsqu’on connaît sa surface S
et un coté a.
S
b=
a
… c’est fait ? Passons maintenant à autre chose… »

 Méthode 2

L’instructeur dessine au tableau un rectangle correct (avec mesures)


et indique sa surface et la longueur d’un côté :

Surface du rectangle : 3 600 cm2


a mesure de a : 40 cm.

Puis il procède à une séquence de questions-réponses en s’adressant à


tout le monde :
Q. : Quelle est la surface du rectangle dessiné ?
R. : 3 600 cm2.
Q. : Quelle est la mesure de a ?
R. : 40 cm.
Q. : Combien pourrait-on mettre de petits carrés de 1 cm2 côte à côte
le long du côté a, qui mesure 40 cm ?
R. : 40. (Le maître place, colle ou épingle le long du côté a une bande
toute prête de 40 carrés de 1 cm de côté.)
Q. : Que forment ensemble ces carrés alignés sur le côté a du rectan-
gle ?
R. : Un long rectangle… une bande… une colonne…
Q. : Quelle est la surface de cette bande ?
R. : 40 cm2.

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Mettre en pratique

Q. : Si je trace (place) une autre bande identique à côté (il la fait ou la


place sur le dessin), quelle sera la surface de cette autre bande ?
R. : 40 cm2.
Q. : Quelle est la largeur de chacune de ces bandes ?
R. : 1 cm.
Q. : Combien peut-on faire ainsi de bandes identiques de 40 cm2 de
surface les unes à côté des autres sans chevauchement, pour couvrir
toute la surface du rectangle dessiné au tableau ?
R. : 90.
Q. : Quelqu’un peut-il dire quelle est la longueur du côté b de ce rec-
tangle ?
R. : 90 cm.
Q. : Comment avez-vous fait pour trouver ce nombre ?
R. : En divisant la surface 3 600 par 40.
Q. : Prenons un autre exemple (… efface le tableau, fait un autre rec-
tangle avec de nouvelles mesures). Même série de questions…
Q. : Pouvez-vous nous donner la formule générale du calcul de la lon-
gueur d’un côté (b) du rectangle lorsqu’on connaît sa surface S et la
mesure de l’autre de ses côtés (a) ?
S .
R. : b =
a

 Méthode 3

L’instructeur remet à chaque élève (ceux-ci ne disposant d’aucun


instrument de mesure) un paquet de 36 carrés de carton, de 10 cm de
côté chacun, et dit, en s’adressant à tout le groupe :
« Vous avez à votre disposition un certain nombre de carrés chacun de
10 cm de côté. Vous devez faire sur votre table, avec ces carrés placés côte
à côte et en les utilisant tous, un rectangle. Mais il faut que l’un des côtés
du rectangle mesure 40 cm. Lorsque vous aurez fini, il faudra me dire
quelle est la longueur de l’autre côté. »
… Les élèves se mettent au travail et, après quelques tâtonnements
sont en mesure de répondre individuellement par écrit.
Lorsque tous ont trouvé, l’instructeur demande comment ils ont fait
et arrive à élucider leur démarche. Puis il dit :
« Vous allez maintenant essayer de construire tous les rectangles possi-
bles en utilisant toujours les cartons placés côte à côte, et chaque fois que
vous en aurez réalisé un, vous calculerez la longueur de ses deux côtés. »
… Les élèves recensent les rectangles possibles (1 × 36, 2 × 18, 3 × 12,
4 × 9, 9 × 4, 12 × 3, 18 × 2, 36 × 1).

170
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Exercice 5

… L’instructeur leur demande alors s’ils voient quelle est la loi ou for-
mule générale du calcul d’un côté lorsqu’on a la surface et la mesure
d’un des côtés. Il aide les élèves à élucider cette deuxième démarche.

 Méthode 4

L’instructeur dispose de la maquette (coloriée en vert pour le terrain,


jaune pour les routes) d’un lotissement sur terrain plat, à un certain stade
de sa configuration. La maquette serait celle-ci à l’échelle de 1/100 e.
« Vous avez ici représenté en maquette un terrain plat à lotir, c’est-à-
dire dans lequel il faut délimiter des parcelles égales entre elles pour la
construction de maisons particulières. Ici les routes (à gauche et à droite),
ici la rue centrale intérieure du lotissement. Voici les mesures (il les mon-
tre et les donne). Sur la maquette, 1 m réel est représenté par 1 cm.
« Vous allez vous mettre par équipe de 4, selon vos goûts et sympathies
et vous serez, par convention, des équipes de géomètres. Vous avez à
« borner » les parcelles, c’est-à-dire à tracer les limites déterminant les lots
de terrain. Chaque parcelle est rectangulaire et doit avoir 3 600 m2.
Toutes les parcelles auront donc une superficie égale. Vous achèverez le
tracé de la route intérieure.

3 m 10

15 cm
40 cm
10 cm

90 cm

voie intérieure du lotissement


actuellement inachevée
départementale

40 cm
route

Faites le plan de bornage, c’est-à-dire prévoyez le découpage du terrain


en parcelles égales. Travaillez par groupe dans différents coins de la salle
en vous organisant le mieux possible… Portez-moi votre plan par groupe
dès que vous aurez un projet sûr et donnez-moi aussi les calculs que vous
aurez faits. Votre travail consiste donc, je répète, à présenter un projet de

171
Methodes_actives4:coll FP 6/07/12 10:03 Page 172

Mettre en pratique

découpage du terrain par parcelles de 3 600 m2 et à formuler clairement


votre méthode de calcul.
« Entre-temps, je suis là près de la maquette pour vous donner des
informations complémentaires nécessaires au travail de chaque groupe
(sauf la solution naturellement, parce que je ne l’ai pas).
Les groupes se mettent au travail.
Lorsque tous les groupes ont remis leur plan, l’instructeur demande à
un des groupes de matérialiser son bornage sur la maquette (cordons
blancs à épingler) et de le justifier. Il fait ensuite s’exprimer les remarques
et les propositions des autres groupes. Puis il fait formuler les règles géné-
rales du calcul utilisé. Il prendra la meilleure des formules proposées.

 Votre travail en ce qui concerne cette première partie

1. Analyse de chacune des méthodes pédagogiques ci-dessus, en préci-


sant :
– la conception générale de la pédagogie dont elle s’inspire ;
– le type d’activité de l’instructeur et des « élèves » ;
– les résultats pédagogiques à espérer ;
– le temps exigé ;
– ses avantages et ses inconvénients.
2. Comparaison des méthodes.
3. Réflexion sur les conditions de généralisation éventuelle (autrement
dit : y a-t-il des cas où telle de ces méthodes sera plus à recommander que
telle autre ? et lesquels ?).

Deuxième partie
Après avoir répondu aux questions ci-dessus, les groupes sont réunis
en grand groupe et les rapports sont confrontés et complétés les uns par
les autres au cours d’une séance courte où l’animateur n’a à intervenir
que comme régulateur du temps et de la participation.
Puis il annonce la deuxième partie de l’exercice en ces termes :
« Les groupes de travail, avec la même composition interne que pré-
cédemment, disposent maintenant d’environ deux heures, chacun dans
sa salle, pour mettre sur pied un projet écrit dont le thème est le suivant :
en prenant pour base l’enseignement d’une loi ou d’un principe clé de
la spécialité professionnelle de la majorité du groupe de travail (ici il
nomme ces spécialités puisque les groupes les ont mentionnées en se
formant dès le début de cet exercice), rédigez les quatre manières de

172
Methodes_actives4:coll FP 6/07/12 10:03 Page 173

Exercice 5

l’enseigner, en vous réglant sur les conclusions du rapport qui vient d’être
fait et sur le modèle des leçons dont vous avez lu le texte dans la première
partie du travail. C’est ici que « le poète » a une fonction régulatrice et
doit multiplier les feed-backs ; en effet, s’il ne comprend pas, c’est que
vous avez oublié de programmer une tranche d’information. »
Les groupes se mettent alors en place pour la deuxième partie de cet
exercice. Après deux heures environ de travail en auto-organisation (ils
prennent les temps de pause qu’ils veulent), les groupes se retrouveront
ensemble pour exposer et confronter les difficultés qu’ils ont rencontrées
dans l’exécution de leur tâche.
La synthèse-bilan sera faite par l’animateur qui aura reporté sur le
tableau, par catégories, les difficultés exprimées.
Le groupe cherchera ensuite, au cours d’une discussion générale, les
moyens de surmonter les difficultés.
Les rapports de chaque groupe, comportant l’intégralité de leur pro-
jet de « 4 méthodes pour enseigner la même chose » seront in extenso
dans le compte rendu de session, ainsi que les points essentiels de la dis-
cussion de synthèse.
En exercice individuel, le sujet en auto-formation devra faire le même
travail en se mettant imaginairement dans la situation d’un formateur qui
aurait à enseigner un point clé de sa spécialité. Il faut prévoir ici 4 ou
5 heures de travail (les dessins de maquettes, s’il y en a devront être faits
avec soin et avec l’idée de leur utilisation pratique réelle).

Corrigé page 192

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6 EXERCICE
EXERCICE

Motiver un groupe

Cet exercice est collectif ; il ne peut donc se faire qu’en TP de


Psychologie sociale ou en session de formation.
L’exercice est tiré du Common Target Game de Leavitt. Il est exposé et
utilisé également dans le fascicule Le travail en équipe avec plus de détails
quant aux méthodes de résolution imaginées par les équipes.
Le but de l’exercice est de montrer comment on peut « motiver » arti-
ficiellement un groupe. Il permettra aussi de réfléchir sur la notion de
« motivation » et sur la manipulation des motivations, opération pédago-
gique normale et essentielle puisqu’il est admis que le pédagogue doit
savoir « motiver » ses élèves pour obtenir d’eux un travail, des efforts
d’apprentissage et le plein emploi de leurs possibilités.
Matériel de l’exercice : 5 jeux de 10 cartons-bristol 10 × 15 cm com-
portant des chiffres de 0 à 9, écrits en gros traits.
On présentera l’expérience comme un exercice d’auto-organisation
d’un groupe dans le cadre d’une division du travail en vue d’une réussite
groupale dans une tâche donnée. « Si l’on donne une tâche quelconque
à un petit groupe », commentera l’animateur, « il est nécessaire que le
groupe s’organise en vue de réussir la tâche de son mieux, mais cette
organisation ne se fait ni vite ni facilement, et il n’est pas certain que,
dans tous les cas, le groupe soit suffisamment motivé par la tâche pour
dépasser les difficultés socio-affectives internes, les conflits de leadership,
etc. Ce sont ces problèmes d’auto-organisation qu’il va s’agir de percevoir
et de formuler à l’occasion d’une expérience qui comporte un thème de
jeu, et que Leavitt, son créateur, a appelée « le jeu du but commun. »

© Roger Mucchielli, Les Méthodes actives dans la pédagogie des adultes, ESF éditeur, 2012.

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Exercice 6

 Phase 1

L’animateur prévient qu’il va tirer au sort 5 participants qui seront les


joueurs. Les autres, dit-il, sont en position de « public » et vont donc
regarder jouer les autres. L’animateur effectue le tirage au sort et se pré-
pare à expliquer les règles du jeu aux 5 joueurs (s’adressant à eux en pré-
sence du groupe-public).
Mur

Animateur

groupe des spectateurs

Il dispose 5 petites tables et 5 sièges en arc de cercle du côté d’un des


murs de la salle, selon ce schéma, et il dit aux joueurs (qui sont à ce
moment-là avec le groupe et pas encore « en place ») :
« Vous allez, tout à l’heure, rejoindre chacun une de ces chaises, tour-
nant ainsi le dos au public et à moi. Vous aurez devant vous, sur la table,
les cartons que voici ; chacun porte un chiffre, de 0 à 9. Vous devez éviter
de regarder vos voisins. » (Le dispositif doit être assez espacé pour que
cela soit impossible.) « L’exercice se déroulera en 3 parties minimum,
5 maximum. La première partie comporte 8 essais qui, chacun, consistent
en ceci : je dis tout haut un nombre. Vous devez choisir un de vos cartons
et, à mon signal qui sera « Jouez ! », vous lèverez le carton choisi au-dessus
de votre tête de telle façon que le chiffre qu’il porte soit seulement visible
pour moi et le public. La somme des chiffres des 5 cartons doit faire le
nombre que j’ai demandé. Nous allons faire tout à l’heure une répéti-
tion. » (L’animateur répond – en répétant certains détails de ces consi-
gnes – aux éventuelles questions à ce moment-là.)
« Dans la partie « essais », vous ne devez pas vous concerter et vous
jouerez ce qui, selon votre plus grand degré de certitude intime, doit per-
mettre au groupe de faire le total voulu, par la somme des chiffres que
vous nous aurez montrés. Dans la deuxième partie, vous vous concerterez
sur une tactique commune.
« Dans une troisième partie, vous rejouerez au même jeu. Avez-vous
d’autres questions à poser ?… »
L’animateur précise la règle à ceux qui le désirent. L’essentiel est d’évi-
ter toute concertation des joueurs à cette phase. Il suffira de leur dire :
« Vous aurez justement à vous concerter après les essais ».
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Mettre en pratique

 Phase 2

Répétition préparatoire. Les 5 joueurs étant installés de façon très


individualisée, l’animateur, debout au milieu du public, dit : je vais
demander un nombre mais vous ne lèverez vos cartons vers moi qu’au
signal « Jouez ! »… (silence).
(D’une voix changée) : « Je demande 20… (5 secondes). Jouez ! ».
Normalement, les joueurs étant immobiles et de dos, seuls 5 bras doivent se
lever, présentant au public 5 chiffres visibles. L’animateur fait le total et
annonce : « Total 20. C’est juste! Baissez les cartons… (silence). On recom-
mence… Total 45… Juste… Baissez les cartons… Bon, nous allons passer
aux 6 premiers essais ». (Être sûr que la règle a été comprise; si les totaux
sont autres que 20 et 45 ou si quelque chose n’a pas marché faute d’assimila-
tion de la règle, l’animateur proposera d’autres « coups blancs » en deman-
dant « 10 » ou « 15 » (toujours un multiple de 5 dans cette répétition).

 Phase 3

L’animateur annonce solennellement le début de la première partie


de 8 essais consécutifs. Et le jeu se déroule…
Exemple :
– « Premier essai »…. « Je demande 21 »… « Jouez ! »… « Total 24,
faux ! »…. « Baissez les cartons ».
– « Deuxième essai »… « Je demande 43 »… « Jouez ! »… « Total 37,
faux ! »… « Baissez les cartons ».
– Etc., chiffres à demander : 21, 43, 12, 4, 19, 33, 8, 37.
L’animateur veille à ce que les joueurs jouent sans se regarder et sans
essayer de voir, à l’avance ou après, les chiffres joués par leurs coéqui-
piers. Il n’empêchera pas, au contraire, les rires et quolibets éventuels du
public immédiatement après les erreurs du groupe. Le silence doit être
total, par contre, quand l’animateur parle aux joueurs. De plus, l’anima-
teur tiendra (ou fera tenir) un relevé exact de chaque essai avec nombre
demandé, chiffres vus, total des chiffres vus, résultat bon ou faux.
Cette partie se termine par un bilan de l’animateur qui rappelle le
détail des 8 essais tel qu’il est sur son relevé.

 Phase 4

L’animateur dit aux joueurs qu’ils disposent du temps qu’ils veulent pour
se concerter, et de la manière qu’ils veulent, après quoi on rejouera 8 fois.
Il faudra faire signe très rapidement aux spectateurs de faire silence et
d’observer l’équipe de jeu. L’animateur lui-même observera très attenti-

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Exercice 6

vement, car c’est là le moment unique et essentiel d’où seront tirés les
éléments de l’exploitation finale de l’exercice.
En général, l’équipe se met très rapidement en rond, et le débat d’or-
ganisation se fait activement à voix basse. Parfois deux leaders se déga-
gent, se disputent pendant un moment, s’entendent très vite, et toujours
le groupe adopte une méthode dont les prévisions vont quelquefois très
loin.

 Phase 5

Lorsque les joueurs se déclarent prêts pour une nouvelle série, même
processus qu’en phase 3.
Exemples de nombres à demander : 22, 7, 14, 26, 2, 41, 3, 38. « Fin de
l’exercice. » Pratiquement, le succès du groupe est toujours complet.
On prévoira une pause de 10 minutes après la phase 5, lorsqu’elle a
été un succès. Si par hasard l’animateur remarque une frustration des
joueurs dans l’échec, il refera la phase 4 et la phase 5, avec d’autres chif-
fres au hasard non multiples de 5.

 Phase 6

Exploitation de l’exercice. L’animateur remercie les joueurs et expose


le but face au groupe entier.
« Nous devons maintenant oublier le contenu, cesser de nous exciter
sur la tactique efficace pour gagner à ce jeu, et nous orienter sur le thème
de la session. À l’occasion du jeu mais maintenant loin de lui, le but est
de réfléchir sur la motivation.
« Nos coéquipiers nous ont montré qu’ils étaient à un moment donné
“motivés” pour organiser le groupe. Comment cela a-t-il été obtenu ?
Comment l’ont-ils réalisé ? Comment sont-ils devenus une équipe à partir
d’un tirage au sort des membres ? Que signifie être motivé ? Par quels
états intérieurs et par quels comportements cela se traduit-il ? »
L’animateur interviewe le groupe et reclasse, au tableau, selon ces
5 rubriques, les trouvailles des participants. Il fait, à la fin, une synthèse
orientée vers « la pédagogie comme art de motiver ».

Cet exercice ne comporte pas de corrigé.

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7 EXERCICE
EXERCICE

Apprentissage et créativité

Chaque partie de cet exercice propose une façon différente d’aborder


la créativité, soit en la rapprochant de l’apprentissage, soit en analysant le
déroulement d’un cheminement mental.
Première partie
Le problème sur lequel vous êtes invités à réfléchir est celui-ci : on
oppose souvent instruction par dressage ou répétitions,… et éducation de
l’initiative ou de la spontanéité. 1) Doit-on opposer ces pédagogies ?
2) Comment enseigner la spontanéité, voire la créativité ?
Exercice individuel ou de groupe. Dans le second cas, on posera ces
questions par écrit à des petits groupes en auto-organisation, chargés de
produire en 1 heure ou 1 h 15 de réunion-discussion, un rapport en
réponse aux questions posées.
Si ces discussions s’annoncent laborieuses ou si la motivation des grou-
pes est faible, la réflexion, individuelle ou groupale, prendra appui sur le
texte suivant, de J.L. Moreno, extrait de Fondements de la Sociométrie
(livre IV, ch. 5, trad. fr. p. 315).
 Méthodes d’apprentissage

« Comme exemple d’apprentissage qui se propose un but déterminé, on


peut citer les exercices militaires… Le sujet est méticuleusement exercé par
de multiples répétitions à se comporter d’une façon précise dans des situa-
tions spéciales car on suppose que plus il aura répété l’exercice, mieux il
saura répondre avec exactitude à une situation spécifique; ce type d’appren-
tissage est analogue à celui de l’acteur qui apprend son rôle par cœur. Le
sujet ainsi entraîné peut accomplir sa tâche déterminée avec la plus grande
précision, mais, en revanche, il peut manquer d’initiative devant une autre
tâche qui s’impose inopinément à lui. S’il se produit une situation nouvelle à
quoi ne répond aucune expérience spontanée chez le sujet, celui-ci peut

© Roger Mucchielli, Les Méthodes actives dans la pédagogie des adultes, ESF éditeur, 2012.

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Exercice 7

être désemparé et paralysé par les mécanismes mêmes qu’il a appris à faire
jouer. Or, il aurait pu être préparé en vue de n’importe quelle situation, pos-
sible ou non, et pas seulement en vue de quelques situations spécifiques.
Mais ce changement de perspective n’implique rien moins qu’une transfor-
mation radicale de la philosophie et de la technique de l’apprentissage. Il
nous faudrait alors exercer la spontanéité 1 du soldat au lieu de l’entraîner à
réagir par des actes précis à telle ou telle situation… Ces traits (initiative et
spontanéité) peuvent constituer un désavantage et aboutir à un comporte-
ment désorganisé si on ne les comprend pas dans un vaste système de
référence… L’objectif serait alors de rendre (l’individu) capable d’agir
convenablement et rapidement sous l’inspiration du moment; préserver et
accroître sa plasticité apparaît alors comme plus important que lui appren-
dre à réagir avec précision à quelques situations déterminées…
Le transfert 2 d’un apprentissage particulier à un autre est d’autant
plus difficile qu’on aura moins permis à la plasticité de se développer
entre les divers domaines de l’apprentissage. La première tâche de celui
qui veut entraîner sa spontanéité est de s’exercer à un transfert facile et
en même temps d’apprendre à le bien intégrer dans une action discipli-
née. Il faut savoir établir une juste proportion entre ces deux aspects de
l’apprentissage de la spontanéité…
D’autre part, le soldat est souvent soumis à un surentraînement qui
apparaît comme un moyen sûr d’éviter les faux-pas ou d’être victime du
trac. Mais un « sous-entraînement » peut aussi être utile pour l’apprentis-
sage de la spontanéité. Le sujet surentraîné a besoin de s’accrocher à un
modèle culturel stéréotypé, le sujet sous-entraîné peut compter sur sa
spontanéité pour réussir dans la vie. »
 Votre commentaire
........................................................
Deuxième partie
(Exercice individuel). Cherchez à réunir des biographies d’inventeurs
célèbres et quelques récits de découvertes de genres variés (vous trouverez, à
défaut, dans l’ouvrage de Bize, Goguelin et Carpentier, Le penser efficace,
1966, Éditions SEDES, 5, place de la Sorbonne, Paris, tome 1, p. 158-164, 8
ou 9 résumés de découvertes). Analyser le cheminement mental du cher-
cheur dans ces découvertes. Quels points communs pouvez-vous retrouver?
Comment définiriez-vous la créativité d’après ces observations?
Corrigé page 194

1. Dans un autre passage (Livre I, ch. 1, intitulé Doctrine de la spontanéité-Créativité) Moreno a écrit que « la spontanéité
et créativité sont fonction l’une de l’autre ». Pratiquement ici ce mot signifie « initiative pour faire face avec efficacité à
des situations nouvelles ».
2. On prévoira ici une note précisant le sens pédagogique de ce mot, à l’aide de la définition donnée dans le lexique du
présent ouvrage.
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8 EXERCICE
EXERCICE

Une expérience
de non-directivité

Cet exercice est individuel. Il pourra cependant être donné, en ses-


sion, à des petits groupes auto-organisés de 5 stagiaires disposant du texte
ronéoté et de 1 h 15 ou 1 h 30 (avec rapport).
Votre travail consiste à prendre connaissance du compte rendu ci-
dessous, puis à répondre aux questions.
Ce compte rendu est fait par Max Pagès racontant 1 sa première expé-
rience de pédagogie non-directive en tant que participant.

1. Récit d’une expérience


de pédagogie non directive
« Nous étions quatorze étudiants en fin d’études à un cours de psycho-
thérapie donné par Carl Rogers à l’Université de Chicago.
« Nous nous assîmes tout autour d’une salle assez petite après avoir été
accueillis par Rogers (que chacun d’entre nous avait déjà rencontré indivi-
duellement). Rogers s’assit au milieu de nous et nous invita à nous présen-
ter. Chacun le fit brièvement et je me rappelle, en ce qui me concerne, avec
une grande anxiété. Puis Rogers prit la parole très brièvement pour indi-
quer un certain nombre de moyens qui étaient à notre disposition, si nous le
désirions, pour nous aider dans notre travail : des listes bibliographiques, la
participation comme observateur ou thérapeute-adjoint à des séances de
psychothérapie de groupe, l’étude d’un matériel enregistré, le travail avec
des instructeurs, dont lui-même, qui appartenaient à l’état-major de la

1. Dans L’orientation non directive (Dunod 1965), chapitre intitulé : « L’enseignement-centré-sur-l’étudiant ».

© Roger Mucchielli, Les Méthodes actives dans la pédagogie des adultes, ESF éditeur, 2012.

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Exercice 8

clinique de l’université… Puis il se tut, ayant clairement indiqué par son ton
qu’il n’avait pas d’autres indications à nous donner.
« Je me souviens encore du sentiment d’intense excitation avec lequel je
quittai cette séance : le contact avec une attitude non directive vécue fut un
choc extraordinaire. Le fait de découvrir qu’une attitude exactement confor-
me à celle qui était décrite dans les ouvrages de Rogers pouvait être appli-
quée en fait, à la fois m’enthousiasma et me rendit anxieux. Jusqu’alors, au
fond, je n’avais pas vraiment cru qu’une telle attitude fût possible.
« Des autres séances, une douzaine au total, je garde l’impression
générale suivante : une grande confusion des échanges, de nombreuses
tensions et rivalités internes sous-jacentes ; Rogers intervenait dans l’en-
semble ni plus ni moins fréquemment que les autres et tout à fait sur le
même plan, contribuant à la discussion librement et semblant n’avoir
rigoureusement aucun souci au sujet de la conduite d’ensemble de notre
travail. Il semblait satisfait du point qui venait en discussion au moment
présent, quel qu’il fût. Mon état d’esprit personnel resta pendant toute la
session caractérisé par un mélange d’étonnement, de tension, et, par-
dessous, de satisfaction et de bien-être. L’effet de ce « cours » sur moi ne se
situe certainement pas au niveau du contenu de la discussion (à l’exception
de quelques fragments qui me frappèrent d’une manière d’ailleurs très
durable); il n’est pas non plus celui d’une psychothérapie ou d’un groupe
de formation (groupe de base), car nos attitudes collectives et individuelles
ne furent pas explicitées et ce n’est pas à ce niveau que nous travaillâmes. Il
fut plutôt celui d’une « démonstration » extrêmement puissante, d’un
contact avec une réalité humaine nouvelle : l’attitude non directive, qui,
par sa présence dans mon expérience, initiait et stimulait un intense travail
de réorganisation cognitive et affective. »

2. Votre travail
1. Analyser la situation psychologique telle qu’elle est vécue par le nar-
rateur (jeune assistant de psychologie dans une université, en forma-
tion-perfectionnement aux USA).
2. Quelle est la relation entre cette situation psychologique person-
nelle et les significations pédagogiques que le narrateur donne à son
expérience ?
3. Quelles sont les hypothèses pédagogiques sur lesquelles est fondée
cette méthode dite de « l’enseignement-centré-sur-l’étudiant » ?
4. Quels sont les domaines d’utilisation et les limites éventuelles de
l’emploi d’une telle pédagogie ?
Corrigé page 195

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9 EXERCICE
EXERCICE

Une étude de cas

Cette étude de cas ne peut être faite qu’en TP de groupe ou en ses-


sion. Le groupe sera divisé en petits groupes de 7 à 8 participants. Le cas
écrit sera remis aux participants

1. Tension au centre de perfectionnement


Le centre de perfectionnement et d’application des industries chi-
miques, à X…, est un centre inter-industries semi-public mixte compre-
nant d’une part une division Recherches qui travaille en liaison avec le
CNRS, d’autre part une Division Enseignement ouverte à des stagiaires
déjà ingénieurs-chimistes titulaires d’une licence universitaire de chimie
qui viennent y chercher un brevet de spécialité, lequel leur assurera des
débouchés sûrs dans des industries particulières telles les industries phar-
maceutiques ou agronomiques.
Ce centre était dirigé à l’époque dont nous parlons (1965-1966) par
M. Cardy, homme au passé éminent, membre correspondant de
l’Académie des Sciences, ancien directeur de l’Institut agronomique,
devenu, en vieillissant (il avait 68 ans), autoritaire et rigide. Il était
secondé par deux directeurs adjoints, M. Kossowski et M. Benacri ; le pre-
mier (du genre du professeur Cosinus), était spécialement chargé de la
division recherches, l’autre de la division enseignement, et celui-ci était
« à la botte » du directeur général, avec une mentalité d’adjudant.
D’après un règlement du centre, tous les chercheurs de la division
recherches pouvaient, selon les besoins, être affectés à un enseignement,
et ce temps d’enseignement (3 heures par semaine pendant un semestre)

1. Dans L’orientation non directive (Dunod 1965), chapitre intitulé : « L’enseignement-centré-sur-l’étudiant ».

© Roger Mucchielli, Les Méthodes actives dans la pédagogie des adultes, ESF éditeur, 2012.

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Exercice 9

les dégageait pour le même délai, de leurs laboratoires et les mettait sous
les ordres de M. Benacri. La désignation, chaque début d’année universi-
taire, des chercheurs « arrachés » à la section recherches pour les besoins
de l’enseignement, était l’occasion de débats épiques, M. Kossowski
défendant ses chercheurs toujours « sur le chemin de découvertes sensa-
tionnelles » et M. Benacri manquant toujours de personnel enseignant.
Le directeur Cardy imposait régulièrement à M. Kossowski les exigences
de M. Benacri qui semblait jeter son dévolu à plaisir sur les plus chers pro-
tégés de Kossowski. Dans l’ambiance des sections recherches, le temps
d’enseignement était considéré par les chercheurs comme une perte de
temps, une frustration et une humiliation.
C’est dans ces conditions que, en février 1966, M. Igor Zilov, brillant
chercheur de 28 ans, auteur d’un doctorat très remarqué sur la vitamine
B 15 promise à un glorieux avenir, fut désigné pour assurer le cours
semestriel sur les vitamines de synthèse dans la section chimie pharmaco-
logique de la division enseignement. Ses élèves, au nombre de dix-huit,
étaient en principe biochimistes et suivaient par ailleurs quinze autres
heures de cours par semaine. Parmi ceux-ci, cinq stagiaires sont des bour-
siers venus de l’étranger. Chez les treize autres, un stagiaire plus âgé que
tous, grand type chevelu et anarchiste de 30 ans, Ludovic Alonze. C’est lui
qui donna tout de suite au jeune professeur le surnom de Zizi, ce que le
professeur lui rendit assez vite en l’appelant systématiquement « la
Marseillaise » à cause de l’assonance de son nom (« Allons-enfants-de-la-
patrie »). Car le professeur Igor Zilov se montrait d’une ironie caustique
qui n’avait d’égal que le niveau scientifique de son cours et ses exigences
concernant le travail personnel de ses étudiants. Écrivant à grande vitesse
au tableau des problèmes de biochimie largement au-dessus du niveau
réel de ses auditeurs, Igor Zilov prenait une sorte de plaisir méchant à
leur démontrer leur nullité et à les railler sans pitié.
Ceux des stagiaires qui avaient voulu protester ou lui tenir tête avaient
renoncé devant ses réponses ironiques aussi fulgurantes que spirituelles
qui les ridiculisaient à tous les coups.
Certains – dont les cinq étrangers – avaient été se plaindre à M. Benacri
qui les avait envoyés à M. Cardy, lequel les avait menacés de suppression de
bourse ou de renvoi sans tarder dans leur pays d’origine. Ceci dès
mars 1966. Zilov se taille donc assez rapidement une réputation de
« sadique » parmi l’ensemble des stagiaires du centre qui l’associent, dans
leur hostilité, à la « peau de vache » qu’est, disent-ils, le directeur général.
Le 15 mai 1966, époque du contrôle des connaissances en vue du
diplôme de spécialité, la chimie pharmacologique est tirée au sort comme
matière d’examen (d’après le règlement de l’école, deux des cours sur cinq
étaient tirés au sort par section, huit jours avant les épreuves – uniquement

183
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Mettre en pratique

écrites – et il fallait la moyenne dans ces seules deux épreuves pour avoir le
diplôme). Aussitôt connus les résultats du tirage au sort, les dix-huit élèves
de biochimie, menés par Alonze et les cinq étrangers, entrent en grande
effervescence, ameutent les quatre-vingts stagiaires des autres divisions et,
après trois jours de grand chambardement et de multiples assemblées
communes, la grève générale des cours est décidée ainsi que le boycott de
l’examen et l’occupation des locaux administratifs « jusqu’à ce que soit
annulé le pseudo-tirage au sort fabriqué par Zilov-Cardy ».
Igor Zilov disparaît dans son laboratoire dès le 16 mai. Quelques pro-
fesseurs sont à tout instant les jours suivants dans le bureau de Benacri,
venant aux nouvelles timidement ; d’autres enseignants restent chez eux.
Quatre jeunes enseignants extrémistes soutiennent les « revendications »
des stagiaires et les incitent à la violence. La division des Recherches se
considère « hors du coup » et rien n’y bouge. Kossowski est invisible. Le
19 au soir, « l’invasion » à laquelle Cardy ne « croyait pas » jusque-là, appa-
raît réellement comme imminente. Benacri rend compte, se met aux
ordres de Cardy et lui demande ce qu’il doit faire.

2. Travail en groupe
Chaque groupe est pris en charge par un animateur au courant de la
conduite de la discussion avec cette méthode active (exposée avec les
modes d’entraînement individuel des animateurs, dans l’ouvrage La
méthode des cas).

Corrigé page 196

184
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EXERCICE 10

EXERCICE
Un questionnaire
docimologique

Cet exercice peut s’effectuer en individuel ou en groupe


La docimologie est l’étude des conditions et des méthodes du contrôle
objectif des acquisitions intellectuelles. « Objectif », c’est-à-dire débarrassé
des variables qui rendent discutables tous les examens traditionnels écrits et
oraux (différent degré de sévérité des professeurs, notation par référence
relative aux autres, inadéquation des questions et du programme, des ques-
tions et du niveau réel, non-comparativité des résultats selon les heures, les
jurys, les humeurs des correcteurs, les formations, etc.).
La mise au point d’un questionnaire docimologique prend du temps
et exige des précautions. En revanche, le dépouillement est rapide et
automatique, les résultats peuvent être rendus immédiatement.
Vous lirez ci-dessous un projet de questionnaire docimologique por-
tant sur le programme des exposés du présent ouvrage.
Vous devez :
1. Remplir les questionnaires comme si vous passiez l’examen.
2. Pratiquer votre auto-évaluation à l’aide de la grille des réponses
(dans les corrigés, p. 197).
3. Dire d’après cet examen quelles sont les caractéristiques formelles
d’un questionnaire docimologique.
4. Découvrir quelles sont les opérations de validation qui restent à
effectuer pour que ce projet puisse devenir un questionnaire définitif
valable.

© Roger Mucchielli, Les Méthodes actives dans la pédagogie des adultes, ESF éditeur, 2012.

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Mettre en pratique

Questionnaire

Pour garantir la productivité : Oui Non Je ne sais pas

1. À votre avis, « cadre de référence » et « répertoire » sont-ils des


concepts synonymes ? (cochez la case correspondant à votre
réponse).

2. Peut-on considérer la surdité du récepteur comme un « bruit »


au sens de la théorie des communications ?

3. En dehors des 3 concepts ci-dessus (cadre de référence, répertoire, bruit), énumérez sim-
plement tous les concepts spécifiques utilisés, dont vous vous souvenez après les exposés
sur les problèmes pédagogiques.
...............................................................................
...............................................................................

4. Le feed-back pédagogique est-il, selon vous :


 une information verbale ou paraverbale dans le sens enseigné-enseignant ?
 une réaction immédiate de l’enseignant à la réponse ou l’action-réponse de l’enseigné ?

5. L’expression « learning by doing » évoque-t-elle pour vous ?


 Le philosophe-pédagogue John Dewey ?
 L’ergologiste-pédagogue Alfred Carrard ?
 Tout exercice pratique d’application d’une connaissance ?
 La résolution méthodique et personnelle d’un problème pour lequel on n’a a priori ni
solution ni informations ?
 L’apprentissage « sur le tas » sous la direction d’un moniteur ?

6. Parmi les 8 principes suivants, quels sont les 4 qui constituent les bases théoriques de l’en-
seignement programmé tel qu’il est réalisé dans les machines à enseigner type Skinner ?
 L’information est fournie par fragments successifs ordonnés, chaque fragment étant aussi
simple que possible (en quantité d’information).
 L’ordre pédagogique n’a rien à voir avec l’ordre logique interne propre à la matière ensei-
gnée.
 Il existe un échange continuel entre l’émetteur (le programme) et l’élève, ce qui exige une
activité continue de l’élève.
 La tranche d’information présentée se termine obligatoirement par une interrogation.
 L’action-réponse de l’élève doit nécessairement être correcte, ce qui exige une mise en
forme de l’information, telle que l’erreur dans la réponse ne soit pas possible.
 La répétition systématique est le facteur fondamental du conditionnement.
 Le renforcement de la bonne réponse doit être immédiat.
 La quantité brute du renforcement est secondaire (accessoire). Le renforcement peut être
petit mais doit être appliqué sans délai.

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Exercice 10

7. Situez les types d’action pédagogique suivants sur un continuum allant du pôle intégralement
passif-réceptif-individuel (pôle P) au pôle actif-inventif-groupal (pôle A). Pour cela, reportez
sur la ligne continue ci-dessous (à la place que vous leur assignez), les 7 chiffres correspon-
dant aux 7 types d’action pédagogique numérotés.
Pôle P Pôle A
 Faire apprendre par cœur le résumé d’une leçon et en vérifier la mémorisation.
 Surveiller les tâtonnements d’un jeune soldat chargé de découvrir tout seul comment
démonter une arme, et lui demander ensuite (quand on est l’instructeur) de codifier le
meilleur système.
 Donner à un groupe de 5 stagiaires volontaires un rapport à rédiger sur une question non
connue.
 Utiliser la machine à enseigner (ou faire comme cette machine) pour enseigner à un petit
groupe d’élèves une tranche de programme.
Faire un exposé clair ex cathedra sur une question du programme devant un groupe qui
est invité à prendre des notes.
Conduire une étude de cas avec un groupe de 7 à 8 stagiaires.
Procéder à des interrogations de sondage de la compréhension, après un cours fait
devant une classe.
8. La « motivation » est-elle ? (cochez la case correspondant à votre réponse)
 Un motif présenté comme justification d’une action personnelle ?
 Un déterminant irrationnel du comportement ?
 Un réflexe de vigilance et d’attention à l’égard d’un excitant extérieur ?

9. La clarté et l’intelligibilité aisée d’un exposé sont-elles à votre avis source de « motivation »
chez les auditeurs ?
   
Oui Non Cela dépend Je ne sais pas

10. Voici 3 formules concernant l’erreur du point de vue pédagogique et, en dessous, 3 noms
d’auteurs, noms numérotés. Veuillez mettre le numéro correspondant à l’auteur de la formule
dans la case qui précède cette formule :
 L’erreur est à éviter parce que de toute façon elle est mémorisée, surtout si elle est souli-
gnée pour être corrigée.
 L’erreur permet de repérer les lacunes de l’information donnée, et seule offre, par analyse
systématique de ses conditions de possibilité, le moyen de combler la lacune ainsi révélée.
 L’erreur est un moment inévitable du tâtonnement expérientiel à la découverte de la solu-
tion. L’apprentissage authentique se fait par essais et erreurs.
1 – Thorndike 2 – Skinner 3 – Crowder

11. Alfred Carrard dit que sa méthode est active. L’est-elle ?


  
Oui Non Je ne sais pas

12. Le dispositif spatial de la classe ou du séminaire a-t-il, selon vous, une action inductive a
priori sur la méthode pédagogique de l’enseignant ?
  
Oui Non Je ne sais pas

NB – L’ordre des réponses sur la feuille de corrigé est inverse de l’ordre des questions. La réponse
1 concerne donc la question 12, la réponse 2 la question 11 et ainsi de suite.

Corrigé page 197

187
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CORRIGÉS

CORRIGÉS
Corrigé de l’exercice 2
 Question 1

Quelles conclusions tirer de l’expérience 1 au niveau de la pédagogie générale ?


Quatre lois se dégagent :
1) les félicitations de la part des enseignants (en situation générale
d’intérêt des individus pour leurs performances scolaires), constituent
une stimulation efficace et constante (pas de saturation, les progrès
sont réguliers) ;
2) dans la même situation générale, le blâme constitue une stimulation
efficace mais d’effet moins durable ;
3) pour les sujets témoins de la louange ou du blâme des autres, lors-
qu’ils sont attelés au même travail, la stimulation a lieu mais elle est fai-
ble et de durée encore plus courte ; 4) L’absence totale d’information
sur les résultats, de point de comparaison et de stimulation, entraîne
une baisse progressive des performances.

 Question 2

Quelles conclusions tirer de l’expérience 2 au niveau de la pédagogie générale ?


Trois lois se dégagent :
1) la compétition interindividuelle est un facteur puissant de motiva-
tion et d’accroissement des performances dans l’ensemble de la
« population » concernée ;
2) la « culture » de l’esprit compétitif par un système pédagogique
fondé sur la rivalité finit par engendrer, au niveau socio-affectif, des
tensions pathogènes ;
3) l’émulation interindividuelle est, en valeur absolue, plus motivante que
la compétition entre équipes, et celle-ci, si elle est exploitée pédagogique-
ment, doit être soutenue et effective pour aboutir à des progrès réels.

189
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Mettre en pratique

 Question 3

Y a-t-il des lois pédagogiques générales qui se dégagent de la confrontation des


réponses aux deux questions précédentes ?
Oui.
1) L’absence d’information d’une part sur les résultats des efforts per-
sonnels, d’autre part sur la valeur relative de ces résultats par rapport à
ceux d’autres similaires, produit une tendance à la démission par
impossibilité de situer ces résultats sur une échelle de valeurs admises
par l’individu, et par impossibilité pour l’individu de se situer soi-
même par rapport aux autres ;
2) la connaissance de la valeur des résultats personnels obtenus et la
connaissance de soi par comparaison, sont des motivations de l’effort
personnel ;
3) l’esprit d’équipe, dans un climat compétitif entre équipes, est une
motivation des efforts personnels ; 4) l’émulation, la rivalité, l’esprit de
compétition, au niveau individuel et de groupes ont des effets positifs
sur les efforts et les résultats individuels mais jusqu’à un certain point,
au-delà duquel ces attitudes engendrent des effets nocifs.
 Question 4

Ces lois sont-elles valables en pédagogie des adultes, et à quelles conditions ?


Lois valables en pédagogie des adultes à condition que :
1) les stagiaires soient motivés par le travail demandé ;
2) que la relation avec les moniteurs soit positive ;
3) que les buts réels de l’exercice ne soient pas soupçonnés.

Corrigé de l’exercice 4
 Question 1

Dans les 2 cas, l’instructeur utilise une méthode interrogative. Quelles différences
voyez-vous entre elles cependant, du point de vue :
a) de la situation globale d’interrogation ;
b) des attitudes du moniteur ;
c) de la méthode utilisée ;
d) des acquisitions de « l’élève » ?
a. Les situations sont très différentes : en 1, il s’agit d’un interrogatoire
d’examen, comme l’indiquent le chapeau du texte et la désignation
des partenaires (professeur, candidat) ; en 2, il s’agit d’une leçon, d’un
enseignement.

190
Methodes_actives4:coll FP 6/07/12 10:03 Page 191

Corrigés

b. En 1, le professeur tout en ayant apparemment une attitude rassu-


rante cherche à faire dire quelque chose à l’élève et par là le met en
difficulté et sous tension extrême ; il le harcèle pour lui tirer une
réponse qu’il attend visiblement. En 2, l’instructeur ne demande rien
que l’élève ne puisse tirer de ce qui vient de lui être dit ; l’instructeur

CORRIGÉS
s’assure plutôt de la compréhension.
c. Les méthodes procèdent toutes deux par interrogation. En 1 l’inter-
rogation est un interrogatoire, une mise à l’épreuve d’un savoir sup-
posé acquis antérieurement. En 2, l’interrogation est la vérification
immédiate de l’information qui vient d’être donnée. En 1, le profes-
seur ne donne pas d’information, sauf une fois une information per-
turbante !
d. Les acquisitions au cours du texte 1 sont nulles et mêmes négatives
puisque son savoir est finalement mis en doute par le candidat lui-
même qui comprend de moins en moins. En 2, l’élève a appris beau-
coup de notions nouvelles en peu de temps. En 1, l’erreur est induite.
En 2, l’erreur est systématiquement évitée.

 Question 2

Analyser la dynamique des 2 situations (interactions entre l’inducteur et l’in-


duit) et ses résultats.
 Dynamique de la situation 1. Affolement perceptible du candidat qui
reste muet après une question-surprise. L’examinateur le rassure et le can-
didat dit ce qu’il sait. Il est alors renforcé trois fois de suite. Le professeur
donne ensuite une information tendancieuse qui utilise le mot « des-
cendu » au sens figuré, et cette information bouleverse ou inquiète le can-
didat qui reste muet. Le professeur oblige le candidat à sortir de son
mutisme par une question très banale et pose de nouveau sa question-
piège. Le candidat, s’accrochant aux réponses précédemment renforcées
et donc sûres, les répète et en déduit d’autres réponses justes.
L’examinateur revient sans cesse à la charge et après une question brutale
obtient une réponse qui est le signe de la désorientation complète du can-
didat. Celui-ci dit ce que, croit-il, on veut lui faire dire. L’examinateur
conclut que le candidat ne comprend rien.
 Dynamique de la situation 2. La petite quantité d’information avant
chaque question, le renforcement immédiat de la bonne réponse, la pro-
grammation lente de la leçon, donnent à l’interrogation un sens diffé-
rent, celui de tenir en alerte l’attention et l’intérêt. L’instructeur induit la
bonne réponse à chaque coup mais c’est l’élève qui doit la construire.
Le résultat en 1 est un doute et un blocage ; en 2 une confiance en soi
répondant à une patiente information.

191
Methodes_actives4:coll FP 6/07/12 10:03 Page 192

Mettre en pratique

 Question 3

À propos de l’un et de l’autre, Skinner discute de la valeur de la maïeutique (art


d’« accoucher les esprits », méthode attribuée classiquement à Socrate). À votre avis,
quel rapport y a-t-il entre chacune de ces méthodes et la maïeutique ?
Si la maïeutique est l’art d’accoucher les esprits (ce qui suppose qu’ils
portent d’avance la connaissance vraie en eux et qu’il suffit de la faire
« sortir »), aucune des deux méthodes n’est maïeutique. En effet en 1 le
candidat sait quelque chose de vrai mais « accouche » d’une bêtise, en 2
l’élève ne sait pas et l’instructeur, loin de l’« accoucher », le nourrit.
La seconde méthode est celle qui est utilisée dans les « machines à
enseigner » à programme dit linéaire.

Corrigé de l’exercice 5
 Analyse de chacune des méthodes pédagogiques

 La première méthode est expositive-affirmative ou magistrale.


L’instructeur présente clairement la règle (qui est d’ailleurs très sim-
ple), mais malgré l’exemple chiffré, reste plutôt abstrait, c’est-à-dire au
niveau de la règle générale. C’est la règle qu’il enseigne et l’exemple
en est une application. Il suppose que les élèves ont été attentifs et ont
« suivi » sans peine, et il passe à la suite du programme. L’instructeur
est celui qui sait et qui parle, il est actif et pressé. Le groupe comme tel
n’existe pas. Les résultats pédagogiques seront variés car tous les degrés
sont probables entre l’élève qui a compris et retenu… et celui qui n’a
ni compris ni retenu. La discipline est totale. La vérification ne peut se
faire que par contrôle-répétition de l’acquis dans une ambiance de
sélection.
 La deuxième méthode est interrogative. La succession des réponses
est bien programmée pour amener la découverte de la règle. Un point
clé est l’astuce de la « bande » de carton, visualisant le procédé et ser-
vant de charnière pour la découverte de la règle. L’intérêt est soutenu
par l’interrogation constante. Lorsqu’un élève a répondu, le maître sup-
pose que tous auraient répondu de même, mais il peut questionner
aussi au hasard. La méthode est plus longue. L’instructeur doit préparer
à l’avance l’ordre des questions et imaginer les points clés charnières,
disposer d’un petit matériel (ici les bandes de papier et de quoi les
fixer). Les résultats pédagogiques seront sans doute meilleurs. Mais il
faut qu’il y ait une bonne relation affective avec les élèves et une cer-
taine discipline de leur part.

192
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Corrigés

 La troisième méthode est la méthode de découverte. Les élèves


sont individuellement mis en situation de découverte et l’instructeur
utilise du matériel (ici les carrés en nombre suffisant). Par essais et
erreurs, les élèves arrivent à trouver la règle. Ils la mémoriseront d’au-
tant mieux qu’ils l’auront découverte eux-mêmes. L’instructeur semble

CORRIGÉS
travailler moins que les élèves mais a dû faire un travail de préparation
et d’imagination. Le temps nécessaire est encore plus long (probable-
ment 10 fois plus que par la méthode 1 et 3 ou 4 fois plus que par la
méthode 2). Il y a échanges et le travail est dirigé par l’instructeur.
La méthode exige de bonnes relations et une certaine discipline spon-
tanée dans « la classe ».
 La quatrième méthode est active. Elle utilise d’une part une simula-
tion (travail de géomètre sur une maquette), d’autre part les groupes (ici
formés par affinités). Le matériel doit être stimulant. Les élèves sont moti-
vés au travail. Une compétition est installée entre les équipes sans que
cette compétition soit analysée par l’instructeur. Il y aura aussi le pro-
blème de ceux dont aucune équipe ne voudra (les isolés, les rejetés).
Dans les équipes, certains travailleront plus que d’autres (leaders). Une
discipline spontanée est supposée car dans ce système, le brouhaha, les
allées et venues, le désordre risqueront de se produire. Le temps est
encore plus long que dans la méthode 3.

 Comparaison des méthodes

Pour l’instructeur la méthode 1 est la plus « facile », les trois autres exi-
gent de lui des qualités pédagogiques et humaines supplémentaires. Le
temps augmente de la première à la quatrième méthode ; la compréhen-
sion du calcul à faire augmente aussi de la première à la troisième, la qua-
trième étant à peu près égale à la troisième de ce point de vue.
L’individualisation est remplacée en quatrième méthode par le travail
d’équipe, avec ses avantages (pas de compétition individuelle, socialisa-
tion, esprit d‘équipe) et ses inconvénients (rivalité des équipes, cas des iso-
lés, passivité possible de certains dans l’équipe). Les moyens matériels
vont croissant de la méthode 1 à la méthode 4.

 Réflexion sur les conditions de généralisation éventuelle

Il y a sans aucun doute des savoirs de base qui, par leur simplicité,
n’exigent pas autre chose que la méthode 1, si les élèves sont à la fois « du
niveau » requis, attentifs et d’avance motivés ou s’il s’agit de rappel plutôt
que d’acquisitions nouvelles. Malgré les apparences, on peut généraliser
l’une ou l’autre des trois autres méthodes à toutes les matières qui ne sont
pas de pure mémoire-habitude.

193
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Mettre en pratique

Corrigé de l’exercice 7
Ce corrigé n’est en fait qu’indicatif de conclusions fréquemment ren-
contrées en sessions.
Il est facile d’opposer les deux objectifs et les deux pédagogies. Pour
les opposer comme le fait d’ailleurs Moreno, on présente le dressage
comme un abrutissement et la pédagogie de l’initiative-spontanéité-
créativité comme la formation suprême celle qui permet l’invention de
l’acte ou du rôle adaptés, réussissant objectivement et donnant subjective-
ment confiance en soi et en la vie.
En fait, il n’est pas dit que le surentraînement conduise à la rigidité et
à la stéréotypie du comportement. Un sportif surentraîné a des capacités
plus grandes qu’un sous-entraîné pour faire face à des situations impré-
vues ou dangereuses.
Le problème de l’instruction est d’abord celui des objectifs. Si l’ob-
jectif est l’effectuation d’un acte ou d’un rôle isolés précis correspon-
dant à une situation bien limitée (exemple : apprendre le texte d’un
rôle de théâtre ou savoir tirer au fusil sur cible mobile…), l’apprentis-
sage par surentraînement est le meilleur. Si l’objectif est d’apprendre à
improviser des solutions nouvelles à des situations imprévues, le sys-
tème précédent est inefficace, et il faut apprendre directement à bien
percevoir, à ne pas être inhibé (à avoir confiance en soi), à réfléchir
vite et à agir avec audace. Mais ces comportements, pour être appris,
nécessitent aussi des méthodes d’instruction, que l’on appellera métho-
des actives. Il n’est pas sûr qu’un sous-entraînement systématique
conduise à ces qualités humaines fondamentales.
Le second problème, qui se pose alors, est celui du transfert. Il faut
apprendre des comportements qui soient transférables à de multiples
situations concrètes. Dans ce sens, une préformation vaut mieux qu’un
dressage. Devenir « habile » (en général) permet ensuite de manier
efficacement n’importe quel outil. Enfin la créativité ne coïncide pas
forcément avec la spontanéité au sens d’initiative-improvisation dans la
résolution de situations concrètes. La créativité est invention, produc-
tion d’idées ou d’œuvres originales. Une nouvelle discipline, la synec-
tique, prétend enseigner la création d’après l’analyse logique rigou-
reuse de l’acte créateur. Il reste cependant que la créativité pourrait
être, partiellement, un « don », lequel grâce à l’apprentissage des tech-
niques et des pratiques mais les dépassant par le mouvement créateur
lui-même, les utilise à des fins libres et originales.

194
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Corrigés

Corrigé de l’exercice 8
 Question 1

Analyser la situation psychologique telle qu’elle est vécue par le narrateur (jeune

CORRIGÉS
assistant de psychologie dans une université, en formation-perfectionnement aux USA).
La situation psychologique (disons l’état d’esprit) du narrateur est facile à
reconstituer : il avait lu les ouvrages de Carl Rogers et en avait été enthou-
siasmé, croyant que c’était un rêve, un idéal humain et pédagogique trop
beau pour être vrai. Il arrive aux USA pour voir l’auteur, célèbre, auréolé de
prestige,… et il voit le Maître, il éprouve sa présence simple et égalitaire
comme une excitation tellement intense qu’elle confine à l’anxiété. Il ne
retient pas grand-chose de ce qui se dit, et il vit, au niveau du « contact
humain » stimulant, une « expérience » historique de son existence.
 Question 2

Quelle est la relation entre cette situation psychologique personnelle et les signifi-
cations pédagogiques que le narrateur donne à son expérience ?
Le « savoir théorique » emmagasiné auparavant sur la pédagogie non
directive s’oppose, certes, à l’épreuve expérientielle du groupe qui
entoure Rogers et à la manière de faire du créateur de la psychothérapie
non directive et de l’enseignement-centré-sur-l’étudiant. Cependant ce
savoir donne son sens plein à l’expérience, celle-ci restructurant le savoir,
à son tour, pour le charger de vie.
Mais le phénomène est que Max Pagès tend, sans s’en rendre compte,
à transposer son propre état de conscience, enthousiaste et ravi de voir
Rogers,… en valeur pédagogique de la méthode. On peut penser que,
quoi qu’ait pu alors faire ou dire Rogers, le jeune homme admiratif en
eût fait un trait de génie. Il n’avait aucune objectivité possible. La
meilleure des preuves est qu’il remarque comme des « bavures » négligea-
bles : a) la grande confusion des échanges ; b) les grandes tensions et riva-
lités internes sous-jacentes (les rivalités des frères-enfants se disputant
l’approbation du Père) ; c) la minceur du contenu de la discussion.
 Question 3

Quelles sont les hypothèses pédagogiques sur lesquelles est fondée cette méthode
dite de « l’enseignement-centré-sur-l’étudiant » ?
Les hypothèses pédagogiques sont : a) les étudiants, en groupe, ont la
pleine initiative-responsabilité du choix des moyens pour atteindre leurs
objectifs ; b) la réunion-discussion de groupe a un thème général (ici « un
cours de psychothérapie ») ; c) le « professeur » détenteur de la compé-
tence, ne fait pas d’information ni de formation systématique ; d) il se

195
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Mettre en pratique

considère intentionnellement comme un membre du groupe au même


titre que les autres ; e) les échanges sont libres et chacun peut dire tout ce
qu’il veut ; tout est bienvenu ; l’essentiel n’est pas le contenu, c’est « l’ex-
périence humaine », la possibilité d’expression libre, le fait que ce qu’on
dit – quoi que ce soit – est accepté et considéré.
 Question 4

Quels sont les domaines d’utilisation et les limites éventuelles de l’emploi d’une
telle pédagogie ?
Ôtez Rogers de ce cercle et le néant apparaît. En dehors de la valeur
des rencontres avec « un grand bonhomme » (ce qui aurait pu se faire,
comme le faisait Lewin avec ses étudiants, au café du coin), cette forme
de pédagogie n’est efficiente qu’à 7 conditions :
1) les membres sont adultes ;
2) ils ont eux-mêmes des objectifs de formation clairs ;
3) ils peuvent échanger leurs idées et leurs savoirs ;
4) il y a des interactions qui enrichissent tous les participants ;
5) ils savent réguler leur groupe ;
6) ils disposent de sources d’information ou de vérification extérieures
accessibles ;
7) ils savent utiliser ces ressources.

Corrigé de l’exercice 9
Je ne donne ici que les remarques clés qui ont été formulées par des
groupes réels ayant fait l’étude de cas.
1. Il est impossible, pour le directeur, de prendre une décision adaptée
sans avoir une idée suffisante de « ce qui s’est passé en réalité ». Toute
autre décision (si elle n’est pas « solution d’attente ») partirait de prin-
cipes a priori ou de projections personnelles inadaptées.
2. L’idée de son rôle chez le Pr Zilov est expressive de la tension
ancienne et habituelle entre les 2 divisions, de l’impression de
« déchéance » du chercheur chargé d’effectuer un enseignement, et
de la contrainte subie. Il transpose son animosité contre la direction de
l’École (Cardy-Benacri) en agressivité contre les stagiaires (ironie,
sadisme, sabotage de leur formation). Le conflit Kossowski-Cardy
marque, par personnes interposées et par déplacement, le conflit entre
Zilov et ses élèves. De ce fait, lorsque ce conflit latent éclate à la dimen-
sion du centre, Zilov, Kossowski et toute la division Recherches jubi-
lent. C’est pourquoi on ne les voit plus et ils laissent faire.
3. L’erreur du système est d’abord de croire qu’un chercheur compé-
tent est nécessairement un pédagogue compétent. Rien ni personne

196
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Corrigés

ne s’occupe de la formation pédagogique des enseignants. Par exem-


ple, la « situation pédagogique » qu’il crée échappe complètement (et
dramatiquement) à l’intelligence de Zilov.
4. Le directeur ne dirige pas, il incarne un Pouvoir sans rôle fonctionnel

CORRIGÉS
réel (absence de la fonction « Management »), sans compréhension,
sans prévision. Son information sur « ce qui se passe » est indirecte et
lointaine. L’essentiel pour lui est l’ordre immobiliste. L’objectif réel du
centre (la formation des ingénieurs-stagiaires), du moins dans sa division
Enseignement, est perdu. Le centre se bureaucratise.
5. La frustration des stagiaires est à la fois intense et bloquée dans ses
expressions (cela par le quadruple verrou de la rigidité obtuse du
directeur, de l’ironie inhibante de Zilov, de l’infériorisation opérée par
le professeur au niveau du savoir, de l’anxiété de l’examen).
6. L’explosion se produit lorsque l’anxiété et la frustration fusionnent
dans l’agressivité d’annulation de la situation insupportable. À noter
au passage la naissance du fantasme de groupe (« pseudo-tirage au sort
fabriqué par Zilo -Cardy ») car cet examen-là devient le symbole de la
situation totale subie et la résume. Objectivement, il n’y a eu aucun tru-
quage mais cette objectivité-là (quoiqu’elle qu’elle puisse alimenter la
bonne conscience de Cardy) n’a aucune vérité psychologique. Du fait
des verrous, cette agressivité, pour ne pas avoir peur d’elle-même, est
obligée de devenir une révolte de tout le centre d’où le recrutement
actif de tous les stagiaires du centre. Le meneur (Alonze) sera celui qui
a le moins peur des verrous, de plus, il a un compte personnel à régler
avec Zilov, et les autres « attendent » de lui, à ce moment-là, quelque
chose. Les interprétations des autres (professeurs, jeunes assistants,
directeurs) risquent de leur masquer le sens de cette « révolte » au
niveau du centre et de ses tensions internes chroniques.

Corrigé de l’exercice 10
 Autoévaluation

Le maximum est de 60 points. À la suite de chaque réponse, on lira


entre parenthèses le nombre de points correspondant à la réponse cor-
recte. Sauf avis contraire, toute autre réponse vaut zéro.
Réponse 1) Oui (4 points).
Réponse 2) Non (2 points).
Réponse 3) 2 - 3 - 1 de haut en bas (8 points).
Réponse 4) Cela dépend (4 points).
Réponse 5) Réponse 2 (4 points).
Réponse 6) Ordre correct de gauche à droite : 1 - 5 - 7 - 4 - 6 - 3, les
espacements n’ont pas à être pris en considération, mais

197
Methodes_actives4:coll FP 6/07/12 10:03 Page 198

Mettre en pratique

seulement la position relative de ces chiffres (7 points


pour l’ordre correct. 2 points de pénalisation pour une
interversion entre 2 de ces chiffres. Toute autre erreur
ramènera les points à zéro).
Réponse 7) Cases à cocher : 1 - 3 - 5 - 7 (8 points. On comptera
2 points par case correcte).
Réponse 8) Cases à cocher : 1 et 4 (2 points pour chacune de ces
2 cases, soit 4 points pour la bonne réponse).
Réponse 9) Les deux (4 points pour la bonne réponse – les 2 cases
cochées – zéro pour une seule des deux, quelle qu’elle
soit).
Réponse 10) Comptez un point par concept réellement spécifique, au
moins par son sens. Seront exclus du compte les noms
propres. Seront comptées pour 1 point les expressions
verbales telles que « dynamique de groupe » par exemple
ou « espace de vie », etc.
Réponse 11) Oui (3 points).
Réponse 12) Non (2 points).

 Les caractéristiques d’un questionnaire docimologique

Les questions sont clairement formulées. Le répondant doit choisir sa


réponse entre plusieurs possibles (questions à choix multiple). En 3, la ques-
tion est « ouverte ». Les types de choix sont variés, évitant toute automatisa-
tion. Des sondages précis sont ainsi effectués. La correction est très rapide.

 Opérations de validation à effectuer

Il faudrait : expérimenter l’intelligibilité réelle auprès d’un échan-


tillonnage, analyser la valeur discriminative réelle des questions (enlever
celles qui ne différencient pas les répondants dans un grand groupe),
savoir si le domaine couvert correspond au programme, mettre au point
la cotation des réponses (en fonction des résultats d’une expérimentation
sur l’échantillon représentatif de la population à laquelle sera administré
ultérieurement le questionnaire), prévoir des « doublons » (questions
analogues en difficulté et en points, « doublant » celles-ci pour le cas où il
faudrait substituer un autre questionnaire à celui-ci).

198
Methodes_actives5:coll FP 6/07/12 9:37 Page 199

Troisième partie

POUR ALLER PLUS LOIN


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Programme
d’un stage de formation

 Projet de programme de 3 jours (non résidentiels) destiné à des


formateurs débutants ayant déjà une petite expérience du rôle
de formateur
12 à 18 participants, 2 animateurs

Nous ne présentons ici qu’un programme d’information et de sensibili-


sation aux problèmes de la pédagogie des adultes. Une formation valable
doit être plus longue et comporter la participation à un groupe de forma-
tion ou à des séminaires au programme desquels se trouvent des séances de
groupe de formation.
D’autre part, l’information annonçant la session doit être rédigée de
manière à la fois claire et motivante. Le détail du programme est inutile,
mais mentionnez ses grandes lignes et ses objectifs précis.

1re journée
9 h – 10 h Présentation des animateurs, présentation des parti-
cipants, présentation du projet de programme et de
la méthodologie mixte (information-méthodes acti-
ves) qui sera utilisée. Bien préciser qu’il s’agit de pro-
blèmes de pédagogie (des adultes) et non de telle ou

201
Methodes_actives5:coll FP 6/07/12 9:37 Page 202

Pour aller plus loin

telle « matière » à enseigner. La question des compé-


tences sur des « matières » est donc exclue.
Annoncez aussi que le programme n’est pas tabou et
que des séances d’évaluation par journées auront lieu
pour permettre aux animateurs d’organiser des amé-
nagements en réponse aux rapports d’évaluation.
10 h – 11 h Exposé : Les principes d’une pédagogie adaptée à des adul-
tes (d’après le chapitre 1, sections 2 et 3, et le chapi-
tre 2, section 2).
11 h – 12 h 30 Échanges en petits groupes réunis par affinités, à la
suite de l’exposé.
Formulation des questions par des rapporteurs en
grande réunion. Réponse des animateurs et débat.
14 h 30 – 16 h Exercice pratique n° 1 A, variante 1 ou 2 (matériel à
prévoir) et exploitation de l’exercice.
16 h – 16 h 30 Pause.
16h30 – 17h30 Exposé : La communication pédagogique le chapitre 2,
section 1, et débat court.
Ne pas insister, à ce moment, sur le feed-back E →
R. Le mentionner seulement au passage.
17 h 30 – 18 h 15 Séance d’évaluation : chaque animateur doit avoir une
salle à sa disposition. La réunion d’évaluation est
annoncée au groupe ainsi que le dispositif (la moitié
des participants avec l’un des animateurs, l’autre moi-
tié avec l’autre à volonté et par affinités), le rôle de
l’animateur (interview sur thèmes) et le temps imparti.
NB – Cf. en annexe le plan de l’interview du groupe
en évaluation.
Au cas où le temps presse et si le groupe n’est pas
dégelé, faire passer un questionnaire d’évaluation
(modèle également en annexe) qui prendra 10 minu-
tes et sera rempli sur place. Le dépouillement sera fait,
après le départ du groupe, par les animateurs qui ima-
gineront éventuellement les modifications à apporter
au programme du lendemain d’après les résultats du
dépouillement.
18 h15 ou 18 h 30 Fin de la première journée.

202
Methodes_actives5:coll FP 6/07/12 9:37 Page 203

Programme d’un stage de formation

2e journée
9 h – 9 h 30 Lecture en grand groupe par chaque animateur du
rapport d’évaluation du groupe qu’il a conduit, ou
compte rendu des questionnaires d’évaluation de la
première journée. Propositions éventuelles de chan-
gements. Débat sur ces propositions. Décisions.
NB – Les animateurs ne doivent pas se croire obligés
de sacraliser toute idée provenant des participants.
Ils ont au moins autant que les autres le droit d’avoir
un avis. Par ailleurs, ils savent ce qui est possible et ce
qui ne l’est pas et ce qui est prévu pour les deux jours
qui restent. La suite de notre projet est proposée
donc comme une suite éventuelle.
9 h 30 – 10 h 30 Travail par petits groupes de 5 ou 6 en auto-
organisation et par affinités : exercice n° 4.
10 h 30 – 11 h 30 Compte rendu des groupes. Débat libre.
11 h 30 – 12 h 30 Exposé : Les machines à enseigner (d’après le chapitre 2,
section 4).
Si possible, présenter ensuite une machine. Pas de
débat à la fin, mais l’animateur veillera à établir le
dialogue pendant tout le temps de l’exposé.
14 h 30 – 17 h 30 Mise en place et déroulement du long exercice pra-
tique n° 5, première et deuxième parties, avec le retour
en grand groupe et la pause entre les deux parties.
Veillez à la composition des groupes selon les instruc-
tions données dans le protocole de l’exercice.
17 h 30 – 18 h 15 Séance d’évaluation. 2 cas se présentent :
1) les participants ont fait, la veille, un questionnaire ;
dans ce cas, les animateurs prendront chacun un grou-
pe de volontaires en interview de groupe (cf. fin de la
1re journée), 2) les participants ont fait, la veille, l’éva-
luation en interview de groupe ; dans ce cas, les ani-
mateurs annonceront que les 2 groupes (constitués
librement et pas forcément comme la veille) seront en
auto-organisation complète (sans animateur) pour
effectuer l’évaluation. Les listes des points d’évalua-
tion sont sur une table et l’animateur prévient les
groupes d’en prendre au moins une chacun s’ils en
ont besoin (ce n’est pas lui qui les donne). Chaque
groupe doit remettre un rapport avant de se séparer.

203
Methodes_actives5:coll FP 6/07/12 9:37 Page 204

Pour aller plus loin

18 h 15 ou 18 h 30 Fin de la journée. Les animateurs travaillent sur les


rapports et imaginent leurs projets de remaniement
éventuel de la 3e journée.

3e journée

9 h – 9 h 30 Compte rendu des rapports d’évaluation etc., (même


passage qu’en début de la 2e journée).
Suite éventuelle :
9 h 30 – 10 h 30 Exercice n° 6 (matériel à prévoir).
10 h 30 – 11 h Exploitation de l’exercice. Débat.
11 h – 12 h Exposé : Les méthodes actives dans la formation (d’après
une synthèse-résumé du chapitre 3 – moins la section 4
– et du chapitre 4; insistez sur certains aspects qui
paraissent intéresser plus particulièrement la majorité
des participants).
12 h – 12 h 30 Débat libre.
14 h 30 – 16 h Exercice n° 9.
16 h – 16 h 30 Pause.
16 h 30 – 17 h 15 Exposé : Le contrôle de la situation pédagogique et du chan-
gement (d’après le chapitre 5, sections 2, 3 et 4). Pas de
débat, dialogues pendant l’exposé.
17 h 15 – 17 h 25 Remise des questionnaires d’évaluation de la 3e jour-
née (à remplir sur place). Cf. particularités du ques-
tionnaire d’évaluation de la dernière journée.
17 h 25 – 17 h 40 Pause.
17 h 40 – 18 h 30 (pendant que l’un des 2 animateurs dépouille les
questionnaires) débat de clôture de la session : en
grand cercle (l’animateur étant en position de partici-
pant) on essaiera de formuler ensemble : 1) les acquis
saillants de la session et 2) ce que reste à apprendre.
NB – Dès que le dépouillement est fait, l’animateur
qui s’en est chargé doit rentrer dans le groupe, faire
brièvement le compte rendu et se mettre à participer.
18 h 30 Fin de la session.

204
Methodes_actives5:coll FP 6/07/12 9:37 Page 205

Programme d’un stage de formation

 Projet de programme de 5 jours (résidentiels) destiné à des


formateurs-débutants
15 à 20 participants, 3 animateurs

1re journée
9 h – 10 h Présentations (cf. programme précédent).
10 h – 11 h Exposé d’ouverture : Spécificité de la pédagogie des adul-
tes (chapitre 1, sections 2 et 3).
11 h – 12 h 30 Débats-échanges en 3 petits groupes informels dis-
persés dans des salles différentes, chacun avec un des
animateurs pour confronter les expériences des parti-
cipants entre elles et avec les idées émises dans l’expo-
sé. Les animateurs font ici le relais de l’information
(cf. chapitre 2, section 3) en même temps que les par-
ticipants apprennent à se connaître et à s’exprimer.
14 h 30 – 16 h Exercice pratique n° 1 et exploitation. En 3 sous-
groupes si possible (librement formés mais de préfé-
rence à peu près égaux). Matériel à prévoir.
16 h – 16 h 30 Pause.
16 h 30 – 17 h Exposé : La communication pédagogique (d’après le cha-
pitre 2, sections 1 et 2).
17 h – 18 h Travaux pratiques par petits groupes de 5 partici-
pants, réunis par affinités, sur le thème : « Comment
rendre plus efficace (plus « formative ») la commu-
nication pédagogique et les exposés ou films d’infor-
mation ? Ici et ailleurs ».
18 h – 18 h 30 Rapports des groupes en grand groupe, sans commen-
taires de la part des animateurs pour le moment.
20 h 30 Réunion générale pour un temps fixé à 1 h 30 envi-
ron. Un animateur annonce que le groupe dispose
de films d’information.
NB – Il faut disposer de 2 ou 3 films d’information
susceptibles d’intéresser tout le monde. Choisissez
des films soit sur la communication en général, soit
sur une méthode pratique d’enseignement technique
soit sur une école nouvelle comme l’école moderne
ou l’école active. Naturellement si le groupe, du fait
de sa composition, a une orientation évidente des

205
Methodes_actives5:coll FP 6/07/12 9:37 Page 206

Pour aller plus loin

intérêts socioprofessionnels, on devra avoir prévu un


film ad hoc.
En conséquence des idées dominantes des travaux en
petits groupes de la fin d’après-midi, il faut presser le
groupe de mettre à l’épreuve une idée et annoncer
que les animateurs vont l’appliquer.
NB – Évitez absolument d’impliquer un membre du
groupe, a fortiori de lui donner la responsabilité de
l’animation. Son échec probable retentirait en accu-
sation des animateurs officiels et en agressivité.
La séance aura lieu et un débat très libre sur le film
et surtout sur le test de la méthode utilisée suivra. Ne
pas dépasser 1 h 30.
22 h ou 22 h 30 Remise des questionnaires d’évaluation de la jour-
née (à remplir sur place). Puis clôture de la journée
(dépouillement des questionnaires par les anima-
teurs).

2e journée
9 h – 9 h 30 Compte rendu des questionnaires (cf. début 2e jour-
née du programme précédent).
Suite éventuelle :
9 h 30 – 10 h 30 Exercice n° 3 en grand groupe. Débat libre.
Synthèse par un animateur; synthèse substantielle sur
les feed-backs dans la communication pédagogique.
10 h 30 – 11 h Pause.
11 h – 12 h 30 Exercice n° 4 par petits groupes d’affinités de 4 ou 5
(pas plus) en auto-organisation. Rapport en grand
groupe après 45 minutes de travail. Mise en commun
des conclusions de chaque groupe. Débat.
La synthèse-bilan est effectuée au fur et à mesure par
un animateur, sur un tableau.
14 h 30 – 15 h 30 Exposé : Les machines à enseigner (d’après le chapitre
2, section 4).
Si possible, et de préférence, passer un film docu-
mentaire avant l’exposé ou à la place de l’exposé.
La présentation d’une machine ou la circulation de
dépliants-documents-photos serait la bienvenue.
Débat. Synthèse.
15 h 30 – 16 h Pause.

206
Methodes_actives5:coll FP 6/07/12 9:37 Page 207

Programme d’un stage de formation

16 h – 19 h Mise en place et déroulement du long exercice pratique


n° 5, 1re et 2e parties, avec le retour en grand groupe et
une petite pause entre la 1re et la 2e partie. Veillez à la
composition des groupes. Recueil des projets à 19 h.
19 h Remise des questionnaires d’évaluation de la journée.
Soirée libre.

3e journée
9 h – 9 h 30 Compte rendu des questionnaires. Débat. Décisions.
Suite éventuelle :
9 h 30 – 10 h 30 Exercice n° 6 en grand groupe (matériel à prévoir).
10 h 30 – 11 h Pause.
11 h – 12 h 30 Exploitation de l’exercice en grand groupe plus syn-
thèse substantielle d’un animateur sur les motivations
(d’après le chapitre 4, sections 1 et 2).
14 h 30 – 16 h Préparation d’un exposé sur les méthodes actives (à
tirer du chapitre n° 3). La séance se déroulera de la
façon prévue dans la section 3 du chapitre 2 où le
conférencier fait d’abord une introduction-résumé
et où la suite de la conférence se fait en réponse à des
questions-problèmes posées par l’auditoire.
La phase des questions, de leur reformulation et des
échanges en vue de la définition des thèmes (par
l’animateur-conférencier) ne doit pas être écourtée.
16 h – 16 h 30 Pause.
16 h 30 – 17 h 30 Exercice n° 7 par petits groupes de 5, réunis par affi-
nités et en auto-oganisation.
Mise en commun des rapports. Pas de commentaires
par les animateurs qui ne font que résumer.
17 h 30 – 18 h 30 Réunion d’évaluation de la 3e journée. Cf. le princi-
pe dans le programme précédent (1re journée
17 h 30).
Ici il y aura 3 groupes en interview d’évaluation.
20 h 30 – 22 h Soirée sur les moyens audiovisuels et leur utilisation
pédagogique (cf. chapitre 4, section 3).
(Éventuellement prévoir pour cette soirée un dîner-
débat – qui se prolongerait – avec une personnalité
compétente et une exposition, soit de matériels, soit de
posters).

207
Methodes_actives5:coll FP 6/07/12 9:37 Page 208

Pour aller plus loin

4e journée
9 h – 9 h 30 Mise en commun des rapports d’évaluation. Débat,
Décisions.
Suite éventuelle :
9 h 30 – 10 h 15 Exposé sur Créativité et pédagogie de la créativité (d’après
le chapitre 4, section 4). On annoncera le brainstor-
ming à la fin.
10 h 15 – 10 h 30 Les participants sont invités individuellement à mettre
sur des papiers des thèmes de brainstorming qui les
intéressent. L’analyse de contenu devra être faite au fur
et à mesure, pour découvrir et formuler le problème qui
répond au triple critère de simplicité de ses données,
d’absence actuelle de solution, et d’intérêt actuel pour
les participants. Le problème choisi est annoncé s’il se
dégage nettement, sinon (et c’est le cas le plus fréquent)
le groupe vote à mains levées pour choisir parmi les 3 ou
4 problèmes « possibles ». Le problème étant formulé,
l’animateur demande que 2 ou 3 participants très au
courant du problème restent avec lui, et il met les autres
en pause-détente pour 30 minutes.
10 h 30 – 11 h Pendant la pause donc, un des animateurs interviewe les
2 ou 3 participants qui sont restés. Pendant ce même
temps, l’animateur qui conduira le brainstorming écoute
en composant progressivement ce qui sera son introduc-
tion motivante face au groupe de brainstorming.
11h – 11 h 15 Préparation du brainstorming, avec 10 volontaires
« créatifs » quelle que soit leur spécialité profession-
nelle (récuser l’objection d’incompétence sur le fond)
et 5 observateurs-secrétaires chargés chacun de pren-
dre en note les idées de 2 cerveaux. Voir tout le dispo-
sitif dans l’ouvrage La conduite des réunions, chapitre 4.
NB – Il est essentiel de prévoir du confort, de la bonne
ambiance, des boissons apéritives. Il est très important
que le BS « marche » et donc qu’il soit conduit par un
animateur entraîné.
11h 15 – 12 h 45 Déroulement du brainstorming après les 5 minutes de
présentation « motivante » du problème.
NB – Dès la fin de la séance (1 h 30) les observateurs
annonceront le nombre total des idées.

208
Methodes_actives5:coll FP 6/07/12 9:37 Page 209

Programme d’un stage de formation

14 h 45 – 15 h 15 Débat libre sur le brainstorming. Constitution d’un


jury (2 animateurs, 2 observateurs par exemple)
chargé, pour le lendemain, d’exploiter les idées émises
et de rédiger les solutions du problème évoqué.
15 h 15 – 16 h Travaux par petits groupes composés comme le 2e jour
à 16 h pour l’exercice n° 5. Cette fois, le thème du tra-
vail sera celui-ci : « Quel genre de préparation inscrire
au programme de formation intellectuelle et pratique
correspondant à votre spécialité pour développer la
créativité des futurs stagiaires ? ».
16 h – 16 h 30 Pause.
16 h 30 – 17 h 15 Mise en commun des rapports des petits groupes.
Débat.
17 h 15 – 18 h Séances d’évaluation de la 4e journée par 3 groupes
formés par affinités et en auto-organisation (disposant
du guide d’évaluation).
18 h Remise des rapports aux animateurs (qui les dépouil-
leront aussitôt).
20 h – 22 h 30 Échanges entre animateurs et participants en grand
groupe : Analyse du vécu du groupe pendant la ses-
sion jusqu’à ce soir. Formulation et résolution des
difficultés et tensions éventuelles.

5e journée
9 h – 9 h 30 Compte rendu des rapports. Débat sur ce qui est
périmé dans ces rapports depuis la séance nocturne
de la veille. Décisions sur le programme.
Suite éventuelle :
9 h 30 – 10 h Exposé : La situation pédagogique (d’après le chapi-
tre 5, section 2).
10 h – 10 h 30 Pause.
10 h 30 – 12 h Groupes restreints en étude de cas. Exercice n° 9. Il
est recommandé de prévoir soit 1 groupe de 8 avec
les autres en observateurs, soit 2 groupes de 7, dans
des salles séparées, avec chacun 2 ou 3 observateurs.
Si le grand groupe est très motivé et s’il n’y a pas de
gens fatigués, on fera au mieux sans dépasser 8 parti-
cipants par groupe.

209
Methodes_actives5:coll FP 6/07/12 9:37 Page 210

Pour aller plus loin

S’il y a des observateurs, leur rôle sera d’observer la


méthode et l’évolution des opinions chez les partici-
pants.
De toute façon, le débat portera ensuite sur : 1) les lois
psychopédagogiques générales à formuler à partir du
cas ; 2) la méthode ; 3) la dynamique du groupe.
12 h – 12 h 30 Débat.
14 h 30 – 15 h 15 Tous les stagiaires (et individuellement) passent un
questionnaire docimologique sur les acquisitions
intellectuelles après le programme du séminaire tel
qu’il s’est déroulé (cf. un modèle in exercice 10).
On remettra à chacun la grille de correction pour
son auto-évaluation. On ne demandera aucun rap-
port sur les performances.
15 h 15 – 16 h Bref exposé sur la docimologie (d’après le chapitre 5,
section 3) plus débat libre sur cette technique et ses
problèmes d’application.
16 h Remise des questionnaires d’évaluation de la 5e jour-
née, puis immédiatement après, remise des question-
naires d’évaluation globale.
16 h – 16 h 30 Pause.
16 h 30 – 17 h 30 Débat de clôture précédé par le compte rendu des
évaluations.
Les participants ont à parler de ce qui les intéresse,
après ce séminaire, quant à leur perfectionnement, les
animateurs ont à évaluer ce qu’ils ont fait par rapport
à l’objectif de sensibilisation,… et des suggestions sont
retenues pour les suites à donner de part et d’autre.
17 h 30 Fin de la session.

210
Methodes_actives5:coll FP 6/07/12 9:37 Page 211

Programme d’un stage de formation

Annexes aux programmes


1. Type de questionnaire d’évaluation par journée
(Ce questionnaire est anonyme. Votre évaluation est utile aux anima-
teurs pour envisager des améliorations de la session.)
1. Appréciation de la quantité de travail qui vous a été demandée dans
cette journée (question fermée).
2. Évaluation du contenu des exposés (question fermée).
3. Évaluation des exercices pratiques par exercice pratique : 1… 2…
3… (question fermée).
4. Appréciation de la répartition exposés-travaux pratiques (question
fermée).
5. Quel a été pour vous le moment le plus intéressant de la journée ?
(question ouverte).
6. Classez ensuite par ordre décroissant d’intérêt les différents conte-
nus de cette journée (question ouverte).
7. Appréciation chiffrée de votre degré de satisfaction par rapport à ce
que vous attendiez de la journée :
Très satisfait (5) Satisfait (4) Moyennement (3)
Peu satisfait (2) Plutôt mécontent (1).
8. Appréciation chiffrée de la participation dans les groupes selon
votre sentiment :
Très Bonne participation (5) Bonne (4) Moyenne (3)
Médiocre (2) Pauvre (1).
9. Appréciation chiffrée des animateurs :
TB (5) B (4) Moyens (3) Méd. (2) Faibles (1).
10. Commentaires personnels libres (question ouverte).
NB – Pour le dernier jour ajouter :
11. Qu’est-ce qui manquait à votre avis pour rendre cette session plus
satisfaisante ? (question ouverte).
12. Quels sont les thèmes que vous aimeriez traiter dans une autre ses-
sion ? (question ouverte).
NB – Vous trouverez en annexe de l’ouvrage L’entretien de face à face
un modèle de questionnaire d’évaluation globale de session.

211
Methodes_actives5:coll FP 6/07/12 9:37 Page 212

Pour aller plus loin

2. Guide d’interview d’évaluation


L’interviewer du groupe anime successivement les débats et interac-
tions sur chaque point ci-dessous. Il rédige le rapport et le lit au groupe
après chaque point.
1. Reconstitution chronologique des moments pédagogiques de la
journée.
2. Évaluation de chaque moment précédemment défini. Que l’évalua-
tion soit positive ou négative, essayez de dire pourquoi et par rapport à
quoi elle est jugée ainsi.
3. Évaluation des méthodes utilisées au cours de la journée.
4. Évaluation des animateurs.
5. Évaluation du niveau de participation dans le groupe.
6. Y a-t-il des conflits ou des tensions dans le groupe ? Si oui, de quel
genre ?
7. Que faudrait-il faire, à votre avis, pour améliorer la participation ou
éliminer ces tensions ?
8. Formulation des attentes concernant la suite de la session.
9. Désirs individuels non encore formulés au cours de cette interview.
10. Évaluation de l’interview d’évaluation. Avez-vous été gêné? Par quoi?
Le rapport reflète-t-il les opinions intimes réelles ou des façades?

3. Guide de la réunion d’évaluation de la journée


par petits groupes en auto-organisation
A. Contenus
1. Énumérez les divers contenus de la journée et évaluez chacun de
ces contenus par une note de 1 (très peu intéressant) à 5 (maximum
de satisfaction).
2. Suggestions du groupe quant aux contenus de la journée suivante.
B. Participation
1. Évaluation globale du niveau de participation parmi les stagiaires au
cours de la journée.
2. Repérage et signification des difficultés éventuelles de participation
chez certains.
3. Recommandations aux animateurs et aux stagiaires pour accroître
la participation.
C. Animation
1. Évaluation globale des animateurs et de leur style.
2. Recommandations aux animateurs pour la journée suivante.

212
Methodes_actives5:coll FP 6/07/12 9:37 Page 213

LEXIQUE

Acculturation : Acquisition et intégration (par chose dans ces domaines, que la formulation
un individu ou par un groupe), des habitudes théorique s’élabore progressivement.
culturelles, des normes, des valeurs, des
modèles de conduite et de penser,… d’un Andragogie : Nom composé du grec sur le
autre groupe. Ainsi « s’américaniser », c’est modèle de pédagogie et proposé par
s’acculturer dans le milieu social américain, Goguelin pour signifier éducation (agogie)
de même « se germaniser », « se franciser », des adultes (andr, hommes adultes).
etc. L’intégration, par individu, d’un univers
professionnel est une forme d’acculturation. Analyse de contenu : Relevé et catégorisation,
dans une information, une communication,
Active (école) : Originairement nom géné- ou un ensemble expressif, des éléments et
rique donné aux établissements scolaires où aspects significatifs. Les méthodes d’analyse
étaient mis en œuvre les principes pédago- sont qualitatives et quantitatives. Elles varient,
giques inspirés par J. Dewey, O. Decroly, selon les objectifs de l’opération, depuis le
A. Ferrière à partir de 1920-1930. Ces prin- simple classement des données par catégories
cipes étaient : utilisation des intérêts spon- ou par thèmes, jusqu’aux analyses linguis-
tanés des enfants et instruction par l’action. tiques et sémantiques.
« L’école active n’est pas une méthode, c’est
un esprit ». (A. Ferrière, 1947). Audiovisuel : Mot composé du latin audio-
video (entendre et voir) désignant les tech-
Actives (méthodes) : Nom donné globale- niques modernes utilisant l’image ou le son,
ment aux méthodes pédagogiques compor- ou les deux à la fois, pour l’information et la
tant trois caractéristiques : formation (moyens sonores et parlants, télé-
1° l’utilisation du groupe comme moyen de vision, magnétophone, disque, magnéto-
formation et comme facteur de progrès péda- scope, vidéocassettes, etc.).
gogique ;
Auto-organisation : Processus d’organisa-
2° l’utilisation de motivations intrinsèques ;
tion s’effectuant à l’initiative des personnes
3° l’éveil de l’initiative des élèves qui ont « à directement impliquées, ce qui élimine toute
découvrir » ce qu’ils doivent apprendre. organisation imposée de l’extérieur.
Le nom même des méthodes actives contient
une accusation contre les méthodes tradi- Atypique : Cas échappant à la définition et à
tionnelles d’enseignement qui sont jugées la catégorisation donnée par les tables de
ipso facto « passives », c’est-à-dire fondées sur référence; qui ne correspond pas à un type ou
un apprentissage imposé par le modèle magis- ensemble connu.
tral, et sur les motivations extrinsèques.
Béhaviorisme : Conception et méthodes de
Action-research : Concept proposé par la psychologie éliminant la référence à la cons-
K. Lewin pour signifier une recherche (psycho- cience ; sont apparues au début du xxe siècle
logique, sociologique, pédagogique) s’effec- (Watson), en réaction contre la méthode du
tuant non pas en laboratoire ni a priori, mais siècle précédent basée sur l’introspection (des-
dans l’action de changement opérée sur la cription par le sujet de ses propres réactions
réalité humaine et sociale. C’est dans l’action et impressions). Il s’agit avant tout d’observer
et en cherchant comment changer quelque la conduite du sujet le plus rigoureusement et

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Pour aller plus loin

objectivement possible. Selon Watson, la plu- résultats accélérés de leurs décisions sur l’en-
part des conduites sont « apprises » et sont un semble de la situation à chaque instant.
enchaînement de réflexes conditionnés.
Cadre de référence : Système des idées, des
Bruit : Perturbation aléatoire de quelque opinions, des catégories, des valeurs et
nature ou de quelque origine qu’elle soit, des sentiments, propre à un individu ou à un
intervenant au cours de la transmission d’un groupe, et en fonction duquel cet individu
message. La « friture » sur la ligne télépho- (ou ce groupe) donne un sens à ce qu’il reçoit
nique par ex., est un bruit, mais aussi bien le ou dit. Le cadre de référence n’est pas inté-
bégaiement de l’émetteur ou l’antipathie du gralement conscient.
récepteur.
Cas (méthode des) : Cf. Méthode.
Brainstorming : Ou « assaut d’idées » ou
« assaut de cerveaux ». Technique de réunion
destinée à faire produire au groupe le Check-list : Mot anglais signifiant liste à cocher
maximum d’idées dans le minimum de (marquer). Liste des points précis successifs à
temps. Il existe plusieurs techniques très codi- observer ou à exécuter dans l’ordre où ils
fiées. La plus connue est celle d’Osborn. sont inscrits. Établie à l’avance à partir de la
décomposition chronologique d’une tâche
L’opération se divise en 3 phases : complexe, cette liste permet de ne rien oublier
1) phase de présentation mouvante du pro- et de faire les opérations dans l’ordre en
blème (simple et bien formulé) pour la réso- cochant au fur et à mesure ce qui est fait. Le
lution duquel on cherche des idées ; travail dans un poste donné peut être pré-
2) phase de brainstorming proprement dit senté sous forme de check-list, celle-ci
où le groupe (8 à 12 personnes) stimulé par constituant les ordres et consignes de l’exé-
un animateur qui dégage les pistes, produit cution complète de la tâche. De ce point de
des idées sans critique (ordinairement un vue, la check-list d’un poste lorsqu’il y en a
groupe de 10 personnes produit 150 idées à une, représente l’analyse du travail (ou de
l’heure) ; l’une des tâches) du poste.
3) phase de sélection des meilleures idées,
par un groupe nouveau de 4 ou 5 experts Climat pédagogique : Situation psychologi-
travaillant sur la production précédente. que et psychosociale instaurée et induite par
les attitudes et les méthodes de l’instructeur-
moniteur-formateur. C’est davantage que la
Bureaucratisation : Processus par lequel se
simple « ambiance psychologique », c’est le
crée et se développe la bureaucratie, par suite
type de relations vécues (stagiaires-moniteur,
de la multiplication des rapports administra-
stagiaires entre eux, stagiaires-tâche, stagiaires-
tifs (remplaçant les rapports humains) dans le
temps) engendré par le système pédago-
fonctionnement d’un organisme social (indus-
gique utilisé.
triel, politique ou social proprement dit) qui
perd ainsi de vue les objectifs réels et vivants
de son institution originaire, et se prend lui- Communication :
même pour but. 1° Au sens large et par extension abusive
désigne le message ou l’information que l’on
Business-game : Méthode d’entraînement a à transmettre.
à la conduite des Affaires et au Management,
2° En théorie des communications, désigne le
utilisant des stimulations, c’est-à-dire des
processus par lequel l’information est trans-
thèmes de jeu inscrits dans un contexte situa-
mise d’un émetteur à un récepteur.
tionnel, opérationnel et informationnel repro-
duisant analogiquement les responsabilités 3° Au sens étroit désigne la nature même et
réelles. Des ordinateurs sont généralement le sens du processus : la relation inter-humaine
associés pour fournir aux équipes en jeu les par laquelle des interlocuteurs peuvent se

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Lexique

comprendre et se faire comprendre, ou s’in- personnes parlent pour ne rien dire et seule-
fluencer l’un l’autre. ment pour plaisir de parler ensemble ou d’être
ensemble.
Communiquer : Se mettre en relation avec
autrui en vue d’atteindre certains objectifs et Créatique : Mot lancé en 1967 par M. Dema-
d’abord signifier quelque chose. rest et M. Druel pour signifier science de la
créativité et méthode de développement de
Concept : C’est le contenu d’un mot. Ce la créativité chez les individus et les groupes.
contenu varie naturellement selon le degré
d’expérience, de connaissances ou de savoir, Créativité : Mot récent bâti sur le modèle
possédé par l’utilisateur du concept. Cette de productivité par rapport à production.
variation va de la simple image générique Désigne l’activité créatrice, capacité de trouver
(exemple : « le poisson » pour un enfant ou des solutions neuves ou des idées originales,
pour un consommateur) à l’idée abstraite la d’inventer.
plus riche de connaissances et d’expériences
scientifiques (ex. la classe des poissons pour Culture : En anthropologie, on appelle « cultu-
un zoologiste). C’est l’idée que l’on se fait re » l’ensemble des institutions, croyances,
d’un ensemble d’objets ou d’êtres, résultat art, religion, coutumes, normes, valeurs, lan-
d’une élaboration intellectuelle et verbale gage, caractérisant une société humaine en
(conceptualisation) poussée plus ou moins tant que différente d’une autre.
loin à partir de la perception.
Au sens général, la « culture » est le degré
de développement de la vie intellectuelle
Conditionné (réflexe) ou Conditionnel :
esthétique, scientifique ou socio-morale; chez
Réponse automatique acquise déclenchée
un individu (dans ce sens « cultivé » s’op-
par un signal. Acquise par apprentissage et
pose à « inculte » ou à « fruste »). La culture
répétitions, le signal lui-même indifférent (au
générale, ensemble des connaissances non
début ou en soi) ne devenant significatif et
spécialisées, est le degré d’ouverture intel-
déclencheur de comportement que par l’ap-
lectuelle et humaine augmentant la capacité
prentissage. S’oppose à réflexe inconditionnel
de comprendre et d’avoir des idées.
qui est la réaction automatique naturelle (non
apprise ou innée).
Cursus studiorum : Expression fine signifiant
cours des études, déroulement temporel du
Conformité (pression de) : Tout groupe social
cycle des études avec leurs contenus succes-
engendre des normes et standards de
sifs et leurs étapes pédagogiques.
conduite, d’habillement (la mode dans ce
groupe), de langage, de même que des sté-
réotypes, des opinions, des valeurs et des Cybernétique : Science de la régulation ou
mythes. Ces modèles exercent sur des mem- du contrôle des machines, permettant d’or-
bres du groupe une influence qui tend à les ganiser l’autorégulation du « comportement »
rendre semblables les uns aux autres en leur de la machine en fonction de signaux la « ren-
faisant adopter les mêmes idées et les mêmes seignant » sur le déroulement de ses opéra-
comportements. C’est ce qu’on appelle la tions (cf. Feed-back). Au sens large, science
pression de conformité. permettant de construire des robots et des
servo-mécanismes. Au sens général, science
La résistance à la pression de conformité fait de l’organisation rationnelle des comporte-
la déviance ou le conflit. ments en vue d’atteindre des objectifs pré-
déterminés.
Consommatoire (communication) : Commu-
nication qui est « de soulagement » émo- Découverte :
tionnel ou d’expression des sentiments de
l’émetteur, sans but d’influence. Dans une 1) Action de découvrir ou d’inventer ;
de ses formes (dite comm. phatique) les 2) Objet ou résultat de l’action précédente.

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Pour aller plus loin

En pédagogie, la méthode dite « de décou- comportement caractéristique de l’être humain


verte », consiste à livrer l’individu à lui-même face aux difficultés de toutes sortes de l’exis-
pour trouver la solution d’une situation pro- tence. De ce fait, à la suite de recherches de
blématique (désagréable ou excitante, dans Thorndike et des théories de Dewey, l’étude de
laquelle il s’implique) pour laquelle ni les problème est devenue une méthode d’en-
méthodes ni les résultats ne sont connus traînement, à valeur de formation générale
d’avance. mais permettant aussi d’acquérir des connais-
sances, du fait que l’individu ou le groupe
Docimologie : Chapitre récent de la psycho- attelé pédagogiquement à la résolution d’un
logie, concernant les conditions de validité problème (motivant) doit trouver les informa-
des examens de connaissance, c’est-à-dire tions dont il a besoin, ceci dans un parcours for-
les facteurs d’erreur provenant des correc- mateur incluant l’analyse des données, les
teurs et des modalités des épreuves, et d’autre hypothèses, les vérifications, etc.
part les corrélations entre la notation et le
niveau réel à évaluer. La partie pratique de la Évaluation (questionnaires d’…, ou réunion
docimologie est consacrée à la mise sur pied d’…) : Établissement d’un jugement (indivi-
d’épreuves « objectives » dont la valeur exige duel ou collectif) sur la valeur de quelqu’un,
de nombreuses recherches mais qui élimi- d’une méthode, d’un projet, d’une session.
nent le « facteur personnel » des correcteurs L’évaluation se fait par rapport à une finalité
habituels. Le test docimologique est un ques- donnée (ex. le but à atteindre, la satisfaction
tionnaire à réponses multiples permettant personnelle, la définition des attentes, etc.),
d’évaluer les connaissances rapidement et selon des critères objectivés et une « échelle »
objectivement. convenue.

Drill : Instruction visant à obtenir une auto- Expérientiel : Qui a fait ou fait l’objet d’une
matisation des réactions, des mouvements épreuve existentielle historique personnelle,…
ou, d’une manière générale, des réponses du qui a été vécue à un moment donné par
sujet instruit. Dressage pédagogique. quelqu’un et qui fait partie intégrante de son
« expérience de la vie ». S’oppose à expéri-
Émetteur : Source d’un message. Organisme mental qui signifie au contraire objet d’une
producteur du message ou du signal en direc- expérimentation n’impliquant pas affective-
tion du récepteur. ment le sujet.

Ergologie : Science du travail humain, compre- Feed-Back (anglais signifiant Alimentation


nant les aspects du travail : récurrente) :
1) physiologie de l’organisme humain au tra- 1°) En cybernétique, information automa-
vail, de la fatigue, des risques et maladies, tique en retour, ou signal permettant le
etc. ; contrôle et la régulation automatique d’une
opération en cours, étant donné les buts et les
2) analyse du « système homme-machine »,
normes de cette opération ; elle s’effectue à
problèmes de l’adaptation des humains au
partir de l’évaluation automatique des résul-
poste, de l’adaptation des machines, de la
tats atteints à chaque instant.
rationalisation du système… ;
2°) En psychologie sociale, signes directe-
3) études des techniques et de la techno-
ment ou indirectement perceptibles permet-
logie du point de vue fonctionnel des équi-
tant à une personne (qui a eu un comporte-
pements… ;
ment donné ou qui a émis un message vers
4) analyse des conditions et des milieux de tra- une autre personne) de savoir l’effet ou le
vail. résultat de son comportement ou de sa
communication. Information en retour,
Étude du problème : « L’étude et la résolution verbale ou non verbale, permettant à
de problème » sont considérées comme un l’émetteur ou initiateur, de savoir si son

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Lexique

message a été reçu et comment il a été reçu dans l’avenir, prévision des objectifs person-
ou compris. nels-sociaux à atteindre à plus ou moins long
terme. Un individu sans horizon temporel
Formateur : n’a pas de but autre que la satisfaction de
besoins ou tensions immédiates (vie dans
1) adj. qui a une valeur de formation, péda-
l’instant).
gogiquement efficace (ex. tel exercice est for-
mateur) ;
Incentif : Donnée susceptible de stimuler,
2) nom commun. Désignation d’un ensei- d’éveiller l’intérêt ou la motivation.
gnant, instructeur, moniteur, pédagogue ou
éducateur, par laquelle on insiste sur l’aspect
Incidente (communication) : Communication
du rôle consistant à développer, chez le sujet
qui donne une information autre que celle
à instruire, des facultés qui sont propres à ce
que l’émetteur avait l’intention de donner,
sujet, des potentialités qui sont les siennes en
et que le récepteur découvre ou déduit à
vue de maîtriser certaines situations socio-
cette occasion.
professionnelles. Par là s’oppose conceptuel-
lement à « informateur » et à « dresseur ».
Induction : Au sens psychologique type de
relation par lequel une intervention quel-
Formel : S’oppose à informel. Désigne l’aspect
conque (dite inductrice) détermine une réac-
officiel des relations, de l’organisation, de la
tion complémentaire ou réactionnelle chez
structure sociale. Le chef formel est celui qui
autrui (réaction induite). Dans ce sens, la sug-
tient l’autorité de sa position dans l’organi-
gestion est un cas particulier de l’induction.
sation officielle.
Information :
Group-Cooperation-Game : Cf. Synergo-
mètre. 1) Action d’informer de donner des rensei-
gnements, de faire savoir ou connaître
Groupe d’appartenance : Pour un individu quelque chose à quelqu’un ;
donné, le groupe d’appartenance est le 2) Contenu de la communication ou du mes-
groupe dans lequel il est présent, auquel il sage ;
participe, ou dans lequel il a un rôle ou une 3) Signes ou signaux ayant un sens pour un
fonction (serait-ce seulement d’en être récepteur humain ou mécanique.
membre).
Informel : Sans référence aux règles formel-
Groupe de base : Autre nom du T-group les ou officielles, ni à l’organisation a priori, et,
(cf.). de ce fait, libre et sans restriction due aux
contraintes. Ex. : une réunion informelle est
Groupe de référence : Groupe dont le sujet non structurée et les communications y sont
est, se veut ou se voudrait membre (quoique libres entre les participants, sans souci des
ce ne soit pas forcément tel groupe auquel il statuts ni des règles.
participe actuellement) et dont il a assimilé les
normes, les valeurs, les opinions, les modèles Institutionnel : Qui se réfère à une institution
de conduite, au point que sa participation sociale, à un organisme (d’État ou privé) ayant
actuelle à d’autres groupes est gênée par des statuts, des règles et des buts officiels.
l’identification à ce groupe extérieur.
Institutionnelle (pédagogie) : Conception
Groupe de formation : Autre nom du de la pédagogie dans laquelle le rôle de
T-Group (cf.). l’éducation serait réduit ou même supprimé,
l’action éducative résultant du milieu dans
Horizon temporel : Représentation de l’avenir lequel on fait vivre l’élève, et d’abord du
personnel chez un sujet, projection de soi groupe lui-même. Absence complète

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Pour aller plus loin

d’autorité ; décision du groupe concernant à enseigner de Skinner, où l’erreur est systé-


son avenir et l’avenir de ses membres. matiquement évitée. La décomposition et la
Nouveau nom de la pédagogie libertaire. En présentation des éléments de la progression
fait elle est anti-institutionelle. pédagogique sont prévues de telle sorte que
la bonne réponse (qui sera immédiatement
Instrumental (conditionnement) : Méthode renforcée) est induite.
de dressage qui consiste à provoquer
l’apprentissage non pas par la répétition de la Magister : Latin signifiant le maître d’école.
bonne réponse comme dans le condition- Le mot symbolise l’autorité du maître (celle du
nement dit pavlovien, mais par la décantation pouvoir et du savoir) dans une relation péda-
des essais et erreurs libres en situation très gogique traditionnelle.
motivante, jusqu’à ce que soit remarquée et
renforcée la bonne réponse. Marketing : Mot anglais signifiant « science
des marchés ». Le principe du marketing est
Instrumentale (communication) : Commu- de percevoir la production, les produits et les
nication ayant un but (exemple : un ordre services sous l’angle exclusif de la consom-
d’exécution, une information destinée à mation et de la « clientèle ». De là la néces-
influencer le récepteur) et organisée pour sité de la connaissance du « marché » c’est-
atteindre le plus efficacement ce but. à-dire des acheteurs ou des clients, pour
répondre à leurs besoins, attentes et motiva-
Interaction : Échange interhumain au cours tions.
duquel l’intervention de l’un des participants
a une action sur les autres et réciproquement. Mass-Media : Moyens de communication
Les interactions sont la vie groupale ; elles de masse, c’est-à-dire capables de véhiculer
influencent aux niveaux cognitifs et socio- une même information vers un très grand
affectifs les participants. nombre de personnes (journaux, radio, télé-
vision, cinéma, affiches, etc.).
Intrinsèque (motivation) : Qui surgit du Moi
du sujet, qui a des liens intimes avec son vécu. Materner : Néologisme signifiant se compor-
S’oppose à extrinsèque (qui est imposé de ter maternellement envers quelqu’un, le traiter
l’extérieur). comme une bonne mère traite son entant.
Synonyme nursing.
Jeu de rôle : Scène improvisée entre deux
ou plusieurs personnages à partir d’un scé- Mentalisme :
nario (fourni aux acteurs) suffisamment flou 1) En psychologie, théorie qui fait des phé-
ou général pour permettre à chaque per- nomènes psychiques une réalité irréductible
sonnage de jouer le rôle à sa manière. aux phénomènes physiques et physiolo-
Le jeu de rôle permet, après coup, par l’ana- giques. Point de vue mentalistique.
lyse de la manière dont chaque personnage 2) En méthodologie pédagogique, désigne
a joué son rôle, de dégager, soit les difficultés l’ensemble des procédés de représentation
insoupçonnées du rôle, soit les manières d’être mentale, de mémorisation, d’organisation
typiques de la personnalité de l’acteur. consciente des images et idées, par opposition
à un apprentissage mécanique des gestes.
Learning : Changement individuel dû à un
apprentissage ou à l’expérience personnelle. Merchandising : Art et techniques de la pré-
On appelle aussi learning le ou les processus sentation des produits commerciaux et indus-
de ce changement. triels en vue de la promotion des ventes.

Linéaire (programme) : Type d’enseigne- Métacommunication : Communication sur la


ment programmé caractérisant les machines communication, c’est-à-dire communication

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Lexique

explicitant comment le message doit être Narcisse (complexe de) : Complaisance


compris par le récepteur. Ex. Un clin d’œil excessive envers soi-même.
indiquera que tel mot ne doit pas être pris au
sérieux. Négative (pédagogie) : Méthode consistant,
pour l’instructeur, à éviter d’intervenir, à ne pas
Méthode des cas : Méthode de pédagogie donner de solution ni de recettes, à ne pas
active fondée d’une part sur l’étude d’un cas forcer l’attention de l’élève, de façon à n’uti-
concret, en vue de trouver une solution ou liser que ses intérêts spontanés, à laisser son
d’en rechercher la structure d’un certain point développement (jugé a priori comme ne pou-
de vue,… d’autre part sur la discussion en vant se faire que vers le Bien et le plein épa-
groupe, celle-ci opérant par sa valeur propre nouissement des vertus naturelles) se réaliser
de formation. La conduite de cette discus- tout seul. Conception de J.J. Rousseau. Le
sion de groupe sur le cas concret requiert maître protège l’enfant des influences exté-
une technique spéciale d’animation. rieures et sociales considérées comme nocives.

Non directive (pédagogie) : Conception de


Méthodologie : Ensemble des méthodes uti-
Carl Rogers selon laquelle l’enseignant ne
lisées par une science et théorie générale de
doit apporter ni règles, ni discipline, ni pro-
cet ensemble. Se dit aussi de la pratique effec-
gramme, ni idées directrices à ses « élèves »,
tive d’une méthode et des problèmes sou-
mais doit au contraire se centrer sur les per-
levés par ses applications.
sonnes, sur l’expression spontanée, sur le
désir naturel de réalisation de soi et sur la
Mimodrame : Synonyme de « Jeu de rôle ». volonté d’apprendre, grâce auxquels son rôle
Désigne plus précisément un petit sketch se limite à celui d’un facilitateur de cet auto-
improvisé sur un scénario à deux person- développement.
nages ou sur le thème d’un monologue.
Non-verbal : Qui n’est pas de l’ordre du lan-
Motivation : Besoin, désir, tendance ou aspi- gage parlé ou écrit. La communication non
ration qui incite ou dispose un individu à verbale est celle des regards des signes, des
avoir un certain comportement ou à prendre mimiques, des attitudes du ton de la voix,
certaines décisions. La motivation est une etc.
tension affective orientant la conduite et sou-
tenant l’activité vers le but ou la situation One-Man-Show : Spectacle constitué par le
satisfacteurs. numéro d’un personnage qui tient la scène (et
le public) pendant toute la séance à lui tout
Motiver : Au sens psychopédagogique strict, seul (il est tout le spectacle).
« motiver » un groupe, une classe, un élève,
c’est opérer de telle sorte qu’ils ressentent fina- Opérant (conditionnement) : Cf. condition-
lement en eux-mêmes le besoin de savoir ou nement instrumental et renforcement.
d’apprendre ce en vue de quoi on les prépare.
Dans ce sens, en « motivant » un groupe, on Paradigmatique : Qui sert de modèle d’idéal,
déclenche un comportement de résolution de valeur référentielle absolue.
du « besoin » qui mobilise et meut le groupe
vers l’acquisition des connaissances capables de Paralangage : Ensemble des moyens non
« répondre » à cette tension particulière. Au sens verbaux de la communication. Cf. Non-verbal.
général, « motiver quelqu’un », c’est utiliser
une de ses motivations habituelles (par exemple Paternalisme : Attitude (d’un détenteur
en créant une situation qu’il perçoit comme d’autorité hiérarchique) qui consiste à traiter
insatisfaisante avec moyen d’en sortir) pour les subordonnés comme ses enfants et
orienter son comportement dans un certain comme des enfants : prend seul les décisions
sens (vers la recherche de la solution par ex.). mais a des relations affectives et familiales

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Pour aller plus loin

avec ceux qui ont à obéir, le chef sachant Redondance : Séquence pédagogiquement
mieux qu’eux ce qui est leur bien (ce qui est utile mais de valeur informative nulle dans
bon pour eux) et en tenant compte. un discours ou une communication ; répéti-
tion, paraphrase, redite.
Pédagogie : Étymolog. art de conduire
(agogie) les enfants (péd), science norma- Référentielle (communication) : Synonyme
tive de l’éducation, étude des procédés et de information au sens de renseigner, faire
méthode de l’éducation et plus générale- savoir.
ment, de toute action de formation. Le pro-
blème de la pédagogie étant d’abord celui des Relevant : Qui concerne effectivement la
buts, et les doctrinaires politiques s’intéres- question ; qui fait partie des données essen-
sant à l’enfance dans la mesure où celle-ci tielles recherchées.
constituera les adultes de l’avenir, toute idéo-
logie politique développe une redéfinition de Renforcement : Opération de base du condi-
la pédagogie. tionnement, le renforcement a un sens différent
dans la théorie classique (Pavlov) où il est la
Programmation : Mise en forme de « pro- présentation expérimentale du stimulus
gramme », c’est-à-dire d’opérations succes- inconditionnel associé au stimulus conditionnel
sives et ordonnées, à exécuter par une (ce qui évite l’extinction de la réaction acquise)
machine électronique, suivant des « instruc- et dans la théorie du conditionnement opérant
tions » (système de signaux déclencheurs) (Skinner) où le renforcement est la réponse
données à l’avance à la machine, et devant satisfaisante elle-même, devenant récompense
apparaître selon une chronologie et des condi- de l’effort et réductrice de tension.
tions prévues à l’avance.
Répertoire : Vocabulaire spécifique d’une
Programmé : Ordonnancé selon une pro- science, d’un métier, d’un groupe primaire. Un
grammation au sens précédent. même mot peut avoir des sens différents selon
le répertoire de référence (ex. « trompette »
Ramifié (programme) : Type de déroulement pour un musicien ou pour un mécanicien-
d’un programme (dans une machine à ensei- auto). Des mots peuvent n’appartenir qu’à un
gner) caractérisé par le fait que : seul répertoire (ex. « synapse » en neuro-
1) plusieurs réponses sont possibles donc il y physiologie). La pédagogie d’un savoir est
a possibilité d’erreur par le répondant ; d’abord l’apprentissage d’un répertoire.

2) ces erreurs sont prévues et analysées ; Role-playing : Cf. Jeu de rôle.


3) chacune révèle une forme de la non-
intégration des connaissances ou une insuf- Scolastime : Nom donné par Freinet à tout
fisance d’information et renvoie donc à une système scolaire abstrait et impersonnel,
boucle ad hoc, c’est-à-dire à une séquence coupé de la vie, et stérilisant.
d’information complémentaires.
Séminaire : Dans le langage de la formation,
Récepteur : Système (homme ou machine) désigne un type de « classe » où les partici-
destinataire du signal ou de l’information, et pants, peu nombreux, suivent des séances
susceptible de les décoder. rassemblant un programme en un temps
court (quelques jours) et de manière intensive.
Recyclage : Formation complémentaire ou L’information et la formation sont l’objet
entièrement nouvelle offerte à des profes- d’échanges entre le groupe (invité à se cons-
sionnels en vue de leur faire connaître les tituer rapidement comme groupe), les ani-
changements ou progrès intervenus dans le mateurs et les émetteurs d’information. Les
domaine dont ils s’occupent ou s’occupe- méthodes utilisées varient selon les organi-
ront. sateurs.

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Lexique

Séminaire résidentiel : Session de forma- contraire de suivre la voie lente de la pro-


tion active groupant les participants loin de grammation linéaire lorsqu’il a tout à appren-
l’entreprise et en un lieu de « résidence » dre. La présentation des tranches d’information
consacré entièrement à la session, où toutes tient compte de ces deux possibilités.
les activités collectives (séances, repas, veillées,
etc.) se font sur place. Sociodrame : Méthode de psychodrame
mais où les acteurs sont, soit des groupes,
Sensibilisation : Au sens figuré, dans l’ex- soit des représentants de groupes. Le mot
pression « séminaire » ou session de « sensi- est pris souvent dans le sens aussi de « jeu
bilisation », il s’agit de favoriser la découverte de rôle » lorsque les personnages sont nom-
personnelle (expérentielle) d’un certain ordre breux.
de phénomènes ou d’un certain domaine
(correspondant au contenu de la session ou Spontanéité :
du stage) de façon à en intensifier la percep-
tion ultérieure, et à motiver le stagiaire à 1) Possibilité de répondre d’une manière
accroître tout seul ses connaissances dans ce immédiate et libre à une situation quelconque.
domaine. Suppose que le sujet est libéré de tout com-
plexe, lequel provoque au contraire les com-
portements répétitifs et non adaptés.
Simulateur : En ergonomie, en pédagogie
active, on appelle simulateur un appareil ana- 2) Dans la conception psychologique de
logue structuralement aux situations réelles Moreno, la spontanéité s’oppose aux « conser-
que l’on veut analyser ou auxquelles on veut ves culturelles » ou traditions de tous ordres,
former des sujets. Cf. Simulation. et aux différents types de dressage ou de
conditionnement. Elle est créativité, impro-
visation des rôles et capacité d’ajustement
Simulation :
actif.
1) En médecine et plus précisément en psy-
chiatrie (comme au sens commun) la simu- Statut social : Position reconnue ou accordée
lation est le faire semblant d’être malade, de à une personne (dans un groupe, par rap-
présenter tels symptômes dans un but déter- port aux autres membres du groupe) à
miné (se faire réformer, obtenir une pension, laquelle est associé un degré de considéra-
une indemnité, une réduction de peine, etc.). tion, d’estime sociale, de respect. Avoir un
2) Dans un sens méthodologique et dans la « bas statut social » signifie que dans le groupe
recherche, la simulation est tout autre chose ; concerné, cette personne est considérée
elle consiste à réaliser un donné (matériel ou comme de peu de valeur et de peu d’im-
situationnel) analogique ou isomorphe par portance.
rapport à une classe d’objets ou de situation
réels, de façon à étudier plus facilement les Surdéterminatioin (d’une conduite d’une
variables en jeu. L’objet construit ainsi est réaction, d’une opinion, etc.) : accumulation
appelé simulateur. Une maquette d’avion en et convergence de déterminants (motivation,
laboratoire, un test d’intelligence, une cabine mobiles, motifs, raisons) renforçant et inten-
de formation à la conduite auto en chambre, sifiant la conduite, la réaction, l’opinion, etc.
la bataille sur boîte à sable dans les centres Un comportement surdéterminé a toutes les
militaires, le business-game pour apprendre apparences de l’hyper-volonté.
la gestion des entreprises,… sont des simu-
lateurs, chacun d’un genre particulier. Surmotivation : Intensification de la moti-
vation (positive ou négative) à un point dépas-
Skip branching : Type d’enseignement pro- sant la possibilité, pour le Moi, de contrôler et
grammé permettant de faire « des bonds » de réguler le comportement. La motivation
rapides dans l’information reçue lorsque le dynamise un sujet et entretient son activité
sujet à instruire est déjà au courant,… et au (ex. envie de réussir une performance) mais

221
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Pour aller plus loin

la surmotivation (ex. cette même envie dans le vécu et la pratique des relations inter-
devenue dévorante et angoisse de l’échec humaines, la méthode se range parmi les
possible) perturbe et paralyse la conduite méthodes expérientielles dures.
(trac, panique). C’est un groupe occasionnel, réuni sans
thème extérieur de discussion avec un ou
Synectique : Mot lancé en 1965 par l’amé- plusieurs moniteurs (qui ont pour but d’aider
ricain William J.J. Gordon pour désigner une le groupe dans sa progression) et durant plu-
méthode de stimulation de la créativité dans sieurs jours.
les groupes.
Transfert : Au sens pédagogique et en théorie
Synergomètre : Appareil à 6 places ou de l’apprentissage, on appelle transfert l’uti-
« bureaux » créé en 1960 par R. Mucchielli à lisation de ce qui a été appris au cours d’un
partir de la « table de Bavelas », et servant exercice, dans l’apprentissage d’un autre exer-
de support à une méthode de simulation per- cice. Ainsi l’acquisition réalisée dans le pre-
mettant la formation à la communication, à mier apprentissage sert dans le second, faci-
la coopération et à l’organisation du travail en lite et accélère les progrès. On sait que ce
équipe. Le Group-Cooperation-Game est un transfert n’est positif que si le second appren-
entraînement dérivé du précédent utilisant tissage (et les suivants) présentent une ana-
un simulateur à 20 places et orienté plutôt vers logie de principe ou de structure avec le pre-
la coopération entre équipes ainsi que vers les mier. Autrement dit, sauf dans les cas
processus de décision. d’automatisation rigide du comportement,
quelque chose est appris de transposable à
Teaching : Activité d’enseignant ; enseigne- d’autres apprentissages (ex. apprendre à
ment considéré du point de vue fonctionnel. conduire tel engin facilite l’apprentissage ulté-
rieur de tel autre engin de type, de forme et
Technologie : de buts différents du premier).
1) Étude générale des techniques, comportant
TWI (Training Within Industry) : Méthode de
la description de tous les procédés de réali-
formation accélérée des agents de maîtrise de
sation, dans tous les domaines, existant à un
l’industrie, créée aux USA en 1941 par
moment donné dans une société donnée,
Ch.R. Dooley. La méthode consiste à apprendre
les règles générales de l’efficacité pratique de
des comportements typiques, chacun cor-
ces procédés, moyens et outils, l’évolution
respondant à un aspect codifié d’une situa-
des techniques, etc.
tion complexe analysée et décomposée. Avec
2) Théorie des techniques dans un domaine la « fiche » résumant les signaux indicatifs des
particulier, ou même d’une technique donnée. phases de la situation, et, en regard de chacun,
les points clés des comportements appris
T-Group (Training Group ou groupe de base (check-list), la situation sera maîtrisée.
ou groupe de formation aux relations
humaines) : Né en 1947 aux USA au cours Zeigarnik (effet) : Phénomène découvert par
d’un séminaire de formation destiné à des Bluma Zeigarnik en 1927 avec Lewin : une
professeurs et animé par Kurt Lewin et ses tâche inachevée ou avortée laisse le sujet dans
collaborateurs. Est devenu une méthode ayant un état de tension, ce qui explique que l’on
pour objectifs officiels : la sensibilisation à la se rappelle plus longtemps et d’une manière
dynamique de groupe, l’étude des interac- plus aiguë les échecs et les frustration que les
tions de groupe, et le changement personnel tâches réussies ou les actions menées à terme.

222
Methodes_actives5:coll FP 6/07/12 9:37 Page 223

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228
Methodes_actives5:coll FP 6/07/12 9:37 Page 229

Index
A Comte, 14
Conditionnement, 65, 72
Agressivité, 44
Condorcet, 13, 14
Analyse des postes, 121
Conférences, 46, 51
Andragogie, 13
Animateurs-relais, 51 Confiance en soi, 111

Apprentissage, 64 Conformité
– pression de, 99
Audiovisuel, 104
Contenu
Autocontrôle, 142
– du programme, 127
Auto-évaluation, 30
Contrôle, 131, 138
Autoformation, 85
Créativité, 28, 89, 107
Autoperfectionnement, 142
Culture générale, 28
Autorité, 22, 31
D
B
Débat, 162
Billières, 16
Découverte
Budget, 126
– méthodes de, 71
C Déroulement
– de la formation, 124
Caspard, 27
Docimologie, 140
Carrard, 67
Drill, 64
Communication pédagogique, 38,
41, 55, 56 Duruy, 15
Compétiton, 98 Dynamique de groupe, 32

229
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Pour aller plus loin

E Machines à enseigner, 54, 59, 60


Mentalité des adultes, 19, 20
Éducation permanente, 16, 17
Méthode des cas, 80
Enseignement programmé, 37, 58
Erreurs, 72 Mimodrames,

Évaluation, 142 Moreno, 114


Motivation, 35
F
Motivations, 20, 89, 96
Feed-back, 38, 41, 58, 61, 129
O
Formation permanente, 119
Osborn, 115
G
Goguelin, 88 P
Gordon, 116 Participation, 30
Groupe, 32, 50, 81, 98 Pédagogie
– de formation, 81 – de la découverte, 75
– de cotravail, 81 – de la créativité, 107, 112
– en autoformation, 84
Pédagogique
I – climats, 136
Plan de formation, 119
Imagination créatrice, 115
Préformation, 70
Information-spectacle, 37
Psychosociologie
Institution, 126
– des groupes, 86
Intelligence, 20, 109
Q
J
Questionnaire, 141
Jeux de rôle, 80
R
L
Régulateur, 86
Learning, 64
Rogers, 113
M Rousseau, 112
Manipulation, 90, 93 Ruskin, 15

230
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Index

S Stagiaire, 30, 124


Stimulation, 114
Schwartz, 17
Synectique, 116
Scolaire
– situation, 31 T
Scolaires
– méthodes, 19 Tâtonnement, 76

Sensibilisation, 52, 101 Test, 141

Skip branching, 60 T-group, 87

Sociodrames, 80

231
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Collection Formation permanente

OUVRAGES PUBLIÉS
DANS LA COLLECTION FORMATION PERMANENTE

ROGER MUCCHIELLI
L’analyse de contenu (n° 16).
Les complexes personnels (n° 11).
La conduite des réunions (n° 3).
La dynamique des groupes (n° 4).
L’entretien de face à face (n° 1).
L’interview de groupe (n° 6).
La méthode des cas (n° 5).
Les méthodes actives dans la pédagogie des adultes (n° 13).
Observation psychologique et psychosociologique (n° 17).
Opinions et changements d’opinion (n° 9).
Psychologie de la relation d’autorité (n° 19).
Le questionnaire dans l’enquête psychosociale (n° 2).
Le travail en équipe (n° 18).

ALI ARMAND
Leadership et confiance (n° 218).

JOSEPH AOUN
Manager une équipe multiculturelle (n° 161).

BRUNO BARJOU
Manager par projet (n° 128).
Savoir transmettre son expertise et son savoir-faire (n° 109).
Vendre ses idées et ses projets (n° 141).

BRUNO BARJOU, ANNICK COHEN, JACQUES ISORÉ, JEAN-PIERRE TESTA


Réussir dans ses nouvelles responsabilités (n° 118).

JÉRÔME BARRAND, JOCELYNE DEGLAINE


Développer l’agilité dans l’entreprise (n° 208)

GUY BARRIER
La communication non verbale (n° 117).
Internet, clefs pour la lisibilité (n° 140).

JEAN-MICHEL BAZIN ET ROGER BAZIN


Comment raisonner pour décider (n° 129).

ROGER BAZIN
Développement personnel et entraînement mental (n° 29).
Organiser les sessions de formation (n° 30).

THIERRY BEAUFORT
40 exercices ludopédagogiques pour la formation (n° 185).
Surprendre en formation (n° 191).

LIONEL BELLENGER
À chacun sa résilience (n° 200).
Agir en stratège (n° 168).
Comment managent les grands coachs sportifs (n° 156).
La boîte à outils du négociateur (n° 164).
La confiance en soi (n° 100).
La force de persuasion (n° 37).

233
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Collection Formation permanente

Les fondamentaux de la négociation (n° 163).


Les outils du négociateur (n° 90).
Les techniques d’argumentation les plus sûres (n° 205).
L’excellence à l’oral (n° 149).
Libérez votre créativité (n° 166).
Piloter une équipe projet (n° 158).
Rire et faire rire (Hors série).
La vérité sur le charisme (n° 215).

LIONEL BELLENGER ET MARIE-JOSÉE COUCHAERE


Les techniques de questionnement (n° 143).
Plus efficace et moins stressé (n° 159).
L’écoute (n° 182).

LIONEL BELLENGER ET PHILIPPE PIGALLET

Dictionnaire de la formation et du développement


personnel (n° 113).
100 exercices et études de cas pour la formation (n° 154).

LIONEL BELLENGER, PHILIPPE PIGALLET, REHBIA COUILLET,


MARIE-JOSÉE COUCHAERE, BRUNO BARJOU
C’est moi d’abord (n° 150).

LIONEL BELLENGER ET PHILIPPE TRAMOND


Comment manager demain (n° 210).

PIERRE CAUVIN
La cohésion des équipes (n° 119).

PIERRE CAUVIN ET GENEVIÈVE CAILLOUX


Les types de personnalité (n° 102).

RAMEZ CAYATTE
Motiver. Oui mais comment ? (n° 190).
Manager un projet… Oui mais comment ? (n° 195).

DOMINIQUE CHALVIN
L’affirmation de soi (n° 41).
Cerveau gauche, cerveau droit (n° 209)
Du bon usage de la manipulation (n° 148).
Faire face aux stress de la vie quotidienne (n° 48).
Formation : méthodes et outils (n° 116).
Histoire des courants pédagogiques (n° 115).
Le manager flexible (n° 197).
Les nouveaux outils de l’analyse transactionnelle (n° 64).
Les outils de base de l’analyse transactionnelle (n° 63).
Tensions et conflits dans les relations personnelles (n° 136).

JACQUES CHAUMIER
Travail et méthodes du documentaliste (n° 39).

CORINNE CHAUVIN
Concevoir un stage de formation (n° 173).

LAURENT COMBALBERT
Le management des situations de crise (n° 171).
Négociation en situations complexes (n° 179).

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Collection Formation permanente

VIRGINIE CORNET, PHILIPPE AURIOL


Le parler-vrai (n° 108).

MARIE-JOSÉE COUCHAERE
70 exercices pour développer vos soft skills (n° 213).
Le développement de la mémoire (n° 147).
Favoriser le travail en équipe par la coopération (n° 194).

REBIHA COUILLET
Être soi (n° 124).

SOPHIE COURAU
Le blended learning (n° 217).
Les outils de base du formateur (n° 97).
Les outils d’excellence du formateur (n° 99).
Jeux et jeux de rôle en formation (n° 175).

ÉLIZABETH COUZON ET FRANÇOISE DORN


Les émotions (n° 181).

DENIS CRISTOL
Les communautés d’apprentissage (Hors série).
Former, se former et apprendre à l’ère numérique (Hors série).
Management et communication : 100 exercices (n° 196).
Innover en formation (n° 201).
50 conseils pour développer l’envie d’apprendre (n° 203).
Management et innovation : 60 nouveaux exercices (n° 206).

DENIS CRISTOL ET ÉRIC MELLET


Développer une université d’entreprise (Hors série).

PHILIPPE CRUELLAS
Le temps autrement (n° 135).

MARC DENNERY
Évaluer la formation après la réforme (n° 172).
Réforme de la formation professionnelle (n° 170).
Organiser le suivi de la formation (n° 121).
Piloter un projet de formation (n° 132).
DIF et professionnalisation (n° 178).

GÉRARD DEVAUX
Se préparer à l’oral des examens et des concours (n° 77).

LAURENT DUFOURT ET RICHARD BOURRELY


Jeux et outils pour conduire le changement (n° 198).

JEAN-CHRISTOPHE DURIEUX, HANNAH BESSER


Réussissez vos recrutements (n° 165).
Développement personnel et professionnel (n° 176).

FÉDÉRATION FRANÇAISE DE COACHING


Agir en coach (n° 76).

ALAIN FRÉDÉRIC FERNANDEZ, FRANK SAVANN


Manager la formation aujourd’hui (n° 167).

ODILE FEVRE ET ÉRIC SCHULER


L’affirmation de soi au féminin (n° 114).

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Collection Formation permanente

PHILIPPE GABILLIET
Savoir anticiper (n° 137).
BERNARD GANGLOFF
Les techniques de recherche d’emploi (n° 104).

BERNARD E. GBÉZO
Agressivité et violences au travail (n° 142).

CHANTAL GENSSE
Le manager aux 5 passeports (n° 153).

PATRICK GILBERT ET CHRISTIAN CHARDON


Analyser l’écriture (n° 67).

ÉLISABETH GREBOT
Images mentales et stratégies d’apprentissage (n° 101).

JEAN-ÉDOUARD GRÉSY
Gérer les ingérables (n° 192).

JEAN-ÉDOUARD GRÉSY, RICARDO PÉREZ NÜCKEL, PHILIPPE EMONT


Gérer les risques psychosociaux (n° 202).

ANDRÉ GUITTET
Développer les compétences (n° 107).

HUBERT JAOUI
Créativité, mode d’emploi (n° 81).

ALAIN KERJEAN
L’apprentissage par l’expérience (n° 174).

PATRICK KORENBLIT, CHARLES NEUMAN,


CHRISTIAN JEANGUIOT
Mettre en place les entretiens professionnels (n° 162).

PATRICK KORENBLIT, CAROLE NICOLAS,


HÉLÈNE LEHONGUE
Construire son projet professionnel (n° 157).

GINGER LAPID-BODGA
L’ennéagramme (Hors série).
Le leadership (Hors série).

ANNE-MARIE LAPORTE-CASTELNAU
ET BRIGITTE LAPORTE-DARBANS
La gestion de soi (n° 103).

JEAN-LOUIS LASCOUX
Pratique de la médiation (n° 144).

DANIEL LATROBE
Gérer efficacement son temps et ses priorités (n° 139).

ÉDOUARD LIMBOS
L’animation des groupes de culture et de loisirs (n° 35).

YVES-FRÉDÉRIC LIVIAN
Gérer le pouvoir dans les entreprises et les organisations (n° 71).

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Collection Formation permanente

CHRISTOPHE LUNACEK
La délégation efficace (n° 105).
LUC MARSAL
La détection des potentiels (n° 131).

ARLETTE MUCCHIELLI
Apprendre à coopérer (n° 134).

JACQUES NIMIER
La formation psychologique des enseignants (n° 112).

BRIGITTE PIARRAT
Le bilan de compétences (n° 186).

PHILIPPE PIGALLET
Les outils de la pensée (n° 127).

HENRY RANCHON
Construire votre management d’équipe (n° 169).

CHRISTIE RAVENNE
Gérer les tournants de carrière (n° 72).

GÉRARD RODACH
Mettre en place une stratégie gagnante (n° 189).

GÉRARD RODACH ET AVIAD GOZ


Trouver sa voie (n° 193).

GÉRARD RODACH ET DOMINIQUE SZULKA


Former, Mentorer, Tutorer (n° 207).

GUY ROUDIÈRE
Décrypter les débats télévisés (n° 138).
Mieux s’exprimer pour convaincre et agir (n° 120).
Traquer le non-dit (n° 151).

GHUYSLAINE ROY-LEMARCHAND
Le management des compétences (n° 183).

GUY SABON
Formation des tuteurs et des maîtres d’apprentissage (n° 106).

MARION SARAZIN
S’initier à la PNL (n° 60).

CHANTAL SELVA ET GUY MISSOUM


Savoir définir et gérer des objectifs (n° 91).

LOUIS TIMBAL-DUCLAUX
L’expression écrite (n° 42).

ARLETTE YATCHINOVSKY
L’approche systémique (n° 133).
Mieux vivre le changement (n° 160).

ARLETTE YATCHINOVSKY, PIERRE MICHARD


Le bilan personnel et professionnel (n° 87).

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