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Journal of Performance Management, ISSN: 2820-7327, Volume 2, Issue 1 (2023), pp.20-42.

Chocs Extra-Organisationnels, Turnover et Transitions


Professionnelles : Comprendre la Carrière sous la Pandémie
Rachid BOUTANNOURA a
a
Laboratoire de recherche en Innovations, Responsabilités et Développement Durable (INREDD),
Ecole Supérieure de Technologie de Safi, Université Cadi Ayyad Marrakech, Maroc,
http://orcid.org/0000-0003-4132-6472, boutannoura01@gmail.com

Résumé

Organisations comme individus font face à des défis complètement inédits depuis la déclaration de la covid-19 comme
une pandémie par l'OMS. Pendant toute la période de l’état d’urgence sanitaire, les acteurs du tourisme au Maroc ont
fait face à un contexte de volatilité, d’incertitude, de complexité et d'ambiguïté. La nature du secteur fait qu’il est le
moins susceptible d’être sauvé par des activités en distanciel à l’aune de l’enseignement, des services, etc. Dans ce
contexte de fragilisation économique et sociale, nous considérons que la carrière des travailleurs du tourisme est sujette
à de profonds changements qui méritent l’observation. Par conséquent, nous avons porté notre intérêt sur les
travailleurs du tourisme dans la région Marrakech-Safi, première région touristique au Maroc avec les meilleures
infrastructures et le plus grand dynamisme, et cherché à comprendre la façon dont ils vivent les transitions de carrière
suite à des chocs liés à la pandémie du coronavirus. En s’appuyant sur un design de recherche qualitatif à visée
exploratoire, nous avons interrogé 29 travailleurs recrutés selon un procédé d’échantillonnage théorique. Le matériau
collecté a ensuite été traité par une analyse en trois étapes de codage (ouvert, axial et théorique). Nos résultats
suggèrent une variété représentationnelle qui a été catégorisée en quatre voies cognitives. Le contexte pandémique est
tantôt perçu comme l’accélérateur d’un changement souhaité, tantôt comme une revisite du choix de carrière, tantôt
comme un point de non retour, tantôt comme un déclencheur de décisions impulsives. Sur le plan théorique, cette
étude contribue à la recherche sur l’impact des chocs extra-organisationnels sur les carrières en donnant à voir
l'interaction entre les événements extérieurs au contrôle des individus et ceux à l’intérieur de leur périmètre de
contrôle. Par ailleurs, nos résultats ont plusieurs implications importantes pour les organisations et leurs managers,
notamment les DRH. Bien que notre approche permette d'expliquer comment les chocs entraînent des transitions de
carrière, aucune étude ne peut tenir compte de toutes les influences contextuelles susceptibles d'avoir une incidence
sur le processus social étudié. Ainsi, les impacts des chocs de carrière que nous avons identifiés ne représentent pas
les seules façons dont un choc peut mener à une transition de carrière. De futures études pourraient chercher à
développer les chemins cognitifs que nous avons proposés ou à spécifier d'autres influences individuelles et
contextuelles qui pourraient façonner les perceptions et la prise de décision liées à la carrière.

Mots-clés : Chocs de carrière ; transition de carrière ; choix de carrière ; rotation du personnel.


Type de papier : Recherche empirique.

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Journal of Performance Management, ISSN: 2820-7327, Volume 2, Issue 1 (2023), pp.20-42

Abstract

Organizations and individuals alike are facing completely new challenges since covid-19 was declared a pandemic by
the WHO. Throughout the state of health emergency, tourism stakeholders in Morocco have faced a context of
volatility, uncertainty, complexity and ambiguity. The nature of the sector makes it the least likely to be saved by
remote activities in comparison to education, services, etc. In this context of economic and social fragility, we consider
that the careers of tourism workers are subject to profound changes that merit observation. Thus, we focused our
interest on tourism workers in the Marrakech-Safi region, the leading tourism region in Morocco with the best
infrastructure and the greatest dynamism, and sought to understand how they experience career transitions following
shocks related to the coronavirus pandemic. Using a qualitative research design, we interviewed 29 workers recruited
through a theoretical sampling process. The collected material was then processed through a three-stage coding
analysis (open-ended, axial, and theoretical). Our results suggest a representational variety that was categorized into
four cognitive pathways. The pandemic context is sometimes perceived as a gas pedal of a desired change, sometimes
as a revisiting of the career choice, sometimes as a point of no return, and sometimes as a trigger for impulsive
decisions. On the theoretical level, this study contributes to research on the impact of extra-organizational shocks on
careers by showing the interaction between events outside the control of individuals and those within their control.
Moreover, our results have several important implications for organizations and their managers, especially HRDs.
Although our approach can explain how shocks lead to career transitions, no study can account for all the contextual
influences that may affect the social process under study. Thus, the impacts of career shocks that we have identified
do not represent the only ways in which a shock may lead to a career transition. Future studies may seek to expand on
the cognitive pathways we have proposed or to specify other individual and contextual influences that may shape
career-related perceptions and decision-making.

Keywords: Career shocks; career transition; career choice; turnover.


Paper type: Empirical research.

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1. Contexte de la recherche

Organisations comme individus font face à des défis complètement inédits depuis la déclaration de la covid-
19 comme une pandémie. Profondément préoccupée par le niveau et la gravité alarmants de la propagation du
coronavirus, l'Organisation Mondiale de la Santé a déclaré COVID-19 une pandémie le 11 mars 2020 (OMS, 2022).
Pour les experts, le rétablissement espéré de la situation ne se traduirait pas par un retour à la normale, mais par le
regain de ce qu’on pourrait appeler un new normal (Guillo, 2021). Pendant toute la période de l’état d’urgence
sanitaire, les acteurs du tourisme au Maroc ont fait face à un contexte de volatilité, d’incertitude, de complexité et
d'ambiguïté. Ainsi, nous avons porté notre intérêt sur les travailleurs du tourisme dans la région Marrakech-Safi,
reconnue comme la région la plus dynamique au Maroc dans ce secteur. Comprendre les transitions de carrière dans
ce contexte nous paraît important pour plusieurs raisons. Premièrement, la pandémie a provoqué des perturbations
importantes et durables dans les établissements touristiques et dans la vie des employés (Sharma, Thomas, et Paul,
2021). Les transitions de carrière représentent donc un contexte non conventionnel (Bamberger et Pratt, 2010) et
extrême (Hallgren, Rouleau, et De Rond, 2018) dans lequel explorer comment les chocs de carrière extra-
organisationnels peuvent entraîner des transitions de carrière qui couvrent à la fois des réalités internes et externes aux
organisations, y compris les dimensions hors travail. Deuxièmement, la théorie du système événementiel (Morgeson,
Mitchell, et Liu, 2015) suggère que les méga-événements tels que les pandémies, qui présentent des niveaux élevés
de nouveauté, de discontinuité et de criticité, sont plus susceptibles de conduire à une délibération sérieuse et à un
changement de comportement que les événements de routine. La recherche suggère également que l'exposition à des
événements traumatiques extra-organisationnels peut avoir un impact sur le sens que les gens attachent à leur travail
et entraîner un changement professionnel (Wrzesniewski, Snyder, et Lopez, 2002). Ainsi, en tant que type spécifique
de choc de carrière, les pandémies peuvent avoir un impact dramatique sur les carrières des personnes et ont le potentiel
de déclencher des délibérations importantes sur la carrière.

Changer d’emploi représente une transition de carrière importante (Baruch et Sullivan, 2022). Par
conséquent, le choix de carrière a suscité l'intérêt des chercheurs en gestion et en carrière depuis plus d'un siècle (Hom,
Lee, Shaw, et Hausknecht, 2017). Partant d'une logique sous-jacente selon laquelle les employés satisfaits restent et
les employés insatisfaits partent, la prépondérance de la recherche sur le turnover volontaire s'est concentrée sur la
compréhension du turnover induit par l'insatisfaction (Lee, Hom, Eberly, Li, et Mitchell, 2017). Cependant, d’après
Russell (2013) les modèles de turnover induits par l'affect expliquent rarement plus de 15 à 20 % de la variance du
turnover. L'une des principales critiques de ces modèles est qu'ils ont tendance à accorder trop d'importance à la
rationalité individuelle et à minimiser l'influence des facteurs contextuels (Sullivan et Al Ariss, 2021). Une exception
notable au sein de la littérature sur le turnover est le modèle de déploiement de Lee et Mitchell (1994) qui reconnaît
que des événements hors du contrôle immédiat d'un individu, appelés " chocs ", peuvent initier la prise de décision de
turnover.

Cette étude adopte un design de recherche qualitatif pour fournir une compréhension de la façon dont les
travailleurs du secteur touristique à la région Marrakech-Safi (Maroc) vivent les transitions de carrière suite à des

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chocs de carrière extra-organisationnels importants. L’article partage les résultats d’une enquête sur les expériences
vécues par 29 personnes qui ont quitté leur emploi à la suite d'une séquence d'événements en rapport avec la pandémie
covid-19. Nous réagissons aux invitations à une recherche qui va au-delà de la simple répertorisation /classification
de l'occurrence des chocs (Akkermans, Seibert et Mol, 2018), et qui se focalise plutôt sur l'impact d'un type spécifique
de choc (la pandémie) sur les transitions professionnelles.

2. Les chocs de carrière et le turnover dans la littérature

Le rôle des chocs dans le choix de carrière a été étudié dans la littérature sur le turnover des employés et dans
les écrits sur les carrières. Les « chocs » ont été introduits pour la première fois dans le cadre du modèle de turnover
de Lee et Mitchell (1994). Bien que Lee et Mitchell (1994) n'aient pas donné de définition précise d'un choc, ils ont
déclaré ce qui suit : "une sorte d'événement, que nous appelons un choc du système, amène la personne à s'arrêter et
à réfléchir à la signification ou à l'implication de l'événement par rapport à son emploi". Le modèle de turnover propose
cinq chemins discrets qui aboutissent à ce qu'un employé choisit de quitter son emploi, dont trois sont déclenchés par
un choc. Pour les citer brièvement, le premier chemin se produit lorsqu'un choc active un plan ou un "scénario"
préexistant de départ. Par exemple, une employée peut prévoir d'arrêter de travailler à la naissance de son premier
enfant (scénario) et décider ensuite de partir lorsqu'elle apprend qu'elle est enceinte (choc). Le deuxième chemin est
initié par un choc négatif sur le lieu de travail qui entraîne une violation de l'image. L'atteinte à l'image est
suffisamment forte pour entraîner une action immédiate et l'employé part sans envisager d'autres emplois spécifiques.
Le troisième chemin implique également un choc (positif ou négatif) qui se traduit par des comportements de recherche
d'emploi et de comparaison rationnelle de l'emploi actuel avec des alternatives connues. Le quatrième et le cinquième
chemins reflètent le turnover induit par l'insatisfaction et n'impliquent pas l'exposition à un choc. Des recherches
ultérieures ont confirmé les principes de base et les voies du modèle de turover (Holtom, Goldberg, Allen, et Clark,
2017 ; Kulik, Treuren et Bordia, 2012 ; Ng, Huang et Young, 2019) et, surtout, ont démontré que les chocs provoquent
plus souvent un turnover volontaire que l'insatisfaction professionnelle accumulée (Holtom, Mitchell, Lee et
Inderrieden, 2005).

En dépit de cette validation empirique, le modèle de turnover a été critiqué parce qu'il ne correspond pas à
toutes les situations et à tous les types de turnover (Morrell, Loan-Clarke, Arnold et Wilkinson, 2008 ; Niederman,
Sumner et Maertz, 2007). Cela a conduit les chercheurs à demander une articulation plus précise des processus par
lesquels les chocs conduisent au turnover, ainsi qu'un élargissement de la signification des chocs (Lee, Hom, Eberly,
Li et Mitchell, 2017). Akkermans, Seibert et Mol (2018) répondent en partie à cet appel dans la littérature sur les
carrières. En rassemblant la littérature sur les événements aléatoires de carrière et le turnover volontaire, ils fournissent
une définition intégrative d'un " choc de carrière ", le définissant comme suit : " ...un événement perturbateur et
extraordinaire qui est, au moins dans une certaine mesure, causé par des facteurs hors du contrôle de l'individu et qui
déclenche un processus de réflexion délibéré concernant sa carrière ". L'occurrence d'un choc de carrière peut varier
en termes de prévisibilité et peut être valencée positivement ou négativement " (Akkermans, Seibert et Mol, 2018, p.
4). Fait important, ces auteurs conceptualisent plusieurs attributs du choc, qui, selon eux, déterminent l'influence d'un

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choc sur les résultats de la carrière. Il s'agit de la fréquence du choc, de la prévisibilité et de la contrôlabilité, de la
source, de la durée et de la valence, et sont discutés ci-dessous.

En ce qui concerne la fréquence, les chocs de carrière représentent des événements peu fréquents qui
s'écartent des événements quotidiens (Akkermans, Seibert et Mol, 2018). Leur impact s'impose à l'attention d'un
individu et déclenche une interprétation approfondie de l'événement et de ses conséquences. Cela ne signifie pas que
tous les chocs de carrière sont nécessairement inattendus. Des événements attendus, comme la naissance prévue d'un
enfant, peuvent déclencher des délibérations sur la carrière.

Akkermans, Seibert et Mol, (2018) affirment toutefois que les chocs de carrière sont plus susceptibles
d'affecter un individu lorsqu'ils sont peu prévisibles et contrôlables. Ceci est soutenu par des recherches démontrant
que les chocs inattendus ont un impact plus fort sur le comportement de rotation que les chocs attendus (Holtom,
Goldberg, Allen, et Clark, 2017). Les chercheurs sur le turnover et les carrières reconnaissent que les chocs de carrière
peuvent avoir différentes sources (Akkermans, Seibert et Mol, 2018 ; Holtom, Mitchell, Lee, et Inderrieden, 2005),
qui peuvent varier d'événements personnels ou interpersonnels externes à l'organisation (par exemple, la pandémie
liée au Covid 19) à des événements qui proviennent de l'intérieur d'une organisation (par exemple, une promotion
inattendue). Des recherches récentes suggèrent que les chocs peuvent avoir des impacts différents sur la carrière selon
leur source. Par exemple, Holtom, Goldberg, Allen, et Clark (2017) démontrent que les chocs organisationnels ont un
impact sur le turnover volontaire par le biais de la satisfaction au travail et d'autres attitudes liées au travail ; alors que
les chocs personnels ont tendance à avoir un impact plus direct sur le comportement de roulement. En ce qui concerne
la présente étude, la pandémie liée au Covid 19 s’est traduite par des chocs transversaux qui ont un impact non
seulement sur les individus, mais aussi sur des populations entières dans les quatre coins du globe, et qui ont le
potentiel de perturber l'environnement professionnel et non professionnel d'un individu.

Les chocs peuvent également varier dans leur durée. Cependant, dans la documentation sur le turnover, les
chocs ont généralement été conceptualisés comme des événements discrets et discontinus qui doivent mener
directement à des délibérations sur le départ de l'emploi pour être considérés comme un choc (Holtom, Mitchell, Lee,
et Inderrieden, 2005 ; Lee et Mitchell, 1994). Cette définition est restrictive et ne tient pas compte du fait qu'un seul
choc peut déclencher un processus de prise de décision mais, à lui seul, être insuffisant pour entraîner un turnover
(Morrell, Loan-Clarke et Wilkinson, 2004). Des chocs supplémentaires, ou un ensemble de circonstances déclenchées
par le choc initial, peuvent être ce qui conduit finalement la personne à quitter son emploi (Bergman et al., 2012). Il
est tout à fait plausible que l'impact cumulatif de chocs multiples ou les conséquences négatives durables d'un choc
puissent aboutir à l'atteinte d'un seuil (Andrus, Withers, Courtright et Boivie, 2019 ; Pleskac, Keeney, Merritt, Schmitt
et Oswald, 2011). Akkermans, Seibert et Mol (2018) abordent cette question en faisant une distinction entre la durée
de l'événement de choc lui-même et la durée de ses conséquences pour un individu. Ils postulent que les chocs d'une
durée plus longue sont susceptibles d'avoir un impact plus important sur les résultats de la carrière, bien que la
recherche n'ait pas encore examiné ces effets ou exploré pleinement d'autres influences temporelles des chocs. Par
exemple, Lee et ses co-auteurs se demandent (en 2017) si la saillance des chocs diminue ou si leur force s'amplifie

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avec le temps, tandis que Akkermans, Seibert et Mol (2018) proposent que l'interaction entre la fréquence, l'intensité
et la durée des chocs puisse être importante pour déterminer comment les chocs influencent la prise de décision. Ces
idées restent largement inexplorées et sont particulièrement importantes à considérer dans le contexte d'une pandémie
prolongée ou d'un événement externe similaire, car le choc initial pourrait déclencher une série d'événements
connexes.

Enfin, les deux courants de la littérature s'accordent à dire qu'un choc de carrière peut avoir une valence
positive, négative ou même neutre. L'opinion dominante est que la valence du choc est liée aux résultats de carrière
(Akkermans, Seibert et Mol, 2018). Autrement dit, les chocs de carrière positifs sont plus susceptibles d'être associés
à des résultats de carrière positifs et les chocs négatifs à des résultats négatifs. La plupart des recherches soutiennent
cet argument. Par exemple, Kraimer et ses co-auteurs (2019) ont constaté que les chocs de carrière positifs (par
exemple, recevoir une récompense de recherche), étaient liés à des niveaux plus élevés de satisfaction de carrière et
d'engagement au travail chez les universitaires, tandis que Blokker, Akkermans, Tims, Jansen, et Khapova (2019) ont
démontré que les chocs négatifs sapent la relation entre les compétences de carrière et les perceptions de
l'employabilité externe chez les jeunes professionnels. Certaines études suggèrent toutefois que la valence du choc ne
correspond pas toujours aux résultats de la carrière (Seibert et al., 2013). Par exemple, Rummel, Akkermans, Blokker
et Van Gelderen (2019) ont démontré que les chocs négatifs (par exemple, être écarté d'une promotion anticipée),
peuvent conduire à des résultats positifs à plus long terme tels que la création d'une entreprise prospère.

De tels résultats suggèrent qu'il peut y avoir des différences temporelles, contextuelles et processuelles dans
la manière dont les chocs conduisent à des transitions de carrière. Ils suggèrent également que les événements extra-
organisationnels à grande échelle, tels que les pandémies et les catastrophes naturelles, sont susceptibles d'être vécus
comme des chocs de carrière de différentes manières. À cet égard, Akkermans, Richardson et Kraimer (2020)
affirment que la façon dont un individu vit et réagit à un choc de carrière sera directement influencée par l'interaction
entre les facteurs contextuels et individuels. Les études explorant de telles possibilités ne sont, cependant, pas
répandues dans la littérature sur le turnover ou les carrières, où historiquement l'accent a été mis sur l'identification et
la classification des types de chocs de carrière plutôt que sur les processus par lesquels ceux-ci sont intégrés dans la
prise de décision de carrière (Modestino, Sugiyama et Ladge 2019). Très peu d'études ont cherché à examiner
l'interaction dynamique entre les chocs initiaux, les chocs ultérieurs et les raisons réelles des changements d'emploi
ou de carrière (Kulik, Treuren et Bordia, 2012 ; Morrell, Loan-Clarke et Wilkinson, 2004). Bien que nous sachions,
par exemple, que l'intégration professionnelle peut atténuer l'effet des chocs négatifs sur le taux de rotation (Burton,
Holtom, Sablynski, Mitchell et Lee, 2010) et que le développement de compétences professionnelles peut permettre
aux individus de mieux tirer parti des chocs professionnels positifs (Blokker, Akkermans, Tims, Jansen, et Khapova,
2019), des questions subsistent quant aux processus par lesquels les facteurs individuels ou contextuels améliorent ou
diminuent la capacité d'un individu à répondre à un choc professionnel unique ou, ce qui est peut-être plus important,
à une série continue de chocs professionnels.

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3. Une méthodologie qualitative à visée exploratoire

Dans les quatre coins du globe, le secteur touristique est sous l’épée de Damoclès depuis la genèse de la crise
pandémique. La nature du tourisme fait que ce secteur est le moins susceptible d’être sauvé par un remplacement
présentiel / distanciel : le consommateur doit se déplacer pour accéder à la consommation du service sur le lieu de
production même et les travailleurs du tourisme ne peuvent garder leurs fonctions sous format distanciel. Ainsi, les
restrictions brutales à la circulation, tant au niveau national qu’au niveau international, se sont traduites par un arrêt
de l’activité. Le manque à gagner est très colossal pour le Maroc où l’activité a un poids considérable dans l’économie
et la société. D’après diverses sources, le tourisme serait le deuxième contributeur au produit intérieur brut (PIB) au
Maroc et un des plus grands pourvoyeurs d’emplois. Il est l’un des premiers contributeurs à la balance des paiements,
a représenté 6,8 % du PIB en 2018 et généré 548 000 emplois directs, soit près de 5 % de l’emploi, dans l’ensemble
de l’économie. Dans ce contexte de fragilisation économique et sociale, nous considérons que la carrière des
travailleurs du tourisme est sujette à de profonds changements qui méritent l’observation. Ainsi, notre étude cherche
à comprendre la signification intersubjective que les travailleurs du tourisme dans la région Marrakech-Safi attribuent
à leur décision de quitter leur emploi suite à un ou plusieurs choc(s) de carrière extra-organisationnel(s) important(s).
Nous avons pris le cas des travailleurs en tourisme à la région Marrakech-Safi pour deux raisons : c’est la première
région touristique au Maroc avec les meilleures infrastructures et le plus grand dynamisme ; le terrain d’études est
directement accessible sachant que l’auteur de l’article réside dans cette région et a conduit une bonne partie de l’étude
sous les restrictions territoriales qui ont limité les déplacements intervilles.

Notre recherche se positionne dans le cadre d’une épistémologie interprétativiste. L’interprétativisme renvoie
au raisonnement abductif qui se traduit par une interprétation du phénomène étudié dans son contexte d’ancrage. La
connaissance produite aurait, alors, un statut compréhensif qui nécessiterait d’être testé par la suite pour tendre vers
le statut de règle (Savall et Zardet 2004). Comprendre comment les transitions de carrière se déroulent dans un contexte
pandémique complexe et dynamique a nécessité une conception de recherche qualitative et une interaction dialogique
étroite entre l’auteur et les participants à la recherche. Par conséquent, nous avons adopté la méthodologie de la théorie
ancrée (Charmaz, 2014 ; Corbin et Strauss, 2008). Bien que la théorie ancrée représente un écart important par rapport
aux traditions déductives et quantitatives qui ont dominé la recherche sur le turnover volontaire jusqu'à présent (Allen,
Hancock, Vardaman et McKee, 2014), elle est couramment utilisée dans d'autres domaines de la gestion (Bansal,
Smith et Vaara 2018 ; Gehman, Glaser, Eisenhardt, Gioia, Langley et Corley, 2018) et ouvertement adoptée dans la
recherche sur les catastrophes (Phillips, 2014). Notre design de recherche donne la priorité aux expériences vécues
des participants à la recherche et se concentre sur des facteurs dérivés de manière inductive pour expliquer comment
un choc de carrière extra-organisationnel important pourrait conduire à des transitions de carrière. Nous répondons
ainsi aux appels à des études plus approfondies qui prennent en compte les influences structurelles et contextuelles
sur le turnover et les décisions de carrière (Morrell et Arnold, 2007 ; Sullivan et Al Ariss, 2021). Le chercheur en
management est appelé à donner une attention prioritaire à l’identification des facteurs contextuels de production et

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d’évolution du phénomène objet de ses recherches. C’est justement ce travail qui permet d’enrichir la théorie
(Boutannoura et Bentaleb, 2017).

Pour explorer les perceptions des travailleurs du tourisme dans les transitions de carrière vécues, nous avons
rencontré et recueilli les propos de 29 participants selon un procédé d'échantillonnage théorique (Guillemette &
Luckerhoff, 2012). Selon Guillemette & Luckerhoff (2012), il s’agit d’un processus de collecte des données
nécessaires à la production d’une théorie. Le processus de collecte de données se fait de façon simultanée avec
l’analyse. Nous avons mené notre investigation jusqu’à atteindre la saturation des données. Initialement, nous ne nous
sommes pas fixé un nombre précis de personnes à interviewer. Nous avons élargi progressivement le nombre des
répondants pour intégrer un grand nombre d’expériences (Guillemette & Luckerhoff, 2012). Après 29 répondants, nos
données commencent à être redondantes et n'apportent plus d’informations significativement nouvelles. Aussi, nous
avons mis fin à nos entrevues. Le tableau 1 présente les caractéristiques démographiques de notre échantillon.

Pour être inclus dans l'étude, les participants devaient répondre à trois critères. Ils devaient (1) être un
travailleur dans le secteur touristique à la région Marrakech-Safi ; (2) avoir un emploi rémunéré au moment de la
déclaration de l’état d’urgence sanitaire et du premier confinement au Maroc ; et (3) avoir quitté leur emploi de leur
plein gré dans les 12 mois suivant le premier confinement. La décision de retarder la collecte des données jusqu'à 12
mois était délibérée afin de tenir compte de l'impact cumulatif des multiples chocs et facteurs de stress. La collecte
des données a eu lieu à la fin de l'année 2021. Bien que cette décision et l'utilisation de récits rétrospectifs à la première
personne aient soulevé des inquiétudes quant à la rationalisation post-hoc et le biais rétrospectif (Lee, 1996 ; Maertz
& Campion, 2004), ces préoccupations ont été atténuées par plusieurs études qui ont démontré que les mémoires
tardives d'événements traumatiques présentent une stabilité et une fiabilité remarquables dans le temps (par exemple,
Krinsley et coll., 2003 ; Norris & Kaniasty, 1992).

Les données ont été recueillies par le biais d'entretiens approfondis. Vingt-neuf entretiens ont eu lieu en face
à face, par téléphone, via Whatsapp ou encore via Zoom. Les entretiens ont duré entre 30 et 69 minutes, la durée
moyenne étant d'environ 45 minutes. Conformément à notre approche inductive, nous avons utilisé un protocole
d'entretien semi-structuré plutôt qu'une longue série de questions d'entretien prédéterminées. Chaque entretien
commençait par les questions générales suivantes :
- Pouvez-vous me parler de votre cursus professionnel dans le secteur touristique ?
- Parlez-moi des circonstances qui ont conduit à votre décision de quitter le tourisme ;
- Quel impact le coronavirus a-t-il eu sur votre décision de partir ?

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Tableau 1. Caractéristiques démographiques des participants à l’étude


Participant H/F Âg Situation Diplôme Fonction exercée Ancienneté dans
e Matrimoniale le tourisme
Othmane H 35 Marié, 1 enfant. Licence. Maître d'hôtel 9 ans
Faïza F 30 Célibataire Bac + 2 Animatrice de club de vacances 6 ans
Hicham H 45 Divorcé, 2 enfants. MBA Directeur F&B 11 ans
Anouar H 41 Marié, 1 enfant. Master Chargé de mission de développement 7 ans
Nadia F 29 Célibataire Bac + 2 Hôtesse de l'air 5 ans
Karima F 28 Divorcée. DUT Délégué commercial voyagiste 4 ans
Mohamed H 39 Marié, 2 enfants. DEUG Conseiller voyages 14 ans
Hakima F 35 Mariée, 2 enfants. Licence. Agent de réception 4 ans
Saïd h 42 Mariée, 1 enfant. BTS Directeur artistique 11 ans
Abdelkader H 30 Célibataire. DUT. Responsable de réservation 3 ans
Charifa F 32 Mariée, 1 enfant. Master Contract Manager 7 ans
Ibtissam F 34 Célibataire. DEUG Gouvernante 9 ans
Ghita F 31 Mariée, 1 enfant. Master Responsable grands comptes Compagnie 8 ans
aérienne
Zineb F 29 Mariée. Master Guest Relation Manager 5 ans
Redouane H 28 Célibataire. Master Yield Manager 3 ans
Sara F 27 Célibataire. Licence Chargé de promotion 4 ans
Abdellah H 40 Marié, 3 enfants. Bac + 4 Directeur d’hôtel 15 ans
Bouchra F 39 Mariée, 1 enfant. DEUG Spa manager 16 ans
Karim H 50 Mariée, 3 enfants. Bac Econome 20 ans
Fatima F 52 Veuve. DEUG Coordonnatrice d'événements 17 ans
Najib H 39 Marié. BTS Maître d'hôtel 9 ans
Rabha F 31 Célibataire. Bac + 2 Assistante chef de projet 5 ans
Meryem F 48 Divorcée. Bac Agent d’accueil 12 ans
Mahmoud H 30 Célibataire. Bac + 2 Chargé de mission 7 ans
Salma F 33 Célibataire. DUT Maîtresse d’hôtel 3 ans
Wafae F 47 Divorcée, 1 enfant. Licence Chef de projet événementiel 8 ans
Soufiane H 37 Marié. Bac + 2 Gouvernant d’hôtel 12 ans
Abdelghani H 34 Mariée, 2 enfants. DEUG Coordonnateur des congrès / banquets 10 ans
Laila F 34 Mariée, 1 enfant. Licence Chargée de mission 6 ans

Source : Auteur

Ces questions ouvertes ont permis d'assurer un certain degré de cohérence entre les entretiens, tout en
permettant aux participants d'identifier et d'introduire les thèmes qui étaient importants pour eux. Une deuxième série
de questions d'approfondissement plus spécifiques était gardée en réserve et utilisée si, à la fin de l'entretien, un
participant n'avait pas abordé des aspects clés de sa décision, tels que la recherche d'emploi ou la satisfaction
professionnelle. La collecte et l'analyse des données se sont déroulées de manière itérative. Il s'agissait de mener des
entretiens par groupes de trois ou quatre, puis de faire une pause pour analyser les données avant de reprendre la
collecte. Le fait de regrouper les entretiens de cette manière a permis d'incorporer les thèmes émergents dans le
protocole d'entretien et de garantir que la collecte de données et la sélection de participants supplémentaires se
déroulent selon des lignes théoriques. La collecte de données s'est poursuivie jusqu'à ce que toutes les catégories
importantes soient complètement saturées, c'est-à-dire qu'aucune nouvelle propriété au sein des catégories ou relation
entre elles ne pouvait être identifiée et que l'ajout de données supplémentaires n'apportent que peu de choses à l'analyse
ou au schéma théorique émergent.

L'analyse des données s'est déroulée en trois étapes de codage ouvert, axial et théorique (Charmaz, 2014 ;
Corbin & Strauss, 2008). Le codage ouvert des entretiens a commencé dès que possible après leur transcription. Cela
a permis d'adapter le protocole d'entretien aux concepts émergents, guidant ainsi la collecte ultérieure des données.

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Travaillant de manière inductive, chaque transcription individuelle a été soumise à un codage rigoureux ligne par ligne
afin d'examiner le sens des données et d'identifier les concepts à partir des données brutes. Le codage ouvert a généré
une centaine de codes de premier ordre. La comparaison constante a permis d'élaborer l'analyse et de réduire le nombre
de codes initiaux en comparant les concepts afin d'identifier les caractéristiques communes ou les thèmes entre eux.
Les codes qui partageaient des caractéristiques similaires ou étaient liés au même phénomène ont été regroupés dans
des catégories provisoires de second ordre (Corbin & Strauss, 2008). Ces catégories de plus haut niveau, plus
abstraites, recoupent les entretiens et incluent plusieurs codes de premier ordre. Ce processus de codage ciblé a permis
d'identifier plusieurs catégories d'ordre supérieur qui semblaient occuper une place importante ou centrale dans le
schéma théorique émergent. Ces catégories ont été poursuivies de manière analytique afin de comprendre la nature
des relations entre les catégories, ainsi que d'élaborer les propriétés et les dimensions de chacune d'entre elles, un
processus connu sous le nom de codage axial (Corbin & Strauss, 2008). La dernière étape de l'analyse des données, le
codage sélectif, a permis d'identifier l'engagement dans la réflexion critique comme la catégorie centrale (Charmaz,
2014 ; Corbin & Strauss, 2008). Toutes les catégories substantives ont été reliées à cette catégorie centrale par un
ensemble d'énoncés relationnels qui sont décrits dans la section qui suit.

4. Résultats de la recherche

Les participants à notre enquête ont affiché une variation considérable dans l'explication de la façon dont la
pandémie du coronavirus a influencé leurs décisions de quitter le secteur touristique et le degré de délibération
intentionnelle qu'ils ont accordé à cette décision. Notre analyse a révélé que la plus importante de ces différences était
la présence ou l'absence d'engagement dans une réflexion critique. La réflexion critique a été conceptualisée à partir
des descriptions faites par les participants d'un processus de délibération consciente et de réflexion approfondie visant,
non pas à répondre à l'insatisfaction professionnelle ou à évaluer d'autres possibilités d'emploi, mais plutôt à remettre
en question les hypothèses sur lesquelles reposait leur attachement au statu quo d'avant le choc. Le codage ouvert a
permis de saisir une variété d'approches utilisées par les participants au cours de ce processus de réflexion, qui ont été
codées comme suit : faire une pause pour penser sérieusement à l'avenir ; remettre en question les hypothèses
considérées comme acquises ; analyser les hypothèses et les présuppositions ; débattre et remettre en question
l'importance des plans de travail ou de vie ; chercher un sens ; réimaginer l'avenir et réévaluer l'attachement. Grâce au
processus de comparaison constante, ces codes de premier ordre ont été subsumés sous la catégorie d'ordre supérieur
de l'engagement dans une réflexion critique, ce qui est illustré par les commentaires d'Anouar et Hakima :

“Alors, j'ai commencé à penser à toutes les autres choses comme vous savez, comprendre où j'étais dans ma
vie ou où je pensais être dans ma vie. Et puis, après une semaine ou deux, j'ai commencé à me dire, "Eh bien, si cela
va avoir un effet marqué sur la façon dont je fais les choses dans ma vie, où est ma vie ? Est-ce que tout est en ordre
?" Mon mariage est bon, clic, coché. La famille va bien. Téléphone, maison, travail. L'avenir, hmmm ? Et c'est en
gros comme ça [le processus de réflexion critique] que ça a commencé.” (Anouar, homme de 41 ans)

“J'avais ce que je voulais [en termes de carrière]. Puis, le choc est arrivé et m'a fait penser à mon propre
avenir en termes différents. Ça m'a fait remettre en question les choses que j'avais prises pour acquises. Que, vous

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savez, votre maison dans laquelle vous pensiez passer les prochaines années, n'est peut-être pas aussi importante que
vous le pensiez. Les décisions concernant l'avenir de votre ville sont modifiées ; par conséquent, le travail que vous
pensiez avoir toujours, vous ne l'aurez peut-être pas toujours et peut-être que vous ne devriez pas toujours l'avoir et
qu'il est peut-être temps de saisir une nouvelle opportunité et de faire des changements.” (Hakima, femme de 35 ans)

Le contexte pandémique comme accélérateur d’un changement souhaité.

La majorité des participants étaient satisfaits de leur emploi avant le coronavirus et n'avaient pas envisagé de
le quitter. Cependant, un sous-groupe de participants avait une forte préférence pour le changement avant la pandémie
du coronavirus, ce qui se manifestait par des intentions de départ, des pensées cristallisées de partir, un comportement
actif de recherche d'emploi et des tentatives antérieures de trouver un autre emploi. Pour ces personnes, quitter leur
emploi était considéré comme un moyen de répondre à l'insatisfaction professionnelle d’avant-le-choc ou de mettre
en œuvre des plans préexistants impliquant un changement d'emploi ou de carrière, un peu comme un scénario dans
le modèle de déroulement du turnover. Ces participants ont décrit un faible attachement au statu quo d'avant-le-choc
et une forte disposition psychologique à partir. Cependant, leur capacité à concrétiser cette préférence de départ a été
limitée par des circonstances exogènes, le plus souvent sous la forme d'un manque d'opportunités d'emploi alternatives
appropriées. Avant le choc, ces personnes ont exprimé le sentiment de n'avoir qu'un faible contrôle agentique sur leur
capacité à partir et ont éprouvé de la frustration à ne pas être en mesure de provoquer le changement. Comme l'explique
Ibtissam ci-dessous :

“Il y avait beaucoup de choses dont je n'étais pas satisfaite, par exemple les postes et les personnes avec qui
j'étais .... et si le poste idéal s'était présenté, j'aurais toujours sauté sur l'occasion ..... Je cherchais toujours, mais il
faut trouver le bon rôle .... J'ai toujours eu le projet de faire un changement de carrière dans .... Cela fait 8 ans
maintenant, tout ce projet est en cours d'élaboration .... Mais je savais que je devais prendre soin de moi
financièrement, et même mentalement .... Mais je savais aussi que je ne pouvais pas rester au fond du trou pour ma
propre santé mentale aussi.” (Ibtissam, femme de 34 ans)

Notre analyse a révélé que, pour des participants comme Ibtissam, le(s) choc(s) n'a(ont) qu'un impact direct
minime en termes de déclenchement des pensées de départ et est(sont) rarement attribué(s) comme la source principale
des délibérations de carrière. Le(s) choc(s) a(ont) plutôt agi comme un mécanisme d'effectuation en supprimant les
obstacles au départ ou en améliorant les opportunités de départ, augmentant ainsi le contrôle agentique sur un désir de
départ existant, comme le montrent les commentaires d'Abdelkader :

“Le confinement a donc eu une incidence sur ma prise de décision à ce moment-là, car le travail est
soudainement devenu beaucoup plus disponible pour les personnes possédant mes compétences [en tant que
technicien spécialisé en informatique]... Et donc, j'ai commencé à utiliser mes contacts pour la recherche d'un emploi,
ce qui a abouti facilement.” (Abdelkader, homme de 30 ans).

Alors que les effets dévastateurs de la pandémie sont souvent associés à des pertes d'emploi importantes, nos
résultats suggèrent que de tels événements peuvent également créer de nouveaux emplois et des opportunités de

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transition professionnelle. De plus, en érodant le statu quo socio-professionnel, nos résultats indiquent que les chocs
peuvent exacerber l'insatisfaction et accélérer la mise en œuvre de plans de départ préexistants. Il est intéressant de
noter que nous avons trouvé peu de preuves que ce groupe de participants s'engage dans une réflexion critique après
le choc. Au contraire, ils ont décrit leur décision de partir comme étant simple et impliquant peu de tension
émotionnelle. Nous attribuons ce fait à leur grande disposition au changement et au fait que la décision de partir
n'exigeait pas un détachement psychologique du statu quo d'avant le choc, mais simplement de quitter une organisation
pour une autre, la maximisation de l'utilité étant le principal objectif de la prise de décision. Le comportement de
recherche active d'un emploi et l'évaluation rationnelle des alternatives connues occupent une place prépondérante, et
l'obtention d'un autre emploi convenable est considérée comme une condition préalable au départ. Une fois les
obstacles au départ levés et l'offre d'emploi en main, la décision de partir était rapidement mise en œuvre.

En résumé, nos résultats indiquent qu'en modifiant le contexte externe de l'emploi, les chocs peuvent
améliorer l'agence individuelle et faciliter une transition de carrière souhaitable. Bien que ce groupe de participants
ait reconnu que la pandémie avait initialement une valence négative, les conséquences du choc sur leur carrière
individuelle ont finalement été positives, comme le reflètent les commentaires de Redouane :

"Je veux dire que c'est le bon côté du covid, le fait que je sois venue à Casablanca et que je vive une expérience
libératrice en travaillant pour un cabinet de consultance qui correspond mieux à mon idéal professionnel " (Redouane,
homme de 28 ans).

Le contexte pandémique comme une revisite du choix de carrière.

Comme décrit ci-dessus, alors que la plupart des participants étaient satisfaits de leur emploi avant la
pandémie, nous avons constaté que le degré de cette satisfaction variait. Certains participants (n = 14), qui étaient pour
la plupart satisfaits et dévoués à leur emploi et à leur organisation avant le(s) choc(s), ont décrit un sentiment sous-
jacent avant le choc qu'ils ne resteraient pas éternellement dans l'organisation, ou dans leur emploi actuel. Cependant,
la nature et le moment d'une éventuelle transition de carrière n'étaient pas définis. Les plans de départ futurs, s'ils
existaient, étaient vagues ou indéterminés et peu de délibérations conscientes avaient été accordées à l'inquiétude
latente ou aux pensées intermittentes de départ. Contrairement au groupe précédent de participants, qui étaient
activement insatisfaits, toute orientation pré-choc vers le changement était faible (ou dormante) et ne s'était pas encore
manifestée par des intentions définitives de partir ou de s'engager dans un comportement de recherche d'emploi. Bien
que ces individus aient perçu un contrôle agentique relativement élevé sur le fait de rester ou de partir, ils n'avaient
pas encore développé une préférence claire pour le départ avant le(s) choc(s). Notre analyse a révélé que le(s) choc(s)
a(ont) eu un impact direct sur cet état d'inertie et a(ont) servi à ré-initier le choix de carrière en perturbant le statu quo
et en faisant apparaître une inquiétude latente, que les participants ont ressentie comme déstabilisante. L'émergence
d'une inquiétude latente est illustrée par les commentaires de Salma :

“Alors, je me suis dit que je pourrais aussi bien faire ça [recherche d'un rôle plus significatif/une vocation]
maintenant et aller de l'avant parce que la vie est trop courte. .... Donc, si on ne fait pas ce qu'on aime, il faut se
demander ça vaut le coup finalement ?” (Salma, femme de 33 ans).

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En plus de faire remonter à la surface une inquiétude latente, le(s) choc(s) ont souvent joué un rôle secondaire,
et plus indirect, dans le processus de décision en introduisant une période de hiatus, pendant laquelle l'inquiétude
latente a fait surface et a fait l'objet d'une réflexion critique, comme l'explique Zineb :

“.... le confinement était un temps de réflexion prolongé ... j'étais [longue pause] j'étais [pause] je me sentais
changer beaucoup .... et quand vous vous éloignez des choses qui vous ont tant affecté, les choses que vous avez
négligées je suppose pendant un certain temps ou, les choses auxquelles vous avez négligé de penser ou d'accorder
de l'attention deviennent très - quel est le mot - elles vous "inondent" en quelque sorte.” (Zineb, femme de 29 ans).

Pour ce groupe de participants, les délibérations sur la carrière ont souvent été directement déclenchées par
l'impact secouant du confinement initial, tandis que l'impact soutenu et cumulatif des chocs ultérieurs semblait jouer
un rôle moins important. Le royaume du Maroc a instauré l’état d’urgence sanitaire et le confinement dès vendredi 20
mars 2020 à 18h, pour dominer la propagation du coronavirus. Le royaume a enregistré son premier cas positif le 2
mars. Le gouvernement a rapidement décidé d'un arsenal de mesures, qui n’ont été instauré dans des pays européens
qu’au stade 2 ou 3 de la pandémie. Comme pour le chemin 2 du modèle du turnover, notre analyse a révélé que la
remontée à la surface d'une inquiétude latente a entraîné une violation de l'image, ce qui a incité les participants à
reconsidérer leur attachement à leur emploi ou à leur trajectoire de carrière et à s'engager dans un processus de
réflexion critique. Cette réflexion profonde était le plus souvent centrée sur l'incompatibilité entre une préférence pour
rester et le renforcement des forces d'attraction pour partir. La réflexion critique a permis de réaliser que le départ
représentait un résultat souhaitable et une occasion de prendre un nouveau départ positif. Les participants ont souvent
comparé cette prise de conscience à une épiphanie ou à un moment de clarté fortuit qui leur a permis de se détacher
psychologiquement du statu quo d'avant le choc et de passer d'une mentalité de maintien à une mentalité de départ.

La violation de l'image, la réflexion critique et le détachement psychologique subséquent du statu quo d'avant
le choc ont été rapidement suivis par la décision de partir. La recherche d'un emploi et l'évaluation rationnelle des
alternatives n'étaient pas l'objectif principal du processus décisionnel et n'interviennent souvent qu'après la
cristallisation de la décision de partir. Ceci est à nouveau cohérent avec le chemin 2 du modèle de déploiement, qui
théorise que le choc de la décision de quitter un emploi peut avoir des conséquences négatives sur la santé. En résumé,
ce groupe de participants a décrit sa décision comme une opportunité de poursuivre un travail plus significatif, ou
parfois des relations non professionnelles qu'ils n'auraient peut-être pas poursuivies avant le choc. Il est intéressant de
noter que nous avons observé une grande variété dans les types de transitions de carrière qui ont suivi les moments de
clarté. Il s'agissait rarement d'un changement de poste dans une autre organisation, mais plutôt d'un changement de
profession, d'un passage au travail indépendant et d'une sortie pure et simple du marché du travail officiel. Bien que
ces participants aient décrit la pandémie de Covid-19 comme un événement très traumatisant et déstabilisant (c'est-à-
dire un choc négatif), comme pour le groupe précédent, son impact final sur leur carrière personnelle a été positif et
ils se sont dits très optimistes et enthousiastes quant à leur avenir.

Le contexte pandémique comme un point de non retour.

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Environ la moitié des participants pouvaient être décrits comme ayant une faible préparation psychologique
au changement avant la pandémie. Ces participants ont expliqué qu'ils étaient très satisfaits et attachés au statu quo
d'avant la pandémie. Ils ont rapporté des niveaux élevés de satisfaction professionnelle, d'engagement affectif et
d'intégration professionnelle et/ou communautaire, et avaient des plans clairs pour rester dans leur organisation avant
le début de la séquence des confinements, comme l'explique Hicham :

“J'avais ce que je considérais comme l'emploi de rêve ..... Je dirais que toute la situation du covid-19 et ses
ramifications professionnelles ont été suffisamment déstabilisantes pour m'inciter à envisager un changement que je
n'aurais probablement pas envisagé auparavant.” (Hicham, homme de 45 ans).

Notre analyse a révélé que cette préférence de rester avant le choc a agi comme un tampon contre l'impact
initial de la pandémie. Par conséquent, le choc principal initial n'a pas entraîné une violation de l'image ou déclenché
des délibérations immédiates sur le choix de carrière. En fait, nombre de ces participants ont décrit avoir été dynamisés
par les défis apportés par le chocs liés au coronavirus. Cependant, l'impact cumulatif de chocs multiples et l'exposition
soutenue à des facteurs de stress propres à l’organisation et extra-organisationnels découlant du contexte social modifié
ont imposé des exigences supplémentaires à ces participants et ont gravement épuisé leurs ressources personnelles.
En fin de compte, un point de basculement a été atteint, où les participants se sont sentis dépassés par leur situation,
comme l'expliquent Bouchra et Karim :

“Au moment où nous avons commencé à nous sentir un peu plus positifs à ce sujet, il y a eu de nouvelles
restrictions sur les déplacements nationaux et internationaux et un couvre-feu contraignant et ensuite il y a eu
évidemment des changements imprévisibles qui ne favorisent pas la planification ... Mon partenaire s'est épuisé ....
puis le mois de Janvier est arrivé et on a plié bagage.” (Bouchra, femme de 39 ans)

“J'ai commencé à conduire le projet de construction de notre maison en parallèle avec mon travail avant la
pandémie et, en Mars 2020, les mauvaises nouvelles se sont enchaînées : précarité, difficultés financières, incertitudes
sur l’avenir, etc. Je me suis dit : "Je ne peux plus continuer à attendre comme ça, je suis sur le point de faire une
dépression".” (Karim, homme de 50 ans).

Un peu plus de la moitié de ces participants ont été capables de reconnaître qu'ils avaient atteint un point de
basculement et qu'ils devaient reconsidérer leurs projets personnels et professionnels et leur attachement au statu quo
d'avant le choc. La plupart du temps, cela s'est produit au cours d'une période d'interruption qui s’est imposée et
pendant laquelle ils se sont livrés à une réflexion critique, souvent avec le soutien d'autres personnes importantes. La
réflexion critique s'est à nouveau centrée sur une violation de l'image découlant de l'incompatibilité entre une forte
préférence pour rester et le renforcement des forces d'incitation au départ. Ce processus de réflexion critique a conduit
à l'acceptation du fait que rester n'était pas viable et que partir représentait la réponse la plus appropriée, bien que
indésirable, pour faire face aux circonstances et reprendre le contrôle de leur situation. Cette acceptation a permis aux
participants de se détacher psychologiquement du statu quo d'avant-le-choc, ce qui a été suivi de peu par la
cristallisation et la mise en œuvre de la décision de partir. Pour ce groupe de participants, "partir" signifiait
généralement une transition de carrière qui allait au-delà du changement d'emploi et impliquait souvent de quitter

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complètement la région de Marrakech-Safi. Ainsi, la recherche d'un autre emploi n'était pas toujours une condition
préalable immédiate à la mise en œuvre de la décision.

En résumé, ces participants ont vécu la pandémie covid-19 comme un choc négatif sur leur carrière qui a
sévèrement réduit leur préférence et leur capacité à rester dans leur emploi. Il est toutefois important de noter que si
les participants se sont sentis obligés de prendre la décision de partir, ils ont réussi à conserver une certaine autonomie
quant à la manière et au moment d'exécuter cette décision. Nous attribuons cela au fait qu'ils ont été capables de
reconnaître qu'un point de basculement avait été atteint et de s'engager dans un processus de réflexion critique. En
conséquence, les résultats des décisions à plus long terme ont été généralement décrits en termes positifs et la plupart
de ces participants ont continué à exercer un emploi rémunéré dans des postes ou des professions similaires dans le
but de maintenir leurs plans de carrière et/ou de vie antérieurs au choc sur la bonne voie.

Le contexte pandémique comme déclencheur de décisions impulsives.

Comme les participants décrits ci-dessus, un dernier groupe de participants avait également une forte
préférence pour rester avant le choc et percevait un contrôle élevé sur cette préférence avant le choc. Ils ont décrit des
niveaux très élevés de satisfaction au travail, d'intégration et d'engagement affectif envers l'organisation et avaient
prévu de rester dans l'organisation à long terme. En conséquence, ils n'avaient pas envisagé de démissionner avant le
choc, comme l'illustre Fatima :

“J'avais un historique d'emploi continu d'environ 23 ans ..... J'étais dans cet hôtel depuis plus de deux
décennies au jour de l'annonce de l’état d’urgence au Maroc. Je n'avais pas du tout l'intention de partir, je veux dire,
j'adorais mon travail. Je l'aimais absolument parce que j'ai pu rencontrer toutes ces personnes intéressantes du monde
entier.” (Fatima, femme de 52 ans).

Cet état de contentement a été remis en question par des facteurs de stress cumulatifs découlant du contexte
social modifié à la suite des confinements liés à l’état d’urgence sanitaire dû au coronavirus. En raison de leur forte
préférence pour le maintien, ces participants ont décrit leurs tentatives répétées, mais infructueuses, de maintenir ou
de restaurer le statu quo d'avant le choc, jusqu'à ce qu'ils atteignent un point où ils ne pouvaient plus faire face à la
situation, comme l'explique Wafae :

“Et la situation dans ma famille allait de mal en pis depuis l’avènement du covid-19. C'était comme si toute
Marrakech était dans le chaos. Et puis, [longue pause] en plus de cela, j’ai perdu mon père [pleurs] … j’ai perdu
mon père suite à des complications respiratoires après son infection par le coronavirus. Je pense que tout le monde
était tellement stressé face à cet ennemi invisible et inconnu que tous les maillons faibles se sont brisés .... c'était trop
et un jour j'ai juste senti que vous savez, je ne pouvais plus continuer. Je me suis dit que c'était fini. Je ne peux plus
le faire [faire face].” (Wafae, femme de 47 ans).

Contrairement au groupe de participants précédent, qui était capable de reconnaître l'atteinte d'un point de
basculement, notre analyse a révélé que les demandes croissantes et les ressources considérablement réduites ont nui
à la capacité de ce groupe de reconnaître qu'un point de basculement avait été atteint. Incapables de se détacher de

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leur situation immédiate et de réfléchir à leur attachement, ces participants ont dépassé le point de basculement et ont
été submergés par les demandes qui leur étaient adressées. Un choc de dernière minute a conduit à une décision
impulsive, et souvent chargée d'émotion, de quitter son emploi.

La détermination à rétablir le statu quo d'avant-le-choc signifie que ces participants n'ont que peu, voire pas
du tout, réfléchi consciemment à leur départ. Par conséquent, nous n'avons trouvé aucune preuve d'un comportement
de recherche d'emploi et d'un choix rationnel entre les alternatives faisant partie du processus de prise de décision pour
ce groupe de participants. Plusieurs caractéristiques clés associées à la façon dont le ou les chocs ont conduit à des
transitions de carrière pour ce groupe de participants les distinguent du groupe précédent. Il s'agit notamment de (a)
une incapacité à reconnaître l'atteinte d'un point de basculement ; (b) une plus grande gravité de l'épuisement des
ressources ; (c) la présence d'un choc de la dernière chance ; et (d) l'absence de pause et de réflexion critique.
Confrontés à un épuisement important de leurs ressources et à des exigences constantes, ils ont décrit la décision de
partir comme une réponse impulsive à un facteur de stress aigu. Tout comme le groupe de participants précédent, ces
personnes auraient préféré rester dans leur emploi actuel et que les choses redeviennent comme elles étaient avant le
choc. Notre analyse a révélé que le manque de soutien social et l'incapacité à se détacher psychologiquement du statu
quo d'avant-le-choc ont entraîné une forte pression cognitive et émotionnelle. Cela semble avoir un impact sur la
capacité des participants à considérer rationnellement leurs alternatives et à réussir leur transition vers un nouveau
rôle.

Comme l'illustre le commentaire de Meryem ci-dessous, ces participants sont rarement partis avec une offre
d'emploi en main. Nous avons également constaté qu'ils ont souvent déclaré avoir engagé une réflexion critique après
leur départ afin de donner un sens à leur décision et de l'accepter :

“J'ai donc remis ma démission. J'ai pris quelques semaines de congé, parce que j'avais beaucoup de congés
non consommés et j'étais tellement stressée. Et puis je me suis dit "oh mon Dieu, qu'est-ce que je fais maintenant".
Oui, jusqu'à ce moment-là, c'était juste une réaction. C'est quand je suis partie, que tout d'un coup j'ai pu m'asseoir
et prendre le temps de réfléchir à ce que je faisais bien et à ce que je voulais vraiment faire de ma vie.” (Meryem,
femme, 48 ans)

Pour plusieurs participants, cette réflexion critique post-sortie s'est traduite par un changement de carrière
assez radical, voire par un départ pur et simple du marché du travail. Pour Meryem, elle s'est traduite par l'abandon
d'un poste de cadre supérieur et la création d'une entreprise de commerce électronique. L'analyse des cas négatifs a
révélé une participante, Dounia (femme, 52 ans), qui, au moment de l'entretien, n'avait pas encore eu l'occasion de
récupérer complètement et de prendre du recul par rapport à sa situation afin de réfléchir et de s'engager dans une
délibération sérieuse sur l'avenir. Elle attribue cela à une insuffisance de ressources physiques, psychologiques et de
temps pour le faire, ainsi qu'à un manque de soutien social. Elle est restée en "mode réponse" et, bien qu'elle ait réussi
à "échapper" à sa situation physique immédiate, elle n'avait pas encore réussi à se détacher psychologiquement du
statu quo d'avant-le-choc, ce qui l'a empêchée de faire la transition vers une nouvelle carrière et une nouvelle vie en
dehors de la zone sinistrée.

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En résumé, les participants décrits ci-dessus ont considéré la pandémie comme un choc professionnel négatif
qui a conduit à des résultats professionnels négatifs. Nos résultats soulignent le rôle important de la réflexion critique
et du détachement psychologique du statu quo dans la prise de décision en matière de réorientation professionnelle. Il
semblerait que le fait de ne pas réussir à se détacher du statu quo entrave la capacité d'une personne à entreprendre
une recherche plus rationnelle ou à prendre en compte des alternatives, ce qui, à son tour, peut entraîner des décisions
de carrière regrettables.

5. Discussions / conclusions

Implications théoriques :

Nos résultats mettent en évidence la nature hétérogène de la prise de décision en matière de transition de
carrière qui suit un choc de carrière important impliquant une pandémie mondiale, et suggèrent que le processus est
plus complexe que ne l'explique la théorie actuelle dans la littérature sur le turnover et les carrières. Les quatre rôles
du choc de carrière et les modèles de prise de décision associés varient considérablement en termes de nature et
d'intensité de la délibération consciente impliquée. Pour certaines personnes, la décision finale de quitter leur emploi
est impulsive et réactionnaire, et n'implique guère de délibération intentionnelle ou de prise de décision rationnelle.
Pour d'autres, un choix relativement simple et rationnel entre des alternatives connues suffit pour décider de quitter
son emploi. Pour beaucoup cependant, les chocs de carrière conduisent à de fortes violations de l'image et à des
délibérations approfondies après le choc, dans le cadre d'un processus de réflexion critique souvent chargé d'émotion.
En fonction de ces expériences, les individus doivent ajuster leur parcours professionnel et réorienter la construction
de la carrière ainsi que l’histoire qu’ils se racontent à propos de leurs évolutions professionnelles. Outre les carrières
auto-dirigées et le comportement agentique, les individus sont souvent confrontés à des événements inattendus et
doivent réorienter leur carrière (Akkermans et al., 2018). Par ailleurs, d'autres recherches suggèrent que le départ et
de façon plus générale les comportements orientés vers la mobilité, qu’elle soit intern est davantage lié à un manque
d'engagement (Sturges et al., 2002) qu'à une réponse adaptative face à des chocs extra-organisationnels.

Cette étude contribue à la recherche sur l’impact des chocs extra-organisationnels sur les carrières en donnant
à voir l'interaction entre les événements se situant à l’extérieur du contrôle des individus et ceux à l’intérieur de leur
périmètre de contrôle. Ainsi, les résultats mettent l’accent sur l'intérêt d'intégrer l’impact des chocs extra-
organisationnels sur les carrières dans la discussion académique sur les carrières contemporaines et d'étudier les chocs
de carrière dans le temps (Akkermans et al., 2018). Par ailleurs, les résultats de notre recherche soutiennent les appels
dans la littérature invitant à inclure à la fois des facteurs d'agence individuels et des facteurs structurels liés au contexte
(par exemple, Sullivan et Al Ariss, 2021 ; Akkermans, Richardson et Kraimer, 2020 ; Akkermans et Kubasch, 2017 ;
Inkson et al., 2012 ; Mayrhofer et al., 2007 ; Morrell et Arnold, 2007 ).

En outre, l'existence et la fréquence des chocs peuvent également dépendre de la population étudiée. Les
individus avec des personnalités proactives réagissent de façon plus sensible aux chocs (Seibert et al., 2001). Par
exemple, la carrière entrepreneuriale constitue un parcours professionnel plus incertain et moins structuré et est donc

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plus sensible aux chocs que les carrières plutôt stables (Schindehutte et al., 2006). De plus, les entrepreneurs peuvent
être mieux à même de faire face aux chocs de carrière car ils sont plus adaptables et donc plus aptes à faire face aux
chocs de carrière négatifs (Chadwick et Raver, 2018). En cela, la carrière entrepreneuriale diffère des carrières
salariales. D’où l’intérêt d’étudier les comportements de carrière des entrepreneurs face à des chocs extra-
organisationnels tels que les chocs liés à la pandémie du coronavirus.

Notre étude s'est concentrée sur les rôles des chocs liés au coronavirus qui constituent des événements extra-
organisationnels qui ont pu avoir un impact sur les carrières de travailleurs dans le secteur touristique au Maroc. Elle
a généré de nouvelles connaissances qui complètent la littérature existante et qui met l'accent sur les facteurs d’agence
individuels ainsi que les facteurs contextuels constitutifs des réactions de carrière face aux chocs. Une prochaine étape
pourrait consister à étudier quand, où et pour qui certains événements peuvent ou non conduire à une réflexion
délibérée et potentiellement à un changement de carrière. Ainsi, les études futures pourraient examiner comment les
différences individuelles, qu'il s'agisse de traits ou de capacités, interagissent avec les événements majeurs pour ce qui
est de générer une réflexion délibérée et de provoquer éventuellement des changements de carrière. Des événements
similaires peuvent entraîner une variation en termes de réflexion personnelle délibérée et d'impact sur les résultats de
carrière, et les recherches futures pourraient vouloir modéliser de tels effets d'interaction. La théorie de l'évaluation
(Lazarus et Folkman, 1984) peut fournir une orientation utile à cet égard, car elle comprend l'évaluation de la menace,
de la perte et de l'opportunité dans l'évaluation primaire, les options d'adaptation dans l'évaluation secondaire et
l'adaptation réelle ; elle rassemble donc les éléments vitaux des transitions de carrière suite à des chocs extra-
organisationnels.

Les adversités négatives ou les événements contraignants de carrière peuvent également présenter un
potentiel pour la carrière des individus, alors que les recherches précédentes se sont souvent penchées sur les
promotions et les changements positifs. Les recherches futures pourraient vouloir approfondir cette question en
montrant comment les revers négatifs (chocs impactant la carrière) permettent quand même la croissance. Par
exemple, les personnes qui abordent les revers passés dans une optique de croissance et considèrent ces événements
comme une expérience d'apprentissage peuvent améliorer leur résilience professionnelle (Vough et Caza, 2017). Des
adversités telles que les chocs de carrière pourraient permettre aux individus de construire des histoires basées sur la
croissance qui les aideraient à gérer les futures perturbations. Le développement et la construction des carrières
(Savickas, 2013), les récits qui en découlent et l'expérience des étapes de la carrière (Cohen, 1991) pourraient
permettre de mieux comprendre ce processus. Par exemple, peu après un licenciement, les consultants en outplacement
en Europe font souvent le parallèle avec le processus de deuil de Kübler-Ross (composé de différentes étapes telles
que le déni, l'acceptation, etc., Kübler-Ross and Kessler, 2005). Le changement et le développement au fil du temps
sont façonnés par la signification que les individus leur attribuent (Arnold et Cohen, 2008 ; Haynie et Shepherd, 2011).
Les recherches futures voudront peut-être aussi étudier le processus au moment où les individus sont confrontés à des
perturbations de leur carrière. Cela pourrait permettre de mieux comprendre qui développe la résilience professionnelle
et qui ne le fait pas.

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Implications managériales :

Nos résultats ont plusieurs implications importantes pour la gestion du turnover des employés suite à un choc
extra-organisationnel significatif. Tout d’abord, les résultats de cette étude sont pertinents pour les organisations et
leurs managers, notamment les DRH. Dans le contexte actuel de "guerre des talents", et indépendamment du secteur
d’activité, il est essentiel pour les organisations de conserver et de fidéliser les collaborateurs talentueux (Ng et al.,
2010). Les gestionnaires doivent être conscients que le changement de carrière est possible tout au long du cycle de
vie post-pandémique, et pas seulement dans la période qui suit immédiatement un événement de cette ampleur. Il est
à noter qu’il existe plusieurs étapes dans le processus de prise de décision au cours desquelles les gestionnaires peuvent
être en mesure d'atténuer le turnover du personnel, à savoir (1) pendant les périodes d'interruption de l'organisation
(celle de confinement imposé par exemple), lorsque l'inquiétude latente est susceptible de faire surface, (2) lorsqu'un
point de basculement est atteint (par épuisement de ressources notamment) et (3) lorsqu'un employé est activement
engagé dans le processus de réflexion critique. Le rôle limité que la recherche d'emploi et l'évaluation des alternatives
ont joué dans la prise de décision de nombreux participants suggère que le suivi de ce comportement sera peu utile.
De même, le suivi des prédicteurs attitudinaux traditionnels du turnover, tels que l'insatisfaction au travail ou
l'intention de démissionner, peut être moins pertinent dans le contexte d'un choc extra-organisationnel important. En
effet, une recherche récente a confirmé que les prédicteurs traditionnels du turnover ne sont pas fiables pour les départs
réticents (Li et al., 2016).

Les managers seraient mieux avisés de surveiller les niveaux de stress et de bien-être des employés après un
choc important, ainsi que leur accès à des ressources importantes. Il a été démontré que les superviseurs peuvent
renforcer la résilience des employés en entretenant des relations de confiance réciproques à long terme avec leurs
subordonnés (Caniëls et Hatak, 2022). En retour, les superviseurs pourraient recevoir des outils pour construire et
maintenir de bonnes relations avec leurs subordonnés. Par exemple, il a été constaté que des relations de qualité ne
peuvent se matérialiser que lorsque l'étendue du contrôle d'un superviseur n'est pas trop large et que les interactions
humaines sont récurrentes (Schyns et al., 2012). De même, des études ont indiqué que la conception de cultures
d'apprentissage favorables peut améliorer la résilience des employés (Frese et Fay, 2001 ; Caniëls et Baaten, 2019).

Il convient également d'accorder une attention particulière au moment et à la nature du soutien


organisationnel. Les organisations ont tendance à concentrer leurs efforts pour soutenir les employés dans la période
qui suit immédiatement un choc important, puis à les réduire au fil du temps. Le retrait du soutien pourrait amener les
employés à atteindre un point de basculement plus rapidement. De plus, les employés qui s'en sortent le mieux au
début d'une crise pourraient bien être ceux qui risquent le plus de partir dans les phases ultérieures. Dans le même
ordre d'idées, notre constatation que la décision de quitter l'entreprise est souvent un processus collectif a des
implications importantes pour les conseillers d'orientation professionnelle et les accompagnateurs qui peuvent aider
les individus à reconnaître le moment où le point de basculement a été atteint et à accepter que le départ ou la
réorientation de carrière représente une réponse appropriée aux circonstances. Puisque les individus n'ont plus
d'emploi " sûr " et que les organisations ne peuvent plus en fournir, la résilience est un outil de survie essentiel pour

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les individus (Baruch, 2001). Les responsables des ressources humaines peuvent utiliser nos résultats dans leur
évaluation annuelle des employés. Au cours de cette évaluation, les employés peuvent être interrogés sur leur
résilience professionnelle. Les employés résilients peuvent bénéficier de techniques d'autogestion de carrière, tandis
que les employés moins résilients peuvent bénéficier de programmes de formation spécifiques (voir par exemple
Papazoglou et Andersen, 2014 ; Robertson et al., 2015). Les moyens d'accroître la résilience professionnelle
comprennent le soutien au développement des compétences et la création de contingences de renforcement (London
et Bray, 1984), par exemple, par le biais du mentorat du superviseur (Day et Allen, 2004).

Enfin, il est important de donner aux employés la possibilité de récupérer et de reconstituer leurs ressources
pour maintenir leur résilience personnelle. Toutefois, le fait de s'éloigner de la routine régulière et des distractions
quotidiennes peut également fournir aux employés satisfaits l'espace mental nécessaire pour faire remonter à la surface
une inquiétude latente et mener une réflexion critique sur leur attachement à un lieu, une personne ou une profession,
ce qui pourrait conduire à un turnover. Les managers devraient donc identifier des moyens de maintenir l'engagement
des employés et chercher à préserver les structures sociales préexistantes pour soutenir les employés à risque, en
particulier lorsque les employés doivent travailler dans un isolement social temporaire, comme les scénarios vécus au
début de la pandémie du Covid-19.

Limites et perspectives.

Bien que notre approche inductive centrée sur les départs permette d'expliquer en détail comment les chocs
entraînent des transitions de carrière, aucune étude ne peut tenir compte de toutes les influences contextuelles
susceptibles d'avoir une incidence sur le comportement humain ou le processus social étudié (Johns, 2006). Ainsi, les
impacts des chocs de carrière que nous avons identifiés ne représentent pas les seules façons dont un choc peut mener
à une transition de carrière. De futures études pourraient chercher à développer les modèles de prise de décision de
carrière que nous proposons ou à spécifier d'autres influences individuelles et contextuelles qui pourraient façonner la
prise de décision dans des environnements autres que le contexte post-pandémique.

Aussi, notre étude est limitée au contexte dans lequel elle a été menée et nous ne prétendons pas que les
résultats soient généralisables. Cependant, nos résultats pourraient bien être généralisables à des contextes de
catastrophes similaires où un choc principal important est suivi de chocs ultérieurs et/ou d'impacts de chocs prolongés
comme les contextes de séismes, de tsunamis, de guerre mondiale, etc. Dans le contexte du Covid-19, cela s’est traduit
par de multiples vagues d'infection et par le durcissement et l'assouplissement des interventions non pharmaceutiques,
telles que les mesures de confinement obligatoires. Cela offre aux chercheurs une occasion unique d'étudier l'impact
des chocs de carrière dont l'ampleur augmente avec le temps. La pandémie de Covid-19 a perturbé la manière, le
moment et le lieu de travail des personnes (Anderson & Kelliher, 2020). Par exemple, pendant les périodes de
confinement, les employés ont dû travailler à domicile ou à distance, souvent avec des horaires réduits ou dans le
cadre d'un congé temporaire. Si de telles situations peuvent exacerber l'impact direct du choc, nos résultats suggèrent
qu'elles peuvent également offrir aux employés des périodes d'interruption et l'occasion de réfléchir de manière
critique aux perspectives professionnelles et à l'orientation future de leur carrière. Les chercheurs en carrière sont

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encouragés à valider et à développer davantage nos concepts de motivation pré-choc, d'ampleur du choc, de réflexion
critique et de hiatus dans d'autres contextes connexes.

En outre, cette étude a spécifiquement cherché à comprendre les processus de décision associés au fait de
quitter son emploi, et n'a donc pas étudié les personnes qui restent. Notre conclusion selon laquelle l'engagement dans
une réflexion critique a permis aux individus de faire passer leur état motivationnel d'une préférence pour le maintien
à une préférence pour le départ pourrait bien fonctionner dans la direction opposée. En d'autres termes, un choc peut
déclencher un processus de réflexion critique qui amène une personne ayant une forte préférence pour le départ à
développer une forte préférence pour le maintien. De même, un choc peut déclencher des délibérations de carrière
associées au départ, mais après avoir engagé une réflexion critique, une personne peut décider de rester (Morgeson et
al., 2015). Nous reconnaissons cette limite et encourageons les recherches futures à se concentrer sur les processus de
décision associés à la fois au fait de rester et de partir.

Enfin, notre étude a nécessité la collecte rétrospective de données par le biais d'entretiens approfondis. Les
recherches futures examinant les transitions de carrière à la suite de chocs pourraient utiliser des méthodes de collecte
de données basées sur un journal, commençant immédiatement après le choc et se poursuivant jusqu'à l'exécution de
la décision. Cela permettrait d'éliminer les inquiétudes concernant les comptes rendus rétrospectifs et fournirait aux
chercheurs des données plus fines, par exemple, le moment exact où un point de basculement est atteint ou le moment
où l'épuisement des ressources conduit à une décision impulsive. Les recherches futures devraient également envisager
de recueillir des données auprès de toutes les personnes impliquées dans la décision de partir, car nos résultats
suggèrent que la décision de partir est rarement une décision individuelle, mais qu'elle est souvent prise collectivement
avec des personnes importantes.

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