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LE DIALOGUE FAIT VIVRE LE SENTIMENT AMOUREUX

S’il y a un adage que notre société semble réfuter – pas seulement à


propos de la relation conjugale – c’est celui qui affirme : « La parole
est d’argent, et le silence est d’or. » Ainsi entend-on fréquemment :
« Il y a quelque chose qui coince dans ton couple ? Parlez-en et ça ira
mieux ». Vous filez un parfait amour ? Surtout, ne laissez pas le
silence des habitudes s’installer entre vous. Heureux ou malheureux,
le couple moderne doit savoir communiquer. Il en irait de sa
durabilité. Remède à leurs maux ou piment de leur bonheur,
l’obligation de parler s’impose au couple.
Pourtant, précisément à l’heure où les outils de communication
n’ont jamais été aussi nombreux, efficaces et rapides, ce prurit de
communication inquiète bon nombre de thérapeutes de couples
aujourd’hui. Car, il y a communication et communication.
C’est ainsi que Robert Neuburger, thérapeute de couples, tient
à rappeler que « la communication peut être la meilleure ou la pire
des choses. » L’auteur des « Territoires de l’intime » s’appuie sur son
expérience : « Parfois, je reçois des couples qui savent très bien
communiquer mais sont victimes de l’idéologie de la « bonne
communication ». Ceux-là passent leur temps à communiquer sur la
communication et s’attachent davantage à corriger le discours de
l’autre qu’à écouter son partenaire au-delà des mots qu’il utilise. » Et
d’ajouter : « Dans ce cas, le couple n’aborde pas les vrais problèmes,
ceux qui gênent son épanouissement, ni ne peut se donner les
moyens de les résoudre. C’est le cercle vicieux. »

Le dialogue cantonne trop souvent aux banalités du quotidien


Il y a deux sortes de communication : celle qui permet d’échapper à
la rencontre de l’autre et celle qui au contraire la facilite, celle qui
éloigne et celle qui rapproche. « De nombreux couples, constate Guy
Loucher, psychologue à l‘Ecole des parents, prennent très vite
l’habitude de tout se raconter, leurs journées, les petites histoires
avec les collègues, les pannes informatiques ou les pannes de
machine à laver, les derniers achats, etc. Ou encore, ils se dérangent
quinze fois par jour, pour un oui, ou pour un non. Je ne vois pas en
quoi de tels comptes rendus détaillés peuvent enrichir la relation
amoureuse. Selon moi, ces bavardages transforment le partenaire en
un récepteur passif et le sentiment de confiance et complicité
devient une familiarité fraternelle qui n’a plus grand-chose à voir
avec le sentiment amoureux. »
La transparence à tout prix est un autre danger qui empoisonne
les relations dans le couple. En effet, à tout dire, n’importe comment
et n’importe quand, on prend le risque de ne pas mesurer les
conséquences de certains de ses propos. Dans le couple comme
ailleurs, toute vérité n’est pas bonne à dire. François en a fait la
cruelle expérience : « Juste après avoir confié à Sophie mon désir de
l’épouser, se souvient-il, poussé par la volonté de franchise et de
transparence, je lui ai avoué la liaison que j’avais eue deux ans
auparavant avec la femme de mon meilleur ami. » Et de poursuivre :
« Sur le moment, elle a été compréhensive, mais, plus tard, à
l’occasion d’un passage difficile dans notre relation, j’ai payé très
cher cet erreur de jugement. » Pour Sylvie Tennenbaum,
psychothérapeute, le choix de parler ou de se taire devrait d’ailleurs
obéir à un double questionnement sur l’importance de l’information,
de la révélation que l’on s’apprête à donner et sur leur possibles
conséquences.

Prendre le temps de partager les joies et les peines de chacun


Une manière de prendre en compte cette exigence est ainsi de placer
d’emblée la parole échangée sur le registre de la relation amoureuse.
Car, alors, se sachant écouté avec bienveillance et respect, chacun
parle à l’autre, non plus avec sa tête ni pour répondre à l’urgence de
dire, mais avec son cœur pour être compris et aimé tel qu’il est.
Prendre le temps essentiel pour le plaisir de se retrouver et de
se rendre présent l’un à l’autre, tel est sans doute le seul conseil en
communication que l’on peut donner à un couple qui a le désir de
s’aimer durablement. François et Armelle Lourme, mariés depuis
vingt-cinq ans, le suivent au travers d’une équipe Notre Dame qu’ils
ont intégrée depuis seulement deux ans. Ce mouvement chrétien de
spiritualité conjugale fait de cette rencontre amoureuse une
obligation régulière. « Pour rien au monde, nous manquerions ce que
nous appelons « nos rendez-vous d’amour ». Pourtant précisent-ils,
les sorties des restos à deux, les cinés, etc, nous pratiquions déjà…
Seulement, nos conversations portaient exclusivement sur les
enfants ou autres sujets. Nous ne nous dévoilions pas beaucoup et
n’allions pas en profondeur. Du coup, nous ne savions plus de quelle
pâte notre amour était fait. Parfois nous doutions qu’il existait. »

Des échanges indispensables pour protéger l’amour.


Bien qu’encore au début de leur route, Franck et Anita Poutier
ont le même souci d’entretenir la qualité de leur relation par ces
échanges en duo. Comme François et Armelle, ils se retrouvent
régulièrement à l’abri des bruits de famille et du monde, « car disent-
ils, nous sentons bien qu’entre le boulot, les enfants et les loisirs,
notre amour l’un pour l’autre peut vite passer à la trappe. » En
réalité, reconnaissent-ils, nous éprouvons beaucoup de plaisir
lorsqu’ensemble nous nous mettons mutuellement à l’écoute de nos
émois, bonheurs, déceptions ou frustrations. »
Parfois, les malentendus rendent l’échange difficile voire stérile.
Certes, il n’est pas toujours facile d’entrer dans les codes de
communication que chacun a élaborés, le plus souvent
inconsciemment, au fil de son histoire personnelle et familiale. L’aide
d’un tiers moins impliqué et donc plus attentif, peut alors être d’un
bon secours. « Parfois constate, Robert Neuburger, il suffit de
quelques consultations pour que le couple puisse à nouveau
retrouver le chemin du dialogue et se donner ainsi de nouvelles
chances de s’aimer davantage. » Oui, cela vaut le coup de ne pas
perdre le fil.

Agnès Auschitzka

1/ Qu’est ce qui nous interpelle dans ce texte ?

2/ Quelle est la profondeur de notre communication ?

3/ Est-ce que je me livre véritablement à l’autre dans la réalité de ce


que je suis ?

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