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Jérôme Lefeuvre

Les 5 règles d’or


pour bien communiquer
Direction : Catherine Saunier-Talec
Édition : Delphine Kopff-Hausser
Relecture, correction et mise en page :
Fabienne Vaslet Principe de maquette et couverture :
Hélène Marcombes Fabrication : Amélie Latsch

© 2012, Hachette Livre (Hachette Pratique).


ISBN : 978-2-01-230748-3
Sommaire

Introduction

Règle d’or n°1 : soyez vous-même !


… ou comment adopter une posture communicante

L’intention
La qualité de la posture en communication
Les émotions de base et leurs variantes

Règle d’or n°2 : donnez envie !


… ou comment être audible et compréhensible par l’autre

L’émetteur

Règle d’or n°3 : Réglez votre décodeur !


… ou comment capter et décoder les signaux et le langage de
l’autre

1er outil de décodage : les trois niveaux de qualité de l’écoute


2e outil de décodage :les trois dimensions de l’échange
3e outil de décodage : les sept niveaux d’énergie

Règle d’or n°4 : ne vous laissez pas faire !


… ou comment éviter les pièges de la manipulation, petite ou
grande
Les Joueurs
Les Jeux psychologiques
Le rôle du Persécuteur
Le rôle de la Victime
Le rôle du Sauveur
Éviter les Jeux psychologiques

Règle d’or n°5 : soyez généreux !


… ou comment créer l’intimité avec ses interlocuteurs

L’art du feedback
Mon T-shirt !
L’Intimo’gramme
Le Lovo’gramme
Quel contrat offrir pour développer l’intimité dans les
relations ?

Pour conclure

Réponses aux exercices


Bibliographie sélective.
Signification des pictogrammes

Exemple pratique, illustration

Idée force à retenir

À vous de jouer !
Introduction

On ne peut pas ne pas communiquer ! Cette affirmation est le premier


axiome de la communication proposé par le génial psychologue Paul
Watzlawick1.

Que nous le voulions ou non, notre présence même silencieuse, un


sourcil relevé, un sourire discret, une respiration qui s’accélère et tant de
détails qui, souvent, échappent à notre entendement, sont immédiatement
perçus et interprétés par nos interlocuteurs. Ainsi, ce que nous disons est
bien souvent moins entendu que ce que nous montrons et exprimons.

Le contenu de nos phrases et les mots que nous employons, même les
mieux choisis, seront dans ce livre le moindre de nos soucis. En
communication, il n’y a pas de place pour le sous-entendu. Il est
l’ennemi absolu ! Une porte est soit ouverte, soit fermée. Le sous-
entendu est une porte entrouverte derrière laquelle, tapie dans l’ombre,
une menace est bien souvent cachée.

Nous nous concentrerons ainsi, au fil des pages, beaucoup plus sur le
processus (comment dire) plutôt que sur le contenu (quoi dire).

Dans la relation entre nous, il y a toi et ce que tu veux me dire, il y a moi


et ce que je crois comprendre. Entre nous, il y a aussi une relation, et elle
joue le rôle d’une troisième personne qui intervient pour interpréter et
choisir les mots, et leur donner un sens… à deux, nous sommes trois,
voilà pourquoi il n’est pas simple de s’assurer que tu as compris ce que je
voulais te dire…

Ce livre se veut un ouvrage pratique : nous allons déterminer de manière


concrète le comment plutôt que le quoi. Notre objectif, dans les pages qui
suivent, sera de trouver les moyens de maintenir pour nous-même et pour
nos interlocuteurs l’état de communication, par opposition à celui de
mécommunication.

Mécommuniquer, pas français comme mot,


ça !
La mécommunication est un anglicisme. On parle en anglais de
miscommunication. C’est un mot de tous les jours, qui signifie que
l’échange entre les individus est altéré, raté ou saboté. Le terme contient
ainsi à la fois la notion de malentendu, de mauvaise humeur ou de
manipulation : les trois M maudits de la relation.

Levez la main si vous n’avez jamais généré de malentendu en discutant


avec votre entourage…

Vous êtes là ?

Levez la main si vous n’avez jamais pris le risque de parler à quelqu’un


alors que vous étiez de mauvaise humeur.

Toujours là ?

Bon, alors levez la main si vous n’avez jamais cherché à utiliser des
stratagèmes pour obtenir de quelqu’un quelque chose qu’il n’était pas prêt à
vous offrir…

Encore là !?

Vous pouvez baisser vos trois bras !

Nous allons, dans les trois premières parties du livre, ne parler que de nous-
mêmes, de notre responsabilité dans la qualité des échanges et de ce qui est
en notre pouvoir. Plutôt que de nous concentrer sur ce que les autres font
mal, nous travaillerons sur ce que nous pouvons améliorer.
Le quatrième chapitre se centrera sur les trois M maudits – c’est-à-dire
lorsque ce sont les autres qui nous proposent la danse malsaine et
dangereuse de la mécommunication –, pour apprendre les gestes qui
sauvent afin d’éviter de nous laisser embarquer dans cette galère.

Le cinquième et dernier chapitre est celui où nous apprendrons à donner. Le


geste qui permet de recevoir en retour.

Vos outils pour pratiquer

1 • Vous aurez besoin d’un journal de bord.

Vous deviendrez ainsi votre meilleur ami(e). L’utilisation d’un journal de


bord, comme d’un cahier d’exercices et de mémoire, n’est pas une
suggestion en passant. C’est un conseil professionnel.

On parle aujourd’hui de « journal-thérapie2 ». Écrire sur soi et le faire pour


soi est aussi libérateur que pratique. Alors avant de vous lancer dans les
cinq règles d’or et leurs outils pratiques, équipez-vous d’un carnet qui vous
plaît, que vous aurez plaisir à regarder, à toucher et à utiliser.

2 • Vous aurez besoin d’un ami !

Il est indispensable de ne pas se parler qu’à soi-même. Ce livre que vous


avez entre les mains, épatant et pas cher, partagez-en les contenus avec une
personne chère, elle, et faites les exercices avec elle. On est toujours mieux
à deux pour apprendre à communiquer !

En l’absence d’un ami, si vous voulez pratiquer, vous pouvez envisager


d’utiliser un miroir ou un camescope. Le feedback que vous obtiendrez ne
peut pas boire un coup avec vous, mais il sera au moins factuel !

3 • Vous aurez besoin d’avoir envie !


Nous allons évoquer des changements de comportements. Changer un
comportement est difficile, car il s’agit parfois de modifier un réflexe, une
habitude ou, bien plus difficile encore, de changer une croyance. Ce que
nous n’avons pas acquis ou appris dans notre prime enfance, lorsque notre
découverte du monde était une carte vierge, est plus difficile à apprendre à
l’âge adulte car nous avons rempli nos cartes. Elles sont notre vision du
monde. La carte n’est pas le territoire3, dit le philosophe. Revoir nos
pratiques et comportements demande une réelle motivation. Il ne suffit pas
de savoir qu’il faut changer pour changer, il faut le vouloir et le vouloir très
fort !

4 • Vous aurez besoin de temps.

Parmi les conditions pour un travail efficace sur soi, le temps joue un rôle
primordial. Offrez-vous du temps, autant dans la durée (on ne change pas en
une journée !) que dans la qualité du moment (travaillez votre
communication quand vous avez du temps devant vous pour vous préparer,
faire puis observer les résultats, en parler avec votre ami et les noter dans
votre journal de bord).

Donnez-vous aussi du temps comme un cadeau généreux vis-à-vis de vous-


même. Si vous trouvez qu’obtenir des résultats satisfaisants est très long,
c’est que vous ne vous êtes sans doute pas accordé suffisamment de temps à
vous-même…

Cinq règles d’or de la communication


1 • Soyez vous-même !
… ou comment adopter une posture communicante

2 • Donnez envie !
… ou comment être audible et compréhensible par l’autre

3 • Réglez votre décodeur !


… ou comment capter et décoder les signaux et le langage de l’autre

4 • Ne vous laissez pas faire !


… ou comment éviter les pièges de la manipulation, petite ou grande

5 • Soyez généreux !
… ou comment créer l’intimité avec ses interlocuteurs

1. Docteur en philosophie et philologie, Paul Watzlawick est la figure de proue de la « nouvelle


communication », et l’un des créateurs de la « thérapie brève » de l’école de Palo Alto.
2. Les origines de la journal-thérapie remontent aux années soixante avec le Dr Ira Progoff,
psychologue new-yorkais qui en fut le premier chantre.
3. Aphorisme fameux d’Alfred Korzybski, scientifique polonais. Ingénieur et expert des services
de renseignements, il oriente ensuite ses travaux vers le domaine des sciences humaines. Il a fondé
la sémantique générale.
Règle d’or n°1
Soyez vous-même !
… ou comment adopter
une posture communicante
« L’enfer est pavé de bonnes intentions. »

D
ans mes séminaires, je rencontre régulièrement une objection
classique : « Parfois, il faut bien montrer les dents et attaquer pour
éviter de se faire marcher sur les pieds… », « Il y a des gens, si on
ne les mène pas à la baguette on n’arrive à rien… », « Les mômes, une
bonne claque de temps en temps, ça permet de leur remettre les idées en
place ! »

Aucune de ces déclarations n’est juste. Chacune de ces déclarations est un


constat d’échec ou un aveu de défaite. Elles véhiculent la croyance selon
laquelle, après avoir tout essayé, la communication doit laisser la place à la
force et la violence. C’est confondre force et contrat, puissance et violence.
Les gens à qui on montre les dents vont soit se soumettre soit mordre à leur
tour, ceux que l’on mène à la baguette vont obéir à la baguette et non à celui
qui la tient… quant à la bonne claque, au lieu de remettre les idées en place,
elle risque plutôt de déplacer une vertèbre ou pire, de proposer à un enfant
l’idée selon laquelle il est acceptable de frapper quelqu’un que l’on aime si
c’est « pour son bien ». Allez savoir ce que cette croyance née dans
l’enfance deviendra lorsque cet enfant sera devenu un adulte !

La communication n’est possible, durable et efficace qu’à la condition


d’être établie sur les bases d’une posture positive des interlocuteurs.

Et s’il se trouve encore quelqu’un pour dire que parfois, il faut faire preuve
d’autorité ou de sens du compromis, je serai d’accord à une condition :
l’autorité ou le compromis doivent être exprimés dans une position
bienveillante, lucide et constructive (par convention, nous l’appellerons
posture +/+), faute de quoi, il s’agira de domination ou de soumission. Ni
l’un ni l’autre ne permettent l’épanouissement, la créativité et la relation.
L’intention
Si la règle est simple, la posture, elle, ne l’est pas. Ce livre commencera par
là et finira sans doute sur cette idée force.

La communication, c’est facile, il suffit d’adopter la bonne posture. Lorsque


nous nous adressons les uns aux autres, nous communiquons, sans même
nous en rendre compte, un message sous-jacent qui constitue le préalable
inconscient à la relation. Ce message parfois infiniment subtil, à peine
perceptible, passe au travers du langage du corps, des expressions du
visage, d’une fluctuation dans la voix, d’un mot ajouté ici ou là, inutile,
lourd de sens.

Mais alors, que disons-nous qui échappe au premier regard ? Sans même
nous en rendre compte, nous laissons entendre et voir ce que nous pensons
de l’autre et ce que nous pensons de nous-même.

Il y a bien des manières de dire bonjour. On appelle cela, en Analyse


Transactionnelle4, la position de vie. La position peut être neutre et le
message sous-jacent indique que celui qui parle se sent en phase avec celui
(ou celle) à qui il s’adresse qu’il perçoit également comme étant en phase
avec lui.

Un « Salut la compagnie ! » accompagné d’un sourire spontané et d’un


geste ouvert vers le groupe indique que je suis bien avec vous et que je
pense être à ma place parmi le groupe.

Un « Bonjour, j’espère que je ne dérange pas trop si je me joins à vous »


avec un air désolé et les épaules tombantes, se voudrait sans doute
bienveillant mais à vrai dire, ceux qui le recevront entendront d’abord « je
ne suis pas à l’aise et vous allez peut-être me trouver de trop ». Était-il
nécessaire de faire révérence à ce point ? Cette position est une position de
soumission. Je me place, avant tout autre échange, en position de dominé.
La croyance sous-jacente, ou le non-dit, est que si je fais comme si je me
sentais moins important que vous, vous serez plus à même de recevoir mon
message.

Et que penser de la formule : « Tiens, sois gentil, passe moi le sel ! »,


accompagnée d’un sourire tendu ? Pourquoi cette condescendance pseudo-
affective ? Voici une position de domination qui s’invite à notre table sans
avoir été invitée. Cela signifie-t-il que si je ne te passe pas le sel, je ne suis
pas gentil ? Ne pouvais-tu pas simplement me dire « passe-moi le sel s’il te
plaît ! » Suis-je à ce point fragile qu’il te faut me récompenser d’avance par
un compliment insensé : « Sois gentil… »

Nos habitudes verbales et non verbales sont pleines de ces étranges


expressions chargées de sous-entendus que nous semblons ne plus entendre.

Le sous-entendu, premier assassin de la communication

Avant de prendre la boîte à outils et de travailler sur ces positions de vie,


commençons par une liste de quelques formules que nous considérons
comme malheureuses. Saurez-vous dire en quoi et pourquoi ?

Exercice de reformulation

Reprenez chacune des expressions ci-dessous et reformulez-les, sans sous-


entendus :

– « Est-ce que tu crois vraiment que c’est le meilleur moyen ? »

– « On pourrait se prendre un petit rendez-vous ? »


– « Bonjour, est-ce que je te dérange ? »

– « Ne penses-tu pas que ce serait mieux de faire autrement ? »

– « Moi je veux bien, mais bon… »

– « Tu pourrais quand même faire attention ! »

– « Oh la la, je suis bête, j’aurais dû y penser ! »

– « Si tu veux, je t’accompagne. »

Voir réponses pp. 193-194.

Les postures communicantes

Le concept de posture (positions de vie) est issu de l’Analyse


Transactionnelle. Il décrit l’état d’esprit dans lequel une personne se trouve
au moment où elle s’adresse à une autre par rapport à cette autre5.
Cette position est propre à ce moment-là et à cet interlocuteur-là. Elle peut
changer d’une phrase à l’autre. Elle véhicule à la fois une croyance et un
ressenti, sur l’autre et sur soi-même. Comment je me sens par rapport à toi,
ce que je pense de moi par rapport à toi.

La grille présentée ci-après, la plus simple, permet d’observer, au travers


des comportements non verbaux et bien sûr des mots utilisés, l’état d’esprit
d’une personne au moment même où elle parle. Ces signaux sont décodés
(ou interprétés) par l’autre, que nous le voulions ou non.

Ainsi, nous identifierons quatre postures de base :


Soyez vous-même, première règle d’or, comporte un
risque : ce que nous ressentons ou pensons de l’autre est
lisible et observable sur nos comportements non verbaux et
verbaux. Bref, ce qui se passe dedans se voit dehors ! Il
convient de nous assurer que notre posture est positive ou
ne pas chercher à communiquer du tout.

C’est le Dr Frank Ernst6 qui a créé cette grille de lecture et l’a représentée
dans un graphique que le Dr Stephen Karpman7 a suggéré d’appeler le OK
Corral (en anglais, le signe + veut dire OK, avoir de la valeur et le signe –
veut dire not OK ne pas en avoir.

Il y a quatre quadrants, chacun présentant l’acronyme de la posture d’un


individu. AY pour Allons-y, de la position J’ai de la valeur et tu as de la
valeur ; TT pour Tire-toi! de la position J’ai de la valeur, tu n’as pas de
valeur ; EM pour Évite-moi de Je n’ai pas de valeur, tu as de la valeur ;
OVNI pour On va nulle part ici, de Je n’ai pas de valeur, tu n’as pas de
valeur.

Le OK Corral
AY TT
« Allons-y ! » « Tire-toi ! »
+/+ +/-
EM OVNI
« Évite-moi » « On va nulle part ici »
-/+ -/-

Exercice d’identification des postures


du OK Corral
Dans les phrases qui suivent, identifiez les postures en tenant compte de la
grille du OK Corral.

– « J’en ai assez de tes idées saugrenues ! »

– « Tu m’énerves et ce n’est pas la première fois ! »

– « Je suis désolé, je voulais faire plaisir et j’ai fait le contraire, quel


idiot ! »

– « J’ai peut-être fait des erreurs, mais tu n’as pas de leçon à me donner ! »

– « Je souhaite que nous parvenions à un accord malgré nos différends. »

« Pourquoi je suis comme ça, moi ? »

Voir réponses pp. 194-195.

Il est essentiel de commencer par cette grille d’observation binaire de la


communication, car elle conditionne tout ce que nous pouvons mettre en
place dans nos échanges.

La règle est simple : si la position de vie n’est pas +/+ (j’ai de la valeur et
toi aussi), alors la communication n’est pas établie et la situation est à haut
risque d’escalade et de conflit.
Plus complexe, la grille complète des positions de vie
existentielles

Les signaux que nous émettons, au-delà du contenu du


message, peuvent aller plus loin que la seule relation que
nous avons les uns avec les autres.

Ces signaux indiquent parfois une position dite existentielle, c’est-à-dire


non seulement comment moi, je me sens par rapport à toi, mais également
ce que je ressens à l’égard des autres, de l’environnement ou de la vie.

La grille des positions de vie ajoute donc une troisième dimension à toi et
moi, elle ajoute les autres, ou la vie.

Les sous-entendus deviennent ainsi plus complexes et plus risqués dans les
échanges. En effet, je peux montrer une posture +/+ à mon interlocuteur :
« Bonjour, je suis heureux de te voir », et ajouter un message attaquant vis-
à-vis de quelqu’un d’autre comme par exemple : « Toi, au moins, tu n’es
pas comme ton ami Robert, tu es ponctuel ! » Ce second message ajoute une
posture supplémentaire, non pas vis-à-vis de l’interlocuteur direct (toi) mais
d’une tierce personne dont nous dirons du mal (ton ami Robert). Cette
position a le nom de bitching ; c’est une attitude assez fréquente, consistant
à compromettre quelqu’un qui ne le souhaitait pas forcément en disant du
mal de quelqu’un d’autre. Le mot vient d’un néologisme anglais décrivant
le comportement le plus souvent observé en entreprise et consistant à dire
du mal de quelqu’un ou d’un autre service de l’entreprise à un collègue,
pour passer le temps ou pour semer la zizanie.

Il est des sous-entendus extrêmement perfides. Je me


souviens, il y a vingt-cinq ans, de Philippe, un ami metteur
en scène avec qui je préparais une pièce que j’avais écrite
à Nice. Nous avions passé la nuit à travailler les décors et
la mise en scène pour le lendemain. J’étais enthousiaste et
exalté. Nous sortions d’une belle nuit blanche de créativité
et, pour une raison que j’ignore, mon ami était déprimé. Je ne l’avais pas
remarqué. Nous sommes allés prendre un petit déjeuner à l’aube, sur le
cours Saleya que je tiens parmi les plus beaux endroits du monde. Le soleil
se levait et, le nez dans son café, d’une voix blanche, il me dit : « Ce qu’on
fait ne sert à personne… nous ne sommes mêmes pas bons… mais bon, c’est
ça qu’on fait, alors on le fait… » Je me souviens de ma stupeur puis, la
fatigue aidant, je manquai de peu de me laisser glisser dans son message
cynique et désespéré. J’ai bien failli croire que je faisais partie de son
« nous », du « on » qu’il venait d’employer. Je n’étais pas OK, lui non plus,
le théâtre et son public pas mieux et la vie était comme ça : faire des trucs
inutiles pour personne. Wow !

J’ai alors observé un long silence avant de lui dire : « Tu vas dormir
aujourd’hui, je vais parler à la troupe, leur dire que je suis fatigué parce
que toi et moi avons fait un superbe travail. Je vais leur dire que tu es un
maître (ce que je pensais vraiment) et que je suis fier de nous. »

Il m’a regardé, m’a souri, un peu condescendant, et il est parti se coucher.


Ce jour-là, j’avais gagné une bataille. J’en connaîtrais bien d’autre avec
lui mais ça, c’est une autre histoire !

Vous trouverez ci-contre le tableau synoptique des positions de vie


existentielles.
Exercice d’identification des positions
de vie existentielles

Dans les phrases qui suivent, identifiez les positions de vie en tenant
compte du tableau synoptique de la page précédente.

– « Je ne changerai pas de façon de faire. Toi, fais comme je te dis et puis


c’est tout ! Les autres y arrivent alors remue-toi ! »
– « Pourquoi ça nous tombe toujours dessus ? On dirait qu’il n’y a que
nous qui faisons des conneries ! »

– « J’ai peur de l’appeler, il me déteste. Toi qui sais si bien communiquer, tu


ne voudrais pas le lui demander à ma place ? »

– « Que penses-tu de mon Bob ? Il devait nous téléphoner et évidemment, il


ne l’a pas fait ! »

– «Merci de m’avoir accordé cet entretien. J’ai apprécié votre point de vue,
même si nous ne sommes pas toujours d’accord. »

– « C’est ce que tu veux ? Eh bien fais comme tu le sens, mon vieux… on


verra bien ! »

– « Je suis responsable ici et votre rôle devrait être de me fournir des


résultats et je n’en vois aucun ! »

– « Je gère peut-être mal ma vie, mais toi tu es mal placé pour dire quoi que
ce soit ! »

– « Vous n’avez pas besoin de comprendre ! Faites comme vos imbéciles de


collègues, faites ce que je vous demande ! »

Voir réponses pp. 195-196.

Quels sont les indicateurs à observer ?


Lorsque deux personnes s’adressent l’une à l’autre, elles émettent des
signaux, lisibles consciemment ou inconsciemment par leur interlocuteur.

Un sourcil froncé, un regard baissé vers le sol, un menton relevé, la voix qui
monte dans les aigus en fin de phrase, une assise nonchalante, un « en
fait ! » appuyant une remarque floue… tout autant de vecteurs de sous-
entendus qui seront… entendus !

Nous avons oublié à quel point notre sens de l’écoute de l’autre passe par
tous ces détails. Et parfois, souvent ai-je envie de dire, ce sont les détails
qui font le message.

Lorsque nous communiquons, nous affichons des messages


non verbaux qui informent autrui de notre posture par
rapport à eux et par rapport à la vie. Si nous souhaitons
être nous-même, règle d’or n° 1, il y a un travail essentiel à
faire sur l’optimisme et la pensée positive, faute de quoi
notre posture sera de « mauvaise » qualité.

La qualité de la posture en communication


Nous disposons de trois indicateurs de qualité de la communication :

1 • La lucidité

2 • La bienveillance

3 • La constructivité

Ces trois postures, combinées, représentent la proposition la plus


enthousiasmante dans l’échange. Lorsqu’elles sont toutes trois
authentiquement présentes, la résolution de conflits, la régulation entre deux
parties et, positive et rêvée, l’intimité, sont également présentes.
Développez votre lucidité

La lucidité se définit par la capacité d’une personne à être à la fois


consciente de ses propres enjeux et émotions et du contexte dans lequel elle
se trouve.

Ce contexte pourra être les enjeux et émotions de ses interlocuteurs.

Si je suis conscient de mes émotions, je sais ce que je veux


dire, je comprends les enjeux et les risques. Je reconnais
ceux de l’autre. Je suis conscient des moments où je ne suis
plus dans la pensée claire. Je connais mes déclencheurs et
indicateurs de stress. Je m’entends faire des sous-entendus
lorsque j’en fais.

La lucidité peut s’apprendre. Elle nécessite à la fois d’avoir de l’humilité


et de la confiance en soi. Encore une paire qui ne va pas l’une sans l’autre !

Les personnes qui s’engagent sur un parcours de développement personnel,


que ce soit au travers du coaching ou de disciplines psychologiques,
sportives, spirituelles, passent par un travail sur la conscience de soi. La
prise de conscience de nos émotions et de ce qui les déclenche, de nos
croyances et parfois de nos illusions ancrées depuis l’enfance, est un
passage indispensable pour trouver son axe personnel, son alignement. Les
meilleurs communicants connaissent leurs forces tout comme leurs points
de vulnérabilité et ont appris à se sentir bien avec eux-mêmes. Daniel
Goleman, psychologue rendu célèbre par ses recherches sur les émotions et
son best-seller L’intelligence émotionnelle8, affirme que 94 % des
compétences relationnelles et sociales d’un individu passent par
l’acquisition de la connaissance de soi, qu’il considère comme le domaine
de compétences non techniques le plus important pour le développement de
la personnalité.
La lucidité

Un premier exercice tout simple pour tester votre niveau de lucidité sur
vous-même est de pratiquer un peu d’autojournalisme ! Allez rencontrer des
personnes qui vous connaissent et vous respectent, et interrogez-les sur
vous. Faites une enquête pour obtenir d’elles un feedback authentique.
Demandez-leur de vous parler aussi bien de vos défauts que de vos qualités.

C’est parfois une épreuve de recevoir des compliments, presque autant que
d’accueillir les critiques sans les rejeter. Voici un truc pour accepter les uns
comme les autres : demandez un exemple concret… « Tu me dis que je suis
soupe au lait, peux-tu me donner un exemple d’une fois où je l’ai été ? »
« Tu me dis que je suis quelqu’un de gentil, peux-tu me rappeler un moment
où tu as trouvé que je faisais preuve de gentillesse ? » Attention, veillez
toujours à transformer le verbe être par le verbe faire lorsque vous
accueillez un feedback. Si l’on vous dit que vous êtes quelque chose,
demandez toujours un exemple de ce que vous avez fait dans ce domaine.

Votre quotient de lucidité va monter en flèche si vous prenez l’habitude de


demander du feedback et de l’enrichir par des exemples concrets. Vous
aurez une vision plus claire de l’image que vous renvoyez et vous aurez
aussi la possibilité d’agir sur ce que l’on vous dit. Il est plus simple de
changer ce que l’on fait que ce que l’on est !

Le stock de strokes

Comment évaluer votre quotient de lucidité sur vous-même ? On appelle


strokes en Analyse Transactionnelle, les signaux de reconnaissance positifs
et négatifs que nous recevons. Il est aujourd’hui démontré que nous puisons
une grande part de notre motivation et de notre énergie dans ces signaux de
reconnaissance. Lorsqu’ils sont positifs, ils permettent d’entretenir une
bonne image de soi et de développer la confiance en nous-même. Lorsqu’ils
sont négatifs, ils permettent de donner des repères de développement pour
s’améliorer et savoir quoi améliorer. Bien sûr, leur qualité est essentielle et
certains signaux de reconnaissance inconditionnels peuvent être
destructeurs.

La règle de la communication positive est que, lorsque nous recevons un


stroke de la part de quelqu’un, ce signal de reconnaissance devra être
conditionnel, c’est-à-dire viser le comportement et le contexte (tu fais…)
plutôt que l’identité (tu es…), ce qui rendrait le stroke inconditionnel.

Dire à quelqu’un : « J’aime comment tu as organisé ta soirée » a plus de


valeur que : « Tu es génial ! » Bien sûr, ce dernier compliment très puissant
fait plaisir mais il ne veut rien dire, n’apporte pas d’éléments constructifs.

Dire à quelqu’un, « J’ai trouvé que tu avais manqué de créativité pour


organiser ta soirée » n’est certes pas agréable mais offre un terrain de
négociation pour améliorer les prochaines soirées. Dire « Tu es nul pour
organiser les soirées » est destructeur et sans appel !

Offrir un stroke conditionnel renvoie à une certaine situation, à un


certain comportement et à un moment donné.

Vous pouvez évaluer votre quotient de lucidité à partir de votre stock de


strokes. Les strokes positifs ou négatifs que nous échangeons dans nos
relations avec les autres sont autant de moyens de maintenir une
communication constructive et saine.

Nous pouvons assurer une certaine forme d’écologie en gérant les signaux
de reconnaissance au quotidien de la manière suivante :

• J’en donne.

• Je les accepte quand j’en reçois.

• J’en demande quand j’en ai besoin.


• Je refuse les inconditionnels.

• Je m’en donne.

Évaluer le niveau de connaissance de


soi

Pour vous aider à vous situer, il vous reste à utiliser la grille que nous vous
proposons à la page suivante. Remplissez-la et regardez ce que vous faites
le mieux pour à la fois remplir votre jauge de confiance en vous et celle de
connaissance de vous-même.
Développez aussi votre lucidité émotionnelle
Si la lucidité commence par la prise de conscience des émotions que nous
ressentons, il ne s’agit pas là d’une tâche toujours simple.

Même si cela peut sembler surprenant, les êtres humains se trompent


parfois sur leurs propres émotions. Rappelez-vous ce philosophe qui dit que
« le racisme, c’est se tromper de colère ! »

Certaines personnes, justement, quand elles ressentent de la peur montrent


de la colère, projetant ainsi leur propre peur sur autrui en le persécutant.
Observez le parent qui vient de surprendre son enfant adopter un
comportement dangereux et constatez ce qu’il exprime : de la colère
frustrée et attaquante. Il hurle des menaces sur son enfant et l’invective
alors qu’il vient d’avoir peur. Ainsi, l’enfant perçoit une posture d’attaque
et interprète le message de son père ou de sa mère comme suit : « Quand tu
adoptes un comportement dangereux, tu n’as pas de valeur à mes yeux. »

D’autres transforment leur colère en complainte et pensent alors qu’elles


sont tristes et se sentent victimes. Observez cette grand-mère qui pleurniche
parce que ses petits-enfants ne lui téléphonent jamais et ajoute : « Après
tout ce que j’ai fait pour eux, je suis toute seule et abandonnée. » Son
visage montre de la tristesse désespérée et pourtant, elle est en colère. Vos
tentatives pour la réconforter ou la soutenir (ce que la tristesse invite
habituellement à faire) constitueront alors une réponse inadaptée à une
posture qui ne correspond pas à la réalité de l’émotion ressentie.

Le plus grave ici n’est pas que ces personnes soient dans un état de
communication négative ou contreproductive, mais c’est le fait qu’elles
ignorent la nature réelle de leurs émotions et finiront par croire que ce
qu’elles expriment est égal à ce qu’elles ressentent. Un malentendu vis-à-
vis des autres et pire encore, vis-à-vis de soi-même !

Les émotions de base et leurs variantes


Apprenez à différencier les émotions que vous ressentez en commençant
par les nommer. Le psychologue américain Paul Ekman9, qui a travaillé
près de quarante ans sur les manifestations observables des émotions, a
identifié six émotions de base partagées par tous les êtres humains,
lesquelles s’observent sur les micro-expressions du visage :

Les six émotions de base sont les suivantes :

• La joie

• La colère

• La peur

• La tristesse

• Le dégoût

• La surprise

Attention, ne confondons pas les émotions et les humeurs


qui demeurent, le plus souvent, comme une rémanence des
émotions. Les humeurs peuvent durer des heures, parfois
des jours, et sont un élément de communication plus ou
moins conscient très important. La colère passée, vous
reste-t-il de l’irritabilité ? Est-elle visible dans votre posture ? Vous arrive-
t-il de dire à quelqu’un qui vous fait remarquer votre nervosité : « Je
m’énerve pas, j’explique ! »

« Qu’est-ce qui m’arrive ? »


Jouez à nouveau au journaliste de votre propre vie et souvenez-vous de
moments où vous avez ressenti des émotions fortes et les avez exprimées.
Notez dans votre carnet de route tous les détails dont vous vous souvenez :

– Où était-ce ?

– Qui était là ?

– Qu’avez-vous montré, exprimé ?

– Que ressentiez-vous ?

– Qu’avez-vous dit ? (notez les mots, les expressions, les phrases le plus
précisément possible)

– Qu’avez-vous fait ?

– Comment vous êtes vous senti(e) après ?

Une fois ces informations rassemblées, évaluez votre niveau de lucidité


émotionnelle :

Je suis lucide si au moment de l’événement :

1 • Je savais ce que je ressentais.


2 • Je savais pourquoi je le ressentais.
3 • J’exprimais ce que je ressentais.
4 • Mon environnement a compris ce que je ressentais.

Je ne suis pas lucide si au moment de l’événement :

1 • J’ai mal interprété ce que je ressentais.


2 • Je n’ai pas identifié la cause de mon ressenti.
3 • J’ai exprimé une émotion différente de celle que je ressentais
vraiment.
4 • Mon environnement n’a pas compris mon comportement.

La bienveillance

Elle se définit par la capacité d’une personne à reconnaître (au sens montrer
de l’empathie pour), chez l’autre comme chez lui-même, les émotions, les
ressentis comme les besoins et à les respecter. Elle est le complément
indispensable de la lucidité. Il ne s’agit ici pas d’être « gentil » mais
bienveillant. C’est-à-dire de considérer que l’autre a autant de valeur que
nous-même dans un contexte donné. La bienveillance devient ainsi le
complément naturel de la lucidité, qui nous fournit des éléments d’analyse
et de perception des situations vécues.

La lucidité permet d’’être clair sur notre état d’esprit lorsque nous
communiquons.
La bienveillance permet de développer de la tolérance et de la patience dans
notre communication.

En développant la bienveillance, je suis clair et transparent sur mes


intentions, mes demandes et mes émotions. Je reconnais la valeur des
ressentis, émotions et besoins des autres de la même manière.

La bienveillance ne peut pas s’apprendre. C’est une décision, un choix


éthique individuel. Elle introduit la dimension affective et relationnelle ainsi
que la reconnaissance de la vulnérabilité dans la communication. Elle nous
sépare des animaux car elle est une décision contre-nature. L’être humain
n’est pas équipé physiologiquement ou émotionnellement de la
bienveillance. Encore une fois, il en fera le choix… ou pas.

Comme il ne s’agit pas de tendre l’autre joue lorsque nous sommes


attaqués, la bienveillance ne peut se suffire à elle-même. Voilà pourquoi
nous l’accompagnons de deux autres valeurs essentielles que sont la lucidité
et la constructivité.

C’est l’une des limites que nous rencontrons dans nos séminaires de
communication. Certains stagiaires, arrivés pleins de bonnes intentions, ne
sont pas prêts à faire le choix de la bienveillance et préfèrent continuer de
croire que… « tout de même, parfois, il faut faire preuve d’autorité ou de
sens du compromis… » et qu’ « il y a des gens qui ne méritent pas la
bienveillance ! »

Ce débat-là reste ouvert, sans doute. Et lorsqu’il s’agit de communiquer, il


n’y a pas débat, ici aussi, la bienveillance fera loi.

La bienveillance peut se travailler. C’est une gageure de travailler sur la


bienveillance sans en avoir fait une règle personnelle. Encore une fois, elle
ne s’apprend pas à l’école comme une compétence. Elle est enseignée
comme une valeur et parfois comme une évidence… elle est pourtant si
difficile à entretenir. La bienveillance n’est pas une qualité, c’est une
compétence et elle est un processus, une discipline qui se travaille chaque
jour. Un moyen pour le faire est de s’entraîner au jeu des chaises…

Le jeu des chaises

Nous commencerons par le plus difficile – ainsi pourrez-vous par la suite


appliquer la méthode à de petites rancœurs comme à des malentendus plus
graves.

Tout d’abord, installez-vous dans une pièce agréable, lumineuse et aérée.


Placez trois chaises en triangle équilatéral, comme si vous alliez inviter
trois personnes à discuter assises. Espacez suffisamment les chaises pour
que chacun puisse étendre ses jambes.
Sans vous asseoir, faites maintenant la partie la moins plaisante de
l’exercice : rappelez-vous d’un conflit relationnel avec une personne et
ayant occasionné pour vous de fortes émotions, qui vous laisse encore un
peu (ou beaucoup) de rancœur. Rappelez-vous la colère, la tristesse, la
déception, le découragement.

Repassez-vous l’enregistrement le plus complet possible des pensées que


vous avez eues à l’égard de l’autre personne et faites l’inventaire de vos
sentiments négatifs.

Maintenant, allez-vous asseoir sur l’une des trois chaises. Sur la deuxième
est assise de façon imaginaire la personne qui est l’objet de votre rancœur,
sur la troisième chaise est assise une personne intelligente, bienveillante et
disponible pour entendre votre histoire. Elle est imaginaire aussi, bien
entendu.

Respirez, prenez votre temps et exprimez le plus factuellement possible


votre point de vue sur l’incident qui vous sépare, sans attaquer l’autre par
vos ressentis.

Une fois que vous avez le sentiment d’avoir dit ce que vous aviez à dire,
respirez profondément et lorsque vous serez prêt(e), allez vous asseoir sur
la deuxième chaise (vous l’aviez senti venir, n’est-ce pas ?!).

Vous êtes maintenant l’autre personne et vous allez, le plus honnêtement


possible, exprimer à votre tour votre point de vue sur l’événement et vos
émotions, sans attaquer l’autre, vous non plus.

Si d’aventure pendant cette expérience, l’un ou l’autre des participants


virtuels au jeu des chaises a une question à poser à l’autre, n’hésitez pas.
Faites-le ! Attention, jouez le jeu et changez de chaise pour répondre.

La troisième chaise est celle où vous vous rendrez pour terminer l’exercice
et apporter le point de vue de l’observateur. Il ne prend pas parti. Il constate
le vécu de l’un et de l’autre. Il dit ce qu’il a entendu d’important et aussi ce
qui n’a pas été dit. Son rôle est ici primordial car il n’est pas
émotionnellement engagé comme vous l’êtes, et comme l’est sans doute la
personne qui a déclenché la rancœur que vous avez ressentie.

Une fois que vous avez bouclé cette séance (et après vous être assuré(e) que
personne ne vous a vu sinon vous passerez vite pour étrange !), vérifiez ce
qui a changé dans votre perception de l’incident déclencheur. Sans doute
beaucoup plus que ce que vous imaginiez avant de vous lancer dans cette
étrange expérience !

La constructivité

La constructivité –qui est un mot barbare, puisque nous10 l’avons inventé –


se définit comme la capacité d’un individu de proposer un projet à son
interlocuteur, dans lequel chacun partage un développement commun. C’est
le ferment d’une formule infiniment galvaudée : la relation gagnant-
gagnant.

C’est, dans la communication, la dimension action, celle qui offre un projet,


une raison, un sens à la communication, parfois un cadeau. Offrir sans
raison les seules bienveillance et lucidité semble une bonne chose, alors je
rappellerai la très belle phrase de Démocrite, un philosophe essentiel et trop
oublié : « Un homme sans projet est un animal dénaturé. »

Alors, dans nos relations quotidiennes, de quoi s’agit-il ?

Vous observerez qu’une bonne partie de nos échanges ne produit


apparemment rien ou ne sert apparemment à rien. Je parle de ces moments
de conversation sans objet qui viennent meubler des silences gênés dans
l’ascenseur : « Fait beau pour la saison hein ! » Ou encore ces sujets qui
n’intéressent pas particulièrement mais qui alimentent les moments moins
intimes d’un repas entre amis : « Ils sont jolis tes rideaux, c’est du
velours ? » Vous pourriez m’objecter que le temps est en effet beau pour la
saison et que cela mérite qu’on le constate… que les rideaux sont si beaux
que la tablée tout entière brûle d’en savoir plus sur l’étoffe dont ils sont
composés. Et vous savez quoi ? c’est possible – dans ce cas, il y a un
contrat respectable et la conversation peut continuer.

C’est dans le cas inverse, où une personne commencerait une conversation


qui n’intéresse qu’elle en invitant son entourage à participer pour son seul
enthousiasme ou besoin d’attention, que le contrat n’est pas respectable et
va créer un malaise.

Il ne s’agit pas ici de juger les contenus de la communication mais bien


d’évaluer la qualité de la posture de ceux qui communiquent. Y a-t-il ou
non un contrat est la question à poser ici.

Qu’est-ce qu’un contrat de communication ?

Lorsqu’un contrat (accord) tacite est formulé, alors les risques sont jugulés.
Par exemple, au cours d’une soirée, quelqu’un dit : « On s’ennuie, si on
parlait des rideaux, ça nous occuperait ! ». Les autres répondent : « Ah oui,
bonne idée, parlons des rideaux pour ne plus nous ennuyer… » Il y a ici un
intérêt commun, un enjeu, une proposition, un accord explicite de chacun. Il
y a constructivité ! La maîtresse de maison aura sans doute à vérifier
comment éviter l’ennui dans ses soirées la prochaine fois !

Dans l’ascenseur, je pourrais dire à la dame qui m’y a rejoint : « Pour éviter
un silence gêné, phénomène fréquent dans les ascenseurs, je vous propose
de parler météo jusqu’au sixième étage qui, semble-t-il, est votre
destination. » Si la dame me répond : « Quelle charmante idée, je vous
félicite pour votre prévenance… », alors la météo devient notre projet
commun, notre contrat sacré, bienveillant et lucide, puisque tout est
transparent.

Seulement voilà, les contrats de communication sont le plus souvent


implicites, parfois tacites et presque jamais explicites.

Travailler sur la constructivité


Passez en revue les moments d’échanges (commencez par les plus anodins)
que vous avez vécus aujourd’hui et posez-vous les questions suivantes :

1 • Que nous sommes-nous dit ?

2 • Pourquoi nous sommes-nous parlé ?

3 • Qu’ai-je gagné dans cet échange ?

4 • Qu’a gagné l’autre dans cet échange ?

5 •Suis-je sûr de ma réponse à la question précédente ?

6 • Comment en suis-je sûr ?

Si l’échange n’est pas gagnant-gagnant, la posture n’est


pas constructive. Vérifiez alors qu’elle n’a pas été
destructrice, envahissante, égoïste ou égocentrée,
condescendante, ennuyeuse, persécutrice… je m’arrête là,
la liste serait trop longue !

4. Définition selon l’Association Internationale d’Analyse Transactionnelle (ITAA) : « L’Analyse


Transactionnelle est une théorie de la personnalité et une psychothérapie systématique en vue
d’une croissance personnelle et d’un changement personnel. »
5. Taibi Kahler, Le grand livre de la Process Thérapie, Eyrolles, 2010.
6. Frank Ernst, « Le OK Corral », TA Journal, October 1971.

7. Stephen B. Karpman est le génial découvreur du Triangle Dramatique, véritable E=MC2 de la


gestion des conflits (voir la quatrième partie de ce livre pour en savoir plus).
8. Daniel Goleman, L’intelligence émotionnelle, Éditions J’ai Lu, coll. « Psychologie », 2003
(rééd.).
9. Ekman, Paul, Emotions Revealed: Recognizing Faces and Feelings to Improve Communication
and Emotional Life, Times Books, 2003.
10. C’est dans notre ouvrage Déjouer les pièges de la mauvaise foi et de la manipulation,
InterEditions, 2010, que mon ami et collègue Pierre Agnèse et moi-même avons créé ce
barbarisme dans le concept de posture de communication.
Règle d’or n°2
Donnez envie !
… ou comment être audible
et compréhensible par l’autre
« Si vous voulez qu’ils vous écoutent, apprenez leur langage ! »
Taibi Kahler

Cogito ergo sum… c’est du latin. Ça veut dire Je pense, donc je suis !
Aujourd’hui tout le monde le sait ! Pourtant Descartes, celui qui a dit ça,
pensait en français…

C’était l’époque bénie où l’on écrivait dans une langue morte pour donner
du crédit à ses propos. Les choses n’ont guère changé : il est tellement
important de crédibiliser son propos que pour avoir la possibilité de
convaincre une communauté scientifique ou une organisation sociale, il faut
d’abord avoir montré patte blanche en parlant la langue ou le jargon
attendu.

Enfant puis adolescent, je me souviens avoir lu et relu dans


Le Petit Prince de Saint-Exupéry, une charge contre le
monde des adultes sérieux, qui exigent que l’on parle leur
langage sérieux pour être écouté. Il y raconte l’histoire de
cet astronome turc qui avait découvert une nouvelle étoile
et que personne ne voulut croire à cause de sa tenue
vestimentaire orientale. Plusieurs mois plus tard, le même astronome, vêtu
d’un costume classique, refait son intervention et, cette fois, il est écouté
jusqu’au bout.

Lorsque Sigmund Freud eut l’instinct de l’existence de l’inconscient, les


tenants du savoir sérieux, les scientifiques, les chercheurs qui cherchent
(non pas pour trouver mais pour prouver) l’appelèrent pornocrate. Freud
avait pourtant ouvert une brèche qui ne s’est plus jamais refermée. Il nous a
montré, certes sans le prouver, que la vie humaine est moins simple qu’une
équation scientifique.

Il a ainsi ouvert la porte de la pensée moderne, celle qui ne réduit pas


l’intelligence au QI. Celle qui s’ouvre à la relativité et à la théorie du chaos.
Vertigineux retour en arrière pour certains, lucidité qui permettra d’aller à
nouveau de l’avant, pour d’autres.

Il est d’ailleurs amusant de constater que les personnes qui font une
psychanalyse disent : je suis en analyse. Une analyse, le mot rassure.
Pourtant, s’il y a bien une chose qu’on ne fait pas en psychanalyse, c’est
analyser… Il s’agit plus d’un voyage que d’une explication.

L’émetteur
Nous ne parlons pas tous la même langue. Ce qui est vrai pour les langues
étrangères l’est aussi pour les langues de la communication. Un message
émis avec une tonalité chaleureuse ou affective peut être parfaitement
accepté et compris par une personne et interprété ou subi par une autre.

Tous les jours, nous ajustons notre communication aux différents


interlocuteurs que nous croisons. Nous faisons l’effort de changer notre
attitude ou notre ton, voire notre registre de vocabulaire, selon la situation
ou les personnes avec lesquelles nous nous trouvons.

Nous parlons bien plus de langues, patois et jargons que notre seule langue
maternelle officielle !

Mes filles adolescentes, lorsqu’elles rentrent à la maison,


laissent une partie des codes de langage de leur génération
à la porte de chez nous pour parvenir à se faire
comprendre de leurs pauvres ringards de parents. Elles
évitent aussi la grossièreté, qui ne manque pas d’un certain
chic avec leurs copains mais qui leur serait sévèrement
reprochée à la table familiale… Elles se tiennent un peu plus droit, aussi, en
présence de papy qui refuse de parler à des jeunes filles voûtées (une
affaire de principe).
Toutes ces modifications d’attitude corporelle, de gestuelle, de ton, de
vocabulaires ne sont rien d’autre que des techniques, parfois inconscientes,
de communication pour nous assurer que nous serons écoutés et compris
par l’autre. Ainsi nous gagnons du temps.

Dans les années 1970, le Dr Taibi Kahler s’est d’abord concentré sur les
messages émis par les êtres humains, allant au-delà du simple contenu pour
explorer les processus. Il voulait identifier les premières altérations du
comportement quand un individu descend dans le stress, pour les prévoir et
les gérer. Lors de ses recherches sur la Process Communication11, ses
travaux l’ont conduit à bâtir une grille de lecture extrêmement riche des
ingrédients de la communication. Cela lui a permis d’identifier non
seulement l’existence de nos processus de communication mais aussi la
logique qui les sous-tend.

S’il n’est pas question ici de détailler ce modèle qui fait l’objet de
nombreux ouvrages, nous retiendrons cependant les ingrédients observables
que Kahler a utilisés et validés par ses recherches.

Nous utiliserons ensemble deux des outils qu’il a développés pour, à la fois,
varier notre langage et l’adapter à nos interlocuteurs.

Le premier de ces outils s’appelle les Parties de personnalité. Elles sont en


quelque sorte la grammaire du langage ; le second s’appelle les zones de
perception qui en constituent les registres de vocabulaire, le lexique, en
quelque sorte.

Premier outil : la grammaire de la communication

Kahler appelle Partie de Personnalité la manifestation observable et


positive de l’état d’esprit d’un individu à un instant T. La raison pour
laquelle nous allons nous y intéresser est que Kahler donne les indicateurs
observables de cet état communicant, puisque positif, qui est aussi le reflet
d’une posture bienveillante, lucide et constructive. Il identifie cinq de ces
états d’esprit qu’il nomme le Protecteur, le Directeur, l’Ordinateur, le
Réconforteur et l’Émoteur.

Ces Parties de personnalité12 s’expriment au travers de cinq indicateurs


observables par les interlocuteurs. S’ils sont combinés de manière cohérente
entre eux, le message émis est clair, s’ils se mélangent, le message est
confus.

Ce cocktail, qui comprend à la fois de l’image, du son et du sens, constitue


ce que notre interlocuteur va absorber et interpréter. Si la mixture est
digeste, cohérente et positive, la communication suivra son cours ; si en
revanche le message est complexe, flou ou négatif, notre interlocuteur
risque de mettre en place une batterie de défenses inconscientes et
d’interprétations menant à l’escalade de la mécommunication.

On distinguera trois niveaux d’indicateurs :

Les indicateurs verbaux (ici, les mots), les indicateurs paraverbaux (ici, le
ton), et les indicateurs non verbaux (ici les attitudes corporelles, les gestes
et expressions du visage).

Les attitudes corporelles

• Les gestes

• Les expressions du visage

• Le ton de la voix

• Les mots utilisés

Notez bien que d’autres indicateurs existent, comme le rapport à l’espace


ou le rapport aux objets. Nous tiendrons compte dans nos exercices des
seuls indicateurs de Kahler, car ils sont le fruit de la recherche et non de
l’interprétation.
Les Parties de personnalité et leurs indicateurs
Éléments sous copyright de TKA et KCI (imprimé à des fins légales)

Définition de Taibi Kahler : « Une Partie de Personnalité est un ensemble


cohérent de comportements verbaux et non verbaux que nous utilisons
lorsque nous sommes en situation de communication. »

L’Ordinateur

État d’esprit : je partage des pensées, je traite des données et des


informations. Je suis dans la pensée claire.

• Attitude corporelle : droite, calme

• Gestes : pratiquement pas

• Expression du visage : attentive

• Ton de voix : neutre

• Mots : ceux émanant de la pensée. Exemples : « Pouvons-nous prendre un


rendez-vous pour en parler ? » « Sais-tu à quelle heure arrive le train de
Pau ? » « J’ai lu dans Libération que la météo ne serait pas bonne
demain. »

L’Émoteur

État d’esprit : je suis spontané et je laisse mes émotions s’exprimer


librement.

• Attitude corporelle : libre, relâchée, ouverte, fluide, flexible, dégagée,


pleine de ressort, tonique

• Gestes : libres, animés, vivants


• Expression du visage : naturelle, mobile, variée

• Ton de voix : haut, expressif

• Mots : ceux des émotions (bruits et onomatopées !). Exemples : « Whaou !


J’adore ton écharpe ! » « J’aime pas les rhododendrons ! »

Le Réconforteur

État d’esprit : je suis nourricier, je prends soin de l’autre et je suis attentif à


mon environnement sensoriel et émotionnel.

• Attitude corporelle : posture de confort, tournée vers l’autre, ouverte

• Gestes : mains ouvertes, gestes ronds, mains sur la poitrine, gestes


caressants

• Expression du visage : « acceptante », chaleureuse, souriante, douce

• Ton de voix : doux, gentil, apaisant, qui prend soin

• Mots : ceux de la relation et du partage de l’émotion. Exemples : « Je suis


là pour toi si tu as besoin d’aide » « Je te sens tendu ces jours-ci »
« J’apprécie les moments que nous passons ensemble »

Le Directeur

État d’esprit : j’ai l’intention de faire faire…

• Attitude corporelle : droite, ancrée


• Gestes : pas de gestes (surtout pas)
• Expression du visage : regard dans celui de son interlocuteur, sans
expression particulière
• Ton de voix : ferme, neutre, non agressif, non menaçant, attentif
• Mots : verbes à l’impératif. Exemples : « Montre-moi ton document s’il
te plaît » « Fais voir ! » « Donne-moi un exemple »

Le Protecteur

État d’esprit : j’ai l’intention de rassurer une personne dans un état de stress
émotionnel fort (un enfant qui se réveille à cause d’un cauchemar, une
personne en état de choc ou de perte de contrôle émotionnel.

• Attitude corporelle : ancrée, calme et ferme


• Gestes : mains et bras en avant comme s’ils étaient posés sur les épaules
d’un enfant (sans toucher la personne)
• Expression du visage : regard dans celui de son interlocuteur, ouvert, un
regard de confiance et de soutien
• Ton de voix : ferme, protecteur, calme, « acceptant »
• Mots : verbes à l’impératif adressés à l’un des cinq sens (odorat, goût,
vue, ouïe et toucher). Exemples : « Respire » « Regarde-moi », « Touche
ma main », « Sens les battements de ton cœur »

Je te reçois 5/5

• Prenez la liste des indicateurs de chaque Partie de Personnalité et


entraînez-vous à les repérer dans votre vie quotidienne.

• Allumez votre télé (pour une fois qu’on vous dit que c’est pour votre bien)
et observez les comportements d’une personne interviewée.

• Lors d’un repas de famille ou d’une réunion professionnelle, observez une


personne à la fois et regardez si elle active les Parties de personnalité de
manière cohérente (c’est-à-dire que les mots, le ton, les expressions du
visage, les geste et l’attitude sont sur une même ligne) ou de manière
anarchique (les indicateurs se baladent dans les cases sans cohérence)

• Voyez par vous-même comment s’installent les sous-entendus, même


lorsque les gens sont animés d’intention positive.

Une fois cette observation d’autrui effectuée, faites le pour vous-même.


Pour cela, il faudra vous équiper d’un ami que vous aurez mis dans la
confidence ou d’un camescope qui aura le mérite de ne faire aucune
interprétation sauvage de votre besoin et de votre demande.
Nous ne cherchons pas ici des indicateurs négatifs (masque de colère
frustrée, gestes accusateurs, attitude dominante/soumise, noms d’oiseaux
etc.), mais bien des indicateurs qui, acceptables et positifs lorsqu’ils sont
pris isolément, deviennent, ensemble, générateurs de sous-entendus ou
d’interprétation.

Pour faire ce travail, utilisez la grille ci-après que vous pouvez reproduire
autant de fois que nécessaire, pour l’utiliser régulièrement. Quand vous
serez entraîné(e) suffisamment, vous pourrez faire l’exercice sans support
écrit.

Il existe cinq postures communicantes, qui s’appellent


l’Ordinateur (traiter et partager des pensées), le Directeur
(le faire faire), le Réconforteur (être nourricier), l’Émoteur
(exprimer librement ses ressentis), le Protecteur (protéger
quelqu’un dans la panique émotionnelle). Ces parties se
travaillent, comme des muscles, en adoptant les cinq indicateurs
comportementaux qui les affichent : la posture, les gestes, les expressions
du visage, le ton de la voix et les mots.
Si la forme de ma communication est confuse, mon
interlocuteur n’aura pas envie de communiquer avec moi,
voire aura envie de se défendre contre les sous-entendus
qu’il ou elle aura interprétés. Il y a cinq manières d’éviter
les sous-entendus et de passer clairement mes messages à
autrui. On les appelle Parties de personnalité. Je peux
apprendre à les utiliser, elles sont comme une grammaire du langage, je
peux aussi les travailler comme des muscles.

Deuxième outil : le lexique de la communication


Après la grammaire, passons au lexique ! Voici les éléments de perception,
les six types de Kahler et leur langage :

Le docteur Paul Ware13, psychiatre américain et ami du Dr Kahler, établit


dans les années soixante-dix une théorie qu’il appelle « les portes ». Il
observe que selon la manière qu’il adopte pour commencer ses sessions
aves ses patients, ils vont accepter rapidement le travail de thérapie ou bien
jouer des Jeux psychologiques pour éviter de le faire, voire se fermer durant
toute la séance.

Il émet l’idée suivante : Ce n’est qu’une question de communication. Ils


s’ouvrent ou se ferment au contact, uniquement parce que je n’ai pas utilisé
la bonne clef d’entrée pour créer le contact. » Cette clef est constituée de
leur modèle du monde, le filtre au travers duquel ils considèrent la vie. Ce
filtre est lié aux perceptions qui leur sont les plus familières.

Exercice : Qu’en dis-tu ?

Choisissez un objet d’art jusque-là inconnu de vos interlocuteurs, un film,


une sculpture, un morceau de musique… Posez à autant de personnes que
vous le pourrez la même question, avec les même mots, en utilisant le
même ton et en montrant la même expression : « Qu’en dis-tu ? »

Notez leurs réponses au mot près.

Vous obtiendrez, bien sûr, autant de réponses différentes que de personnes


présentes, et en écoutant avec attention, vous entendrez qu’elles n’ont pas
toutes, loin s’en faut, intégré la question de la même manière.

• Certains répondront plutôt sur le registre raisonné de la pensée en vous


disant ce qu’ils savent de cette œuvre, ce qu’ils comprennent, ce qu’ils en
apprennent, comment ils l’analysent ou la jugent. Ils pourront comparer à
autre chose qu’ils connaissent. Peut-être vous demanderont-ils pourquoi
vous posez cette question parce qu’ils pensent que tout, ici bas, doit avoir
un sens.

Vous les verrez probablement montrer plutôt la Partie de Personnalité


Ordinateur quand ils vous répondront.

• D’autres vous auront répondu sur le registre spontané ou sensoriel de


l’émotion en vous décrivant ou en exprimant ce qu’ils ressentent, l’effet que
leur fait ce tableau, ils vous décriront les couleurs qu’ils aiment le plus ou
le moins et vous demanderont à votre tour de vous exprimer… ils en
profiteront pour créer une relation avec vous.

Vous verrez probablement les indicateurs de la Partie de Personnalité


Réconforteur ou ceux de l’Émoteur dans leur manière de vous répondre.

• D’autres enfin vous répondront sur un troisième registre énergique et


immédiat, celui de l’action. Ils feront une blague pour vous faire rire. Ils
vous auront peut-être demandé à quoi sert votre question… Ils pourront
aussi choisir de vous répondre par une phrase courte ou un seul mot parce
que ça ne sert à rien de donner un avis.

Vous aurez sans doute aperçu la Partie de Personnalité Directeur ou celle de


l’Émoteur dans leur réponse.

Observez pour commencer ces registres de perception et d’expression


distincts pour identifier trois types de langages : celui tourné vers la pensée
avec les mots de l’analyse ou de l’opinion, les mots de la relation, qui
évoquent les ressentis et les mots de l’action.

Ainsi parmi nous, certains réfléchissent avant de d’agir. D’autres ont


besoin d’expérimenter pour voir.
D’autres écoutent ce qu’ils ressentent et l’intègrent comme élément
prioritaire de leurs choix dans vie.

Le Dr Taibi Kahler, en Arkansas, soutenu dans ses recherches par la NASA,


a développé un puissant modèle de thérapie et de communication appelé le
PCM, Process Com Model®. L’ensemble de ses travaux fait l’objet de
nombreux ouvrages et nécessiterait bien plus qu’un seul chapitre pour être
exploré. Nous allons nous concentrer ici sur la dimension langage
seulement.

Il a identifié non pas trois mais six types de personnalité14 qui, différents
par essence, sont présents en chacun de nous dans notre structure de
personnalité.

Ces six types sont présents mais pas dans le même ordre chez chacun. Il
existerait, selon Taibi Kahler, 720 structures de personnalités possibles
(attention, on ne dit pas personnalités mais structures de personnalité : la
personnalité se façonne aussi avec l’histoire familiale et personnelle de
chaque individu, il ne s’agit pas ici de mettre les gens dans des boîtes.

Ces six types de personnalités sont partagés dans un ordre différent, soit
6x5x4x3x2x1 = 720 combinaisons possibles.

Ces six types15 sont :

• Dans la pensée :

Le type Persévérant, consciencieux, dévoué, observateur, qui évalue et juge


pour pouvoir agir en confiance avant toute chose.

• Le type Travaillomane, organisé, responsable et logique, qui rassemble les


informations et les faits avant toute chose.

• Dans l’émotion
Le type Empathique, chaleureux, compatissant et sensible, qui a besoin de
sentir les choses et les gens avant toute chose.

• Dans l’action

Le type Promoteur, plein de ressources et de facultés d’adaptation,


charmeur, et qui a besoin de défis avant toute chose.

• Le type Rebelle, spontané, ludique et créatif, qui a besoin de réagir aux


événements et de stimuler les autres avant toute chose.

• Le type Rêveur, calme, imaginatif et introspectif, qui a besoin de recul et


de distance, paradoxal car tourné à la fois vers l’utile et l’imagination avant
toute chose.

Il existe six registres de vocabulaire appelés perceptions


car ils reflètent chacun un angle de vue différent sur le
monde. Chacun de nous a des registres préférentiels. Ils
sont audibles dans le choix lexical que nous faisons pour
nous exprimer (vocabulaire). Ils constituent un facteur
essentiel pour bien s’entendre et se comprendre et donc éviter d’être mal
entendu !

Ces six types de personnalités sont tous en chacun de nous. Et c’est une
bonne nouvelle : car nous pouvons toujours espérer être entendus par autrui,
puisque nous partageons les mêmes ingrédients de personnalités.

Alors pourquoi arrive-t-il que cela ne marche pas ? Tout simplement parce
que nous passons le plus clair de notre temps à n’utiliser qu’une partie de
nos outils naturels… nos préférés ; les premiers par ordre de priorité dans
notre structure de personnalité.

Imaginons un dialogue entre une personne plutôt orientée Pensée et une


autre plutôt orientée Action.
« Que penses-tu que nous devrions envisager d’abord pour
résoudre ce problème ? », dit le premier.

« Je vais te dire ce qu’on va faire, on va commencer par


téléphoner à Machin. »

Imaginons maintenant la frustration ressentie par le premier qui attendait


une proposition de méthode (axe pensée) lorsque son ami lui offre une
solution (axe action).

Lorsque nous nous demandons d’où viennent toutes ces petites


incompréhensions et frustrations du quotidien, avant de décider que c’est
l’autre qui pense, agit ou ressent mal les choses, peut-être n’avons-nous tout
simplement pas su parler à son type de personnalité majoritaire. Et ça, ça
s’apprend !

Petit cours de langues. Étudions d’un peu plus près les six perceptions.

Tableau synoptique des perceptions


Les faits Employez le vocabulaire des faits, de l’analyse et de
l’observable. Exprimez des hypothèses. Posez des questions.
Tenez vous-en au vérifiable ou au quantifiable.
Les Employez le vocabulaire des opinions, des valeurs. Exprimez
opinions vos convictions. Demandez l’avis et le conseil. Positionnez-
vous sans attaquer les positions d’autrui
Les Employez le vocabulaire de la relation et des sens. Exprimez
ressentis vos ressentis sans les faire subir à autrui mais plutôt en les
partageant. Posez des questions sur l’état, le confort ou le
bienêtre de vos interlocuteurs.
Les Réagissez ! J’aime/j’aime pas. Laissez l’expression spontanée
réactions sortir de vous. Soyez vous-même sans envahir ou attaquer
l’autre.
La Employez un vocabulaire visuel permettant à votre
visualisation interlocuteur de se passer mentalement le film de ce que vous
lui dites ou demandez. Invitez à imaginer l’action par un
vocabulaire descriptif et non abstrait. Racontez votre
« vision » des choses.
L’action Employez le vocabulaire de l’action. Utilisez l’impératif.
Dites à quoi servent les choses dont vous parlez. Si vous
proposez quelque chose, évoquez le bénéfice à en tirer. Allez
vers le « faire » plutôt que vers le « réfléchir »

Voici à présent deux exercices qui vous permettront d’apprendre à mieux


manipuler ces différentes perceptions.

Exercice 1 L’auteur et la page


blanche

Prenez votre journal de bord et écrivez sur un sujet qui vous stimule et vous
permet de laisser courir votre plume. Faites au moins une page d’écriture.
Une fois votre page remplie, laissez reposer.

Revenez-y au moins une heure plus tard et identifiez le vocabulaire que


vous avez employé en utilisant la grille des perceptions de Kahler. Un
moyen simple est d’utiliser six couleurs différentes et de souligner les mots
par registre de perception.

Qu’en dites-vous ?

Attention, si vous constatez un écart flagrant entre le vocabulaire que vous


utilisez à l’écrit et celui que vous utilisez à l’oral, cette expérience est
insuffisamment indicative. Dans ce cas, faites l’exercice 2, page suivante.

Exercice 2 Qu’est-ce que je m’en


dis ?
Imaginez que vous ayez une décision importante à prendre, telle que choisir
un thème ou une destination de vacances engageant un certain budget.
Parlez-en avec un proche en vous enregistrant puis repassez-vous la
conversation, en veillant à retrouver à la fois la chronologie de votre
argumentaire dans la conversation et le vocabulaire que vous avez utilisé.
Notez dans votre cahier d’exercices. Utilisez des couleurs.

Et cette fois, qu’en dites-vous ?

Et maintenant entraînez-vous de manière intensive sur les six perceptions !

La perception Faits
Le langage des faits induit une vision neutre sur les événements, les gens
ou les choses, en l’absence d’information vérifiable. Si je demande un
avis à quelqu’un dont c’est la langue de perception principale, cette
personne me demandera sans doute quels sont mes critères d’évaluation
avant de répondre. Si elle dispose d’informations suffisantes, elle me les
donnera.

Voici les deux types de réponses classiques à l’expérience


« Qu’en dis-tu » que vous avez menée précédemment :

– Que dis-tu de ce tableau ?

– Ça dépend de ce que tu veux savoir… veux-tu mon avis


ou mon analyse ? Ou bien :

– Que dis-tu de ce tableau ?

– Cette œuvre est typique de l’art romantique. J’observe qu’elle en présente


les trois caractéristiques clés, à savoir…

La force de la perception Faits est qu’elle permet d’éviter les extrapolations,


l’évasivité ou l’interprétation. Elle est recommandée lors de la gestion des
conflits. Encore faut-il bien parler cette langue !
Exercice sur la perception Faits

Le journaliste de France-Info

Prenez un événement vécu en famille au cours duquel des rebondissements,


des conflits, des éclats ont eu lieu.

Dans votre journal de travail, rédigez la narration de l’événement avec le


plus de détails concrets possible, en veillant à rester factuel(le) tout au long
du texte.

Relisez et révisez le texte jusqu’à ce qu’il vous paraisse factuel du début à


la fin.

Un dernier travail de peaufinage consistera à enlever les mots qui ne servent


à rien, les adverbes qui alourdissent et vous êtes prêt(e) pour la dernière
étape : lisez-le à voix haute, en veillant à garder une tonalité neutre. Bravo !
Vous savez parler le langage des faits !

La perception Opinions
Nous dirons d’une personne qu’elle s’exprime dans une perception
Opinion si elle affirme une chose non vérifiable. Affirmer par exemple
que les Français sont des râleurs est une opinion. Lâcher à la volée que
Titanic est vraiment un bon film en est une autre. Plus subtilement,
complimenter quelqu’un en lui disant « tu as bien agi » est aussi une
opinion.

Dans l’expérience « Qu’en dis-tu ? », la personne parlant cette langue vous


aura sans doute donné d’abord son avis et/ou un jugement sur l’œuvre ou
votre question.
Voici les deux types de réponses classiques :

– Que dis-tu de ce tableau ?

– Je pense que c’est l’un des plus intéressants de cette


période !

Ou bien :

– Que dis-tu de ce tableau ?

– Pourquoi ne me demandes-tu pas plutôt si je le connais ?

La force de la perception Opinions est qu’elle est un signe d’assertivité, de


confiance en soi.

Exercice sur la perception Opinions

Le journaliste de “Libération”
Prenez encore une fois un événement vécu en famille, au cours duquel des
rebondissements, des conflits, des éclats ont eu lieu.

Dans votre journal de travail, rédigez la narration de l’événement avec le


plus possible de détails concrets en exprimant votre point de vue sur les
tenants et les aboutissants de l’événement.

La difficulté à surmonter dans l’exercice est d’exprimer votre opinion sans


exprimer un jugement sur autrui, a fortiori négatif. Votre indicateur de
réussite de l’exercice est le suivant : si vous le lisiez à haute voix, sur un ton
neutre, personne ne ressentirait le besoin de se défendre ou de se justifier.
Relisez et révisez le texte jusqu’à ce qu’il vous paraisse refléter vos
opinions sans cacher quoi que ce soit.

Un dernier travail de peaufinage consistera à enlever les mots qui ne servent


à rien, les adverbes qui alourdissent et vous êtes prêt(e) pour la dernière
étape : lisez-le à voix haute en veillant à garder une tonalité neutre. Bravo !
Vous savez parler le langage des opinions !

La perception Ressentis
Il s’agit là du domaine de la relation et de l’expression des émotions. Une
réserve importante est que cette perception s’accompagnera le plus
souvent de la Partie de Personnalité Réconforteur. La posture est
nourricière. À la différence du langage de la réaction décrit plus loin, il
s’agit ici de partager et non d’imposer des ressentis. C’est la langue
privilégiée de la relation affective et de soutien.

Voici les deux types de réponses classiques à l’expérience


« Qu’en dis-tu ? » que vous avez menée précédemment :

– Que dis-tu de ce tableau ?

– Je te remercie de partager ça avec moi !

Ou bien :

– Que dis-tu de ce tableau ?

– Je ressens la tristesse du peintre au travers des couleurs ternes qu’il a


choisies.

La force de la perception Ressentis est qu’elle permet de voir le cœur de


l’autre, sans réserve ni excès de pudeur. Elle affiche la permission d’aimer
et d’avoir des sentiments.
Exercice sur la perception Ressentis

Confidence
Prenez un événement vécu en famille, au cours duquel des
rebondissements, des conflits, des éclats ont eu lieu.

Dans votre journal de travail, adressez à un ami une lettre lui racontant
l’événement au travers de vos ressentis et perceptions, y compris
sensorielles. Le défi est de pouvoir parler le plus paisiblement possible de
vos ressentis et émotions sans vous positionner en attaquant autrui ni en
victime.

Relisez et révisez le texte jusqu’à ce qu’il vous paraisse sincère du début


jusqu’à la fin.

Un dernier travail de peaufinage consistera à enlever les mots qui ne servent


à rien, les adverbes qui alourdissent et vous êtes prêt(e) pour la dernière
étape : lisez-le à voix haute en veillant à avoir une tonalité chaleureuse et
apaisée. Bravo ! Vous savez parler le langage des ressentis !

La perception Réactions
Elle se caractérise par son élan spontané, qui vient rebondir sur un
stimulus. Ce que nous entendons par là est qu’il s’agit d’une réaction
émotionnelle et non réfléchie. La deuxième caractéristique de cette
réaction est sa dynamique forte, parfois surjouée : « wow » semble
parfois excessif en lieu et place de « oui ».

Troisième caractéristique fréquente (mais pas systématique), la polarité. La


réaction commence par aller dans le sens contraire. Si tu dis « J’aime
beaucoup », je réagis « Bof »… puis j’ajoute : « Non, je plaisante, en fait
wow aussi ! » Ici, le filtre de communication consiste à stimuler une
réaction de surprise chez l’interlocuteur, comme pour vérifier si nous
parlons la même langue. Puis vient la réponse réfléchie.

Ce que les personnes valorisent ici, par ce filtre de perception, c’est la


spontanéité, principe clé d’entrée dans la relation. Une image pour repérer
la perception réaction : ping pong. Une personne envoie un stimulus, l’autre
personne réagit à ce stimulus sur le même niveau d’énergie sans s’arrêter
pour réfléchir, seulement renvoyer la balle au bond. Ce sont les personnes
qui activent volontiers la Partie de Personnalité Émoteur qui parleront le
plus souvent ce langage des réactions.

Voici les deux types de réponses classiques :

– Que dis-tu de ce tableau ?

– Beurk… une croûte ! (…) Non je plaisante… j’aime bien !

Ou bien :

– Que dis-tu de ce tableau ?

– J’adore !

La force de la perception Réactions est qu’elle est un signe d’authenticité et


de liberté. La personne est transparente sur ses ressentis et s’autorise la
candeur ou l’honnêteté. C’est aussi la perception privilégiée de l’humour et
du jeu.

Exercice sur la perception Réactions

Toute la vérité !
Prenez un événement vécu en famille, au cours duquel des
rebondissements, des conflits, des éclats ont eu lieu.

Dans votre journal de travail, écrivez vos réactions les plus spontanées
possibles à cet événement. Ne réfléchissez pas à la logique ou à la
chronologie, laissez-vous porter par vos réactions.

Le moyen le plus simple de le faire est de noter ce que vous avez adoré
dans ce qui s’est passé en écrivant littéralement : « Ce que j’ai adoré,
c’est… » ainsi que ce que vous avez détesté en écrivant littéralement « Ce
que j’ai détesté, c’est… »

Relisez et révisez le texte jusqu’à ce qu’il vous paraisse refléter vos


ressentis les plus sincères et les plus spontanés : lisez-le à haute voix en
vous autorisant à faire les bruits qui vont souvent avec le langage de la
réaction, que l’on appelle des onomatopées. Si une vacherie à l’égard de
quelqu’un devait sortir à votre insu de votre bouche en faisant l’exercice,
veillez à la retirer dans la foulée avec un « Bon, là je retire ça, c’est pas
sympa de dire ça ! »

Cela s’appelle faire un rewind, de l’anglais rembobiner. C’est une pratique


qui consiste à se prendre en flagrant délit d’avoir dit ou fait une bourde, de
la relever, de la corriger, parfois de présenter ses excuses. Ce qui ne
manquera pas de se produire avec les gens qui parlent le langage de la
réaction, qui est celui la spontanéité. Selon la règle classique « Faute
avouée est à moitié pardonnée ! », la pratique du rewind est la seule
solution immédiate au risque pris de l’authenticité émotionnelle… si vous
savez faire tout cela, alors, waouh ! Bravo ! Vous savez parler le langage
des réactions !

La perception Visualisation
Ce langage est celui de l’exploration mentale et de l’imagination. Les
personnes qui le parlent projettent littéralement dans leur tête des images
et se regardent faire des choses. Souvent au présent de l’indicatif ou
projeté dans le futur, il s’agit d’utiliser un vocabulaire à la fois visuel et
de l’action. L’imagin’action ou la visualis’action en quelque sorte. Les
personnes qui favorisent cette langue le font en activant la Partie de
Personnalité Ordinateur.

Voici les deux types de réponses classiques à l’expérience


« Qu’en dis-tu ? » que vous avez menée précédemment :

– Que dis-tu de ce tableau ?

– Je vois bien comment l’artiste a abordé son travail.


J’imagine bien où je pourrais accrocher cette toile chez moi.

Ou bien :

– Que dis-tu de ce tableau ?

– L’imagine-tu dans ton salon ?… moi pas !

La force de la perception Visualisation est son pouvoir d’évocation, presque


hypnotique parfois. En effet, proposer à quelqu’un de se projeter
mentalement dans l’action peut ouvrir des portes et des perspectives
créatives et nouvelles.

Exercice sur la perception


Visualisation

Dormez, je le veux !

Vous allez tester votre pouvoir d’hypnose sur vos interlocuteurs. L’enjeu est
de raconter une histoire qui les interpelle au point qu’ils sortent du réel pour
entrer dans leur propre tête et la vivre en direct.
Un des moyens les plus intéressant pour cet expérience serait d’hypnotiser
un enfant en lui racontant un conte de fée. Pour cela, rien de plus simple.
Équipez-vous d’un enfant de moins de 8 ans, installez-vous dans un endroit
confortable, sans contact ni physique ni oculaire (vous pourriez par exemple
tous les deux regarder le plafond) puis racontez-lui un conte de votre choix
en respectant la règle suivante :

Tout est raconté au présent de l’indicatif.

Vous ne faites que décrire ce qui se passe, vous n’expliquez rien et


n’induisez pas les émotions. Si vous décrivez ce que ressent le Petit
Chaperon rouge, dites au présent ce qu’elle se dit à elle-même. Ainsi, vous
restez dans le purement descriptif.

Si vous n’avez pas d’enfant sous la main pour faire l’expérience, prenez un
événement vécu en famille au cours duquel des rebondissements, des
conflits, des éclats ont eu lieu. Décrivez-le d’abord par écrit dans votre
journal, selon les mêmes règles :

Tout est raconté au présent de l’indicatif. Vous ne faites que décrire ce qui
se passe, vous n’expliquez rien et n’induisez pas les émotions. Si vous
décrivez ce que quelqu’un ressent, dites au présent ce que la personne se dit
à elle-même. Ainsi restez-vous dans le purement descriptif.

Une fois ce travail achevé, dites-le à haute voix en faisant attention aux
risques d’autohypnose !

Bravo, vous savez parler le langage de la visualisation !

La perception Actions
La langue de l’action ne passe pas par quatre chemins. Ceux qui la parlent
le font souvent à partir de la Partie de Personnalité Directeur (emploi de
l’impératif). Les mots choisis induisent l’action et son bonus, le faire et son
résultat immédiat. Il ne s’agit pas d’analyser ou de comprendre mais bien de
passer à la mise en œuvre concrète.
Voici les deux types de réponses classiques à l’expérience
« Qu’en dis-tu » que vous avez menée précédemment :

– Que dis-tu de ce tableau ?

– J’achète ! Dis-moi où je peux le trouver...

Ou bien :

– Que dis-tu de ce tableau ?

– Tiens, passe-moi mes lunettes s’il te plaît, que je regarde ça de près !

La force de la perception Actions est qu’elle permet de stimuler l’esprit


d’entreprise et de réussite. Elle permet le passage à l’acte et la
concrétisation des projets.

Exercice sur la perception Actions

Moteur… action !

Prenez un événement vécu en famille au cours duquel des rebondissements,


des conflits, des éclats ont eu lieu.

Commencez par rédiger une série de questions que vous souhaiteriez poser
aux différents interlocuteurs.

Quand vous aurez trouvé une dizaine de questions, regardez celles qui sont
à l’impératif et vous avez déjà réussi la séquence ! Pour celles qui ne sont
pas à l’impératif, cherchez la formule qui permettra de les conjuguer dans
ce mode de conjugaison.
Écrivez-les.

Pour finir, placez-vous devant un miroir et posez-vous les questions à vous-


même, sous leur forme actions, et vérifiez que vous ne faites pas la grimace
ni ne tendez le doigt de manière menaçante. Ce serait agressif et non ce que
nous appelons le langage de l’action.

Tenez, relisez l’ensemble de la consigne et identifiez les verbes à l’impératif


(ils sont en italiques)… bravo, vous avez trouvé le langage de l’action !

Notre 2e règle d’or de la communication est, rappelons-le, « Donner envie,


en étant audible et compréhensible par autrui ». Vous savez désormais
quels sont les registres de perception qui ont votre préférence. Maintenant,
vous pouvez faire votre travail d’ajustement de langage avec vos
interlocuteurs.

Il vous reste un entraînement à mettre en place pour communiquer


clairement et donner envie à autrui de communiquer avec vous. Votre tâche
consiste à développer le vocabulaire et les perceptions qui ne sont pas votre
préférence naturelle et spontanée afin de vous les mettre en bouche et de
pouvoir les fournir aux personnes que vous rencontrerez et qui, elles,
semblent les préférer aux vôtres.

La pratique à la fois écrite et orale de ces six différents registres de


perception est indispensable pour parvenir à les utiliser de manière la plus
spontanée possible et éviter ainsi le vieux phénomène du naturel qui revient
au galop.

Si vous voulez rendre une nouvelle pratique naturelle, pratiquez-la ! Alors


un dernier conseil pour la route : lorsque vous aurez repéré dans votre
environnement une personne que vous appréciez et qui parle une autre
langue que la vôtre, allez à sa rencontre, et entraînez-vous à parler sa
langue. Votre indicateur de réussite est simple : elle prendra du plaisir à
échanger avec vous et ça se verra !
Un dernier exercice pour la route

Le traducteur instantané

Nous vous proposons ci-après une série de phrases émises dans l’une des
six langues de perception. À vous d’identifier de quel perception il s’agit et
de faire une traduction de cette phrase dans une autre langue ! Attention, le
contenu doit rester le même. La traduction est un art difficile… à vous de
jouer !

« Je crois qu’il est important que tu prennes du repos en ce moment… qu’en


penses-tu ? »

Perception :

Traduisez dans les cinq autres perceptions :

« J’ai adoré ce film ! »

Perception :

Traduisez dans les cinq autres perceptions :


« J’ai passé un moment très agréable avec toi ! »

Perception :

Traduisez dans les cinq autres perceptions :

« Ce livre de Milan Kundera est le premier qu’il a écrit directement en


français. »

Perception :

Traduisez dans les cinq autres perceptions :


Voir réponses p. 197-200.

Les deux outils que nous avons développés dans ce chapitre nous
permettront d’obtenir des gages d’écoute de la part de nos interlocuteurs. Ils
sont prêts à entendre ET à écouter ce que nous souhaitons leur dire. Il est un
second bénéfice important dans cet art de faire l’effort de parler la langue
de l’autre : nous récolterons un trésor essentiel de la relation : celui de la
confiance. Notre interlocuteur se dira « si cette personne sait exprimer la
même perception que moi, je n’ai pas à craindre de malentendu, je peux lui
accorder ma confiance a priori ».

Pour conclure, je ne résiste pas à l’envie de revenir au cogito ergo sum qui
introduisait ce chapitre, pour vous offrir la réponse de l’auteur tchèque
Milan Kundera : « Une personne qui dit “je pense donc, je suis” n’a
probablement jamais connu le mal de dents ! »

11. Taibi Kahler, psychologue américain, a mis au point le modèle de la Process Communication.
Lire Le grand livre de la Process Thérapie, Eyrolles, 2010.
12. Jérôme Lefeuvre, Découvrir la Process Communication, InterEditions, 2006.
13. Paul Ware, “Personality Adaptations”, TA Journal, janvier 1983.
14. Pour aller plus loin sur les Type de Personnalité et leurs langages, lire Kahler Taibi, Le grand
livre de la Process Thérapie, Eyrolles, 2010.
15. Les six Types de Personnalité : Travaillomane, Empathique, Persévérant, Rêveur, Rebelle,
Promoteur. Taibi Kahler, Ph.D., Manager en Personne, Kahler Communication, Inc., Little Rock,
Arkansas, 1988, 1992, 2000, 2004. Éléments sous copyright de TKA et KCI (imprimé à des fins
légales).
Règle d’or n°3
Réglez votre décodeur !
… ou comment capter et décoder les signaux
et le langage de l’autre
G
râce à un entraînement intensif pour appliquer les deux premières
règles d’or, vous avez obtenu de votre environnement une écoute
de qualité. Votre posture est bienveillante, lucide et constructive :
vous êtes vous-même et ainsi, vous inspirez la confiance. Vous savez ajuster
votre langage afin d’être clair, compréhensible, et vous connaissez les
différentes manières de dire la même chose, du coup, vous donnez envie !
Alors, les gens autour de vous acceptent de communiquer avec vous et ils
vous répondent, voire vous sollicitent. Vous voici confronté à la troisième
règle d’or de la communication : réglez votre décodeur.

Bien sûr vous êtes déjà bien équipé avec la batterie d’outils pratiques que
nous avons préparés dans les deux premières parties de ce livre, et vous êtes
en mesure d’identifier chez votre interlocuteur sa posture, sa Partie de
Personnalité dominante et son langage de perception. Tout ceci vous permet
de vous adapter à ce dernier.

Cependant, pour percevoir tous ces éléments et devenir une fine lame de la
communication, encore faut-il que votre capacité à voir et à entendre l’autre
soit aiguisée elle aussi. Si vous voulez voir une chaîne câblée et en profiter,
vous devrez commencer par régler le décodeur. En communication, le
décodeur a un nom simple et galvaudé : l’écoute !

Ce chapitre sera court et les règles faciles à appliquer. Ce chapitre est aussi
un chapitre charnière, car la communication se fait à plusieurs et plusieurs
commence à deux. Si vous ne montrez pas à votre interlocuteur que vous
l’écoutez vraiment, vous ne donnez plus envie et si vous n’écoutez pas
vraiment, votre posture n’est pas bienveillante ni constructive.

Nous passerons par trois axes de travail pour décoder :

1 • Je veux bien écouter, mais comment fait-on ? (les trois niveaux de


qualité d’écoute)
2 • Qui écoute qui ? (les trois dimensions de l’échange)

3 • Écouter oui, mais à quel point ? (les sept niveaux d’énergie de


l’échange)

1er outil de décodage : les trois niveaux de


qualité de l’écoute

Si la parole est d’argent le silence et d’or.

S’il y a une règle de base qui doit trouver sa place dans les cinq règles d’or,
c’est bien celle de l’écoute ! Une évidence, une porte ouverte que l’on
enfonce, certes ! Nous avons tous vécu la frustration d’une conversation au
cours de laquelle notre interlocuteur semble ne pas souhaiter s’engager et
fait semblant, ou encore n’a noté et relevé que ce qui lui servait à alimenter
son propre propos, ou encore dit avoir écouté, et n’a retenu que la moitié de
nos propos.

Avons-nous fait vivre cette indélicatesse à autrui ? Non bien sûr, pas vous,
cher lecteur, ni vous chère lectrice ! En tout cas, pas depuis que vous
utilisez les deux premières règles d’or de cet ouvrage, que vous offrez une
posture bienveillante, lucide et constructive et que vous ajustez votre
langage à l’autre, preuve que vous l’écoutez. Nous allons travailler ici sur
ceux de nos interlocuteurs qui semblent ne pas écouter et nous allons veiller
à rétablir ce niveau d’écoute.

Voici les indicateurs des trois niveaux de qualité de l’écoute sur lesquels un
peu de vigilance nous permettra de régler notre décodeur. Ce n’est pas
toujours volontairement que nos interlocuteurs n’écoutent pas bien ce nous
leur disons ; même lorsque nous proposons un échange de qualité,
l’attention que nous porte l’autre n’est pas forcément synonyme de
l’intention qu’il a à notre égard. Gardons-nous de juger un mauvais niveau
d’écoute, branchons notre décodeur d’écoute et agissons en conséquence.
Grille de décodage de l’écoute de qualité
Qualité Qualité
Réelle Feinte
Exhaustive Sélective
Totale Partielle

L’écoute réelle
Elle se définit par opposition à l’écoute feinte, dans laquelle la personne
agit comme si elle écoutait alors qu’en fait, elle est ailleurs dans sa tête et
du coup, fait semblant plus ou moins consciemment. Je la vois opiner du
chef et je l’entends faire hin hin pendant que je lui parle mais je ressens
qu’elle n’est pas disponible et que son acquiescement semble mécanique.

Les indicateurs de vigilance pour l’écoute feinte dans mon décodeur :

Je suis en train de discuter avec quelqu’un et tout à coup :

• Il n’a visiblement pas la moindre idée du sujet dont je parle.


• Il commence à acquiescer mécaniquement en attendant son tour pour
parler.
• Il ne répond pas et arbore un sourire condescendant quand je le
questionne.

Que faire dans ces cas-là ?

Faire silence. C’est un bel outil d’échange. Laissez la personne reprendre la


main. Si vous attachiez de l’importance à votre échange, acceptez l’idée que
le moment n’est pas le bon et reportez à plus tard.

L’écoute exhaustive
Elle se définit par opposition à l’écoute sélective. En cas d’écoute
sélective, la personne à qui vous vous adressez ne prend dans votre
échange que les contenus qui l’intéressent et ramène la conversation aux
aspects qu’elle a envie de traiter.

Les indicateurs de vigilance pour l’écoute sélective dans mon décodeur :

Je suis en train de discuter avec quelqu’un et tout à coup :

• L’échange revient régulièrement sur une seule idée.

• J’ai le sentiment de tourner en rond.

• La personne répète plusieurs fois les mêmes choses.

• Je me surprends à répéter plusieurs fois les mêmes arguments parce que


j’ai l’impression que l’autre ne les a pas entendus.

• Je ressens une frustration étrange !

Que faire dans ces cas-là ?

Faire silence. Oui, encore une fois, cette pratique aura un impact fort sur
votre interlocuteur. Puis, soyez ferme sur les points que vous souhaitez
aborder. Vérifiez les points d’accord et de désaccord que vous percevez et
exprimez à votre interlocuteur le fait qu’il semble ignorer une partie de vos
propos. Si la personne persiste, lâchez prise. Il ne sert à rien d’insister.

L’écoute totale

Elle se définit par opposition à l’écoute partielle. En cas d’écoute partielle,


la personne à qui vous vous adressez ne prend dans votre échange que les
contenus et pas les émotions que vous partagez avec elle. L’inverse est
également vrai. Par exemple, vous dites : « Je ne suis pas à l’aise avec ce
que nous avons décidé. J’ai besoin que nous en parlions. »

– La personne peut ignorer votre ressenti et dire : « OK, parlons-en ! »


– Elle peut ignorer le contenu et dire : « Je suis désolé que tu ne sois pas à
l’aise. »

Vous avez adressé deux messages mais un seul est entendu et reconnu.

Dans l’idéal, votre interlocuteur a entendu la totalité et non une partie de


votre message et vous dira : « Je suis désolé que tu aies ressenti un malaise.
Parlons-en et revoyons notre décision. »

Les indicateurs de vigilance pour l’écoute partielle dans mon décodeur :

Je suis en train de discuter avec quelqu’un et tout à coup :

• Je réalise que je dois revenir sur ce que j’ai exprimé car l’autre l’a ignoré.
• Je réalise que je dois revenir sur mon ressenti car l’autre l’a ignoré.

Que faire dans ces cas-là ?

Faire silence. Vous l’aurez compris, c’est un sésame pour déclencher


l’écoute. Puis, revenez sur ce qui, pour l’instant, n’a pas été évoqué. Soyez
clair sur votre intention de parler de plusieurs aspects, à la fois le contenu et
la relation. Annoncez votre objectif et vérifiez que votre interlocuteur
l’accepte. Dans le cas contraire, soyez clair sur le fait qu’une partie de votre
échange n’est pas négociée.

Une personne qui n’écoute pas le fait peut-être de manière


inconsciente. S’il n’est pas question de la juger, il n’est pas
non plus question de poursuivre la communication, au
risque d’entrer dans un dialogue de sourds sans connaître
le langage des signes !

2e outil de décodage :les trois dimensions de


l’échange
• La dimension intrapersonnelle, communiquer de soi vers soi
• La dimension interpersonnelle, communiquer d’une personne à une
autre.
• La dimension interrelationnelle, communiquer avec une groupe
d’individus.

“Two is company, three is a crowd !”


« Deux c’est de la compagnie, trois c’est une foule ! »
Proverbe anglais

Dans mon métier de conseil, je surveille régulièrement les différentes


dimensions de l’échange auxquelles je suis invité. Il arrive que les trois
dimensions se manifestent en même temps et cela demande une vigilance
importante. Je vais m’attarder plus particulièrement dans ce chapitre sur les
deux premières. La troisième, l’interrelationnel, nous amène dans la
dynamique des groupes qui, à elle seule, ferait l’objet d’un ouvrage à part
entière.

La communication intrapersonnelle
Il s’agit de la communication de soi avec soi. Les informations ou
commentaires que nous nous faisons à nous-même en quasi-permanence,
à l’insu de nos interlocuteurs. Au moment même où vous lisez ces lignes,
vous êtes peut-être en train de le faire, vous êtes en train de vous parler à
vous-même… mais voilà, de quoi ? Moi l’auteur, je n’en sais rien.
J’espère seulement que votre discours interne ne vient pas parasiter votre
lecture, notre échange, notre communication. Il est pourtant possible que
vous soyez soudain interpellé par une urgence. « Bon sang, j’ai oublié de
poster la lettre pour les impôts », vous dites-vous pendant que vous lisez.
Vos yeux continuent quand même de courir sur la page. Quelques
secondes plus tard, vous émergez de votre soliloque interne et arrivez sur
ce mot-ci : MOT. Vous réalisez alors que vous ne savez plus de quoi parle
ce chapitre et cherchez où remonter pour retrouver le fil. Il faudra que
mon livre vous intéresse suffisamment pour que vous vous disiez à vous-
même : vas-y cherche la ligne depuis laquelle tu as décroché !

Ainsi, un premier échange intrapersonnel a rompu notre communication


(lorsque vous avez non seulement pensé aux impôts mais aussi que vous
vous êtes parlé à vous-même) et un second échange intrapersonnel (quand
vous avez décidé de chercher la ligne et de reprendre votre lecture) a rétabli
notre communication.

La voix qui parle en nous et s’adresse à nous est parfois en sourdine


lorsque nous échangeons avec autrui, parfois elle est plus forte et plus
présente que notre interlocuteur.
Êtes-vous sujet, voire victime, de ces décrochages de manière fréquente ?
Si oui, votre communication en sera altérée et fragilisée.

Il y a des mots qui décrivent les comportements caractéristiques des


personnes qui pratiquent beaucoup plus l’échange avec elles-mêmes
qu’avec autrui : l’adjectif entêté, par exemple, qui n’est pas un compliment,
décrit une personne qui semble ne pas vouloir changer d’idée. Elle a une
idée en tête et n’en change pas, y revient, insiste. Il est probable que la voix
intérieure qui défend sa propre idée est plus forte que celle de son
interlocuteur, dont les arguments ne sont pas reçus puisqu’ils ne sont pas
entendus, couverts par le dialogue interne que l’entêté a avec lui-même.

Je ne parle pas ici de personnes distraites. Elles ne sont pas occupées à


écouter leur discours interne mais ont juste du mal à se concentrer sur
l’échange. Nous verrons plus loin que l’impact sur leur écoute est le même,
elles pratiquent une écoute feinte, mais la cause est différente.

Le discours intrapersonnel n’est pas toujours négatif. Je


l’ai décrit dans mon exemple avec vous, cher lecteur ou
lectrice. Au moment où vous vous êtes donné l’instruction
de recommencer la lecture, vous avez repris le cours de
notre échange et pour tout vous dire, je trouve ça très bien,
car j’ai envie de discuter avec vous encore quelques pages . Il ne s’agit
donc pas de considérer que la communication intrapersonnelle est un
problème mais plutôt de se poser la question : quand est-ce un problème ?

Exemples effrayants d’indicateurs de vigilance pour la


communication intrapersonnelle :

Pendant que je discute avec quelqu’un, je décroche parce


que :

• J’ai une meilleure idée à défendre.

• Ce qu’il me dit est moins intéressant que ce que j’ai en tête.

• Je dois absolument le convaincre.

• Il faut que je lui dise un truc qui n’a rien à voir.

• Je me demande ce que je vais faire à manger ce soir.

• Je l’aime… est-ce qu’il (elle) m’aime ?

• Je réalise que je ne suis pas à la hauteur de notre conversation.

• Cette personne est une imbécile et je n’ai plus envie de l’écouter.

• Je ne comprends pas qu’on puisse porter des chaussures pareilles!

Exercice Qui me parle ?

Une scène mythique du film Annie Hall de Woody Allen montre les deux
personnages principaux dans une scène de séduction. Ils échangent sur l’art
de la photographie à l’occasion d’un vernissage mettant les photos d’Annie
à l’honneur. Woody Allen met alors à l’écran ce que les deux personnages
sont en train de se dire à eux-mêmes pendant qu’ils discutent. C’est un
moment à la fois émouvant, car ils sont touchants de sottise pré-pubère,
effrayant car ils sont au bord de la catastrophe en terme de communication,
et très drôle parce que le quiproquo est délicieux.

En guise d’exercice, à votre tour d’écrire un scénario tragi-comique. Prenez


un moment pour écouter votre discours interne dans différentes situations.
Commencez par le faire avec votre cahier en écrivant les dialogues audibles
et les dialogues cachés, façon Woody Allen. Puis prenez l’habitude, quand
vous vous rendrez compte que vous êtes en train de donner le pouvoir à
votre voix interne, de prononcer les mots suivants :

« Pardonne-moi, je ne t’écoutais plus, peux-tu répéter s’il te plaît ? »

Il y a une personne qui fait beaucoup de bruit sans qu’on le


sache : nous-même ! Veillons à ne pas parler tous à la fois.
Si quelqu’un me parle, je me tais et j’écoute. il faudra
parfois faire taire la voix qui commente dans ma tête, pour
donner une chance à la communication.

La communication interpersonnelle

Il s’agit du processus de communication qui s’installe entre deux personnes.


C’est ici que tous les outils précédents entrent en jeu pour proposer un
échange de qualité. C’est aussi l’un des thèmes de formation les plus
demandés. Apprendre à communiquer avec des personnes différentes,
ajuster son processus à l’interlocuteur. Le coach et son client, par exemple,
ont besoin d’installer une communication interpersonnelle claire et de
confiance. Leur enjeu est important et tout se passe dans le tête à tête.

Ce sujet fait l’objet d’une littérature touffue et il existe de nombreuses


offres de stages pour adultes. Je vous propose de réfléchir à une idée que
j’ai défendue un peu plus tôt dans cet ouvrage : « Lorsque je suis en
communication avec une personne, nous sommes bien plus que deux ! »

Rappelez vous : en plus de toi et moi, une troisième personne virtuelle est
là, très présente : notre relation. Elle donne le la à notre conversation et elle
le fait par l’intermédiaire de la petite voix dont nous parlions tout à l’heure,
celle de la communication intrapersonnelle. À ce discours interne vient
s’ajouter l’impact de la position de vie dont nous avons parlé dans la
première partie du livre.

Reprenons la métaphore du décodeur : si ma position est plutôt +/- vis-à-vis


de mon interlocuteur (j’ai de la valeur et il/elle n’en a pas à mes yeux),
alors je me positionne en dominant sur elle ou lui. Ce que cette personne me
dira ou fera passera chez moi par le filtre condescendant du jugement ou
pire, du mépris. Ma communication sera alors considérablement altérée.

Cette position de vie agit comme un troisième intervenant dans notre


relation et crée du parasitage. Imaginons qu’il en soit de même pour mon
interlocuteur, alors nous sommes cinq au lieu de deux qui parlons non plus
les uns avec les autres, mais tous en même temps !

Moi, l’autre, sa position, ma position et notre relation… le tout accompagné


de discours internes parfois largement hors sujet. Voyez plutôt :

Josette et Marcel sont dans un bateau. Josette est éprise en


secret de Marcel, qui ne le lui rend pas. Ils se rendent à
Bastia en ferry pour un rendez-vous professionnel. Voici
leur échange :

Josette (pointant l’île de Corse sortie de la ligne


d’horizon) :

– Oh Marcel, vous avez vu ? Voici la Corse !

Elle pense : Tu m’as vue ? Tu m’aimes dis ?


Elle se dit : Oh là là, je ne suis pas assez bien pour lui !Marcel (pensif, les
yeux fixés sur l’horizon) :

– Ce n’est pas la Corse, c’est un bateau, Josette.

Il pense : Faut qu’elle s’achète des lunettes… elle est miraud… tiens au fait
où sont mes lunettes ? … et ai-je bien nourri le poisson rouge avant de
partir ?

Il se dit : Elle est un peu nunuche celle-là… bon mais elle est bien gentille
et puis je m’ennuierais si j’avais fait la traversée tout seul !

En cas de doute, utilisez le décodeur HD :

Dans l’histoire de Josette et Marcel, Josette aurait besoin de clarification.


La clarification est un outil haut de gamme de la communication, un
décodeur de message haute définition, bref le décodeur HD !

Nous aurons besoin de l’utiliser si notre décodeur standard n’a pas suffi,
c’est-à-dire lorsque je ne parviens pas à entendre clairement le message de
l’autre et qu’il reste chargé de non-dits qui parasitent le message. Je vais
alors demander une clarification, un décodage des signaux flous.

La pratique de la clarification demande de la confiance en soi et de la


transparence. La démarche consiste à interpeller notre interlocuteur sur ce
que nous percevons dans la relation, les signes visibles d’une humeur ou les
indices d’un non-dit. En confrontant la personne à qui nous parlons et en le
faisant de manière positive, nous pourrons écarter les parasites qui
brouillent le message. Le faire de manière factuelle et non agressive est tout
l’enjeu.

Il convient par exemple d’éviter les procès d’intention avec des choses du
genre :

– Je vois bien que tu ne m’écoutes pas !


Une autre pratique dangereuse est la lecture de pensée :

– Je sais ce que tu penses, tu es en train de te dire que…

Rien de tel pour ouvrir la porte aux conflits et aux Jeux psychologiques, que
nous aborderons au chapitre quatre.

Pourquoi est-il capital de faire cette démarche de clarification ? Parce qu’un


sous-entendu génère des discours internes qui vont être perçu dans nos
comportements verbaux et non verbaux : je perçois de la méfiance chez
l’autre, je me dis qu’il se méfie, je me sens humilié, je le montre sans m’en
rendre compte, l’autre le perçoit, me trouve tendu, l’interprète, agit en
conséquence, tout ça me confirme ma première impression, et c’est
l’escalade !

Exercice : La pratique du décodeur


HD

Voici une série de phrases contenant des sous-entendus anodins ou évasifs.


Demandez une clarification en restant en posture +/+/+.

– « Ah bon, tu crois ça toi ? Ah ! »


Décodeur HD (quel est le probable sous-entendu ?) :

Votre intervention de clarification :

– « J’ai trouvé ton intervention devant la direction globalement


intéressante. »
Décodeur HD (quel est le probable sous-entendu ?) :
Votre intervention de clarification :

– « En es-tu absolument certain ? »


Décodeur HD (quel est le probable sous-entendu ?) :

Votre intervention de clarification :

– « Moi, je dis ça… je dis rien ! »


Décodeur HD (quel est le probable sous-entendu ?) :

Votre intervention de clarification :

– « Si tu veux ! »
Décodeur HD (quel est le probable sous-entendu ?) :

Votre intervention de clarification :

– « Ça ne me dérange pas… »
Décodeur HD (quel est le probable sous-entendu ?) :

Votre intervention de clarification :


– « Moi, je t’aurai prévenu hein ! »
Décodeur HD (quel est le probable sous-entendu ?) :

Votre intervention de clarification :

– « J’ai un peu peur que tu n’y arrives pas. »


Décodeur HD (quel est le probable sous-entendu ?) :

Votre intervention de clarification :

– « Je n’ai pas de conseil à te donner. »


Décodeur HD (quel est le probable sous-entendu ?) :

Votre intervention de clarification :

– « Je crois que je n’y arriverai jamais ! »


Décodeur HD (quel est le probable sous-entendu ?) :

Votre intervention de clarification :

Voir réponses p. 200-202.


Dans nos échanges avec l’autre, nous avons une
responsabilité qui est de ne pas laisser traîner les sous-
entendus. Il est précieux de savoir clarifier, au fil de nos
échanges, les messages sous-entendus ou implicites.

3e outil de décodage :les sept niveaux


d’énergie
Certaines conversations nous laissent rechargé en énergie et d’autres
semblent au contraire en drainer. Parfois, les minutes semblent des heures
tant la communication avec l’autre génère de l’ennui, parfois au contraire
nous ressentons le désir de retrouver le vif plaisir de l’échange que nous
venons de vivre.

Certains jours, nous avons envie de parler et d’autres, au contraire, celle de


rester en retrait. Tout cela est acceptable et pourra être positif, comme cela
peut se révéler une perte de temps voire une nuisance.

Bref,communiquer peut être consommateur ou fournisseur d’énergie. Je


vous propose comme dernier outil de décodage une grille issue de l’Analyse
Transactionnelle, qui s’appelle la grille de structuration du temps. Je lui
préfère le nom de grille d’observation de l’énergie dans l’échange. La
voici :

Type d’énergie Positive Négative


Retrait
Rituel
Passe-temps
Activité
Intimité
Jeux psychologiques
Les cinq premières manières d’utiliser notre énergie, du retrait jusqu’à
l’intimité, vont consommer de plus en plus d’énergie.

Si le retrait correspond à une consommation nulle, l’intimité, va en produire


et en consommer beaucoup. Cette énergie pourra être positive ou négative.
En ce qui concerne les Jeux psychologiques, nous retiendrons qu’ils ne sont
que négatifs et que leur toxicité est à la fois pour le joueur et pour ceux qui
jouent avec ce dernier. C’est la plus improductive et dangereuse manière
d’utiliser son temps.

Nous aborderons au chapitre suivant les différentes manifestations des Jeux


psychologiques et la manipulation. Ici, nous en sommes encore à clarifier
les bonnes intentions (celles dont l’enfer est pavé), plus tard nous passerons
à la régulation.

Exercice : Vérifiez les niveaux !

• En vous appuyant sur les indicateurs ci-dessous, notez dans la grille


d’observation des niveaux d’énergie une base de 100 % d’énergie, votre
consommation sur une journée. C’est-à-dire, combien de temps vous avez
passé dans chacune de ces différentes énergies.

• Vérifiez si la balance positif/négatif vous est favorable ou non.

• Refaites cette analyse pour des situations données, des personnes


spécifiques, des événements. L’objectif est double :

1 • Maintenir une balance positive.

2 • Rester vigilant sur ce que vous proposent vos interlocuteurs. (Par


exemple si une personne ne vous offre que du passe-temps et qu’elle refuse
l’intimité ou l’activité, lâchez prise si le niveau d’énergie qu’elle vous
propose ne vous convient pas.)

Les indicateurs du décodeur d’énergie

Le retrait
Dans le retrait, l’énergie dans l’échange est nulle. La personne reste en
retrait à la fois au niveau verbal mais aussi au niveau non verbal (sinon il
ne s’agit pas de retrait).

Le retrait est considéré négatif dans au moins deux cas :

• l’engagement dans l’échange est nécessaire.

• le retrait est une fuite.

Le rituel
Dans le rituel, l’énergie dans l’échange est faible.

La personne entre en contact selon des codes sociaux tacites ou implicites.


C’est le « Salut ! Ça va ? » du collègue que vous croisez dans le couloir.

Le rituel est considéré comme négatif dans au moins un cas : lorsqu’un


engagement est attendu dans l’échange.

Le passe-temps
Dans le passe-temps,le niveau d’énergie est moyen. La personne nourrit le
contact avec un sujet ou une activité qui n’a pas d’autre objectif que de
passer le temps ou d’entretenir un niveau minimal de convivialité. C’est la
conversation d’ascenseur ou les chapelets de sujets non polémiques qui
jalonnent un aimable repas entre amis.
« Beau temps pour la saison… ah l’année dernière il faisait bien plus froid
à la même époque ! »

Le passe-temps est considéré négatif dans au moins deux cas :

• il n’est pas souhaité par l’interlocuteur.

• il est exclusif, c’est-à-dire qu’il constitue le maximum d’énergie que


l’interlocuteur nous propose à chaque rencontre. Il est devenu un bouclier,
certes non agressif, contre l’intimité. Parlons de tout et de rien, mais
surtout de rien qui nous engage !

L’activité
Dans l’activité, le niveau d’énergie est fort. Cette énergie est la fois
consommée et fournie. Il s’agit de ce qu’en d’autres lieux on appelle la
relation gagnant/ gagnant. Les deux interlocuteurs ont un contrat tacite ou
implicite pour bâtir quelque chose entre eux. Cela peut être un projet
professionnel ambitieux, comme la simple prise de rendez-vous ou un
échange de conseils.

L’activité pourra être considérée comme à risque dans au moins deux cas :

• il existe un déséquilibre dans le contrat (l’un des deux y gagne plus que
l’autre) ;
• elle est exclusive et l’une des deux personnes aimerait se voir proposer
aussi d’autres niveaux d’énergie positive.

L’intimité
Dans l’intimité, le niveau d’énergie est maximum. Les deux personnes ont
une ouverture sans réserve. Chacune d’elles peut exprimer des ressentis, des
opinions, de l’intelligence, du jeu, des émotions, se taire ou parler… tout est
OK. C’est le niveau d’énergie le plus générateur de confiance.
Par convention, il n’est pas envisagé de considérer l’intimité comme
négative. Je ferai une réserve qui est qu’elle ne doit pas être imposée ni
considérée comme un dû. C’est un processus qui s’entretient et s’améliore,
l’intimité n’est jamais définitive entre deux personnes.

Votre indicateur est simple : on peut tout se dire, sans craindre


l’interprétation ou le jugement.

L’intimité est une denrée rare !

Les Jeux16 psychologiques :


Dans les Jeux, le niveau d’énergie négative est au maximum. Les Jeux sont
toujours considérés comme négatifs. Ils peuvent être conscients ou
inconscients. Ils ont la caractéristique observable de toujours laisser un
perdant dans l’échange et de créer des relations à somme nulle (« si tu as
perdu, j’ai gagné, j’ai donc communiqué avec un loser ! »)

Ils génèrent également un besoin plus ou moins conscient de rejouer pour


gagner cette fois… ils entraînent une escalade dans le conflit et la mauvaise
foi.

Deux indicateurs simples d’un Jeu psychologique :

• il y a un sous-entendu (que je sous-comprends ) ;

• je ne sais pas pourquoi je me sens mal quand l’autre me parle.

Notez bien : à moins de vivre en ermites, nous sommes invités à des Jeux
psychologiques des dizaines de fois par jour !

Vous êtes fin prêt pour apprendre quelques techniques qui vous permettront
de vous défendre contre les interlocuteurs de mauvaise foi, voire
malintentionnés !
16. Lorsqu’il est psychologique, nous mettons par convention une majuscule au mot jeu.
Règle d’or n°4
Ne vous laissez pas faire !
… ou comment éviter les pièges de la
manipulation, petite ou grande
« Parler, ça fait du bruit quand l’un dit oui et l’autre non. »
Richard Gotainer

L
es trois premières règles – je devrais dire les trois « disciplines » –
que nous avons vues dans les premiers chapitres vous ont mené ici :

1 • Vous savez offrir à vos interlocuteurs une communication claire et


assertive.

2 • Vous avez appris à ajuster votre langage à leurs attentes.

3 • Vous avez appris à décoder les signaux flous et à réajuster la


communication quand c’est nécessaire.

Arrivé à cette étape, vous découvrez que certaines personnes, même lorsque
vous faites au mieux, bloquent ou sabotent l’échange. Nous n’en
chercherons pas les raisons ici mais ce que nous savons, c’est qu’elles
n’appliquent pas les trois premières règles d’or et qu’il devient nécessaire
pour vous de vous défendre, sans pour cela attaquer ou contre-attaquer. À la
manière du judoka qui utilise la force de son adversaire comme parade,
nous utiliserons l’énergie de l’autre (beaucoup d’énergie, puisqu’il s’agit de
contrer un jeu psychologique) non pour le faire tomber mais pour faire en
sorte de rétablir une communication positive.

Je vous propose donc de découvrir dans ce chapitre les principales parades


contre les manifestations de la mauvaise humeur, de la mauvaise foi et de la
manipulation. Nous allons lutter pied à pied contre les non-dits et les sous-
entendus à risque.

Nous travaillons, mon ami Pierre Agnèse17 et moi, depuis plus de dix ans
sur la dynamique des Jeux psychologiques. Nous avons créé un modèle et
des outils de gestion des Jeux et formé des centaines de personnes à cet art
que nous considérons comme martial ! Par convention les mots Jeu et
Joueur prendront une majuscule pour évoquer la pratique négative du sous-
entendu à risque.

Le conflit fait son nid de toutes les maladresses que les êtres humains
s’échangent, le plus souvent inconsciemment – et parfois sciemment –
lorsqu’ils ne savent plus comment faire pour communiquer positivement
leur frustration, leur malaise ou toute sorte d’émotions, finalement bien
normales au cours d’une vie.

Nous sommes parfois spectateur d’un conflit qui dure entre des personnes
que nous côtoyons, et il est difficile de ne pas être éclaboussé par les ondes
négatives et contagieuses des protagonistes. Ces derniers sont quelquefois
ceux qui nous sollicitent pour nous faire entrer dans la danse avec eux.
Aussi, résister à ces manipulations demande une solide connaissance des
systèmes mis en jeu dans tout conflit et des pratiques des Joueurs.

Les Joueurs
Avant toute chose, il convient de préciser qu’il existe trois catégories de
Joueurs et que les parades à utiliser pour neutraliser leurs attaques diffèrent
selon ces trois catégories.

• Le Joueur occasionnel : c’est vous, c’est moi. Le Joueur occasionnel


utilise des stratagèmes inconscients pour manipuler ou bloquer l’échange.
Le Joueur occasionnel peut cesser son Jeu si nous utilisons des outils de
communication.

• Le Joueur professionnel : cette catégorie de Joueur se distingue de la


première par le fait qu’il est conscient de ce qu’il fait. Professionnel ne veut
pas dire ici qu’il gagne de l’argent. C’est davantage sa compétence pour
manipuler qui est entendue dans cette métaphore. Paradoxalement, il est
plus simple de neutraliser le Joueur professionnel que l’occasionnel. Sa
pratique repose sur le « pas vu pas pris ». Il suffira de le prendre en flagrant
délit avec un « je vois ce que tu es en train de faire » pour qu’il arrête et
négocie. La difficulté est de le voir faire !

• Le Joueur toxique : le Joueur toxique est à craindre car son pouvoir de


contagion est élevé. L’une des raisons à cela est que le virus du conflit, de la
mauvaise foi ou de la manipulation qui l’habite est résistant à tout
traitement. Le Joueur toxique est d’abord intoxiqué, c’est à-dire qu’il ne
veut plus communiquer autrement qu’en cassant les pieds. Rien n’y fera.
Nous ne connaissons pas d’outils dans la communication contre le Joueur
toxique. Il a besoin d’une aide ou d’un accompagnement psychologique
pour sortir de sa mauvaise habitude. Le problème est qu’il ne se sait pas
malade. Si vous en croisez un, retirez-vous dès que vous le pourrez et
veillez à protéger votre environnement s’il évolue dans vos eaux.

Jouer c’est mal ! Surtout si les règles ne sont pas définies


et que l’intention consciente ou inconsciente de l’un ou de
l’autre, voire des deux joueurs, est de faire perdre l’autre.

Les Jeux psychologiques

Définition du Jeu psychologique18


Une série de transactions cachées (sous-entendus) visant un point faible
chez l’autre et aboutissant par effet d’escalade à un bénéfice
psychologique caché pour le(s) Joueur(s).

L’objectif inconscient des Jeux est d’alimenter les croyances, négatives


pour la plupart, que nous avons sur la vie, sur nous-même et sur les autres.

Berne décrit le Jeu psychologique comme la répétition d’une séquence issue


de l’enfance. Nous avons tous appris à jouer dans nos familles : lorsque
nous ne trouvions pas d’autre moyen que la manipulation pour satisfaire nos
besoins de stimulation, de reconnaissance et de structure. Devenus grands,
nous pouvons inconsciemment chercher à satisfaire nos besoins dans la
relation avec les autres sur ce même mode de communication
manipulatoire. Le concept de Jeu permet de mettre en évidence et
d’analyser les dysfonctionnements dans la communication, et de nous aider
à trouver une manière différente et saine de satisfaire nos besoins dans la
relation.

Les indicateurs de Jeux :


• Ils sont répétitifs.

• Ils se produisent hors du champ de la pensée claire.

• Ils suscitent des sentiments parasites.

• Ce sont des transactions cachées (le message psychologique est plus


important que le message verbal).

• Ils génèrent un moment de confusion mentale/émotionnelle.

• À la fin de l’échange, l’un des interlocuteurs (ou les deux) est en état de
stress (il y a un ou deux perdants).

Le génial Dr Stephen Karpman décrit les prémices des Jeux, puis les Jeux
eux-mêmes à travers un modèle appelé le Triangle Dramatique. Ce triangle
peut se comparer à un plateau de jeu, la pointe vers le bas, donc instable par
définition. À chacun des trois points du triangle se trouve une position
appelée Rôle.

L’un des premiers signes d’un Jeu correspond à « l’entrée » sur le plateau
de Jeu de l’un des protagonistes. L’entrée dans le Triangle Dramatique se
fait par l’ un des trois angles, représentant l’un des trois rôles suivants,
toujours présents dans les conflits :
Par exemple, Josette dit à Marcel :

– Oh la la, je n’arriverai jamais à finir mon travail à temps


pour partir au cinéma. Je suis mal !

Elle entre dans la partie en adoptant le rôle de la Victime qui ne s’en sort
pas.

Marcel lui répond.

– Allons allons, je vais t’aider…

Marcel accepte de jouer et entre sur le plateau de Jeu dans le rôle du


Sauveur. C’est évidemment une erreur, puisque Josette ne lui a pas
demandé clairement de l’aide. Parfaite dans son rôle de Victime, elle n’a
fait que se plaindre sans exprimer de demande.

Josette n’a plus qu’à changer de rôle sur le plateau pour accabler ce
pauvre Marcel, qui va vite se rendre compte qu’il est le dindon d’une farce
amère :
– Mais mon pauvre ami, tu es bien incapable de m’aider. Si tu l’avais été, je
te l’aurais demandé, tu penses bien !

Lorsque nous adoptons l’un de ces rôles, nous montrons dans le même
temps des comportements dont nous n’avons pas forcément conscience. Ces
comportements sont des stratégies inconscientes, probablement acquises tôt
dans l’enfance, pour nous défendre ou nous adapter à des situations
complexes. Ces stratégies, dans un monde d’adultes, sont bien entendu
inefficaces car elles déclenchent, amplifient ou entretiennent un conflit.

Nous savons que nous sommes en présence d’un ou de


plusieurs des rôles du Triangle lorsque les messages
deviennent plus lourds, que le ton de voix change, que les
expressions du visages indiquent souffrance,
condescendance ou frustration, que les gestes et la posture
du corps montrent à leur manière des signes de malaise ou d’agressivité.

Le rôle du Persécuteur
Dans le rôle de Persécuteur, sont activées inconsciemment un ensemble de
croyances fausses parmi lesquelles :

• J’ai plus de valeur que l’autre ou les autres.


• J’ai le pouvoir de les conduire à se sentir mal, coupable, redevable,
minable et d’autres mots en « able » peu enviables.
• Je n’ai plus d’autre choix que d’attaquer ou de blâmer l’autre ou les
autres pour gérer la situation.
Indicateurs observables

• Une personne dans le rôle de Persécuteur montre de l’agressivité verbale


et non verbale.

• Les attaques sont directes ou indirectes, comme les sous-entendus


déplacés ou l’ironie, le sarcasme, la dérision…

• Le ton de la voix peut être cassant, froid, dur, moqueur, cynique,


méprisant…

•Les expressions du visage peuvent souligner la colère, avec les sourcils


froncés, les mâchoires serrées, ou bien montrer de la suffisance avec un
sourire narquois, le menton haut…

• Les gestes peuvent parfois être brusques, tranchés, agressifs, voire


grossiers.

• La posture suit le reste et peut paraître tendue, voire menaçante.

Le rôle de la Victime
Dans le rôle de Victime sont activées inconsciemment un ensemble de
croyances fausses parmi lesquelles :

• J’ai moins de valeur que l’autre ou les autres.


• L’autre ou les autres ont le pouvoir de me conduire à me sentir mal,
coupable, redevable, minable et d’autres mots en « able » peu
charitables.
• Je n’ai plus d’autre choix que de me plaindre ou de geindre sur mon
sort pour gérer la situation.
Indicateurs observables

• Une personne dans le rôle de Victime montre de l’impuissance verbale et


non verbale.
• Les plaintes sont sans fin et il arrive que la personne dise du mal d’elle-
même et demande implicitement à l’autre de confirmer ce qu’elle dit.
• Le ton de la voix peut être lourd, sans énergie, défaitiste, fataliste…
• Les expressions du visage peuvent souligner la tristesse, avec les yeux
qui tombent, l’air inquiet ou désemparé.
• Les gestes peuvent être atones, paumes de mains vers le haut, bras
croisés…
• La posture est parfois marquée par des épaules tombantes, une attitude
légèrement tournée sur le côté, repliée…

Le rôle du Sauveur
Dans le rôle de Sauveur sont activées inconsciemment un ensemble de
croyances fausses parmi lesquelles :

• J’ai plus de valeur que l’autre ou les autres, et si seulement ils étaient
capable de faire ce que je leur dis de faire, alors ils auraient de la valeur.

• J’ai le pouvoir de conduire l’autre ou les autres à se sentir mieux en leur


montrant comment il faut faire, en démontrant combien moi je suis
quelqu’un qui réfléchit, qui sait ce qu’il est bon pour eux de faire, tout en
les plaignant de ne pas en être capables.

• Je n’ai plus d’autre choix que de plaindre le sort de l’autre ou des autres
pour gérer la situation et de les asservir par mon aide, devenue
incontournable.

Indicateurs observables
• Une personne dans le rôle de Sauveur montre un savant mélange de
suffisance et d’impuissance, comme si le message était : « Je veux bien
t’aider moi, mais bon, ça sert à rien. »

• Le discours se veut aidant mais par sa complaisance, il entretient la


Victime dans son rôle.

• Le ton de la voix peut être un peu trop consolant ou rassurant, comme si le


Sauveur cherchait des excuses pour cette pauvre petite chose qu’il tente de
sauver.

• Les expressions du visage sont celles de quelqu’un qui peut se sentir


frustré de ne pas parvenir à sauver les autres, mais quand même satisfait de
jouer ce rôle.

• Les gestes peuvent parfois être ceux de l’impuissance ou alors une


gestuelle qui accompagnerait le célèbre : « T’as qu’à faire ci ou ça ! »

• La posture est parfois en miroir de celle de la Victime.

Il n’y a que trois points d’entrée dans le sabotage de la


relation :

– Je me présente en Victime pour te piéger.

– Je me présente en Sauveur pour devenir indispensable pour toi.

– Je me présente en Persécuteur pour te soumettre.

Reconnaître ces trois positions négatives permettra de les déjouer.

Éviter les Jeux psychologiques


Les redoutables Joueurs du triangle peuvent être neutralisés (à condition,
bien sûr, que votre décodeur de Jeux soit efficace) à l’aide d’une discipline
que nous proposons à nos stagiaires de tester, Pierre Agnèse et moi, lors des
séminaires « Déjouez les pièges de la mauvaise foi et de la manipulation ».

Cette discipline s’appelle la technique de l’édredon. Cette discipline se


déroule en cinq étapes. Elle demande un peu d’entraînement pour devenir
naturelle, mais nous en garantissons l’efficacité.

Les Anciens disaient : « Tourne sept fois ta langue dans ta bouche avant de
parler » et voici pourquoi la martingale, quoi qu’il arrive et quel que soit le
Rôle que vous percevez en face de vous est le silence ! Cette première étape
vous permettra plusieurs choses :

La première est que vous allez pouvoir respirer et réfléchir à ce que vient de
dire ou de faire votre interlocuteur. Un bon Jeu déclenche une réaction
immédiate et le risque est grand de se laisser embarquer très vite.

La deuxième chose que vous gagnerez dans le silence est de montrer de la


puissance. C’est un paradoxe merveilleux : ne rien dire, souvent, en dit long
sur notre calme intérieur.

La technique de l’édredon se déroule en cinq étapes, que vous allez


découvrir dans l’exercice présenté à la page suivante.

La technique de l’édredon

Entraînez-vous d’abord sur de petites anicroches pour acquérir de bons


réflexes puis vous pourrez progressivement pratiquer l’exercice sur des
conflits de plus en plus ouverts et complexes. Et surtout, rappelez-vous,
commencez toujours par un silence, étape 1 de la technique de l’édredon.
Étape 1. Faites silence : Je « retiens » ce que j’allais faire ou dire, le temps
de laisser s’atténuer l’impact émotionnel sur moi. Lorsqu’il s’agit d’une
attaque verbale, quoi que m’ait dit l’autre, je pense : « C’est possible, vu de
sa fenêtre. »

Étape 2. Posez une question hors contenu : question miroir ou question


factuelle, pour formuler le contexte de la situation ou, dans le cas d’une
attaque, faire préciser le contexte de la remarque et non revenir sur le
contenu.

Étape 3. Accusez réception : je signale à mon interlocuteur que j’ai


compris son intention et/ou que je vois l’émotion qu’il me montre. Lorsque
les silences et les questions ne fonctionnent plus, il est possible que nous
soyons aux frontières du Triangle. Pour éviter de s’y faire piéger trop
longtemps, nous choisirons de métacommuniquer avec l’autre (étape 4) ou
de prendre un vrai rendez-vous pour reparler à tête reposée du différend qui
nous sépare.

Étape 4. Métacommuniquez ! (arrêtez le Jeu en disant ce que vous


percevez et ressentez) : je sors du contenu et j’évoque le processus en train
de se dérouler. Je parle de mon ressenti et de la situation qui en découle (je
décris l’événement vu du dessus – métaposition). Cette étape peut aussi
permettre de négocier une révision des règles du jeu de l’échange qui est
devenu mauvais, à la manière des enfants qui disent « Pouce ! »

Étape 5. Prenez rendez-vous : j’indique mon besoin de prendre du recul


pour pouvoir aller plus loin et propose de poursuivre à un autre moment.
J’indique quand, où, avec qui et pour quoi faire. Je fais valider. Il ne s’agit
pas d’un retrait mais d’un rendez-vous avec l’objectif.

Vous êtes maintenant capable de proposer une communication de qualité.

• Votre posture dans l’échange est exemplaire car vous respectez la règle
d’or n° 1 : Soyez vous-même ! et vous adoptez une posture communicante.
• Vous savez donner envie à vos interlocuteurs de communiquer avec vous
car vous maîtrisez désormais cette règle d’or n° 2 et vous vous êtes rendu à
la fois audible et compréhensible par autrui.

• Depuis que vous savez régler votre décodeur, qui est la règle d’or n° 3,
vous parvenez à capter et à décoder les signaux et le langage de l’autre, et
vous avez appris à éviter les sous-entendus.

• C’est d’ailleurs ainsi que vous ne vous laissez plus faire ! et avez adopté
cette règle d’or n° 4 en maîtrisant les outils permettant d’éviter aussi les
pièges de la manipulation, petite ou grande.

Tout cela vous permet désormais dans votre communication d’être généreux
sans effort et d’appliquer la règle d’or n° 5 à découvrir dans le dernier
chapitre…

17. Pierre Agnèse, master trainer en Process Communication et coach, est co-auteur avec Jérôme
Lefeuvre des livres Déjouer les pièges de la mauvaise foi et de la manipulation, InterÉditions,
2010 et Les 7 clés de la réussite, Hachette, 2012. Il est également l’auteur du livre Market yourself,
Hachette, 2012.
18. Les Jeux psychologiques sont un concept d’Analyse Transactionnelle. Ils ont été observés et
définis par le Dr Eric Berne à la fin des années soixante.
Règle d’or n°5
Soyez généreux !
… ou comment créer l’intimité
avec ses interlocuteurs
P
our finir en beauté notre travail sur la communication, il nous faudra
un T-shirt propre, un Lovo’gramme bien rempli, un Intimo’gramme
riche et une technique du feedback bien maîtrisée. Alors au travail !

L’art du feedback
L’un des derniers grands maîtres de la recherche en communication,
Stephen Karpman, dont j’ai déjà beaucoup parlé dans cet ouvrage, insiste
dans ses séminaires et conférences sur le rôle individuel que nous pouvons
tous jouer pour évoluer dans un monde meilleur. Les civilisations, les
sociétés, les groupes, les organisations et les familles souffrent trop souvent
de l’incapacité des individus à partager et à communiquer. Cela commence
par un ingrédient essentiel de l’équilibre des relations : la reconnaissance.

On sait aujourd’hui que si le rire est le propre de l’homme, il est un autre


phénomène qui lui est propre, sans doute plus encore que le rire : les êtres
humains ne peuvent pas survivre et se développer sans recevoir de signaux
de reconnaissance de leur environnement.

Un syndrome, aujourd’hui connu sous le nom d’hospitalisme, en est la


flagrante démonstration. On observe dans les hôpitaux ou dans les
orphelinats de pays en guerre ou en reconstruction que les très jeunes
enfants privés de contacts chaleureux et aimants montrent des symptômes
graves de déficit dans leur développement, à la fois mental et physique.

Erik Erickson19, dans ses recherches sur les stades de développement de


l’enfant, confirme ce besoin vital en ajoutant une clef essentielle : les
individus n’apprennent et grandissent qu’en faisant d’abord l’expérience de
l’échec. Bref ! Pour apprendre, il faut d’abord se tromper, décider de
comprendre son erreur, la corriger puis se réjouir de sa réussite.
Il est ainsi précieux de maîtriser l’art d’offrir à autrui des signaux de
reconnaissance à la fois positifs, qui seront sources d’optimisme et de
confiance en soi, et négatifs, qui seront sources de résilience et
d’apprentissage. Pour passer de la communication efficace (celle qui permet
de véhiculer un message clair et reçu) à la Communication avec un grand C
(celle qui entretient et positive la relation), il nous reste à apprendre cet art
noble qu’est celui du feedback.

Le feedback (en français rétroaction) est, au sens large, l’action en retour


d’un effet sur le dispositif qui lui a donné naissance, et donc, ainsi, sur elle-
même. Le feedback diffère de l’hypothèse de la causalité inversée, dans
laquelle l’effet précède sa cause.

L’écologie des signaux de reconnaissance

Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute.


Jean de la Fontaine

Les signaux de reconnaissance positifs ou négatifs que nous échangeons


dans nos relations avec les autres sont autant de moyens de maintenir une
communication constructive et saine. La règle de la communication positive
et constructive est que, lorsque nous offrons un signal de reconnaissance à
quelqu’un, ce signal de reconnaissance devra être conditionnel, c’est-à-dire
viser le comportement et le contexte (Tu fais…) plutôt que l’identité (Tu
es…). L’emploi du verbe être rendrait le signal inconditionnel en
condamnant la personne à qui l’on s’adresse.

Dire à un enfant « Tu es épatant ! » le flatte, certes ! Mais cela le condamne


aussi à le rester ou à croire qu’il l’est sans l’être vraiment. Privé
d’information de contexte, c’est-à-dire des conditions dans lesquelles il se
montre épatant, il sera incapable de donner du sens au compliment et de
reproduire les comportements ou compétences qui l’ont rendu si formidable
aux yeux du flatteur.
Il en va de même lorsque je dis à un enfant qu’il est imbécile. Ce message
destructeur n’offre aucune possibilité de corriger. Le verbe être, encore une
fois, condamne.

Offrir un signal conditionnel signifie qu’il renvoie à une certaine situation, à


un certain comportement et à un moment donné. La contextualisation joue
le rôle de feedback et permet à l’autre d’agir ou de négocier ce qui doit
évoluer ou changer dans son comportement. Ainsi n’existe-t-il pas de
feedback négatif si cette règle est respectée. Que le contenu soit positif ou
non, il est constructif puisqu’il permet d’agir et de négocier.

Rappelons-nous le tableau des strokes dans la première partie de ce livre.


Nous pouvons assurer une certaine forme d’écologie en gérant les signaux
de reconnaissance (feedbacks) au quotidien de la manière suivante :

• J’en donne.

• Je les accepte quand j’en reçois.

• J’en demande quand j’en ai besoin.

• Je refuse les inconditionnels, c’est-à-dire donnés sans contexte et attribués


avec le verbe être.

• Je m’en donne.

Exercice : offrir du feedback

Entraînez-vous à donner et à recevoir du feedback. Faites-le tous les jours et


observez l’impact sur vous et sur les autres.

Quelques recommandations importantes :


• Demandez à votre interlocuteur s’il veut un feedback avant de le faire.

• Utilisez le pronom personnel « je » (dire à quelqu’un : TU fais ceci, TU


fais cela, sans assumer que JE l’observe, JE t’ai entendu… risque d’activer
les défenses de l’interlocuteur).

• Les verbes de perception sont aidants : voir, entendre, observer,


comprendre, sentir, percevoir, etc.

• Nos impressions et nos ressentis nous appartiennent, ils ne sont pas la


réalité de l’autre. Il est important, dans un feedback, d’être factuel et
d’assumer nos sentiments.

• Vérifiez vos observations et vos impressions auprès de l’autre.

Mon T-shirt !
Les chapitres précédents ont montré et démontré que nous communiquons
sans le savoir, ni le vouloir sur notre état d’esprit. Nos ressentis à l’égard
d’une situation ou des personnes autour de nous sont observables au travers
des cinq indicateurs de Kahler : posture, gestes, expressions du visage, ton
et mot20.

Notre envie de communiquer est elle aussi perceptible au travers des


indicateurs d’énergie que nous avons découverts au chapitre 3 (retrait,
rituel, passe-temps, activité, intimité ou Jeux). Nous ne pouvons pas la
cacher ! Et ceux qui pensent le faire, comme ces stagiaires que je rencontre
parfois qui ont des fonctions dans les métiers de négociation ou de
ressources humaines et qui pratiquent ce que l’on appelle « le sphinx »,
c’est-à-dire l’art de maîtriser les signaux observables en adoptant une
posture neutre, ne cachent qu’une chose : leur humanité ! Et ça se voit. Rien
de plus exaspérant qu’une personne qui vous dit sans sourire et d’une voix
blanche qu’elle comprend ce que vous ressentez sans le montrer. C’est une
erreur et une insulte à l’autre que de penser qu’on doit lui cacher ce que l’on
ressent parce qu’il ne peut pas le comprendre. C’est une insulte faite à soi-
même de penser que nous ne sommes pas capables de maîtriser nos
émotions. Il ne s’agit pas de les maîtriser, il s’agit de les communiquer… au
bon moment, de la bonne manière et à la bonne personne.

Lorsque nous entrons dans une pièce, certaines personnes, sans nous avoir
adressé la parole, nous donnent envie de communiquer avec elles. D’autres,
au contraire, avant même d’avoir initié le moindre contact, nous donnent
envie de les éviter. C’est écrit sur leur visage, c’est écrit sur le mur derrière
eux :

• Je suis content d’être là.

• J’ai envie de bavarder.

• Je suis disponible pour communiquer.

• Je suis ouvert à une conversation.

Ou bien :

• Je n’aime personne ici !

• Je n’ai pas envie de parler.

• Je trouve tout le monde stupide.

• Je vous suis infiniment supérieur.

Nous appelons cela le T-shirt. C’est le premier feedback que nous faisons à
nos interlocuteurs. Karpman affirme que ce T-shirt affichera un message
plus avenant et sympathique si nous sommes suffisamment nourris nous-
même de l’amour ou de la reconnaissance dont nous avons besoin. Il a créé
un outil d’auto-évaluation de notre stock de signaux de reconnaissance,
qu’il a appelé le Lovo’gramme ! Il s’agit d’une liste des personnes qui sont
les plus proches de moi et me « procurent » des signaux de reconnaissance
affective sous leurs différentes formes, de la plus simple à la plus intime. Si
ce stock est insuffisant, notre T-shirt affichera ce manque d’amour ! Bref, si
mon stock est insuffisant, je fais la tête où que j’aille !

Je me souviens d’un séminaire que j’organisais à Hong


Kong au mois d’avril 2012. Ce groupe était composé de
dix-huit managers venus de toutes les parties de l’Asie.
Dans ce groupe, une jeune femme m’interpelle. Appelons-la
Lucy. Elle est âgée d’une trentaine d’années, plutôt belle et
très froide dans son contact au premier abord. Je suis en
train d’animer une séquence séminaire sur le thème des émotions. Elle me
dit : « Chez nous, au Japon nous n’exprimons pas les émotions car c’est
socialement inapproprié et contraire à notre éducation. Voilà pourquoi je
n’exprime pas mes ressentis. »

La veille, nous avions travaillé sur les types de Personnalités de Kahler.


L’Inventaire de Personnalité de Lucy la décrit comme utilisant
principalement l’Ordinateur et le Directeur pour communiquer et
quasiment jamais l’Émoteur ni le Réconforteur. En d’autres termes, sans
qu’elle en aie même l’intention, elle affiche un T-shirt disant : « Je ne vous
parle que pour échanger des informations ou pour agir. En cas de besoin de
contact ou de relation, adressez-vous à mon voisin ! »

Son voisin, en l’occurrence ici dans mon séminaire, est une femme. Alors
que nous échangeons sur les codes sociaux de la culture nippone avec Lucy,
je la vois illuminer son visage d‘un sourire spectaculaire et taquin ! De
l’Émoteur pur jus ! Je me tourne vers elle et lui demande la raison de son
état. Elle me répond : « Je suis Japonaise aussi et j’affiche mes émotions
régulièrement. C’est vrai que chez nous, c’est mal vu… mais pas tout le
temps. Seulement dans certaines situations. Par exemple ici, dans ce
séminaire, c’est autorisé ! »

Lucy justifie son contact peu chaleureux par les devoirs de retenue que sa
culture japonaise lui imposerait. Elle se trompe. Elle affiche un T-shirt qui
aggrave sa croyance et rebute probablement une partie des gens qu’elle
croise avec son message inconscient. Elle s’aliène ainsi une partie de la
population et limite son Lovo’gramme et son Intimo’gramme à leur plus
simple expression.

L’Intimo’gramme
Ce précieux outil permet de mieux comprendre pourquoi certaines
personnes semblent mieux nourrir la relation que d’autres et, du coup, sont
plus puissantes lorsqu’elles offrent un feedback. L’évaluation se fait ici au
niveau du contenu de la relation. La question qui se pose serait : « Jusqu’à
quel niveau d’intimité vais-je accepter que nous allions ensemble ? »

L’outil pour vérifier s’appelle l’Intimo’gramme et c’est lui aussi une


trouvaille du Dr Karpman. Il l’utilise avec ceux de ses clients et patients qui
souhaitent connaître les causes des frustrations qu’ils vivent dans leur
communication et dans leur relation avec autrui.

Karpman les interroge sur les thèmes « autorisés » et les thèmes


« interdits » avec leurs interlocuteurs. Comme Lucy tout à l’heure qui, non
contente, d’afficher un T-shirt « ne m’approchez pas », n’accepte pas non
plus de donner autre chose que le minimum acceptable dans ses relations
avec les autres.

L’Intimo’gramme, en d’autres termes, va mesurer le niveau d’autorisation


pour entrer dans le jardin secret de l’un et de l’autre.

Les cinq critères de mesure de l’Intimo’gramme :

Nous pouvons parler :

1 • De tout et de rien : les personnes qui peuvent parler de tout et de rien


avec nous ne nous parlent donc de rien. Elles n’ont pas accès à notre jardin
secret. Nous restons la plupart du temps dans des niveaux d’énergie qui
n’iront pas plus loin que le passe-temps. Si TOUS les gens que je connais et
côtoie en restent à ce niveau d’intimité avec moi… je n’ai d’intimité avec
personne !

2• De choses : j’accepte de partager avec autrui de l’information, des


conversations utiles, des projets. Je parle volontiers des choses, des lieux,
des contenus. Je m’arrête à la porte de l’autre et l’arrête à la porte de moi…
c’est-à-dire que je veux bien parler de choses intéressantes à condition de
ne m’engager ni personnellement, ni émotionnellement dans les contenus
de notre échange. Je n’ai ainsi d’intimité avec personne ! Je vais jusqu’à
l’activité en terme d’énergie, à la condition qu’elle ne m’engage pas.

3 • De nos idées et des gens : je m’intéresse aux êtres humains et à leurs


opinions. Je participe à des conversations de groupe. Je suis bien dans la
relation de groupe. J’apprécie de partager avec d’autres avec une réserve, je
ne vais pas au niveau de la relation à deux. J’en reste au niveau de la
relation de membre au milieu d’un groupe. J’ai une intimité faible, dans le
fond, car je ne me confronte pas à l’autre, je ne le rencontre pas. Tout au
mieux, j’écoute volontiers les autres et me raconte… puis je rentre chez
moi, seul.

4 • De toi et moi : je partage avec une personne des choses que je ne dis
qu’à elle. Je confronte et affronte le feedback en tête à tête. Je confie des
choses à cette personne-là qui, elle aussi, le fait avec moi. Mon niveau
d’intimité est fort. Le risque – car il y en a un – est de n’avoir qu’une seule
personne avec qui je suis dans cette intimité-là… alors que se passera-t-il si
elle vient à manquer ? Ainsi, certaines personnes n’ont que leur
psychothérapeute (ou prêtre ou coach…) pour remplir cet espace
d’intimité… qui n’en est pas un, car il n’est pas réciproque.

5• De nous et de notre lien : ici, la relation n’est pas nécessairement


amoureuse ou amicale, mais elle est affective et contractuelle. Une
association professionnelle peut, elle aussi, remplir cet espace de l’intimité
maximale. Ce que nous installons alors entre nous est un ensemble de règles
du jeu qui définissent notre relation.
Un exemple de cela est proposé un peu plus loin en fin de chapitre avec la
démarche de contrat d’intimité.

Exercice : Mon Intimo’gramme

Listez ci-dessous les personnes avec lesquelles vous retrouvez les niveaux
d’intimité de l’Intimo’gramme.

Tout et rien :

Les choses :

Les idées, les gens :

Toi et moi :

Nous, le lien :
Le Lovo’gramme
Il est une autre grille de mesure à utiliser. En lisant son nom, vous
comprenez que cette liste est à lire avec les yeux du cœur, bien sûr. Bien
remplie, elle offre une certitude : vous arborez le sourire de ceux qui sont
bien avec eux-mêmes car ils se savent reconnus, soutenus, aimés et
appréciés pour qui ils sont.

Exercice : Mon Lovo’gramme !

À vous de faire votre check-list maintenant. Prenez votre carnet de travail et


faites la liste des personnes qui, dans votre environnement personnel et
professionnel répondent aux critères affectifs suivants :

M’aime bien :

M’aide :

M’écoute et m’entend :

Me touche et me soutient :
M’aime :

Me souhaite à ses côtés :

Me désire :

N’être que désiré ou ne vouloir être que désiré comporte un risque… et ce


serait faire injure à l’intelligence de mes lecteurs de chercher à l’expliquer.

Le T-shirt agit comme un contrat inconscient avec notre environnement.


Comme si elles étaient écrites sur ma poitrine, sur le mur derrière moi et sur
mon visage, les conditions que je propose aux personnes que je croise sont
disponibles.

Si mon T-shirt dit je suis prêt à communiquer, alors des personnes vont
m’approcher et m’offrir du feedback, de la présence et de la relation.

Si mon T-shirt dit, comme celui de Lucy, « même pas en rêve ! », le contrat
implicite éloigne de moi de potentielles amitiés ou opportunités de
m’enrichir.

Et il ne suffit évidemment pas de dire « Soyons amis ! ». La communication


par le T-shirt imprimé a beau faire les choux gras de toutes les villes
touristiques du monde, il y a encore un geste significatif à faire : entretenir
la relation.
Ce mois-ci, un de mes amis les plus anciens et chers à mon cœur
m’annonce qu’il va se marier. Il me demande ce que j’en pense. Je suis très
heureux de le voir amoureux et enfin prêt à tenter la belle aventure. Je me
souviens alors du conseil que j’ai reçu il y a quelque temps de cela et je
l’offre à mon ami à l’occasion de l’annonce de son mariage. Je voudrai vous
l’offrir pour conclure cet ouvrage. Il s’agit d’un des plus beaux cadeaux que
le Dr Karpman nous ait offert, au travers de ses recherches sur la
communication et la relation : le contrat de confiance pour les couples.

Ce contrat relationnel ne s’en tient évidemment pas à la seule dimension du


couple. Vous pouvez l’appliquer dans toutes vos relations dès lors qu’elles
revêtent un taux d’intimité élevé.

Il s’agit des cinq dimensions de la confiance relationnelle. Il nous reste


donc à vérifier que nous avons, par contrat tacite et explicite, couvert ces
cinq dimensions pour vivre une relation riche, durable, exceptionnelle.

Si nous ne recevons pas assez d’amour et n’avons pas


assez de relations riches (intimes) dans notre parcours de
vie, nous risquons de nous faner et de ne pas attirer la
communication vers nous et même, au contraire, de
générer du rejet a priori.

Quel contrat offrir pour développer l’intimité


dans les relations ?
Le contrat contient cinq clauses. Il doit être explicite, c’est-à-dire négocié
clairement et oralement. Il doit être tacite, c’est-à-dire que les deux
membres de l’association amoureuse, amicale ou professionnelle devront le
valider voire le signer.

1. La clause de respect des règles


Les partenaires sont d’accord pour négocier, avant de s’engager, ce que
chacun veut (accepte), ne veut pas (refuse), ne veut plus (rejette). Ces
éléments étant clarifiés et négociés, chacun s’engage à fournir ce que l’autre
veut, à ne pas imposer ce que l’autre ne veut pas et à ne pas lui proposer ce
qu’il ne veut plus.

Quand cette clause n’est pas signée, les gens peuvent dire : « Je suis libre
de prendre n’importe quelle décision et de faire ce que je veux. On est en
République ! »

2. La clause de protection

Les partenaires sont d’accord pour s’épargner de l’inconfort et de l’anxiété


inutiles, la plupart du temps en anticipant les situations stressantes et en
donnant du soutien et des informations préventives. Chaque partenaire évite
à l’autre les déceptions liées au manque de tact, à la colère inutile, aux
blessures par inattention, en prenant en considération les points sensibles de
l’autre et en posant des limites.

Quand cette clause n’est pas signée, les gens peuvent dire : « Chacun
s’occupe de ses propres émotions, ce n’est pas à moi de te protéger de quoi
que ce soit. Nous sommes grands ! »

3. La clause de transparence

Les partenaires sont d’accord pour dire à l’autre ce qu’il a besoin de savoir
sans garder cachées des informations indispensables à la qualité de la
relation. Ils sont en outre d’accord pour parler ensemble des problèmes
qu’ils rencontrent, de préférence le jour même. La discussion suivra les
trois règles de transparence :

1 • Soulevons le problème.

2 • Allons au bout des choses.


3 • Vérifions que nous avons tout dit.

Quand cette clause n’est pas signée, les gens peuvent dire : « Je n’ai pas à
te dire quoi que ce soit ! »

4. La clause de satisfaction

Les partenaires sont d’accord pour être responsables et garants de plaisir et


de joie avec l’autre. Il ne s’agit pas ici de TOUT le plaisir et la joie, mais
d’en faire partie intégrante, jusqu’à expiration du contrat.

Quand cette clause n’est pas signée, les gens peuvent dire : « Chacun peut
prendre son plaisir de son côté. »

5. La clause de flexibilité

Les partenaires sont d’accord pour opérer de temps à autre, de façon


équilibrée, une capitulation spontanée dans un conflit, même s’ils savent
tous les deux qu’ils ont chacun raison, ou bien en allant dans le sens de
l’autre dans le simple but de préserver la paix. Le contraire de la flexibilité
est la rigidité dans ses positions.

Quand cette clause n’est pas signée, les gens peuvent dire : « Il semble que
nous n’ayons pas la même vision des choses et je ne changerai ma façon de
penser et de faire pour personne. »

Exercice : Révision de contrats

Utilisez la check-list des cinq clauses pour vérifier les risques de brèches de
confiance dans vos relations Pour cela, prenez un premier exemple avec la
personne qui partage votre vie ou un ami cher. Et regardez dans votre
« contrat » relationnel ce qui est explicite, implicite, non dit, non respecté.

Ma relation avec…

Clause de respect des règles

Nous avons négocié ce que nous voulons, ne voulons pas et ne voulons


plus…

Explicite Implicite Pas évoquée Déjà pas respectée

Clause de protection

Nous prenons soin de ne pas créer d’inconfort ou de souffrance l’un pour


l’autre…

Explicite Implicite Pas évoquée Déjà pas respectée

Clause de transparence

Nous partageons toutes les informations nécessaires à la qualité de notre


relation…

Explicite Implicite Pas évoquée Déjà pas respectée

Clause de satisfaction

Nous sommes l’un comme l’autre engagés dans les sources de plaisir de
l’un et de l’autre…

Explicite Implicite Pas évoquée Déjà pas respectée

Clause de flexibilité
Nous acceptons l’un et l’autre de façon équilibrée de nous accorder de
temps en temps de « céder » sur un désaccord…

Explicite Implicite Pas évoquée Déjà pas respectée

Après avoir parcouru votre check-list, suivez mon conseil, que je tiens de
Stephen Karpman lui même : cette check-list doit être explicite et complète.
Les cinq clauses représentent chacune et ensemble les conditions sine qua
non de la confiance.

Pour passer de la communication de message à celle que


l’on appelle relation, il convient de passer des contrats
clairs et de respecter les règles de la confiance.

19. Erik Erikson est un psychanalyste américain, auteur d’une théorie du développement
psychosocial en huit stades successifs.
20. Voir p. 68.
Pour conclure
Cinq règles d’or de la communication

1. Soyez vous-même !

… ou comment adopter une posture communicante ?

2. Donnez envie !

… ou comment être audible et compréhensible par l’autre

3. Réglez votre décodeur !

… ou comment capter et décoder les signaux et langage de l’autre

4. Ne vous laissez pas faire !

… ou comment éviter les pièges de la manipulation, petite ou grande

5. Soyez généreux !

… ou comment créer l’intimité avec ses interlocuteurs

Il ne vous aura pas échappé, en lisant les dernières pages, qu’il semble que
nous soyons revenus à la case départ en mettant en place la cinquième règle
d’or… Si j’avais voulu faire simple, il m’eût suffit de vous dire : Hé, soyez
vous-même ! Car vous êtes généreux n’estce pas ?

L’intention n’est pas suffisante, c’est pourquoi nous avons consacré ces
pages à démonter ensemble le processus de la communication constructive
et productive.
Je ne peux vous laisser si tôt. Vous me manquez déjà chère lectrice, cher
lecteur. Je vous propose donc de venir communiquer avec moi en direct sur
le réseau social professionnel LinkedIn. Créez votre profil puis rejoignez le
groupe « Rester Résonant ! Le forum de Pierre Agnèse et Jérôme
Lefeuvre » :

http://www.linkedin.com

Je vous attends. Notre exploration ne fait que commencer…

Jérôme Lefeuvre
Paris, le 18 mai 2012
Réponses aux exercices

Exercice de reformulation
pp. 23-24
– « Est-ce que tu crois vraiment que c’est le meilleur moyen ? » Je pense
que ce n’est pas le bon moyen.

– « On pourrait se prendre un petit rendez-vous ? »


Es-tu disponible pour un rendez-vous ?

– « Bonjour, est-ce que je te dérange ? »


Bonjour, es-tu disponible ?

– « Ne penses-tu pas que ce serait mieux de faire autrement ? »


Je pense qu’il serait mieux de faire autrement.

– « Moi je veux bien, mais bon… »


Non !

– « Tu pourrais quand même faire attention ! »


Fais attention à toi.

– « Oh là là, je suis bête, j’aurais dû y penser ! »


J’ai oublié.

– « Si tu veux, je t’accompagne. »
Je vais t’accompagner.

Identification des postures du OK Corral


pp. 28-29

– « J’en ai assez de tes idées saugrenues ! »


TT, tire-toi de là, posture +/-

– « Tu m’énerves et ce n’est pas la première fois ! »


TT, tire-toi de là, posture +/-

– «Je suis désolé, je voulais faire plaisir et j’ai fait le contraire, quel
idiot ! »
EM, Évite-moi, posture -/+

– « J’ai peut-être fait des erreurs, mais tu n’as pas de leçon à me donner ! »
OVNI, On va nulle part, posture -/- (avec un deuxième sousentendu TT,
Tire-toi +/-)

– « Je souhaite que nous parvenions à un accord malgré nos différends. »


AY, Allons-y, posture, +/+

– « Pourquoi je suis comme ça moi ? »


EM, Évite-moi, posture -/+

L’’identification des positions de vie existentielles


pp. 34-35
– « Je ne changerai pas de façon de faire. Toi, fais comme je te dis et puis
c’est tout ! Les autres y arrivent alors remue-toi ! »
Persécuteur : +/-/+

– « Pourquoi ça nous tombe toujours dessus ? On dirait qu’il n’y a que


nous qui faisons des conneries ! »
Désespéré -/-/-

– « J’ai peur de l’appeler, il me déteste. Toi qui sais si bien communiquer, tu


ne voudrais pas le lui demander à ma place ? »
Fanatique -/+/-

– «Que penses-tu de mon Bob ? Il devait nous téléphoner et évidemment, il


ne l’a pas fait ! »
Bitching +/+/-

– « Merci de m’avoir accordé cet entretien. J’ai apprécié votre point de vue,
même si nous ne sommes pas toujours d’accord. »
Communication +/+/+

– « C’est ce que tu veux ? Eh bien fais comme tu le sens, mon vieux… on


verra bien ! »
Persécuteur +/-/+

– « Je suis responsable ici et votre rôle devrait être de me fournir des


résultats et je n’en vois aucun ! »
Persécuteur : +/-/+

– « Je gère peut-être mal ma vie, mais toi tu es mal placé pour dire quoi que
ce soit ! »
Ailleurs c’est mieux -/-/+
– « Vous n’avez pas besoin de comprendre ! Faites comme vos imbéciles de
collègues, faites ce que je vous demande ! »
Ancien missionnaire +/-/-

Le traducteur instantané
pp. 105-108
– « Je crois qu’il est important que tu prennes du repos en ce moment…
qu’en penses-tu ? »
Perception : Opinions
Et dans les cinq autres perceptions :
– « Je constate des signaux de fatigue chez toi ces derniers temps. Est-ce
le cas ? » (Faits)
– « Je te sens fatigué ces derniers temps. As-tu besoin de prendre soin de
toi ? » (Ressentis)
– « Wow, t’a l’air crevé ! Une bouillotte et au lit, allez hop ! »
(Réactions)
– « Je te verrais bien prendre du temps pour toi, à ce rythme là, je vois
du surmenage pour toi dans peu de temps. » (Imagination)
– « Regarde-toi dans ce miroir et dis-moi ce qu’il te reste à faire… allez,
prends deux jours de repos et reviens en forme ! » (Actions)

– « J’ai adoré ce film ! »


Perception : Réactions

Et dans les cinq autres perceptions :


– « Je suis encore ému par ce film. » (Ressentis)
– « Je pense que c’est un très bon film. » (Opinions)
– « Ce film m’a permis d’apprendre des choses nouvelles sur l’invasion
martienne ! » (Faits)
– « Je suis encore dans ce film. » (Imagination)
– « Va voir ce film, tu me diras merci ! » (Actions)

– « J’ai passé un moment très agréable avec toi ! »


Perception : Ressentis

Et dans les cinq autres perceptions :


– « Je crois que cette belle soirée restera longtemps dans nos pensées ! »
(Opinions)
– « Nous avons échangé beaucoup de choses ce soir. J’ai apprécié notre
conversation. » (Faits)
– « C’était génial, notre soirée ! » (Réactions)
– « Je me repasse nos moments passés ensemble et je nous vois vivre une
belle soirée. » (Imagination)
– « Reprenons rendez-vous tout de suite pour une autre soirée ! »
(Actions)

– « Ce livre de Milan Kundera est le premier qu’il a écrit directement en


français. »
Perception : Faits

Et dans les cinq autres perceptions :


– «Je crois que ce livre est d’autant plus intéressant que c’est le premier
écrit en français par Milan Kundera. » (Opinions)
– « J’ai été ému d’apprendre que Milan Kundera avait ressenti le besoin
d’écrire ce livre en français. Le premier qu’il nous offre de cette
manière. » (Ressenti)
– « Balèze, le Milan Kundera ! J’adore ! Ce livre-là, il l’a écrit en
français… trop fort ! Et c’est que le premier de la série ! » (Réactions)
– « J’imagine la différence pour moi de lire ce livre que Kundera a écrit
directement en français. Je me referai mentalement la lecture des
précédents que j’ai lus pour percevoir les subtiles différences. »
(Imagination)
– « Lis ce livre de Kundera qui est le premier qu’il a écrit en français et
dis-moi si tu vois une différence avec ses autres bouquins. » (Actions)

Le décodeur HD
pp. 132-135
– « Ah bon, tu crois ça toi ? Ah ! » Décodeur HD : Je ne le crois et je
pense que tu as tort.
Clarification : Et qu’en pense-tu, toi ?

– « J’ai trouvé ton intervention devant la direction globalement


intéressante »
Décodeur HD : J’ai apprécié partiellement.
Clarification : Que reste-t-il à améliorer ?

– « En es-tu absolument certain ? »


Décodeur HD : Je ne le crois pas et je pense que tu as tort.
Clarification : Et qu’en penses-tu, toi ?

– « Moi je dis ça… je dis rien ! »


Décodeur HD : Je ne veux pas te conseiller.
Clarification : Donne-moi ton conseil s’il te plaît.

– « Si tu veux ! »
Décodeur HD : Je le fais pour te faire plaisir.
Clarification : En as-tu envie ?

– « Ça ne me dérange pas… »
Décodeur HD : Je le fais pour te faire plaisir.
Clarification : En as-tu envie ?

– « Moi, je t’aurai prévenu hein ! »


Décodeur HD : Je m’en lave les mains parce que tu ne veux pas
m’écouter.
Clarification : Je t’écoute.

– « J’ai un peu peur que tu n’y arrives pas. »


Décodeur HD : Je pense que tu vas te planter et je n’ose pas le dire
directement.
Clarification : Dis-moi ce que tu crains.

– « Je n’ai pas de conseil à te donner. »


Décodeur HD : Je m’en lave les mains parce que tu ne veux pas
m’écouter.
Clarification : Je t’écoute.

– « Je crois que je n’y arriverai jamais ! »


Décodeur HD : Dis-moi d’abandonner.
Clarification : As-tu besoin d’un coup de main ?
Bibliographie sélective

– Agnèse Pierre, Market yourself, Éditions Hachette, 2012.

– Agnèse Pierre, Lefeuvre Jérôme, Déjouer les pièges de la


mauvaise foi et de la manipulation, InterÉditions, 2010.

– Berne, Eric, Des Jeux et des hommes, Éditions Stock, 1983.

– Collignon Gérard, Comment leur dire… la Process


Communication, Éditions Dunod, 1994.

– Kahler Taibi, Le grand livre de la Process Thérapie, traduit et


adapté par Jérôme Lefeuvre, Eyrolles, 2010.

– Kundera Milan, L’insoutenable légèreté de l’être, Éditions


Gallimard, 1990.

– Machiavel, Nicolas, Le Prince, Le Livre de Poche, 2000.

– Schopenhauer, L’art d’avoir toujours raison, Éditions Mille et


une nuits, 2003.

– Watslawick Paul, Faites vous-même votre malheur, Éditions du


Seuil, 1986.

– Watslawick Paul, Comment réussir à échouer – Trouver


l’ultrasolution, Éditions du Seuil, 1988.
– Watslawick, Paul, Janet Helmick Beavin, Don D. Jackson, Une
logique de la communication, Éditions du Seuil, 1979.

– Watslawick Paul, John Weakland et Richard Fisch,


Changements, paradoxes et psychothérapie, , Éditions du Seuil,
1975.

– Tzu Sun, L’art de la guerre, Éditions Flammarion, 1999.

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