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Dès la loi Alur de 2014 (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un
urbanisme rénové), l’analyse de la consommation d’espaces est devenue obligatoire dans les
PLU et les SCOT. Cependant, il n’existait pas alors de définition précise de cette notion de
consommation d’espace et aucun dispositif coercitif n’était prévu.
La loi Climat et résilience du 22 août 2021 est venue pallier ces lacunes en élevant la lutte
contre l’artificialisation des sols au statut d’objectif opposable en matière d’urbanisme.
En effet l’article 191 de la loi Climat et Résilience de 2021 1 prévoit qu’« afin d'atteindre
l'objectif national d'absence de toute artificialisation nette des sols en 2050, le rythme de
l'artificialisation des sols dans les dix années suivant la promulgation de la présente loi doit
être tel que, sur cette période, la consommation totale d'espace observée à l'échelle nationale
soit inférieure à la moitié de celle observée sur les dix années précédant cette date. »
L’article 194 de la loi Climat modifiée par la loi du 20 juillet 2023 2 est venu préciser que pour
la première tranche de dix années correspondant à la période 2021-2031, le rythme
d'artificialisation est traduit par un objectif de réduction de la consommation des espaces
naturels, agricoles et forestiers par rapport à la consommation réelle de ces espaces observée
au cours des dix années précédentes. Ce rythme ne peut dépasser la moitié de la
consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) observée au cours des dix
années précédant la date de promulgation de la loi dite climat, c’est-à-dire par rapport la
décennie (2011-2021).
Sur la période (du 1er janvier 2011 au 1er janvier 2021), la consommation d’ENAF, en
France, a été de : 243 136 ha 3. En principe, sur la prochaine décennie, l’artificialisation des
sols ne pourra dépasser la moitié de ce nombre soit 121 568 hectares.
L'artificialisation est définie comme l'altération durable de tout ou partie des fonctions
écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques,
ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage.
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Décret n° 2023-1096 du 27 novembre 2023 relatif à l'évaluation et au suivi de l'artificialisation des sols -
Légifrance (legifrance.gouv.fr)
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Décret n° 2022-763 du 29 avril 2022 relatif à la nomenclature de l'artificialisation des sols pour la fixation et le
suivi des objectifs dans les documents de planification et d'urbanisme - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
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Conseil d'État (conseil-etat.fr)
les sols sont couverts par une végétation Supérieur ou égal à 2 500
herbacée. m2 d'emprise au sol ou de
5° Surface entrant dans les catégories 1° à 4°, terrain
qui sont en chantier ou en état d’abandon.
6° Surfaces naturelles qui sont soit nues (sable,
galets, rochers, pierres ou tout autre matériau
minéral, y compris les surfaces d'activités
extractives de matériaux en exploitation) soit
Surfaces non artificialisées
Le décret précise que peut être considérées comme des surfaces non artificialisées, au sens de
la nomenclature annexée au présent article : « Soit les surfaces sur lesquelles sont implantées
des installations de production d'énergie solaire photovoltaïque (…) Soit les surfaces dont les
sols sont végétalisés et à usage de parc ou de jardin public ».
Pour s’assurer que les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols, fixés par la loi
Climat et Résilience de 2021, soient atteints, le législateur a fixé les règles du jeu et un
calendrier strict, toutefois assouplis par la loi du 20 juillet 2023, de mise à jour des documents
de planification locale.
Ces objectifs doivent être intégrés dans les documents d’urbanisme, dans le SRADDET (art. L
4251-1 du CGCT), dans le SCOT (art. L 141-3 du code de l’urbanisme), dans le PLU
(art.151-5), dans la carte communale (art. 161-3 du code de l’urbanisme).
S’agissant des SRADDET, l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales,
tels que modifié par la loi du 22 aout 2021, prévoit que :
« La région, à l'exception de la région d'Ile-de-France, des régions d'outre-mer et des
collectivités territoriales à statut particulier exerçant les compétences d'une région, élabore un
schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires.
Ce schéma fixe les objectifs de moyen et long termes sur le territoire de la région en matière
d'équilibre et d'égalité des territoires, d'implantation des différentes infrastructures d'intérêt
régional, de désenclavement des territoires ruraux, d'habitat, de gestion économe de l'espace,
de lutte contre l'artificialisation des sols, d'intermodalité et de développement des transports
de personnes et de marchandises, de maîtrise et de valorisation de l'énergie, de lutte contre le
changement climatique, de développement de l'exploitation des énergies renouvelables et de
récupération, de pollution de l'air, de protection et de restauration de la biodiversité, de
prévention et de gestion des déchets. (…)
En matière de lutte contre l'artificialisation des sols, les objectifs fixés sont traduits par une
trajectoire permettant d'aboutir à l'absence de toute artificialisation nette des sols ainsi que,
par tranches de dix années, par un objectif de réduction du rythme de l'artificialisation.
Cet objectif est décliné entre les différentes parties du territoire régional. (...)
Une carte synthétique indicative illustre les objectifs du schéma. (...)
Des règles générales sont énoncées par la région pour contribuer à atteindre les objectifs
mentionnés au présent article, sans méconnaître les compétences de l'Etat et des autres
collectivités territoriales.
Ces règles générales peuvent varier entre les différentes grandes parties du territoire régional
(...)
Elles sont regroupées dans un fascicule du schéma régional qui comprend des chapitres
thématiques. Le fascicule indique les modalités de suivi de l'application des règles générales
et de l'évaluation de leurs incidences ".
L’article R. 4251-1 du CGCT précise que le SRADDET est composé : d'un rapport consacré
aux objectifs du schéma illustrés par une carte synthétique, d'un fascicule regroupant les
règles générales organisé en chapitres thématiques et de documents annexes.
Le décret du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion
économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du SRADDET 7, qui n’a pas
été retoqué par le Conseil d’Etat suite à une requête de l’association des maires de France 8,
ajoute que : « La carte synthétique illustrant les objectifs du schéma prévue par le dernier
alinéa de l'article L. 4251-1 est établie à l'échelle du 1/150 000. Elle peut être décomposée en
plusieurs cartes relatives aux éléments qui la constituent, de même échelle et à caractère
également indicatif. »
Toutefois, un récent décret datant du 27 novembre 2023 9 est venu modifier les précisions que
le précédent décret avait apportées à l’article R. 4251-3 du CGCT. Il indique premièrement
que « les objectifs en matière de gestion économe de l'espace et de lutte contre
l'artificialisation des sols sont définis et sont territorialement déclinés en considérant les
efforts de réduction déjà réalisés, évalués compte tenu du nombre d'emplois et de ménages
accueillis par hectare consommé ou artificialisé ». Le nouveau décret mentionne désormais la
notion « d’efforts passés », comme le demandait l’AMF. Les efforts de désartificialisation
faits pendant les dix années ayant précédé la promulgation de la loi seront pris en compte dans
les critères des SRADDET.
Il faut relever que les territoires non couverts par un SRADDET, notamment, la Corse,
couverte par le PADDUC (article L. 4424-9 du CGCT), l’Île-de-France par le SDRIF (article
L. 123-1 du code de l’urbanisme), les DOM-TOM par les SAR (article L.4433-7 du CGCT)
peuvent se contenter de fixer leurs propres objectifs de réduction du rythme d’artificialisation
à horizon 2030 selon la trajectoire qu’ils auront défini à échéance 2050.
S’agissant des SCOT, pour mémoire, selon l’article 141-2 du code l’urbanisme, ils
comprennent : un projet d'aménagement stratégique, un document d'orientation et d'objectifs,
des annexes. L’article 141-8 du code l’urbanisme prévoit que pour la réalisation des objectifs
de réduction de l’artificialisation des sols, le document d’orientations et d’objectifs (DOO)
tient compte :
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Selon l’article 151-2 du code de l’urbanisme, le PLU comprend : un rapport de présentation, un projet
d'aménagement et de développement durables (PADD), des orientations d'aménagement et de
programmation (OAP), un règlement et des annexes.
mobiliser effectivement les locaux vacants, les friches et les espaces déjà urbanisés pendant la
durée comprise entre l'élaboration, la révision ou la modification du plan local d'urbanisme.
Ces éléments sont traduits dans les orientations d’aménagement et de programmation (OAP)
qui, selon l’article L. 151-6-1 du code de l’urbanisme, définissent, en cohérence avec le projet
d'aménagement et de développement durables, un échéancier prévisionnel d'ouverture à
l'urbanisation des zones à urbaniser et de réalisation des équipements correspondant à chacune
d'elles, le cas échéant. Puis, le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les
zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger (article 151-9 du code de l’urbanisme).
En l’absence de PLU, les cartes communales devront respecter les mêmes principes prévus
notamment par l’article 161-3 du code l’urbanisme.
Enfin, les délais de mise en conformité des documents de planification et d’urbanisation aux
objectifs de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 ont été rallongés par la loi du 20 juillet
2023. Désormais, les régions auront jusqu’au 22 octobre 2024 pour mettre le SRADDET en
conformité avec la loi ; les communes et EPCI auront jusqu’au 22 janvier 2027 pour modifier
les SCoT et jusqu’au 22 janvier 2028 pour les PLU et les cartes communales.
La première était déjà contenue dans la version initiale de la loi du 22 août 2021.
En effet, l’article 194 de la loi dite Climat et Résilience prévoyait déjà qu’un espace naturel
ou agricole occupé par une installation de production d'énergie photovoltaïque n'est pas
comptabilisé dans la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers dès lors que les
modalités de cette installation permettent qu'elle n'affecte pas durablement les fonctions
écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que
son potentiel agronomique et, le cas échéant, que l'installation n'est pas incompatible avec
l'exercice d'une activité agricole ou pastorale sur le terrain sur lequel elle est implantée.
Ensuite, la loi du 20 juillet 2023 introduit des assouplissements par rapport à celle du 22 aout
2021.
Selon la nouvelle version de l’article 194 de la loi Climat et Résilience, une commune qui est
couverte par un plan local d'urbanisme, par un document en tenant lieu ou par une carte
communale prescrit, arrêté ou approuvé avant le 22 août 2026 ne peut être privée, d'une
surface minimale de consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers. Durant la
période 2021-2031, cette surface minimale est fixée à un hectare.
Pour les communes nouvelles dont l'arrêté de création a été pris après le 1er janvier 2011, une
majoration de la surface minimale de 0,5 hectare, (c’est-à-dire 1,5 hectare en tout), est
appliquée pour chaque commune déléguée. Cette majoration est plafonnée à deux hectares.
Le fascicule du SRADDET
Le 5° du III de l’article 194 modifié prévoit que : « La consommation des espaces naturels,
agricoles et forestiers est entendue comme la création ou l'extension effective d'espaces
urbanisés sur le territoire concerné. Sur ce même territoire, la transformation effective
d'espaces urbanisés ou construits en espaces naturels, agricoles et forestiers du fait d'une
renaturation peut être comptabilisée en déduction de cette consommation. »
La loi du 20 juillet 2023 ajoute un article 211-1-1 au code de l’urbanisme créant un nouveau
droit de préemption pour les communes. Ces dernières pourront délimiter dans leurs PLU des
secteurs qui présentent un potentiel majeur pour l’atteinte des objectifs de la loi ZAN, dans
lesquels la commune pourra préempter. Il s’agira soit d’un terrain qui dispose d’un potentiel
de renaturation, soit d’un espace urbanisé qui peut être réutilisé pour un projet.
Enfin, le code de l’urbanisme (article 424-1) prévoyait déjà que l'autorité compétente pour
délivrer les autorisations d'urbanisme dispose d’un sursis à statuer sur une demande
d'autorisation d'urbanisme. Désormais, l’article 194 de la loi Climat et Résilience
nouvellement rédigé dispose que ce sursis à statuer s’étend aux demandes d'autorisation
d'urbanisme entraînant une consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers qui
pourrait compromettre l'atteinte des objectifs de réduction de cette consommation. Toutefois,
un tel sursis ne pourra pas être opposé à un projet qui prévoit une compensation de la
consommation d’ENAF par une renaturation au moins équivalente.
L’article 3 de la loi du 20 juillet 2023 prévoit que pour la première tranche de dix années, la
consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers résultant des projets d'envergure
nationale ou européenne qui présentent un intérêt général majeur est prise en compte au
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Décret n° 2023-1097 du 27 novembre 2023 relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de
gestion économe de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
niveau national et n'est pas prise en compte au titre des objectifs fixés par les documents de
planification régionale et par les documents d'urbanisme.
Cette consommation est prise en compte dans le cadre d'un forfait national fixé à hauteur de
12 500 hectares pour l'ensemble du pays, dont 10 000 hectares sont mutualisés entre les
régions couvertes par un schéma régional d'aménagement, de développement durable et
d'égalité des territoires, au prorata de leur enveloppe d'artificialisation définie au titre de la
période 2021-2031. En cas de dépassement du forfait national, le surcroît de consommation ne
peut être imputé sur l'enveloppe des collectivités territoriales ou de leurs groupements.
L’article 3 de la loi du 20 juillet 2023 énoncent les différents types de projets d’envergure
nationale et européenne. Ainsi peuvent être considérés comme des projets d'envergure
nationale ou européenne : des travaux déclarés d’utilité publique, de certains projets
industriels, des lignes ferroviaires à grande vitesse, des aménagements de postes électriques
de haute tension, des opérations intéressant la défense ou la sécurité nationales, des opérations
de construction ou de réhabilitation d'un établissement pénitentiaire, la réalisation d'un
réacteur électronucléaire au ainsi que des travaux réalisés sur les grands ports de l’État.