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Biodiversité – Loi industrie verte

Fin de la séquence « ERC » : La compensation s’est-elle imposée ?

I) Le principe de prévention et la séquence ERC


L’article L. 101-1 du code de l’environnement considère la biodiversité comme faisant partie
du patrimoine commun de la nation et en livre une définition : « On entend par biodiversité,
ou diversité biologique, la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les
écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes
écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre
espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants. »
Ce même article pose clairement le principe « ERC » (Eviter, Réduire, Compenser), dont le
concept avait été introduit par la loi du 10 juillet 1976. Il dispose que le principe d'action
préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement (…)
implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en
réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni
réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques
affectées. Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire
tendre vers un gain de biodiversité. »
Si on suit à la lettre cette disposition, l’évitement des atteintes à la biodiversité constitue le
principe, la réduction ou la compensation, les exceptions en cas d’échec du principe.
C’est pourquoi, selon l’article L.122-1 du code de l’environnement, les projets de travaux,
d’ouvrages et d’aménagements, susceptibles d'avoir des incidences notables sur
l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale, qui
comprend une étude d’impact. A minima, l’étude d’impact, selon l’article L. 122-3 du même
code, « comprend une description des caractéristiques du projet et des mesures envisagées
pour éviter, les incidences négatives notables probables sur l'environnement, réduire celles qui
ne peuvent être évitées et compenser celles qui ne peuvent être évitées ni réduites ».
De même, les plans et les programmes définis par l’article L.122-4 du code de
l’environnement, comme « les plans, schémas, programmes et autres documents de
planification élaborés ou adoptés par l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements
et les établissements publics en dépendant » sont soumis à une évaluation environnementale
qui comporte un rapport présentant, selon l’article L. 122-6 du même code, « les mesures
prévues pour éviter les incidences négatives notables que l'application du plan ou du
programme peut entraîner sur l'environnement, les mesures prévues pour réduire celles qui ne
peuvent être évitées et les mesures prévues pour compenser celles qui ne peuvent être évitées
ni réduites ».
Toutefois, le juge administratif, que ce soit au titre de l’évaluation environnementale des
documents d’urbanisme ou des projets ne s’était pas montré très exigeant sur le contenu de
cette séquence ERC, pourtant obligatoire, considérant que la localisation retenue, la démarche
d’évitement du planificateur ou du maître d’ouvrage était suffisante 1. Il semble, aujourd’hui,

1
CAA Nantes, 21 mai 2019, n°17NT039227, CAA Nancy, 17 janvier 2019, n°18NC00069
plus attentif au respect des mesures ERC. Dans une décision du 31 mai 2023 2, la Cour d’appel
administrative a considéré que le préfet avait constaté à juste titre une insuffisance des mesure
ERC d’un projet pour rejeter sa demande d’autorisation environnementale. En l’espèce, le
juge a estimé que « les mesures d'évitement et de réduction proposées par la pétitionnaire ne
permettent pas d'éviter les atteintes à l'espèce busard cendré. »
Si, selon l’article 163-1 du code de l’environnement, les mesures de compensation des
atteintes à la biodiversité ne peuvent pas se substituer aux mesures d'évitement et de
réduction, la récente loi du 23 octobre 2023 dit « Industrie verte » laisse la part belle à la
compensation.
II) La compensation, principal recours aux atteintes à la biodiversité ?
Déjà la loi n°2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité s’était montrée
novatrice en la matière en consacrant un chapitre entier à la compensation dans le code de
l’environnement. L’ancien article L. 163-1 du code de l’environnement prévoyait les prémices
de « banques de compensation » en créant des unités de compensation acquérables par le
maître d’ouvrage : « Toute personne soumise à une obligation de mettre en œuvre des
mesures de compensation des atteintes à la biodiversité y satisfait soit directement, soit en
confiant, par contrat, la réalisation de ces mesures à un opérateur de compensation (…), soit
par l'acquisition d'unités de compensation dans le cadre d'un site naturel de compensation ».
Ce même article poursuivait en précisant que : « Des opérations de restauration ou de
développement d'éléments de biodiversité, dénommées “ sites naturels de compensation ”,
peuvent être mises en place par des personnes publiques ou privées (…), de manière à la fois
anticipée et mutualisée. »
Toutefois, ces « sites naturels de compensation » (SNC) n’ont pas connu le succès escompté
faute de rentabilité. A titre d’exemple, la SNC de Cossure, projet porté par la Caisse de dépôt
et de Consignation Biodiversité, a connu, sur la période 2010-2022, un gain de 11, 9 millions
d’euros au total pour 13 millions d’investissement au départ.
C’est pourquoi la loi du 23 octobre 2023 dit « Industrie verte » va plus loin en créant un
nouvel article L.163-1-A du code de l’environnement et en modifiant l’article L. 163-1
précité.
L’article L. 163-1-A dispose en effet que : « Des opérations de restauration ou de
développement d'éléments de biodiversité peuvent être mises en place par des personnes
publiques ou privées sur des sites dénommés “sites naturels de compensation, de restauration
et de renaturation”. Le gain écologique des opérations (…) est identifié par des unités de
compensation, de restauration ou de renaturation. Ces unités peuvent être vendues par les
personnes (publiques ou privés) à toute autre personne publique ou privée. »
Il précise ensuite que « Toute personne soumise à une obligation de mettre en œuvre des
mesures de compensation des atteintes à la biodiversité (…) peut y satisfaire de manière
anticipée par l'utilisation ou l'acquisition d'unités de compensation, de restauration ou de
renaturation ».

2
CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 31/05/2023, 20BX02053
Un décret viendra préciser les modalités d'agrément et de suivi des sites naturels de
compensation, de restauration et de renaturation ainsi que la nature et les modalités de vente
des unités de compensation, de restauration ou de renaturation.
Le nouvel article L. 163-1-A prévoit donc l’achat et la vente d’unités de compensation par des
personnes publiques ou privées, de manière anticipée. De plus, des « sites naturels de
compensation, de restauration et de renaturation » se substituent aux anciens « sites naturels
de compensation » pouvant donner lieu à l'attribution de crédits carbone au titre du label “bas-
carbone.
La nouvelle rédaction de l’article 163-1 du code de l’environnement précise que « les mesures
de compensation sont mises en œuvre en priorité au sein des zones de renaturation
préférentielle identifiées par les schémas de cohérence territoriale (…) et par les orientations
d'aménagement et de programmation portant sur des secteurs à renaturer (…), lorsque les
orientations de renaturation de ces zones ou secteurs et la nature de la compensation prévue
pour le projet le permettent. »
La compensation apparaît bien au centre des enjeux de lutte contre la perte de biodiversité et
constituera certainement l’outil principal pour répondre à la loi européenne sur la restauration
de la nature3 qui vient de faire l’objet d’un accord entre les colégislateurs européens le 9
novembre dernier et qui prévoit un objectif européen consistant à restaurer au moins 20% des
zones terrestres et 20% des zones maritimes d’ici 2030 et tous les écosystèmes qui en ont
besoin d’ici 2050.

3
Loi sur la restauration de la nature : les députés concluent un accord | Actualité | Parlement européen
(europa.eu)

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