Vous êtes sur la page 1sur 51

MASTER II DROIT DES AFFAIRES

DROIT DE L’ENVIRONNEMENT, DE LA SECURITE ET DE LA QUALITE DANS LES ENTREPRISES

ETUDIANTS AUTEURS
2014-2015 Samia LAGRAF et Raja MOKADDEM
2015-2016 Alexandra LEURS et Nathalie DIEUMEGARD
2016-2017 Ruby SARRIA et Jérôme ROUSSEL
2017-2018 Gabin Cante et Thomas LAURENT
2018-2019 Vassili RODRIGUEZ
2019-2020 Myriam LOUCIF
TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION…………………………………………………………………………………………………………………………………. 1
§I - Définition du droit de l’environnement .................................................................................... 2
§2 - Au regard des notions voisines................................................................................................. 4
§3 - Sur le cadrage de la discipline .................................................................................................. 6
CHAPITRE 1 : LES SOURCES DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT .............................................................. 8
Section 1 : Sources internationales et européennes…………………………...................................................9
§1 - Les sources internationales .......................................................................................................9
§2 - Les sources européennes ........................................................................................... ………….13
Section 2 : Les sources internes ........................................................................................................ 17
§1 - La constitutionnalisation du droit de l’environnement.......................................................... 17
§2 - Les sources législatives et réglementaires ............................................................................. 25
CHAPITRE 2 : LES PRINCIPES EN DROIT DE L’ENVIRONNEMENT ........................................................... 28
Section 1 : Le principe de prévention ................................................................................................ 29
§1 - Les fondements théoriques .................................................................................................... 29
§2 - L’étude d’impact .................................................................................................................... 31
Section 2 : Le principe de précaution ................................................................................................ 37
§1 - Éléments théoriques .............................................................................................................. 38
§2 - Exemple de mise en œuvre : le cas des antennes relais ........................................................ 41
SOMMAIRE ............................................................................................................................................ 46
INDEX..................................................................................................................................................... 48
INTRODUCTION

1
§I - Définition du droit de l’environnement

Selon le rapport du groupement d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC),


l’activité humaine a des effets pervers sur l’environnement et est à l’origine du réchauffement
climatique.

Protéger l’environnement est donc une préoccupation majeure faisant l’actualité en provoquant
les passions et les crispations.

Dès la Conférence de Rio ou Sommet de la Terre de 1992, l’on prend conscience des enjeux
environnementaux ainsi que du développement durable et de la nécessité d’instaurer un cadre
de protection de l’environnement.

Le droit de l’environnement nait de cette prise de conscience et va se construire sur le concept


de la nature lequel regroupe les sites, les paysages, les écosystèmes, les sols, etc. Le droit de
l'environnement appelle donc à la protection et la préservation de la nature incitant à la lutte
contre les nuisances visant l'aménagement de l'espace rural, urbain et du patrimoine culturel.

Cependant, aucun texte juridique français ne définit avec précision la notion de


l’environnement, objet du droit de l’environnement.

Pour le juriste lambda, l’environnement s’entend de l’ensemble des règles qui régulent l’activité
de l’Homme sur son milieu. Le droit français repose sur une conception de l’environnement
tournée vers l’Homme : on parle de conception anthropocentrique.

En effet, la plupart des textes emploient l’environnement dans son sens le plus large en se
référant à des subdivisions environnementales : la nature, l’air, l’eau, le sol, la biodiversité, etc.
Des textes tels que la loi relative à la protection de la nature (10 juillet 1976) et la loi
sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (30 décembre 1996) se rapportent qu’à des
subdivisions de l’environnement en occurrence à la nature, l’air et l’énergie.

2
La protection de l’environnement varie également suivant les enjeux et les subdivisons
concernées. En effet, les dispositifs et mesures de protection diffèrent selon que l’on veuille
protéger des subdivisions vitales (l’air, l’eau, le sol, …) ou des espèces animales ou végétales.

De même lorsque la vie humaine est en jeu, les dispositifs et mesures sont plus importants et la
protection de l’environnement plus accrue et étendue.

Par ailleurs, la protection de l’environnement tient compte des autres intérêts protégés.
Le droit de l’environnement est ainsi concilié avec les intérêts tenant à l’économie, la
propriété,… Toutefois, en cas de conflit, le juge se réfère à la théorie du bilan coût-avantages
(Conseil d'État, Assemblée, 28 mai 1971, Ville Nouvelle-Est).

L’appréhension de la matière nécessite de s’intéresser à la compréhension de la notion de


l’environnement. La notion de l’environnement est saisie au regard de notions voisines en raison
de sa complexité.

3
§2 - Au regard des notions voisines

L’environnement et l’écologie :

La distinction entre ces deux notions réside dans leur objet respectifs. En effet, l’écologie a pour
objet l’étude des écosystèmes. Née au 19ème siècle, l’écologie est une science transdisciplinaire
s’intéressant aux relations des êtres vivants (espèces animales et végétales) avec leur milieu
excepté celles de l’Homme. A contrario, l’objet de l’environnement recouvre les interactions de
l’Homme avec son milieu (artificiel comme naturel).

L’environnement sain :

Cette terminologie fait référence à une conception progressiste de l’environnement mettant en


perspective la question de la protection de l’environnement sous divers angles. Il est considéré
comme une condition préalable à la réalisation d'autres droits humains, dont le droit à la vie, à
l'alimentation, à la santé et à un niveau de vie suffisant.

La qualité de vie :

La différenciation tient au fait que la qualité de vie est une notion plus étendue que celle de
l’environnement traduisant une prise en compte à la fois du milieu physique que des milieux
économiques et sociaux. Elle est usitée généralement dans la littérature économique, lors des
questions touchant aux droits humains et rapprochée du droit au bien-être.

La nature :

Concept imprécis, la nature se rapporte aux sites, aux paysages, aux écosystèmes, les sols,... Elle
présente un aspect métaphysique presque sacré et servira à la construction du droit de
l’environnement.

Le cadre de vie :

Cette notion fait référence à une conception plus restrictive de l’environnement notamment
architecturale et urbanistique.

4
Le développement durable :

Cette notion traduit l’idée que l'économie et l'environnement convergent et que la recherche
de la croissance économique ne doit provoquer l’altération de l’environnement. Autrement dit,
le développement durable indique que les ressources vivantes ne doivent pas être ponctionnées
à un point tel qu’elles ne puissent, à moyen ou à long terme, se renouveler. Le développement
durable consacre la nécessité de satisfaire les besoins en développement et en santé des
générations présentes sans porter atteinte à la capacité des générations futures à répondre aux
leurs.

Le droit de l’environnement a vocation à intégrer différents domaines. On peut parler de


concentricité donc du droit de l’environnement à l’image des cercles concentriques.

L’on note un premier cercle formé par le droit de la nature constituant le noyau dur et un
deuxième cercle avec le droit de l’urbanisme, le droit rural, le droit de la santé,... Enfin, un
troisième cercle comprenant les droits relatifs à l’économie, au sport, au travail,…

5
§3 - Sur le cadrage de la discipline

Le droit de l’environnement repose sur les grands principes de droit administratif.


La police administrative joue un rôle prépondérant dans la mise en œuvre du droit de
l’environnement. Il convient alors de rappeler les fondements de la police administrative.

La police administrative est une activité de l'administration publique dont la finalité est le
maintien de l'ordre public, soit en prévenant les atteintes, soit en y mettant fin dans le respect
des libertés. Elle a pour objet de veiller au maintien de l’ordre de public désignant l’ensemble des
règles impératives régissant les rapports sociaux afin de préserver la sécurité, la salubrité et la tranquillité.
Elle présente donc un caractère essentiellement préventif.

On distingue deux types de polices administratives :

• La police administrative générale : elle a toujours pour objet la préservation de l’ordre public
et existe même en l’absence de texte. Elle intervient en mesurant la nécessité et la
proportionnalité de la mesure. Elle existe même sans texte.

• La police administrative spéciale : elle vise également le maintien de l’ordre public mais pas
uniquement et permet d’intervenir dans des situations spécifiques en conférant des pouvoirs
autres que ceux relevant de la police administrative générale. Elle nécessite l’intervention du
législateur car il y a une atteinte aux libertés individuelles.

Le maire est compétent en matière de police générale tandis que les pouvoirs de police spéciale
appartiennent aux préfets et aux ministres compétents.

Il est à se demander si ces deux polices peuvent se concurrencer ? La jurisprudence admet que
l’existence d’une police administrative spéciale n’empêche pas le recours à une police générale, ,
la police générale peut intervenir même s’il existe une police spéciale (Conseil d’Etat, 1959,
affaire des films Lutétia).

6
Cependant, en matière environnementale, les polices spéciales excluent la police générale sauf
en cas de péril imminent sur la base du principe de l’exclusivité des polices. Comme on peut
l’observer en matière de déchets, ICPE, OGM, téléphonie,…

Le droit de l’environnement repose est particulier en cela. Bien que s’appuyant sur des principes
de droit administratif , il procède à ses propres adaptations.

Par ailleurs, le droit de l’environnement crée des outils nouveaux. A titre d’exemple, le droit de
l’environnement a importé en droit français des outils tels que l’évaluation préalable et les
études d’impacts permettant de jauger les conséquences d’un projet sur l’environnement.

Ces derniers servent à évaluer les répercussions de toutes natures, notamment


environnementales d'un projet pour tenter d'en limiter, atténuer ou compenser les impacts
négatifs. De même, l’on peut observer la consécration de principes nouveaux tel que la
participation du public à la prise de décisions ayant des incidences sur l'environnement.

7
CHAPITRE 1

8
CHAPITRE 1 : LES SOURCES DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT

Le droit de l’environnement repose sur deux sources principales à savoir : les sources
internationales et européennes (section 1) et le droit interne (section 2).

Section 1 : Sources internationales et européennes

§1 – Les sources internationales

Le droit de l’environnement est influencé par le droit international. Ce dernier constitue la


première source du droit de l’environnement. Les sources internationales sont ainsi multiples
mais ne revêtent pas de caractère obligatoire.

Déjà au 19ème siècle émerge des conventions internationales et le droit international de


l’environnement va commencer à apparaître. On peut citer la convention sur la protection des
phoques à fourrure dans le détroit de Bering en 1983.

L’acte de naissance du droit de l’environnement découle du Sommet des Nations Unies tenu à
Stockholm en Suède en 1972. Celà dans un contexte d’après-guerre réceptif à la cause
environnementale. Il a regroupé 113 Etats et près de 6000 représentants.

Les résultats de ce Sommet aboutissent essentiellement à l’adoption d’une Déclaration de 26


principes (déclaration de Stockholm) et d’un Plan d’action de 109 recommandations. Dans le
préambule de la Déclaration, l’on reconnait que « l’Homme est à la fois créature et créateur de
son environnement ».

Ce qui traduit l’idée que l’homme arrive à un niveau de progrès qui lui confère la capacité d’agir
sur son environnement. Les atteintes humaines portées à l’environnement attestent de ce
constat. La responsabilisation des citoyens et des collectivités s’avère donc impérative pour
assurer la protection et la mise en valeur de l’environnement.

9
La Déclaration de Stockholm pose le principe suivant : « La liberté est un droit fondamental pour
l'Homme, l'égalité et des conditions de vie satisfaisantes aussi, dans un environnement dont la
qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Il doit protéger et améliorer
l'environnement pour les générations actuelles et futures ».

Dans les années 80, l’on observe à l’éclosion d’un mouvement politique contestataire du nom des
« Verts » dont l’idéologie repose sur l’environnement considéré comme un enjeu majeur sociétal.
En 1987, la commission mondiale de développement durable établit le rapport dit « Brundtland »
lequel contribue à l’émergence du développement durable.

Pour la première fois, il sera admis que le développement et l’environnement ne sont point
contradictoires. Des solutions aux problèmes environnementaux globaux sont alors proposées en
tenant compte des impératifs de développement.

En 1992, le Sommet de la Terre est organisé à Rio de Janeiro et donnera lieu à trois (3)
instruments non-obligatoires :

• une déclaration « dite de Rio » qui énonce des principes généraux


• un programme d’action « Agenda 21 » destiné à promouvoir le développement durable
• une déclaration sur les forêts

En outre, ce Sommet aboutit à deux conventions cadres :

• une première convention sur la diversité biologique


• une autre convention sur les changements climatiques qui entrera en vigueur deux années plus
tard en 1994

Ce Sommet est porté par des ambitions inspirées du modèle du pacte international sur les droits
civiques et politiques de 1966. Cependant, il est plus marqué par une conciliation du
développement durable et de la protection de l’environnement que par des actions tangibles.
En effet, la Déclaration de Rio est dépourvue de portée contraignante s’apparentant plus à une
litanie de vœux pieux qu’à un véritable texte.

10
En 1997, le Sommet de Rio sera suivi de l’adoption du Protocole de Kyoto. Il s’agit d’un système
international d’échange de droit à polluer. Ce protocole marque la reconnaissance mondiale de
l’importance de la protection juridique de l’environnement. Il donne le ton à l’évolution de la
réglementation internationale en faveur d’une protection plus intégrale de l’ensemble des
secteurs de l’environnement.

Certains principes émergeront tels que : le principe pollueur-payeur, le principe de participation


des citoyens aux questions environnementales…

En 2002, le Sommet de Johannesburg est organisé par les Nations des Unies. Il vise à faire le bilan
dix (10) ans après le Sommet de Rio. Ce Sommet fait suite à la constatation de ce que la forêt
tropicale régresse, que les inégalités nord/sud s’accroissent et que les gaz à effet de serre (GES)
continuent de croitre annuellement.

Dans le cadre du Sommet de Johannesburg, des évolutions notables sont à relever notamment
dans la manière d’appréhender les enjeux environnementaux. L’on observe à une extension des
acteurs originels que sont les institutions et les représentants étatiques. C’est la première fois que
la société civile est associée à une conférence internationale et considérée des acteurs à part
entière.

En 2009, une renégociation de l’accord de Kyoto est engagée dans le cadre du Sommet de
Copenhague (Danemark) par 192 Etats. L’objectif est d’aboutir à un accord international de lutte
contre le changement climatique et de réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon
2050. Malheureusement, le Sommet de Copenhague n’a pas eu l’effet escompté car l’accord signé
n’est point contraignant. Aucun objectifs quantitatifs n’étant fixés, il n’y a pas de date butoir ni
d’engagement quantitatif précis.

En décembre 2010, le Sommet de Cancun renforce les bases de l’accord précédent en incluant de
nouveaux pays Chine, Inde, Etats- Unis (les plus polluants) dans l’objectif de réduire en 2015 les
émissions de gaz à effets de serre et de limiter les températures à 2°C en moyenne. Cependant,
aucun changement notable n’est à relever car les mesures ne sont pas contraignantes.

11
Il en résultera la tenue du Sommet sur le climat le 23 septembre 2014, au siège des Nations Unies
à New-York. A l’occasion, le secrétaire général Ban Ki Moon a appelé les dirigeants du monde à se
mobiliser et à adopter des mesures concrètes pour lutter contre les changements climatiques.

En 2015, le GIEC a rendu un rapport qui alerte sur la problématique du réchauffement climatique
dont les causes restent discutables. L’idée est de limiter les hausses de températures à 2°C afin de
pallier les préjudices irréparables à la planète.

Il s’ensuivra en 2015 les COP 21 (Paris) et 22 (Marrakech). La COP 21 aboutira le 12 décembre 2015
à l’adoption de l’accord de Paris qui compte un préambule et 29 articles dont certains revêtent
une importance capitale notamment les articles 2 et 3 :

L’article 2 : prévoit ainsi une baisse de la température globale à 2°C et une limitation de la hausse
globale des températures à 1,5 °C. L’objectif visé est de s’adapter aux changements climatiques et
de développer des finances vertes. Cet article met l’accent sur le respect du principe d’équité et
du principe des responsabilités communes en prenant en considération les spécificités des
contextes nationaux.

L’article 3 : entérine le principe de progression et reconnait les besoins des pays en développement
en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Une différenciation des efforts est prônée
suivant les pays.

Dans ce contexte, les pays du nord ont promis aux pays du sud des aides financières afin de solder
leurs dettes climatiques. Un montant de 100 milliards de dollars par an est annoncé mais n’obtient
pas l’assentiment de certains pays du Sud. Il s’agit d’un plancher ajustable dans le temps.

L’échéance fixée initialement à 2020 est renégociée à 2025 avec un mécanisme de révision prévue
tous les 5 ans.

Une interrogation demeure quant à l’efficacité des textes internationaux en raison de leur pluralité
et de leur absence de force contraignante. L’inexistence de sanctions proprement dite et d’organe
de surveillance au plan international dénote de la relativité de l’efficacité des sources
internationales du droit de l’environnement.

12
§2 - Les sources européennes

Au nombre des sources européennes du droit de l’environnement, on distingue le droit de


l’Union européenne et de la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme). Ceux-ci
se caractérisent par une primauté et une applicabilité directe en droit interne.

L’existence d’une protection environnementale au plan européen est justifiée au regard de


l’insuffisance du cadre juridique interne et de la nécessité d’une protection globale à l’échelon
européen.

I. Le droit de l’Union européenne

L’ étape décisive dans la construction du droit de l’environnement européen reste l’adoption de


l’Acte unique européen en 1986.

La construction du droit de l’environnement au plan européen est ainsi retracée :

Première étape : Le pragmatisme interdisait un certain nombre d’idéologies et dans les années
50, les préoccupations environnementales étaient absentes excepté celles relatives à
l’EURATOM. Un chapitre est dédié à la protection sanitaire et la protection des citoyens.
L’ambition première était à la reconstruction de l’Europe et de la paix.

Au départ dans le traité de l’Homme il n’y a rien sur l’environnement car ce n’est pas la
préoccupation première des pères fondateurs. Il faut attendre l’Acte unique européen pour que
les instances communautaires bénéficient d’une base d’intervention précise en matière
environnementale.

Ce qui est important est que cet Acte unique fait de la protection de l’environnement une
politique communautaire avec une exigence transversale axée sur des objectifs fixés aux Etats :
« Les exigences en matière d’environnement sont une composante des autres politiques de la
communauté ».

13
La protection de l’environnement tient lieu donc d’objectif général avec des objectifs spéciaux telle
la protection de la santé des personnes et la préservation des ressources naturelles.

Deuxième étape : Avec l’adoption des traités de Maastricht (1992), d’Amsterdam (1997) et de
Nice (2000), l’on va ériger l’action environnementale au rang de politique européenne. Le principe
de précaution est consacré pour la première fois.

Le Traité de Nice initie la décision à majorité qualifiée dans le domaine de l’environnement. En


outre, la référence au développement durable devient un véritable objectif politique de l’Union
européenne lequel doit inspirer toutes les politiques communautaires.

Une aide de 300 millions a été prévue à cette fin pour permettre aux Etats membres de l’Est
d’adapter leurs objectifs environnementaux.

Troisième étape : Elle est marquée par l’adoption du traité de Lisbonne en 2007 et de la Charte
des droits fondamentaux de l’Union européenne signée et ratifiée par la France en 2008. Ces
textes ne se substituent pas aux traités existants mais les complètent.

Ils constituent une évolution dans le renforcement de la protection de l’environnement.


La Charte des droits fondamentaux compte deux articles majeurs : l’article 35 (protection de la
santé) et l’article 37 (protection de l’environnement).

La Charte à une valeur reconnue qui est contraignante comme un Traité : il y a des articles
importants relatifs notamment à protection de la santé et de l’environnement. A travers la
primauté du droit de l’union et l’effet direct du droit de l’union, le droit européen est plus
applicable que le droit international.

14
II. La protection du droit de l’environnement dans la CEDH

La Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) ne comprend pas de dispositions


dédiées à la protection de l’environnement. La Cour EDH fait donc une interprétation des articles
de la Convention pour arriver à un degré de protection de l’environnement.

Certaines dispositions de la CEDH peuvent être liées à l’environnement tels l’article 2 (droit à la
vie), l’article 8 (droit à une vie privée), le protocole 1 (la propriété).

Par exemple, l’article 8 dispose que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et
familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

La Cour EDH se fondant sur ces articles parvient à sanctionner les atteintes des Etats à leur
obligations en matière environnementale et par la même des mesures positives en faveur de la
protection de la vie privée et du respect du domicile (article 8 CEDH).

- Arrêt Powell et Rayner vs Royaume Unis, 21 février 1990, dans lequel il fait application pour la
première fois de l’article 8.

- En 1994 Arrêt Lopez Ostra du 21 décembre 1994 : La Cour reconnait que les atteintes à
l’environnement peuvent affecter le bien-être de la personne.

- Arrêt Deés vs Hongrie, 9 novembre 2010, l’affaire concernait les nuisances (bruits, pollution,
vibrations, odeurs) causées à un riverain par la circulation routière intense dans sa rue, située
non loin d’un péage d’autoroute.

La Cour condamne la Hongrie pour manquement à l’article 8 de la convention (droit à une vie
privée) mais reconnaît que l'Etat hongrois avait déjà fait des efforts pour limiter la circulation et
réduire lesdites nuisances. Toutefois, la Cour juge que les mesures prises sont insuffisantes en
l’espèce et condamne l’Etat Hongrois à verser 6 000 € au requérant au titre de préjudice moral.

15
Pour ce faire, la Cour opère un contrôle étendu de proportionnalité des mesures prises par les
autorités publiques pour réduire les nuisances subies par les riverains des infrastructures de
transports.

En l’espèce, le raisonnement adopté par le juge est particulièrement intéressant. Bien qu’elle
reconnait, que les autorités publiques aient pris des mesures pour réduire les nuisances, elle
constate néanmoins que ces dernières nécessitent des mesures supplémentaires. Par conséquent,
la Cour attend donc des mesures positives suffisantes. C’est l’efficacité de la protection de
l’environnement qui est attendue par la Cour.

16
Section 2 : Les sources internes

En France, il est à observer que la constitutionnalisation du droit de l’environnement s’est opérée


de manière lente conduisant à l’adoption de la Charte de l’environnement en 2004.

§1 - La constitutionnalisation du droit de l’environnement

I. Le processus de constitutionnalisation de l’environnement

L’introduction de la protection de l’environnement dans la Constitution française s’est réalisée


tardivement par comparaison à d’autres Etats européens. En effet, dès 1972, la Constitution du
bloc soviétique consacrait la protection de l’environnement (la Grèce en 1975, l’Espagne en
1978, la Pologne en 1997, la Suède et la Roumanie en 2003).

En France, une réelle prise en compte de la protection de l’environnement a débuté avec la loi
Barnier de 1995 qui pose les grands principes du droit de l’environnement. En 2002, le président
Chirac diligente une commission (de 18 membres) issue principalement de la société civile dont
2 juristes et 2 sénateurs pour envisager la question. On va alors envisager l’ajout d’un nouvel
article dans la Constitution. D’où une proposition de révision de la constitution afin d’y intégrer
la problématique de l’environnement.

Il en résultera la Charte de l’environnement élaborée en 2004 et adossée à la Constitution en


2005 avec la loi constitutionnelle du 1er mars 2005. La Charte de l’environnement n’est donc
pas introduite à la Constitution.

17
II. Le contenu de la Charte de l’environnement

Le contenu de la Charte de l’environnement a fait l’objet d’une présentation par le professeur


Michel Prieur dans un article intitulé « la constitutionnalisation de la charte de l’Environnement
». La Charte de l’environnement y est présentée comme une charte à 4 tiroirs :

1. Le premier tiroir : tiroir sans fond : il comprend le préambule et les 7 considérants.


Ce premier tiroir pose le fondement universaliste et humaniste de la Charte en référence
presque au caractère universel des droits proclamé dans la Déclaration de 1789. Le préambule
comporte des formulations de principes (3) comme l’environne- ment est un patrimoine
commun de l’humanité, la préservation de l’environnement est au même niveau que la
préservation des autres droits, le développement durable doit également être assuré. Les
principes figurant dans ce préambule sont des guides d’interprétation pour le juge en ce qui
concerne l’application des droits et devoirs évoqués.

2. Le second tiroir : tiroir normatif : Prieur range les articles 1 (droit), 2 (devoir) et 7
(participation du public) qui consacrent le droit à un environnement sain. Il
découle que les droits sont accompagnés du devoir général de préserver et d’améliorer
l’environnement. Cela implique la création d’un régime de sanction pénale afin de permettre
la reconnaissance d’un délit général d’atteinte à la préservation de l’environnement.

3. Le troisième tiroir : devoirs spécifiques : comprenant 4 principes considérés à la fois


comme des droits : la prévention (article 3) avec des outils spécifiques (étude d’impact..), la
précaution avec l’incertitude scientifique (article 5), la réparation (article 4) et la promotion
du développement durable (article 6).

4. Le quatrième tiroir : principes déclaratifs : ce sont des principes a priori sans portée
normative directe mais qui peuvent avoir un effet utile (articles 8, 9 et 10).

18
III. La question de l’effet direct de la Charte de l’Environnement

A) Le refus initial de la jurisprudence administrative et Constitutionnelle

La question de l’invocabilité de la Charte de l’environnement sera abordée. Au départ les


jurisprudences constitutionnelle et administrative ne tranchent pas la question. La Charte ne
bénéficiait ainsi d’aucune applicabilité par les juridictions. En 2005, le Conseil constitutionnel
refusait déjà de faire application de la Charte notamment son article 6. Il aura fallu 2006 pour
que le Conseil d’Etat pour la première fois reconnaisse l’invocabilité de la Charte.

C’est dans l’arrêt Conseil d’Etat, Association Eaux et rivières de Bretagnes, 19 juin 2006 que le
juge administratif clarifie la portée juridique de la Charte.

En l’espèce, l’association soutenait que l’arrêté ministériel harmonisant les règles techniques
applicables à divers élevages étaient contraires aux articles 1, 2 et 6 de la Charte.
Le rapporteur public va rendre des conclusions très explicites. Il considère que : « ces dispositions
posent des droits et des principes qui nécessitent, pour produire leur plein effet, l’intervention
de mesures législatives d’application. Leur énoncé est en effet trop peu précis et trop peu
impératif pour que ces dispositions soient d’applicabilité directe. »

Le conseil d’Etat va suivre l’avis de son rapporteur en considérant que les ’articles 1, 2 et 6
n’auront pas d’application directe.

En droit public il y a deux grands types de référé (liberté et suspension), le référé liberté (atteinte
grave et manifestement illégal à une liberté fondamentale + urgence) qui permet de demander
au juge de suspendre la situation pour protéger une liberté. On demande donc au juge de
reconnaître que le droit à un environnement sain est une liberté fondamentale. A ce titre le
Conseil d’Etat a été saisi pour savoir si le droit à l’environnement constitue ou non une liberté
fondamentale au sens de l’article L521-2 du CJA.

19
Dans une autre affaire, des requérants vont devant le juge des référés pour interdire des
technival (manifestations festives inopinées conduite par des jeunes pour se réunir). Le préfet a
refusé de mettre fin à ces manifestations festives et les requérants vont devant le juge
administratif des référés. Il aurait fallu reconnaître l’urgence et une atteinte grave et
manifestement illégale sur le plan de la Charte de l’environnement. Le juge administratif doit
considérer que le droit à un environnement sain soit considéré comme une liberté fondamentale
au sein du CJA. Le TA de Chalons en Champagne considère que l’article 1 constitue une liberté
fondamentale au sens du CJA. D’autres tribunaux vont pourtant rendre des avis divergents.

Le CE sera alors saisi pour savoir si le droit à un environnement sain constitue ou non une liberté
fondamentale au sens de l’article L.521-2 du Code de Justice Administrative. Dans un arrêt du
11 mai 2007, le CE est saisi dans un litige relatif à un rallye traversant un site Natura 2000 où des
associations demandent au juge dans le cadre d’un référé de prononcer l’arrêt du rallye.
Cependant, le CE va décider que les conditions du référé ne sont pas remplies et que l’urgence
n’est pas déterminée sans se prononcer sur la valeur juridique de la Charte.

20
B) La reconnaissance de l’invocabilité de la Charte de l’environnement par le Conseil d’Etat et
le Conseil Constitutionnel

La reconnaissance de l’invocabilité de la Charte de l’environnement n’est intervenue qu’en 2008


au travers de décisions du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’Etat reconnaissant la place et la
valeur de la Charte.

Dans une décision du Conseil constitutionnel du 19 juin 2008 sur la loi relative aux organismes
génétiquement modifiés – OGM), le Conseil constitutionnel clarifie la question au sens de la
constitution. En effet, ce dernier devait se prononcer sur la constitutionnalité de la loi OGM et sur
le grief tiré de la méconnaissance du principe de précaution et de la méconnaissance du droit à
l’information et la participation du public au regard des articles 5 et 7 de la Charte.

Dans les considérants 18 et 49, le Conseil déclare que l’ensemble des droits et devoirs de la Charte
ont valeur constitutionnelle allant au-delà des simples article 5 (invocable directement)
et 7 (nécessite une intervention législative la notion de participation et d’information du public).

En 2008 également, le Conseil d’Etat dans son arrêt commune d’Annecy du 3 octobre 2008 rend
une décision importante laquelle confirme la décision précédente du Conseil Constitutionnel. La
question en jeu est celle de l’articulation entre la loi montagne et la loi littoral. En effet, les champs
d’application de ces deux lois pouvaient se rencontrer notamment lorsqu’un lac montagne a une
superficie supérieure à 1000 hectares. La double législation pose ainsi problème.

De manière concrète, on a une loi qui est intervenue qui prévoit que « doivent intervenir par décret
des décisions de délimitation en vue d’arrêter pour les lacs de montagne un secteur dans lequel
s’applique uniquement la loi littoral et au-delà de ce secteur uniquement la loi Montagne ».
On renvoie donc à un décret l’organisation de ces délimitations. Dans cet arrêt, ce qui est attaqué
est ce décret pris en application de la loi. Ce décret insère 4 nouveaux articles dans le Code de
l’urbanisme qui ont pour objet de fixer les modalités procédurales de ces décisions de délimitation.
Il est donc prévu de recourir à une enquête publique. Le CE reconnaît l’invocabilité de la charte et
accepte de vérifier que le décret est conforme à la constitution. Le CE décide que l’ « ensemble des
droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement ont valeur Constitutionnelle ».

21
Pour fixer les conditions et limites de l’application de l’article 7, c’est au législateur d’intervenir et
le CE considère qu’il y a une incompétence négative de la part du pouvoir réglementaire dont
l’intervention était illégale.

L’article L.145-1 du code de l’urbanisme sera complété sur les dispositions relatives à la loi
montagne par un alinéa en vertus duquel il est prévu que doivent intervenir par décret des
décisions de délimitation en vue d’arrêter pour les lacs de montagnes un secteur dans lequel
s’applique uniquement la loi littorale et au-delà de ce secteur uniquement la loi montagne.

Il s’agit donc d’un décret d’application de la loi qui insère 4 nouveaux articles R.145-11 à -14 qui
ont pour objet de fixer les modalités procédurales. Malgré les réticences, le CE rappelle la
compétence du législateur en ce qui concerne la fixation de principes du droit de l’environnement
et en l’occurrence le principe de l’information et de la participation du public et annule le décret
concerné.

L’on retient que la Charte est invocable par les particuliers tantôt directement et parfois requiert
l’intervention du législateur. De nouvelles précisions sont apportées par les deux juridictions :

- Conseil Constitutionnel, 8 avril 2011, QPC Michel Z et autres :

Première QPC par laquelle est saisi le CC au sujet de la Charte de l’environnement. Dans cette
affaire, les requérants contestent une disposition du Code de la Construction et de l’Habitation
(C.C.H) en occurrence l’article L112-16 : « les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par
des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou
aéronautiques, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au
bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou
la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces
activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur
et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions. ».

Autrement dit, l’article consacre l’exonération des auteurs de nuisances générées par l’exercice
d’activités agricoles et industrielles (dans certaines conditions) empêchant donc les riverains de
prétendre à des réparations en raison de troubles de voisinage lorsque ces nuisances étaient
antérieures et que les activités sont exercées conformément aux lois.
22
En l’espèce, les requérants soutenaient que cet article était contraire à la charte de
l’environnement (articles 1 et 4), et qu’il n’était pas protecteur de l’environnement. Il est question
de la théorie de la préoccupation.

Le Conseil va préciser que son contrôle a posteriori des lois s’exerce aussi sur les éléments de la
Charte de l’environnement. Dans cette décision le Conseil Constitutionnel juge que les articles 1 à
4 énoncent des principes invocables dans la procédure de QPC, et précise qu’il découle des articles
1 et 2 que chacun est tenu à une obligation de vigilance à l’égard des atteintes à l’environnement.

Le Conseil constitutionnel précise que le principe de pollueur/ payeur est tiré de ce devoir de
vigilance. Les articles 1 à 4 de la Charte renvoient à la loi le soin de déterminer les conditions de
participation de chaque personne à la prévention et à la réparation des dommages à
l’environnement. Il va estimer que le législateur n’a pas adopté des dispositions non conformes à
la Charte, elles sont donc constitutionnelles.

Le CC a par la suite été saisi de la question de savoir si l’on pouvait invoquer, à l’appui d’une QPC,
les dispositions du préambule de la Charte de l’environnement. Le CC décide que toutes les
dispositions de la charte ont valeur constitutionnelle mais toutes n’instituent pas un droit ou une
liberté que la Constitution garantit et ne peuvent être invoquées à l’appui d’une QPC. Le CC indique
que les 7 alinéas qui précédent les articles de la Charte ont valeur constitutionnelle mais aucun
d’eux n’instituent un droit ou une liberté que la Constitution garantit (idem pour l’article 6 de la
Charte de l’environnement _Décision n°2014-394 QPC).

Le CC a reconnu que l’article 1er a une valeur normative en lien avec l’article 2 et l’obligation de
vigilance s’impose à l’ensemble des personnes et non pas seulement aux autorités publiques
(arrêt Michel Z). Cette obligation de vigilance peut fonder, lorsqu’elle est méconnue, une action
en responsabilité. Cette action en responsabilité repose sur la faute de l’auteur des dommages à
l’environnement. L’obligation de réparer qui peut en résulter n’a donc ni le même fondement ni la
même nature que l’obligation de « contribuer à la réparation des dommages » qui résulte de la
mise en œuvre, par le législateur, de l’article 4 de la Charte.

23
Le CC a rendu de nombreuses décisions sur l’invocabilité de l’article 7 et il a, par exemple, censuré
les dispositions relatives à la publication du projet de décret de nomenclature pour les installations
qui n’assuraient pas la mise en œuvre du principe de participation du public (Décision 2011 – 183
et 184 du 14 octobre 2011).

Dans une décision du 7 mai 2014 : « toutes les dispositions de la charte ont une valeur
constitutionnelle mais toutes n’instituent pas un droit ou une liberté que la constitution garantit
et ne peuvent donc être invoquée à l’appui d’une QPC ». Le Conseil Constitutionnel adopte le
même raisonnement lorsqu’il est saisi d’une autre QPC relative à l’invocabilité de l’article 6 sur le
développement durable.

24
§2 - Les sources législatives et réglementaires

I. Les sources législatives

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a réformé le cadre législatif relatif à


l’environnement. L’article 34 de la Constitution va disposer que la loi détermine les principes
fondamentaux en matière de préservation de l’environnement. Cet article 34 définit la loi
et délimite la compétence du législateur à la différence de l’article 37 qui détermine le
domaine règlementaire.

L’action du Parlement est ainsi renforcée en matière environnemental. Le Conseil d’Etat


comme le Conseil constitutionnel rappellent cette compétence de la loi en matière de
détermination des principes fondamentaux de l’environnement.

Il va en résulter des avancées notamment :

- Sur un plan quantitatif : Cela se traduit par un accroissement du nombre de lois relatives
aux différents secteurs de l’environnement : loi sur les déchets de 1975, loi sur les déchets
radioactifs (1991), loi sur les ICPE de 1976, loi sur la protection de la nature de 1976, …

L’on observe une véritable prolifération normative en matière environnemental conduisant à


la codification et à des réformes. On peut citer également la loi du 3 août 2009 désignée
« Grenelle de l’environnement » qui procède d’une novation législative.

L’on veut faire du droit de l’environnement autrement. En effet, l’adoption de la présente loi a
donné lieu pour la première fois à une consultation publique laquelle instaure un dialogue entre
les élus locaux, les représentants de l’administration et les ONG de protection de
l’environnement. Ce qui aboutit à près de 273 engagements pris par les parties prenantes au
Grenelle I. La loi comporte près 57 articles dont 1/3 concerne la lutte contre le changement
climatique avec des orientations. On parle de loi de programmation.

Il s’ensuit la loi grenelle II du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.
La loi grenelle II décline la loi grenelle I, par objectif, chantier, et secteur visant ainsi sa mise en
œuvre.
25
- Sur le plan qualitatif : L’article 34 de la Constitution va contribuer ainsi à énoncer des principes
solennels dans le domaine de l’environnement au travers de différentes lois : loi sur la protection
de la nature (1976), la loi sur les ICPE (1976), la loi Barnier (1995). L’on peut relever le principe de
participation et d’information du public.

26
II. Les sources réglementaires

A) La jurisprudence

La jurisprudence constitue une source importante du droit de l’environnement. En cela, l’apport


du juge administratif est considérable. Un effort d’adaptation des notions classiques du droit
administratif aux préoccupations environnementales est réalisé par le juge (exemple de la
notion d’ordre public, décliné sous l’appellation d’ordre public écologique). Le juge judiciaire a
aussi pu adapter la notion classique du préjudice aux préoccupations environnementales
(reconnaissance du préjudice écologique).

Cependant, le juge est confronté à diverses contraintes. L’on relève les contraintes tenant à la
technicité des dossiers. Il est à indiquer également que le juge ne dispose pas toujours des
compétences lui permettant de trancher les litiges afférents au domaine de l’environnement.
Ce qui explique le recours à l’expertise dans les contentieux environnement.

En outre, le juge est souvent amené à faire face à des pressions, d’autant qu’il ne rend pas de
décisions en vase clos. Toutes les décisions, en matière environnementale, sont prises en
fonction d’un contexte économique et social qui influence ses choix. Il n’est pas obligé de
s’appuyer uniquement sur des notions prétoriennes pour nuancer sa décision. Il va aussi prendre
en compte des notions d’autres droits qui se rapprochent à la situation donnée

Il faut souligner les dangers inhérents au pouvoir du juge, le principal danger tient à l’ambigüité
du droit de l’environnement que l’on peut qualifier de droit mou. Cela signifie que l’on ne sait pas
toujours s’il est du droit à proprement parlé ou si c’est une sorte de cadre général, et c’est là
que le juge administratif doit se débattre.

La question qui se pose aussi en droit de l’environnement est la question du gouvernement des
juges et la crainte de voir le juge se substituer à l’administration dans les décisions qu’il prend.
Cela peut se voir à travers deux exemples sur la question de l’intensité du contrôle du juge.
Face à des décisions prises dans le champ de l’environnement, la question se pose de savoir avec
quelle pertinence le juge administratif peut se livrer à un contrôle restreint ou approfondi ?

27
CHAPITRE 2

28
CHAPITRE 2 : LES PRINCIPES EN DROIT DE L’ENVIRONNEMENT

Le droit de l’environnement repose sur des grands principes consacrés par le législateur
notamment avec la loi Barnier du 2 février 1995 et repris à l’article L.110-1 du Code de
l’environnement. Il s’agit des principes de précaution, prévention, de pollueur-payeur,
de non-régression,…

Section 1 : Le principe de prévention

§1 - Les fondements théoriques

Le principe de prévention anticipe les préjudices à l’environnement. La prévention consiste donc


à empêcher la survenance d'atteintes à l'environnement par des mesures appropriées dites
préventives. On parle aussi d’action anticipatrice.

L'action préventive est une action anticipatrice et a priori préférée aux mesures a posteriori du
type réparation, restauration ou répression qui interviennent après une atteinte avérée à
l'environnement.

Le principe de prévention tira sa source dans 2 conventions internationales et 3 directives :

• la Convention Aarhus de 25 juin 1998

• la Convention d’Espoo du 25 février 1991

• la directive du 27 juin 1985 sur l’étude d’impact

• la directive du 28 janvier 2003 qui modifie celle de 85

• la directive du 27 juin 2001 sur les plans et programmes.

En matière de prévention, le droit de l’environnement se révèle avant-gardiste. En effet,


l’obligation d’évaluation environnementale est déjà consacrée depuis 1976 avec la loi sur la
protection de la nature laquelle sera codifiée à l’article L.110-1 du Code de l’environnement.

29
Le présent article L.110-1 - II-2° du Code de l’environnement prévoit : « Le principe d'action
préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant
les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Ce principe
implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en
réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni
réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques
affectées… ».

Il en résulte que dans l’objectif de prévention on va prendre en compte les connaissances


évolutives. Il y a l’idée qu’avec les meilleures technologies les industriels vont moins polluer.
Or, ces technologies ont un coût onéreux et les entreprises ne vont pas toujours suivre, elles
invoquent souvent la disproportion entre l’effort demandé et le gain environnemental.

Dans la charte de l’environnement, le principe de prévention se mute en devoir de prévention.


Par ailleurs, l’article 3 de la charte ne mentionne pas « les meilleures techniques disponibles à
un coût économiquement acceptable ».

30
§2 - L’étude d’impact

Une étude d'impact s’entend d’une étude préalable à la mise en œuvre d’un projet permettant
d'estimer leurs effets probables sur l'environnement.

En effet, la question de l’impact des projets sur l’environnement se pose dans le temps ?
La question s’étend également à la nature des effets, certains ou éventuels, ainsi qu’à la durée des
effets et de leur champ ?

L’étude d’impact procède donc d’une analyse prospective pouvant se révéler coûteuse et difficile.
Elle participe du respect du principe de prévention en matière environnemental.

La prévention s’appuie sur trois méthodes :

- La méthode analytique : on s’interroge sur les effets d’un projet sur l’environnement. On va
analyser les effets d’un ouvrage déterminé sur un espace connu et délimité. C’est le cas de
l’étude d’impact.

- La méthode synthétique : Elle procède à l’analyse de la sensibilité environnementale. L’analyse


peut concerner un terrain ou encore un élément de patrimoine. Elle correspond à l’évaluation
environnementale. Cette méthode est beaucoup plus protectrice de l’environnement et rendue
obligatoire depuis la directive plan et programme du 27 juin 2001.

- La méthode des inventaires : elle procède par inventaire et recensement des éléments à
protéger. Exemple : l’inventaire des monuments à protéger.

31
I. Le champ d’application

Le champ d’application de l’étude d’impact est prévu à l’article L.122-1 du Code de


l’environnement. En 2010 avec la loi Grenelle II, la santé humaine a été intégrée dans le champ
d’application de l’étude d’impact. Par ailleurs, depuis cette loi, sont concernés en plus des
travaux, les aménagements publics ou privés. Le texte précise que l’étude d’impact va toucher
les projets en fonction de leur nature et dimension. On a besoin du règlement d’application pour
compléter ce texte afin de savoir quand est-ce qu’un projet présente un risque pour
l’environnement.

Avant la loi Grenelle de 2010, on avait recours à deux critères pour apprécier l’impact sur
l’environnement. Le critère du coût et de la sensibilité environnementale. En effet, on appréciait
l’importance des projets. Ainsi, on pouvait utiliser la méthode forfaitaire selon le coût (seuil fixé à
1,9 millions d’euros en deçà l’étude d’impact n’était pas nécessaire). Le critère du coût n’est
cependant pas probant du fait que deux projets peuvent présenter le même coût et pour autant
avoir des sensibilités environnementales différentes. Le Code de l’environnement avait prévu
toute une série d’exceptions. Par exemple, les textes prévoyaient que les travaux d’entretien et
les grosses réparations n’étaient pas soumis à étude d’impact. Au final les exceptions étaient
tellement nombreuses que 23 catégories de projets étaient dispensées d’une étude d’impact.

En outre, avant la réforme il existait une liste d’opérations soumises à notice d’impact.
Autrement dit, ces opérations sont soumises à des mini études d’impact. Au final, lorsque l’on
accumule tout cela, le champ d’application était en fait très réduit. La nouveauté depuis 2010
réside surtout dans la fixation des critères de soumission des projets à cette procédure.

L’article R122-1 du code de l’environnement pose 3 colonnes avec une liste des projets : une
colonne permet de savoir s’ils sont soumis ou non à étude d’impact et une dernière colonne
détermine les études d’impact au cas par cas. Ce texte remplace la logique de liste précédente
dite « négative » de projets non soumis à l’obligation d’étude d’impact par une autre logique
celle de la liste « positive simplifiée » en 2012.

32
Sont soumis à étude d’impact les projets annexés à l’article R122-1. Il y a 52 projets soumis à
étude d’impact (comme les ICPE, les installations nucléaires de base, les infrastructures de
transport). Il n’y a plus cette idée de seuils. De plus, on a ajouté une procédure d’étude au cas
par cas (article L122-1). De cette façon, l’autorité administrative compétente va pouvoir imposer
la procédure à des projets qui sont en deçà de l’obligation réglementaire. On pourra imposer au
cas par cas une étude à des projets même s’ils sont en deçà de l’obligation réglementaire d’étude
d’impact.

Le point positif est que ça permet une sous pape de sécurité pour la protection de
l’environnement. Si on a oublié un projet dans le code, on pourra toujours soumettre ce projet à
une étude d’impact. Pas besoin de réformer le code à chaque nouveauté.

Seulement, cette possibilité pose aussi un vrai problème de sécurité juridique pour les
entreprises. Un certain nombre d’infos vont être demandées au pétitionnaire qui remplira un
formulaire de demande d’examen au cas par cas. Ce formulaire est adressé en deux exemplaires
par le maître de l’ouvrage par pli recommandé à l’autorité environnementale qui doit en accuser
réception. A la réception du formulaire, l’autorité administrative aura 35 jours pour l’informer
de la nécessité ou non d’une étude d’impact. L’absence de réponse dans le délai vaut décision
implicite de réaliser une étude d’impact. A préciser que la notice d’impact a laissé place à l’étude
d’impact.

33
II. Le contenu de l’étude d’impact

Le contenu de l’étude d’impact a été renforcé au fil des législations. Elle repose principalement sur
deux principes à savoir :

- Le principe de proportionnalité : C’est l’idée que lorsqu’un projet emporte des risques plus
élevés pour l’environnement, le contenu de l’étude d’impact afférent doit être plus détaillé et
complet.

- Le principe d’actualité : C’est l’idée que l’étude d’impact doit toujours prendre en compte
l’état actuel des effets sur l’environnement. Ainsi, si le projet ou l’environnement évolue,
l’étude d’impact doit être adaptée voire modifiée. L’on prône l’actualisation constante de
l’étude d’impact.

Que doit comprendre une étude d’impact ?

Aux termes de l’article R122-3 du Code de l’environnement, l’étude d’impact doit comporter un
certain nombre d’éléments lesquels varient selon les caractéristiques du projet et du type
d'incidences sur l'environnement que celui est susceptible de produire :

- Une analyse de l'état initial du site et de son environnement : il s’agit de savoir comment est
le milieu, la zone initialement. Toutefois, il ne sera pas évident de délimiter le périmètre de
cette zone.

- Une analyse des effets du projet sur l’environnement : Il va y avoir les effets directs, indirects,
temporaires ou encore permanents. Les effets peuvent aller très loin. Le TA de Versailles s’est
même demandé si on ne devait pas aller jusqu’à prendre en compte l’augmentation de la
délinquance comme effet des nouvelles constructions ? A cet égard, la loi du 5 mars 2007 a
introduit l’article L.111-3-1 du code de l’urbanisme qui prévoit l’obligation de faire une évaluation
préalable dans le but de préserver la sécurité publique et prévenir la délinquance.

- Une motivation des choix et motivations du projet du pétitionnaire. L’article L122-3 du Code
de l’environnement ne se contente plus seulement de cette explication qui va justifier le projet,
on lui demande aussi de faire une esquisse des principales solutions de substitution qui ont été
examinées par le maitre de l’ouvrage et qui n’ont pas été choisies par le pétitionnaire.

34
En dépit de l’intérêt de l’étude d’impact, l’on peut s’interroger sur son efficacité ? En effet, à
force de responsabiliser à outrance le particulier qui veut créer un projet est-ce qu’on n’essaye
pas d’engager sa responsabilité pour des choses qu’il ne fait pas ? D’un autre côté, cela permet
de pousser la réflexion environnementale des entrepreneurs afin de s’assurer que les meilleures
solutions soient prises en compte. L’étude d’impact doit prendre en compte les effets cumulés
avec d’autres projets. Par ailleurs les mesures compensatoires qui peuvent être prises doivent
figurer dans l’étude d’impact. Il est difficile d’éviter les effets sur l’environnement donc il faut
prendre en compte des mesures compensatoires. Se demander quelles sont les mesures à
prendre pour supprimer, réduire et compenser les atteintes à l’environnement ? Le maître de
l’ouvrage doit indiquer un coût prévisionnel réaliste des mesures à envisager. Il peut y avoir un
contrôle du juge sur la sincérité et le réalisme des mesures.

Il convient de rappeler qu’au nombre des risques couverts par l’étude environnementale, le
risque social n’est pas pris en compte( TA Versailles, 1994, Yvelines environnement c/ Préfet des
Yvelines).

35
III. La portée de l’étude d’impact

L’étude d’impact appelle à deux interrogations lors de sa mise en œuvre :

- Qui a la charge du financement de l’étude d’impact ? L’étude doit être financée par le maître
de l’ouvrage, c’est donc soit la personne publique soit la personne privée qui demande
l’autorisation de réaliser les travaux. L’inconvénient de faire revenir le coût de l’étude d’impact
sur le maitre de l’ouvrage est qu’il est mis à sa discrétion et peut donc faire le minimum, il peut
éventuellement influencer celui qui réalisera l’étude. Mais, d’un autre côté, cette solution de
financement a été choisie parce qu’elle soulage les personnes et les finances publiques ( à titre
d’exemple l’étude d’impact du TGV Paris Marseille avait couté 10 millions d’euros) et aussi parce
qu’il y a l’idée de responsabiliser le maitre d’ouvrage qui est le mieux à même de se censurer et
faire une auto-évaluation environnementale de son projet.

- Qui a la charge de la maîtrise de l’étude d’impact ? C’est le maitre de l’ouvrage lui-même,


il doit donc avoir les services techniques nécessaires, soit ça sera un bureau privé. Les études
d’impact sont complexes, en générale elles se font par le biais d’un agrément, un certificat qui
garantit l’expertise des professionnels. Mais cela n’est pas obligatoire, donc tout bureau peut
proposer ses services pour réaliser des études d’impact. L’article L122-1 prévoit que l’étude
d’impact est transmise à une autorité administrative compétente. L’auteur de l’étude à
obligation de transmettre pour avis à l’autorité l’étude. C’est une obligation prévue par une
directive européenne. La directive faisait référence à des organismes indépendants chargés du
contrôle de la qualité environnementale or aujourd’hui c’est l’Etat – le Ministère compétent.
Cela signifie que, si jamais c’est l’état qui fait le projet, il est à la fois contrôleur et contrôlé.

Qu’en est-il du contrôle juridictionnel ? Le contrôle de l’étude d’impact est un moyen de


contentieux classique. En droit privé, les moyens qui pourraient être évoqués sont les moyens de
légalité interne et externe à l’appui. L’article L122-2 indique que, si une requête est déposée
devant le juge administratif contre une décision d’approbation fondée sur l’étude d’impact, le juge
des référés saisi de la décision intervient pour faire droit à cette absence. L’absence d’étude
d’impact est sanctionnée par le juge administratif. L’absence d’étude d’impact se caractérise bien
sûre par l’absence de document, mais aussi par une étude manifestement insuffisante (Arrêt CE
29 juillet 1983 – Commune Roquevaire).

36
Section 2 : Le principe de précaution

Les polices de l’environnement sont peuvent être distinguées selon leur nature : administrative
(prévention) et judiciaire (répression). Par ailleurs, une même police peut avoir une nature
administrative et devenir judiciaire au cours de l’action (TC, 1977, Delle Motsch).

Concernant la police administrative :

- La police administrative générale : son objectif est d’assurer le maintien de l’ordre public qui
comporte la sécurité, la tranquillité salubrité, la dignité, la morale et l’ordre publique.
Avec l’ordre public général et la police administrative générale ont un fondement libéral « la
liberté est la règle et la restriction de police est l’exception ». Il est important de noter qu’un
non-respect d’un arrêté de police général est sanctionné par une amende de 5 e classe. Le droit
de l’environnement assuré par la police administrative générale n’est pas une garantie pour
l’environnement car les sanctions sont trop faibles. (maire, préfet, premier ministre).

- La police administrative spéciale : spécialement dédié à un domaine particulier comme la


protection de l’eau… touche plus que l’ordre public pour englober l’intérêt général. La police
spéciale est dédiée à une caractéristique particulière. (maire, préfet et les ministres). Les polices
spéciales sont instituées par des lois. Dispose de moyen de prévention et de sanctions plus
importants.

La question se pose de savoir si une autorité de police générale peut-elle intervenir si une
autorité de police spéciale est déjà compétente ? C’est la question du concours de polices.

En droit administratif, la jurisprudence (CE, film Luthécia 1959) reconnait que le maire peut du
fait des circonstances locales interdire la diffusion d’un film en raison de son pouvoir de police
générale alors même que le ministre avait autorisé cette diffusion sur la base de son pouvoir de
police spéciale. En effet, lorsque les spécificités locales le justifient le pouvoir de police générale
prévaut sur le pouvoir de police spéciale.

En droit de l’environnement, le concours des polices est généralement inexistant car les polices
administrative et spéciale de l’environnement répondent à la règle de l’exclusivité.
Les polices administratives spéciales excluent toute possibilité pour la police générale
d’intervenir (ICPE, déchets,…) excepté le cas de péril imminent.
37
§1 - Éléments théoriques

Nombreux sont ceux qui voient le principe de précaution comme « l’avatar » du principe de
prévention. Est-ce que la précaution ne serait que de la prévention sémantiquement revisitée,
ou est-ce qu’elle fait apparaître un standard de comportement différent de celui que laisse
entrevoir la prévention ? La prévention renvoie à une certaine quantification possible du risque
dans l’étude d’impact alors que la précaution appelle à une action même dans l’incertitude du
risque.

UNE CERTITUDE :

Alors qu’avec la précaution on agit en dehors de toute certitude scientifique, c’est à dire que
l’absence de certitude scientifique non seulement ne justifie pas l’absence de mesure mais au
contraire le cas échéant peut justifier que certaines mesures soient prises.

INCERTITUDE :

C’est un principe qui a fait énormément débat car pour certain ce principe freine l’initiative, le
progrès scientifique. Au contraire, des auteurs analyse cette exigence comme un retour à la
tradition humaniste qui permettrait d’instaurer sur les activités d’une science toute puissante
une forme nouvelle de contrôle social, c’est l’idée de faire preuve de vigilance, de prudence.

38
I. Une histoire quarantenaire

La précaution va apparaître dans les années 70 de manière explicite, dans un contexte où l’on
s’intéresse à la pollution atmosphérique. Il ne faut pas attendre le stade des certitudes
scientifiques pour engager des dispositions pour la pollution atmosphérique. Dans les années 80,
on intègre dans des documents non contraignants l’exigence de précaution, par exemple la
Convention de Genève, du 13 novembre 1979 relative à la pollution atmosphérique à longue
distance. Cette convention énonce que l’incertitude scientifique ne doit pas empêcher les parties
à la convention de réglementer la pollution de l’air.

Dans les années 1990, avec la conférence de Bergen, le principe de précaution est qualifié de
principe du droit de l’environnement. Il faut attendre le traité de Maastricht en 1992 pour que
le principe de précaution devienne l’un des principes fondant les politiques de l’environnement et
repris lors du Sommet de Rio dans une forme atténuée de la protection de l’environnement et un
principe de précaution mieux consacré par le droit de l’Union européenne.

En 1995 avec la loi Barnier, on consacre en droit français le principe de précaution avec une
explicitation de la définition antérieure (traité de Maastricht). On observe que l’article
L.110-1 du code de l’environnement met en exergue la relation entre le coût (économiquement
acceptable) de la mesure (effective et proportionnée) et la gravité du risque et la capacité
financière des opérateurs.

Le principe de précaution repose sur deux approches du point de vue conceptuel. On distingue la
conception minimaliste et la conception maximaliste.

La conception minimaliste : Elle repose sur l’idée que le principe de précaution ne s’applique que
pour des risques probables et dommages graves et irréversibles. Cette dernière impose la prise en
compte de la théorie du bilan coût-avantages.

La conception maximaliste : C’est l’idée du risque zéro qui est prônée ici. On confère au principe
de précaution toute sa force avec la considération du pire scénario exigeant des mesures
moratoires.

39
II. Champ d’application du principe de précaution

Le principe de précaution est consacré à l’article 5 de la Charte de l’environnement et applicable


aux personnes publiques. Il n’est pas directement opposable aux personnes privées bien que ceux-
ci peuvent l’invoquer. Le principe de précaution s’applique dans les hypothèses ou un débat
scientifique est ouvert. Quid de qui a la responsabilité de la clôture d’un débat scientifique et de
l’existence du doute scientifique ?

On peut distinguer trois stades :

- La détermination par l’autorité publique du niveau de risque jugé inacceptable.

- La mise en œuvre d’une procédure d’évaluation scientifique du risque. C’est une obligation de
procédure donc l’absence de procédure peut entrainer la responsabilité de l’administration pour
faute.

- L’adoption de mesures proportionnées à la menace qui doivent être provisoires et


proportionnées.

Ces trois moments posent la question de la preuve. La véritable caractéristique du principe n’est
pas de renverser la charge de la preuve mais de prendre ses distances avec le concept de preuve
scientifique.

En matière environnementale, la décision de justice est extrêmement dépendante du résultat de


l’expertise. Cependant, le principe de précaution n’est-il pas susceptible d’avoir des effets
déstabilisateurs sur les mécanismes généraux de la responsabilité ?

40
§2 - Exemple de mise en œuvre : le cas des antennes relais

L'opposition à l'installation des antennes relais est au centre de divers contentieux notamment
en raison de craintes concernant leur impact sur la santé. Sujet de santé publique, l'exploitation
des antennes-relais a généré un important contentieux qui a soulevé, au fils du temps, une
véritable question de compétence au sein des juridictions (conflit de juridiction). En effet, on
assiste aussi bien à des contentieux administratifs (permis de construire, occupation du domaine
public, police administrative) qu’à des contentieux judiciaires (trouble du voisinage).

Pour mettre fin à cette problématique, la Cour de cassation a saisi le tribunal des conflits.
Saisi donc sur renvoi de la Cour de Cassation, le tribunal des conflits a été confronté le 14 mai
2012, à une question de compétence relative au contentieux de l’installation et du
fonctionnement des antennes-relais. La question soumise au juge est celle du champ de
compétence du juge judiciaire en la matière car les juridictions judiciaires étaient partagées.

Il en ressort que seul le juge administratif peut connaitre des questions portant sur l’application
de la police spéciale des communications, et ce, sans prendre en compte le caractère public ou
privé de la personne morale qui implante l’antenne.

Quant au juge judiciaire, sa compétence se limite aux actions entre personnes privées
(opérateurs et usagers ou tiers) ayant seulement pour objet l'indemnisation des dommages
causés par l'implantation ou le fonctionnement d'une antenne-relais n'ayant pas le caractère
d'ouvrage public.

41
I. Le contentieux administratif

Le juge administratif est contraint dans la limitation de l’installation des antennes relais,
néanmoins on observe une évolution de la jurisprudence. On fait de plus en plus appel au
principe de précaution dans le contentieux des antennes relais.

A) Polices administratives

Le juge va devoir regarder si la police mise en place est légale ou non. Dans le contentieux
administratif, on trouve des interdictions du maire relatives à des installations d’antennes relais et
les conditions particulières qu’il a pu imposer. Les requérants (entreprises de téléphonie mobile)
ont formé des recours contre ces arrêtés municipaux, considérant que ceux-ci portaient atteinte à
la liberté d’entreprendre. Arrêt CE, 2 juillet 2008, SFR : Le maire avait interdit l’implantation
d’antennes relais dans un périmètre défini sur le fondement de son pouvoir de police
administrative générale. La Charte de l’environnement dit que les autorités publiques doivent agir
dans leurs domaines d’attribution. Il existe une police spéciale des postes et des communications
télécommunications, mais en droit public on admet que le maire en vertu de ses pouvoirs de police
générale peut quand même intervenir lorsqu’il existe une police spéciale. Mais en droit de
l’environnement, de plus en plus les polices spéciales sont exclusives et excluent l’intervention de
la police générale sauf péril imminent. En l’espèce, le CE dit que le maire ne pouvait pas faire usage
de son pouvoir de police en l’absence de péril imminent puisqu’il n’existe pas de risque avéré des
antennes relais.

Dans un arrêt du CE du 26 décembre 2012, même chose : le maire veut agir sur le fondement de
ses pouvoirs de police générale pour limiter l’implantation d’une antennes en se fondant sur
l’article 5 de la Charte de l’environnement. En 2012 le CE confirme sa jurisprudence antérieure,
le maire ne peut intervenir en l’absence de péril imminent dans le cadre de ses pouvoirs de
police général. Le péril imminent suggère l’existence d’un risque avéré.

42
B) Urbanisme

Peut-on appliquer le principe de précaution également en matière de travaux prévus par le


code de l’urbanisme ?

En matière d’urbanisme, a toujours prévalu l’arrêt CE 20 avril 2005, société Bouygues Télécom.
Problème relatif à l’édification d’une antenne radio. L’autorité administrative pouvait-elle
s’opposer à la réalisation de travaux, est ce qu’on pouvait appliquer le principe de précaution et
donc la Charte de l’environnement ? Le juge va faire application du principe d’indépendance des
législations du fait du développement des nombreuses influences.

Le CE dit que les motifs d’opposition à la réalisation de ces travaux doivent être puisés dans le
droit de l’urbanisme sans que puisse intervenir une préoccupation étrangère à ce droit fut- elle
une préoccupation d’application a priori transversale comme l’est le principe de précaution.
On ne peut donc pas se fonder sur le principe de précaution, droit de l’environnement, pour
trancher des questions relatives au droit de l’urbanisme. En 2010 on remarque un
infléchissement majeur de cette jurisprudence. Déjà en 2008, il y a un début d’infléchissement.
Ainsi, le jugement du TA d’Amiens du 18 novembre 2008 (SFR) est important puisque, même
s’il annule le PLU car aucune justification n’était apportée sur les raisons qui ont amené le
maire à interdire la construction. Il est important car le juge n’écarte pas une interdiction
fondée sur le principe de précaution. On a donc des prémices d’une évolution.

L’évolution est caractérisée par un arrêt important CE, 19 juillet 2010, « Association du quartier
les hauts de Choiseul ». Le TA fait application du principe d’indépendance des législations.
Or, le CE dit que le principe de précaution devait être pris en compte par le maire dans la
mesure où l’article 5 de le Charte de l’environnement n’appelle pas de dispositions législatives
ni réglementaires pour sa mise en œuvre. Seulement, le CE considère qu’en l’état des
connaissances scientifiques le risque des antennes relais n’est pas vraiment avéré, le maire
pouvait donc tout à fait autoriser la construction du pylône. Le CE accepte d’examiner les
dispositions d’urbanismes au regard du principe de précaution, il écarte donc le principe
d’indépendance. Cependant cette ouverture jurisprudentielle est assortie d’une limite
importante, le maire se voit attribuer une marge d’appréciation qui est contrôlée que sous
l’erreur manifeste d’appréciation (contrôle minimum). On peut dire qu’il y a une belle avancée,
le juge administratif fait très attention à la manière dont il va appliquer le principe de
43
précaution. Il y a applicabilité du principe mais pas forcément une application ! Arrêt du CE 1er
janvier 2012, Société Orange France : Le maire s’oppose aux travaux d’Orange, cette dernière
demande l’annulation de l’arrêté du maire sur le fondement du principe de précaution. Le CE
va dire que lorsque le principe de précaution s’applique, il appartient aux pouvoirs publics
d’adopter des mesures. Ensuite, il précise que le maire n’est pas compétent au titre de la police
générale dès lors qu’il existe une police spéciale (postes et communications électroniques) en
revanche, il peut appliquer le principe de précaution en matière de décision d’utilisation du sol
(donc police de l’urbanisme). Néanmoins, le maire ne peut refuser la délivrance d’une
autorisation sur le plan de l’urbanisme, en se prévalant d’un risque normalement déjà pris en
compte par la police spéciale à condition qu’il fasse apparaître des élément circonstancier de
nature à caractériser le risque. Le maire doit faire apparaître un risque spécifique
indépendamment de ce que dit la police spéciale, il doit démontrer un risque qui n’a pas été
pris en compte par la police spéciale. Donc le principe est applicable mais au fonds non.
Dernière évolution, CE Ass. du 12 avril 2013 à propos d’une déclaration d’utilité publique. En
l’espèce l’acte était relatif à des travaux nécessaires à la réalisation d’une ligne électrique à
très haute tension. Le Ministère de l’écologie avait déclaré d’utilité publique les travaux. Des
associations ont déposé un recours contre cette décision du Ministre (Arrêt du CE de 1971 sur
le contrôle des déclarations d’utilité publique dispose que le juge doit faire la balance). Le CE
dit qu’il existe une incertitude scientifique quant aux effets des champs électromagnétiques
sur le risque grave de leucémie. Pour la première fois, le CE opère un contrôle de la déclaration
d’utilité publique au regard du principe de précaution (il va analyser la légalité interne de la
déclaration), le juge va donc donner une grille d’analyse à destination, à la fois de l’autorité
administrative compétente, et du juge administratif pour assurer le respect du principe de
précaution lors d’une expropriation.

En l’espèce, le juge utilise le principe de précaution avec une grande prudence et considère,
quand il fait le bilan coûts/avantages, que les inconvénients pour la santé ne sont pas excessifs
au point d’enlever à la déclaration son caractère d’utilité publique.

44
II. Le contentieux judiciaire

Arrêt, CA de Versailles du 4 février 2009 : Une société implante une antenne relais sur le
territoire d’une commune du Rhône. Et plusieurs personnes habitant à proximité de l’antenne
ont saisi le TGI pour demander le démantèlement de l’installation. Le juge civil indemnise les
habitants sur le fondement des Troubles Anormaux de Voisinages en raison d’une exposition
à un risque certain, le caractère sanitaire du risque lui confère un caractère anormal. Or sur le
terrain des TAV il faut un risque certain, or ici le risque n’est pas certain, le jugement est donc
peu convaincant. La CA va abandonner la théorie des TAV telle qu’utilisée par le TGI. Elle va
reconnaître la théorie des TAV différemment : elle considère que l’angoisse procurée par le
risque sanitaire est un risque certain, donc l’angoisse subie est constitutive d’un préjudice
moral qu’il convient de faire cesser en ordonnant le démantèlement de l’antenne. Le préjudice
ne réside pas dans le risque mais dans le sentiment d’angoisse qui en résulte. Elle fait
implicitement application du principe de précaution. On sent que le juge a des outils qu’il va
étirer au maximum ce qui donne parfois une solution surprenante. Cet arrêt a été ultra
contesté. Les auteurs se sont demandés pourquoi ne pas admettre clairement la fonction
anticipatrice du droit de la responsabilité civile ? Par la suite d’autres arrêts ont été rendus par
d’autres CA, de manière générale le juge judiciaire dit que si une nouvelle norme de précaution
faisait consensus par rapport à celle qu’ont retenus les pouvoirs publics à l’époque où ils ont
statué, alors le juge pourrait tirer de nouvelles conséquences du principe de précaution.
L’expérience montre que l’Etat peut être lent à réagir à des données aussi embarrassantes
pour lui. Mais il demeure qu’en matière d’antennes relais pour l’instant, il n‘existe pas de
consensus pour juger obsolète la norme fixée par l’Etat, donc le raisonnement du juge est le
suivant : S’il y a une incertitude sur l’innocuité d’une pratique licite, le juge judiciaire vérifie
d’abord si les pouvoirs publics ont mis en œuvre le principe de précaution. Si tel n’est pas le
cas le juge s’autorise à suppléer leurs carences, mais si tel est le cas le juge doit en théorie
s’effacer. On peut dire qu’on a une approche administrative positiviste et respectueuse de la
norme et une approche civile subjectiviste qui est plus sensible aux sentiments de la
population. Mais attention à ne pas tordre les concepts juridiques trop fortement pour arriver
à la solution voulue. Le respect du principe de précaution (comme les autres principes de la
Charte de l’environnement) pèse uniquement sur les personnes publiques, donc il faut faire
attention à ne pas faire peser ce principe aux personnes privées.
Arrêt C. Cass 18 mai 2011 : le principe de précaution ne peut trouver à s’appliquer aux
personnes privées.

45
SOMMAIRE

INTRODUCTION…………………………………………………………………………………………………………………………. 1
§I - Définition du droit de l’Environnement..................................................................................... 2
§2 - Au regard des notions voisines................................................................................................. 4
§3 - Sur le cadrage de la discipline .................................................................................................. 6
CHAPITRE 1 : LES SOURCES DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT .............................................................. 8
Section 1 : Sources internationales et européennes ...........................................................................9
§1 – Les sources Internationales ......................................................................................................9
§2 - Les sources Européennes ....................................................................................................... 13
I. Le droit de l’UE .................................................................................................................. 13
II. La protection du droit de l’environnement dans la CEDH................................................. 15
Section 2 : Les sources internes ........................................................................................................ 17
§1 - La constitutionnalisation du droit de l’environnement.......................................................... 17
I. Le processus de constitutionnalisation de l’environnement ............................................ 17
II. Le contenu de la Charte de l’environnement .................................................................... 18
III. La question de l’effet direct de la Charte de l’Environnement ..................................... 19
A) Le refus initial de la jurisprudence administrative et Constitutionnelle …………………….19
B) La reconnaissance de l’invocabilité de la Charte de l’environnement par le Conseil d’Etat
et le Conseil Constitutionnel ................................................................................................. 21
§2 - Les sources législatives et réglementaires ............................................................................. 25
I. Les sources législatives ...................................................................................................... 25
II. Les sources réglementaires ............................................................................................... 27
A) La jurisprudence ............................................................................................................ 27
CHAPITRE 2 : LES PRINCIPES EN DROIT DE L’ENVIRONNEMENT ........................................................... 28
Section 1 : Le principe de prévention ................................................................................................ 29
§1 - Les fondements théoriques.................................................................................................... 29
§2 - L’étude d’impact .................................................................................................................... 31
I. Le champ d’application ..................................................................................................... 32
II. Le contenu de l’étude d’impact......................................................................................... 34
III. La portée de l’étude d’impact ....................................................................................... 36
Section 2 : Le principe de précaution ................................................................................................ 37
§1 - Éléments théoriques .............................................................................................................. 38
I. Une histoire quarantenaire ............................................................................................... 39
II. Champ d’application du principe de précaution ............................................................... 40

46
§2 - Exemple de mise en œuvre : le cas des antennes relais ........................................................ 41
I. Le contentieux administratif ............................................................................................. 42
A) Polices administratives .................................................................................................. 42
B) Urbanisme…………………………………………………………………………………………………………………43
II. Le contentieux judiciaire ................................................................................................... 45
Sommaire .............................................................................................................................................. 46
Index ...................................................................................................................................................... 48

47
INDEX

Cadre de vie ..................................................... 4 Qualité de vie .................................................. 4


Ecologie ........................................................... 4 Traité d’Amsterdam ...................................... 14
Environnement et écologie ............................. 4 Traité de Lisbonne ........................................ 14
Environnement sain ........................................ 4 Traité de Maastricht ............................... 14, 39
Nature.................. …………………….4, 5, 7, 26, 29 Traité de Nice………………………………………. 14, 15
Police administrative générale ……………..…6, 37 Valeur de la Charte de l’Environnement ...... 21
Police administrative spéciale……………6, 37, 41

48

Vous aimerez peut-être aussi