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Transfusion Clinique et Biologique 10 (2003) 252–257

JOURNÉES ÉDUCATIONNELLES SFTS 2003

Les difficultés techniques en immunohématologie


clinique
Technical difficulties in clinical immunohaematology

F. Roubinet a, L. Mannessier b, J. Chiaroni c


a
Laboratoire d’immunohématologie, EFS Pyrénées Méditerranée, avenue de Grande-Bretagne, BP 3210, 31027 Toulouse cedex 3, France
b
Département d’immunohématologie, EFS Nord de France, 321, rue Camille-Guérin, BP 2018, 59000 Lille cedex, France
c
Laboratoire d’immunohématologie, EFS Alpes Méditerranée, 149, boulevard Baille, 13005 Marseille, France

Reçu le 1 avril 2003 ; accepté le 7 avril 2003

L’immunohématologie n’est pas, pour une grande part, • l’épreuve plasmatique consiste à rechercher les anti-
une discipline biologique complexe. Toutefois l’erreur est corps anti-A et anti-B avec des hématies- tests A1 et B.
inadmissible car elle peut avoir des conséquences gravissi-
L’interprétation du groupe sanguin ABO nécessite une
mes chez un patient transfusé ou dans le cadre d’une immu-
cohérence réactionnelle entre les résultats observés dans
nisation fœto-maternelle. Une rigueur sans faille doit donc
l’épreuve globulaire et dans l’épreuve plasmatique.
être appliquée à la réalisation, à la validation et à l’interpré-
tation de ces analyses. Nous ne traiterons pas ici du pro- D’une façon générale, face à une incohérence réaction-
blème de la phase pré-analytique qui conditionne également nelle ou toute autre anomalie observée dans les résultats,
la sécurité du résultat rendu ou des problèmes de matériel une vérification doit être réalisée en tout premier lieu des
ou de qualité de réactif qui doivent être détecté par l’utilisa- résultats obtenus avec les CQI. En cas d’anomalie de ces
tion des contrôles de qualité interne (CQI) en bonne place derniers, les résultats observés sur les patients doivent être
au cours du process. Nous limiterons donc notre exposé à invalidés et une enquête mise en place à la recherche de
l’analyse des principales difficultés techniques pouvant être l’origine des anomalies observées.
rencontrées en immunohématologie et des moyens pour les
résoudre. Si les résultats des CQI sont corrects, l’étape suivante
consiste, devant toute incohérence entre l’épreuve globu-
laire et l’épreuve plasmatique, de réaliser pour l’analyse
1. DIFFICULTÉS RENCONTRÉES DANS ABO considérée les témoins suivants :
LA DÉTERMINATION DES PHÉNOTYPES • le témoin autologue : il consiste, dans la technique
ERYTHROCYTAIRES d’utilisation, à mettre en présence le plasma du sujet et
ses propres hématies ;
• le témoin AB ou réactif : il consiste à mettre en pré-
1.1. Le groupage sanguin standard
sence du plasma AB ou le milieu de dilution du réactif
Le groupage sanguin standard comprend la détermination avec les hématies du sujet. Ce témoin, s’il est négatif,
du groupe sanguin ABO et la détermination du phénotype garantit l’épreuve globulaire ;
RH1 ou RH : –1. • le témoin allo : il consiste à mettre en présence dans la
Chaque détermination de groupe sanguin ABO comporte technique d’utilisation, des hématies-tests O de la
deux épreuves complémentaires : gamme de dépistage des anticorps anti-érythrocytaires
• l’épreuve globulaire consiste à rechercher la présence avec le plasma du sujet. Ce témoin, s’il est négatif,
des antigènes A et B à l’aide des réactifs monoclonaux garantit l’épreuve plasmatique.
anti-A, anti-B et anti-A, B ; Les principales anomalies observées sont :
• une agglutination faible ou infradétectable,
Adresse e-mail : francis.roubinet@efs.sante.fr (F. Roubinet). • une double population,
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
DOI: 10.1016/S1246-7820(03)00050-8
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• une incohérence entre les réactions observées au cours présence des antigènes A ou B ne peut être mise en
de l’épreuve globulaire et de l’épreuve plasmatique, évidence que par une technique de fixation élution.
• une divergence de résultats observée entre deux réali-
sations d’un même groupage sanguin, D’une façon générale, face à une ambiguïté réactionnelle
• une discordance de résultat entre deux déterminations liée à une réaction infradétectable ou faible, il est possible de
de groupage sanguin ou par rapport à une antériorité. sensibiliser la méthode en traitant les hématies par des
enzymes protéolytiques. Comme nous venons de le voir,
enfin, dans certains cas, la technique de fixation élution est
1.1.1. Une agglutination faible ou infradétectable nécessaire pour mettre en évidence la présence d’antigène
A ou B dans le cadre de certains phénotypes A ou B faibles.
Ce problème peut être observé dans un contexte parti-
culier :
• chez le nouveau né : les antigènes du système ABO et 1.1.2. Une image de double population
associés subissent une maturation postnatale. L’inten-
sité antigénique à la naissance est donc inférieure à celle
Une double population peut être observée dans un cer-
des hématies « adultes ». L’intensité réactionnelle peut
tain nombre de situations biologiques. Une double popula-
varier d’un réactif à l’autre lors du typage de ces héma-
tion est caractérisée par la présence d’agglutinats sur un
ties. C’est une des raisons pour lesquelles un groupage
fond d’hématies libres. Le pourcentage d’hématies aggluti-
sanguin établi chez un nouveau-né n’a qu’une valeur
nées peut être extrêmement variable suivant l’anomalie en
provisoire pendant une durée de six mois. Par ailleurs,
cause.
les anticorps naturels anti-A et anti-B n’apparaissent
dans le plasma du nouveau-né qu’après le troisième
1.1.2.1. Phénotype A ou B faibles. Certains phénotypes A ou B
mois et ne sont en concentration significative qu’à partir
faibles s’accompagnent d’une image de double population.
de six mois. Donc on observe de façon « normale » une
Dans le phénotype A3, on observe une double population
absence de réactivité lors de l’épreuve plasmatique ;
avec un pourcentage d’hématies agglutinées aux alentours
• chez certains sujets âgés : un affaiblissement antigénique
peut être observé chez certains sujets âgés en dehors de 60 %. Une image similaire est observée avec le réactif
de toute pathologie particulière ; anti-B d’un phénotype B3. Si on essaye de séparer ces
• dans le phénotype B acquis : ce phénomène est observé doubles populations, on n’y arrive pas. Dans le phénotype
à la faveur d’une infection (dans le cas d’une surinfection Aend, une vraie double population est observée avec envi-
d’un cancer colique) chez des patients de phénotype A1. ron 10 % d’hématies portant l’antigène A ayant une densité
Ce phénomène est lié à l’action d’une désacétylase antigénique proche de la normale et 90 % d’hématies tota-
d’origine bactérienne. Sous l’action de cette enzyme le lement dépourvues de l’antigène A.
sucre immunodominant N acétyl galactosamine se
transforme en galactosamine qui est une structure bio- 1.1.2.2. Double population d’origine transfusionnelle. Celle-ci
chimique proche du sucre immunodominant de l’anti- sera suspectée essentiellement grâce à la connaissance des
gène B qui est un galactose. La plupart des réactifs antécédents transfusionnels du patient. Une double popula-
polyclonaux et certains réactifs anti-B monoclonaux tion transfusionnelle peut être observée dans les trois mois
réagissent avec ce type d’hématie. Ce phénomène est qui suivent une transfusion sanguine.
transitoire et ne dure que le temps de durée de vie des
hématies ayant subi l’action de l’enzyme. Ce phéno- 1.1.2.3. Greffe de cellules souches hématopoïétiques non
mène ne devrait aujourd’hui plus se voir grâce à la identiques. Une double population transitoire est observée
généralisation des anticorps monoclonaux et à l’inter- et va disparaître progressivement au profit des cellules du
diction par l’Arrêté du 26 avril 2002 d’utiliser les anti- donneur en cas de prise de greffe. Dans toute cette période
corps monoclonaux reconnaissant le phénotype B ac- intermédiaire, il convient donc d’établir un dossier donnant
quis ; les consignes transfusionnelles et de ne pas rendre de docu-
• dans le phénotype A acquis : Berman a montré en 1992 ment de groupage.
que certaines hématies polyagglutinables de type Tn se
comportent comme ayant un antigène A. En effet, le 1.1.2.4. Les hémopathies malignes. Dans certaines hémopa-
sucre immunodominant du phénomène Tn est une N thies malignes une double population peut être observée.
acétyl- galactosamine, sucre immuno-dominant caracté- Elle évolue avec la maladie et disparaît en général en cas de
ristique de l’antigène A ; rémission.
• un phénotype A ou B faible : les phénotypes A faibles et
B faibles correspondent à des hématies dont la réacti- 1.1.2.5. Gémellité dizygote. Une double population vis-à-vis
vité antigénique est inférieure à celle des hématies A2 et de plusieurs antigènes peut être observée chez des jumeaux
B normales. Dans certains cas l’agglutination peut être monozygotes en raison de la greffe du tissu hématopoïétique
extrêmement faible, voire nulle. Dans ce dernier cas, la pendant la vie embryonnaire.
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1.1.2.6. Prélèvement de sang de cordon. La double population nable lorsqu’elle est agglutinée par la majorité des
est liée à la présence d’une contamination par le sang sérums humains AB adultes qui possèdent des anti-
maternel du sang du nouveau-né. corps naturels dirigés contre les différents antigènes
cryptiques ou transformés incriminés dans ces phéno-
1.1.2.7. Le sujet âgé en dehors de toute pathologie particulière. Il mènes de polyagglutinabilité. Ce phénomène de poly-
peut être observé, comme nous l’avons dit précédemment, agglutinabilité peut être soit génétiquement déter-
une faiblesse antigénique voire une double population anti- miné (Cad et HEMPAS) ou plus souvent d’origine
génique. infectieuse (phénotypes T, Tk et B acquis) ou associé à
un processus malin (Tn). Ce phénomène de polyag-
1.1.2.8. Un phénomène de polyagglutinabilité. Comme nous glutinabilité est aujourd’hui très rarement observé du
l’avons vu, les phénotypes B acquis ou A acquis, s’accompa- fait de la généralisation d’utilisation de réactifs mono-
gne de réactions faibles avec les réactifs anti-B ou anti-A. clonaux de groupage dont les milieux de culture ne
Une image de double population peut être observée liée au contiennent pas d’anticorps dirigés contre les antigè-
fait que seules certaines hématies ont subi l’action des nes responsables de ces phénomènes de polyaggluti-
phénomènes enzymatiques. nabilité.
• Le témoin autologue est positif : Observe-t-on une
1.1.3. Une incohérence réactionnelle double population ?
C dans l’affirmative, il peut s’agir soit d’une incompatibi-
1.1.3.1. Incohérence entre la technique globulaire et la technique lité majeure transfusionnelle soit plus fréquemment
plasmatique. Bien entendu, cette incohérence réactionnelle d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques
implique de ne pas valider le résultat. Face à une urgence incompatible avec coexistence de l’antigène du gref-
transfusionnelle, un conseil transfusionnel provisoire fon et des anticorps de l’hôte ;
conseillant l’utilisation de concentrés globulaires O et de C si aucune double population n’est observée, il s’agit le
plasma AB sera donné en attente de résolution du pro- plus souvent d’une sensibilisation in vivo des hématies
blème. Comme nous l’avons évoqué auparavant, les témoins
par des auto-anticorps. Dans ces conditions, il faut
auto, allo et AB doivent être réalisés. L’exploration sera
effectuer à nouveau l’épreuve globulaire après lavage
donc adaptée d’une part au résultat des témoins, d’autre
des hématies à 37° en solution saline 0,15 M. Après
part au type d’incohérence observée. Il peut s’agir d’une
vérification de la négativité du témoin auto après
incohérence par excès de réaction ou par défaut de réac-
lavage, l’épreuve plasmatique peut être réalisé. Dans
tion. Cette incohérence peut concerner soit l’épreuve glo-
les cas où les lavages s’avèrent insuffisants, une élution
bulaire soit l’épreuve plasmatique voire les deux.
à + 56°C peut être réalisée. Là encore il convient de
1.1.3.1.1. Incohérence par excès de réaction concernant
vérifier la négativité du témoin autologue avant de
l’épreuve globulaire. Il convient tout d’abord d’éliminer un
réaliser l’épreuve globulaire.
phénomène de rouleaux. Le groupage peut être perturbé en
1.1.3.1.2. Incohérence par excès à l’épreuve plasmatique. Là
raison d’une forte concentration en fibrinogène ou de la
présence de grande quantité de protéines « anormales » encore, il faut tout d’abord éliminer un phénomène de
(myélome, cirrhose), de gelée de Warthon ou de toute autre rouleaux. Une fois celui-ci éliminé, les hypothèses diagnostic
macromolécule. Le phénomène peut être parfaitement iden- sont orientées par les résultats des témoins et en particulier
tifié en regardant les pseudo-agglutinats au microscope. du témoin allo.
Pour effectuer le groupage, il faut laver plusieurs fois les • Le témoin allo est négatif :
hématies en solution saline 0,15M pour l’épreuve globulaire C il peut s’agir d’un anticorps dirigé contre un antigène
et diluer au demi ou au tiers le plasma pour l’épreuve de faible fréquence (antiprivé) ou d’un anticorps anti-
plasmatique. ABO que ce soit un auto-anticorps, un allo-anticorps
La deuxième question à se poser : le témoin auto est-il ou encore un anticorps transmis passivement.
positif ? C Il convient donc d’analyser le contexte clinique. S’il
• Le témoin autologue est négatif : s’agit d’un nouveau-né : ce sont probablement des
C si le témoin AB est négatif, deux hypothèses principa- anticorps maternels passifs ;
les doivent être évoquées : une contamination acci- C le patient a récemment reçu des produits sanguins : il
dentelle des sérums-tests ou liée à un anticorps sup- s’agit probablement d’anticorps passifs transmis par
plémentaire dans un réactif polyclonal ou plus les produits sanguins labiles ou les produits sanguins
rarement un phénotype de type B(A) constaté avec stables ;
certains anti-B monoclonaux très puissants ou encore C il s’agit d’une greffe de cellules souches hématopoïéti-
d’un phénomène A(B) ; ques : le phénomène observé est lié à la coexistence
C le témoin autologue est négatif mais le témoin AB est d’anticorps du greffon et d’hématies de l’hôte.
positif. Il s’agit très probablement d’un phénomène de • le témoin allo est positif et l’identification permet de
polyagglutinabilité. Une hématie est dite polyaggluti- mettre en évidence un allo-anticorps. Le groupage est
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alors réalisé en utilisant des hématies-tests dépourvues cas de persistance de l’anomalie, l’analyse est transmise à un
de l’antigène correspondant à l’anticorps ; laboratoire spécialisé.
• toutes les hématies testées sont agglutinées mais le
témoin auto est négatif. Il peut s’agir d’un anticorps 1.1.4.1. Les réalisations ont-elles été effectuées sur automate ? Si
dirigé contre un antigène public (anti-H, de sujet H les CQI sont non conformes, il convient d’invalider toute la
déficient non sécréteur, etc.) L’exploration de ce type série. Dans le cas contraire, il faut repasser les échantillons
d’anomalie nécessite le transfert des prélèvements vers sur les automates.
un laboratoire spécialisé ;
• Toutes les hématies testées sont agglutinées et le té- 1.1.5. Une discordance entre deux déterminations
moin auto est positif. Il s’agit donc probablement Il convient de refaire prélever le patient en s’assurant de
d’auto-anticorps. L’épreuve plasmatique peut être réali- toute erreur d’identification du prélèvement.
sée à + 37°C s’il s’agit d’auto-anticorps froids. Si l’en-
semble des réactions observées reste positif, il est
nécessaire d’effectuer une adsorption des auto- 1.2. Difficultés observées dans la détermination du
anticorps et de refaire l’épreuve plasmatique après ad- phénotype RH1 et des autres phénotypes
sorption. érythrocytaires
1.1.3.1.3. Incohérence par défaut à l’épreuve globulaire. Il
convient tout d’abord de valider l’anomalie en éliminant une Réactions positives avec le réactif témoin :
hémolyse liée à un échantillon trop vieux ou mal conservé • le réalisation d’un typage érythrocytaire comporte l’uti-
ou une anomalie dans la conservation des réactifs. lisation d’un sérum test contenant l’anticorps spécifique
S’agit-il d’un contexte particulier ? de l’antigène et d’un réactif témoin négatif de composi-
Nous avons vu qu’un certain nombre de situations peu- tion strictement identique au sérum test fourni par le
vent s’accompagner d’un défaut de réactivité. C’est le cas du même producteur mais dépourvu de l’activité anticor-
nouveau-né, des hémopathies malignes, de certains phéno- pale. Toute réaction positive constatée avec le réactif
types A ou B faibles. En l’absence de contexte particulier, il témoin remet en cause la validation du typage érythro-
faut laver les hématies en solution 0,15M. Si l’anomalie cytaire. La positivité d’une réaction avec le réactif té-
persiste, il s’agit probablement d’antigène A ou B faible. Si moin peut être comme dans le groupage sanguin ABO le
l’anomalie disparaît, il peut s’agir de substances de groupe fait d’un phénomène de rouleaux. La réalisation du
solubles absorbées à la surface des globules rouges (kyste typage après lavage des hématies permettra de lever
ovarien, cancer des organes digestifs...). cette incohérence et de valider le plus souvent le résul-
1.1.3.1.4. Incohérence par défaut à l’épreuve plasmatique. Il tat. La positivité d’une réaction avec le réactif témoin
convient là encore d’éliminer une hémolyse anormale des traduit le plus souvent une sensibilisation in vivo des
hématies-tests mal conservées. Dans un tel cas, il suffit donc hématies.
de changer la série d’hématies et de refaire l’épreuve plas- Dans ces situations, les typages devront être réalisés avec
matique. Si les hématies tests ne présentent pas d’anomalie des anticorps monoclonaux de nature IgM utilisables en
visible, l’épreuve plasmatique est alors réalisée avec une milieu salin.
technique plus sensible en tube sur hématies éventuellement
traitées par les enzymes protéolytiques. Ce traitement peut 1.2.1. Difficultés liées à une faiblesse de l’expression
permettre, dans un certain nombre de cas, de lever antigénique
l’incohérence. La majorité des systèmes de groupes sanguins possède
S’agit-il d’un contexte particulier ? des phénotypes rares avec des réactions affaiblies de certains
• Dans la négative il faut soupçonner une anomalie par antigènes de groupe sanguin. Nous ne décrirons pas ici de
défaut à l’épreuve globulaire liée à un phénotype faible ; façon exhaustive la totalité des variants se traduisant par une
• parmi les contextes particuliers pouvant entraîner une expression affaiblie de l’antigène correspondant, nous ne
incohérence par défaut dans l’épreuve plasmatique ci- citerons que les principaux :
tons le nouveau-né, les sujet immunodéprimés (déficit • l’antigène RH1 faible,
acquis ou congénital), le patient âgé, les greffes de • l’antigène RH1 partiel,
cellules souches hématopoïétiques, l’existence de gref- • l’expression affaiblie de l’antigène Kell,
fes de cellules souches hématopoïétiques in utero (ju- • l’antigène Fyx.
meaux dizygotes).
1.2.2. Absence de deux antigènes antithétiques
1.1.4. Une divergence entre deux réalisations La majorité des systèmes de groupes sanguins possède
Il faut en premier lieu vérifier la qualité des CQI. Les des phénotypes silencieux ou « nuls » caractérisés le plus
résultats sont relus si possible par une tierce personne. En souvent par l’absence de deux antigènes antithétiques. C’est
cas de confirmation des résultats, l’analyse est reprise avec le cas en particulier :
d’autres réactifs ou dans d’autres conditions techniques. En • de délétions partielles ;
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• de phénotype totalement silencieux comme le RH nul d’expression hétérozygote. Une telle situation peut
où tous les antigènes du système RH sont absents RH : compliquer l’étape d’interprétation ;
–1, –2, –3, –4, –5. Les phénotypes silencieux sont • le nombre de réactions positives observées est faible du
observés dans la plupart des autres systèmes de grou- fait de la rareté de l’antigène ;
pes sanguins, c’est le cas en particulier du phénotype • le nombre de réactions négatives est très faible ne
FY : –1, –2. Ce phénotype est rarissime chez les Cauca- permettant pas d’éliminer simplement une association
siens et très fréquent dans certaines peuplades d’origine avec un autre anticorps. Il faut donc augmenter le
africaine. Il en est de même pour les systèmes Kidd nombre d’hématies-tests utilisées dans l’étape d’identi-
(phénotype JK : –1, –2) et MNS (MNS : –3, –4). fication ;
La problématique posée par ces phénotypes silencieux et • un niveau supérieur de difficulté peut être représenté
en dehors du phénotype FY : –1, –2 observés chez les noirs par l’association de plusieurs anticorps. Dans le
est liée à l’absence d’antigènes dits publics et donc à la cas d’un mélange d’anticorps irréguliers, chacune des
possibilité de produire des anticorps soit de façon naturelle spécificités anticorpales rencontrées doit être considé-
(anti-H des sujets Bombay non sécréteurs) ou à la suite rée de façon séparée. Ceci implique l’utilisation de
d’une allo-immunisation comme l’anti-FY3 ou l’anti-JK3. Ces plusieurs gammes différentes d’hématies-tests d’identi-
anticorps ont le plus souvent des conséquences obstétrica- fication. Dans certaines situations il est également par-
les et transfusionnelles importantes. fois nécessaire de procéder à des adsorptions du sérum
sur des hématies-tests sélectionnées possédant un des
antigènes concernés par le mélange des anticorps. On
procède ensuite secondairement à une élution de l’anti-
corps fixé sur ces hématies pour l’isolement du premier
2. DIFFICULTÉS RENCONTRÉES AU COURS anticorps. Le sérum adsorbé sera de nouveau testé sur
DE LA RECHERCHE D’ANTICORPS les différentes gammes d’hématies-tests d’identification
ANTI-ÉRYTHROCYTAIRES (RAI) pour confirmer la ou les spécificités du ou des anticorps
non adsorbés ;
La RAI est une analyse essentielle pour assurer la sécurité • un troisième niveau de difficultés peut être représenté
des patients dans le cadre : par un sérum qui agglutine toutes les hématies-
• de la prévention et du diagnostic des incompatibilités tests ou la quasi-totalité des hématies-tests des
anti-érythrocytaires en transfusion sanguine ; différentes gammes d’identification. Il peut bien
• de la surveillance des incompatibilités foeto-maternelles entendu s’agir d’un mélange complexe d’anticorps, des
non ABO en obstétrique. anticorps dirigés contre un antigène de très grande
fréquence ou d’un auto anticorps. Il est alors impératif
La RAI est un examen simple sur le plan technique mais de réaliser le témoin autologue.
dont l’interprétation en cas de positivité peut être extrême- C S’il s’avère positif, il s’agit d’un auto anticorps. Il
ment difficile. Là encore, comme tout examen immunohé- convient alors d’adsorber cet auto anticorps à la
matologique, la RAI doit faire l’objet de CQI au minimum recherche d’un éventuel allo-anticorps masqué. Les
quotidiens permettant de valider le process utilisé. En cas de modalités d’adsorption dépendent de l’existence
dépistage positif, l’identification de la spécificité nécessite de d’antécédents transfusionnels obstétricaux. (auto-
trouver une relation entre les réactions positives et négati- adsorption ou allo-adsorption) ;
ves observées avec la présence ou l’absence d’un antigène C si le témoin autologue est négatif, il s’agit alors
sur les hématies testées correspondant à l’anticorps sus- d’un mélange très complexe d’allo anticorps ou d’un
pecté. De plus, l’interprétation des résultats nécessite une allo anticorps reconnaissant un antigène public.
validation phénotypique pour vérifier l’absence de l’antigène L’identification nécessitera alors le recours à des hé-
correspondant à l’anticorps suspecté. maties informatives rares conservées en azote liquide
L’identification du ou des anticorps fait appel aux connais- et dépourvues d’antigène de grande fréquence. La
sances des fréquences des différents phénotypes dans tous résolution de ce dernier type de problème nécessite
les systèmes de groupes sanguins, les anticorps les plus le recours à un laboratoire référent et éventuellement
fréquemment rencontrés en raison de leur immunogénicité, au Centre national de référence sur les groupes san-
les effets doses de certains anticorps, les techniques préfé- guins.
rentielles de mise en évidence des anticorps en fonction des
procédés utilisés, etc.
Des difficultés peuvent être rencontrées dans l’interpré-
3. CONCLUSION
tation des identifications dans les cas suivants :
• un seul anticorps mais de concentration faible. Cette
faible concentration n’entraîne l’agglutination que des L’immunohématologie est une discipline biologique un
hématies d’expression homozygote et non pas celles peu à part du fait de son implication directe dans la réalisa-
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tion d’un acte clinique majeur qu’est la transfusion sanguine. des difficultés rencontrées impose une démarche intellec-
La réalisation technique des analyses d’immunohématologie tuelle ou technique précise. De la précision de cette démar-
repose sur des principes simples. L’interprétation des résul- che dépend la résolution des problèmes dont la plupart ont
tats peut toutefois présenter quelques difficultés. La majorité été évoqués dans ce texte.

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