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Éditions Contrechamps

Correspondance (1931-1965)
Edgard Varèse et André Jolivet
Christine Jolivet-Erlih (éd.)

DOI : 10.4000/books.contrechamps.2320
Éditeur : Éditions Contrechamps
Lieu d’édition : Genève
Année d’édition : 2002
Date de mise en ligne : 16 mai 2017
Collection : Écrits, entretiens ou correspondances
EAN électronique : 978-2-940599-27-1

https://books.openedition.org

Édition imprimée
EAN (Édition imprimée) : 978-2-940068-20-3
Nombre de pages : 232

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Référence électronique
VARÈSE, Edgard ; JOLIVET, André. Correspondance (1931-1965). Nouvelle édition [en ligne]. Genève :
Éditions Contrechamps, 2002 (généré le 15 février 2024). Disponible sur Internet : <https://
books.openedition.org/contrechamps/2320>. ISBN : 978-2-940599-27-1. DOI : https://doi.org/10.4000/
books.contrechamps.2320.

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1

RÉSUMÉS
Né en 1883 à Paris, mort en 1965 à New York, Varèse a traversé son siècle comme un marginal et
un solitaire, selon le mot de Pierre Boulez. Son œuvre, coupée de ses racines (ses pièces de
jeunesse ont toutes disparu), se dresse comme un bloc erratique, loin d'une époque marquée par
le néo-classicisme : elle est novatrice et radicale. Le compositeur a rêvé d'une musique autre : son
catalogue, bref et intense, n'en est que la partie audible. Varèse fut par ailleurs très actif à
l'intérieur de la société américaine, où il s'engagea pour la musique contemporaine.

Sa correspondance avec André Jolivet, qui fut l'un de ses rares élèves et son ami, constitue un
document inestimable pour approcher son univers intellectuel et sensible ; on saisit, dans ses
propos souvent abrupts, la force de caractère d'un homme dont l'œuvre, en ouvrant des voies
nouvelles, a aimanté l'avenir. L'édition de ces lettres, qui couvre la période 1931- 1965, a été
établie par Christine Jolivet-Erlih ; elle est complétée par toute une série de documents qui en
éclairent la portée
2

NOTE DE L’ÉDITEUR
Cet ouvrage a été publié avec le soutien de la SACEM.
3

SOMMAIRE

Avant-propos
Philippe Albèra

Introduction
Christine Jolivet-Erlih

Avis aux lecteurs

Correspondance
Edgard Varèse et André Jolivet

Annexes

Des sirènes de bateaux, des rugissements de lions : tout est musique pour Varèse
Le célèbre compositeur moderne qui donnera une conférence dimanche utilise tous les sons, et de nouveaux moyens
dans ses symphonies
Bach et Beethoven
L’utilisation de nouveaux instruments
Maître de son expression
La nouvelle musique est-elle incomprise ?
Un public plus que magnifique

Le monde n’a encore rien entendu en musique ; l’idée de Varèse comparée à ses possibilités

Varèse et la nouvelle musique de l’Amérique


Isadore Freed

Amériques (Edgar Varèse)


Paul Le Flem

Les Danse incantatoire d’André Jolivet


Florent Schmitt

Concerto pour ondes Martenot et orchestre de Jolivet


Virgil Thomson

Notes sur Varèse


André Jolivet

Edgar Varèse
André Jolivet

Lettre au producteur de l’émission « À vos ordres »


André Jolivet

« Philosophe du bruit » et précurseur de la musique concrète : Edgar Varèse


André Jolivet

Varèse avec nous


André Jolivet

Index

Cahier d’illustrations
4

Avant-propos
Philippe Albèra

1 La musique de Varèse a traversé les années d’entre-deux-guerres comme un météore :


loin de l’esthétique néo-classique dominante, elle s’est voulue radicalement novatrice.
À l’écart des résurgences nationalistes qui alimentèrent deux guerres mondiales, elle
s’est enracinée dans le sol de l’exil américain où Varèse apparut rapidement comme un
chef de file du mouvement ultramoderne. L’importance historique de son œuvre est
sans rapport avec l’étendue d’un catalogue qui n’est composé que d’une douzaine
d’opus, face visible d’une pensée et d’une imagination sonores en avance sur des
moyens nouveaux dont l’approche concrète a hanté le compositeur toute sa vie.
L’homme fut également actif sur la scène musicale : il créa en Amérique différentes
associations pour la défense des compositeurs et de la musique nouvelle ; il côtoya les
artistes les plus éminents de son temps, avec lesquels il maintint des liens d’amitié, et
qu’il tenta au début des années trente de regrouper dans une IVe Internationale des
Arts (voir l’introduction et la correspondance ci-après).
2 La puissance du refus, chez Varèse, est liée à sa vision d’un monde sonore totalement
neuf, dont les œuvres accomplies sont tout à la fois l’incarnation et la préfiguration.
Elle s’enracine psychologiquement dans le rapport conflictuel avec son père, dont
l’intensité semble n’avoir pas faibli jusqu’à la fin ; musicalement, elle provient d’une
force de conviction et d’une pureté qui n’autorisaient aucun compromis. Sa haine du
parisianisme, affirmée plus d’une fois dans les lettres, provient sans doute des années
de guerre où les revendications nationalistes, adossées à un anti-germanisme viscéral,
accompagnaient la volonté de liquidation de la modernité artistique. Varèse, qui était à
l’époque très lié à des personnalités de la scène germanique comme Busoni,
Hofmannsthal, Reinhardt, Strauss ou Schoenberg, fait assez exceptionnel pour un
compositeur français, a fui l’Europe en 1916 dans l’espoir de trouver en Amérique un
terreau plus favorable à ses idées. La correspondance montre sa lucidité quant aux
limites de son pays d’adoption. Elle révèle aussi la force de caractère, l’exigence
artistique, cette éthique de la composition dont les œuvres témoignent par une
puissance expressive demeurée intacte.
3 Le continent varésien paraît sans attache : ses œuvres de jeunesse nous sont inconnues,
comme si le compositeur s’était lui-même donné naissance avec la formidable
5

déflagration sonore d’Amériques. Les œuvres envisagées, les projets inaboutis, les sons
qu’il rêvait de tirer d’hypothétiques machines représentent par ailleurs un monde
sonore imaginaire à tout jamais virtuel. Plusieurs générations de compositeurs après lui
ont tenté d’en cerner les contours et de le faire advenir à la réalité.
4 Il existe bien des zones floues dans la biographie de Varèse, jusqu’à sa date exacte de
naissance. Il faut dire que son héritage a été en partie occulté et déformé, victime de
captations douteuses. Combien de documents ont été soustraits à la connaissance
posthume, par négligence ou par un intérêt malsain ? L’édition des Écrits ne constitue
pas elle-même un document fiable : c’est un montage dans lequel les textes sont
tronqués, et les propos authentiques de Varèse mêlés à ceux qu’on lui a prêtés. Faut-il
s’étonner que le premier volume des mémoires de sa compagne, Louise Varèse,
traductrice des grands auteurs français de la modernité, n’ait jamais été traduit en
français ? Où donc se trouve le manuscrit du second volume, dont on sait qu’il fut
rédigé, mais qui a disparu ?
5 Dans un tel contexte, la correspondance avec celui qui fut l’un de ses seuls élèves, et qui
devint très vite son ami, André Jolivet, constitue un document inestimable : cet échange
qui couvre la période 1931-1965 est un document authentique, le premier, s’agissant de
Varèse, publié en français. Il révèle l’homme tel qu’il fut, nous plaçant directement face
à ses idées dans la forme souvent abrupte qu’adoptait le compositeur pour s’exprimer.
Cette correspondance est malheureusement tronquée puisque la plupart des lettres de
Jolivet n’ont pas été retrouvées.
6 Nous devons au travail opiniâtre et consciencieux de sa fille, Christine Jolivet-Erlih, la
connaissance de ces lettres. Elle a travaillé directement à partir des manuscrits qui
appartiennent au fonds Jolivet dont elle a la responsabilité. Elle s’est chargée du travail
souvent difficile de retranscription des lettres, de l’établissement d’un riche appareil de
notes, d’une introduction situant le contexte de la correspondance, et de la publication
de quelques textes inédits qui l’éclairent.
7 Qu’il nous soit permis de remercier ici Madame Marylin Vespier, Monsieur Chou Wen-
Chung, la médiathèque musicale mahler et Christine Jolivet-Erlih, pour les
autorisations de publier qu’ils nous ont données.
8 Nous remercions également la SACEM pour son soutien, ainsi que Dieter Nanz pour sa
précieuse collaboration.
6

Introduction
Christine Jolivet-Erlih

1 L’intégralité des lettres qu’André Jolivet1 a reçues d’Edgard Varèse 2 est publiée ici pour
la première fois, même si certains extraits ont pu être cités ici ou là 3.
2 Toutefois, quelques lettres de Jolivet à Varèse ont pu être ajoutées à cet ensemble. Ce
sont celles qui se trouvent parmi les documents laissés par Louise Varèse 4. Pourtant,
selon les indications consignées dans ses agendas personnels et les dates de réponse
inscrites sur les lettres de Varèse, Jolivet a bien plus souvent écrit à Varèse qu’il ne le
paraît ici. Cette publication se réfère aussi à des notes manuscrites, des textes, des
programmes de concerts, des extraits de presse, bref, à toutes les sources susceptibles
d’expliciter certains aspects de cette correspondance.
3 Le réel échange entre les deux compositeurs n’ayant pu être rétabli, cette lecture
permet essentiellement la rencontre avec l’homme Varèse. Dans ses lettres, il aborde
des problèmes de tous ordres. Il n’en est jamais à une contradiction, à une ambiguïté ou
à un paradoxe près. Il livre ses points de vue, ses commentaires, presque sans aucune
retenue... Le jugement est émis ; le couperet tombe. La tête de turc du moment n’est pas
épargnée, mais il arrive à cet homme des contraires de la réhabiliter. Varèse apparaît
dans toute sa complexité, avec toute sa hargne5, mais il n’est pourtant jamais avare ni
de marques de sympathie ni de manifestations d’amitié.
4 Seules ses convictions musicales, comme sa foi dans les notions de « libération du son »
et de « son organisé » ou « d’une musique nouvelle faite avec des instruments
nouveaux »6 restent inébranlables. Exprimant aussi ses souffrances autant physiques
que morales, faisant part de ses réactions les plus spontanées comme les plus mûries, il
laisse peu à peu s’élaborer l’image d’une personnalité multiple.
5 La première lettre publiée, signée Varèse, est datée de 1931 ; la dernière, signée Jolivet,
l’est de 1965. A l’intérieur de cette période, la majeure partie des lettres de Varèse se
situe entre 1933 et 1937. Courant 1938 et 1939, les agendas de Jolivet contiennent
quelques mentions « Éc[rit] Varèse » (pendant cette période Varèse vit dans l’Ouest
américain et n’écrit pas à Jolivet), puis rien jusqu’à fin 1944 quand Varèse répond à une
lettre de Jolivet écrite le 26 septembre7, peu de temps après la Libération de Paris. Les
7

contacts sont rétablis, les échanges épistolaires reprennent et les deux hommes se
reverront jusqu’en 1965.
6 Quand débute cette correspondance, Varèse habite à nouveau à Paris depuis octobre
1928. Il a quitté l’Europe en 1915 pour les États-Unis8 et est revenu y séjourner à
plusieurs reprises. (En 1922 il est à Berlin, pour revoir son maître Ferruccio Busoni qu’il
savait malade ; de mai à septembre 1924, il est à Paris – pour la première fois depuis
1915 – avec deux escapades à Londres pour y entendre son œuvre Hyperprism 9 lors d’un
concert à la B.B.C. ; d’août à décembre 1925, il est à nouveau à Paris, pour livrer ses
problèmes de santé au Docteur Flandrin, qui a toute sa confiance car il l’aide à sortir de
ses crises de « mal-être » ; enfin, l’été 1927, il fait un séjour de repos sur la côte d’Azur
avec sa femme Louise10, à Antibes précisément). Fin 1928, il revient à Paris pour un plus
long séjour. La première rencontre avec Jolivet a lieu quelques mois après son arrivée,
en mai 1929.
7 Depuis 1927, Jolivet prend des cours particuliers d’écriture musicale avec Paul Le
Flem11. Il lui a été recommandé quelques années avant, par son ami Georges Valmier 12,
peintre et chanteur – qui connaissait Le Flem à ce titre.
8 Après une tentative d’entrée dans la marine, Le Flem mène parallèlement des études de
philosophie en Sorbonne et de musique au Conservatoire de Paris avec Charles-Marie
Widor et Albert Lavignac. À la suite d’un séjour de dix-huit mois en Russie comme
précepteur dans la famille des célèbres parfumeurs Brocard, il reprend, en 1903, des
études musicales à la Schola cantorum. Il y fait la connaissance de Varèse et, ensemble,
ils suivent les cours de Vincent d’Indy, Charles Bordes et Albert Roussel.
9 Outre une profonde amitié, Le Flem et Varèse garderont de leur formation à la Schola le
même goût des grands maîtres du Moyen Âge et des polyphonistes de la Renaissance,
qu’ils feront jouer et chanter13. Le Flem dirige longtemps les « Chanteurs de St
Gervais »14 créés par Charles Bordes. En 1924-1925, il est aussi chef de chœur à l’Opéra-
comique. Varèse crée d’abord à Paris, pendant sa deuxième année d’études au
Conservatoire, la « Chorale populaire du Faubourg Saint-Antoine » 15, puis à Berlin le
« Symphonischer Chor » (de 1909 à 1911)16 et plus tard le « Greater New York
Chorus »17. Le rapprochement des programmes des concerts élaborés par les deux amis
montre de grandes similarités18.
10 Le Flem, toute sa vie, a eu plusieurs activités. Dès 1921, il devient critique musical 19. À
partir de 1923, il enseigne le contrepoint à la Schola. Il participe, en 1935, à la fondation
de La Spirale 20, puis préside La Société nationale de musique 21. Le Flem compositeur ?
Jolivet l’a évoqué lorsque Le Flem reçut en 1951 le Grand Prix musical de la Ville de
Paris22 : « Avoir décerné ce prix [...], c’est avoir rendu justice à l’un de nos plus
authentiques musiciens vivants ». Et, citant Arthur Honegger : « Paul Le Flem était, à la
veille de 1914, un des premiers “musiciens de demain” et, volontairement, il s’effaça
devant les “nouveaux musiciens du jour” ». Notant que c’est grâce à la jeunesse qu’il n’a
jamais perdue que Le Flem a pu reprendre « le fil trop longtemps interrompu de sa
production » et, se référant à la pensée d’Alfred de Vigny : « Une belle vie, c’est un rêve
de jeunesse réalisé dans l’âge mûr », Jolivet pressentait que Le Flem composerait
encore. Sa Quatrième et dernière Symphonie date de 1971, il est alors âgé de quatre-
vingt-dix ans.
11 Le Flem, sachant que Varèse est à Paris, propose à Jolivet de le lui faire connaître,
pensant que les recherches et les moyens d’expression musicale de Varèse
correspondraient tout à fait aux tendances et aux curiosités manifestées par son élève.
8

L’occasion se présente : Varèse est joué en concert. Gaston Poulet dirige Amériques à la
Salle Gaveau. Le Flem adresse son élève à Varèse, le priant de lui procurer des places
pour ce concert du 30 mai 1929. C’est la première rencontre des deux hommes, que
Jolivet s’est souvent plu à relater23 : « Et je tombe me de Bourgogne24, sur Varèse et
Stokowsky. Il ne fallut pas moins, pour me délivrer de l’appréhension qui m’étreignait,
que l’étrange chaleur de ce regard bleu d’acier qui m’enveloppa, dès l’abord, d’une si
fraternelle et d’une si lumineuse cordialité. Et avant même que Varèse n’eût ouvert la
bouche pour me dire : “Le Flem a bien fait de vous envoyer. C’est l’audience des jeunes
qui m’intéresse et je leur suis tout dévoué”, je savais que j’avais trouvé mon maître et
mon plus grand ami ».
12 Une relation suivie s’installe très vite entre eux, faite de rencontres, de séances de
travail, de dîners25, de rendez-vous manqués, de concerts et de répétitions de concert...
Ainsi, Jolivet a noté avoir assisté, en compagnie de Heitor Villa-Lobos 26, au concert du
14 mars 1930 où Varèse dirigea deux de ses œuvres : Offrandes et Octandre ; aux concerts
du 11 juin 1931 et du 26 février 1932, tous deux sous la direction de Nicolas Slonimsky,
où il entendit successivement Intégrales et Arcana27.
13 Dans un entretien radiophonique accordé au lendemain de la disparition de Varèse 28, il
déclarera :
« Varèse, c’est toute ma jeunesse, et même le développement de toute ma carrière
[...] J’ai eu la chance de voir naître une œuvre aussi capitale dans l’évolution de la
musique que Ionisation. »29.
14 Quels ont donc été alors les apports du maître à ce nouvel élève ?
15 Il ne semble pas qu’il se soit agi de formation traditionnelle. Varèse ne donne pas de
cours à proprement parler à Jolivet30. Ce dernier, interrogé sur ce que lui avait apporté
la fréquentation de Varèse de 1929 à 1933, a répondu :
« [...] tous les aspects de la musique moderne [...] les principes de Schoenberg que
j’ai toujours utilisés selon les exigences de mon expression personnelle. [...] Les
points essentiels que j’ai retenus sont l’acoustique, le rythme et l’orchestration. [...]
L’acoustique, c’est-à-dire les dispositions donnant les meilleurs résultats sonores ;
la musique devant être avant tout un phénomène sonore. [...] La discipline atonale à
laquelle Varèse m’a astreint était beaucoup plus sévère que celle des
dodécaphonistes [...] Ce sont ces contraintes atonales et cette volonté de mise en
ordre qui m’ont probablement amené à rechercher une technique à la fois non
varésienne et non sérielle. [...] Le rythme, cet alphabet du langage universel qu’est
la musique, est fondé au départ sur l’utilisation de la percussion et le principe que
tout bruit est un son en formation... ».31
16 Au sujet de l’orchestration, il précise :
« Varèse, comme beaucoup de compositeurs de sa génération, estime à juste titre
que l’orchestration, c’est la composition musicale proprement dite [...] Depuis
Debussy, on peut considérer qu’écrire pour l’orchestre n’est pas la simple
répartition, entre les instruments, d’un monstre plus ou moins jouable au piano,
mais que l’architecture sonore d’une œuvre est sa raison profonde d’exister... » 32
17 Au-delà de ces principes, Jolivet lui doit aussi son initiation à la percussion et sa
découverte d’instruments qu’il employa dans certaines de ses œuvres comme le
tambour à corde33 et la cloche de vache de même que les ondes Martenot. Mais, plus
important, Varèse lui fit surtout part de certaines de ses découvertes, car il lui faisait
confiance. Dans un travail consacré aux « Sources du langage musical de Jolivet »,
Bridget Conrad écrit que Varèse a partagé ses idées « musicales et ses procédés avec
une personne au début des années trente, et c’était Jolivet »34.
9

18 Cette même confiance a conduit Varèse à présenter Jolivet à ses amis de Paris et à le
recommander à ceux avec qui il collaborait aux États-Unis depuis 1915. Ainsi, en mars
1931, il lui a conseillé d’envoyer à Georges Barrère35 la partition d’un Trio pour flûte,
harpe et violoncelle auquel Jolivet travaillait. Varèse avait eu l’idée de le faire jouer par
le trio que le flûtiste formait avec Carlos Salzedo36 et Horace Βritt37. Comme cela ressort
de la correspondance, l’œuvre ne sera en fait jamais jouée, alors qu’il en est bien
souvent question38. À son sujet, Varèse, de retour à New York, a prodigué de fréquents
conseils : « - Pas trop de notes - que l’œuvre soit concise - serrée et volontaire - Plus
vous chargez - plus vous enlevez de possibilités aux sons de se déployer et de se
projeter. [...] Potassez votre truc pour Salzedo - mais pas trop de notes - et souvenez-
vous que si vous avez une tête - il faut s’en servir et penser avec [...] Souvenez-vous en
outre - qu’une œuvre n’est jamais assez dépouillée - »39, ou encore : « Travaillez - en
vous souvenant que le cerveau sert à quelque chose »40. Mais, il ne se voulait pas
moraliste : « Travaillez pour vous avec des vues plus universelles. Merde - je deviens
moraliste - ça ne me va pas - faites donc ce qui vous plaira - après tout on ne profite que
de sa propre expérience - »41.
19 Une fréquentation régulière entre les deux hommes fait vite du « disciple » un proche.
Un détail le montre : entre 1931 et 1932, Varèse dans ses lettres modifie la formulation
qui, de « Cher Monsieur », passe à « Cher ami ». Par ailleurs, Bridget Conrad, à partir de
son étude approfondie de leurs biographies respectives, relève certaines
caractéristiques qui ont contribué à l’élaboration de leur harmonieuse amitié 42 : l’accès
tardif à la musique43, l’attirance pour les arts plastiques et leurs idéaux politiques.
Ensemble, ils pouvaient satisfaire des dispositions et des goûts communs.
20 À Montparnasse, ils fréquentèrent nombre d’artistes et de personnalités que Varèse
connaissait et qu’il n’hésita pas à présenter à Jolivet, comme ses agendas en
témoignent, égrenant les noms d’Artaud, Delaunay, Esperone, Freed, Rivier, Russolo,
Slonimsky, Villa-Lobos, et de tant d’autres. Varèse présenta donc ou même
recommanda Jolivet à ses connaissances. Dans son premier message 44 figure l’adresse
du flûtiste Georges Barrère ; dans le second45 sont évoquées une rencontre avec Freed et
une décision de Pomiès. Plus tard, il arriva même que Varèse intervienne auprès du
professeur de Guighy46, Fortunat Strowski, et qu’il s’en souvienne quelques mois
après47.
21 Quand Varèse impliqua Jolivet dans l’élaboration d’une IV e Internationale des Arts et
l’entraîna en Espagne où il pensait pouvoir réaliser la mise en place de ce projet 48, il
pensait y regrouper peintres, sculpteurs, architectes, écrivains, musiciens, etc... de
toutes nationalités. Tous ceux qui, comme Varèse, s’étaient retrouvés à Paris dans ces
années trente. Dans une conférence de 1960, Jolivet raconte :
« À cette époque où les cafés de la Rotonde, du Dôme et de la Coupole étaient de
véritables colonies américaines, lorsque nous finissions de travailler, Varèse et moi,
dans son petit atelier de la rue de Vaugirard, et que nous allions faire deux pas sur
le boulevard Montparnasse, nous rencontrions Picasso, Max Ernst, Marc Chagall,
Braque, Artaud, Robert Desnos, Foujita, qui se coudoyaient avec toute une faune
pittoresque et bariolée [...] Qu’on veuille bien se représenter [...] cet émerveillement
continuel dans le côtoiement de personnalités aussi diverses que dynamiques, dont
l’ensemble constituait un raccourci du monde entier... »49.
22 Accompagnés le plus souvent de Louise (Varèse) et Guighy (Hilda Jolivet), ils
rencontraient aussi leurs proches. Très vite, par exemple, Fernand De Nobele devint un
familier. Il travaillait avec son père Ferdinand De Nobele, libraire spécialisé dans la
10

documentation sur les beaux-arts, rue Bonaparte. À Saint-Germain-des-Prés... non loin


de Montparnasse. Pour Fernand, toutes les occasions étaient bonnes de prendre un
verre, se retrouver dans un bistrot, déguster un pot-au-feu. Mégret, l’inséparable ami et
complice de Fernand était là50. « Claude » : ce prénom mérite que l’on s’y arrête. Son
emploi, seul, sans précision de nom patronymique par Varèse dans son courrier, laisse
parfois planer une certaine ambiguïté sur la personne à laquelle il est fait allusion. En
effet, Claude est le prénom de la fille de Varèse et de Suzanne Bing 51. C’est aussi le
prénom du grand-père de Varèse avec qui il a passé sa petite enfance en Bourgogne et
auquel il est resté tellement attaché. (La première œuvre symphonique de Varèse,
Bourgogne, lui rendait hommage). Enfin, Claude est le prénom de Chéreau, son grand
« copain » peintre, qu’il retrouve à Paris chaque fois qu’il revient de Berlin entre 1907
et 191452 et longtemps après.
23 Parmi les proches, il y avait aussi Alejo Carpentier, Irène Joachim, Paul Le Flem bien sûr
et Jeanne sa femme, Dominique Modesti, Tata Nacho, Georges Ribemont-Dessaignes,
Joseph Stella53, les Vargas54, et tant d’autres cités dans sa correspondance.
24 Tant qu’il fut à Paris, Varèse fut le témoin du quotidien et de la vie privée de Jolivet.
Témoin discret, cependant. Dans la première lettre datée de 1931, Varèse adresse ses
hommages à Madame Jolivet. Il s’agit de la première épouse de Jolivet, Martine
Barbillon, violoniste55. Plus tard, il adresse « son meilleur souvenir à Mme Guighy » 56. Il
s’agit de la mère d’Hilda, seconde épouse de Jolivet. Celle-ci est le plus souvent désignée
par Varèse sous son nom de jeune fille, Guighy, avec des orthographes parfois
fantaisistes ou par des surnoms ou des abréviations, comme il a coutume de le faire
pour beaucoup : PLF pour Paul Le Flem, FdN pour Fernand De Nobele, IJ pour Irène
Joachim. Pour le plaisir d’un trait d’esprit, Varèse ne manque pas de surnommer
certaines ou certains : « La Boulangère » – pour Nadia Boulanger le « beau », le « bon
Florent » ou encore « Mr Réglisse Florent » – pour Florent Schmitt... Ces jeux de mots
fréquents sont, pour être drôles, souvent méchants. Et plus, ils perdent toute saveur
quand ils ne laissent plus place au doute.
25 Ainsi, au début de l’année 1934, conformément aux demandes de Varèse, Jolivet
rencontre Oskar Fried57. Varèse souhaite alors que Fried dirige Amériques au cours de
ses tournées en U.R.S.S. et même au Mexique ; c’est pourquoi il le soutient et le
recommande. Varèse « travaill[e] pour lui » et use à cet effet de sa position au sein de
l’Institut russo-américain58 et de ses bonnes relations avec les organisateurs de concerts
tels que Bernard Laberge et Hans Wachtell. Il réclame même sa future adresse en
U.R.S.S.59. La notoriété de Fried ne semble pas mise en doute par Varèse et il cherche à
lui assurer « toute facilité ».
26 Fried quitte Paris pour l’U.R.S.S., le 9 mars 193460. C’est pendant la période où Varèse,
très occupé à la préparation de deux concerts de ses œuvres61, n’a pas le temps de
répondre à Jolivet. Le 5 avril, c’est Louise qui prend la plume pour excuser son silence
et qui laisse entendre qu’un sérieux malentendu est né entre Varèse et Fried. Celui-ci,
de Moscou, écrit à Jolivet : « J’avais invité Mr Bullitt 62 mais il m’a renvoyé les cartes
pour le concert sous le prétexte, [qu’]il n’avait pas le temps de venir ! Peut-être une
autre fois. Mais moi, je ne crois plus à l’aide de Mr Bullitt. Varèse a peut-être surestimé
les relations avec ce Monsieur ». Et Varèse, ayant sans doute connaissance de l’incident
par Jolivet, se livre, en réponse, aux attaques. Dans ses lettres suivantes, Fried devient,
non pas simplement la tête de turc du moment, sujet à faire quelques « bons mots »,
mais sujet de sa hargne antisémite63. Hargne qui l’entraîne jusqu’à reconnaître le bien
11

fondé de « certaines mesures hitlériennes » ! Fin 1936, Varèse est satisfait d’apprendre
que Jolivet tente de récupérer leurs partitions que détient encore ce « c.. ». Il n’est pas
allé jusqu’à l’insulte quand il s’est agi de l’homonyme « Freed ». Il le « cro[yait] gentil »
et le laissait « fricoter dans sa petite bande juive de Philadelphie » 64.
27 Sans doute est-il moins embarrassant d’admettre certaines des considérations de
Varèse sur des sujets politiques. Les événements auxquels il s’intéresse sont ceux dont
il a connaissance, soit par la presse américaine, soit par la presse française – qu’il
demande qu’on lui envoie –, soit par les récits d’amis ou de relations venant d’Europe. Il
s’inquiète de la situation politique en France, des dangers d’une guerre 65, de la situation
en U.R.S.S.66 par exemple, et ses analyses ne manquent pas d’idées contradictoires.
Ainsi, après avoir affirmé que : « La France [lui] a l’air de sombrer de plus en plus dans
le marasme », quelques jours plus tard il juge la « situation folâtre » 67 et finalement
demande : « que se passe-t-il ? ». Comme pour se rassurer ? Ou pour confirmer ses
opinions ? Mais lesquelles ?
28 Car, malgré bien des ambiguïtés, rien ne semble en fait avoir grâce à ses yeux : en tout
cas, ni le communisme68, ni l’Action Française. Pourtant, à propos de cet extrémisme-là,
particulièrement, il peut écrire après une conférence de Barbusse : « Il a annoncé à cor
et à cri l’avènement proche du fascisme en France - Ça ne serait pas pire
qu’actuellement ! »,69 mais aussi : « Une forte vague de chauvinisme commence à
secouer le pays - Ça devient ridicule - mais très alarmant, car ici fascisme signifie dans
toute sa splendeur = triomphe du Ku Klux Klan »70. Et finalement, énonçant sa
sympathie pour la situation du moment en Espagne, il confie : « Je souhaite que tout se
tasse chez eux - comme ailleurs aussi - ici surtout où les jeunes cons fascistes
commencent à se sentir pisser... » ;71 il s’attaque aux hommes de l’extrême droite
française (Pierre Taittinger, François Coty, par exemple) tout en n’hésitant pas à se
référer, on l’a vu, aux « procédés hitlériens ». S’agit-il de l’une de ces controverses qu’il
menait avec lui-même ?
29 Néanmoins, il se présente comme un homme de gauche et en tout cas, comme un
compositeur de gauche. S’il a semblé suivre avec intérêt la création d’un troisième parti
aux États-Unis, le parti progressiste fondé par les frères La Follette 72 en août 1935 73,
ayant eu connaissance de la création en France du Front populaire lors du 14 juillet, il
écrit : « Je souhaite que ce dernier74 connaisse une ère meilleure dans un état social
nouveau - Ce que j’ai lu des manifestations du 14 juillet est réconfortant si toutefois une
organisation suffisante est à même de dominer les événements » ; et, au printemps
suivant : « J’espère que le front populaire ne va pas râter le coup » 75. Quand il n’a plus
été question de la IVe Internationale des Arts, il se mit à travailler avec d’autres
compositeurs (Freed, Salzedo...) « à un projet de front commun - alliance des
compositeurs de gauche » dont il envisage alors une « possibilité de collaboration avec
votre groupe »76. Et quelques semaines plus tard, à propos du titre de Jeune France donné
au groupe formé par André Jolivet avec Yves Baudrier, Daniel-Lesur et Olivier Messiaen,
il avoue : « Je n’aime toutefois guère (pour le malentendu auquel il peut prêter) votre
titre de Jeune France - pour vous surtout - Il est vrai que des questions de consommation
locale peuvent à la rigueur le justifier - Toutefois je n’aime guère les limites
qu’imposent certains tarifs ».
30 Cette observation du maître à l’élève semble permettre de lever toute ambiguïté sur la
nature de leur engagement commun. Comme semble le permettre la raison profonde du
séjour en Espagne préalable au retour de Varèse aux États-Unis : une IV e Internationale
12

des Arts. Expression choisie pour désigner le grand festival des arts à l’organisation
duquel Varèse souhaite voir collaborer les amis français et étrangers, rencontrés à
Paris, dont il sait les convictions de gauche et même les sympathies trotskistes. Ayant
probablement connaissance des difficultés de la IIIe Internationale, Varèse a anticipé
sur l’histoire en employant la qualification de IVe. En effet, ce n’est qu’en 1938 que
Trotski fonde la IVe Internationale et ce n’est qu’en 1940 que sont créés les Comités
français de ladite IVe Internationale.
31 Varèse est donc allé en Espagne pour établir des contacts et assurer la mise au point
d’un immense projet analogue à celui auquel il pensait déjà en 1919 d’une « Ligue des
Nations par l’Art »77. Jolivet, intéressé au projet, l’y rejoint. L’examen de ses agendas
permet de restituer les principaux moments de ce séjour.
32 Le 16 août 1933, le couple Jolivet-Guighy est arrivé d’Algérie78 à Barcelone, via Palma de
Majorque. Le soir même, ils participent à une réunion de la IV e Internationale.
Beaucoup de visites, des réunions pendant ces quelques jours passés à Barcelone et le
23, ils partent pour Tarragone79, puis ils passent trois jours à Valencia.
33 Au cours de ce déplacement, Jolivet et Varèse s’écrivent. C’est essentiellement dans ces
lettres qu’il fut question de la IVe Internationale. Varèse recommande alors le silence :
« Pas un mot lors de votre séjour à Madrid - et autres endroits d’Espagne - de la IV e
Intle »80, « Pas un mot à qui que ce soit de la IVème Intle et ce à la requête du Ministre » 81,
« [...] nous sommes tenus à une grande discrétion »82.
34 Les Jolivet arrivent à Madrid le 3 septembre ; Varèse y est sans doute depuis le 31
août83. Il réside chez Pedro Sanjuan84, le compositeur espagnol, chez qui se passe la
première soirée. Jolivet l’a connu par correspondance ; ils se sont écrit les mois
précédents, et Jolivet lui avait envoyé une partition85. Le séjour madrilène se déroule en
visites de la ville et de ses monuments – Palais Royal, Musée du Prado, etc. – et en
rencontres avec Torrès Garcia le peintre86, Rafaël Alberti le poète et auteur dramatique,
à nouveau Sanjuan87, et à nouveau Alberti88.
35 Le 11, les Jolivet repartent pour la France chargés de toute une série de démarches à
effectuer pour Varèse89, et leur correspondance reprend le jour même. Dès leur retour,
ils rencontrent Louise Varèse qui, elle, est restée à Paris. Il était fixé qu’elle irait
embarquer au Havre sur un paquebot faisant escale à Vigo, où Varèse la retrouverait
pour rentrer aux États-Unis.
36 Fin septembre, Jolivet est très occupé par les préparatifs de son mariage. Mais il renoue
les contacts avec Ribemont-Dessaignes, Stella, etc. Au premier, il a écrit sur une carte
de visite90 « qu’il regrett[ait] de ne pas l’avoir trouvé » et « qu’il se tenait à sa
disposition dès qu’il le voudrait » pour le mettre au courant d’une façon détaillée des
démarches de Varèse. Il l’a rencontré dès le début d’octobre.
37 Lorsqu’à Barcelone, évoquant les rencontres avec le « Conseiller de culture » – qu’il
appelle aussi « le Ministre »91 –, Varèse écrit qu’ils « travaillent à la formation du
Comité A »92 – et dans la même lettre, qu’il charge Ribemont-Dessaignes de former le
Comité Β en France –, il s’agit de Ventura Gassol93, poète, secrétaire de Francesc Macia94,
lui-même Président de la Generalitat de Catalogne depuis le 14 avril 1931. Or, Francesc
Macia et Ventura Gassol ne sont nommément désignés par Varèse qu’après son retour
aux États-Unis95. Il a donc respecté la discrétion qu’il a tant recommandée. Pour
constituer le Comité A, il est probable que Varèse a directement pressenti ses amis
retrouvés à Madrid : Rafael Alberti96, Torrès Garcia97, Pedro Sanjuan qu’il a connus,
13

selon leurs histoires personnelles, soit à Paris, soit à New York. Il en est de même des
personnes citées dans la lettre du 29 août 1933 pour faire partie du Comité Β :
« Ribemont-Dessaignes98 est chargé de former le Comité Β en France - avec jusqu’ici
(Artaud - Le Corbusier99 - Le Flem - R. Petit - (peut-être Lipshitz [sic] 100 sculpture -
Léger101 peinture) enfin du groupe, qui bon lui semblera ».
38 Il est intéressant d’observer que les membres du groupe, même s’ils ont affiché des idées
de gauche, n’ont, semble-t-il, pas confirmé leur engagement en adhérant à un parti
politique102. L’ouvrage de Ribemont-Dessaignes Déjà jadis 103 permet de le situer lui-
même et aide à expliquer l’évolution des positions et les engagements de certains
membres du groupe.
39 L’auteur a d’abord été peintre. « Sa famille le nourrissait des Salons des Artistes
français et de la Société nationale des Beaux-Arts, bien plus que du Louvre » 104. Il
fréquente de nombreux peintres et sculpteurs de l’époque héroïque du cubisme – parmi
lesquels Lipschitz. Mais lui-même, « tout en acceptant l’air de nouveauté qu’apportait
le cubisme », n’y a pas vraiment participé. Il a seulement figuré à une exposition de la
Section d’Or « qui servait d’enseigne à un groupement cubisant » 105. La remise en cause
par Ribemont de « la transformation des valeurs plastiques » qu’impliquait le cubisme
et de ce qu’il « avait de destructeur pour toutes les valeurs, et de destructeur pour le
sens même de valeur »106, est à l’origine d’une crise personnelle ; il se détourne peu ou
prou de la peinture107 et se met à écrire. Au moment où « Dada se préparait en Suisse »,
il rédige une pièce en vers (L’Empereur de Chine), qu’il a considéré être « un des premiers
témoignages d’avant Dada qui fit partie intégrante de Dada » 108. Et quand les Dadas ont
commencé à se manifester à Paris, voilà comment s’est déroulée une réunion se tenant
à l’Université populaire du faubourg Saint-Antoine109 : « Il fallut faire comprendre [au
public] que nous nous révoltions non seulement contre l’ordre bourgeois, mais aussi
contre tout ordre, toute hiérarchie, toute sacralisation, toute idolâtrie, quelle que fut
l’idole... »110.
40 Révolte, le terme est lancé. Mais c’est quand Ribemont s’exprime sur le Surréalisme que
les positions deviennent plus nettes. « Le Surréalisme [...] interdisait qu’il y eût un art
poétique. Mais il se voulait révolution permanente de l’esprit [...] Officiellement [...] né
en 1924, tout de suite il est une révolte contre toutes les valeurs de ce monde. [Il] croit
en tout ce qu’il affirme. Dada ne croyait en rien »111. « La véritable question [que se
posent les surréalistes] est celle de la grande contradiction entre l’intellectuel et le
social112 [...] Le Surréalisme se trouvait partagé entre les deux termes de la Révolte qui
lui était propre. L’esprit, ou le reste ; la cervelle, ou les pieds sur la terre ? [...] Certains
avaient une disposition naturelle à tenir pour primordiales des revendications
intellectuelles. D’autres s’abandonnaient aux réalités, mais celles-ci, du fait qu’elles se
situaient dans le domaine politique ou social, devenaient périlleuses » 113. « Les
manifestations plus directement axées sur la révolte dans les actes firent apparaître
l’ambiguïté politique. Et, pour mettre les points sur les i, c’est la question claire et nette
du communisme qui se posa, puisqu’il était le seul parti qui pût effectivement se
réclamer de la Révolution, celle-la même qu’il avait réalisée en Russie. » 114
41 Comme Ribemont-Dessaignes, les membres du groupe, pour la plupart, se sont réclamé
du Surréalisme ou l’ont fréquenté. Attachés plus jeunes à une forme d’anarchisme 115,
attirés par les idées révolutionnaires et la remise en cause de l’ordre établi, repoussant
toutes contraintes au nom de la liberté, il semble qu’ils aient trouvé, par le biais du
Surréalisme, dans les idées du communisme et mieux, du trotskisme, des principes
14

prônant une révolution correspondant à leurs quêtes. Ribemont-Dessaignes rapporte


que vers 1925, « Breton conç[u]t un plan grandiose d’unification intellectuelle
révolutionnaire. Il se révél[a], en effet, que pour le Surréalisme toute action n’[était]
possible qu’en collaboration avec les organismes communistes, ou tout au moins
communisants, en y joignant les autres mouvements révolutionnaires sans tendance
politique avouée. »116
42 Au début des années trente, Ribemont-Dessaignes, devenu rédacteur en chef de la
revue Bifur117, entre « en relations avec un grand nombre de personnalités françaises ou
étrangères »118. Il fréquente « très assidûment le café des Deux Magots, quelquefois le
café de Flore ou la brasserie Lipp... ». Il y rencontre « ses amis, qui étaient tous plus ou
moins des expulsés ou des dissidents du Surréalisme... ». Artaud est déjà évincé par
Breton. « Ceux du Grand Jeu 119 se trouvaient là : Daumal, Roger Gilbert Lecomte, [...] Il y
avait aussi Alejo Carpentier qui racontait de belles histoires de Cuba, comme Miguel
Angel Asturias [...] en racontait sur le Guatemala ». Parfois, il va avec Vitrac et
Carpentier, chez Desnos, à moins qu’ils ne se « réunissent chez Carpentier, ou chez
André Jolivet, le musicien, élève de Varèse »120.
43 En quelques phrases voilà retrouvés peu ou prou ceux que Varèse veut associer à son
projet de IVe Internationale. En 1933, il sait qu’à Barcelone il trouvera notamment
l’appui de Joan Miró, et l’aide de l’ADLAN, Association catalane des arts créée par Joan
Prats.
44 Hilda Jolivet, témoin des tractations menées par Varèse en Espagne, raconte : « Ils
préparaient la IVe Internationale des arts avec une même foi : ils rêvaient d’une
immense fraternité par la culture, ne se doutant pas que, si peu d’années après, ils
seraient écrasés par la Guerre civile »121.
45 Dans sa première lettre écrite de New York122, Varèse recommande de ne pas se presser
pour la IVe Internationale. Il attend que Joan Prats réponde à ses lettres. Mais après
janvier 1934, il n’en est plus question. Et si, commentant les nouvelles venues
d’Espagne, il exprime encore un certain optimiste de voir aboutir le projet, il s’est déjà
tourné vers d’autres grands projets en relation avec l’U.R.S.S.. Pour lui, la IV e
Internationale avait été un projet qui le ferait revenir en Europe.
46 Avant de quitter l’Europe, le 15 septembre 1933, il envoie deux courriers à Jolivet, « la
dernière fois avant l’exil », donnant « rendez-vous dans une quinzaine d’années » 123.
47 Il laisse derrière lui cet entourage avec lequel il a voulu conserver le contact parce qu’il
l’aimait. Ses sentiments amicaux sont clairement exprimés, mais tout comme le sont
son amertume envers Paris et son acharnement contre le « parisianisme ».
Parisianisme ! Encore un mot dont il aurait pu dire, comme s’il voulait le rayer du
vocabulaire, « Plus de ça ! », car il a toujours affirmé son refus de la terminaison
« isme » sous toutes ses formes124.
48 « Plus de ça » ! Ce fut aussi son message concernant Paris. Le 9 juillet 1934 125 : « À part
les amis - et certains milieux que je regrette - Paris me fait l’effet d’un cauchemar - avec
arrière-goût de relent d’égout. » Le 24 août 1934 : « Plus que jamais je veux un art [...]
purgé de tout parisianisme ». Son dégoût pour « Paris = Ville-Poubelle » où il est
considéré « comme un touriste »126, est tel qu’il refuse que ses œuvres soient
programmées et que ses amis défendent sa musique. Pourtant, « seuls les amis lui
feront fouler le macadam »127. Car, si « ça n’est pas le désir de revoir ceux qui sont chers
qui manque [...] ce bordel de ville n’a aucune compensation à offrir... » 128. Après guerre,
15

Paris sert encore de référence, mais cette fois-ci pour expliquer la société new-
yorkaise : « ... en musique - comme en peinture sculpture - théâtre on se croirait à
Paris, il y a une quinzaine d’années - Remue-ménage - agitation même les snobs se
sentent désemparés - dégoûtés, ils ne savent sur quoi, sur qui miser sans passer pour
des cons - »129. C’était son image du parisianisme, de celui que Varèse quitta pour
rentrer aux États-Unis, « écœuré [aussi] de l’incompréhension du milieu musical » 130
parisien.
49 Jolivet voulut le suivre en Amérique. Il commença même des démarches en ce sens,
notamment auprès d’Henri-Martin Barzun131, à qui Varèse l’avait recommandé. Dans
une lettre du 26 mai 1933132, il écrit :
« En 1929, Varèse arrivait à Paris. Mis en relation avec lui, séduit par ses
réalisations sonores, je m’attachai à ses théories et je crois pouvoir avancer que je
suis maintenant non seulement son plus fidèle élève, mais son disciple.
Or, il doit retourner aux États-Unis et mon plus grand désir serait de l’y suivre.
Varèse, qui paraîtrait heureux que je l’y rejoigne, estime, de plus, qu’étant donné
l’orientation de mes idées artistiques, elles trouveraient un milieu plus favorable là-
bas qu’en France. »
50 Il semblerait que Barzun l’en ait dissuadé. Tout autant que Varèse, qui lui adressa ce
conseil : « Dépêchez-vous de perdre vos illusions en ce qui concerne ce pays. Vous y
retrouverez le même état mental qu’à Paris - avec plus d’imbecillité [sic] - et tout
autant de muflerie [...] Quant à venir ici - n’y songez pas - Que pourriez-vous faire ? [...].
Tâcher de vous faire une place dans le monde musical ? Mais c’est plus dur qu’à Paris -
et les méthodes de combat plus crues et plus brutales - [...] Et puis un vent de
xénophobie - commence à souffler - Les Français surtout sont les moins bien vus - Autre
handicap - vous ne parlez pas l’anglais »133. Plus tard, Varèse prendra l’exemple même
de Barzun pour dissuader Jolivet : « Barzun arrive à peine à se démerder » 134.
51 Mais lui, Varèse, est réinstallé à New York avec Louise depuis le 28 septembre 1933. Sa
première lettre date du 14 octobre. Et le fait important est que Varèse annonce avoir
trouvé un « laboratoire ».
52 Un laboratoire ? Son rêve. « Toute la journée dans des laboratoires ? » 135, pouvoir aller
au « Western Electric » ?136 « pour y trouver une solution en 5 minutes » ? 137 ou « faire
de grands travaux de calcul - au sujet de nouvelles données acoustiques » ? 138 « Sortir
de nouveaux boulots et ce coup-ci hors des conventions orchestrales et autres
gélatineux climats à archets - Ensemble de masses chorales - instruments nouveaux » ?
139 Même dans une ferme ? Oui, il a prié Jolivet d’en chercher une dans la région

parisienne : « C’est fort honnête à vous de vous occuper de la ferme - J’y pense
sérieusement - et souhaite pouvoir un de ces quatre matins posséder les 4 sous
nécessaires - J’envisage déjà une grange transformée en laboratoire - avec l’électricité
nécessaire - »140.
53 Un laboratoire ? L’histoire de sa vie.
54 Un laboratoire à tout prix, avec pour objectif « l’art-science », « c’est-à-dire une
musique qui semble emprunter ses catégories à la science » et qui soit « la nouvelle
matière sonore appel[ant] une nouvelle pensée musicale et de nouveaux procédés de
construction »141.
55 Depuis sa jeunesse, Varèse avait été préoccupé par la « spatialisation de la musique » et,
à chaque occasion, il se tourna vers les scientifiques qui travaillaient à la conception
d’instruments nouveaux produisant des sons nouveaux. Il en attendait la réalisation de
16

l’un de ses objectifs majeurs : obtenir, par les applications des sciences physiques, « la
libéralisation du son ». D’où sa réaffirmation constante de la nécessité – qu’il juge
absolue – que « le compositeur et l’ingénieur en électricité d[oivent] travailler
ensemble »142.
56 À son retour définitif de Berlin, marqué par la déclaration de Busoni : « La musique est
née libre ; et conquérir la liberté est son destin »143, Varèse a voulu poursuivre cette
quête, guidé par cette autre phrase de son maître : « Je ne suis pas loin de penser que
dans la grande musique nouvelle, les machines seront nécessaires, et produiront une
des parties intégrantes des œuvres »144. Mais avant d’accéder à la collaboration qu’il
recherchait, il a rencontré quelques-uns des concepteurs d’instruments nouveaux de
l’époque.
57 En 1913, il a connu René Bertrand145, inventeur du dynaphone. Il l’a revu plus tard à
Paris et a découvert avec lui certaines des possibilités acoustiques de l’électronique. Sûr
de la qualité du travail de Bertrand, il ne manque pas de recommander à Jolivet
d’écouter le tout premier disque d’Ionisation sur des instruments Bertrand 146.
58 Dès 1915, lors de son arrivée à New York, Varèse a assisté à une démonstration faite sur
le dynamophone de Thaddeus Cahill, dont Busoni parle dans son livre 147, puis s’est
intéressé aux concerts « bruitistes » du futuriste italien Marinetti. « Il a partagé un
temps avec Marinetti son intérêt pour le monde mécanique moderne, mais pas son
désir de le reproduire »148. Varèse lui a reproché de vouloir « imiter les trépidations de
le vie quotidienne »149.
59 Autre « bruiteur » italien rencontré par Varèse, Luigi Russolo150, dont il a présenté le
« Russolophone » ainsi que l’archet enharmonique avant une audition de musique
futuriste à la Galerie 23, rue la Boétie, le 27 décembre 1929 151. Avec lui, il a aussi étudié
les possibilités d’expression musicale dues à l’électronique. Mais Russolo n’a pas
participé à la table ronde qui eut lieu à Paris en 1930 sur le thème de La mécanisation de
la musique152, contrairement à Ribemont-Dessaignes, Varèse, Vicente Huidobro,
Ungaretti, Alejo Carpentier et Arthur Lourié qui s’y sont tour à tour exprimés. Quand
Ribemont-Dessaignes, ouvrant le débat, demande à Varèse son « opinion au sujet de la
musique de l’avenir à moins que ce ne soit au sujet de l’avenir de la musique », celui-ci
répond : « Ce qui m’intéresse est l’état de la musique en relation avec le temps
présent ». Puis au cours du débat, il ajoute : « Dans toutes les œuvres d’art, ce qui est
important, c’est la nouveauté » ; ou : « J’attends des instruments nouveaux,
particulièrement dans le domaine électrique ou radio-électrique. Par exemple, le
Martenot, ou Bertrand comme une des possibilités »153, et « Une chose que je désirerais
voir se réaliser est la création de laboratoires acoustiques où compositeurs et
physiciens collaboreraient ». Idées qu’il a constamment répétées. Comme des
leitmotivs ?
60 Quand Varèse a-t-il précisément découvert le thereminovox, cet instrument inventé
par Léon Thérémin154 et dont deux exemplaires ont été utilisés dans Ecuatorial 155 en
1934 ? Dans son livre, qui s’arrête en 1928, Louise Varèse ne cite pas Thérémin 156, ce qui
laisse penser que Varèse n’a rencontré l’inventeur ni lors de son passage par la France
en 1927157, ni même lors de la première démonstration de ses instruments à New
York158. Dans un entretien accordé à Olivia Mattis, Thérémin se souvient « avoir
rencontré Varèse à New York avec d’autres compositeurs »159. Cette évocation tout à
fait vague ne permet pas d’affirmer que les deux hommes aient établi une véritable
collaboration. Pourtant, Jolivet est chargé de dire à Artaud « que nous sommes avec
17

Thérémin qui a un magnifique Laboratoire - en plein travail pour mes nouveaux


instruments - basés sur des données nouvelles - »160. Donc, des contacts ont été noués
et, encore en 1941, Varèse lui écrit à Moscou161 : « Auriez-vous la bonté de me dire si
c’est possible que je me procure [vos] instruments, [...] et, en cas de modifications à
faire, en quoi ils consistent. [...] Je ne veux plus composer pour les anciens instruments
joués par les hommes et je suis handicapé par le manque d’instruments électriques
adéquats pour lesquels je conçois ma musique ».
61 Ce manque d’instruments électriques, Varèse a toujours souhaité y remédier en
participant activement à leur mise au point. Dès 1927, il entreprend de très sérieuses
discussions sur les possibilités de concevoir un instrument électronique avec Harvey
Fletcher, le directeur de la recherche acoustique dans les laboratoires de la compagnie
Bell Telephone. C’est, recommandé personnellement par ce dernier, que Varèse, entre
1932 et 1936, présente plusieurs fois des dossiers à la Fondation Guggenheim pour
l’obtention d’une bourse lui permettant de mener les travaux suivants :
« Avec René Bertrand, poursuivre une étude sur un instrument permettant de
produire de nouveaux sons. Prospecter de nouvelles autres inventions dans certains
laboratoires de façon à découvrir si certains d’entre eux pourraient servir mes
nouvelles conceptions sonores. Pour soumettre aux techniciens de différents
organismes mes idées en ce qui concerne la contribution sur ce que la musique - la
mienne, du moins - attend de la science, et leur prouver la nécessité d’une plus
profonde collaboration entre compositeurs et scientifiques. »162
62 Il s’est à chaque fois vu opposer un refus. Cependant, toujours à la recherche de
nouvelles possibilités acoustiques qu’il a eu tant de mal à trouver – mais qui,
aujourd’hui, sont permises grâce à la synthèse du son par ordinateur 163 – il a demandé
de l’aide auprès de mécènes ou d’institutions officielles. Alejo Carpentier témoigne d’un
jour où Varèse lui a rendu visite « habillé de pantalons à rayures, d’une jaquette grise et
portant une cravate plastron » et lui a déclaré : « Je deviens businessman » 164. Plutôt, il
imite les businessmen en voulant faire comme certains d’entre eux : « courir à un thé
d’affaire »165 et après un thé avec une cantatrice, aller à « un grand dîner » 166 alors que,
dans la même lettre, il est écrit qu’il : « ne [se] livre pas aux manifestations
mondaines » et que quelques mois plus tard, il est « en rapports suivis avec les
officiels »167. Ces mêmes officiels qu’il s’est souvent plu à épingler 168 au nom de ses
positions plutôt anticonformistes qui l’entraînaient à vivre « complètement en dehors
des milieux musicaux »169 new-yorkais. Tout en ayant été sensible, à son retour à New
York, aux dires des camarades qui lui avaient rapporté « que pendant [son] absence, les
critiques et essayistes [le] mentionnaient souvent ». Il en envoie les preuves à Jolivet :
« Ci-inclus quelques copies170 dont j’ai les doubles et que vous pourrez foutre aux
chiottes (comme dirait Guighy171) après lecture ».
63 Il s’est toutefois avéré que cette reconnaissance par les siens n’a pas été suffisante à lui
fournir les moyens techniques et financiers dont il avait besoin pour mener à bien ses
recherches. « Partout, il n’a rencontré que sourde oreille » et les expériences qu’il a pu
mener « avec des phonographes tournant à des vitesses différentes... » sont restées
modestes172. Lors de son séjour prolongé dans l’Ouest américain173, il a essayé de
travailler dans les studios de Hollywood. Mais c’est finalement quand des amis 174 se sont
organisés qu’il a pu disposer d’un « laboratoire » personnel. Il reçut en don anonyme un
magnétophone175, qui lui permit d’entreprendre un travail de composition basé sur
l’électronique. Dès lors, il put concevoir notamment ce qui devait devenir les trois
interpolations de son électronique de son œuvre Déserts 176. Puis Pierre Schaeffer l’invita
18

au Studio d’Essai de la Radiodiffusion française pour compléter ce travail. En 1956, il


écrivit encore une œuvre avec bande magnétique, La Procession de Vergès, pour
accompagner le film de son ami Thomas Bouchard « Around and about Miro ». Et c’est
grâce à l’insistance de Le Corbusier que Varèse put composer son Poème électronique
dans les laboratoires Philips de Eindhoven. Ces quelques étapes de sa réalisation
montrent177 que l’amitié a permis à Varèse de réaliser certains de ses objectifs
acoustiques ; mais il n’a jamais vu se réaliser le vœu qu’il a tant formulé : « Je ne veux
pas mourir sans un laboratoire ! »178. Un laboratoire qu’il ait pu totalement
s’approprier, bien sûr !
64 Parallèlement à cette recherche quasi récurrente d’un laboratoire, Varèse, chef
d’orchestre et compositeur, a toujours souhaité présenter les œuvres musicales qu’il
considérait et appréciait, et défendre la création contemporaine, ses œuvres y compris.
Il s’implique ainsi tout au long de sa vie dans l’élaboration de programmes de concerts
dont il assure l’organisation. Par exemple, dans sa lettre du 24 décembre 1935 179, il
écrit : « et surtout qu’on ne fasse pas une question de chapelle - qui n’a rien à voir avec
nos buts. [...] Que les camarades se rendent compte - que nous [n’]agissons pas en juges
de leurs œuvres - mais que nous n’en considérons le contenu que relativement à la
rédaction d’un programme organique et vivant ».
65 S’il savait, dans de tels moments, être plein d’enthousiasme et de conviction, il arrivait
fréquemment que son état d’esprit change et que la déception s’installe. Déception ou,
comme quelques auteurs l’ont affirmé180, dépression ?181. Quand il déclare que « le
concert français était le dernier qu’il organisait »182, c’est qu’il connaît maintes
contrariétés et insatisfactions : manque de laboratoire, difficultés matérielles, peu de
concerts183. Lassé par les difficultés de la vie à New York, il décide d’effectuer le premier
de ses séjours dans l’Ouest américain. Fin 1936, il fait part de son intention de s’y établir
et c’est ce qu’il fait en y restant de 1937 à 1940. Il y donne des cours et des conférences,
fonde une Schola cantorum à Santa-Fé et, nouvel exemple de ses contradictions,
organise au moins un concert184. De retour à New York en 1940, il met en place le
« Greater New York Chorus », qui donne son premier concert le 24 avril 1943. Il
reprenait une baguette de chef d’orchestre185 qu’il n’avait jamais totalement
abandonnée.
66 En 1919, Varèse lut remercié par les présidents de l’orchestre, sous prétexte que
l’accueil du public et de la critique aux premiers concerts du New Symphony
Orchestra186 avait été mauvais (au programme, Bach était suivi de premières auditions à
New York de Bartók, Casella, Debussy et Gabriel Dupont). En fait, la raison était que
Varèse ne voulait pas renoncer aux programmations futures d’œuvres
contemporaines187 et ne présenter que le répertoire classique. Pour autant, il ne
renonce pas à vouloir réaliser ses objectifs et, pour s’assurer d’être à même de les
servir, il crée une première société de concerts en 1921 : l’International Composers’
Guild (ICG), puis une deuxième en 1928 : la Pan-American Association of Composers
(PAAC). Lors de la fondation de l’International Composers’ Guild 188 avec la précieuse
collaboration de Carlos Salzedo, Varèse déclare dans un manifeste 189 :
« Le but de l’ICG est de canaliser les œuvres d’aujourd’hui, de les grouper dans des
programmes conçus organiquement et intelligemment et, avec le concours de
chanteurs et d’instrumentistes désintéressés, de présenter ces œuvres de façon à ce
qu’elles révèlent leur véritable esprit. »
67 En 1923, une scission au sein du Comité de l’ICG donne lieu à la création de la League of
composers. Varèse et Salzedo réorganisent la nouvelle ICG de façon plus simple ; elle
19

est gérée par un comité technique de quatre compositeurs et un chef : Casella, Ruggles,
Salzedo, Straram et Varèse. Louise Varèse lui donne son slogan « Des oreilles neuves
pour une nouvelle musique, de la nouvelle musique pour des oreilles neuves » 190. Cette
nouvelle musique est celle de cinquante-six compositeurs191 de quatorze nationalités
différentes, joués pour la première fois aux États-Unis pour la plupart d’entre eux.
Varèse voit se réaliser l’un de ses objectifs : quatre de ses œuvres sont créées, Offrandes
en 1922, Hyperprism en 1923, Octandre en 1924 et Intégrales en 1925.
68 L’ICG est la première organisation de ce type et de cette portée au XX e siècle. Varèse
n’hésite pas à la propager ailleurs : en Allemagne, où il crée une section avec Busoni en
1922192, la même année en U.R.S.S. une section à Moscou avec l’Union des compositeurs
représentée par Arthur Lourié, et en Italie l’année suivante avec la Corporazione delle
nuove musiche de Casella.
69 Le dernier concert de l’ICG a lieu le 17 avril 1927 à l’Aeolian Hall. C’est Artur Rodzinski
qui dirige les œuvres des quatre compositeurs figurant au programme : Berg, Salzedo,
Stravinsky et Varèse. Une exception au règlement de l’ICG : l’œuvre de Varèse,
Intégrales, est donnée pour la deuxième fois à l’ICG, alors que seules des premières
auditions sont préconisées. Mais l’exécution d’une de ses œuvres avait été réclamée par
plus de cent-cinquante membres de l’ICG...
70 L’hiver suivant, alors que ses projets expérimentaux avec Fletcher semblent piétiner,
Varèse décide de créer la Pan-American Association of Composers (PAAC) 193, avec Carlos
Chávez, Henry Cowell, Wallingford Riegger, Carl Ruggles, Adolph Weiss et Emerson
Whithorne. Pour expliquer la fondation de cette nouvelle société de musique, Varèse
déclare à un journaliste :
« La PAAC est née parce que j’ai réalisé que l’Europe retournait vers le néo-
classicisme ou plutôt vers ce qui peut être considéré comme tel...
Vous ne pouvez pas écrire une œuvre « classique » ; elle doit le devenir avec l’âge.
Ce qui est appelé classicisme est vraiment de l’académisme [...] dont l’influence
étouffe la spontanéité de l’expression. »
71 À peine la PAAC créée, Varèse se rend en Europe194. Y vient-il pour se battre contre le
néo-classicisme ? La question peut être posée. Toutefois, la PAAC organise aussi des
concerts en Europe et pas seulement aux États-Unis et en Amérique latine.
72 Varèse se sert aussi d’autres organisations de concerts pour développer ses actions en
faveur de la musique contemporaine. Ainsi de l’International Exchange Concerts (IEC)
dont il est commissaire permanent pour les États-Unis déjà en 1933 195. En 1931, Daniel
Ruyneman est alors Secrétaire Général de la Commission permanente de l’IEC qu’il a
fondée avec le compositeur et chef d’orchestre autrichien Hans Pless. Cette
organisation doit « promouvoir la musique contemporaine en Europe et aux États-
Unis ». Il est intéressant de constater qu’aucun compositeur français ne siége à ladite
Commission permanente.
73 C’est avec le Comité de l’IEC qu’est d’abord prévu un concert196 : « Hier soir réunion du
Comité du International Exchange Concerts » et Varèse poursuit : « Si le concert en vue
- (décidé en principe) a lieu au printemps [vos mélodies] seront inscrites au programme
[...] Elles seront répétées aux petits pois - et bien chantées ». Il s’agit de deux des Quatre
mélodies sur des poésies anciennes qui datent de 1931, que Jolivet avaient orchestrées en
1932 et reprises en 1934. Dès novembre 1933, Varèse écrit à Jolivet : « Je vais m’occuper
pour tâcher de caser vos mélodies197 avec orchestre de chambre - Vous en reparlerai ».
Il lui en demande la partition en novembre 1934 et Jolivet l’adresse comme convenu à
20

Salzedo en décembre de la même année. En mai 1934198, Varèse a toujours l’espoir de


faire programmer ces « chansons », mais elles ne l’ont pas encore été. Et le 13
novembre 1935, il écrit : « J’aimerais ne pas me dessaisir de votre matériel - Vos
mélodies seront jouées - je vous le promets »199. Mais ces mélodies, pas plus que le Trio
pour flûte, violoncelle et harpe, ne seront donnés aux États-Unis. Enfin, à Jolivet qui a
sûrement insisté pour récupérer son matériel, il écrit le 26 mai 1936 : « Je regrette de
m’être dessaisi de vos mélodies - Elles auraient été données ici et dans différentes villes
de l’Est - avec instruments requis - admirable ensemble - ».
74 C’est aussi le Comité de l’IEC qui, prévoyant une série de concerts de musique de
chambre, demande, en bonne réciprocité, que soient organisés des concerts de musique
américaine à Paris. Les premiers pourparlers d’échange ont lieu en octobre 1935 alors
que déjà en juin 1935 Varèse écrit : « Je suis heureux de votre association avec Le Flem
et Migot. Je ne connais pas les autres deux [Messiaen et Lesur] mais suis sûr que votre
choix est judicieux ». L’échange se fait : le concert français à New York a lieu le 17
février 1936200 et le concert américain à Paris quelques jours après, le 6 mars 1936. Il est
donné dans la série des concerts de la toute nouvelle Spirale. Cette société de musique
de chambre est créée à Paris en 1935, dans l’orbe de la Schola cantorum. Jolivet, lors
d’une série d’entretiens radiophoniques accordés au critique musical Antoine Goléa, en
1961, explique :
« En 1934, la Schola cantorum avait changé de direction. Nestor Lejeune 201, le
nouveau directeur, avait fait appel, pour enseigner dans son école, à Charles
Koechlin, à Darius et Madeleine Milhaud, à Olivier Messiaen et à Daniel-Lesur. De
mon côté, je faisais partie des jurys de concours, et je proposai à Nestor Lejeune de
créer une société de musique de chambre dont le Comité comprit évidemment
Messiaen, Lesur et Paul Le Flem. Le Président en était Georges Migot 202. »
75 Jolivet en était le trésorier, Jules Le Febvre, le vice-président, Edouard Sciortino et
Claire Delbos, les secrétaires. Il semblerait que tous se soient mis d’accord sur le titre de
« La Spirale » et aient finalement renoncé à l’expression « Spirale sonore », reprise
plusieurs fois par Varèse dans ses lettres203, se référant à ce que Jolivet lui avait sans
doute annoncé.
76 Le premier concert a lieu le 12 décembre 1935 à la Salle des concerts de la Schola
cantorum. Le programme est bien présenté sous le titre de « La Spirale ». Le mot
« sonore » n’y figure pas et le choix de La Spirale est ainsi expliqué :
« Ce nom trouve sa justification dans les propriétés de cette courbe.
La Spirale, en effet est sans limite. Elle symbolise le progrès parce que, bien que
rattachée constamment à son centre d’origine, elle ne cesse de se tracer une voie
toujours nouvelle. »
77 Quand La Spirale est fondée, la Société nationale de musique, la Sérénade et Triton se
consacrent essentiellement, aux yeux des jeunes compositeurs, à la diffusion des
œuvres des générations précédentes. Les tendances de La Spirale telles que les exprime
Jolivet répondent à ce constat : « Faire jouer plus spécialement [la musique] qui n’était
pas admise, soit par la Nationale204, soit par Triton ».205 Mais de façon plus générale, les
buts déclarés des fondateurs de la nouvelle société furent exprimés dans le texte placé
en exergue des programmes :
« Le Comité de La Spirale se propose de coopérer à la diffusion des œuvres
musicales contemporaines par des concerts d’œuvres françaises et par
l’organisation de concerts d’échanges avec les compositeurs des autres pays. Ce
comité veut servir la musique et pour cela se propose moins de donner des
premières auditions que de faire réentendre des œuvres significatives. » 206
21

78 Ces propositions énoncées dès le premier concert ont sûrement beaucoup plu à Varèse.
Elles ont été observées lors de chacun des onze concerts suivants 207. Ainsi, outre le
concert américain avec l’IEC de Varèse (troisième concert), plusieurs échanges avec des
groupements de compositeurs étrangers ont été organisés : hongrois par
l’intermédiaire de Lazio Lajtha (cinquième concert) et le Nouveau Quatuor Hongrois
(neuvième concert), hollandais (sixième concert, franco-hollandais) autrichiens
(septième concert, austro-français), suisses (onzième concert).
79 Mana, l’œuvre pour piano de Jolivet, créée au premier concert de La Spirale, est ensuite
donnée au concert français à New York de février 1936. Dès le lendemain du concert,
Varèse le félicite : « Bravo pour Mana » et ajoute : « Vous en parlerai à loisir - car les
(l’œuvre comprend six pièces) ai étudiées et fait répéter et j’ai pas mal de choses à vous
dire à leur sujet. Mais je veux le faire au poil de cul... ». Jolivet est encore l’élève. Varèse
lui a souvent donné avec beaucoup d’autorité son opinion et ses conseils sur la façon
dont il pourrait améliorer ses partitions, au sujet du Trio destiné à Salzedo et ses
collègues, ou à celui de l’orchestration des Quatre Mélodies sur des poésies anciennes 208, par
exemple. Et même si Varèse essaye, en le complimentant d’abord, d’être plus diplomate
– il sait qu’il a par certaines remarques parfois blessé la susceptibilité de Jolivet – il finit
par lui confier, Jolivet l’ayant sûrement sollicité pour qu’il lui fasse part de ses
remarques209, que s’il pouvait faire le voyage à Paris, « en un jour [son] œuvre serait
mise d’aplomb »210.
80 Un prétexte pour venir à Paris ? Pour revoir ses amis ? Car, pour Varèse, l’amitié
perdure et il s’enquiert toujours des nouvelles des uns et des aubes : Artaud, De Nobele,
Le Flem, Ribemont, Vargas..., tous ces noms retrouvés au fil des lettres. Varèse
s’inquiète tout particulièrement de recevoir des nouvelles d’Artaud, car en dehors de sa
réelle amitié pour lui, il tient à savoir où en est leur projet théâtral commun.
81 Avant sa venue à Paris, fin 1928, Varèse, fasciné par les légendes indiennes, a travaillé
sur un livret inspiré d’un mythe indien « The One-All-Alone, A Miracle » que son épouse
Louise a adapté de légendes découvertes lors de la lecture d’un ouvrage consacré aux
indiens Pueblos. Peu à peu, il a transformé le héros mythique d’origine en un
astronome moderne qui échange des signaux avec la planète Sirius et écrit son propre
synopsis211 qu’il intitule L’Astronome. Étant à Paris, Varèse propose d’abord à Alejo
Carpentier, Robert Desnos et Georges Ribemont-Dessaignes de parachever son texte. Ils
se mettent à « travailler sur le livret de l’opéra monstre » que souhaite écrire Varèse 212.
Ils y renoncent213. Mais c’est ce scénario qu’il propose à Artaud après avoir eu
connaissance du manifeste Le Théâtre de la cruauté écrit par ce dernier. L’exposé
d’Artaud commence par ces phrases :
« On ne peut continuer à prostituer l’idée de théâtre qui ne vaut que par une liaison
magique, atroce, avec la réalité et avec le danger.
Posée de la sorte, la question du théâtre doit réveiller l’attention générale, étant
sous-entendu que le théâtre par son côté physique, et parce qu’il exige l’expression
dans l’espace, la seule réelle en fait, permet aux moyens magiques de l’art et de la
parole de s’exercer organiquement et dans leur entier comme des exorcismes
renouvelés »214.
82 Varèse a trouvé là exprimée par Artaud cette idée de développement dans l’espace à
laquelle lui-même a tant tenu et qu’il a mise en œuvre dans ses recherches d’expansion
spatiale du son. Artaud, pour sa part, lui dédicaçant son Héliogabale ou l’anarchiste
couronné, a manifesté son admiration en ces termes : « À mon cher Edgard Varèse dont
j’aime la musique sans l’avoir entendue et parce que, de vous entendre parler de
22

musique, vous m’avez permis d’en rêver. Et parce que je sais qu’avec votre musique en
révolte nous pourrons réattendre un nouvel état du monde ». Les indications musicales
d’Artaud pour sa pièce Les Cenci, montée en 1935, semblent décrire des structures
varésiennes : « Un son volumineux s’étale et fuse, comme arrêté par un obstacle qui le
fait rejaillir en arêtes aiguisées »215. De leur collaboration devait naître un opéra : Il n’y a
plus de firmament.
83 Dans ses lettres de 1934216, Varèse a régulièrement pressenti Jolivet pour qu’il
intervienne auprès d’Artaud afin de récupérer le scénario original de L’Astronome. Pour
ce faire, Jolivet à son tour a sollicité Artaud à plusieurs reprises dans le courant de l’été
1934 et l’a souvent rencontré à l’automne de la même année217. Varèse a indiqué dans sa
lettre du 16 décembre 1934 avoir reçu le texte218.
84 Mais le projet d’opéra n’a jamais été achevé. Le séjour prolongé d’Artaud au Mexique,
non loin des terres indiennes où Varèse résidait à la même période, a probablement été,
avec les problèmes de santé d’Artaud, l’un des obstacles à la reprise de leur
collaboration. Pour Varèse, il n’en est resté que les éléments employés dans son Étude
pour Espace, terminée plus de dix ans après, en 1947. L’œuvre est écrite pour chœur
mixte sur des textes en plusieurs langues, deux pianos et une importante percussion.
Artaud n’a probablement jamais eu connaissance de cette œuvre.
85 L’intercession de Jolivet auprès d’Artaud n’a pas été le seul service demandé à Jolivet.
De nombreuses commandes de livres lui sont arrivées : celui d’Huré par exemple 219 ;
d’Alexandre Dumas : Les Mariages du père Oliphus 220 pour Louise, et bien d’autres. Ces
commandes étaient accompagnées de recommandations sur les précautions à prendre
pour éviter les frais de douane qui dépasseraient ses moyens financiers.
86 En échange, Varèse remercie, propose à Jolivet de l’aider : « Quant à Paris, que puis-je
faire pour vous ? Vous savez que je ne demande pas mieux que de vous rendre service,
mais je sais par expérience que les écrits explicites ne sont pas de saison, et passent vite
au panier »221, ou alors il s’inquiète de son état moral et cherche à le rassurer par
rapport à la situation ambiante : « Mais mon pauvre vieux - faut pas s’en faire ». 222 Il va
jusqu’à l’encouragement (malgré l’accueil de certains critiques) : « suis heureux de vos
débuts orchestraux »223. Il s’agit de la Danse incantatoire, donnée en juin 1936 au premier
concert Jeune France.
87 Passé la guerre et dès les relations renouées, Varèse et Jolivet s’écrivent, échangent des
nouvelles grâce aux amis et aux relations qui traversent l’Atlantique 224 et ont plusieurs
fois l’occasion de se revoir, en France, à Bruxelles et aux États-Unis.
88 Varèse entend quelques-unes des œuvres de Jolivet jouées à New York après la guerre :
le ballet Guignol et Pandore, le Concerto pour ondes Martenot et le Concerto pour piano. Pour
lui, ce dernier est réussi. Après en avoir entendu l’enregistrement, il écrit :
« Bravo ! »225. Le Maître l’apprécie et lui accorde un autre accueil que celui réservé à
l’œuvre lors de sa création. Il l’aime226 et ne l’écoute pas comme un « Concerto qui fait
Pschitt ! »227. Pourtant, cette œuvre, au soir de sa création au Festival de Strasbourg en
juin 1951, provoqua un tel tumulte qu’il lui valut un article intitulé « Un concerto pour
piano qui se termine au violon ! ». En effet, Hilda Jolivet ayant entendu lors des
applaudissements un auditeur qui criait « Au fou ! Au fou ! Qu’on l’enferme ! » à
l’adresse de son mari, le gifla. C’est ainsi que ce concerto surnommé « pour piano, gifle
et orchestre » a valu au ménage Jolivet de finir la soirée au commissariat de police...
23

89 Lors de la venue de Varèse à Paris en 1954, cet épisode lui a sûrement été relaté. Si mes
souvenirs sont exacts, la création de Déserts fut à peine moins mouvementée. Les
œuvres du maître et de l’élève, dans ces temps-là, provoquaient des réactions
analogues de la part du public. Quand Jolivet présentait ou dirigeait des œuvres de
Varèse, il arrivait souvent que le public aille jusqu’à manifester une totale hostilité
envers sa musique. Il fut parfois considéré comme une sorte d’illuminé dont n’étaient
admises ni les recherches sonores, ni les innovations acoustiques, ni les découvertes
étranges.
90 C’est en 1954 que je rencontrai Varèse pour la première fois. Étant à Paris, il souhaitait
faire connaissance avec les trois « lardons » Jolivet, comme il nous appelait. Sa
première visite lut fixée à un jeudi, jour du congé scolaire de l’époque. L’appartement
familial était au cinquième étage et, depuis le palier, la famille regarda Varèse grimper
gaillardement les escaliers. L’émotion était grande. Son statut de « Maître », sa stature,
ses cheveux blancs, tout me le rendait impressionnant.
91 Les présentations furent d’autant plus chaleureuses qu’il était aussi chargé de nous
transmettre toutes les tendres attentions de Louise. La glace fut ainsi vite brisée et il
s’installa à son aise. Les adultes, qui ne s’étaient pas revus depuis vingt ans, entamèrent
de fort longs échanges. J’écoutais ; ce qui me frappa d’emblée et dont je conserve un
inoubliable souvenir, c’est la grossièreté de langage de Varèse. Tous les trois mots, il
disait « merde ». Pour le reste du vocabulaire, je ne tiens pas ici à outrepasser les
limites de la décence (ses lettres en contiennent de typiques exemples). Dix ans plus
tard, à New York, je retrouvai cette même verdeur. Bien sûr, elle me choqua moins et
j’éclatais même de rire en retrouvant certaines expressions « varésiennes » fort
imagées.
92 Lors de ma première venue à Sullivan Street, Varèse m’entraîna dans son « studio ». Il
m’y montra toutes sortes d’objets hétéroclites, ses « fétiches », et surtout, m’y donna un
cours de « sirènes » qui se prolongea tellement que Louise manifesta plusieurs fois son
désespoir à l’idée que le rôti fut trop cuit. À table, j’assistai aux retrouvailles des deux
ménages. Leur conversation dura fort tard. Elle dut reprendre le lendemain car la
longue soirée de la veille n’avait pas suffi à aborder tous les sujets qui les passionnaient.
Et il en fut ainsi pendant la presque totalité de ce séjour new-yorkais auquel les Varèse
présidèrent en nous conseillant les visites à ne pas manquer. Pendant ce temps, j’appris
à connaître Varèse. Sa verve acérée servait son esprit critique. Aucune des
personnalités évoquées ne fut épargnée. Que n’ai-je entendu sur tel ou telle ! Cet
homme plein de charme, de générosité, d’humour, était aussi un homme plein
d’amertume, de sauvagerie et de... tristesse ; la tristesse de ne pas avoir été ou fort peu
reconnu de son vivant.
93 Il mourut quelques mois après ces beaux moments d’amitié.
94 Sa disparition fut saluée dans la presse. On s’interrogea : « Mais qui était Varèse ? » 228 ;
on affirma : « Edgar Varèse, le terroriste »229 ; on interpella : « Edgar Varèse, cet
inconnu ! »230. Derrière ces titres se cachent en fait d’élogieuses réactions, débuts d’une
véritable reconnaissance. Celle que Varèse attendait ?
95 Jolivet rendit hommage à Varèse231, au « Philosophe du bruit », au « précurseur de la
musique concrète », à l’inventeur d’une « nouvelle dynamique rythmique et
harmonique », à l’ami232.
24

96 Cette présentation non exhaustive, faite de jalons et de repères, ne se veut qu’un


prélude à leur correspondance.
97 Paris, 3 septembre 2002

NOTES
1. André Jolivet est né à Paris le 8 août 1905 et mort à Paris le 20 décembre 1974.
2. Varèse est né à Paris le 22 décembre 1883 (et non 1885 – comme le précise Odile Vivier dans
Varèse, Éditions du Seuil, coll. Solfèges, Paris, 1973 : « Sur la foi de son livret militaire, on le croira
plus jeune de deux ans jusqu’à la fin de sa vie ») et mort à New York le 6 novembre 1965.
L’orthographe Edgard de son prénom est conforme à son extrait de naissance (op. cit., p. 235).
3. Dans : Hilda Jolivet, Varèse, Hachette littérature, coll. Musiciens de notre temps, 1973 ; Olivia
Mattis, Edgard Varèse and the Visual Arts, Ph. D. dissertation, Stanford University, UMI diss. 1992 ;
The Sources of Jolivet’s musical language and his relationships with Varèse and Messiaen, dissertation for
the degree of Doctor of Philosophy by Bridget Conrad, The City University of New York, 1994 ;
Laetitia Chassain, André Jolivet : la force de l’intuition. Thèse de musicologie (cycle de
perfectionnement du CNSMD de Paris), 1999.
4. Documents en possession de Monsieur Chou Wen-Chung.
5. Il s’acharne avec la même force contre le néo-classicisme, contre Paris... et même, contre les
courses de taureaux.
6. Voir Chou Wen-Chung, « Varèse : a sketch of the man and his music », The Musical Quaterly, vol.
LII, n° 2, avril 1966, p. 157.
7. Lettre manquante, dont mention est faite dans l’agenda de Jolivet.
8. Tout comme Marcel Duchamp, Francis Picabia, Albert Gleizes, Juliette Roche-Gleizes, Henri-
Pierre Roché... Varèse était de cette « génération [...] marquée par la scandaleuse absurdité du
conflit de 1914-1918 » et qui s’était éloignée du « théâtre des combats » (Michel Sanouillet, Dada à
Paris, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1965, réimpression Centre du XX e siècle, 1980, pp. 14 et 26).
9. Hyperprism, dirigé par Eugène Goossens (Louise Varèse, A looking. glass diary, Norton, 1972, p.
216).
10. Louise Varèse, née Mc Cutcheon, est devenue la seconde épouse de Varèse en 1921.
11. Paul Le Flem (1881-1984).
12. Georges Valmier (1885-1937).
13. De cette formation, Varèse a pu écrire, dans une lettre de 1933 à sa femme Louise : « Nobody
ever taught me anything except d’Indy and Roussel what not to do » (« Personne ne m’a jamais
rien appris, excepté d’Indy et Roussel, ce qu’il ne fallait pas faire ») (dans Louise Varèse, op. cit., p.
270).
14. Y ayant pris la succession de Léon Saint-Réquier, il y a développé un répertoire contemporain
et enregistré quelques disques, dont la Damnation de Faust à laquelle il a collaboré avec Piero
Coppola.
15. L’Université populaire du Faubourg Saint-Antoine (U.P.F.S.A.) fut créée dans le cadre de la
Société nouvelle des Universités populaires (U.P.), elle-même fondée par Georges Deherme
(1867-1937, ancien sculpteur sur bois et ouvrier typographe, fondateur de la revue la Coopération
des Idées) et Georges Séailles (1852-1922, professeur à la Sorbonne, dreyfusard, membre-fondateur
de la Ligue des droits de l’homme). Cette société avait pour aspiration l’accès pour tous à la vie
25

intellectuelle et morale en faisant pénétrer l’instruction supérieure au sein des masses


populaires. Son but était de créer une Université Populaire dans chacune des grandes villes de
France et d’abord à Paris. Il s’est agi de la première tentative d’envergure d’éducation des
adultes. Deherme souhaitait, par analogie avec les Cathédrales du Moyen Âge, que les U.P.
deviennent les « Cathédrales de la Démocratie » et G. Séailles, au soir de l’inauguration de
l’U.P.F.S.A., déclarait : « Notre ambition est de commencer la Société nouvelle, au lieu de
l’attendre ». Cette université comprenait, outre les cours et les conférences, un « musée du soir »,
une bibliothèque de prêt, une salle de spectacle où tous les dimanches soirs étaient donnés
lectures, spectacles et auditions musicales. Le public pouvait dîner avant d’assister aux
représentations. Dès 1903, les réunions du dimanche avaient lieu dans la propriété de la
Coopération des Idées, le Château du peuple, 4, rue du Champ d’entraînement au Bois de Boulogne.
C’est là que Varèse avait organisé une Fête de la musique avec le concours des camarades de la
Section de chant choral de l’U.P.F.S.A., le mardi 25 décembre 1906, jour de Noël. Dans sa
chronique théâtrale des Cahiers de l’U.P. (n° 2, 1907), le graveur Dubray écrivait : « [...] je veux
remercier Edgard Varèse qui, en un mois et demi, a réussi à faire une chorale avec nos camarades
[...] acclamés dans L’Hymne à l’universelle humanité de Beethoven ». Louise Varèse, dans son livre,
cite un article du Chroniqueur de Paris rapportant la programmation de deux œuvres de Varèse,
Colloque au bord de la fontaine et Apothéose de l’Océan au Château du peuple. Par les Cahiers de l’U.P. n°
2, 1907, on apprend que la Section « chant choral » se réunissait les mardis soirs au Faubourg, en
même temps qu’avaient lieu les cours de français pour étrangers et que Varèse a mené cette
activité d’octobre 1906 au printemps 1907, au moment, en quelque sorte, de son départ pour
Berlin. Dans l’article cité plus haut, Dubray mentionnait « le plaisir d’entendre une véritable
comédienne, Mlle Bing ». Suzanne Bing, la première femme de Varèse, épousée en 1907,
participait, elle, à la troupe théâtrale de l’U.P. (dans : Lucien Mercier, Les Universités populaires
(1899-1914), Les Éditions ouvrières, Collection mouvement social, Paris, 1986, et Albert Kownacki,
Histoire de douze ans - (1898-1910) Université populaire, Coopération des Idées, 157, faubourg Saint-
Antoine, Paris).
16. Avec ce chœur, Varèse a participé notamment à deux des productions du directeur du
Deutches Theater de Berlin, Max Reinhardt : Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare et Faust de
Goethe, et, en 1908, il a produit Oedipus und die Sphinx de Hugo von Hofmannsthal. Il a aussi dirigé
Bach, Bruckner, Liszt (Helga de la Motte et Klaus Angermann, Edgard Varèse 1883-1965, Peter Lang,
Frankfurt am Main, 1990) en dehors des maîtres anciens.
17. Dans sa lettre du 20 janvier 1945 (n° 78), Varèse déclare : « Je considère indispensable de
continuer, d’intensifier l’existence du chœur et d’en faire un centre de ralliement et d’action - ».
Quarante ans après la création de la Chorale populaire du Faubourg Saint-Antoine, ses
convictions semblent toujours les mêmes.
18. Perotin, de Lassus, Josquin des Prés, Palestrina, Victoria, Schütz, Monteverdi, Lully, etc...,
pour ne citer que ceux-là.
19. Notamment pour le journal Comœdia et sur les ondes radiophoniques.
20. Voir infra.
21. Fondée en 1871 et d’abord présidée par Saint-Saëns.
22. Dans La Vie Musicale (n° 7, juin 1951).
23. Voir Annexes ci-après : Les nouvelles musicales, texte de Jolivet pour l’émission du 15 janvier
1945.
24. Où Varèse habitait alors.
25. Un mot du 28 février 1933, écrit par Louise Varèse sur du papier à en-tête du Café des Deux
Magots, le confirme : « Entendu pour samedi. Nous viendrons avec les Vargas à six heures et avec
la plus grande joie ! J’écris parce que Varèse est borgne - Bons [sic] amitiés ». Toujours de Louise,
non daté : « Nous espérions vous voir arriver au petit café hier soir. Nous sommes libres jeudi et
aimerions passer la soirée avec vous. Venez vers sept heures – Nous dînerons ici avec Claude et
26

les Vargas. (...) Varèse a reçu une lettre de Salzedo qui réclame votre Trio ». Alejo Carpentier
raconte ces réunions, un peu à « l’américaine » « avec [...] un monde assez Greenwich Village,
auquel se mêlaient des personnalités aussi diverses qu’Arthur Honegger, le tout jeune André
Jolivet, Arthur Lourié, des cantatrices latino-américaines, ou la Princesse de Polignac » (dans
Varèse vivant, Le nouveau commerce, Paris, 1980, p. 18).
26. Heitor Villa-Lobos (1887-1959), compositeur brésilien qui selon le témoignage d’Alejo
Carpentier (op. cit., p. 21) « avait fixé les techniques folkloriques des “batucadas” dans plusieurs
de ses œuvres (les Chōros, en particulier) ». Son œuvre Amazonas a été jouée au même programme
qu’Amériques. Il a fait sa première tournée aux États-Unis en 1944 et Varèse l’y a revu (voir lettre
du 20 janvier 1945, n° 77).
27. Arcana, œuvre pour orchestre créée sous la direction de Léopold Stokowsky, d’abord à
Philadelphie les 8 et 9 avril 1927 puis le 12 avril au Carnegie Hall à New York. À Paris, elle est
donnée le 25 février 1932 avec l’Orchestre symphonique de Paris, Salle Pleyel, sous la direction de
Nicolas Slonimsky. Au même programme : Mozart, Cowell, Liszt, Pétridis, de Falla ; soliste :
Arthur Rubinstein.
28. Émission radiophonique de Claude Samuel, en hommage à Varèse, Le Magazine de la musique, 9
novembre 1965 (Archives INA).
29. Ionisation, pour 13 percussionnistes, seule œuvre entièrement composée à Paris. Terminée en
novembre 1931, elle sera créée à New York le 6 mars 1933 sous la direction de Slonimsky, alors
que Varèse est encore en France. Dans ses archives, Jolivet a conservé la tablature de l’œuvre
établie de sa main.
30. Fernand Ouellette relate : « En arrivant à Paris (en 1928), Varèse avait l’intention de fonder
une école de composition. Mais comme il le dit, il ne s’attend pas à un grand succès. [...] Paul Le
Flem lui enverra un jeune musicien qui se nomme André Jolivet. Après lui avoir demandé de faire
une version de piano fondée sur Octandre, Varèse l’accepta comme élève » (op. cit., p. 108).
31. Pour souligner l’importance du rythme dans la conception générale de Varèse, Chou Wen-
Chung – lui aussi élève de Varèse – témoigne : « Le rythme était pour lui l’élément de stabilité de
l’œuvre, générateur de la forme » (dans Chou Wen-Chung, « Open rather than bounded »,
Perspectives of New Music, n° 5, 1966, p. 2).
32. Dans le deuxième des Douze entretiens radiophoniques d’André Jolivet avec Antoine Goléa,
inédits, 1960 (Archives Jolivet).
33. Tambour à corde : traduction de « string-drum », nom donné par Varèse qu’il préférait à
« lion roar ». Il introduit cet instrument pour la première fois dans Hyperprism (1923), puis le
reprend dans Ionisation (1929-1931). Son tambour à corde a été laissé par Varèse à Jolivet. Il a été
récemment déposé au Musée de la musique à Paris.
34. « Varèse did share his musical ideas and procedures with one person in the early 1930s, and
that was Jolivet. » dans Bridget Conrad, op. cit., p. 11.
35. Georges Barrère (1876-1944), flûtiste français parti pour les États-Unis en 1905. Il y a été flûte
solo du New York Symphony Orchestra et de l’orchestre de Damrosch (voir lettre n° 24, du 14
février 1934). Il a fondé le « Little Symphony Orchestra », avec lequel il donna en 1928 Offrandes
de Varèse. Louise Varèse relate qu’avant de jouer l’œuvre, Barrère s’est adressé au public : « You
must listen to the music your sons and grandsons will like » [Vous allez écouter la musique
qu’aimeront vos enfants et vos petits-enfants] (dans Louise Varèse, op. cit., p. 280). C’est à Barrère,
qui jouait une flûte en platine, que Varèse a dédié Density 21,5, qui fut créée en 1936 (voir lettre n°
58 du 18 février 1936).
36. Carlos Salzedo (1885-1961), harpiste, pédagogue et compositeur américain d’origine française.
À l’occasion d’un retour à Paris après dix ans d’absence, Arthur Hoérée relate les débuts de la
carrière du musicien et son apport à une technique de la harpe entièrement nouvelle (« Carlos
Salzedo à Paris » dans la Revue musicale, n° 9, juillet 1923, p. 72). Une relation avec Varèse d’abord
décrite comme difficile laissa place à une réelle amitié entre les deux hommes. Varèse lui exposa
27

ses idées sur une société de musique contemporaine auxquelles il adhéra et il devint cofondateur
de l’International Composers’ Guild (ICG) (dans Louise Varèse, op. cit., p. 152-153).
37. Horace Britt (1881-1971), violoncelliste belge qui a fait ses études au Conservatoire de Paris. Il
a commencé sa carrière aux États-Unis, en 1907, avec l’Orchestre symphonique de Chicago,
carrière qu’il a essentiellement consacrée à la musique de chambre (DBM, p. 565).
38. La partition a finalement été renvoyée à Jolivet par Salzedo en mai 1936 (voir lettres des 18
mars et 12 mai 1936, n° 62 et 64). Mais ce trio ne figure pas parmi les œuvres manuscrites
existantes de Jolivet.
39. Lettre du 14 octobre 1933, n° 15.
40. Lettre du 14 février 1934, n° 25.
41. Lettre du 19 juin 1934, n° 30.
42. « There are some interesting parallels in the lives of the two men that may have contributed
to their relatively friendship. » [Il existe d’intéressants parallèles dans la vie des deux hommes
qui peuvent avoir contribué à leur relative amitié] dans Bridget Conrad, op. cit., p. 41.
43. Les deux optèrent pour la musique contre le gré de leur parents.
44. Lettre du 31 mars 1931, n° 1.
45. Lettre du 9 avril 1932, n° 2.
46. Hilda Ghuighui (Alger, 1906-Paris, 1996) est venue en France au début des années vingt pour y
faire ses études supérieures. Elle fait ses débuts d’enseignante à Oujda au Maroc, près de son
oncle. Puis elle est nommée à Paris, où elle exerce dans le même établissement que Jolivet. Ils
font connaissance et se marient le 26 septembre 1933.
47. Lettres des 6 juin et 27 novembre 1933, n° 4 et 17.
48. Voir infra.
49. Aspects de la Musique française contemporaine à travers l’œuvre d’André Jolivet, 1960, inédit
(Archives Jolivet).
50. « Ensemble, partis le 29 juillet dernier de Villersexel (Haute-Saône), près de Belfort, ces deux
navigateurs – Jacques Mégret et Fernand de Nobele, libraires tous deux à Paris, et membres du
Canoë-club de France – ont tout d’abord emprunté l’Ognon, affluent de la Saône, ils ont touché
Lyon et descendu le Rhône jusqu’à Arles ; après quelques petits crochets dans l’Ardèche et le
Gard, ils ont longé le Petit Rhône jusqu’à Saint-Gilles et après avoir fait escale au Grau-du-Roi à
Port-Saint-Louis, Martigues et Marignane, arriveront à Marseille, au bas de la Canebière, cet
après-midi, vers 16 heures. Comme on peut s’en rendre compte, c’est sans se hâter que ces deux
grands touristes ont effectué leur croisière, mettant à profit des journées entières à visiter les
curiosités des pays qu’ils traversaient. » (Extrait de presse, Archives Jolivet). Les deux amis ont
tenu un journal de bord conservé par la famille De Nobele. Varèse a aussi entretenu une
correspondance avec Fernand De Nobele (1910-1989), mais seules ont été conservées par la
famille les lettres écrites entre 1958 et 1961.
Jacques Mégret (1905-1967), ami de Fernand de Nobele avec qui il a fait connaissance lors d’un
stage chez Margraff puis chez Clavreuil, le libraire historique. Il a travaillé avec Pierre Bérès, qui
a racheté la maison Dorbon, et est devenu lui-même bibliographe (Répertoire bibliographique des
livres imprimés en France au XVIe siècle, spécialiste de Toulouse).
51. Voir supra, note 15.
52. Le mot copains est employé par Louise Varèse pour désigner François Bernouard et Claude
Chéreau, qui formaient avec Varèse un joyeux trio. Nés tous les trois sous le signe des Gémeaux,
ils s’amusaient à faire ensemble tout ce qui plaît aux natifs de ce signe (dans Louise Varèse, op.
cit., pp. 39, 52-54).
Chéreau (1883-1974), peintre apprécié pour ses scènes et paysages de Paris ainsi que pour ses
vues ensoleillées du Midi, est aussi venu à l’édition en s’associant à François Bernouard, poète et
typographe, pour codiriger La Belle Édition de 1911 à 1914. Ils firent paraître des revues littéraires
(Schéhérazade, La Vogue française, Panurge) publiant « les jeunes intellectuels de Saint-Germain-
28

des-Prés », plus tard des « éditions spéciales de très grande qualité typographique d’auteurs
comme Barbey d’Aurevilly, Bloy et Jules Renard » et se firent précurseurs en diffusant des livres
de peintres en librairie (Le Guidargus de la peinture du XIX e siècle à nos jours, G. Schurr, Les éditions
de l’amateur, 1990).
53. Joseph Stella (1879-1946), peintre et sculpteur italien émigré aux États-Unis en 1896. Très ami
de Varèse, ils se fréquentent à New York dès le début des années vingt. Il fait un portrait du
compositeur à la pointe sèche (reproduit dans Louise Varèse, op. cit., p. 146). En 1921, Stella est
l’un des deux artistes – avec Man Ray – choisis par Tzara pour représenter l’Amérique au Salon
Dada – Exposition internationale – qui s’est tenu du 6 au 30 juin 1921, à Paris, Galerie Montaigne. Au
moment de ce qui peut être considéré comme les « grandes heures du dadaïsme américain, des
peintres comme Arthur Dove, Joseph Stella, John Covert... adoptèrent [...] les techniques
nouvelles de Duchamp, de Picabia ou de Schamberg » (dans Michel Sanouillet, op. cit., pp. 31, 279).
La même année, le peintre est invité à siéger au conseil d’administration de l’International
Composers’ Guild. En 1928, Varèse et lui quittent New York ensemble pour Paris. Stella n’est
retourné aux États-Unis que dans le courant de l’année 1934 (voir lettre du 1 er août 1934, n° 31).
Ses lettres écrites entre 1934 et 1936 figurent dans les Archives Jolivet, de même que la brochure
« New York » présentant cinq toiles consacrées à la ville et comprenant un texte en hommage à
son frère le Dr Antonio Stella et des coupures de presse commentant des expositions du peintre
au Washington Palace, 14, rue Magellan ou à la Galerie Jeune Peinture, rue Jacques-Callot à Paris
(New York Herald Tribune, European Edition, 28 juin 1931, p. 8).
54. Une ambiguïté demeure : s’agit-il du peintre Alberto Vargas ou de Luis Vargas, graveur ayant
illustré Fraternity, un poème de Stephen Spender traduit par Louis Aragon ? Dans aucune de ses
lettres, Varèse n’indique les prénoms des Vargas.
55. Dans la correspondance, il n’est pas fait allusion à la fille de Jolivet et de Martine Barbillon,
Françoise-Martine, née en 1930.
56. Dans lettres du 28 octobre 1933 et du 17 septembre 1934 (n os 16 et 34), par exemple.
57. Oskar Fried (1871-1941), chef d’orchestre et compositeur allemand qui a séjourné en France
au début des années vingt avant de s’installer en U.R.S.S., où il devient citoyen soviétique en
1940. Il a dirigé le Choral et Fugato de Jolivet en U.R.S.S. Dans ses archives, Jolivet a conservé, en
dehors des courriers que Fried lui a adressés, trois lettres de Varèse à Fried datées des 21, 27 juin
et 27 juillet 1933, de même qu’une carte postale envoyée d’Espagne et cosignée par Pablo Casals,
Maurice Eisenberg, Robert et Paldi Gerhard, Joan Prats et Varèse. Dans son agenda, Jolivet a noté
plusieurs rendez-vous avec Fried en février et mars 1934, dont certains à l’Ambassade d’U.R.S.S..
58. Voir lettre du 14 février 1934, n° 25.
59. Voir lettre du 12 janvier 1934, n° 22.
60. La date de son départ figure dans l’agenda de Jolivet.
61. Ces concerts ont eu lieu les 15 et 22 avril 1934, voir les lettres n os 25 et 26.
62. Premier ambassadeur des États-Unis en U.R.S.S. dont Varèse, dans sa lettre du 14 février 1934,
dit avoir « tout son appui moral » (voir lettre d’Oskar Fried en annexe).
63. Voir lettres des 24 avril, 2 et 19 juin, 9 juillet 1934, n os 26, 28, 30 et 31.
64. Dans lettre du 18 mars 1936, n° 62.
65. Dans lettre du 12 août 1934, n° 32.
66. Ibidem.
67. Dans lettre du 9 décembre 1934, n° 39.
68. « Le Communisme comme on le conçoit en chambre chez nous est bien un accessoire
romantique et périmé – et n’a aucune chance de réussite - ni ici - ni ailleurs. C’est pourquoi nos
pseudo-révolutionnaires (je parle de France) peuvent s’y cramponner en toute sûreté - Ils
peuvent gueuler à tue-tête sûrs de ne jamais avoir à faire face aux responsabilités du pouvoir -
Encore une forme d’académisme bien française- » (dans lettre du 12 août 1934, n° 32).
69. Dans lettre du 27 novembre 1933, n° 17.
29

70. Dans lettre du 19 juin 1934, n° 30.


71. Dans lettre du 16 décembre 1934, n° 40.
72. Dans lettre du 12 août 1934, n° 32.
73. Dans lettre du 8 août 1935, n° 45.
74. Pierre-Alain Jolivet, né au mois de mai 1935.
75. Lettre du 12 mai 1936, n° 64.
76. Dans lettre du 5 juin 1935, n° 41. Il s’agit du groupe de La Spirale (voir supra, pp. 13 sqq.).
77. « League of Nations in Art », (dans Olivia Mattis, op. cit., p. 184).
78. Où il était en vacances depuis le 31 juillet.
79. Où Varèse leur avait indiqué une adresse, communiquée sans doute par Luigi Russolo qui y
résidait alors (Lettre de Varèse à Jolivet du 24 août 1933, voir infra note 141).
80. Lettre du 25 août 1933, n° 7.
81. Lettre du 26 août 1933, n° 8.
82. Lettre du 29 août 1933, n° 10.
83. Lettre du 26 août 1933, n° 8.
84. Pedro Sanjuan (1886-1976) était aussi pédagogue et chef d’orchestre. Il s’était rendu à La
Havane en 1926 et était retourné en Espagne en 1932, où il resta jusqu’en 1936. De nouveau à La
Havane de 1939 à 1942, il a été ensuite nommé professeur de composition au Converse College de
Spartanburg en Caroline du Sud. (DBM, p. 3601).
85. Dans son agenda de 1933, Jolivet avait noté son changement d’adresse à Madrid. Il a conservé
deux lettres de Sanjuan, l’une écrite de La Havane (9.6.1932), l’autre de Madrid (20. 3.1933).
86. Le 4 et le 5 septembre 1933.
87. Le 7 et le 8 septembre 1933.
88. Le 6, puis le 9 et le 10 septembre 1933. Son adresse à Madrid figure dans l’agenda de Jolivet :
Marques de Urquijo, 45.
89. Note manuscrite de Jolivet (Archives Jolivet).
90. Document conservé à la Bibliothèque Doucet, Paris.
91. Lettre du 25 août 1933, n° 7.
92. Lettre du 29 août 1933, n° 10.
93. Ventura Gassol i Rovira (1894-1980), politicien, poète de langue catalane, auteur de La Nave
(1920), La Dolorosa (1928), Poemas (1934) ; il a collaboré à de nombreuses publications éditées à
Paris, telles que notamment Presencia Catalana, Heralda de España, Revista de Catalunya, Voz de
Madrid ; voir la thèse de Geneviève Dreyfus-Armand, L’Émigration politique espagnole en France au
travers de sa presse (1939-1975), 1994. Après avoir abandonné le sacerdoce et occupé des postes dans
l’administration, il devient militant au sein de la Joventut Nacionalista de la Lliga puis adhère à
Acció Catalana. Exilé en France en 1924, il entre au parti Estat català fondé par F. Macia dont il
devient l’un des responsables. En 1931, il occupe les postes de Conseiller pour la Politique
intérieure de la Republica Catalana et de Conseiller pour la culture de la Generalitat jusqu’en
1934 puis à nouveau, en 1936. Député de Barcelone et Tarragone, il prend la défense des
persécutés. Se sentant menacé de mort, il choisit de s’exiler en France à Saint-Martin-le-Beau où
il va participer à des activités culturelles catalanes. Il reviendra en Catalogne en 1977 (dans
Historia de Catalunya, CD-ROM réalisé pour La Venguardia et la Generalitat de Catalunya).
94. Francesc Macia (1859-1933). Quand Macia meurt le 25 décembre 1933, il a des funérailles
officielles le 27 décembre. Militaire au rang de colonel, il s’était retiré de l’armée pour devenir le
leader du nationalisme catalan de gauche. Élu député en 1907, il fonde en 1923 le parti Estat
català. En 1925, il fait un voyage à Moscou et en 1927, lors du procès à Paris des conjurés catalans
dont il fait partie avec Gassol, condamné, il est écroué à la prison de la Santé. Il est ensuite exilé à
Bruxelles et enfin déporté à Montevideo en 1928, puis à Cuba. Il revient en Europe via New York
et est autorisé à rentrer en Espagne en 1931. En 1932, il participe aux négociations pour
30

l’autonomie catalane. Haute figure de l’histoire de la Catalogne, son portrait servit d’affiche lors
de la campagne électorale en 1936 (dans Manuel Cruells, Francesc Macia, Éditions Brughera).
95. Lettre du 11 janvier 1934, n° 21.
96. Rafael Alberti (1902-1999), poète, auteur dramatique et peintre espagnol. Il débuta comme
peintre cubiste puis, influencé par l’œuvre de Luis de Góngora y Argote, il délaissa la peinture
pour se tourner vers l’écriture. Il publia des poèmes d’inspiration populaire (Le Marin à terre),
baroque, surréaliste (Au-dessus des anges) qui eurent pour thème essentiel la révolte contre tout
ce qui s’oppose à l’épanouissement de l’homme. Il adhéra au Parti communiste en 1931, puis
fonda la revue Octobre en collaboration avec sa femme, l’écrivain Maria Teresa Léon, en 1934. La
même année, Rafael Alberti fut présent au Premier Congrès des écrivains soviétiques à Moscou
en août puis vint à Paris. Jolivet l’y rencontra et en fît part à Varèse, qui se souvient « avec plaisir
de leurs soirées madrilènes » dans une lettre du 16 décembre 1934. Pascal Ory, dans La Belle
Illusion (Plon 1994, p. 218), cite la parution, en 1936, de textes inédits d’Alberti dans la revue
Soutes ; c’est l’époque où il prit part au mouvement révolutionnaire contre l’armée franquiste.
Contraint à l’exil, il figura parmi les réfugiés espagnols secourus en 1939 par le comité d’accueil
créé par la section française de l’Association internationale des écrivains pour la défense de la
culture (dans Herbert R. Lottman, La Rive gauche, Éditions du Seuil, 1981, p. 130 et 237). Puis il se
réfugia en Argentine, séjourna dans plusieurs pays sud-américains avant de choisir de se fixer à
Rome. Il reçut le Prix Lénine en 1966. À son retour en Espagne, il fut élu député communiste de
Cadix en 1977 mais abandonna ses fonctions politiques pour se consacrer à son œuvre. Il fut l’un
des derniers survivants de la génération 27 , ainsi nommée en souvenir du tricentenaire de
Góngora (D’après Encyclopédie Hachette/Hachette Multimédia et Historia de Catalunya).
97. Joaquim Torres Garcia (1874-1949), peintre uruguayen de père catalan. À 17 ans, il part pour
Barcelone où il complète sa formation à l’École des Beaux-Arts. Très vite, il s’exprime en réalisant
de nombreuses peintures murales tant dans des églises que pour l’Exposition internationale de
Bruxelles en 1910. Il participe notamment à la restauration du Palais de la Generalitat. En 1920, il
vient à Paris, où il rejoint son ami Joan Miró. Puis il va passer quelques mois à New York et
s’installe enfin en Italie. À Paris, à partir de 1926, auront lieu pratiquement chaque année, dans
des galeries telles que Favre, Carmine, Zak, Jeanne Bucher, Pierre... ainsi qu’au Salon d’automne,
des expositions individuelles de ses œuvres. Il participe alors au groupe « Cercle et carré » (1930)
avec, entre autres, Piet Mondrian. De 1931 à 1934, il réside à Madrid (95 Ayala, adresse relevée
dans l’agenda de Jolivet). En 1934, il retourne vivre à Montevideo, où il développe, en dehors de
sa création personnelle, de nombreuses activités autour des arts plastiques (conférences, cours,
livres).
98. Georges Ribemont-Dessaignes (1884-1974), peintre, poète, romancier, avait fait aussi de
sérieuses études musicales. Il présenta une œuvre musicale pour piano, Le pas de la Chicorée frisée,
lors d’une soirée dadaïste en février 1920 (Michel Sanouillet, op. cit., p. 164). Plusieurs lettres de
lui ont été conservées par Jolivet : 13.10.1933, 23.12.1936, 9.10.1957, 26.5.1960, 18.9.1963. Il est
l’auteur de Marche funèbre, texte mis en musique par Jolivet (dans Romantiques, composé en 1934).
99. Le Corbusier (Charles-Édouard Jeanneret, dit) (1887-1965), célèbre architecte, urbaniste,
peintre suisse, naturalisé français en 1930. Il s’était installé à Paris en 1917, où il fit rapidement
connaissance, parmi tant d’autres, de Lipschitz, Léger et Varèse. Dans ses notices biographiques,
il est souvent fait mention de voyages en Amérique qui lui ont sûrement permis de garder
contact avec Varèse. En 1958, Le Corbusier est appelé pour construire le Pavillon Philips pour
l’Exposition Universelle de Bruxelles. Il est aussi l’auteur du spectacle qui y est présenté sous le
nom de Poème électronique, auquel Varèse collabore pour la partie sonore. Autour de ce projet, il
se retrouve avec le compositeur et architecte Iannis Xenakis, Louis Kalff pour les lumières, Jean
Petit pour les images. Varèse trouve alors l’occasion de disposer du laboratoire électronique dont
il a rêvé toute sa vie.
31

100. Mis pour Jacques Lipschitz (ou Lipchitz) (Druskieniki, Lituanie, 1891 – Capri, 1973),
sculpteur. Il fit ses études à l’École des Beaux-Arts à Paris (1909-1911) ainsi qu’à l’Académie
Julian. Quand, persécuté par les nazis, il émigra aux États-Unis en 1941, il connaissait déjà une
certaine célébrité. En 1938, Jolivet était encore en relation avec lui (Agendas Jolivet).
101. Fernand Léger (1881-1955), peintre français dont l’œuvre riche et divers répond à l’appel de
tous les mouvements artistiques majeurs du XXe siècle : fauvisme, cubisme, futurisme, purisme,
surréalisme, néo-classicisme, social-réalisme... Varèse fit sa connaissance avant la Première
Guerre mondiale. Louise Varèse raconte qu’alors, dès le début de la guerre, Léger venant d’être
gazé, Varèse fit intervenir des amis influents pour le faire sortir des tranchées. Malgré quelques
disputes (Léger reprochait à Varèse de faire la cour à sa femme), ils restèrent amis et Léger lui
offrit un tableau. Plus tard, lorsque le ménage Varèse vint à Paris en 1924, ils habitèrent l’été un
grand atelier où se tenait l’hiver une école dont Léger était l’un des professeurs. C’est là que
naquit l’œuvre de Varèse, Intégrales (Louise Varèse, op. cit., pp. 108 et 216).
102. Aucun de leurs noms ne figure, par exemple, dans le dictionnaire biographique MAITRON, et
ces renseignements ne se trouvent pas forcément dans les biographies consultées.
103. Déjà jadis, ou Du mouvement dada à l’espace abstrait, collection 10/18, René Julliard, 1958.
104. Ribemont-Dessaignes, op. cit., p. 19.
105. Membre du groupe, Fernand Léger y exposa aussi en 1912.
106. Ribemont-Dessaignes, op. cit., p. 39.
107. En 1920, il expose au Sans pareil. Ce qui fait dire à Michel Sanouillet : « Ribemont n’était
peintre que d’aventure, ayant longuement hésité entre les diverses formes d’art sans jamais
pouvoir se fixer. [...] lié à Picabia, il lui servait de « gérant » dans la production de sa revue
391 » (op. cit., p. 171-172).
108. Ribemont-Dessaignes, op. cit., p. 71.
109. Il est amusant de souligner que la troisième des manifestations « Dada » à Paris en 1920 a eu
lieu à l’Université populaire du Faubourg Saint-Antoine, fréquentée quelques années auparavant
par Varèse (voir note 15). Michel Sanouillet (op. cit., p. 158) explique : « Ces jeunes bourgeois [les
dadaïstes] étaient irrésistiblement et sentimentalement attirés par les idées politiques de gauche
et rêvaient de se voir compris par le peuple ».
110. Ibid, p. 99.
111. Ibid, p. 168.
112. Ibid, p. 173.
113. Ibid, p. 183.
114. Ibid, p. 185.
115. « Anarchiste j’étais, rien ne me disposait à cesser de l’être, mais cette anarchie-là, c’est celle
de beaucoup d’intellectuels : rien ne sert de l’invoquer. Politiquement, elle ne mène à rien, on l’a
bien vu, en trop d’occasions. » (Ribemont-Dessaignes, op. cit., p. 219.)
116. Ibid, p. 187.
117. Revue publiée par Pierre Lévy, patron des Éditions du Carrefour.
118. Ribemont-Dessaignes, op. cit., p. 212.
119. Avec Roger Gilbert-Lecomte, Roger Vailland et A. Rolland de Réneville, René Daumal
(1908-1944) forma un groupe aux préoccupations proches de celles des surréalistes. Ensemble ils
fondèrent en 1928 la revue Le Grand Jeu, dont les thèmes de base étaient ceux d’une société
secrète, « Les Phrères simplistes », placée sous le signe du « dérèglement des sens ». Ils
s’orientèrent plus vers la métaphysique, les religions orientales, l’ésotérisme que vers les
problèmes sociaux (dans G. Ribemont-Dessaignes, op. cit., p. 202).
120. Ibid, p. 215.
121. Hilda Jolivet, op. cit., p. 190.
122. Lettre du 14 octobre 1933, n° 15.
123. Il n’y revint qu’en 1950 (voir lettre envoyée, de Darmstadt, du 1 er août 1950, n° 96).
32

124. Ce profond refus est exprimé dès 1921, dans la dernière phrase du manifeste de
l’International Composers’ Guild (ICG) : « The ICG disapproves of all ’isms’... » (« L’ICG réprouve
tous les “ismes”... », dans Louise Varèse, op. cit., pp. 166-167). Par ailleurs, Varèse avait signé le
manifeste Dada, Dada soulève tout, daté du 12 janvier 1921, dont le thème était que « Face à toutes
les écoles dites modernes (Cubisme, Expressionnisme, Simultanéisme, Futurisme, Unanimisme,
néo-classicisme, Paroxysme...) et dont le seul dénominateur commun était le souci de créer de
nouvelles formes d’art, se dressait Dada... » (dans Michel Sanouillet, op. cit., p. 235).
125. Lettre du 19 juin 1934, n° 30.
126. Voir lettre du 19 juillet 1935, n° 42.
127. C’est le cas d’Octandre, voir lettre du 26 décembre 1935, n° 54.
128. Lettre du 20 juillet 1936, n° 69.
129. Voir lettre du 20 janvier 1945, n° 77.
130. Émission citée note 28.
131. H.-M. Barzun (1881-1973) a connu Varèse avant la guerre de 1914. Ce poète avait été reconnu
par Apollinaire comme le père de la Poésie simultanée tenant du Simultanisme et de l’Orphisme. Il
avait, comme membre-fondateur, fourni les fonds nécessaires à la création de l’Abbaye de Créteil,
cette coopérative d’écrivains et d’artistes établie à la fin de 1906, avec Charles Vildrac, Georges
Duhamel, Albert Gleizes, René Arcos et Albert Doyen. Il émigra aux États-Unis où il vécut en
enseignant. Varèse le retrouva l’été 1927 sur la Côte d’Azur, où il était lui-même venu passer l’été.
132. Lettre de Jolivet à Barzun, Columbia University Libraries, Special Manuscript Collection, H.-
M. Barzun, citée dans Bridget Conrad, op. cit., pp. 39 et 40.
133. Voir lettre du 13 décembre 1933, n° 19.
134. Voir lettre du 12 août 1934, n° 32.
135. Voir lettre du 11 octobre 1934, n° 36.
136. Voir lettre du 2 février 1934, n° 24.
137. Voir lettre du 19 juillet 1935, n° 42.
138. Voir lettre du 29 août 1936, n° 71.
139. Voir lettre du 20 janvier 1945, n° 77.
140. Voir lettre du 27 novembre 1933, n° 17.
141. Dans Hugues Dufourt, « Varèse et l’art moderne : Pour une critique socio politique de la
culture du XXe siècle », Critique, 467, Paris, 1986, p. 332.
142. Déclaration de Varèse au Christian Science Monitor, en 1922, rapportée par Chou Wen-Chung,
dans « Varèse : a sketch of the man and his music », op. cit., p. 165.
143. Citation extraite de l’ouvrage de Busoni, Entwurf einer neuen Ästhetik der Tonkunst, traduction
française : L’Esthétique musicale, Paris, Minerve, 1990).
144. Voir Hilda Jolivet, op. cit., p. 30.
145. « Varèse [était devenu] l’un des membres de notre bande de la Belle Édition, dirigée par
François Bernouard (voir supra, note 52) qui comprenait [...] René Bertrand, inventeur d’un
instrument électronique ». (Témoignage de Claude Chéreau dans Louise Varèse, op. cit., p. 53).
146. Lettre du 5 juin 1935, n° 41.
147. Voir op. cit. édition française, pp. 53 sqq.
148. « He shared Marinetti’s enthousiasm for the mechanical modern world but not his desire to
imitate it » (dans Louise Varèse, op. cit., p. 106).
149. S’exprimant dans la revue 391 de Francis Picabia à laquelle il a participé.
150. Luigi Russolo (1885-1947), inventeur, peintre, compositeur futuriste italien. En 1913, il
publie son manifeste futuriste L’Art du bruit, qui exprime la prise en compte du bruit comme
source possible d’œuvre d’art. Varèse, dans la revue 391 de Picabia, s’oppose à cette conception
car ce n’est pas « le bruit qui le passionne, mais le bruit se transmutant en son, le bruit devenant
beau [...]. Varèse fut ami de l’homme mais il n’acceptait pas le « “bruitiste” » (dans Fernand
Ouellette, op. cit., p. 48). Il s’intéresse cependant beaucoup au « russolophone », instrument
33

générateur de bruit construit en 1929. Varèse et Russolo sont en 1933 en même temps en
Espagne : Russolo est en séjour à Tarragone et ils s’écrivent (voir lettre du 24 août 1933, n° 6).
Plus tard, la musique machiniste présentera moins d’intérêt pour Russolo qui se tourne vers la
peinture et la philosophie (DBM, p. 3550).
151. Affiche de la manifestation dans Helga de la Motte et Klaus Angermann, Edgard Varèse
1883-1965, Peter Lang, Frankfurt am Main, 1990, p. 57.
152. Cette conversation sténographiée est reproduite dans Bifur, n° 5, Éditions du Carrefour,
Paris, 1930, p. 121 à 129, revue dont Ribemont-Dessaignes a été rédacteur en chef (voir supra note
117).
153. Dans son ouvrage, Fernand Ouellette écrit : « En 1927, Varèse décide de changer d’ambiance,
d’aller se rendre compte lui-même des recherches que Bertrand et Martenot font à Paris » (op.
cit., pp. 106-107).
154. Léon Thérémin, (né Lev Termen, 1896-1993) a été à la fois diplômé de l’École technique
d’électricité et de l’Université des Sciences de Saint-Pétersbourg et il a étudié le violoncelle au
Conservatoire de la même ville. Lors des événements d’octobre 1917, l’officier-ingénieur radio du
tsar est passé du côté des bolcheviks puis a commencé des recherches à la station radio de
l’Armée rouge. En 1918, il a déjà construit le premier prototype de son instrument :
l’aéthérophone (un instrument qui permettrait de créer des sons autrement que de façon
mécanique) dont la démonstration devant Lénine eut lieu en 1920 (1922, déclarent certains). Très
vite, des œuvres pour instrument « Theremin » et orchestre furent écrites. Les succès remportés
et la notoriété de l’inventeur lui permirent alors d’obtenir l’autorisation de voyager à l’étranger.
Après avoir présenté ses instruments en Allemagne et en France, il s’est embarqué pour les États-
Unis, où il est resté une dizaine d’années. Années pendant lesquelles, après avoir déposé un
brevet pour le thereminovox, il a mis au point une nouvelle invention, le rythmicon, élaboré avec
le compositeur Henry Cowell ; il a fondé un laboratoire d’acoustique à New York et collaboré à
des expériences menées par Leopold Stokowsky pour « renforcer les basses ». Nicolas Slonimsky
(dans Perfect Pitch, Oxfordk, Oxford University Press, 1988, p. 151) relate qu’un jour de 1938,
Theremin a simplement disparu. La rumeur voulait qu’il fût retourné à Moscou où il avait été tué,
accusé d’être un espion allemand. Thérémin a lui-même confié, lors du Festival de musique
électronique de Stockholm en octobre 1990, avoir passé après son retour en U.R.S.S. huit ans dans
des camps de travail près de Kolyma puis d’Omsk et enfin près de Moscou. Là, il a été placé dans
un centre spécial pour scientifiques où il a travaillé dans le domaine de l’acoustique, d’abord
comme prisonnier puis comme civil, jusqu’en 1964. Ensuite, il a exercé deux ans au Conservatoire
de Moscou dans le Département de recherche acoustique et d’enregistrement puis il a poursuivi
ses recherches sur l’analyse de la voix à l’Université de Moscou (dans Stephen Montague,
« Rediscovering Leon Theremin », Tempo (A quaterly review of Modern music) n° 177, juin 1991,
pp. 18 sqq. et dans Olivia Mattis, « Entretien inédit avec Lev Termen », dans La Revue musicale, n°
421 à 424, 1991, p. 205).
155. Ultérieurement, dans la partition éditée, les deux thereminovox ont été remplacés par deux
ondes Martenot.
156. Louise Varèse, op. cit.
157. Varèse a passé l’été 1927 en France (voir infra).
158. Elle a eu lieu au Metropolitan Opera de New York, le 31 janvier 1928. Varèse était à New
York.
159. Dans Olivia Mattis, op. cit., p. 207.
160. Dans lettre du 14 octobre 1933, n° 15.
161. Mais la lettre est revenue. Olivia Mattis semble avoir pu la consulter dans les documents de
Louise Varèse (et a pu la reproduire ?).
162. « With René Bertrand, to pursue work on an instrument for the producing of new sounds. To
inspect other new inventions in certain laboratories in order to discover if any of them could
34

serve my new sound conceptions. To submit to the technicians of different organizations my


ideas in regard to the contribution which music – mine at least – looks from science, and to prove
to them the necessity of closer collaboration between composer and scientist » (dans Chou Wen-
Chung, « Varèse : a sketch of the man and his music », op. cit., p. 165).
163. Dans Hugues Dufourt, op. cit., p. 332.
164. Alejo Carpentier, Varèse vivant, op. cit., pp. 124-25.
165. Dans lettre du 12 janvier 1934, n° 22.
166. Dans lettre des 13 et 14 décembre 1933, n° 19.
167. Dans lettre du 17 septembre 1934, n° 34.
168. Ainsi de Florent Schmitt – qu’il peut avoir salué pour son antisémitisme (dans lettre des 13
et 14 décembre 1933, n° 19) mais dont plus tard il s’est moqué parce que membre de l’Institut :
« Membre de Rince – tutu », dans la lettre du 8 novembre 1936, n° 36 ou de ceux à qui il a refusé
le ruban de la Légion d’honneur, dans la lettre du 19 décembre 1936, n° 75.
169. Dans lettre du 19 décembre 1936, n° 75.
170. Varèse a terminé cette lettre le 16 octobre (date signalée en quatrième page) et a alors
envoyé quatre articles parus dans Musical Courier des 23 septembre et 14 octobre, dans le New York
Herald Tribune du 8 octobre ainsi que dans The Christian Science Monitor du 16 octobre (Archives
Jolivet).
171. Vocabulaire argotique qui était plutôt étranger à Guighy !
172. « But a deaf ear was turned to him everywhere. He could only make some very modest
experiments with phonographs turntables by using motors of different speeds... », (dans Chou
Wen-Chung, op. cit., p. 165).
173. Entre 1937 et 1940.
174. Dans Chou Wen-Chung, op. cit., p. 166.
175. Un modèle Ampex 401 A (dans Chou Wen-Chung, ibidem).
176. Déserts, pour instruments à vent, percussion et 3 interpolations de son électronique, créés le
2 décembre 1954 sous la direction de Hermann Scherchen, au théâtre des Champs-Elysées à Paris.
177. Comme le souligne Chou Wen-Chung dans « Varèse : a sketch of the man and his music », op.
cit., p. 166.
178. « I don’t want to die without a laboratory ! » (dans Chou Wen-Chung, op. cit., p. 167).
179. Lettre n° 53.
180. Alejo Carpentier, Fernand Ouellette, Odile Vivier.
181. Varèse est un bon vivant : « beuveries et ripailles » l’intéressent et l’amusent (lettre du 18
mars 1936, n° 62), sans compter les nombreuses allusions faites aux vins français et à leurs
mérites respectifs. Mais cela ne va pas sans certains ennuis de santé malgré lesquels il se
déclarait être en bonne forme. Il est allé jusqu’à expliquer qu’il a tenu le coup pendant les années
1934 et 1935 – qu’il a considérées comme de sales années – grâce à sa bonne forme
« spirituellement et physiquement » (lettres des 9 juillet 1934, 13 août 1935, 18 février 1936 et 29
août 1936, n° 31, 43, 58 et 71).
182. Dans lettre du 18 mars 1936, n° 62. Le concert français est celui que Varèse organisa le 17
février 1936.
183. Souffrait-il aussi de se savoir des ennemis ? Il avait en tout cas conscience d’en avoir,
puisqu’il n’a pas manqué de raconter que l’un des Indiens rencontrés au Nouveau-Mexique « lui
[avait] prédit qu’ils [allaient] disparaître » (lettre du 24 novembre 1936, n° 73).
184. Voir Fernand Ouellette, op. cit., p. 155.
185. « Le jeune chef léonin » (the lionized joung maestro) avait acquis une réelle notoriété en
dirigeant la première de la version de concert du Martyre de Saint-Sébastien le 4 janvier 1914 à la
tête de la Philharmonie tchèque à Prague et aussi le Requiem de Berlioz le 1 er avril 1917 dans
l’Hippodrome de New York (voir Chou Wen-Chung, op. cit., p. 153).
35

186. Concerts donnés au Carnegie Hall, les 11 et 12 avril 1919 par un orchestre qui avait été fondé
pour Varèse dans le but d’introduire la musique vivante (voir Chou Wen-Chung, op. cit., p. 153).
187. Des œuvres de C. Griffes, C.M. Loeffer, Sibelius, Ε. Whithorne ; Busoni, Roussel, Ravel, Satie,
Tommasini devaient être jouées (dans Louise Varèse, op. cit., p. 140).
188. Le 31 mai 1921.
189. Publié dans Louise Varèse, op. cit., pp. 166-167 ; traduction française dans Fernand Ouellette,
op. cit., pp. 75-76.
190. « New ears for new music and new music for new ears » (dans Louise Varèse, op. cit., pp. 205
sqq).
191. Parmi lesquels : Bartók, Berg, Chávez, Cowell, Hindemith, Honegger, Kodály, Malipiero,
Milhaud, McPhee, Poulenc, Satie, Schmitt, Schoenberg, Stravinsky, Webern, etc. pour ne citer que
ceux-là (dans Chou Wen-Chung, op. cit., p. 154).
192. Cette section ne vécut pas longtemps et fut supplantée par la toute nouvelle SIMC – Société
Internationale de Musique Contemporaine – fondée par Edward Dent et Adolf Weismann le 11
août 1922 à Salzbourg. En 1923, la SIMC comptait déjà quatorze nouvelles sections (dans Louise
Varèse, op. cit., p. 181).
193. Bien qu’en 1925 il se fût juré de ne plus jamais le faire (dans Louise Varèse, op. cit., p. 279).
194. Laissant la charge de l’entreprise à Henry Cowell, Nicolas Slonimsky et Charles Ives (dans
Louise Varèse, op. cit., p. 279).
195. Pour preuve, ce détail trivial : il utilisait le papier à lettre à en-tête de l’IEC (comme il le
faisait de celui de la PAAC, voir lettres n° 17, 21, 25, 30, 31, 34).
196. Lettre du 16 décembre 1934, n° 40.
197. Jolivet a envoyé la partition à Salzedo le 16 décembre suivant.
198. Voir lettre n° 27.
199. Et Varèse ajoutait : « mais ne peux et ne veux fixer de date - car je tiens à ce qu’elles soient
présentées dans les conditions idéales - et je ne voudrais rater l’occasion lorsqu’elle se présentera
- faute de matériel - Faites donc un effort pour vous en recopier un pour les besoins de là-bas. »
(lettre n° 47).
200. Voir programme reproduit, ici même.
201. Nestor Lejeune, professeur de violon à la Schola cantorum et professeur de la classe
d’orchestre de 1926 à 1932, Jean-Claire Vançon, (La Spirale (1935-1937), « Un nouveau groupement
fondé sous l’égide de la Schola », Mémoire d’Histoire de la Musique, CNSMD de Paris, 2001-2002.
202. Georges Migot (1891-1976), compositeur français. Dans certaines de ses lettres à Jolivet, il est
question de Varèse. Par exemple, le 5 juillet 1935, il écrivait : « Merci pour votre mot. Je vais
écrire à Varèse, et répondre aux questions posées par lui » ou le 1 er mars 1936 : « ... ce mot en
hâte, et vous revoir au concert américain » et non datée : « Quand aurait lieu un prochain
concert ? Ceci parce que j’ai musiques d’un groupe américain ». De nombreuses autres lettres
concernent les concerts de La Spirale (Archives Jolivet).
203. Lettres des 5 juin, 13 août et 13 novembre 1935 (n° 41, 43 et 47).
204. Nationale mis pour Société Nationale de musique.
205. Dans le troisième des Douze entretiens radiophoniques d’André Jolivet avec Antoine Goléa,
inédits, 1960 (Archives Jolivet).
206. Douze entretiens, ibid.
207. Les programmes de douze concerts avaient été établis mais le dixième, celui consacré aux
femmes compositeurs, n’a pu être monté.
208. Un conseil d’orchestration : « Tuba au lieu de clarinette basse ; double emploi piano et
harpe. Méfiez-vous de la monotonie » (dans lettre du 15 novembre 1934, n° 38).
209. Dans lettre du 18 mars 1936, n° 62.
210. Dans lettre du 4 avril 1936, n° 63.
211. Dans Louise Varèse, op. cit., p. 260.
36

212. Alejo Carpentier, op. cit., pp. 9 sqq.


213. Odile Vivier, Varèse, collection Solfèges, Éditions du Seuil, 1973, pp. 87-88.
214. Antonin Artaud, Le théâtre et son double, Gallimard, collection Folio Essais, 1964, p. 137. Texte
paru dans la Nouvelle Revue Française (n° 229, 1er octobre 1932).
215. Odile Vivier, op. cit., pp. 87-88.
216. Notamment dans sa lettre du 17 septembre 1934 : « Si vous voyez Artaud - priez-le de
m’envoyer de suite - le scénario qu’il a de moi. J’en ai besoin pour quelques jours « URGENT » -
pour mise au point. Je renverrai ensuite -
Mais pour l’amour de Dieu qu’il envoie - ou vous - recommandé - C’est le seul. »
217. Dans agenda 1934 de Jolivet.
218. Lettre du 16 décembre 1934, n° 40.
219. Dans lettres du 14 octobre et du 27 novembre 1933, n° 15 et 17.
220. Dans lettre du 13-14 décembre 1933, n° 19.
221. Dans lettre du 13-14 décembre 1933, n° 19.
222. Dans lettre du 16 décembre 1934, n° 40.
223. Dans lettre du 20 juillet 1936, n° 69.
224. Milhaud, Messiaen, Ginette et Maurice Martenot, Charles Münch, Fred Goldbeck, Yvonne
Lefébure, Raymond Creuze, Virgil Thomson...
225. Lettres du 10 juin 1952, n° 98.
226. Lettre du 6 janvier 1953, n° 99.
227. « Pschitt ! » est la formule appliquée à l’eau Perrier lors d’un lancement publicitaire de
l’époque.
228. Claude Rostand, Le Figaro littéraire, 18 novembre 1965, p. 19.
229. Sous ce titre, Maurice Fleuret réunit « quatre témoignages pris aux quatre points cardinaux
de la pensée musicale française » du moment, ceux de Pierre Schaeffer, Iannis Xenakis, Pierre
Boulez et André Jolivet (Le Nouvel Observateur, n° 53, 17 au 23 novembre 1965, pp. 38-39).
230. Hamon, Combat, 12 novembre 1965.
231. Il lui dédia une œuvre écrite en 1968 pour six percussionnistes, Cérémonial, qu’il décrit
comme « un énorme et fervent processionnel à la mémoire de Varèse » (Archives Jolivet).
232. Le Nouvel Observateur, ibid ; « Varèse avec nous », Diapason, décembre 1965, p. 9 ; « Philosophe
du bruit et précurseur de la musique concrète, Edgar Varèse », Sud-Ouest Dimanche, Bordeaux, 14
novembre 1965. Voir les Annexes ci-après.
37

Avis aux lecteurs

1 La transcription des lettres est conforme à la présentation de Varèse ainsi qu’à son
orthographe :
• Varèse complétait ses lettres par de fréquents ajouts disposés en haut, en bas et sur les côtés
de page (voir les documents reproduits ci-après). Leur positionnement est partout spécifié.
• La présentation des dates a été respectée : le mois est indiqué tantôt en chiffres romains,
tantôt en toutes lettres. Nous avons rajouté l’indication d’expédition lorsque celle-ci n’était
pas présente (elle est alors placée entre crochets).
• Les mots écrits en capitales ou débutant par une capitale ont été maintenus, de même que
l’ont été ceux qui devraient en avoir (exemple : gaité au lieu de Gaîté).
• Les paragraphes sont souvent précédés d’un titre souligné : les mots soulignés sont signalés
par des italiques. Lorsqu’un mot est souligné deux fois, il apparaît en italique souligné. La
mention des œuvres est gardée telle quelle.
• L’utilisation du signe = est fréquente, notamment à la place des deux points (:).
• Varèse n’emploie presque jamais de signes de ponctuation : les idées sont, à de rares
exceptions près, séparées par des tirets courts. Toutefois, points, points d’exclamation et
points d’interrogation apparaissent ici ou là.
• Il manque souvent les accents graves ou circonflexes, ainsi que les traits d’union dans les
mots composés. Nous avons signalé la plupart des fautes d’orthographe par un [sic] entre
crochets. Mais les traits d’union ont été rétablis dans les mots composés, afin de ne pas
alourdir la lecture (ils étaient trop nombreux !). Une rectification a été effectuée par respect
pour l’origine flamande du nom de De Nobele que Varèse écrivait avec un accent : De Nobèle.
• Certaines orthographes sont fluctuantes, comme celle de Salzedo (ou Salzédo). Elles ont été
maintenues pour l’amusement du lecteur, d’autant qu’elles sont parfois intentionnelles.
Varèse pratique beaucoup les jeux de mots, comme par exemple « la 4è raie publique ». Ses
déformations proviennent aussi d’une américanisation du français ou d’une francisation de
l’américain.
• Certaines abréviations ont été signalées à leur première occurrence, comme « s.v.pl. » pour
s’il vous plaît, ou « c.à.d. » pour c’est-à-dire, ou encore « bcp » pour beaucoup.
• La signature se résume fréquemment à un « V. » souligné ; rarement le nom de Varèse est
écrit en entier. Son prénom apparaît le plus souvent sans le d final d’origine (Edgar au lieu
d’Edgard).
38

• Varèse disait lui-même de son style : « Céline écrit comme je parle ». Alejo Carpentier
mentionne que « Varèse parlant était un spectacle verbal, marqué par la langue verte,
l’argot, le parler des faubourgs » (Varèse vivant, Paris, Le nouveau commerce, 1980, p. 25).
Ainsi, dans une même lettre (comme la lettre n° 31), se trouvent à la fois un exemple de
contrepèterie (« que l’on coule et mouillotte et non... ») et des modèles de grossièreté dont la
plus anodine est l’expression « trou du cul »...
• Les abréviations utilisées dans les notes sont :
2 DBM, Dictionnaire biographique des musiciens, Theodore Baker — Nicolas Slonimsky, Paris,
Collections Bouquins, Robert Laffont, 1995.
3 DIF, Dictionnaire des Intellectuels français, sous la direction de Jacques Julliard et Michel
Winock, Paris, Éditions du Seuil, 1996.
4 ALGD, Louise Varèse, A looking. glass diary, New York, Norton, 1972.
39

Correspondance
Edgard Varèse et André Jolivet

1.

[Paris] 31 - III / 1931

1 Cher Monsieur -
2 Mon mot à Barrère - annonçant l’envoi de votre partition1 est parti - adresse :
3 Mr. George Barrère
4 162 West 56 st.
5 New York City (U.S.A.)
6 Faites donc le nécessaire et écrivez lui2 ainsi que convenu.
7 Hommage à Madame Jolivet - Votre sincèrement
8 Edgar Varèse

2.

9 - V / 1932
(sur papier bleu pâle)
expéditeur : 7, rue Belloni Paris 15è ; destinataire : A. Jolivet 68 rue Duhesme, Paris
18e

9 Cher Ami -
10 Je pense que vous avez du [sic] voir Freed3.
11 Pomiès4 tient absolument à remettre à la saison prochaine - et je trouve qu’il a raison -
Il considère le temps trop court d’ici à début de Juin [sic] pour mettre au point son
travail - et ne veut pas présenter une improvisation boiteuse. D’ailleurs j’ai bien pensé
40

qu’avec l’excuse des événements actuels l’époque n’est guère propice à la manifestation
que nous envisagions. Très beau prétexte pour se désoler - et ne rien vouloir
entreprendre.
12 Souhaitons plus de chance pour la saison prochaine.
13 J’espère que votre femme est tout à fait rétablie - et qu’un de ces jours ma porte
encadrera votre apparition.
14 Amicalement à vous 2.
15 V[arèse]5.

3.

10 - V / 1933
Carte postale d’Antibes, Côte d’Azur

16 Ai retrouvé le charmant Antibes - malheureusement le temps n’est pas fameux. Je me


rends compte ici - combien je suis crevé - (mais pas encore tout à fait mort) et ai besoin
de reprendre du poil à [sic] la bête. Je pense que 2 bonnes semaines encore de grand air
me remettront sur pied.
17 Je souhaite vous savoir tous en bonne santé et d’attaque.
18 Mon amical souvenir - et vœux de bons Kouss-Kouss Koutages 6.
19 V.
20 Chez M. Fontaine - La Roche du Château - Antibes

4.

[Paris] 6 - VI / 1933
Pneumatique sur papier à en-tête du Café des 2 Magots
destinataire : A. Jolivet, 16 rue Lacretelle, Paris 15e

21 Cher Ami -
22 J’ai besoin urgent de mes 2 ouvr[ages].
23 Excusez-moi de vous les réclamer de façon si abrupte - mais c’est inattendu. On
arrangera pour passer une soirée - soit fin de la semaine - soit courant prochaine selon
mon œil.
24 Que faut-il faire au sujet de Strowsky7 ?
25 Hommage chez vous, et bien votre
26 V.

5.

22 - VI / 1933
sur papier à en-tête de Permanent Commission for International Exchange
41

Concerts8
expéditeur : 7, rue Belloni, Paris 15’ ; destinataire : A. Jolivet, 16 rue Lacretelle,
Paris 15e

27 Cher Ami -
28 Voulez-vous demain vendredi 5 ? ?9
29 On pourrait après casser la croûte ensemble si cela vous botte.
30 Bon souvenir à toute la famille.
31 Votre V.

6.

[Barcelone] 24 de Agosto de 1933


sur papier à en-tête de la Pension Mayoral
(Rambla del Centro y Plaza Maria, Barcelone)

32 Chers Amis -
33 Reçu mot -
34 Ai fait commission à l’hôtel -
35 Poste restante - Vous devez écrire vous même - pour qu’on fasse suivre. Je me suis
informé - une personne étrangère n’a aucun droit à agir pour vous. Votre informateur
de Tarragona est un con. L’adresse est : Villa Paco - Tierras Cavados - Tarragona - à moins
que Jolivet ne l’ait mal écrite. Il n’y a aucune raison de confondre avec Tossa de Mar -
qui se trouve dans la province de Gerona. J’ai écrit à Tierras Cavados - plus de 10 lettres
à Russolo - et en ai reçu autant de sa part. L’endroit est à 10’ de Tarragona -
36 Dommage que vous soyez partis - Hier lère journée fraîche depuis mon arrivée. Je
compte partir - à moins d’imprévus - dimanche Excusez mot écrit au galop - J’ai 2 types
qui attendent en bas - mais je tenais à répondre de suite.
37 Amusez-vous - et méditez sur le processus comment se forment les légendes - Ceci à
propos du bon marché de la Vie en Espagne - et tous bobards s’y rattachant.
38 À bientôt et cordialement
39 Varèse
40 Dites à Jolivet de travailler à son truc pour trio.

7.

[Barcelone] 25 - VIII / 1933


écrite à l’encre rouge

41 Chers Amis -
42 Malgré mes instructions précises d’hier, une lettre arrivée pour Jolivet, allait partir
pour Tarragona ce matin - Rassurez-vous - Suis arrivé à temps - et ai changé la
destination.
42

43 Il se peut que je doive rester ici jusqu’à Mercredi - Revu le Ministre - Il faut pour
démarrer former un Comité A - Or l’homme que nous avons en vue est dans les
Pyrénées - Deux dépêches sont parties pour le prier de rentrer - On lui téléphonera
encore cet après midi, afin d’arranger meeting.
44 Très important - Pas un mot lors de votre séjour à Madrid - et autres endroits d’Espagne -
au sujet de la IVè Int[ernationa]le et, ce, sur l’instante prière du ministre à cause de la
situation causée - par les transferts - Donc soyez gentils - de vous souvenir de cela - Je
compte sur vous -
45 Sauf contrordre [sic] - pense être à Madrid-Jeudi.
46 Reçu lettre de Sanjuan - me disant avoir trouvé pension convenable - Je pense que
j’aime mieux une chambre et dégotter des bouchons pour bouffer - changement-
imprévu - j’ai de bonnes adresses - Ne tiens pas à bouffer de la Merde marinée à l’eau de
Vaisselle - comme à la Pension Mayoral -
47 Amicalement.
48 V.

8.

[Barcelone] 26 - VIII / 1933


sur papier à en-tête de la Pension Mayoral

49 Cher Ami -
50 Je vous confirme lettre d’avant-hier en réponse à celle de Guighy et adressée - chez Mr.
Campo10.
51 Autre lettre - arrivée de France (à votre adresse) a été réexpédiée - Liste de Correos à
Valencia. J’espère que les 2 vous parviendront. Impossible de quitter Barcelone - où
j’attends visite très importante d’un homme - qu’on a appelé par dépêche, des
Pyrénées. Dès que mon meeting aura eu lieu - je filerai à Madrid -
52 Au cas où ma lettre d’hier ne vous soit pas parvenue : Pas un mot à qui que ce soit au
sujet de la IVè Int[ternationa]le - et ce à la requête du Ministre - Une indiscrétion serait
en ce moment susceptible de tout faire râter.
53 Prévenez s.v.pl. Guighy aussi - Merci
54 [sur le côté gauche]
55 Toujours au cas où ma lettre ne vous serait pas parvenue : Vous devez vous même
écrire à la poste centrale de Barcelone - afin qu’on vous fasse suivre correspondance.
Personne n’est qualifié de le faire pour vous.
56 Je pense que tout va bien marcher - Travaillez à votre navet pour le Trio 11
57 [sur le côté droit]
58 Donc pour me résumer :
59 Je les mets pour Madrid dès entrevue avec mon Zèbre - Je pense y être Jeudi - J’ai
l’adresse de bons bistrots là bas. Regrette de ne pouvoir partager le poulet Salouppend 12 -
but business before pleasure. Sur cette forte parole des écritures anglo-américaines -
Salut et prospérité
43

60 V.

9.

[Barcelone] 27 de Agosto de 1933


sur papier à en-tête de la Pension Mayoral

61 Cher Ami,
62 Tenant à vous transmettre des informations positives - et non seulement de vagues
impressions - il ne m’a pas été possible d’écrire avant - Il y aura dans un bref futur
beaucoup à faire ici - et Barcelone sera à même de nous offrir un favorable champ
d’action.
63 J’ai eu de longs et fructueux entretiens avec le Conseiller de Culture (ainsi nomme-t-on
en Catalogne le ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts) - Il a été vivement
intéressé par mes idées - mais il faut pour leur réalisation attendre quelques temps car
il est procédé actuellement à une totale réorganisation administrative, rendue
nécessaire par l’autonomie Catalane - et qui absorbe toute l’attention du
gouvernement. Toutefois le Conseiller de Culture est décidé à agir énergiquement en
faveur des arts - surtout de la musique - et ce dès que possible. Il réalise l’importance
des facteurs spirituels dans la nouvelle Société vers laquelle nous nous acheminons. Des
plans que j’ai soumis sont à l’étude, et il est question que je vienne cet hiver pour
collaborer à leur réalisation.
64 Avez-vous envoyé votre lettre au président du Guatemala ? S’il ne vous est pas possible
obtenir [sic] satisfaction de vos amis politiques de Paris, pourquoi ne pas demander à
Staline (ou autres) ? Vos succès en U.R.S.S dûment mentionnés - donneraient du poids à
votre demande.
65 Dès la réception de cette lettre - jusqu’au 12 Sept[embre] voici mon adresse :
Cuidado Sr. Don Pedro Sanjuan
Velazquez 103 - 4° - Madrid.
66 Ne croyez pas à la légende de la vie à bon marché à Barcelone. C’est presqu’aussi cher
que Paris et la nourriture est loin, mais loin de valoir celle de vos amis Chinois.
67 Mon bon souvenir aux camarades (des 2 sexes) et à vous la cordiale amitié de
68 Varèse

10.

[Barcelone] 29 de Agosto de 1933 - 15 h


sur papier à en-tête de la Pension Mayoral

69 Chers Amis
70 Merci pour votre mot du 2813.
71 Il est 15 h - Sauf cas de force majeure je pars demain soir - mercredi. Ce soir dernier
meeting - Tout est convenu avec le ministre mais la situation politique actuelle - ne
permet pas encore - le décret - On travaille à la formation du Comité A.
44

72 C’est à cause de la situation administrativo-politique entre Catalogne et Espagne - que


nous sommes tenus à une grande discrétion.
73 Ribemont-Dessaignes est chargé de former le Comité Β en France - avec (jusqu’ici)
Artaud - Le Corbusier - Le Flem - R. Petit14 - (peut-être Lipshitz sculpture - Léger
peinture) enfin du groupe, qui bon lui semblera - Le nombre des membres des comités
nationaux - est un problème à résoudre sur place - selon les nécessités.
74 Pompéia est un boui-boui du Paralibo - genre Bobino ou gaité Montparnasse d’avant
guerre - Purement peuple catalan - et rien à voir avec les gitanes. Ne vous laissez pas
bourrer les fesses par des provinciaux - Conseil de tous les copains qui s’y connaissent -
sur le bout du doigt comme dirait l’Auric cuc ulaire15
75 [sur le côté]
76 Sur ce à bientôt et l’expression de mes sentiments distingués
77 V.
78 Je ne pense pas aller dimanche aux Toros.
79 J’irai aux Toreros lorsque la mise à mort existera pour ces derniers.
80 Note : [au verso]
81 [brouillon rédigé par Guighy d’une lettre de condoléances à Fernand De Nobele lors du
décès de sa mère]

11.

[Barcelone] 11 - IX / 1933

82 Chers Amis -
83 Bien rentré mais mal dormi impossible de fermer l’œil - avec mon bordel Stendahlien -
rouge et noir - qui m’a élancé toute la nuit.
84 J’espère que par contre - vous avez fait bon voyage - et avez pu en écraser - Vu ce matin
mon Homéopathe : à prendre - Hepar Sulfuris - traitement - compresses chaudes -
(aussi chaudes que possible) pendant 1/2 heure - toutes les 4 h - Il pense que le
chocoguerde16 crèvera dans une 40 ne d’heures - ce qui fait mercredi matin - C’est gai -
Naturellement pas de Tolède - C’est donc partie remise. Ne dites rien à Louise de mon
clou - pas la peine de l’inquiéter - J’écris -recroquevillé - à cause de mon bras - On dirait
la nageoire d’un requin arthritique - Voilà les nouvelles.
85 Ci-joint lettre revenue aujourd’hui - prouvant que le service de la maison Jolivet Guighy
Ltd - est fait à l’Espagnole - Le Chef de gare n’est donc pas fautif quoique cocu.
86 Je serais curieux de savoir qui a mis la lettre à la Poste - juste pour rigoler. Bonjour aux
Luchos et à tous les autres117
87 Bon souvenir aux invités de la noce18 - (ceux que je connais).
88 Dites à Louise que je serai heureux de la revoir bientôt à Vigo.
89 Tous mes vœux - et mon amitié à partager entre vous 2.
90 Varèse
91 Mardi matin
45

92 Mon truc énorme. Très douloureux - pas dormi de la nuit - La tête tourne - Je vais à
l’Hôpital [sic] - leur demander de couper - J’en ai marre - Confirmation - Le
Ouataplasme19 = de la Merde - Ça ne vaut rien - N’en dites rien à Louise - de mon clou
s’entend - en ce qui concerne le Ouataplasme - vous pouvez le crier sur tous les toits.
93 [sur le côté]
94 Je pense que les Drs [octeurs] d’ici - comme partout ailleurs - sont des cons - mais leur
connaissance ici n’a d’égale que l’exactitude et la précision des renseignements
espagnols -

12.

Carte postale - Date précise illisible ; toutefois, Varèse partant de Vigo pour les
U.S.A., on peut considérer qu’elle a été écrite en septembre 1933.
Vigo - Panorama desde la Guia

95 La Galicie - très belle - La ville - rien.


96 Fait bon voyage - Mon bras terrible Brulé par les compresses - et amoché par le sale
Ouataplasme - n’est qu’une plaie - 8cm sur 6 - rouge à vif très moche - Suis forcé d’aller
chez le médecin cet après midi - Merdre comme dirait Ghighy 20 -
97 Amitiés aux 2 - et à, dans une 15e d’années21 - Le Pinard est moche -
98 V.

13.

15 - IX / 1933
Carte postale - Ria de Vigo

99 M’embarque dans 3h - On a enlevé ce matin le dernier drain.


100 Heureux de monter à bord - et manger de la cuisine d’homme civilisé - Ce pays est une
merveille - Tant qu’ils ne sauront pas bouffer ce sera un patelin de couilles molles - et
de raclures de suspensions - Et Dieu sait ce qu’ici - comme dans les environs de S t
Sulpice - cela peut représenter.
101 Amitiés à tous.
102 V.

14.

[Vigo] 15 - IX / 1933, 18h


sur papier à en-tête H. Petit-Fornos

103 [à l’envers sous l’en-tête]


104 Mes hommages à Madame Guighuy 22. Dites-lui comme l’Espagne (si c’était nécessaire)
aurait contribué à nous faire apprécier ses talents culinaires.
46

105 Chers Amis,


106 Vous confirme ma carte23 de tout à l’heure - Sors de chez le Chirurgien - 2 drains dans
le bras - autre 1/2 verre de pus (celage) qui sera envoyé aux poisson [sic] - Ça aidera à la
pigmentation de leur dos vert. J’ai la peau enlevée - et le bras à vif - grâce à cette
invention de trou du cul de Mr Ouataplasme de merde - On m’y reprendra à me servir
des escroqueries ! En cuisine comme en médecine - il faut la tradition - Sous prétexte de
progrès on arrive en theurapeutique (?) (merde pour l’Hortografff-) à vous faire boire
de l’eau - Que Mégret24 se méfie - Et puis Nom de Dieu à propos de vin je commence à
devenir bougrement patriote - Bourgogne - Bordeaux (ROUGE) - Le blanc c’est bon pour
les néo-classique [sic] - et possesseurs de Maîtrites 25 - Alsace - Landes - Gris de Lorraine
- Moselle - et Rhin - oui Monsieur, à cause du rapprochement Franco-allemand - pour
emmerder les Anglais - Je pisse au cul de l’Anjou - C’est sirupeux et manque de
franchise - A sa place je veux bien q[uel]ques bonnes bouteilles de Palatinat - fort
moelleux aux fesses - Comme mon bras me fait mal je vais explorer la ville. L’architecte
qui l’a construite n’a pas du [sic] inventer l’eau tiède.
107 En allant chez le D[octeu]r j’ai eu une engueulade pommée avec un salaud qui avait
basculé [sic] mon abatit [sic] gauche. Rassemblement - j’ai fait feu des 4 fers - et ai eu le
dessus. Le pauvre con ne parlait que galicien - Comme résultat un apprenti boxeur au
nez écrasé est venu me féliciter et me serrer la main - me proposant en copain de me
piloter. Il m’a dit que c’était beau pour un étranger de parler si bien l’Espagnol - On
voyait que je connaissait [sic] le pays à fond et tous ses dialectes (j’avais même sorti
mon répertoire ordurier catalan). Il m’enviait. Lui avait essayé pendant 2 ans d’étudier
le français - et s’était même acheté un dictionnaire franco-espagnol - mais ça le faisait
souffrir de la tête - (Sic) Ce que vous auriez rigolé - Naturellement ça a fini par 2
tournées - ce qui fait qu’en sortant de chez mon toubib - en refaisant le trajet en sens
inverse - plusieurs commerçants sur le seuil de leur porte m’adressaient des signes
d’amitié. Voilà comment on se fait des amis d’enfance - en 4 h de séjour.
108 Je respire l’océan - c’est autre chose que ce cloaque de Merditerranée [sic]. Alors ceci
sera ma dernière lettre avant l’exil - Buvez et mangez bien - ce qui est très
indispensable et fort agréable -
109 Saluez les copains - N’oubliez pas mes commissions - et mes petits gars ne vous
engueulez plus - Ça n’en veau [sic] vraiment pas la peine.
110 [en haut du verso, à l’envers]
111 Écrivez en détail - et bien précis - Sans vexer personne je compte bcp sur l’ordre et
l’application de Guighy - et excusez ce mot aussi con - que mon bras qui m’élance et me
fait voir 35 chandelles ? - Je ne suis pas Marius et ai horreur des exagérations.
112 [sur le côté droit du verso]
113 Ce n’est pas un furoncle que j’ai - mais un abcès.
114 Mon vétérinaire est sympathique - et n’y va pas de main morte - mais au moins il fait
quelque chose.
115 [sur le côté gauche du verso]
116 Voilà - Demain - On me revidera ma poche (à pus - et peut-être l’autre aussi) - et on me
remettra deux drains - mais cela ne vous vaudra point de prose épistolaire -
117 Votre ami
118 Varèse le Patriote - (en vin et non en vain comme Déroulède 26).
47

15.

New York le 14 - X / 1933


188, Sullivan Street (adresse manuscrite)

119 [en en-tête diagonal]


120 Sommes arrivés le 28.
121 Arrêt prolongé (et inattendu) à Lisbonne - Quelle [sic] beau patelin.
122 Chers amis -
123 Merci pour carte reçue à Vigo - et pour lettres - reçues ici.
124 N[ew]. Y[ork].27 est plat et éventé - La ville jolie - toujours - mais pas plus - car elle est
maintenant sans force. La situation très mauvaise - Les plus qualifiés (hommes
d’affaires, politiciens, économistes, etc.) avec qui j’ai parlé ne se risquent pas à
prophétiser - Personne ne doit et n’ose soupçonner ce que l’avenir réserve - Un ton
d’optimisme officiel - se dégage d’éditoriaux - et d’articles de 1 ère page - dans certains
journaux - Tournez la page : l’Office des Statistiques vous annonce 15.000.000 de
chômeurs (c.à.d [c’est-à-dire] dans les trois millions six à sept cents milles [sic] familles
à nourrir) - Hier le Sun donnait la misérable situation des sans travail : dans l’Arizona.
Ils touchent $ 14 par mois - (au cours de 16 -) somme que touchait un maçon habile -
Tarif syndical - par jour (cours 25) aux temps roses de la prospérité. Hier soir des
camarades m’ont dit que 100.000 ouvriers métallurgistes, ainsi que 70.000 mineurs
étaient en grève - Ce que ne comprend pas tous les petits anicroches d’intérêt
purement local -
125 La Vie monte - et le pays régorge [sic] de richesse - C’est inimaginable - Quant au côté
artistique. ?28 très grand et très gras - C’est lamentable - car le pays est beau - grand - et
affectueux - L’Homme est vraiment ce que l’Univers a produit de plus Con - Ce dernier
mot me fait penser que ce n’est pas à l’image de Dieu qu’il a été créé 2.
126 ]note sur le côté gauche]
127 Je me suis remis au travail - J’ai trouvé le Laboratoire - et ce qu’il me faut pour mes
nouveaux instruments - Je pense plus que jamais à faire la navette entre l’Amérique et
l’Europe - car dans les 2 on trouve des individus de valeur - quoique aucun pays n’arrive
à offrir des milieux internationaux et intelligents comme Paris - (ce qui ne m’empêche
pas de compisser la Ville dont j’ai horreur - avec son sale climat et ses mecs en intestin
grêle). Salzedo - Barrère et Britt attendent le poulain de Jolivet - Pas trop de notes - que
l’œuvre soit concise - serrée et volontaire - Plus vous chargez - plus vous enlevez de
possibilités aux sons de se déployer et de se projeter. Ils perdent leur force à tâcher de
se dégager - Envoyez dès que prêt - mais ne vous pressez pas pour ça - Pensez que pour
la 1ère fois de votre vie (et peut-être pas beaucoup d’autres) vous serez exécuté par 3
grands artistes qui ne lésinent pas sur les répétitions.
128 De Nobele - Mégret29 Transmettez-leur mon cordial souvenir. Je souhaite respectivement
les savoir moralement remonté - et tout à fait retapé - capables les 2 de tenir tête à une
escouade de Beaujolais ou Champagne brut - Au premier demandez de bien vouloir me
procurer « l’Esthétique de l’Orgue » de Jean Huré3 - C’est publié chez Senart 30 - mais
priez-le de me faire profiter de son escompte - 1° parce que je suis dans la purée - 2°
48

parce que je me refuse à engraisser un profiteur - Ensuite - qu’il coupe les pages - qu’il
écrive sur la 1ére : Property of Edgar Varèse - (ceci à cause de la Douane d’ici) et qu’il me
l’expédie - Demandez-lui de me faire savoir le montant de ma dette - et il sera couvert
(pas de plaisanteries obscènes et sulpiciennes) par retour du courrier. Allez voir les
Vargas4. Communiquez leur [sic] ma lettre - afin de m’éviter d’écrire les mêmes choses.
Je ne vois pas en quoi (ainsi que Claude) vous les auriez froissés. Mais N[om]. de D[ieu].
pourquoi attendez-vous que les camarades vous accusent réception d’un faire part
matrimonial ? ! Votre association Guighuiesque31 était un fait accompli - En quoi une
cérémonie bourgeoiso-périmée - (nécessaire de par la connerie de l’état social actuel)
peut elle pousser des camarades à vous témoigner une sympathie ou une amitié qu’ils
vous ont données - de façon bruyante et inopinée ? Expression nuptiale de
circonstance. Attention - Que le mariage ne vous emplisse pas de susceptibilité
bourgeoise - C’est une des institutions les plus sordides que l’hypocrisie et la religion
nous ont valu. Ne prenez donc pas au tragique - une telle vétille - Ici permettez-moi de
vous dire que la faute est à vous - Vous n’auriez pas dû accorder d’importance à ce qui
n’est qu’une formalité administrative - requise par votre profession alimentaire - Sur
ce : Merde pour la famille - et Vive le bon pinard ! Vous parlez si les curés eux-mêmes
après 2 bouteilles se foutent de la base de la Société - et de la pierre d’angle de la patrie.
129 Le Flem - Suis heureux de savoir son ballet 32 au point - et souhaite pour lui le plus
retentissant des succès. Mais qu’il n’oublie pas que nous attendons avec impatience les
vocalises de son rossignol33. Nous en anticipons autant de jouissance - que celle qu’il
procura à la dame donzelle bretonne - Dites à Le Flem et à Madame et Mademoiselle Le
Flem combien nous les aimons et combien mon vieux fraternel ami est présent à ma
pensée - Dites-lui aussi que je crois qu’il sera content - j’espère - de mes travaux en
cours et de mes progrès.
130 Ribemont - Artaud. Pas la peine de les presser pour la IVè Int[ernationa] le Trois lettres
écrites d’Espagne à Prats34 (au sujet d’Alberti - Sanjuan - Torres Garcia) n’ont pas encore
reçu de réponse. Barcelone me parait [sic] suivre les usages du reste de la Péninsule -
De toute façon gardez le contact avec toute la bande - y compris Daumal et Lecomte 35 -
Tenez-moi au courant de tout ce qui se passe à Paris - et dites-moi si Ribemont est en
voie de réaliser le projet de sa Revue36 -
131 Voyez Broqua37 et dites-lui que je lui écrirai dès que quelque chose de positif
s’annoncera à l’horizon. Priez-le toutefois de me faire parvenir (s’il en a) des œuvres de
musique de chambre - et des mélodies - pour l’Association Pan Américaine 38.
132 Ferme Informez-vous - Que peut-on trouver à 1 ou 2 h de Paris - Prix - Etat des
constructions - Surface de terrain - si boisé - ou pour culture etc.
133 Bras Après les drains de Vigo le 1 er abcès juste fermé - un autre - mais plus bénin est
revenu - Je suis en train de le soigner avec une nouvelle gelée - vaccin - C’est la barbe -
Le toubib espère toutefois arrêter la série.

16 - Χ :

134 Les camarades me disent que pendant mon absence, les critiques et essayistes me
mentionnaient souvent - J’en ai eu la preuve dès mon arrivée - Ci-inclus quelques
copies39 dont j’ai les doubles et que vous pourrez foutre aux chiottes (comme dirait
Guighy40) après lecture.
49

135 Dites à Artaud que nous sommes avec Thérenin - qui a un magnifique Laboratoire - en
plein travail pour mes nouveaux instruments - basés sur des données nouvelles - Dites-
lui aussi que j’espère avoir bientôt de ses nouvelles. Je suis officiellement depuis avant-
hier invité au Mexique - pour une période de cours extraordinaires (Master Class) au
Conservatoire - et aussi pour une série de concerts - Je compte y aller au Printemps
après la saison ici - Tenez-moi au courant de se [sic] qui se passe à Paris, et faites part
de mon cordial souvenir à tous les camarades.
136 Hommages à Madame Guighuy41 et notre amitié à vous 2.
137 Varèse
138 Potassez votre truc pour Salzedo - mais pas trop de notes - et souvenez-vous que si vous
avez une tête - il faut s’en servir et penser avec - Vous n’avez pas le droit de foutre sur
le papier des paquets de notes qui ne résistent pas à l’analyse - Souvenez-vous en outre
- qu’une œuvre n’est jamais assez dépouillée - mais ne confondez pas (comme certains
collègues) austérité avec pauvreté. Montrez les coupures à Claude 42 - s.v.pl.

16.

[New York] 28 - X / 1933

139 Cher Ami,


140 Merci pour votre lettre du 18. Je vous confirme la mienne écrite il y a une 12 ne de jours
et qui j’espère vous est parvenue43 -
141 En ce qui concerne l’Amérique - (comme je vous l’ai écrit) Stella (à qui mes amitiés) a
raison - La situation est épouvantable - et les gens désemparés - Enfin je vais tâcher de
faire feu de tout bois - en pensant à ma ferme et rêvant à un bout de petit salé froid
accompagné d’un bon pot de Beaujolais.
142 Barcelone Ainsi que je vous le disais dans ma lettre sus-citée j’ai écrit à Prats - et
j’attends sa réponse (ça fait ma 4e missive). J’espère qu’il daignera cette fois donner
signe de vie -
143 R.D44 Qu’il attende pour rédiger le manifeste et approcher de manière définitive les
camarades d’avoir quelque chose de précis et concret de Prats3. La revue est une chose
indépendante - n’a rien à voir avec la IV Internationale. Je regrette que vous ayez
mélangé les 2 choses - Expliquez de suite à Ribemont - je vous prie - ce malentendu -
Mais comme j’avais quitté Paris avec la certitude que dès la rentrée il tâcherai [sic] de
s’organiser pour fonder la Revue - j’en avais parlé à Prats - afin de l’y intéresser et voir
ce qu’il pouvait faire pour aider au succès du projet de Ribemont - Que Ribemont se
mette donc à l’œuvre - sans souci de la IVè Int[ernationa]le qui comme je vous
l’explique n’a absolument rien de commun avec la Revue - si ce n’est la communauté de
tendances et d’aspirations - Je souhaite donc que vous voyiez R. de suite afin de faire
cesser la confusion - Thank you - On nous avait écrit la mort du pauvre Pomiès - et ça
m’a fait de la peine - Il était gentil camarade - et rempli de talent. Tachez par Lods 45
d’avoir des détails - et transmettez-lui ainsi qu’à Madame Lods - mon cordial souvenir -
Artaud Voyez-le et transmettez-lui mon amitié - Je lui écris aussi.
144 Je me mets au travail cette semaine - Voilà un mois que je suis arrivé : Courses -
démarches - afin de m’orienter alimentairement - Ce sera très dur - mais il faut se
50

démerder - et malgré tout au point de vue matériel, il y a plus de chances pour moi qu’à
Paris - (où il n’y en a - toujours pour moi - aucune) - Il n’y a ici que des bourgeois - aussi
cons que ceux de Paris - mais plus gentils - Il ne faut pas demander plus - Aucun milieu
possible - Quelques intellectuels - dans le pire sens du mot - lamentables et
sordidement prétentieux - Mais ça m’est égal - Tout ce que je veux c’est de me
démerder matériellement - Je pense que mon turbin personnel va porter et c’est
l’essentiel -
145 Je suis officiellement invité à Mexico - par le Gouvernement, date à mon choix - Je
pense vers Pâques - Informez-vous ainsi que les camarades - pour la ferme - aux
environs de Paris - jusqu’à 70 kms - n’importe quelle direction.
146 Notre meilleur souvenir à Madame Guighy et amicalement des 2 aux 2.
147 Varèse
148 Bonjour à tous les camarades R.D.
149 Le Flem
150 Rue Belloni
151 De Nobele
152 Mégret
153 etc
154 etc
155 etc

17.

[New York] 27 - XI / 1933


sur papier à en-tête de la Pan-American Association of Composers

156 Merci, Cher ami, pour votre lettre du 9 cour[an]t.


157 Merci pour le bouquin de Huré46 que vous m’annoncez - ainsi que pour les 3 bouquins
de Hamel47 - Dites-moi à quoi se monte ma dette - et je m’empresserai de faire parvenir
-
158 Mais qu’est-ce qu’il vous a pris d’aller entendre la Symphonie de S t Saëns ? C’est un tel
étron - qu’il vous suffise de savoir qu’il a toute l’admiration de Désormière 48 - Si cela ne
vous sert pas à le cataloguer - qu’est-ce qu’il vous faut Les Freed sont installé [sic] à N.Y
et vont une fois par semaine à Phila[delphie] - asticoter leur vieille clientèle - Je les vois
assez souvent. Ils sont gentils - et font de leur mieux pour se démerder.
159 C’est fort honnête à vous de vous occuper de la ferme - J’y pense sérieusement - et
souhaite pouvoir un de ces quatre matins posséder les 4 sous nécessaires - J’envisage
déjà une grange transformée en laboratoire - avec l’électricité nécessaire -
160 Je me bats comme un diable - La muflerie règne ici comme à Paris - mais pour ici, j’ai la
méthode - et chaque pouce de terrain mes pieds l’on [sic] foulé. J’ai [sic] sais donc
comment évoluer - mener la danse - et manœuvrer l’adversaire. Mais si l’atmosphère
est aussi dégueulasse qu’à Paris, il manque ici une vraie élite - Souvenez-vous de
certaines soirées avec Artaud et autres - Enfin je ne m’en fais pas - ça n’en vaut pas la
51

peine - Je pense aux futurs bons gueuletons arrosés de bon pinard. Ici on bouffe
beaucoup moins bien - La qualité de la viande et des légumes très inférieure. Les prix
exactement le double qu’à Paris - c.à.d en francs, mangeant à la maison deux fois ce que
ça coutait [sic] Rue Belloni - mais N[om] de D[ieu] quelle différence de climat - Si
seulement on pouvait emporter à Paname le ciel et l’air de N.Y. ! Broqua - Reçu un mot
de lui - et musique. Je lui ai déjà répondu et accusé réception -
161 J’espère que Guighui a bien passé son examen - Sans ça gare - Mr. Strowsky lui donnera
la fessée - eh ! eh ! il doit s’y connaître -
162 Très bien pour Salzedo et Sanjuan.
163 J’ai revu Barzun49 - Il en a marre de l’enseignement 50 et aimerait tout pouvoir lâcher et
pouvoir travailler pour lui - Moi comme je vous l’ai dit, je ne fais pas de plans
immédiats - Je fais et ferai de mon mieux pour me démerder - Si la ferme peut réussir
tant mieux - Au pis-aller - le monde est grand - et sûrement un pays m’offrira un jour
les possibilités à la réalisation de mon travail - Où, je m’en fous - Naturellement -
malgré que j’aie horreur de la Ville - Paris me plairait à cause des milieux - mais je n’ai
pas de rentes - et vous savez vous-même - que je n’ai rien à y faire et qu’on ne veut pas
de moi - J’ai perdu 5 ans à faire le con - et à respirer ses relents de poubelle - En plus la
France est vraiment trop bête - Elle se contente d’être à la remorque de l’Angleterre -
comme avant la guerre, l’Autriche était le brillant second de l’Allemagne - De loin sa
situation paraît très moche - On se demande comment un pays qui possède toutes ces
ressources morales et matérielles accepte d’être menée [sic] par une bande de tels
salauds incapables - sans envergure - La France et l’Allemagne - ensemble - seraient les
maîtres du monde - Non - il faut demander la permission de l’Angleterre pour
« causer » Tas de Coubour - et cet échappé de capote de Robespierre 51 continue - à poser
de profil - Barbusse52 a fait des conférences - auxquelles j’ai assisté - je crois vous en
avoir fait part - Il a annoncé à cor et à cri l’avènement proche du fascisme en France -
Ça ne serait pas pire qu’actuellement ! !53 En Allemagne - je ne sais ce que les journaux
chez vous racontent - tout semble aller très bien - Des amis qui viennent de sillonner
les U.S.[A] en tous sens me disent qu’en dehors des grands centres - dans la province et
surtout dans les campagnes, les paysans commencent à considérer sérieusement ce qui
se passe en Allemagne et à se demander si Hitler n’a pas raison - Alors les Soviets sont
reconnus ! ! Ça fera le profits [sic] des aigrefins - qui des 2 côtés se cramponnent à la
queue de la poêle - On est tout miel pour les U.R.S.S. - Pensez les cotons ! Et souvenez-
vous qu’il y a q[uel]ques mois on a fait un scandale parce que Rivera 54 avait peint Lénine
dans une de ses fresques à Radio-City - Il est vrai que comme connerie personne ne peut
prétendre à égaler les Rockfeller55 - Quels criminels hypocrites !
164 [haut de la 2e feuille, à l’envers]
165 Je vais m’occuper pour tâcher de caser vos mélodies56 avec orchestre de chambre - Vous
en reparlerai - dès que verrai possibilité.
166 [suite]
167 Si la saison à Paris s’annonce sinistre - celle d’ici est déjà lamentable - Des Toscanini 57 -
(nini - est de trop - Tosca suffit) - Walter 58 et autres cons continuent à déverser sur la
ville - tout ce que la musique contient de plus ennuyeux - On a l’impression d’être
naufragé dans un immense lac de merde - et d’y tirer la coupe - Je pense reprendre mes
concerts - je vous l’ai écrit ainsi qu’à Lods - Ce n’est qu’une question de galette - Or
cette denrée est fort rare par ces temps - et hors de prix. Mais j’ai bon espoir.
52

168 Hasselmans59 Est très gentil - Il est du Métropolitain, c’est vrai.


169 Excusez le décousu apparent de ma lettre - mais je suis en écrivant - la vôtre - et tâche
de répondre à vos questions - J’espère donc qu’avec un peu de mémoire vous arriverez
à la recréer - et qu’ainsi le contenu de la présente vous paraîtra lumineux -
170 Amitiés à tous les camarades - Échangez nouvelles avec les Vargas - afin que je n’écrive
pas 2 fois les mêmes conneries -
171 Je turbine dur - On verra ce que ça donnera - Pour Migot - Vraiment pas la peine de
s’efforcer d’être un génie pour ne récolter de la gloire que des plaquettes - quand une
quelconque pouffiasse - peut vous offrir - sans supplément - avec une vérole des
familles une constellation de plaques - Sur ce - buvez un bon coup - Je dis buvez, et gare
aux jumeaux -
172 Bien amicalement des 2 aux 2.
173 Votre V.
174 Tous mes remerciements à De Nobele - pour sa gentillesse.
175 Je vous accuserai réception des bouquins dès qu’ils me parviendront.

18.

28 - XI / 1933
Carte postale - New York City - Chrysler Bldg.

176 Vous confirme lettre d’hier -


177 Envoyez - recommandé - partition - matériel - réduction piano - de vos mélodies pour
voix de femme et orchestre60 de chambre -
178 Adressez : Carlos Salzedo
179 160 Riverside Drive -
180 N.Y. City.
181 Ecrivez sur 1ère page - Property International Composers’ Guild - inc. New York City -
182 J’espère vous lire bientôt -
183 Amicalement aux 2
184 V.
185 J’espère arriver à faire donner vos mélodies. Vu la situation je ne puis le promettre
formellement - On fait ce qu’on peut - tous !

19.

(New York] 13 - XII / 1933


lettre avec portrait de MAC à l’encre rouge

186 Cher Ami - Merci pour votre lettre du 24-XI / 9-XII - reçue ce matin. J’y réponds en
suivant son contenu.
53

187 Ce que vous me dites de Paris m’est malheureusement trop connu - donc inutile d’y
revenir - mais dépêchez-vous de perdre vos illusions en ce qui concerne ce pays - Vous
y retrouverez le même état mental qu’à Paris - avec plus d’imbécillité [sic] - et tout
autant de muflerie - Vous parlez si les gens à galette (comme en France) jouent de la
crise : plus besoin de prétendre qu’on s’intéresse aux arts ; c’est la crise - plus besoin
d’acheter des tableaux - de souscrire à des manifestations musicales : c’est la crise -
Malgré eux - j’ai repris ma place - et je vais de l’avant - mais c’est un cas exceptionnel -
Quant à venir ici - n’y songez pas - Que pourriez-vous faire ? enseigner le français ?
Mais il y a des centaines de professeurs de français à N.Y. (de toutes nationalités) qui la
sautent. Tâcher de vous faire une place dans le monde musical ? Mais c’est plus dur qu’à
Paris - et les méthodes de combat plus crues et plus brutales - Il vous faudrait au moins
deux ans pour prendre pied - c.à.d. vous rendre compte de ce qui se passe autour de
vous - car ce laps de temps n’implique pas chance de réussir - Et puis un vent de
xénophobie - commence à souffler - Les Français surtout sont les moins bien vus - Autre
handicap - vous ne parlez pas l’anglais - Votre ami Nabokoff 61 [sic] est ici - Je l’ai
rencontré sur le même bateau - Il continue la vie mondaine de Paris - Salons - thés -
réceptions - soirées - Ne croyez pas que je le rencontre - car je ne me livre pas aux
manifestations mondaines - mais des amis de différents côtés m’informent de ses
prouesses - Il m’a dit être venu ici - invité pour l’hiver par des amis riches - C’est très
bien - Et puis ? Il faut dire que comme atout - lui et sa femme parlent admirablement
l’anglais - et que les Russes se trouvent entre eux - Or il y a à N.Y. une nombreuse
colonie russe - titrée - conséquemment reçue dans la haute société, qui jouit à prendre
des attitudes de valetaille - en se contorsionnant - et se gargarisant d’altesses -
monseigneurs - ducs - barons - princes - Tous ces parvenus s’épatant eux-mêmes de
jouer aux aristocrates et heureux de casquer pour ça. - Vous voyez que ce n’est guère
plus gai ici que la-bas [sic] - Il n’y a qu’une légère variété - mais dans son intensité et
dans sa persévérance l’emmerdement est le même -
188 Quant à Paris que puis-je faire pour vous ? Les démarches dont vous me parlez ne
peuvent être faites que « verbalement » - conséquemment en personne - Vous savez
que je ne demande pas mieux que de vous rendre service - mais je sais par expérience
que les écrits explicites ne sont pas de saison - et passent vite au panier. D’ailleurs
quand on est décidé à tirer son épingle du jeux [sic] - on y arrive - Je ne vous conseille
pas de gémir à l’avance - C’est malsain et ça fout la poisse -
189 Je pense toujours à mes projets agricoles. Naturellement pas pour tout de suite - Il faut
voir le tournant des évènements - et surtout posséder le pèse [sic] nécessaire... sans ça
gare à la peau de l’ours.

14 - XII / 33

190 Trio - Je l’attends de pied ferme - mais ne vous pressez pas - Mettez-le au point -
Ribemont - Peut-être le trouverez-vous au café - Informez-vous dans lequel il tient ses
assises et n’oubliez pas qu’il est très occupé - Pour lui c’est quotidiennement la chasse
au beef-steack. Rien n’est assuré - Donc récidivez -
191 Artaud - Suis depuis longtemps sans nouvelles - Mañana, mañana... n’est pas l’apanage
exclusif de l’Espagne - Je ne m’en fais plus - mais je souhaiterais toutefois un peu plus
d’empressement à me répondre-Je pensais pouvoir faire quelque chose pour lui - S’il
s’en fout c’est son droit - Je ne puis m’engager et être rendu responsable - J’ai plusieurs
54

écrivains qui me proposent de collaborer - Je verrai ça plus tard, car Artaud paraît
vouloir me laisser tomber - Tant pis pour lui car tout m’est ouvert ici -
192 La pianiste n’avait qu’à se foutre le doigt dans le cul - Le panari [sic] aurait mûri -
J’espère qu’il en est de même de vous - et que Guighy est en bonne santé - et gueule plus
fort que jamais : allegro furioso - ff con fuoco -
193 Malgré la tristesse de l’évènement je considère que la musique ne perd rien avec la
mort de Straram62 - tant pis pour les élèves de Büsser 63 - mais je regrette la maladie de
Ravel64 - qui en dépit du Boléro possède plus de verdeur et de truculence que tous les
jeunes gâteux néo-classiques - et les précoces académiciens lésion [sic] d’honneur -
194 J’espère que la belle-fille de Broqua - (nos bonnes amitiés à toute la famille) se porte
bien maintenant. Dites à Broqua que ses chansons Sud Américaines (Uruguayennes),
ainsi que ses pièces de guitare seront données sous peu et diffusées.
195 Pour le Trio - envoyez par lettre recommandée. C’est la seule façon - Je viens de recevoir
la musique de Solér65 par ce moyen - Ça coûte quelques sous de plus - mais le système
est sûr -
196 Schmitt Bravo - félicitez-le pour moi. On en a marre des Kurt Weill et autres Sérénades
et opérés de 4 merdes66 - sous gono-cocteaux [sic] - Je pense d’ailleurs que certaines
sérénades se préparent - qui ne seront pas pour charmer les « oreilles » de ces délicates
et précieuses gargouilles à foutre ou suintements similaires - (On fait ce qu’on peut ; la
plus belle fille du monde...) Je souhaite que le beau Florent [Schmitt] - qui a laissé ici un
excellent souvenir - fasse école - et que nombreux soient ceux qui lui emboîtent le pas -
Il est temps qu’on commence le nettoyage - et que les travailleurs honnêtes (sans
distinctions de tendances) occupent la place à laquelle leurs efforts leur donnent droit -
On devrait en finir avec tous les salonnards qui monopolisent le marché - profitant -
après l’avoir lancée - de l’inflation spirituelle d’après guerre - Je pense d’ailleurs que
leurs spéculations n’en ont plus pour longtemps. -
197 En chantier Espace 67 et Equatorial 68 - Le 2 nd sera fini dans 2 mois - car je dois cavaler et
me démerder - J’aimerais avoir mes textes pour y penser - et les ruminer - mais Artaud
n’est pas pressé - C’est dommage qu’un homme de son talent se laisse aller ainsi - et
n’ait pas plus de ressort - Je finis par croire que l’intelligence (la France en crève) n’est
qu’un accessoire - Volonté et imagination - sont à la base de la création - car tout acte
discipliné porte en lui l’intelligence -
198 Sur ce il est jeudi - 16h. Je dois me raser - dans une demi heure [sic] Lydia de Rivera 69 (la
soprano cubaine) vient avec son mari prendre le thé - et après j’ai un grand dîner -
Merdre70 - il faut s’habiller. Donc assez pour cette fois. J’ai écrit à De Nobele pour le
remercier - et lui accuser réception des bouquins - Que lui dois-je ?
199 Un autre service s.v.pl. C’est pour Louise71. Serait-il possible de lui trouver « les Mariages
du Père Oliphus » d’Alexandre Dumas père ? mais à des prix d’occasion c.à.d. tenant
compte de la crise et de ma poète - Elle voudrait en traduire un passage - et ici on ne
peut le trouver qu’à la Bibliothèque - qui ne permet pas de le sortir - Répondez s.v.pl.
ou mieux envoyez dès que possible. Merci. Mais je vous prie dites-moi ainsi que De
Nobele ce que je vous dois - car je ne vous crois pas millionnaires (il est possible que je
me trompe) non plus.
200 Bon Noël - Happy New Year - Amitiés à De Nobele - Mégret - Gonon 72 - Les Vargas - etc -
etc - tous et toutes - et les Le Flem N[om] de D[ieu].
55

201 Bien amicalement à vous 2 de nous 2


202 Votre Varèse
203 [en haut de page, à l’envers]
204 Comme documents : Prix nourriture - mangeant à la maison - plus du double que dans
notre quartier Belloni - Prix des appartements - astronomiques comparés à Paris - Je
viens de m’acheter un smoking - confection - bon matériel - 1 750 fr[an]cs - gilet à part
$ 15. Jugez - et la vie va monter. C’est la pagaye - mais inutile de s’en faire.
205 [sur le côté gauche]
206 N’oubliez pas le Père Oliphus ou Olifus - C’est pressé - Thank you.
207 Buvez Onze bouteilles - Crûs du Maçônnais blancs et rouges.
208 [le long du portrait de Mac]
209 Portrait grandeur nature du Mac4
210 C’est mon pingouin - porte bonheur - qui marche tout seul en descendant les côtes.
Généralement il est sur ma table - au milieu des bouteilles à encres - montant la garde -
il trotte quand les visiteurs sont là - s’ils sont sympathiques.

20.

Noël 1933
Carte de vœux pour l’occasion signée Louise et Varèse.

21.

[New York] 11 - I / 1934


sur papier à en-tête de la Pan-American Association of Composers

211 Cher Ami -


212 Merci pour lettre du 28 - dernier et dernière - Trouvé [sic] hier en rentrant de chez les
Calder73 - Connecticut - où nous avons passé 4 jours dans leur jolie campagne. Artaud
Allez doucement - Ne le bousculez pas - Il est très sensible - En plus c’est un
remarquable poète conscient de sa valeur - Souvenez-vous qu’il n’est pas en santé
normale - Mais avec tout le tact possible - et beaucoup de gentillesse - voyez à ce que
j’obtienne satisfaction et à ce que le travail marche. Faites-lui valoir que plus que
jamais je suis certain d’obtenir ce que je veux - et qu’il serait dommage de rater près du
but - Encore une fois - soyez amical et prévenant avec lui - Il en vaut la peine - Donc pas
de cassages (inutiles et bourgeois) d’assiettes - Merci -
213 Vos partitions - Bien arrivées - Elles sont chez moi - Malheureusement Barrère et sa
Little Symphony n’ont pas de concerts cette saison - Peut être tard dans le printemps -
Je vais essayer avec d’autres organisations - et je demanderai alors à Litante 74 de les
chanter -
214 Fried - Je lui écris par ce même courrier - Voyez-le au sujet de ma lettre - Je travaille
pour lui et un manager vient me voir la semaine prochaine à son sujet - Je fais écrire en
56

U.R.S.S. par des personnes très qualifiées pour qu’« Amériques » 75 figure à un des
« programmes culturels ». Il n’y aura je pense aucune difficultés matérielles [sic] pour
Fried - s’il demande à conduire l’œuvre - Dites-lui l’effet qu’elle doit forcément
produire sous sa direction - (l’ayant vous, entendue, même mal exécutée). Avec ma
marchandise il ne faut pas se fier à la lecture, j’en crois l’audition nécessaire même aux
personnes expérimentées - Ce ne pas [sic] de la musique de papier - pour l’esthétique
du graphique - Il faut que ça marche -
215 Comme je vous le dis je crois que Fried aura toute facilité 76 - à cet égard. Je lui écrirai par
quelle voie je fais agir - et lui ferai savoir qui voir pour que l’exécution d’« Amériques »
ait par la presse la répercussion qu’il faut ici. Mais N[om] de D[ieu], qu’il me donne son
adresse exacte et permanente en U.R.S.S afin que je ne perde pas le contact avec lui. 577
216 Dites à Tata Nacho78 que Diego Rivera - maintenant à Mexico - doit s’occuper de régler
les détails pour mon voyage - (avec Lupe Marin79 -) et voir qui de droit parmi les
officiels au pouvoir -
217 En écrivant au Mexique Oskar Fried peut naturellement se recommander de moi -
Dites-lui que j’ai reçu une lettre d’Asturias80 - Pour l’instant rien à faire au Guatemala -
En pleine réorganisation -
218 Espagne - J’attends - La mort de Macia - et Ventura Gassol éloigné du pouvoir sont des
facteurs à retarder l’accomplissement du projet - Mais Prats et Miró 81 paraissent dans
leurs lettres optimistes - Je crois même - me souvenant de ce que Prats m’avait dit cet
été - qu’un coup de barre à droite nous serait favorable - pour les capitaux nécessaires à
l’action - Pissant ! et très tauromachique ! ! à ce propos - quelle connerie que leurs
courses de mes fesses - Et dire qu’il y a des cons qui n’ont même pas l’excuse de
l’atavisme ou d’avoir vu le jour dans le pays - et qui s’emballent pour une telle
imbecillité [sic] - C’est aussi arythmique et traînaillant qu’un adagio de l’ami de Mr
Désormière - l’autre flûtiste, par derrière - Cohen - St Saëns82 - Je souhaite à 7 macaques
- matadors - pour la saison venante - de se faire défoncer le fondement à coups de
cornes bien rugueuses et de fort diamètre - Je pense que tant qu’il y aura des Corridas -
celles-ci représenteront pour le développement des masses en Espagne - un sérieux
handicap - Quoique en toute justice il ne faut pas oublier comme facteurs moraux et
spirituels l’adorable Serrano et l’ensoleillé Manzanilla83 - j’en bave -
219 Tout à fait de l’avis de votre copain en ce qui concerne Berlin : sauf que je ne crois pas
les Allemands froids - mais au contraire plus faciles à l’enthousiasme et à l’amitié
militante - que les Français - J’adore Berlin84 - et lorsque situation - circonstances - et
autres pompes le permettront je me promets d’y faire un long séjour -
220 [Texte le long d’un plan manuscrit]
221 Voici à peu près, ou [sic] se trouve le bijoutier ou [sic] je vis le soldat, le bossu et le
cheval - Il doit être très cher - mais faites vous monter le gri-gri que vous trouverez
sûrement ailleurs - Thank you. And thank you also to try to get Al Dumas book 85 -
Merde - je m’aperçois que je continue en étranger comme dirait Bernouard.
222 Suis de votre avis - pour moi Fêtes est la plus chose [sic] de Debussy - ensuite avec
certaines parties du St Sébastien - Nuages et l’Après-midi d’un Faune - Je n’aime pas la Mer 86
-
223 Equatorial - sera donné en Mars - écrit pour Orgue Trompettes Trombones qui gueulent,
Percussion - instrument de Theremin - et 2 voix Soprano et Basse - Finirai à mon aise
Espace - pour la saison prochaine - Pense en offrir la primeur à Monteux et à l’O.S.P. 87
57

mais gardez cela strictement pour vous - Souhaite que Artaud pousse le travail car je
voudrais me mettre à l’œuvre scénique - Je lui ai écrit il y a une 8 ne - J’ai des gens haut
placés dans le milieu théâtre qui s’intéressent beaucoup à ce que je pourrais faire pour
la scène.
224 Salzedo et Barrère et Britt attendent sans impatience votre trac Travaillez avec
conscience et patience - Je viens de leur entendre jouer le Trio de Riegger 88 - Jamais
compositeur ne peut être mieux défendu - Ils partent en tournée avec son Trio.
225 Amitiés à tous. Huyot89 - De Nobele que je vous prie de remercier pour son amabilité -
Maigret90 [sic], etc etc. Dites à Tata Nacho de m’écrire - que ses amis d’ici se
souviennent de lui et lui envoient le bonjour - ainsi que moi -
226 Saluez ceux que vous rencontrerez au hasard de vos pérégrinations mont-
parnassiennes ou autres - y compris les Vargas - Bernouard - Artaud - Ribemont etc, etc
-
227 Toute notre amitié à vous et Guighui.
228 V.
229 [en haut, à l’envers[
230 Félicitations à Ghighi91 pour son couss-couss ! affectueusement à vs [Sic] deux, Louise 92

22.

[New York] 12 - I / 1934


Addenda à ma lettre d’hier.

231 Canard enchaîné93 - Reçu 2 numéros - Continuez donc à envoyer - Merci.


232 Fried - Je lui enverrai cette semaine ou dans une 10ne de jours les renseignements au
sujet d’« Amériques », c.à.d. par quels moyens je fais agir pour que mon œuvre soit
inscrite à un « programme culturel ». Il n’y aura aucune difficulté -
233 Je m’occupe activement de Fried. Il ne faut pas qu’il perde le contact avec moi - car ces
concerts doivent avoir une grande répercussion ici - Dites lui qu’en plus de son ami
Wachtell94 - je vais tâcher d’intéresser la Société Bruckner d’ici - qui fait grande
propagande pour ce maître et pour Gustav Mahler - Je vois Schönberg 95 bientôt - Nous
devons dîner ensemble - À lui aussi je demanderai d’appuyer moralement - tout [sic]
mes camarades marchant - Que Fried - dès qu’il la saura - me donne son adresse
permanente en U.R.S.S. et qu’il n’oublie pas de voir Cools -
234 Il est 16h, je cours à un thé d’affaire. Reprendrai ma lettre avec j’espère quelques
nouvelles à communiquer -
235 Dimanche (suite)
236 Plusieurs amis de différents côtés vont agir - directement en U.R.S.S. Ils m’ont dit que si
Fried veut faire la chose il le peut - de lui même [sic] - car il est connu et apprécié - et a
de l’influence.
237 Je ferai encore des démarches officielles - ce qui sera aussi utile à Fried pour sa venue
ici - Je sais que le succès d’Amériques en U.R.S.S. sera un bon tremplin pour lui - et ce
de source journalistique - Dites donc à Fried de marcher à fond - j’en ferai autant - et
me connaissant vous savez que je ne lâche jamais -
58

238 Voilà - C’est dimanche - journée et temps de con - molasse - fade et religieux - Ai été
hier entendre Salomé96 au Metropolitan - Orchestre dégueulasse - comme son chef 697 -
Mise en scène très con - à la Meyerbeer - et public aussi cul - Mais l’œuvre en dépit de la
mauvaise exécution sonnait - et bien mieux que celles de jeunes salonnards -
239 Dites à Fried que l’on commence à s’intéresser à Mahler et Brucker [sic] - pas beaucoup
il est vrai - mais ce peu signifie quelque chose si l’on songe qu’il y a quelques années,
critiques et public foutaient le camp lorsque ces noms étaient prononcés - Cela
l’intéressera - car il les conduit tous 2 épatamment - Au cordon bleu Guighy 17 mètres
de lésion [sic] d’honneur pour son gousse-gousse98 - Merde ce que l’on bouffe mal ici -
Mais j’espère gagner du pèze - et alors Vive la Ferme - Continuez à chercher aux
environs pour vous tuyauter - Tenez-moi au courant de ce qui se passe - Ça m’a l’air
240 [sur le côté droit]
241 de vouloir se mettre à barder - Vous voyez Tardieu99 en Mussolini ! !
242 Je m’en remets à vous pour faire ma commission à Fried - Merci - Aff[ectueusemen] t à
vous 2
243 V.
244 [en haut du verso, à l’envers]
245 Amitiés à tous et à toutes -
246 Fins roastbeefs et bath choucroutes -

23.

[New York] 18 - I / 1934


Midi

247 Cher Ami -


248 Vous confirme mes 2 lettres de ces derniers jours -
249 Voici qui vient de paraître aujourd’hui - un camarade me téléphone pour me le
signaler100.
250 Je travaille dur - Equatorial se comporte bien et s’annonce comme une bonne chose.
Reçue littérature de Triton101 - lamentable - pauvres petits gâteux académiques et
précoces - De tels individus vous font réaliser la nécessité de la guerre et l’aspect
créateur de la destruction - C’est sur le même niveau spirituel que la chambre des
députés -
251 Voilà - écrivez - Amitiés à tous - La Vie est belle et l’Amérique est vaste.
252 N’oubliez pas mes messages à Fried - Ça doit marcher 102
253 Bonnes amitiés aux 2
254 Le bonjour de Mac7103104 à son copain Zoizeau105.
255 V.
256 [en haut, à l’envers]
257 Gardez je vous prie les coupures que j’envoie - Ça peut un jour servir pour références.
Montrez-les à Le Flem - Thank you -
59

258 [sur le côté gauche]


259 Cordial souvenir à tous : De Nobele - Mégret - etc, etc.
260 Reçu ce matin lettre d’Artaud.
261 [sur le côté droit]
262 Envoyez Canard [enchaîné] S.V.P.
263 Reçu lettre de Sanjuan qui me dit qu’il va vous répondre.

24.

[New York] 2 - II/ 1934


17h

264 [Note : La date indiquée par Varèse du 2. XI. 1934 inscrite sur cette lettre est sans doute
erronée. Le respect de l’ordre chronologique laissait paraître certaines contradictions.
En effet, en novembre, Fried est déjà en U.R.S.S. et les événements ont fait que Varèse
ne veut plus en entendre parler. L’indication par Jolivet de « présente = réponse de ma
lettre du mardi 16 » et la note « Ec. Varèse » dans son agenda au 16 janvier 1934, ont
permis de lever ces contradictions en fixant la réponse de Varèse au 2 février.]
265 Cher Ami -
266 Ci-joint copie de ma lettre à Oskar Fried106 - qui part par le même courrier. Mettez-vous
de suite en rapport avec lui et tuyautez-le au sujet de la percussion d’Amériques - que
vous connaissez et avez entendu - Je veux dire en ce qui concerne certains
instruments : comme tambour à corde - Sirène107 - que vous avez manipulés chez moi -
Spécifiez le bouton d’arrêt instantané - Passez lui - ou plutôt faites taper et passez lui
copie des notes de programme rédigées par Le Flem108 - pour que Fried s’en serve pour
ses programmes en URSS. Retournez-moi original - dont je puis avoir besoin - Merci -
Excusez le dérangement que je vous cause mais je n’ai pas de temps - Il me faut filer à la
poste afin que mes lettres partent demain matin - et j’ai un rendez-vous au Western
Electric109.
267 Je travaille - et ça marche - Les concerts de printemps s’annoncent bien - Paris me
paraît loin et mort - J’espère qu’Artaud ne m’oublie pas - Equatorial sera fini dans 6 ou 7
semaines (leçons et concerts me prennent b[eaucou]p de temps) - Espace verra le jour
la saison prochaine...
268 J’attends envoi du Trio pour Salzedo - Si ce n’est cette saison j’arriverai sûrement à
caser vos chansons pour la prochaine.8
269 Le Père Oliphus110 n’est pas arrivé encore - Merci et amitiés à De Nobele ainsi qu’aux
autres camarades - Voyez vous les Le Flem et les Vargas ? Que se passe-t-il à Paris et
qu’envisage-t-on ? Bonjour aux Tata Nachos -
270 En toute hâte et amitié
271 Varèse
272 Envoyez journaux français - Littéraire - Candide111 - Nouvelles littéraires112 - Canard113 -
Thank you -
273 Fried peut obtenir à mon sujet tout ce qu’il veut en U.R.S.S.
60

274 [à droite]
275 [en haut de la page Jolivet a annoté cette lettre au crayon :
276 x Le Flem malade
277 x Fried - Cools
278 x Fried et Sylvia
279 x Tristan Klingsor8 et le néo-classique
280 x Journaux
281 x Ionisation
282 x Présente = réponse de ma lettre de mardi 16]

25.

[New York] 14 - II / 1934


sur papier à en-tête de la Pan-American Association of Composers

283 Voici Cher Ami - copie de ma lettre à Fried - qui part par le même courrier - Voyez-le de
suite - et communiquez présente - si ma lettre ne lui était pas parvenue 114 :
284 « Cher Ami -
285 Mr. William C. Bullitt Ambassadeur des U.S.A. en U.R.S.S. part demain pour Moscou,
rejoindre son poste - J’ai tout son appui moral -
286 Vous n’aurez en demandant, aux bureaux qualifiés, pour que je sois inscrit aux
programmes culturels, qu’à prier les directeurs de s’adresser directement à
l’Ambassadeur, pour toutes références me concernant - Ils auront satisfaction - D’autre
part, ainsi que je vous l’ai écrit, d’autres amis agissent, et je suis prévenu que tout
marchera selon vos souhaits.
287 Laberge115 le manager revient fin de semaine - Je le verrai de suite - Barrère (ancien flûte
solo de chez Damrosch116 - qui a joué sous votre direction et vous admire) occupe une
situation importante ici - Ici, Salzedo, Schönberg, d’autres camarades, et mon groupe
vous sont acquis - « Dans une huitaine je téléphonerai à Wachtell » - Merci.
288 Reçu Trio - je vous trouve en progrès - mais encore un peu trop de notes - Toutefois
grande et sensible amélioration. Bravo. Remis hier à Salzedo. A première vue il trouve
la partie de harpe trop « écrite au piano » - Envoyez de suite parties Ils veulent l’essayer
- Travaillez - en vous souvenant que le cerveau sert à quelque chose -
289 Vous verrez par lettre à Fried que tout s’arrangera pour l’U.R.S.S..
290 Vient de se fonder « the American Russian Institute »117. Tout ce qu’il y a de bien et de
solide - avec Ambassadeurs et tout ce qui compte dans les Arts et les Sciences. Je crois
que je serai nommé président de la section musicale - Vous confirmerai si ça colle -
P.L.F.118 pourra annoncer dans son canard - Mais attendez -
291 Voilà pour l’instant - Débordé de turbin - courses, etc, etc.
292 Heureusement qu’il n’y a pas de Cafés - On n’aurait pas le temps d’y aller - et c’est
moche de regretter -
293 Et Artaud ? Donnez nouvelles -
61

294 En grande hâte - Amicalement à vous 2 - et bon souvenir aux camarades.


295 V.
296 Que se passe-t-il ?119 Votre ex-paroisse (S t Denis) 120 a dû donner - On dirait un feu
d’artifice qui a reçu l’averse.
297 [sur le côté gauche]
298 Et les Vargas ? Vous n’en parlez jamais.
299 [suit la copie de la lettre de Varèse à Fried, datée du 2 février 1934]
300 Cher ami,
301 Merci pour votre carte du 20 janvier. Je suis très heureux de votre succès et j’aurais
aimé entendre votre exécution de Roméo et Juliette121.
302 Le manager, Mr. Bernard Laberge - 2 West 46th St. - est très intéressé à l’idée de votre
venue. Il va vous écrire ces jours-ci afin de se mettre directement en rapport avec vous.
Le moment venu je verrai Mr. Wachtell, car je ne tiens pas à déranger l’ordre des
évènements. J’ai déjeuné avec Schönberg il y a quelques jours. Nous avons parlé de
vous, et lui aussi naturellement vous soutiendra comme les autres camarades.
303 Il serait bien que vous envoyiez de suite à Laberge tous renseignements vous
concernant - curriculum vitae, essais, critiques, sans oublier les articles anglais relatant
votre dernier succès Berliozien.
304 U.R.S.S. Les amis soviétiques d’ici me disent que vu votre importance en U.R.S.S. aucune
difficulté ne vous sera faite si vous voulez conduire une de mes œuvres demandant des
exécutants et répétitions extras. Ils pensent qu’un mot de vous suffit pour réduire toute
objection. De toute façon et pour plus de sureté Mr. Ousmansky, chef du service de
presse aux Affaires Etrangères à Moscou - actuellement ici encore comme membre de la
mission Litvinov122 - fera à votre requête le nécessaire pour faire inscrire Amériques
aux « programmes culturels ». En plus Mr. William C. Bullitt, Ambassadeur des États
Unis en U.R.S.S., qui repart vers le 15 Février rejoindre son poste, appuira [sic] toute
demande faite en ma faveur.
305 Je prie Jolivet de se mettre en rapport avec vous. Il connaît les Amériques et pourra
vous renseigner sur certains instruments de percussion qui ne vous sont pas familiers
et vous décrire le type de Sirène que la partition réclame. Voilà, cher Ami. Écrivez-moi.
Tenez-moi au courant de vos faits et gestes et surtout donnez une adresse permanente
en U.R.S.S où les messages de Laberge et les miens puissent vous joindre de façon
rapide et sûre.
306 Le bon souvenir de Louise.
307 Fidèlement vôtre,

5 – IV / 1934
lettre dactylographiée de Louise Varèse

308 Cher Jolivet :


309 Il ne faut pas en vouloir à Varèse pour son long silence. Il faut se réjouir car la faute est
à Equatorial123. Il a travaillé comme un magicien à faire un miracle ! Il y a maintenant
les parties à tirer et les répétitions d’Equatorial et d’Ionisation. Il a eu aussi quelques
62

conférences à Columbia et aux écoles d’avant-guarde [sic] et il a fallu aussi guarder [sic]
un peu de temps pour ses élèves.
310 Moi, j’aurais du [sic] vous écrire mais même moi, je n’avais pas un instant. Depuis deux
mois je ne m’occupe plus du tout de mes traductions124, tellement il y a à faire pour ces
concerts. En plus nous sommes forcés de sortir pas mal. Heureusement je vais beaucoup
mieux cet hiver - plus d’exzéma [sic]. Je ne sais pas si c’est le climat de New York qui
m’a guerri [sic] ou les cocktails ? ?
311 Varèse écœuré par cet imbécile de Fried et son chantage. Il va vous écrire à son sujet.
312 Quel dommage que nous ne serez pas ici, vous et Ghuigui125, pour ses concerts. Je crois
vraiment que Equatorial est un prodige de beauté et de force. Jamais je n’ai vu Varèse
travailler comme il a fait dans les derniers quatre mois, sous pression tout le temps et
joyeux. Plus jamais des dépressions. Il est convaincu que c’est d’avoir quitter [sic] de
fumer. La [sic] Mexique n’a pas l’air de s’arranger encore.
313 Une longue lettre de Varèse vous est promis [sic] après le 15 126.
314 Excusez ce mot précipité et les fautes de français ! !
315 Nous vous embrassons tous deux.
316 Affectueusement
317 Louise

26.

[New York] 24 - IV / 1934

318 Chers Amis -


319 Merci pour vos différentes missives - et carte du Maroc127 - Excusez silence - mais
jamais j’ai été autant bousculé et sous pression - Ça a été depuis de longues années mon
plus bel hiver de travail - à tous points de vue. Ci-joint programmes des 2 derniers
concerts 128 - Salles combles - Succès triomphal - Quant au Mexique j’attends nouvelles
définitives. J’aimerais autant remettre mon voyage, car j’ai beaucoup à faire - Travaux
en train - préparation pour nouvelle saison - et je ne vous cache pas que l’U.R.S.S.
m’intéresse davantage en tant que pays et potentiel d’action - On réorganise d’accord
avec l’Ambassade, l’Institut Russo-Américain129 - et je suis nommé président de la
commission musicale. Je dois donc de mon côté m’occuper de la constitution de mon
comité et organiser la ligne de conduite.
320 J’ai finalement avec Salzedo lu votre Trio. Je vous trouve en progrès - mais
malheureusement votre partie de harpe n’est pas réalisée comme vous avez dû la
concevoir - Salzedo considère que même aux plus expérimentés l’audition de ses
sonorités nouvelles est nécessaire - Ça fait un peu œuvre orchestrale réduite pour trio -
Ceci me donne l’idée que cette œuvre pourrait être remise sur le métier pour ensemble
instrumental réduit - Son contenu prête à ça - pas de percussion - mais un piano
percutant - pas de cordes - mais un cello solo - une flûte et piccolo pour l’aigu - et pas
d’autres petits bois - Qu’en pensez-vous ? Dans le grave, des cuivres doux - Tubas et
Cors - peut-être une Clarinette contrebasse -
63

321 Je souhaite vous lire bientôt - Mon salut cordial à tous les camarades - et à vous 2 notre
bonne amitié
322 Varèse
323 Je n’ai pas encore eu le temps d’écrire à Fried - (Oskar). Inutile de vous dire que je me
refuse à tout marchandage - et que je considère son chantage comme stupide - et
maladroit pour lui - Je me refuse à continuer toutes relations avec lui - et vous conseille
au point de vue éthique d’en faire autant.
324 Certains actes et certaines attitudes justifient les procédés Hitlériens - Dans quelques
jours Mr Fried aura de mes nouvelles - Il n’aura rien perdu pour attendre.

27.

N.Y. City - mai 1934


Carte postale - The medical center

325 Quoi de neuf ? suis en plein boulot - La saison prochaine s’annonce riche en promesses.
326 Espère pouvoir faire donner vos chansons - avec orchestre de chambre - Que se passe-t-
il à Paris ?
327 Saluez tous les copains et buvez à ma santé.
328 Bien amicalement.
329 V.

28.

2 juin 1934
sur papier à en-tête : 188, Sullivan Street, New York City

330 Chers Amis


331 Merci pour votre lettre du 4 mai et p[our].carte de Pierrefonds.
332 J’ai eu un hiver de travail intense - jusqu’au 1er Mai je n’ai jamais dormi plus de 5 à 6 h
par nuit - J’ai encore pas mal à faire - mais la pression est moins forte et je puis régler la
cadence.
333 URSS - On turbine à l’organisation de l’Institut130 -
334 J’ai complètement liquidé le sieur Fried (Oskar) avec qui je ne veux plus rien avoir à
faire. Conseillez à Guighy de ne pas tabler sur « petites psycologie [sic] et intuition de
femme » car elle se fout le doigt dans l’œil - et ceci est dangereux - car il y a des cas où
on ne peut plus l’arrêter - Je vous ai dit le petit chantage dégueulasse prémédité par
Fried. Je veux être bon prince et attribuer cela à sa connerie - qui est dangereuse pour
les autres et ne lui a pas porté bonheur. Sa façon d’agir - qui ne lui est pas
exclusivement personnelle - aide à saisir et peut-être même à justifier certaines
mesures hitlériennes. Les managers que j’avais intéressé au sort de Fried et qui avaient
commencé à travailler pour lui avec chances de réussite l’ont laissé tomber - À son âge,
ce pitre mufle et gaffeur se trouve bien seul et fini - Ce ne sont cependant pas les
64

amitiés ni les dévouements qui lui ont manqués - il s’est aliéné les uns et a lassé les
autres - Tant pis pour lui - Dixi.
335 Barcelone Viens de recevoir nouvelles - Plus que jamais ils semblent tenir au projet 131 -
J’ai écrit pour préciser certains points et insister sur ligne de conduite - J’attends
réponse -
336 Il est ridicule que vous soyez déçu par ce que je vous ai écrit de votre Trio - Vous devez
vous sentir en progrès - mais vous êtes trop anxieux d’être joué à tout prix - Travaillez
et soyez sévère - On dirait que les lauriers éphémères des enfoirés de 20 ans - sacrés
génies pendant quelques saisons - et ensuite boyaux culiers132 boudeurs et défoncés
pour le reste de leurs jours - vous empêchent de dormir - Ne vous laissez pas monter le
bourrichon - Ne confondez pas gloire et publicité - où [sic] mieux, pissez aux fesses de
la 1ère et ne lâchez pas vos pépettes à la 2nde.
337 Nous passerons l’été sur une House Boat133 - sur un lac du Connecticut - à 80 miles de
N.Y - mais je serai en ville 3 jours par semaine - car j’ai du boulot sur la planche - et dois
préparer une série de conférences pour la saison prochaine, ce qui est intéressant et
profitable au point de vue alimentaire - Excusez-moi auprès de De Nobele - d’avoir tant
tardé à lui faire parvenir le montant de ma dette - complètement oublié. Ma négligence
sera réparée ces jours-ci.
338 [sur le côté gauche du recto]
339 Je dois renvoyer voyage au Mexique - Trop à faire ici.
340 Qui voyez-vous ? Que se passe-t-il à Paris ? Vous parlez que la France n’est pas
populaire ici - A quand la guerre ?
341 [en haut du recto, à l’envers]
342 Amitiés à tous les camarades.
343 Écrivez toujours à adresse ci-dessus134.
344 As à vs [Amitiés à vous]
345 Varèse

29.

N.Y. City - 11 juin 1934


Carte postale - Hudson Terminal and tubes

346 J’ai reçu ce matin épreuve du disque de Ionisation - très précis - clair - mais (de la
percussion seulement) - ça a été un chiendent pour les ingénieurs. L’impression
spatiale manque - Toutefois on suit assez les dessins - quoique les timbres et les
essences sonores soient standardisés par le microphone - Enfin c’est mieux que rien et
c’est un commencement - Le disque sera mis sur le marché en Octobre -
347 Reçu lettre d’Artaud qui me dit vous avoir vu135.
348 Bons souvenirs à tous et meilleures bouteilles.
349 V.
65

30.

[New York] 19 - VI / 1934


sur papier à en-tête de la Pan-American Association of Composers

350 [note : cette lettre comprend des parties numérotées]


351 (1)
352 Cher Ami - y compris Guighy - (et la Suède et la Norvège -)
353 Je transmets votre lettre à Salzedo136 - Pourquoi ne lui écrivez-vous pas directement ?
160 Riverside Drive.
354 Fried Je pense que vous avez reçu ma lettre ainsi que carte - où je vous disais ce que je
pensais de ce répulsif youtre - et du dégoût que ses méthodes m’inspiraient. Il a de la
veine que je sois bon prince - car je pourrais lui créer de sérieux ennuis en URSS - mais
ce n’est jamais qu’accidentellement que je marche dans la merde.
355 Suis heureux que Tomasi137 dirige un concert de vous - Il est adroit et me semble
posséder une solide routine - ce qui n’est pas le cas de certains de ses collègues - dont
l’élasticité du trou du cul remplace le talent -
356 Content du succès de Migot - qui suit son train-train
357 (2)
358 tranquillement et qui est chic camarade - Transmettez-lui félicitations et amitiés. Une
forte vague de chauvinisme commence à secouer le pays - Ça devient ridicule - mais
très alarmant, car ici fascisme signifie dans toute sa splendeur = triomphe du Ku Klux
Klan138 - Ce ne sont pas tant les violences phisiques [sic] qui sont à craindre - qu’une
standardisation de l’imbécillité [sic] provinciale - puritaine - bassement nationaliste « à
la Taittinger »139 et « à la Coty » 140 - la quintessence de l’esprit « rotarian » 141. Enfin on
verra. Heureusement on sent toutefois - dans tous les domaines - des yeux et des
oreilles ouverts - et j’aime mieux cela - (même de façon candide) - J’en ai marre de cet
esprit sarcastique méfiant et supérieur du parisien « à qui on ne la fait pas » mais qui en
fin de compte finit toujours par être le con -
359 Encore une fois en toute amitié je vous crie « casse-cou ». Vous êtes trop anxieux d’être
joué - Faites attention - Paris est mauvais stimulant - qui se contente de satisfaire la
vanité-Je sais que des succès de médiocrités comme celles qui contrôlent le marché
vous dégoûtent - et que n’importe quoi paraît assez bon pour figurer honorablement
parmi les navets qui encombrent les programmes - Méfiez vous de cette relativité -
Souvenez-vous que le rayonnement de Paris est bien
360 (3) [sur le côté gauche du recto]
361 fini, surtout en musique - comme est finie la superstition de la Ville Lumière - qui est
foutue. Travaillez pour vous avec des vues plus universelles. Merde - je deviens
moraliste - ça ne me va pas - faites donc ce qui vous plaira - Après tout on ne profite
que de sa propre expérience - La mienne est que seule la substance et l’honnêteté du
travail comptent - Naturellement il faut « du temps » - « Le temps qu’il faut » : c’est
comme pour le vin - Si Milhaud142 écrit vite - son consommateur le dégueule ventre à
terre - Il ne fait que lui rendre monnaie de sa « pièce » 143. (Jeux de mots œnologiques -
Très fin)
66

362 (4) [en haut, à l’envers]


363 J’espère que vous avez reçu TREND144.
364 Je travaille - et tâche de me démerder pour faire des sous. Je n’ai jamais été en si bonne
santé. Je regrette que mes amis vivent à Paris - car (si j’ai de plus en plus horreur de
cette ville malsaine) - ils manquent à ma vie ainsi que certains milieux -
365 Ou [sic] allez-vous ? En Algérie ?
366 Gardez bien ma couverture et dites à Guighy que je la préfère couss-coussante que
« psycologue [sic] et intuitive ». Merde pour les intellectuels et le « temps » : Roses pour
les Vivants et « l’Espace ».
367 A vous 2 amicalement.
368 V.
369 (5) [en haut du verso, à l’envers]
370 Ionisation est enregistré par Columbia145 Sera sur le marché en Octobre - Ils en sont
contents - Il paraît qu’il y a b[eaucou]p d’intérêt pour moi en Angleterre - C’est rigolo et
surtout inattendu.
371 (6) [en bas du recto, à l’envers]
372 Amitiés à tous les camarades - Excusez la hâte - Le bateau fout le camp - Je ne relis pas -
tant pis - ou tant mieux - ou tant pipi (Vers l’aine)146.

31.

[New York] 9 - VII / 1934


sur papier à en-tête de la Pan-American Association of Composers

373 Cher Ami


374 Merci pour votre lettre du 19-6.
375 De plus en plus je me sens en bonne santé et en bonne forme - et je pense que mon
champ d’action est ici - À part les amis - et certains milieux que je regrette - Paris me
fait l’effet d’un cauchemar - avec arrière goût de relent d’égout - qui m’inspire de la
vraie poésie sur réaliste [sic] - Voilà une école qui est bien crevée hors de Paris - On en
parle même plus -
376 Fried Vous avez l’air de me reprocher avoir « à un certain moment mis de l’espoir en
lui » et « ne rien avoir fait pour vous empêcher de me suivre dans un dévouement actif
à son égard » Je n’ai aucune honte à avouer qu’il m’a eu - et ne me sens en rien diminué
d’avoir été une poire - Je le connaissais égoïste et « youtre » dans la pire acception du
mot - De là à anticiper un chantage calculé - et mis en scène avec dosage chronologique
- il y a une grande différence - Il s’est révélé tel qu’il était - j’en fais mon profit - J’agirai
à son égard comme je juge devoir le faire - Je vous mets au courant de la situation - Au
lieu de râler à la parisienne et de chercher à savoir où sont passées vos billes - prenez
conscience de l’imbécillité [sic] de cet individu - et du danger qu’elle peut présenter
pour vous -
67

377 Salzedo - Vous devez être en possession de la lettre qu’il vous a écrit [sic] il y a quelques
jours - Il m’a téléphoné ce matin - Il part demain pour sa maison de campagne dans le
Nord - Son adresse pour l’été :
378 C.S.
379 CAMDEN
380 (Maine)
381 U.S.A.
382 Je pense que dans le courant de l’hiver prochain Equatorial sera en disque - Je vais le
couper pour le faire tenir sur une double face - chaque face (4’20”). Il me faudra
l’amputer d’1/3. Pour Ionisation comme vous dites « le mieux qu’on a pu faire a été
d’éviter le pire ». Pour le piano, détrompez-vous : À plein bras - le couvercle tout ouvert
- sous le micro - Il ne sort pas. Columbia toutefois est satisfaite et anticipe une
« sensation »147. Je m’arrange déjà pour que le disque soit refait dans le futur - Mais de
ceci - je vous prie - pas un mot à personne - Je compte sur vous 2 -
383 Réclamez à Fried la partition - Vous aurez des surprises de ne pas entendre certaines
choses en suivant - Ceci - comme je vous le dis plus haut sera réparé à un
enregistrement ultérieur - Une fois encore gardez ça pour vous 2 - On doit me croire
satisfait - That’s business -
384 Mettez-vous à des œuvres d’orchestre. Vous serez toujours à même de les améliorer
lorsque de nouveaux moyens sonores verront le jour - et seront d’usage courant - et
d’emploi pratique -
385 Instruments à ondes Impossible de décrire - Il faut entendre - Mais allez-y pour une œuvre
d’orchestre et ne perdez pas votre temps à composer pour violoncelle.
386 Bruits pour commentaires et comédies radiophoniques Soyez tranquille - Paris n’a rien à
apprendre à Ν.Y. J’étais l’autre jour tout l’après-midi avec l’Ingénieur Chef du National
Broadcasting148 - inspecter tous les studios pendant les émissions - On m’avait appelé -
On voulait mes conseils - Ici aussi c’est enfantin en dépit d’un formidable
développement technique - mais soyez assuré que malgré leurs demandes puissantes, je
n’ai pas révélé mes idées - Je me contentais d’expectorer des phrases de louanges et
d’émerveillement - les traitant en moi-même de pauvres cons - Mes conceptions me
rapporteront lourd - et peut être bientôt dans un ou 2 ans - Un tas
387 [sur le côté gauche du verso]
388 de types de la haute « phynance » ont respect - considération pour moi - et un peu pour
aussi - juste assez pour que mes conceptions les excitent par le danger qu’ils y
rencontrent -
389 [en haut du recto, à l’envers]
390 Nous passons par une vague de chaleur - mais j’aime ça - Louise est sur son bateau -
391 Moi ici, à poil - coulant comme un con sous pression - à plein rendement - où chaque
coup de piston ferait gicler des jets de jouissance - Que c’est beau ! Que c’est beau ! (bis)
mais ça manque d’ail - de par le fait du piston qui élimine la gousse - Sur ce : il est 4 h
p.m. à l’ombre 96° - Humidité 93149
392 [sur le côté gauche du recto]
393 Vais sous la douche et de là, faire des expériences dans un laboratoire.
68

394 Considérations distinguées aux amis et à vous, civilités les plus empressées.
395 V.
396 [sur le côté droit du recto]
397 Photo du House Boat150 et de Louise et moi, ancré sur le lac du Connecticut (c’est tout
près à 85 Miles).

32.

[New York] 12 - VIII / 1934


sur papier à en-tête de la Pan-American Association of Composers

398 Chers Amis -


399 Vu hier Stella qui a débarqué chez moi à l’improviste, me portant de vos nouvelles - Il
vous aime bien et est enthousiaste du couss-couss de Ghiguy 151 - Il m’a dit encore votre
désir de venir ici. Je m’en suis occupé9, - et il n’y a malheureusement - pour le moment
et immédiat futur - rien à faire - Stella m’a consulté au sujet de Barzun. Le malheureux
arrive à peine à se démerder - Il n’habite même pas Ν.Y. mais la banlieue - et n’a pas
d’influence -
400 [sur le côté gauche, à la verticale]
401 Très drôle - Stella vous appelle toujours Lacretelle152 - en parlant de vous -
402 [suite, sur le côté droit, à la verticale]
403 Ceci naturellement entre nous - car il a de bonnes intentions et est gentil -
404 D’après Stella - et les journaux de chez nous - je crois que l’on exagère les dangers de
guerre - Ce pessimisme est dû à une certaine classe qui doit faire son possible pour
garder la majorité de la nation sous pression - et dans un état d’esprit propice à
certaines exploitations le moment venu - De source très autorisé [sic] je sais que
l’U.R.S.S. - à une cadence rapide - évolue vers la droite - Souci de l’élégance
vestimentaire - souci d’un langage châtié... Merde. Ils ont déjà le néo-classissisme en
musique et en sont encore au pire pompiérisme-primaire dans les arts plastiques. Ex-
nouveau skyscraper (quel étron -).
405 Ici on parle d’un troisième parti - J’en parlerai avec son chef lors de sa venue ici, Le
Sénateur la Follette153 - Le Communisme comme on le conçoit en chambre chez nous est
bien un accessoire romantique et périmé - et n’a aucune chance de réussite - ni ici - ni
ailleurs. C’est pourquoi nos pseudo-révolutionnaires (je parle de France) peuvent s’y
cramponner en toute sûreté - Ils peuvent gueuler à tue-tête sûrs de ne jamais avoir à
faire face aux responsabilités du pouvoir - Encore une forme d’académisme bien
française - qui va de pair avec cet autre - l’A.F154. J’ai lu leur journal l’autre jour - (l’A.F.).
C’est lamentable. On a l’impression de concierges qui s’engueulent en voulant jouer aux
bourgeois - Ça donne un spectacle de décadence - d’agonie - En toute franchise : je
regrette d’avoir quitté mes amis et d’être privé de certains milieux - mais je suis
heureux d’avoir laissé Paris. C’est pour moi un endroit maléfique et cauchemardesque -
Lorsque j’y reviendrai pour saluer mes amis ce sera la plus grande
406 [sur le côté gauche]
69

407 preuve d’amitié que je pourrai leur offrir - car si ce n’était pour eux je n’y retournerais
jamais - Je compte au contraire sur l’Allemagne, après l’aventure Hitlérienne - lorsque
tout ce [sic] sera tassé - Mais jamais la paix sera possible tant que le monde sera régi
par cette ordure qu’est le traité de Versailles.
408 [en haut, verticalement]
409 Excusez mon mot décousu - Je ne voulais que vous dire bonjour. Je me suis laissé
emballer - en dépit de mon index - coupé en me rasant - qui m’empêche d’écrire, me
gêne et saigne comme un bœuf. - J’ai écrit au brave De Nobele et lui ai envoyé le
montant de mon dû - Je suis honteux de cet oubli - Excusez-moi encore - Salutations à
tous les camarades et à vous 2 ma bonne amitié.
410 V.

33.

24 - VIII / 1934
sur papier à en-tête : 188, Sullivan Street, New York City

411 Lettre illustrée avec une photo de presse découpée dans un journal, représentant 2
mouettes se disputant un poisson et commentée par Varèse : « Photo démontrant qu’il
n’est pas nécessaire d’aller en Bretagne pour se disputer une portion de poisson »
412 Cher Ami -
413 Ce matin me parvient votre lettre du 10 courant. Comme je vous l’ai écrit il y a 10 ou 12
jours - j’ai reçu la visite de Stella - qui m’a donné avec force détails de vos nouvelles et
m’a transmis vos messages -
414 Il fait aujourd’hui une humidité tropicale d’entre cuisse de négresse au régime
cantharidien - c.à.d. que l’on coule et mouillotte - ne pas dire que l’on moule et
couillotte -
415 Il est 4h 1/2 p.m. heure de Ν.Y. daylight saving - Je quitte mon turbin - Entre acte [sic] -
J’en profite pour prendre la plume et tailler une bavette avec vous - Attention, ne pas
dire à la Guighy : « prendre la bavette et tailler une plume ». Ce n’est pas comme il faut
- et ça ferait rater le bateau à la présente. Je souhaite vous savoir sorti de votre cafard -
Noyez ce dernier dans un lac de Beaujolais. La Bretagne vous retapera - Y voyez-vous Le
Flem - J’ai écrit à sa fille pour avoir leur adresse d’été - (Comme son père - à la
française)155 elle ne m’a pas répondu.
416 Très bien votre contact avec Martenot156 - J’en suis heureux pour vous - Si vous saviez
comme la bande des petits excités « russo-blancs - français-bien pensants-et-
patriotes »157 - néo-classique - paraît - ridicule de loin - Pas une note ne restera de leurs
sécrétions - Ils ne chient même pas - Après des efforts surhumains - une goutte de
sueur maigre et acide leur sort du trou du cul - C’est tout - Ça pue à peine le, pied de
punaise - Plus que jamais je veux un art fort et sain - dépouillé de toute intellectualité
morbide et décadente. Purgé de tout parisianisme - Un art qui vous empoigne aux
tripes - et vous entraîne dans son tourbillon - Celui-là est Universel - Pas besoin de le
comprendre - On le subit158. Point - fini -
417 À propos de tripes : Vous avez raison - j’avais grossi - Excès de bière - très mauvaise ici -
Je l’ai laissée et mon bide revient en bon français à la « juste mesure ». Le bateau - est
70

un vrai House boat159 - ancré à une 100ne de m[ètres] de la rive - On s’y rend en canot ou
canoë -
418 De Nobele - Reçu mot de Tournus. Dans un moment de folie des grandeurs se prenant
pour de vrais canoistes à moteur - ils ont dû faire leur plein - Leur carte mélange le
patriotisme local - auquel il [sic] me reprochent d’être infidèle - et certains propos
concernant le Beaujolais - Heureusement qu’ils descendaient la Saône 160.
419 Souhaite une bonne cure à Guighy161 - Ne vous faites pas trop de bile afin de ne pas
avoir à en subir une pour votre compte personnel.
420 Cahiers américains - Comme la lune - ainsi que la mère Furth 162 - Rassurez-vous,
l’Amérique est mieux que cela - Comme je vous l’ai écrit Barzun est très gentil - Il y a
fayot et fayot - Vous le savez - La camaraderie est une belle chose - tant qu’elle ne se
transforme pas en corps étranger qui vous entre dans l’œil - Ici cela ne représente :
RIEN -
421 Vous avez fait la critique de l’Orphisme163 - (ainsi que vous me l’avez raconté) lors d’une
manifestation plus ou moins poétique - Non - Il faut autre chose - Je le regrette pour
Barzun - Il a de bonnes intentions - mais N[om] d[e] D[ieu], il en est encore à cette
stupide aventure de l’Abbaye164 - et se réclame pour buts utilitaires de l’amitié d’un tas
de ratés officiels et autres Duhamels165 - C’est un peu dégueulasse - Quant à la Furth et
autres contributeurs - vous les placerez vous-même - Barzun continue à citer mon nom
- je m’en fous - car cela ne peut faire de tort - Sa revue est ici totalement inconnue : un
bulletin de réclame personnelle bien pâle et bien anodin -
422 Ces temps-ci j’ai lu du Giono - L’aimez-vous ?
423 Stella va vous écrire bientôt - Il vous aime bien tous les 2 et conserve un souvenir ému
du couss-couss Guighytien166 - Il m’annonce votre déménagement 167 ? Pour quand ?
Tenez-moi au courant de votre nouvelle adresse - Je pense que vous faites bien de
changer - Vous êtes vraiment trop loin de tout champ d’activité et de tout centre vivant
et intéressant -
424 Sur cette mâle et vigoureuse constatation - ainsi que disait Mr Daudet (Léon) 168 - je la
boucle pour de bon - Je ne sais si c’est lui - mais remarquez la riche « açonance » [sic] -
425 Bonnes amitiés aux 2 - et aux amis
426 V.

34.

[New York] 17 - IX / 1934


sur papier à en-tête de la Pan-American Association of Composers avec DESSIN DE
MAC à la plume et crayons de couleur

427 Cher Ami -


428 Je vous remercie pour votre lettre Vichyante169 car il est fort chiant que Guighy ait des
ennuis avec son foie - Je ne crois guère à toutes les conneries Villes d’eaux - Je pense
que ce ne sont que prétexte à retapes + ou –170 mondaines - autre branche commerciale
allant de pair avec la faculté de médecine - Mais je crois à une diète très sévère -
ascétiquement emmerdante - à laquelle je suis soumis actuellement - et qui j’ai bien
peur va être l’alimentation normale pour le futur - Comme dit Louise il faut choisir
71

entre le ventre et la tête - C’est dommage que je ne puisse me délivrer de certains


stupides préjugés - car instinctivement je crois dur comme fer que les tripes sont
foutrement plus intéressantes - que la cervelle - même au beurre noir - et offrent de
bien plus hautes joies - sans arrières-pensées - mais bien pansées - par devant - Pendant
une semaine j’ai été soumis - (au début de ce mois) aux rayons X - et aultres [sic]
emberlificotantes chieries - Il m’a fallu prendre à différentes reprises un sinistre liquide
- colorant - les veilles d’examination171 [sic] - dégueulasse au possible - Pas de
médicaments - rien que régime - Une amie à nous qui avait des calculs biliaires - a
refusé d’être opérée et s’en est tiré [sic] par la diète - Donc que Guighy en prenne de la
graine - et ne se laisse pas bourrer la caisse par des toubibs marrons - Elle est payée
pour en connaître l’honnêteté et les capacités scientifiques - « Après ce nécessaire
préambule - (comme dirait le Prof Barzun) - attaquons le sujet : c.à.d. (Comme dirait
encore le Pr Barzun)172 procédons par ordre -
429 Stella173 M’a dit qu’il comptait vous écrire - Il est fasciste - Mussolinien - anti-Amérique -
jusqu’au prochain changement - où il foutra Mussolini dans sa merde etc - etc -
430 Pour vous ici - j’ai encore parlé à des amis - universitaires - chances nulles - Seules
chances : spécialistes agrégés ou docteurs ayant déjà professé 10 - ou scientistes 174 [sic]
dont les découvertes ont imposé les noms - pour chaires universitaires spéciales -
431 U.R.S.S. Ce que je vous en dis - et que je vous prie de garder pour vous - n’est pas
seulement « la façon personnelle de sentir » mais bien la constatation de faits - Je suis
en rapport suivi avec les Officiels - Il y a 2 semaines, on m’a remis les toutes dernières
productions symphoniques - bon appétit - Une minute je change de plume - Comme
dirait Stella - celle-ci ne va pas plous175 - Et voilà - Ça va mieux -
432 L’Institut176 continue à s’organiser - avec de l’enthousiasme surtout du côté russe - Le
Consul général et l’Ambassadeur y tiennent fortement - Seulement les conditions
actuelles - financières et politiques - ne facilitent guère la besogne de réalisation - C’est
un travail de longue haleine - mais je pense que ça collera bien.
433 Quant à Barzun c’est un pauvre bougre - meaning well - ce qui n’est pas suffisant - et
confondant pionnier avec pion tout court. Ses cahiers177 deviennent de plus en plus
miteux - comme vous vous en apercevez - et son attitude à l’égard de Duhamel et
Romains178 ne révèle pas la rigidité de son échine - Toutefois il veut être gentil - et est
content s’il peut aider - (mais il ne peut malheureusement rien faire). N’en dites pas de
mal - ignorez - là-bas - Ici pas de peine - c’est déjà fait -

Note 11179

434 Ça vaut pas plus - Entièrement (et enterrement) de votre avis.


435 De Nobele - Mégret Content du souvenir qu’ils ont emporté de Tournus - Leurs irrigations
de Beaujolais prouvent que Mégret et [sic] redevenu le vrai de vrai buveur fonctionnel-
Je m’en réjouis-Je pense que Mr. F. d. N.180 a reçu mon mot - à son retour à Paris.
436 Giono - Relu - Ça ne tient (pas trop) à la longue le coup - Vraiment trop sentimental et
d’un optimisme humain un peu guimauve - Il y a de jolies choses - Nouvelle adresse 181 Je
l’attends - Votre quartier est vraiment moche - et mal achalandé - Puisque vous devez
72

rester dans le 15ème cherchez du côté Rue Mathurin Régnier - rue du Cotentin - Vous
devez sûrement trouver actuellement et à bon compte
437 Vous envoie le véridique et très ressemblant portrait de Mac 182 - sur ma table en face de
moi - Il vient ordonner le régime de Guighy -
438 Bonjour à tous [sic] le monde - Mes hommages et le bon souvenir de Louise à Madame
Guighy - et nos meilleures amitiés à vous 2.
439 V.
440 [en bas, à gauche] [dessin d’une croix avec annotation]
441 « BUVEZ pour MOI - mais du BON - »
442 [en bas, à droite] T.S.V.P1. [souligné au crayon rouge]
443 Quel est l’éditeur de l’Anthologie des Maîtres Religieux183 ?11184 De Combien de Volumes
est composé [sic] la Collection ? Quel est le prix ? Peut on [sic] trouver d’occasion ? Le
Flem et De Nobele pourront vous tuyauter - À votre tour soyez aimable de me
renseigner - Thanks Que devient Martelli185 ? Donnez-lui mon bonjour lorsque vous le
verrez - Naturellement n’oubliez jamais ni P. L.F. ni Fl. Sch 186.
444 Si vous voyez Artaud - priez-le de m’envoyer de suite - le scénario qu’il a de moi. J’en ai
besoin pour quelques jours « URGENT » - pour mise au point. Je renverrai ensuite - Mais
pour l’amour de Dieu qu’il envoie - ou vous – recommandé - C’est le seul - Que devient
Artaud ? Des nouvelles me feraient plaisir - ma dernière lettre est restée sans réponse -
Faites-lui mes amitiés.
445 Avez-vous des nouvelles du peu reluisant farceur Fried ? Quel pâle salaud -

35.

24 - IX / 1934
Carte postale - Massachussets - Catskill Mts

446 En ballade automobiliste avec les Barrère - et un séjour chez eux - Bon souvenir -
Espère que Guighy va bien.
447 V.
448 Salutations
449 George Barrère

36.

[New York] 11 - X / 1934


Sur papier gris à en-tête de « Thomas Bouchard »187

450 Cher Ami -


451 Reçu votre lettre - Merci - Y répondrai longuement en [sic] quelques jours - Suis
débordé de travail - Toute la journée dans des Laboratoires - Epatant - Heures de loisir :
composition qui marche bien -
73

452 Ionisation - sera sur le marché fin de ce mois.


453 Pouvez-vous m’envoyer de suite s.v.pl. : le livre de Goha le Simple de Albert Adès et
Albert Josipovici188 - ?
454 Coupez les pages s.v.pl. et écrivez sur 1ère page : Property of Edgar Varèse - Ceci pour la
Douane -
455 Merci - Suis crevé - Amicalement à vous 2 -
456 Bon souvenir aux camarades - En hâte -
457 V.
458 Excusez griffonage [sic] - Ecris debout sous une lampe électrique - dans la rue -
459 [à gauche]
460 Essaie de caser vos mélodies avec Orchestre de Chambre -

37.

[New York] 8 - XI / 1934

461 Cher Ami -


462 Veuillez remercier De Nobele p[our] l’envoi du Eddington189 - et lui demander ce que je
lui dois.
463 Soyez aimable de demander à Artaud le manuscrit (ou plutôt l’esquisse
dactylographiée) qu’il a et dont j’ai besoin pour travailler 12. C’est le seul exemplaire - et
je lui renverrai avec remarques - Ma lettre à lui écrite depuis plusieurs semaines et
adressée rue Rouche190 est restée sans réponse - Je travaille comme un diable -
Alternances de bons et moins bons jours - à cause de la santé physique - le moral n’a
jamais été aussi parfait.
464 Je rentre pour un jour mardi à l’Hopital [sic] pour examen radiographique complet. On
ne sait encore s’il ne faudra pas opérer et enlever cette putain de vésicule biliaire - à
qui je dois mes malaises - mes dépressions - et qui interfère avec mon travail créateur
depuis 20 ans -
465 A part ça tout marche - et laisse présager un avenir des plus favorables - comme
travaux et réalisations affirmatives -
466 Que devenez-vous ? Je souhaite savoir Guighy retapée et d’attaque - Donnez nouvelles -
Vu Stella l’autre soir - Vous écrirons ensemble sous peu - ainsi qu’il m’a proposé de le
faire - Il vit à New Rochelle - mais vient à N.Y. trois ou quatre fois par semaine -
Malheureusement je suis souvent pris - ce qui espace nos rencontres.
467 Faites part à Le Flem du prospectus ci-inclus - et si le disque 191 se trouve en France -
priez-le d’en toucher un mot à Vuillermoz19213193.
468 Donc - écrivez - et veuillez vous occuper au plus tôt de voir Artaud - Merci - Merde de
papier - (pour machine) qui rend ma plume gâteuse et la fait baver - Greetings à tout le
monde et encore merci à de N[obele] - Amicalement à vous 2.
469 Varèse
470 Suis toujours en rapport avec l’U.R.S.S. et souhaite toujours aller y ballader [sic] ma
tripaille -
74

471 La France m’a l’air de sombrer de plus en plus dans le marasme - Un camarade arrivé
hier sur le Bremen194 - m’a téléphoné au débarqué - pour me dire que Paris, était « un
concombre aigre mariné dans la pisse » -
472 À bientôt de plus longues nouvelles - Dès que la date pour mon enterrement sera
décidée.

38.

[New York] 15 – XI / 1934

473 Merci - Cher Ami - pour votre mot du 2.


474 Pas encore reçu Goha195 - Je pense donc que ça ne va pas tarder à arriver - Merci -
Content que Guighy aille mieux et que le traitement homéopathique lui réussisse -
475 Je saurai Mardi prochain - si oui ou merde MM les Toubibs vont m’ouvrir les tripes et
m’extirper ma garce de vésicule biliaire - À part ça tout colle au mieux et je me porte
comme père et mère - (Pas les miens).
476 Tachez d’accrocher Artaud196 - Je ne puis rien faire sans mon manuscrit original - C’est
l’original que vous connaissez - tapé à la machine. Envoyez recommandé s.v.pl.
477 Votre combinaison me paraît bonne - sauf qu’au Tuba je préférerais une clarinette
C.B197 avec les instruments que je vous avez [sic] choisis - Elle me paraît plus homogène
- plus facile à graduer - Attention toutefois au double emploi que piano et harpe
peuvent faire - Méfiez-vous de la monotonie - et songez aux contrastes surtout si vous
voulez employer les effets de Salzedo - Je vous plains pour vos yeux - Je ne connais que
trop cette chierie - Pas besoin de spécialistes - seul remède : des compresses d’eau aussi
chaude que possible - 2, 3 fois par jour - Vaselinez les paupières légèrement afin de ne pas
les brûler - Pour vos lunettes n’importe quel bon opticien examinera votre vue et vous
montera les verres dont vous avez besoin -
478 J’espère que la pièce de P.L.F.198 a été bien donnée et qu’elle a remporté tout le succès
que je souhaite pour mon vieux copain - Faites-moi savoir si Jeannot 199 est à Paris - Je veux
lui envoyer quelque chose - J’ai écrit à Le Flem et à elle - Selon la tradition familiale -
pas de réponse - ni du père - ni de l’héritière -
479 [T. S. V. P.]
480 Encore une fois insistez auprès d’Artaud -
481 Tenez-moi au courant de ce qui se passe - La situation me paraît bien miteuse - Je ne
comprends rien à tous ces changements de ministères - ou malheureusement trop - Au
fond je m’en fous - mais j’ai peur de ce que cela peut amener - et de l’averse de merde
qui menace mes amis -
482 J’attends la lettre promise -
483 Amicalement à vous tous.
484 V.
485 Reçue des Vargas carte de Nice.
486 Entendu pour les Mélodies - Nos choix coïncident -
75

39.

[New York] 9 - XII / 1934


sur petit bristol, au crayon noir

487 Cher Ami -


488 Que devenez-vous ? Je travaille comme un fou - Tout marche -
489 Je vous prie de ne pas oublier ma commission auprès d’Artaud 200 - C’est important-
490 Donnez nouvelles -
491 J’espère arriver à caser vos mélodies - Les 2 que vous préférez - Elles seront bien
répétées et bien chantées - Chose qui n’arrive pas souvent à Paris - La situation ne
paraît pas folâtre en Europe. Attention à ne pas vous laisser embringuer - Ayez l’œil - et
pensez à trouver un beau sujet de Fugue réelle comportant des divertissements de bon
augure -
492 Amitiés à vous tous -
493 En grande hâte.
494 V.
495 Vous n’avez pas répondu à une de mes questions : Est-ce que Jeannot Le Flem - est oui
ou non à Paris ? Faites-moi savoir - Je veux lui envoyer quelque chose. Merci.

40.

[New York] 16 - XII / 1934

496 Merci - Cher Ami - pour votre lettre recommandée du 2 cour[an]t - et pour manuscrit 201
(à la machine) Excusez les ennuis que cette commission vous a causé [sic] - mais j’ai
grand besoin de ma prose et suis heureux que votre persévérance ait réussi -
497 Maintenant je procède par ordre selon teneur de votre lettre.
498 Paris C’est de divers côtés - par des amis français aussi bien qu’étrangers que j’ai été mis
au courant du marasme202 qui y sévit - Ici ce n’est pas folâtre non plus - mais on sent
quand même que des demains sont possibles et que la vie n’est pas limitée seulement
par la pompe nécrophile et le culte des ancêtres -
499 J’ai plusieurs choses en train dont je vous parlerai (prochainement j’espère) dès qu’elles
commenceront à se réaliser - Je gratte d’arrache-pied - Le moral n’a jamais été aussi
bon - surtout depuis que je suis à une diète très sévère à base de viande et de salade
(peu d’huile - mais vinaigre et citrons à volonté) - Ceci me remet sur pied - et retape ma
vésicule - pas de drogues - mais nourriture dosée et pesée avec précision - La radio a
révélée [sic] - une vésicule très enflée et enflammée - pas de calculs (j’ai donc bien fait
de bûcher les mathématiques) - Les Médecins ne veulent pas opérer et assurent me
guérir - J’ai vu un des grands pontes d’ici - Ce sera long - je m’en fous - et j’emmerde les
cafards passés - qui m’ont fait perdre tant de temps - De Nabele Ce n’est pas une
indiscrétion - Je veux tenter avec un camarade les possibilités de faire rapidement du
pèze - car ce n’est malheureusement pas la musique qui me paiera ma tôle ou [sic] je
76

puisse recevoir les copains - Mais par contre-coup - elle qui profitera de l’indépendance
matérielle et de l’absence de soucis - Merde ce que c’est compliqué -
500 [Lundi 17 - Je reprends lettre interrompue]
501 Artaud Suis désolé de le savoir dans la débine - surtout sensible et nerveux comme il est
- C’est dégueulasse quand on pense aux salopards sans ombre de talent qui sont
soutenus - et monopolisent les sinécures -
502 Stella va bien - Vous envoie ses amitiés - Aura une exposition en Janvier Le Flem Mon
meilleur souvenir à eux tous - Laissez-moi savoir où est Janot 203 - Je veux lui envoyer
une petite babiole - Merci.
503 Le succès de Roussel ne m’étonne pas - Tant mieux pour lui - mais je suis heureux de
celui du bon Florent204 en U.R.S.S. Transmettez-lui je vous prie félicitations et cordiales
pensées.
504 Je suis navré de savoir Le Flem si bousculé à des besognes ingrates et indignes de lui - Il
est vrai que tout le monde n’a pas le genre d’un Ferroud205 ou la transcendance d’un
Cortot206 ou d’une Boulangère 207 - Quel immense fatras - Ils doivent être propres leurs
concerts intimes - intimes à sentir le panier à linge sâle [sic] - Mais mon pauvre vieux -
faut pas s’en faire - Partout et toujours ça a été la même chose -
505 Ici nous attendons le retour des batteurs de mayonnaise - La grande prima donna
Tosca(nini)208 le plus exaspérant exemple de la virtuosité primaire et pédante -
Souhaitons qu’il crève bientôt209 - ou plutôt qu’on se décide à l’enterrer - car il y a fort
longtemps qu’il est mort - mais il ne le sait pas - Ceci s’applique aussi à d’autres
virtuoses de notre connaissance - cadavres blafards et ambulants -
506 Fried Ça ne m’étonne pas - Dans le fond c’est un lamentable gâteux (de naissance)
cachant sa pauvre nature sous le masque de la muflerie - Dangereux comme tous les
gens bêtes - car si souvent une certaine intelligence (ou plutôt roublardise) peut s’allier
à la vacherie - la bêtise est toujours méchante -
507 Protégé de Mme Monteux 210 - Pas la peine de la convaincre - Ne faites l’aumône de votre
sincérité qu’à bon escient - Souvenez-vous de Dante211 : « Ne t’occupe pas d’eux -
regarde et passe ».
508 Freed L’ai aperçu une ou deux fois - Il bricole et tâche de se débrouiller - Nous
n’évoluons pas dans les mêmes milieux. C’est dommage car il est gentil. Migot J’ai
toujours eu de la sympathie pour lui - Il est à déplorer que la majorité de nos collègues
n’aient ni sa finesse - ni sa culture - Ils feraient bien en tout cas de modeler leur
attitude sur la sienne - Quand vous le reverrez, mon amical bonjour.
509 Alberti Dites-leur combien je me souviens avec plaisir de nos soirées madrilènes -
Glorieta de Bilbao212 et visites jambonesques et œnoligiques [sic] - Je souhaite que tout
se tasse chez eux - comme ailleurs aussi - ici surtout où les jeunes cons fascistes
commencent à se sentir pisser. Mais le jet ne monte pas très haut : ils ne sont encore
[pas] arrivés à crever un œil à une étoile -
510 Vu Salzedo samedi soir - Il ne pense pas pouvoir mettre votre Trio sur pied - pour cette
saison il n’en est même pas question - Il m’a dit vous avoir écrit en détail à ce sujet -
Continuez votre transcription - Salzedo trouve que c’est une bonne idée - A son point
de vue la substance de votre boulot dépasse la limite sonore des instruments choisis - Je
pense qu’il y a du vrai - car la harpe et la flûte dans le grave ne portent guère - et
n’offrent pas les ressources que vos dynamiques réclament -
77

511 Guighy Content que sa santé s’améliore - Je l’entends rouspéter. J’espère que la solution
changement d’école ne se fera pas trop attendre.
512 Félicitations pour avoir été refusé par la bande SIMC213.
513 Vous écrirai dès que mes trucs sembleront se réaliser -
514 Les fêtes de Noël qui paralysent tout ne sont pas faites pour activer les dénouements -
515 Je recommence Equatorial - version de concert (et probablement aussi chorégraphique)
définitive qui sera donné [sic] en Mars et enregistré je compte - Ensuite reprise
d’Espace, et d’un autre boulot en voie de conception - Beaucoup de temps
malheureusement gaspillé à gagner la matérielle - et en courses et palabres - Les
contacts doivent être gardés et pour ça il faut payer de sa bête.
516 Tous nos vœux pour vous - les Vargas - Alberti - Carpentier 214 - De Nobele - Maigret 215 -
etc etc etc -, et notre bonne amitié à vous deux.
517 Votre Varèse
518 Vos Mélodies Hier soir réunion du Comité du International Exchange Concerts - Si le
concert en vue - (décidé en principe) a lieu au printemps elles seront inscrites au
programme - Les 2 choisies par vous - Nous aurons dans ce cas un orchestre de 36 - (par
2). Je les ferai donner avec cordes renforcées - Nous avons comme plan 6 répétitions -
Elles seront répétées aux petits pois - et bien chantées.
519 [note écrite sur papier à en-tête Edgar varèse, mais non datée]
520 [au recto]
521 Mélodies - 2x4 - Check up and correct material - according to score -
522 [au verso]
523 Modifications en rouge - (mélodies 2x4) pour orchestre ne possédant qu’l instrument de
chaque famille - faites par moi - en vue d’une tournée organisée par un orchestre de
chambre ainsi composé - La tournée a été abandonnée - La soliste (soprano) de qui en
grande partie cela dépendait, ayant dû pour cause de maladie partir en Californie -
524 V.
525 Salzedo me dit que le Trio vous a été renvoyé - Confirmez -

41.

[New York] 5 - VI / 1935

526 Merci - Cher Ami - pour votre mot du 27-5 - et toutes nos félicitations pour l’arrivée du
citoyen P.A.J.21614
527 Nous souhaitons savoir Guighy totalement rétablie - d’attaque pour se mesurer avec
d’héroïques couss-couss - et pour leur mettre (selon son expression) le pied au cul.
528 Content que Ionisation217 vous intéresse - Tachez [sic] de l’entendre sur un bon appareil
- un appareil de Bertrand218 si possible - Le résultat d’enregistrement aurait été bien
meilleur - au point de vue spatial surtout si les ingénieurs du son avaient suivi mes
conseils - Enfin tel qu’il est le disque est très en demande et se vend bien - Il paraît que
c’est formidable le nombre d’exemplaires achetés par les « composers and Jazz
78

arrangers and orchestrators » tout en continuant à me piller - ils préparent la voie et le


public - C’est donc qu’ils sèment pour moi -
529 Je suis heureux de votre association avec Le Flem et Migot 219. Je ne connais pas les
autres deux - mais suis sur [sic] que votre choix est judicieux - J’espère que votre
association sera agissante et arrivera à contrebalancer les effets pernicieux et négatifs
des Tritons et autres Sérénades220. De par son nom la Boulangère221 se doit de devenir la
Muse Nationale du Four - Jusqu’ici au point de vue artistique - elle et ses complices ont
bien réussi - Ce sont les radis crottes-socialistes de la Musique (! ?) 222 dont Mr Cortot est
le Coty - J’ai b[eau]c[ou]p travaillé cet hiver - esquisses. Je finis de récrire Equatorial -
Vous enverrai une copie à l’automne -
530 Ai fait des études de Chœur - des Etudes - projets - sur les projections - expansions en
spirales etc etc - dont vous verrez résultat dans les œuvres qui vont venir - Travaillé
aussi dans des laboratoires - Enfin, j’ai repris pied complètement et rattrapé les 5
années d’absence -
531 Avec Freed, Salzedo et d’autres, nous travaillons à un projet de front commun - alliance
des compositeurs de gauche. Vous tiendrai au courant - et peut être y aura-t-il
possibilité de collaboration avec votre groupe -
532 Suis très bousculé, mais ai voulu vous répondre de suite.
533 Votre lettre m’a fait plaisir - Bon souvenir à tous et toutes -
534 Notre fidèle affection à vous 2 - et les amitiés de Louise et mes compliments
respectueux à Madame Guighy223 = dame - régente - empérière224 de la sublime cuisine.
535 Votre V.
536 [en haut, à l’envers]
537 Bonjour à Gaillard225 - aux P.L.F. 226 - Migot - etc etc et bons vœux pour le nouveau
groupe227 -
538 [au dos, au crayon, mot de Louise]
539 Contente, chers amis, de l’heureuse arrivée de l’héritier ! Vous avez du [sic] fabriquer
quelque chose de bien solide intéressant et beau !
540 Je suis tout à fait surprise et touchée par la dédicace228 ! Merci Jolivet.
541 Affectueusement,
542 Louise

42.

[New York] 19 - VII / 1935


Lettre traversée par une flèche Pré-Colombienne avec les remarques : au bout de la
flèche : « Notez son élégance et sa sveltesse » à la pointe de la flèche : « Sommes en
pleine vague de chaleur - Louise fond et n’en peut plus - À part cela ça colle - Je vis
à poil et me trouve O.K. »

543 Cher Ami -


544 Il est presque certain que j’aurai 2 concerts - très importants de musique moderne - la
saison prochaine - et dans les meilleures conditions - c.à.d. exécutants de 1 er ordre -
79

autant de répétitions que je jugerai nécessaires - Comme chefs je demanderai 2 jeunes -


à qui on imposera les œuvres et leurs styles - Plus de prima donna - ou secoueurs de
panier à crottes - Les concerts diffusés-J’inscris aux programmes 2 de vos chansons 229 -
Veuillez m’envoyer notice sur vous (courte biographie - liste des œuvres etc) ce qu’il
faut pour rédiger les notes de programme -
545 Je tiens à faire jouer quelque chose de Migot - Demandez-lui qu’est ce qu’il pourrait
m’envoyer d’une durée de 10 à 12 minutes maximum pour 1 Fl - 1 Htb 230 - 1 Cl[arinette]
- 1 basson - 1 t[rom]pette - 1 cor - 1 tuba - 2 violons - 1 alto-1 V.C 231 - 1 C.B 232 -
percussion - piano et harpe (ad libitum) - s’il en a besoin - Demandez-lui de joindre
notice biographique analogue à la vôtre - Naturellement je souhaite du dernier Migot
représentatif de ce qu’il fait maintenant -15
546 Voilà - Vous êtes une déconcertante vache de me laisser sans nouvelles - et de ne pas
me tenir au courant de ce qui se passe d’intéressant en ce moment à Paris -
Heureusement que d’autres amis sont moins touchés par la paresse littéraire - et que je
suis renseigné par les périodiques français que je trouve à N.Y. -
547 Je souhaite vous savoir en bonne santé - et vous présente ainsi qu’à la vertueuse
Madame Guighy (vertueuse d’après la détermination prise par elle aux dires de De
Nobele) et à votre belle-mère233 l’assurance de ma considération impubère et distinguée
-
548 V.
549 [sous la signature, une râture transformée en rectangle intitulé « tâche stylisée »]
550 [un timbre de 0,40F a été joint à cette lettre avec la mention « découvert dans des
fouilles
551 portefeuillesques ».]
552 [mention au crayon rouge] T.S.V.P.
553 Au moment de cacheter ma lettre - la votre [sic] du 27 Mai - (à laquelle j’ai répondu le
5-6234 me tombe sous les yeux.
554 Vous ai-je dit que Louise était très touchée par votre dédicace235 ! Si non : excuses - Si
oui : Re-Merci -
555 Au Laboratoire l’autre soir j’ai trouvé en 5 minutes la solution d’un problème que les
ingénieurs cherchaient depuis 2 ans sur les perspectives du son - Malgré les
oscillographes dans les laboratoires - ou les oreilles microphoniques des chefs
d’orchestre : Toscanini - Monteux et autres - la musique piétinera dans la merde pour
longtemps - Le seul salut : quelques créateurs possèdent l’oreille intérieure -
Beethoven236 en est le prototype - et je crois que sa surdité au monde matériel a été
pour lui une bénédiction - et la source d’un nouveau concept sonore -
556 Je fais des progrès inouïs - et me sens si sur [sic] - que toute nervosité a disparu - Je ne
pense qu’à travailler et à réaliser - et Dieu sait si j’en sali [sic] du papier - sans me
préoccuper du résultat matériel d’exécution - Ça viendra - Et puis j’espère dégotter un
bon boulot - indépendance absolue - et possibilité de dire merde à qui me plaît - Il est
vrai que rarement je me suis privé de ce plaisir - Mais avec une position matérielle
solidement établie - vous verrez les petits copains et aubes chefs de fanfare radiner -
Pour eux ce sont les seuls arguments persuasifs - Seulement la porte ne s’ouvrira pas
souvent - Paris m’a révélé - plus que n’importe quel pays la muflerie - mais d’un aube
80

côté m’a enseigné l’application de la thérapeutique adéquate - et les ribouis 237 made in
U.S.A. sont de qualité admirable -
557 Travaillez - J’espère que votre association ne tardera pas à se manifester de façon
constructive - Dites à M.F. Gaillard que je lui garde un souvenir amical et reconnaissant
- et que je n’oublie pas qu’il a été le 1er à me présenter à Paris.
558 Vous êtes gentil de penser à Octandre238 - mais mes vieux navets ne m’intéressent plus
et (ne le prenez pas en mauvaise part) - je m’en fous éperdument de l’hospitalité que
Paris daigne ou refuse accorder à ma pacotille - Paris ne m’a jamais admis que comme
touriste - J’y reviendrai comme tel - lui laisser mon pourboire - lorsque la situation
phynancière [sic] le permettra-Je regrette mon dégoût pour la Ville - Poubelle - car les
amis que j’aime le mieux s’y trouvent - malheureusement il faut faire sa vie de chaque
jour... et ceci est une histoire que vous tous aussi connaissez par cœur -
559 Ou [sic] passez-vous l’été ?
560 Excusez mot écrit ventre à terre - Il est 18h - Dois foutre le camp - En profite pour
mettre ma lettre à la poste - afin de ne pas rater le bateau -
561 [en haut, à l’envers]
562 Je vous envoie pour vous le seul exemplaire qui reste d’Octandre corrigé 239 - Dites-moi s’il
vous est parvenu -

43.

[New York] 8 - VIII / 1935

563 Merci - cher Ami - pour votre mot qui me parvient ce matin.
564 Je vois que Guighy et l’héritier se portent bien - et je souhaite que ce dernier connaisse
une ère meilleure dans un état social nouveau - Ce que j’ai lu des manifestations du 14
juillet est réconfortant si toutefois une organisation suffisante est à même de dominer
les événements - Les journaux d’ici se sont longuement étalés sur les 50 millions du
bouquet Laval240 - et sur les 10 qu’il compte donner comme dot à sa demoiselle -
Pendant qu’il tond le populo il ne doit sûrement pas s’appauvrir - Comme quoi les soi-
disant gauches ne perdent pas le sens boutiquier - lorsque la situation s’y prête - Je
vous inclus 2 photos prises par un ami sur le Normandie 241 : la structure extérieure -
(surtout vue de proue) est belle. Le Sun Deck spacieux - admirable - Mais N[om] de Dieu
- quelle marchandise que l’intérieur - Du Dufayel242 pédérasto-précieux - doré sur
tranches - pour rois nègres en goguette ou autres ministres de la 3 ème République
gonflés à bloc dans l’exercice de leurs pompeuses fonctions - Après tout « ce résultat de
l’art français n’est pas pire que les produits »243 des Officiels néo-classiques de tous âges
dans le domaine musical16 - Je suis content que votre Société 244 prenne corps et je lui
souhaite longue et prospère existence - Je me réjouis de vous savoir dans un milieu
d’individus propres - sérieux - pour qui la production de qualité - seule, semble
compter - et qui ne se soucient pas des grimaces à la mode et du snobisme qui s’y
rattache - Je suis aussi content que vous ayez la collaboration de M.F. Gaillard qui est
capable d’enthousiasme et refuse les limites épicières - et les ordres des différentes
écoles (primaires) qui régissent Paris. A propos de Paris et de son hospitalité - vous
m’avez mal compris - Je vous ai dit que je regrettais qu’elle me soit refusée - car c’est
81

dans ma ville que se trouvent ceux plus près de moi - et dont l’absence me fait grand
défaut - Donc rectifiez - et comme nettoyage de roubignolles245 - adoptez-en [un] 246
autre que la bave de votre correspondant -
565 Je vais dîner en ville avec des amis - et me rincer la gueule au vin d’Alsace. (La Çuite 247
au prochain N°)

566 [en haut, à l’envers]


567 [au verso de la lettre précédente]

13 - VIII /1935

568 For the sake of your record248 - ça va plus vite en anglais - : l’Alsace était du Chablis -
569 Je reprends le mot interrompu - et réponds par ordre à votre lettre : § par §. Content
que Bertrand249 vous plaise - C’est un chic copain - qui malheureusement n’occupe pas
la place à laquelle il a droit - et à qui les moyens matériels ne devraient pas manquer
pour mener à bien ses expériences.
570 Tomasi me paraît (ou m’a paru) être un adroit chef d’orchestre, débrouillard - un de ces
chefs qui vous épatent - par les résultats qu’ils obtiennent en 1 répétition - mais qui
sont bien gênés - et ne savent quoi faire des répétitions ultérieures - celles ou [sic] l’art
du vrai chef d’orchestre se manifeste - Comme compositeur nous n’en parlerons pas :
les absents ont toujours tort - et nous ne sommes pas mufles -
571 Bernouard250 Je le croyais passé à gauche - Quant à Carco 251... je pensais qu’il était classé
depuis longtemps - Académie - etc.. C’est curieux comme il y a des choses qui ne
franchiront jamais les fortifs : la majorité de l’art français d’aujourd’hui - et toute sa
production musicale (les exceptions sont toujours là pour confirmer la règle) ; les 2 -
malgré leurs efforts pour plaire n’arrivant même pas à s’élever à la hauteur de l’article
de Paris pour exportation - couture - parfums.
572 Freed Est à la campagne - C’est un gentil copain - franc - et pas combinard au détriment
des autres -
573 Bavage sur roupignolles252 : Voyez 1 ère page - et croyez que je suis sensible aux
manifestations d’amitié - Je suis un type qui ne lâche pas - car je prise fort la loyauté -
574 Slonimsky253. Je ne sais encore - Entre nous : il est bien faible - sans espoir de
développement - C’est un faux départ - à rester en route - mais gardez ça pour vous -
Roublard - mais pas vraiment intelligent -
575 Chabrier Non je n’ai pas lu sa correspondance : je n’en connais que quelques exemples -
qui m’ont mis en appétit - Oui ce devait être un chic bougre - Artaud Suis au courant de
son four254 - Ce que vous me dites ne m’étonne pas - mais corrobore certaines
observations - Quant à Désormière, c’est un pauvre petit calicot - jeunesse patriote -
même pas action française255 - Son culte de St Saëns doit lui venir de son entraînement à
emboucher la flûte - Vacances : N.Y. malgré la chaleur qui tape - et l’humidité
gélatineuse - Ma présence était nécessaire ici - Je travaille dur à me démerder
matériellement - La pauvre zizique à l’arrière plan - mais N[om]. de D[ieu]. je me
82

rattraperai dès que l’indépen[dan]256ce alimentaire - commencera à montrer l’oreille -


Suis en bonne forme - excellente santé - maître de ma force-Je ne crains donc rien car je
suis en bon rapport avec moi-même - ce qui est fort important.
576 Spirale sonore257 me plaît and fits into the expanding Universe (re-plus facile en anglais).
Eddington258.
577 Voilà - votre lettre répondue - Aujourd’hui je travaille pour moi - Peut-être irons-nous
dans 2 ou 3 semaines passer une 10ne de jours à la montagne - ou sur l’océan - Tout cela
est vague et indécis - Mais nous arrangerons q[uel]que chose - car le besoin
d’emmagasiner du bon air se fait sentir -
578 Reçu carte de De Nobele - Ecrivez -
579 Amitiés à tout le monde, et des 2 aux 2 aff[ectueusemen] t.
580 Votre V.
581 Compliments à Mme Guighy.
582 Savez-vous ou [sic] R.C. Martin259 a décidé de faire sa résidence estivale ?
Coullioures260 ? Poligne261 ? J’ai reçu un mot de lui me racontant sa visite. Il a
b[eau]c[ou]p de sympathie pour vous - Voulez-vous me fixer au sujet de R.C. Martin ?
Thanks.
583 Naturellement mes amitiés à Bernouard - et mes remerciements au sujet de la diffusion.
584 Franchement je crois le disque trop mauvais pour ça -

44.

22 - IX / 1935
Carte postale - St. Johnsbury, VT.

585 3 semaines de vacances - dans le Nord près du Canada -


586 Rentrons à N.Y. la semaine prochaine reprendre le boulot -
587 J’ai bien peur qu’on soit en train d’entrer dans la mélasse -
588 Donnez nouvelles -
589 Vous écrirai de N.Y.
590 Affectueux souvenir.
591 V.
592 Même Varèse aime cette campagne-ci. Miracle !
593 Affectueusement
594 Louise

45.

[New York] 22 - X / 1935

595 Cher Ami -


83

596 L’International Exchange Concerts dont je suis un des commissaires permanents pour
les U.S. organise une série de concerts de musique de chambre - limités for the time
being262 - aux cordes : quatuors - quintettes - trios - sonates avec ou sans piano - pièces de
piano - mélodies avec piano - quatuor - etc - Peut-être un ou deux pianos pourraient
être considérés - Vocalistes263 et instrumentistes 1 ère qualité. L’I.E.C. est une société
basée sur la réciprocité -
597 Je vous prie de vous mettre en rapport avec vos collègues du Comité de votre Société 264
- de leur demander s’ils consentent à présenter dans votre série un programme
exclusivement composé d’œuvres de musique de chambre de compositeurs d’ici 265 -
dont nous vous enverrions de suite matériel - parmi lequel vous choisiriez ce qui vous
convient - De votre côté vous nous feriez parvenir au plus tôt - avec acceptation de
réciprocité pour cette saison - partitions et parties des œuvres par vous choisies pour
ensembles sus mentionnés - C’est urgent - Je vous prie donc de faire diligence et me
communiquer dès que possible décision. Je pense que Migot - Le Flem - vous -
Messiaens [sic] - Gaillard et quelques autres camarades de votre groupe fourniraient un
concert intéressant - comme valeur et nouveauté.
598 Ci-joint snap shot266 pris il y a 4 semaines (donc d’actualité) pendant notre séjour en
Vermont près de la frontière canadienne.
599 Excusez - mot écrit ventre à terre - Suis sous pression - en plein boulot - et ne veut pas
râter le courrier.
600 Merci à De Nobele pour son mot - Vais lui écrire dès qu’aurai un moment de répit - Mes
amitiés à lui, à Irène Joachim267 et à tous les camarades.
601 Aff[ectueusemen]t à vous 2.
602 Varèse
603 Affectueux souvenir à P.L.F. et cordial bonjour (comme on dit dans le Midi) aux
Collègues de votre groupe -
604 Pour vous : Les concerts sus mentionnés sont en dehors de ceux ou [sic] j’espère caser
vos mélodies.

46.

[New York] 25 - X / 1935


Carte-lettre
(avec mention de Jolivet : Répondu le 15 novembre)

605 Cher Ami,


606 Je vous confirme mon mot de Mardi dernier -
607 Vous ne m’avez jamais fait parvenir notice biographique - vous concernant - et exposé
de tendances - projets - etc etc - que je vous avais demandé il y a plusieurs mois déjà - Si
jamais j’arrive à vous caser - cela pourrait être ennuyeux le moment venu de ne pas
avoir ces documents à portée de main pour les programmes et advance press notices 268.
Alors n’oubliez pas - C’est dans votre intérêt - Répondez aussi s[’il].v[ous].p[laît], dès
que possible à ma lettre - Espère que tout colle pour vous et que vous êtes tous 2
contents et en bonne santé -
84

608 Bien amicalement et souvenirs aux copains -


609 En hâte -
610 V.

47.

[New York] 13 - XI / 1935

611 Merci - cher Ami - pour votre mot du 5 cour[an]t reçu ce matin -
612 Spirale sonore269 Content que Migot soit d’accord - Mais il est de toute urgence que nous
recevions au plus tôt confirmation officielle - à savoir : concert de réciprocité garanti
pour cette saison - ainsi que matériel - Alors soyez gentil de me tenir au courant le plus
vite possible - afin que j’en réfère à mes collègues du comité - et en cas d’affirmative -
comme je le souhaite que nous fassions de suite mettre à l’étude et en répétition les
œuvres par vous envoyées - N’oubliez pas de faire mettre (pour éviter formalités et
frais de Douane) sur 1ères pages de toutes les œuvres : property of International
Exchange Concerts - et adressez :
613 INTERNATIONAL EXCHANGE CONCERT
614 C°/ Edgar Varèse
615 188 Sullivan St. N.Y.C.
616 Mélodies J’aimerais ne pas me dessaisir de votre matériel - Vos mélodies seront jouées -
je vous le promets - mais ne peux et ne veux fixer de date - car je tiens à ce qu’elles
soient présentées dans les conditions idéales - et je ne voudrais rater l’occasion
lorsqu’elle se présentera - faute de matériel - Faites donc un effort pour vous en
recopier un pour les besoins de là-bas. Content de vous savoir déménagé dans le vieux
quartier de St Germain270 qui est un de ceux qui me bottent le plus de Paris - et puis cela
vous rapproche de De Nobele - et du centre d’action.
617 Suis en plein boulot - Bousculé - mais en magnifique forme morale et physique -
Costaud et heureux - je fais de bonne besogne - Vous écrirai un de ces jours à ce sujet.
618 J’attends donc votre mot - et avec Louise, vous embrassons tous les 2 - Salutations
distinguées
619 au lardon271 et cordial souvenir aux copains.
620 Votre Varèse
621 Mon style est détraqué - Balais à pot de chambre - pouvant servir de brosse à dents aux
néo-classiques -

48.

20 - XI / 1935
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

622 Cette lettre est très abondamment annotée par Jolivet. Il est indiqué qu’il y a répondu le
13/12/1935.
85

623 [au recto] Pour Radio faire agir Ambassadeur


624 Autre exemplaire mélodies Ives
625 Éc. le 12/12/1935, analyse Mana
626 [au verso] liste de titres d’œuvres avec durées
627 sans mention des auteurs
628 Cher Ami -
629 Reçu ce matin votre mot du 8 - vous confirme mien du 13 -
630 Ai communiqué par téléphone avec les collègues - Tous heureux qu’une bonne
coopération s’établisse - Attendons envoi de vos œuvres afin de mettre en répétition de
suite. Le concert est fixé au Lundi soir 17 Février272.
631 Cowell273 vous envoie directement par ce courrier des œuvres de Ives 274 - Weiss 275 -
Cowell - Crawford276 - Riegger277 - Freed vous prie de demander à Eschig278 (à qui il écrit)
un exemplaire de sa Sonate pour piano - Mon ami Harrison Kerr 279 vous envoie
personnellement manuscrit de son quatuor à cordes. Vous choisirez parmi ces œuvres.
632 Entre nous je considère que Freed, Ives et Kerr doivent absolument figurer au
programme - Je suis d’ailleurs sûr qu’après la lecture des œuvres vous vous rangerez à
mon avis - et championnerez280 ces 3 compositeurs - le cas échéant -
633 Je vois que mes recommandations - en ce qui concerne la douane - étaient superflues -
et que vous n’avez pas oublié ce détail - Faites donc l’envoi à votre façon comme
d’habitude -
634 Je vais m’informer des personnalités américaines à Paris. Il ne doit pas en rester lourd -
Il m’arrive fréquemment de rencontrer des amis de labas [sic] installés ici actuellement
et qui il y a q[uel]ques années juraient que rien ne pourrait leur faire quitter Paris... Ils
ne prévoyaient pas le $ dirigé281 - Enfin je ferai de mon mieux -
635 Pour le reste - mon mot du 13 couvre le champ.
636 Je turbine dur - et bois b[eaucou]p d’excellents Moselles et Alsaces [sic] - Je connais le
bistrot Lorenzi282 - et vous envie d’en avoir l’usage car vous savez combien j’aime ces
lieux - et m’y trouve à l’aise -
637 Amitiés à De Nobele - et à sa bande qui m’a l’air fort sympathique - et amitiés aussi à
tous les autres copains -
638 Aff[ectueusemen]t à vous 2
639 Varèse
640 Voyez vous quelquefois les Vargas - Carpentier - la bande littéraire des 2 Magots 283 ?
641 Envoyez de suite s.v.pl. pour chacun des compositeurs dont vous expédiez œuvre :
courte notice biographique - et analyse de la composition - Très important -
642 Je compte donc sur votre sens organisateur pour cela - Merci

49.

[New York] november 24th / 1935


Sur lettre tapuscrite de Harrison Kerr284, mot au crayon de Varèse
86

643 Cher Ami -


644 Vous confirme ma lettre d’avant hier -
645 J’attends votre envoi - et souhaite voir l’œuvre de Kerr inscrite au programme
646 Merci - Aff[ectueusemen]t à vous 2
647 Varèse

50.

4 - 12 / 1935
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street New York City

648 [en haut, à droite, à l’encre rouge]


649 J’aime bien la citation guiguièsque - qui figure en Mana [sic]. Offrez un verre de vin à ce
charmant vieux sage du désert285 -
650 Cher Ami -
651 Merci pour votre mot du 8-11 - et pour celui du 15 m.m286
652 Reçu il y a 4 jours :
653 Sciortino287 : - Quartiers populistes - Agresties
654 Messiaen : - Thème et variations - Fantaisie burlesque
655 Lefèbvre288 : - Quatuor - partition - parties -
656 Ce matin :
657 Migot : - Concert - Livre Danceries - Suite
658 Jolivet : - Mana
659 Delbos289 : - Primevère
660 Lesur290 : - Yeux fermés - Harmonies intimes - Scène Passion - Bagatelle - La mouette -
661 Pas de Le Flem - et ceci est emmerdant - car il faut mettre en répétition de suite et L.F.
291 figure d’office au programme - Téléphonez-lui de faire diligence car le pianiste est à

N.Y. et le Quatuor de Philadelphie292 - ... chez eux - ce qui ne facilite pas les choses au
cas où le quintette soit choisi - Mieux passez-vous même [sic] chercher les musiques et
envoyez - ou câblez pour faire savoir si nous ne devons pas compter sur elles - car je ne
puis garder mes gens en suspens - et le quatuor se refuse à jouer les œuvres qu’il ne
possède pas à fond - ce qui est chic et rare par les temps actuels-Je m’en remets à vous :
spirochète sonore, œnophile et dynamique -
662 J’espère que notre envoi fait par Cowell est parvenu - Kerr a envoyé son quatuor. 17
663 Tous les américains sur qui on pourrait compter et que je connais - (ainsi que nos amis)
sont rentré [sic] - et je ne vois pas à qui je pourrais vous adresser à Paris - Je vais
toutefois encore m’informer -
664 Tâchez de régler la question Le Flem dès que possible - Je tiens à l’avoir au programme -
mais naturellement ne puis être plus papiste que S. S293. Le programme - hors vous et
Migot - et P.L.F. - sera décidé dans une 10ne -
665 Envoyez les P.L.F. de suite - Merci -
87

666 Aff[ectueusemen]t à vous 2 - amitiés aux copains


667 En hâte
668 V.
669 Envoyez photo du petit bistrot - et photo de la bande au complet en train de se rincer la
gueule dans ce sympathique lieu294 -
670 [note sur le côté droit]

51.

4 - 12 / 1935
sur papier à en-tête de « The New School for Social Research »,

66 W Twelfth St New York295

671 Cher Ami -


672 Vous confirme lettre de ce matin -
673 Il est 6h venons d’avoir notre meeting - Voici décision -
674 Acceptés - Jolivet - Migot qui sera joué par Barrère-Salzedo-Britt - Le Flem - dont on
réclame immédiatement la musique - surtout quintette - et Sonate - Le String Art
Quartet de Philadelphie296 présentera l’œuvre - avec un des meilleurs pianistes d’ici. Mr
Cohen - leur 1er violon et chef assistait au meeting.
675 Les membres du Comité297 veulent compléter le concert par un quatuor à cordes - mais
désirent une œuvre représentative d’aujourd’hui - Voyez donc ce que vous pouvez
trouver - de plus dynamique - de plus osé - Toutes les audaces sont bienvenues par le
String Art Quartet - Nous comptons sur vous - qualité d’œuvre - entre nous envoyez ce
qu’il y a de plus significatif sans distinction d’amitié ou d’école - Je compte - nous
comptons absolument sur vous - ainsi que pour le Le Flem - que nous attendons au plus
tôt - afin de commencer à répéter -
676 Aff[ectueusemen]t en toute hâte
677 V.
678 [sur le côté gauche]
679 Les camarades présents à qui je viens de traduire ma lettre y souscrivent et comptent
sur vous - C’est d’ailleurs à leur requête que je vous transmets décision

52.

5 - 12 / 1935
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

680 Cher Ami -


681 Reçu ce matin paquet contenant les Le Flem - et 1 Lesur. Merci.
682 Tout va donc pour le mieux.
88

683 Je vous confirme mes 2 lettres d’hier298 -


684 Tenez vous en à la 2 nde - Il nous faut absolument de suite un quatuor up to date 299 pour
balancer le programme - Le Comité trouve que celui de Le Febvre (ceci n’a rien à voir du
tout que300 talent ou qualité) ne représente pas assez l’époque d’aujourd’hui - Quant au
reste ça ne va pas ici - On veut des œuvres fortes vivantes - audacieuses - On en a marre
de la mièvrerie française - ou passant pour telle - (Vive la Bourgogne - ses vins - et ses
trous ducs - et Merde pour Paris) et l’art évoluant entre la rue de la Paix ses parfumeurs
- couturiers - et les salons prétendus intellectuels où trone [sic] Mr Paul Valéry ou ce
sinistre Willy301 sublimisé : L. Paul Fargue -
685 J’étais très heureux hier - À l’unanimité - votre musique a été proclamée la plus
intéressante à tous les points de vue : contenu émotionnel, écriture, sens de densité
sonore - Je voyais Guighy se rengorgeant et montant sur ses ergots - Ordonnez-lui de
ma part de vous préparer un sublime couss-couss que vous dégusterez en compagnie de
De Nobele et Irène Joachim dans l’anticipation de votre 1 er succès New Yorkais -
Comptez sur moi - votre boulot sera présenté aux petits pois.
686 Occupez-vous de suite pour le quatuor.
687 À tout hasard je mets un mot à Martelli C/o Revue Musicale 302 - lui demandant s’il n’a
rien - ou si parmi ses copains... etc etc -
688 Enfin prenez la chose en main - décidez - même, si non de votre groupe, trouvez - Je
vous l’ai dit : Mana, Concert pour Harpe Fl. Cello (Migot), Quintette (Le Flem) - voici les
œuvres choisies. Il faut un solide quatuor pour balancer programme - (à la rigueur -
trio - ou autre quintette) mais quelque chose de bien culotté - ou mieux déculotté - Si
les organes intimes (façon de parler) en valent le jus (autre façon de parler)
689 Alors bonne couss-coussade - Meilleur arrosage du dit - mes amitiés à F.d.N. 303 et à la
charmante I.J.304 et aux autres copains - natürlich -
690 À vous 2 aff[ectueusemen]t
691 Varèse

53.

24 - XII / 1935
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

692 Cher Ami -


693 Reçu hier vos 2 lettres du 12 et du 14 - Thanks.
694 Téléphonez de suite pour vous assurer si De Nobele a reçu mon câble envoyé dès
réception de sa lettre - Samedi 14 - ainsi qu’il le désirait -
695 Programme J’ai reçu un mot de Migod [sic] que je vous inclus - Expliquez-lui que je tiens
à présenter un programme pommé - varié - intéressant dans ce sens - Je veux
absolument éviter la monotonie - ce qui n’a rien à voir avec le talent des œuvres - ainsi
que je vous l’ai dit - Ayant le quintette de P.L.F. pour terminer je tiens à ouvrir le
programme avec une œuvre qui contraste305 - Je crois agissant ainsi me tenir à l’esprit
de votre manifeste306 paru dans les tablettes de la Schola - Migod [sic] n’a donc rien à
craindre quant à sa situation vis à vis des copains. En plus les œuvres non inscrites au
89

1er programme - passeront à d’autres - soit à N.Y. soit dans les autres branches que nous
avons dans tous les grands centres de l’Union - Pour la réciprocité agissez de même.
Mon choix personnel correspond au votre : Kerr - Ives - Riegger - Freed - Weiss 307 -
Complétez donc le programme comme vous l’entendez - et surtout qu’on ne fasse pas
une question de chapelle - qui n’a rien à voir avec nos buts - Je ne connais pas le trio de
Quincy Porter308 - Faites donc à ce sujet ce que vous jugerez convenable - Ceci s’applique
à toute œuvre que vous jugerez apte à former un bon programme - J’espère que le Kerr
vous est parvenu - sa durée est 19 minutes -
696 Je pense que mes explications effacent tout possible malentendu - Que les camarades se
rendent compte - que nous agissons pas [sic] en juges de leurs œuvres - mais que nous
n’en considérons le contenu que relativement à la rédaction d’un programme
organique et vivant - Migod [sic] doit savoir par expérience - que deux tableaux sur le
même panneaux [sic] - même lorsque créations de génie - se neutralisent - et se
détruisent réciproquement - fort souvent - D’ailleurs j’ai une assez grande expérience
dans ce domaine - et vous pouvez - me connaissant - être assuré que j’agis dans l’intérêt
général Je vous écrirai au sujet de Mana. Suis pressé. Dois aller à la gare comme
membre du Comité d’honneur, recevoir le chœur de Lincoln - Nebraska - qui a son
concert ici Vendredi - et arrive par train spécial de Washington - après avoir été
sérénader [sic] le Président - Ci-joint annonce -
697 Suis sur le Comité avec le Général Pershing309 et Lily Pons310 - Quel cocktail ! Demandez à
P.L.F. de m’envoyer immédiatement ce qu’il a de publié pour Chœur mixte - Je le ferai
chanter.
698 En hâte aff[ectueusemen]t à vous 2
699 V.
700 Amitiés aux copains et aux autres lièvres royalistes.

54.

26 - XII / 1935
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

701 Cher Ami -


702 Suite à ma lettre du 24 -
703 J’ai téléphoné à Madame Hoffmann-Behrendt311 - la pianiste allemande - réfugiée à
cause de la race de son mari - l’architecte. Cette pianiste a été à Berlin la grande
interprète de Schönberg - Toch312 - et Hindemith 313 - dont elle a b[eaucou]p joué les
œuvres ici aussi - Elle vient de donner un récital consacré à l’œuvre pianistique
complète de Schönberg.
704 Je sais que Mana - et le quintette de P.L.F.314 ne pourront souhaiter plus honnête -
profonde et respectueuse présentation - tant musicalement que techniquement - Vous
serez tenu au courant - Elle viendra me voir après ces bordels de fêtes - qui puent le cul
mal lavé - et les sons de bars douteux et sentimentaux -
705 Octandre - Merci - mais non - Je vous l’ai dit, je ne tiens à être joué à Paris - Dans un ou
deux ans - lorsque certains centres européens organiseront - comme il le faut - des
manifestations qui j’espère se réaliseront - on en reparlera - Il y a d’ailleurs des chances
90

qu’à ce moment surtout je m’en fouterai [sic] davantage encore-Je vous l’ai dit - La
seule chose qui me fera un de ces jours refouler le macadam de Paris : venir y saluer
mes amis. Pour le reste vous savez mon dégoût pour cette nécropole - et mon horreur
de l’esprit ! parisien - Et drôle de contradiction - les camarades que j’aime le plus s’y
trouvent - donc je vous prie - ne jouez rien de moi - cela créerait des interférences avec
mes plans -
706 Je pense qu’au reçu de la présente vous aurez revu Migot315 - et que mes explications lui
auront enlevé tous scrupules et craintes présidentiels - Je fais de mon mieux - et on ne
peut faire abstraction - des méthodes d’action qui diffèrent selon les climats.
707 Sur cette irréfutable constatation je refous le camp à ma table de travail - Il est 4 h - à 7h
00
un bon steak [sic] et une bouteille d’Alsace - et à 9 h -grand luxe - au pieu - car je suis
claqué - et si j’emmerde les corvées inhérentes à la nativité 316 - elle [sic] me rendent la
pareille en suçant ma vitalité - Sacrée Vierge Marie ! - protectrice de la France et de
tous les rois qui ont fait sa grandeur - comme cause Mr Daudet 317 et le pelliculeux
Maurras318 - Avez vous remarqué à propos de tous les Ras [sic] comme Haile Schasse 319
ressemble à Monteux ? avec une barbe miteuse comme symbole impériale.
708 Je vous souhaite la prospérité - afin que vous puissiez vous offrir le couscous qui
portera bonheur à Mana -
709 Sur ce - aff[ectueusemen]t à vous 2 - et au Fernandesque 320 souverain de la cité des
livres - ainsi qu’à son harem - entrée du quel est pour Mégret une descente à la cave -
ce qui en ce cas change les facteurs de pénétration - Ojalà -
710 V.
711 [sur le côté gauche]
712 Je n’écris pas de l’école 321 - mais j’ai tellement de cuivre pétaradant dans la tête - que
ma lettre est aussi mal torchée - Excuses et fécondité -
713 Je ferai imprimer le motto du Sage du Désert322 - dans les programmes... cette force qui
se prolonge...323 eh ! eh ! Voilà un fétiche qui doit connaître les succès féminins et
l’extase des petites morts tristanesques324 - du 2 è acte - Je souhaite qu’il n’en crève pas
au 3è

55.

5 I / 1936
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

714 Cher Ami -


715 Les parties du quatuor de Martelli325 me sont parvenues - Donnez lui un coup de
téléphone en mon nom pour lui en faire part - Dites que le quatuor désire partitions au
plus tôt pour répétitions -
716 Comme je suis à court de matériel - sauf Kerr - Ives - Weiss - Riegger et Fried 326 - je vous
fais - sur recommandation de Salzedo - envoyer Sonate pour piano par Bela Rosza 327 -
(américain malgré le nom). Voyez donc - et faites pour le mieux - Je vous ai écrit - et
pense que ma lettre vous est parvenue au sujet des Postes. Vous êtes sur place -
conscient de vos ressources - Conséquemment « it is up to you » 328 -
91

717 Voilà. Vos pièces sont en répétition - ainsi que Quintette et le Migod [sic] - Le Martelli
complètera le programme -
718 Amitiés à vous tous.
719 V.

56

6 février 1936 (timbre de la poste)


Carte postale-Barbizon-Plaza

720 Reçu vos lettres - Merci - O.K.


721 Connaissez-vous Mr. Serge Moreux329 - Place J.B. Clément, Villetaneuse (Seine) - Mettez-
vous en rapport avec lui - remerciez-le pour sa lettre - et dites-lui que je vais lui écrire -
suis seul en ville - débordé de boulot - Louise pour 3 semaines en Floride à Key West -
722 Tout marche pour le concert - Vous enverrai programmes demain -
723 Aff[ectueusemen]t à vous 2
724 Varèse

57

14 - 02 / 1936
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

725 Cher Ami -


726 Dites à Messiaen et aux autres de ne pas se frapper s’ils ne figurent au 1er concert - Il
m’a fallu pour présenter la Spirale - et affirmer ses tendances - construire un
programme organique - et varié - qui ne sente pas la Chapelle - Vos pièces - celles de
Messiaen au même programme faisaient trop de piano et nuisaient à la balance
générale -
727 On arrangera pour plus tard - afin que tout votre groupe y passe - mais en tenant
compte de ne pas avoir l’air de forcer la carte - ce qui nous procurerait le résultat
opposé à celui désiré - La psycologie [sic] d’ici est fort différente de celle de Paris.
728 En grande hâte bien amicalement à vous tous.
729 V.

58.

18 - II / 1936
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

730 Cher Ami -


92

731 Tout a admirablement marché330 - Deux pianistes m’ont demandé vos pièces qu’ils
veulent voir de près et étudier - Malheureusement gala au Metropolitan 331 - qui a
retenu la critique - Ai vu deux ou trois de ces Messieurs - qui ayant mal calculé sont
arrivé [sic] au moment de l’intermission332 - Vous tiendrai au courant -
732 Ci-joint ma gueule333 - Concert pour lequel j’ai écrit une pièce de circonstance - Flûte
seule334 - Public d’Ambassadeurs - millionnaires et autres importantes légumes
farineuses de la phynance et haute chochiété [sic] comme dirait le Comte Laval 335 -
733 Débordé de boulot - mais solide - en bonne forme et fonçant.
734 Tenez-moi - pour les copains au courant du concert de Paris 336.
735 Hier j’ai de vive voix sur la scène annoncé les œuvres - précédant les exécutions de
commentaires et d’exposés critiques337 - ce qui a b[eaucou]p plu au public et m’a valu
autant de mercis que les œuvres jouées - Voilà le résultat quand on est photographié
avec des prima donnas et autres Pipi Lons338 - En hâte - dois filer à un dîner - et une
autre réception après - C’est la grande bousculade - mais je l’aime mieux que les
croupissements belloniens339 -
736 J’ai parlé de Guighy : vieux sage arabe340. Vous parlez si elle aurait roulé ses calots - et
bavé dans sa barbe fluviale -
737 [en haut, à l’envers]
738 Stella341 était au concert - très enthousiaste - m’a demandé votre adresse - car il veut
vous écrire - Que devient Carpentier ? Qui voyez-vous des anciens copains - des
différentes bandes ? Connaissez-vous Malraux342 ?
739 Amitiés à De Nobele - Mégret - Irène343 - et aux autres.
740 [sur le côté droit]
741 Bravo pour Mana - Vous en parlerai à loisir - car les ai étudiées et fait répéter et j’ai pas
mal de choses à vous dire à leur sujet. Mais je veux le faire au poil de cul, d’ailleurs rien
ne presse -
742 Aff[ectueusemen]t à vous 2 -
743 V.
744 Louise vient de quitter Key West (Floride) en voiture - Sera ici Samedi -
745 [à propos du concert de musique française donné le 17 février, il existe la note suivante
écrite au crayon, non datée]
746 Voilà - comme programme - notes - je parlerai moi-même avant chaque œuvre -
747 Aff[ectueusemen]t
748 V.
749 C’est dommage que le trio Barrère-Salzedo-Britt - n’a pu présenter le Migot - Ils
arrivent en ville semaine prochaine - retour de tournée - et repartent le jour du concert
pour une 2 è en Californie - Mais le Ascona Trio344 - présentera l’œuvre admirablement
dans la version annoncée - Voilà 3 semaines que les répétitions marchent.
750 Mme B.H.345 - n’avait pas les qualités nécessaires pour vous - donc changement -
751 V.
93

59.

20 - II / 1936
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

752 Voici - ce qui a paru346 -


753 Comme je vous l’ai écrit les critiques étaient au Metropolitan. Enfin le World
Telegram347 est bon - Communiquez aux camarades. Ils sont tous bien servi - et accusez
réception - Si d’autres paraissent - ferai parvenir -
754 En grande hâte - Aff[ectueusemen]t à vous 2 -
755 V.

60.

[New York] 26 - Il / 1936


sur papier format 21 x 11 cm

756 Cher Ami -


757 Vous confirme envoi de la coupure du World Telegram - Comme je vous l’ai écrit nous
avons eu la poisse le soir du concert de tomber sur une date coïncidant avec gala
Metropolitan - et concerts à Carnegie Hall et Town Hall - La critique sur les dents n’a pu
dégringoler dans le bas de la ville - 2 critiques ont fait leur possible - mais
malheureusement sont arrivés à l’intermission348 - et ont du [sic] rebrousser chemin
(pour arriver à temps dans le haut de la ville) sans pouvoir attendre la 2 è partie - Dites
aux camarades - que le concert a porté - Public enthousiaste - qui garde un souvenir
fidèle et répand la bonne parole.
758 Vos pièces ont été chaleureusement reçues - Je regrette de ne pas avoir le temps de
vous écrire en détail une analyse comme il le faut - Même si l’on vous propose de les
éditer ne vous hâtez pas - car il y a des modifications de composition - de structure que
je voudrais vous suggérer ce qui ne veut pas dire que vous soyez tenu de les adopter -
Mais je pense qu’elles seraient bonnes pour la tenue définitive de l’œuvre - Je passe
votre cahier à un jeune pianiste élève de Djane Lavoie Herz349 - qui veut les lui faire
travailler - Elle en a saisi la substance - Moi j’en aime les idées et l’impulsion - mais je
voudrais imposer certaine discipline à Beaujolais, La Princesse et Pégase - et revoir la
Chèvre350 - Certaines contractions - certains ramassements - l’emphase de contrastes
dynamiques - l’affirmation de quelques montées - seraient bénéficiaires à l’œuvre -
c.à.d. plus de volonté - de logique - Ne m’en veuillez pas - ceci est entre nous - et
comme je vous l’ai dit vous ferez de mes suggestions ce que vous voudrez - un torchecul
- imprévu et ignoré de Mr Rabelais - J’ai trop le respect du travail et de l’honnêteté chez
autrui pour ériger en dogme - mes impressions personnelles - Vous me l’avez demandé
- et je considère que je vous dois la vérité - pour être plus exact la mienne - À vous - au
très vieux sage du couss-couss - aff[ectueusemen]t de nous 2 - et bon souvenir aux
camarades
759 V.
94

61.

10 mars 1936
date inscrite au crayon par Jolivet - sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan
Street, New York City

760 Cher Ami -


761 Merci p[our].v[otre]. mot du 27 - et critique de Goldbeck351 - à qui mon cordial souvenir
-
762 Un ami Mr Arnaud352 qui part Samedi prochain veut bien se charger de vous rapporter
la musique que vous me demandez18 - J’y joins pour vous et Guighy récente photo
exposée en ce moment353 -
763 Content que vous trouviez aussi (ainsi que je vous l’écris dans lettre qui a croisé la
vôtre) que B[eaujolais], la Ch[èvre] et Pégase nécessitent quelques bons tours de vis.
Mais attention surtout à la Princesse354 - C’est la pièce qui ici porte le moins - car on
connaît trop les ostinati dans le registre grave - sur lesquels spéculent les musiques
pré-colombiennes et celles de certaines parties d’extrême Orient - Les gamelans de Bali
sont familiers - et cela permet certaines associations - au détriment de votre pièce - qui
est limitée au piano - question de climat - d’ordre pratique - non à dédaigner. Je pense
que la saison prochaine - vos pièces remaniées auront chance [sic] de plusieurs
exécutions et la critique alors n’aura plus d’excuses de les ignorer - D’ailleurs le World
Telegram que vous avez reçu (?)355 a été cordial pour vous.
764 [sur le côté gauche]
765 [autre note, à gauche]
766 Dites à Le Flem - que sa Sonate pour piano et violon, sera sûrement jouée la saison
prochaine -
767 [en haut, à l’envers et en biais dans un coin]
768 Je ne comprends pas pourquoi Migot a dit à Moreux que je me trouvais à la tête d’une
boîte d’Edition - Comme j’ai écrit à Moreux - je ne m’occupe - et n’ai souci de m’occuper
de cela - pas plus que de m’intéresser à l’industrie chapelière - Donc rectification -
769 Freed - Ne l’ai pas vu de tout l’hiver - Je le sais la plupart du temps à Philadelphie -
770 Dites à Messiaen que j’ai passé ses 2 pièces à des pianistes et qu’ils sont intéressés.
771 C’est formidable ce que le néo-classicisme parisien a indisposé de monde vis à vis [sic]
de la musique française - et a créé un préjugé contre elle - Enfin ça se tassera - On ne
peut empêcher le talent de sortir -
772 [sur le côté gauche, verticalement]
773 N’ai pas reçu le paquet de programmes -
774 J’ai connu dans le temps Mrs Blumenthal356 - chez qui j’ai dîné - mais il y a au moins une
10ne d’années et je n’ai pas gardé le contact - Elle est d’ailleurs morte. Quant à lui je ne
m’en souviens pas - et ne vois pour l’instant dans mon entourage qui puisse l’approcher
-
775 [sur le côté gauche, horizontalement]
776 Tenez-moi au courant de ce qui se passe -
95

777 Bien amicalement à vous tous


778 V.

62.

18 - III / 1936
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

779 Cher Ami -


780 Merci pour vos 2 lettres des 8 et 9 cour[an]t.
781 Vous serez prévenu par Mr Arnaud357 - (qui a aimablement accepté de me rendre ce
service -) parti d’ici Samedi dernier - que je lui ai remis une enveloppe pour vous -
contenant vos chansons et ma toute dernière photo - Trio - Ce dernier vous a été
renvoyé par Salzedo il y a un an au moins - et ce sur votre demande à moi - Alors vous
avez dû l’égarer dans le déménagement - ce qui arrive hélas fort souvent. Salzedo est
absolument sur [sic] de l’envoi - Programme Spirale 358 - Vous avez raison : ça devait être
fort moche et lamentablement douceâtre - mais la réciprocité m’était nécessaire - pour
ce que je voulais faire pour votre groupe - et comme je vous l’ai dit ça a bien marché ici
- et j’en suis heureux pour vous et pour moi - car cela a été le dernier concert dont je
m’occupe - Définitivement fini de m’occuper de manifestations - de faire part[ie] de
groupements - d’enseigner - Libre et seul - et fort - ce qui n’empêche pas les sympathies
et les amitiés - Abstraction complète de cliques et d’étiquettes - et surtout débarrassé
de charrier des poids morts. Ne vous excusez donc pas au sujet de votre concert - dont
pour raison ci-dessus je me fous éperdument - Kerr et les autres copains seraient
heureux d’avoir les programmes (ceux annoncés - ne me sont pas parvenu) et
éventuellement les critiques - À propos de critique, et malgré son amabilité je trouve
Mr Goldbeck359 terriblement pion protestant - chasse de Bible. Il arriverait à dégouter
[sic] de vos pièces les auditeurs les mieux intentionnés - Gardez ça pour vous - je ne
veux faire de la peine à personne - mais tâchez de trouver quelqu’un de vivant et
d’intelligent - si vous comptez faire traduire notice explicative sur vous - Il y a un
germe morbide typiquement parisien - qui n’a raison ni possibilités d’être pour d’autres
climats.
782 Vu Stella hier - ici à la maison - où nous avions un cocktail party - Il a reçu votre lettre.
783 Je sais qu’Harrison Kerr va écrire une critique sur le concert (Spirale). Dès parution
vous tiendrai informé. C’est un excellent camarade très dévoué - ce qui déjà est quelque
chose - quand on considère la muflerie de certains petits copains de Paris qui n’a
d’égale que leur inégalable manque de talent - et autres Serre les fesses de mes deux
nades - et tritons360 comme la Lune - Schmitt361 - Oui des amis de retour de Paris - m’ont
appris sa nomination - Tant mieux pour lui si ça lui fait plaisir - Comme pour le Homard
- ou la Légion d’Honneur - je ne les aime pas - mais me garderait d’en dégouter [sic] les
amateurs - À tout chacun l’échine - et l’estomac qui lui conviennent.
784 Freed Comme je vous l’ai dit ça fait des mois que je ne l’ai vu - Il fricote dans sa petite
bande juive de Philadelphie - Je dois dire que je le crois toujours gentil - mais il doit
comme tout le monde ici être sous pression. Mana Oui vous aurez - dès que moi-même
en aurai le temps - l’analyse que vous réclamez - Mais j’ai horreur de bousiller le boulot
96

- vous le savez - et puis rien ne presse - puisque aucun éditeur n’est en vue. D’ailleurs
comme je vous l’ai dit - ne craignez aucune critique - plus j’avance - plus j’apprends -
moins j’ose m’ériger en juge - (il est vrai pour ces Messieurs - qu’ils doivent se
contenter de n’importe quelle érection) mais je considérerai certains illogismes de
structure - manques de densité, etc - etc - autres choses déjà signalées - et le moyen à
mon point de vue d’y remédier - j’ai déjà annoté les pièces - mais ne les ai pas - Elles
circulent
785 Très touché de la gentillesse de Moreux - Ce doit être un chic camarade - Dites-lui de ne
pas s’en faire pour moi - car c’est bien le moindre de mes soucis d’être regretté par la
France -
786 Je vais parler à des amis communs (qui viennent dîner après demain) de Mr George
Blumenthal - mais j’ai bien peur que ce dernier ne se trouve pas actuellement ici. C’est
dommage que ce soit sa femme qui ait fermé son parapluie 362 -
787 Content de vous savoir en bon travail - Amitiés à vous tous - et comme le disent les
Espagnols Salud y pesetas -
788 Votre
789 V.
790 Accusez-moi réception de mon envoi (à cause de votre manuscrit) dès que vous l’aurez
reçu de Mr Arnaud -
791 Vous ai répondu point par point - Amitiés à P.L.F.363 et tous mes vœux pour son
Macbeth -
792 [Rajout en haut, à droite et à l’envers du recto]
793 6h30 p.m.
794 Allons dîner chez des amis de la Nouvelle-Orléans - et manger à la créole - en
commençant avec des cocktails au Rhum - Il faudra faire ça un de ces jours dans
quelques 25 ans364 - lors d’un passage à Paris. Le Rhum aura le temps de prendre de la
bouteille.
795 Racontez-moi beuveries et ripailles - Vous savez combien cela m’intéresse - et dites-moi
quels vins ont en ce moment vos préférences - à vous - Mégret - De Nobele -

63.

4 - IV / 1936
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

796 Cher Ami -


797 Merci pour votre lettre du 25-III.
798 Trio Salzedo m’a affirmé vous l’avoir renvoyé. Je le sais très précis - même méticuleux -
Il est actuellement en tournée - Je vous conseille de lui écrire directement 160 Riverside
Drive N.Y.C. A son retour lui parlerai à ce sujet. Ma venue à Paris était donc un vrai
canard365 - Dommage on aurait bu une bonne bouteille - malgré votre goutte - Je
regrette vous savoir souffrant - mais connaissant vos sentiments antimilitaristes suis
rassuré sur votre infirmité qui n’entre pas dans une catégorie à uniforme - qui ne
possède pas ma sympathie - Quittez le Bourgogne pour quelques temps - et tenez vous
97

[sic] en au Bordeaux - Méfiez [vous]366 des diètes - régimes qui mènent aux
neurasthénies freudiennes-Je souhaite savoir votre fausse maigre nationale retapée -
d’attaque - et le petit rétabli complètement -
799 Mana Vous tiendrai au courant des pianistes qui s’y intéressent - Naturellement si je
faisais un saut en Europe cela arrangerait tout - car en un jour votre œuvre serait mise
d’aplomb - Je ne vois cependant pas une traversée en perspective -
800 Avec des copains nous allons peut être acheter un terrain en Massachussets - endroit
sauvage et merveilleux - sur le large océan - à Cape Cod - Louise va aller avec eux
inspecter la semaine prochaine - C’est à 16h de bateau d’ici - Mais cela aussi est aléatoire
- et incertain.
801 Echange367 Je me fous - (comme vous d’ailleurs) des critiques plus ou moins acariâtres
que toute action provoque - et ne suis en rien responsable pour les compositions qui
sévissent ici - pas plus que des élucubrations - pissato néoclassiques qui foisonnent à
Paris - Je tenais à ce que des œuvres de votre groupe fussent bien présentées à Ν.Y.
Vous connaissez la cuisine que certains minus imposent - que nous savons tous
intéressés - J’ai réussi - La fin justifie les moyens - et ce n’est pas ma faute si la situation
commande des moyens d’action que je désirerais autres - Je sais que le programme
américain était loin de constituer un tout organique et vivant - mais certaines
associations salonardes établies ont présenté à Paris des œuvres qui ne valaient guère
mieux - Je n’ai été que le trait d’union entre 2 groupes - J’ai perdu du temps - dépensé
pas mal de galette en taxis - téléphone - déjeuners etc - Mon but a été plus que
désintéressé puisque jamais je n’ai songé à la situation pour m’imposer - Ceci comme je
vous l’ai écrit a d’ailleurs été mon dernier effort dans ce genre de sport. C’est dommage
que je ne sois pas placé pour répondre aux petits merdaillons qui se permettent des
remarques sympatiques [sic]. Vous pouvez leur dire que ceux qui ne me parlent pas
face à face - parlent à mon cul - Enfin tout ça n’a aucune importance - On a fait ici
preuve de meilleure camaraderie - et de généreuse cordialité -
802 Content que Budapest s’intéresse à votre quatuor368 - Good luck -
803 Spirale369 - C’était à s’y attendre - Cette expérience vous amène aux mêmes conclusions
que moi - Les temps sont révolus pour ces sortes de manifestations qui sentent le rut de
l’immédiat après guerre -
804 Je suis en plein boulot - et turbine bien - Jamais vous n’aurez entendu mon orchestre
sonner mieux - et au point de vue composition - (structure construction) je crois avoir
fait un formidable pas en avant - donc une nouvelle formule de « développement » si
vous voulez que nous l’appelions ainsi pour le besoin de la cause - et la compréhension
immédiate - quoique cela n’ait rien à voir avec la réthorique [sic] traditionnelle -
805 Dites à De Nobele que cette semaine je lui écris - et envoie chèque - Faites comme moi -
débarrassez-vous des poids morts-Je suis devenu - très fort très dur - et sans pitié. En
accordant de la gentillesse aux cons - nous gaspillons l’énergie qui doit nourrir nos
sentiments à l’égard de nos amis. Comme vous dites : Paf !
806 Voilà - assez p[our] aujourd’hui - Aff[ectueusemen]t à vous et au vieux sage du couss-
couss -
807 En hâte
808 V.
98

809 Amitiés à Moreux que je souhaite connaître un jour - à Mégret - De Nobele - Irène
Joachim etc etc.
810 [sur le côté gauche]
811 Comment est votre nouvel appartement ?370 Faites m’en un plan descriptif - Je m’en
remets à Guighy.
812 Surtout portez-vous bien - comme moi - C’est la seule façon de pouvoir en mettre un
coup -
813 [à l’envers, en haut du recto]
814 Le printemps qui arrive me donne un désir fou de foutre le camp - Antilles - Afrique du
Nord - Je voyage sur la carte - et n’ai ainsi aucun emmerdement de visas, de douane, de
punaises hôtelières

64.

12 - V / 1936
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

815 Cher Ami -


816 Votre manuscrit est retrouvé371.
817 Sur mon insistance Salzedo a enquêté - et voici ce qui s’est passé - Salzedo avait chargé
une de ses élèves de vous retourner votre trio. Celle-ci occupée à d’autres choses l’avait
tout bonnement enfermé - par mesure de précaution - dans un tiroir - où elle l’avait
oublié - Salzedo vous prie d’excuser ce contretemps - et vous renvoie par ce même
courrier votre bien.
818 Pas encore fait de plans pour l’été - Nous irons sûrement à la campagne - mais je ne sais
encore si dans le N.E. ou le W372. Nous avons déjà une vague de chaleur.
819 Cavale b[eaucou]p - pour des raisons alimentaires - mais vais comme le Pape et
bonbonne.
820 J’espère que votre voyage vous a retapé tous les 3373 - J’espère que le front populaire 374
ne va pas rater le coup - ce serait désastreux comme conséquence - Voilà pour l’instant
- Suis pressé mais tenais à vous rassurer au sujet de votre boulot.
821 Aff[ectueusement]t à vous 2 - Amitiés aux copains
822 V.

65.

26 - V / 1936
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

823 Cher Ami -


824 Avez-vous reçu trio que Salzedo vous a renvoyé375 ?
99

825 Je regrette de m’être dessaisi de vos mélodies - Elles auraient été données ici et dans
différentes villes de l’Est - avec instruments requis - admirable ensemble - excellente
cantatrice - et une huitaine de répétitions pour le programme. C’est vraiment
dommage. Enfin je pense que vos pièces de piano376 auront plus de chance la saison
prochaine -
826 Nous partons la semaine prochaine pour Santa-Fé (Nouveau Mexique). On m’offre une
maison pour les vacances - afin que je travaille en paix - et je vais en profiter - Ne me
suis jamais si bien porté - ni physiquement ni moralement-Je crois que ça va démarrer
-19
827 Vous écrirez longuement de la-bas [sic] - plutôt de la-haut [sic] - car nous serons sur un
plateau à plus de 7 000 pieds377.
828 Je verrai b[eaucou]p les Indiens - qui sont prévenus de ma visite et m’attendent -
Ecrivez ici - ça suivra -
829 Vous inclus dernière photo378 que le Associated Press vient de prendre pour les
journaux - et dont je reçois épreuve pendant que j’écris -
830 [sur le côté gauche]
831 Alors tenez-moi au courant - de ce que vous faites et de ce qui se passe - Amitiés aux Le
Flem - Moreux - Mégret - De Nobele - Irène Joachim - Migot etc - etc -
832 À vous 2 aff[ectueusemen]t des 2
833 V.
834 [sur le côté droit]

66.

6 juin 1936
Carte postale - Chicago-City of towers

835 Meilleures amitiés - Vous écrirai bientôt donnant adresse afin d’avoir nouvelles
détaillées et précises.
836 Bon souvenir à tous.
837 V.

67.

17 juin 1936
Carte postale - Acoma, « The Sky City » N. Mex.
avec adresse : 647 College Street Santa-Fé - New Mexico

838 Voici adresse pour les vacances -


839 Ecrivez - Avez-vous reçu votre musique ? Donnez nouvelles - car ici les journaux de N.Y.
mettent 4 jours à arriver - autant que le voyage Paris-N.Y. via Normandie
840 Bonnes amitiés à tous
100

841 V.

68.

14 juillet 1936
Carte postale - Gila Monster - Santa-Fé adressée à Mme Guighy Jolivet

842 Meilleur souvenir - Voici charmante mascotte379 à ballader dans les endroits mondains
de Paris -
843 Reçu lettre et critiques de Jolivet. Bravo - sommes heureux de son succès - Heureux
pour vous aussi -
844 Ici c’est simplement magnifique. Suis de plus en plus pris par ce pays - et par tout
l’Ouest -
845 Nous partons bientôt chez les Indiens (Apaches et Navajos) 380 - Avons déjà visité
plusieurs Pueblos - Vous parlez si l’on se fout du néo-classique - ici -
846 Aff[ectueusemen]t des 2 aux 2 -
847 V.

69.

20 juillet 1936
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City avec adresse
d’été : 647 College Street, Santa Fé, (New Mexico) U.S.A.

848 Cher Ami -


849 Une fois encore (V[oir] carte envoyée à Guighy381) je tiens à vous dire combien je suis
heureux de vos débuts orchestraux382 et combien je vous souhaite de continuer à lutter
jusqu’à l’affirmation de votre talent.
850 Suis heureux aussi que vous ayez placé votre groupe sous l’égide de Berlioz 383 - qui
hélas n’occupe pas encore en France la place à laquelle son génie lui donne droit - Je
n’aime toutefois guère (pour le malentendu auquel il peut prêter) votre titre de Jeune
France - pour vous surtout - Il est vrai que des questions de consommation locale
peuvent à la rigueur le justifier - Toutefois je n’aime guère les limites qu’imposent
certains tarifs.
851 Gaillard Vous avez - il a raison - en ce qui concerne ma production - Mais si lui ou
certains copains avaient passé par la série d’emmerdements dont 34 et 35 ont bien
voulu me gratifier leur production artistique aurait été aussi maigre - ou alors qu’aurait
elle [sic] charriée - si nous nous en tenons aux conceptions Buffonesques - comme
contenu ! Enfin le pire est passé - et je compte qu’après les élections 384 le train plus ou
moins normal va reprendre - Pour l’instant je rattrape le temps perdu - et travaille
comme je ne l’avais fait depuis longtemps. Indiens Vu déjà plusieurs pueblos - et
cérémonies. C’est magnifique. Mais le plus beau est à venir. Vais aller camper dans les
plaines - et sur les plateaux - officiellement invité chez les NAVANA - APACHES - HOPIS
et ZUNIS385 - J’aurai garde de toucher à leur musique - Magnifique - lorsque partie de
101

leurs rites - elle ne signifie rien hors de ça - Quant à leurs rites - pas un blanc n’en sait -
n’en a jamais su - et ne saura rien - La haine du blanc persiste. Ceux qui prétendent le
contraire mentent - Je vais les approcher - plus fermé plus silencieux - plus poliment
distant qu’eux.
852 Désormière Ne comprend [sic] rien - car je ne vous ai jamais dit que je le détestais. Vous
après une répétition d’Arcana m’avez répété ce que vous lui aviez entendu dire : « Voilà
quelque chose que je ne dirigerai jamais ». Ce dont je me fous. Et puis souvenez vous
[sic] de ce que vous m’aviez écrit au sujet de sa partition pour une pièce d’Artaud -
Votre opinion a changé et vous avez des raisons pour ça386. Tant mieux.
853 Laberge Vos amis seront en de bonnes mains - Il est honnête - bon camarade - et aime la
musique - Ils peuvent tabler sur ses conseils -
854 Vœux de succès pour le Dictateur œnologique. La bousculade du départ a fait que j’ai
négligé de lui envoyer le montant de sa note387 - Cet oubli sera réparé à la rentrée -
855 Je suis navré de savoir Guighy souffrante - Surement [sic] que les vacances - le bon air
et le repos contribueront à la remettre d’aplomb -
856 Louise souffre de l’altitude 2300 m388. Mais comme moi (qui me porte comme un
charme) adore ce merveilleux - farouche - désolé et désertique pays - et en subit la
magie. Le West (Santa-Fé 3 700 kms de Ν.Y.) est très beau - inimaginable par un
Européen - Je pense pousser une pointe en Californie qui n’est qu’à 24 h et dire bonjour à
des copains - Quant [à]389 un voyage à Paris : Quien sabe 390 ? Ça n’est pas le désir de
revoir ceux qui sont chers qui manque - mais vu la situation - ce bordel de ville n’a
aucune compensation à offrir qui permette d’en envisager le projet - Si un jour l’Europe
- m’appelait alors l’excuse serait trouvée pour faire escale - et justifier ce crochet
sentimental - En attendant.... donnez nouvelles - Je trouve que la critique vous a été
amicale - ce qui - malgré les aigris - vaut mieux que le contraire - car on a peu de temps
à perdre - et tout a son importance -
857 Nos bonnes amitiés à vous 2
858 Varèse
859 Amitiés aux copains - et un fraternel salut au bon pinard - qui fait défaut ici - Il est vrai
que les serpents à sonnettes - ne manquent pas
860 [au recto, sur le côté droit et verticalement]
861 Excusez style. J’oublie mon français - J’en saurai toujours assez - pour me faire
empiler391 lorsque je reviendrai à Paris avec des Dollars.
862 [au verso, sur le côté gauche]
863 Nous avons une énorme - splendide maison - avec grand jardin et patio : bon augure
pour la splandeur [sic] à revenir -

70.

22 juillet 1936
Carte postale - Pueblo Indian Estufa or Kiva
102

864 Voici qui confirme ce que je vous disais dans ma lettre - Vous raconterai mes visites aux
dernières tribus - Suis surtout intéressé - dans les Apaches et Navanas qui sont les
nomades et les guerriers et dont la population augmente -
865 C’est une offense fédérale que d’offrir même une seule boisson alcoholique [sic] à un
indien - 5 piges de tôle !
866 Amicalement à vous 2 -
867 V.

71.

29 - VIII / 1936
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

868 Cher Ami -


869 Reçois aujourd’hui votre lettre du 29-VIII392 - Je savais par une charmante missive de
Moreux que vous vous trouviez en Savoie393 - et cela me fait plaisir - Afin de dissiper
malentendu - Oui 34 et 35 ont été de sales années 394 - et c’est parce que j’étais en bonne
forme - spirituellement et physiquement que j’ai tenu le coup - et aussi que j’ai si bien
travaillé : Notes - études - auxquelles je suis revenu cet été et que j’ordonne - car qu’est-
ce que la composition si non [sic] l’ordonnance de la matière sonore ? En plus j’ai fait de
grands travaux de calcul - au sujet de nouvelles données acoustiques - À ce propos je
viens de faire une conférence ici - avec un tel succès que je dois la redonner à
l’université de New Mexico à la rentrée - et dans différents centres de l’Est Vous joint
interview et critique395 - Cette dernière comme tout compte rendu imparfaite - mais
vous mentionnant résultat et différents points susceptibles surtout d’intérêt pour les
spécialistes - À ma rentrée en Nov[embre]. (1er) je vais reprendre les calculs avec un
mathématicien et un physicien - et je lirai le papier à un congrès scientifique -
870 Equatorial - Je le révise - et travaille en même temps à un nouveau navet orchestral
871 Ionisation Juste avant mon départ il y a eu un meeting des directeurs de Columbia - et un
blâme a été voté à l’ingénieur responsable de l’enregistrement-Je crois même qu’il a été
foutu à la porte - car il y a maintenant un nouvel ingénieur en chef qui est un élève d’un
de mes collaborateurs - (et vient de sortir de l’Université) - donc dévoué à ma cause - Ça
va lentement - mais dans la bonne direction - J’en suis content - car j’ai horreur des
carrières « feu d’artifice » - Une fusée qui monte - un bâton brûlé qui redescend -
872 Vos critiques - Naturellement un gentil copain - bien intentionné - m’a fait parvenir celle
de Schmitt396 - vu que je prenais aussi quelquechose pour mon grade. A propos de
grade : il y avait les officiers d’académie - Il y a maintenant les adjudants d’Institut. Ce
sinistre sous-off de la musique - (comme dit Fargue, une éternelle tache de jaune d’œuf
sur son lorgnon) s’est révélé franchement - tant mieux pour nous - tant pis pour lui -
Ne vous laissez pas abattre par ça - pas plus que par les suintements de la Capote de
Vieille. Un soir - je me balladais [sic] avec un copain écrivain - autour de Washington
Square - une de ces ballades [sic] nocturnes où l’on se raccompagne mutuellement -
jusqu’à l’aube - Il était furieux contre un critique qui avait déversé sa bave sur moi - À
ce moment contre un lampadaire un toutou leva la patte - J’interrompis le camarade :
103

Regardez le cabot - que fait-il ? « - Il pisse parbleu - Bon - mais levez les yeux - Ça
n’empêche pas la lumière de briller - » et voilà -
873 Travaillez - mais disciplinez vous [sic] - et surtout ne vous souciez pas de plaire - Aux
pauvres bombardements de crottes de chèvres - de vessies aigres et anémiques -
pondez à coup d’étrons virils - par des nappes de brans 397 grasses - plantureuses et
jubilatoires - Notre Société crève de constipation intellectuelle - Ne chie pas qui désire -
À la soi-disant intelligence - opposez la volonté opiniâtre - Affirmez vous - Chiez à la
1ère personne du singulier -
874 Pour en revenir au lamentable Schmitt et à son miteux entourage - ils souffrent
d’hémorroïdes cérébrales - Ils ont le rectum à la place de la trachée – Désormière -Milhau
[sic] Tant mieux - Vous me savez assez bon camarade - pour voir clair - juger les faits en
toute objectivité - et accepter toute collaboration - sans arrière pensée -
875 Dites à Guighy que nous souhaitons la savoir retapée au plus vite - Et dites-lui de ne pas
oublier de rigoler - car jusqu’ici le rire a été le meilleur massage intérieur -
876 Je vais la semaine prochaine visiter mon copain Pitachu - un des membres du conseil
des anciens des Indiens Santo Domingo -
877 À l’Ouest (c’est le cas) rien d’autre à signaler - Vous quitte pour me remettre au boulot -
et après aller acheter de l’encre - car mon fond de bouteille est aussi boueux et foireux
que le cerveau de certains esprits critiques -
878 À vous 2 notre amical souvenir
879 Varèse

72.

[New York] 8 novembre 1936

880 Cher Ami -


881 Votre lettre du 13-X me parvient ici -
882 Jeudi prochain le 12 je donne une conférence à l’Université de N[ew].M[exico]. à
Albuquerque398 dans le grand auditorium - le 2 Dec[embre] - je quitte le merveilleux
pays des Conquistadors et serai à N.Y. le 5.
883 Quant à vous envoyer le matériel de mes conférences ce n’est pas facile - Il se résume
en graphiques en compte-rendus [sic] d’expériences - Je parle et modifie mes textes
selon les publics - accentuant certains points de vue - plus ou moins scientifiques ou
musicaux (quel vilain mot) - Je me base sur un plan - un canevas - car on parle autant
avec les yeux - et gare à l’emmerdeur qui lit et débite son texte - Il risque en levant les
yeux - (et se rendant compte que tout le monde roupille) - de se prendre pour Mr
Réglisse Florent Schmitt399 assistant à la 1ère de son dernier chef d’œuvre -
884 Hermans400 Je vais essayer de dégotter une partition de Ionisation - mais très difficile -
None available401 - (oublie mon français) car New Music est légèrement dans les choux -
885 Cowell402 est en prison - condamné de 5 à 15 ans pour crime de baolgrerie 403 - ayant
empapaouté un éphèbe de 17 ans - Il purge (c’est le cas de le dire - vu les pertes de
légumes inhérentes) sa peine dans le penitentiary [sic] de Californie - où l’on ne fait pas
que des films seulement - Vais écrire à un de ses collègues à San Francisco - qui est
104

censé s’occuper de ses affaires - Mais jamais en Hollande on trouvera les instruments
nécessaires - surtout les Sirènes américaines - J’en ai 2 qui sont des merveilles !
886 Je travaille à tour de bras à la nouvelle partition - qui s’annonce bien - Content que vous
ayez eu de bonnes vacances. Ce que vous me dites de Paris et de sa mélasse ne m’étonne
pas. C’est d’ailleurs de l’histoire ancienne - et un sujet si épuisé qu’il ne vaut pas la
peine d’y revenir -
887 J’ai des nouvelles de Barcelone - de Zaragoza - mais pas de Madrid - Quelle tragédie 404 !
et comme d’ici je me sens plein d’affection pour ce beau pays, en dépit de mon bonbon
à liqueur405 - Enfin les beaux jours reviendront - Oui j’ai appris la mort de Cools - et par
vous
888 [suite sur le côté gauche]
889 celle de Ferroud406 -
890 Voilà pour l’instant - Ce que vous me dites de Roussel407 ne m’étonne pas - Il devrait y
avoir un Institut Goncourt408 où il est tout désigné de figurer entre MM Daudet 409 et
Chéreau410 - comme M. Schmitt entre MM. Claude Farrère411 et Duhamel.
891 [en haut, à l’envers]
892 M° A.R412 et M° F(réglisse) Smitt [sic]413 MEMBRES de Rince-Tutu414
893 Jeu de mot Dominical - Le Dimanche sévissant à Santa-Fé aussi - car en ce moment
l’Archevêque rôte [sic] aux Vêpres sa dinde du déjeuner.
894 À vous 2 et aux copains amicalement
895 V.
896 [en biais, à l’envers]
897 Suis sans nouvelles des Vargas ? Les voyez-vous ? Et Carpentier ? pas le Boxeur - Alejo !
Et Le Flem ?

73.

[New York] 24 - XI / 1936

898 Merci - Cher Ami - pour votre lettre du 11 - qui me suit et que reçois aujourd’hui -
899 Serai à N[ew]. Y[ork]. le 5 Dec[embre] - Ai bien travaillé - et aurai au printemps une
bonne partition prête
900 Conférence - Je vois que votre lettre a croisée [sic] la mienne - où je vous expliquais - Ne
voyez donc pas une preuve d’anti-Parisianisme ni de j’m’en foutisme (? !) oublie le
français Vous ai aussi mis au courant de la situation de l’Editeur de Ionisation 415 -
Essaierai à N.Y. de trouver une partition. Heureux pour la Spirale - Peut être un jour
collaborerons-nous en vue d’une sérieuse manifestation Varèse à Paris - Pour l’instant
la situation est trop vague et incertaine pour risquer des projets
901 Fried (Oskar) est un pauvre con - Bravo de tâcher de récupérer nos matériels 416. Quel
salopard -
902 Enverrai le matériel du quatuor à Mr Lefèvre417 -
105

903 Etat des musiciens - Triste pour Ravel418 - Quand [sic] à la couture et articles de Paris -
m’en fous. En ce qui concerne les 2 autres419 - il y a longtemps qu’ils étaient morts - Il
était temps qu’on se décide à notifier Mr Borniol420 -
904 Triton - Très bien - J’espère que quelque naïade - lui a collé une bonne chaude pisse -
une vraie gigite merdeuse -
905 Viens de remporter un grand succès social avec ma nouvelle définition de « la Gloire » :
Avoir son nom connu et écorché par quelques milliers de cons - Et Mr Schmitt ? Le
Membre421 - est ce [sic] qu’il continue dans les confitures de Bar le Trou Duc 422 ?
906 Donnez-moi des nouvelles de ce qui se passe - et dites-moi ce que vous entre-voyez -
Les nouvelles sont contradictoires - sauf sur le résultat qui semble d’un côté comme de
l’autre sinistre -
907 À part ça : Rien à signaler à l’Ouest - Si ce n’est que j’aime l’Ouest de plus en plus - et me
sens attiré vers le Pacifique - N.Y. est trop près de l’Europe - Et ce pays : Quel Tonnerre
de Bordel de Dieu de grandeur et de force ! Espère y avoir ma tôle en adobe 423 un de ces
jours - Un indien vient de me dire qu’il savait que le temps arrivait pour mes ennemis
de disparaître - Je pense qu’il voit juste - et j’en connais un qui fait bien de se
cramponner à la rampe - Vous le connaissez aussi -
908 Sur ce - Salud y pesetas - Vargas me dit vous avoir vu dans un bistrot où le vin est bon -
Buvez en [sic] beaucoup - car ici il est hors de prix - et celui de Californie bon à faire
dégueuler une boîte à ordure -
909 À vous 2 bien amicalement
910 Varèse de Santa Fé

74.

Mot écrit au crayon

911 Voici Cher Ami - snap-shots du bush que mon ami Will Shuster 424 vient de faire de moi -
912 Confirme lettre d’hier -
913 Amicalement à vous 2
914 V
915 Santa Fé
916 25 -XI / 1936

75.

19 - XII / 1936
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

917 Cher Ami -


918 Rentré depuis 2 semaines -
106

919 Vais vous renvoyer le quatuor de Lefevre [sic]425 - Attends après les fêtes pour voir si
possible de le faire par la valise diplomatique - Vous préviendrai - Conférence 426 -
Malheureusement rien à faire - Deux grandes organisations - paraissent vouloir
s’intéresser à mes idées et ont ma promesse de ne pas les vulgariser - ni de les publier
avant leur décision - Donc tant pis - Après tout Paris peut continuer à se passer de moi -
sans s’en porter plus mal - Quant à vous je vous en ferai part un de ces jours - Rien ne
presse -
920 Je pense sérieusement à aller m’établir dans l’Ouest - où il y a un énorme futur - et des
gens qui ont encore le sens de l’aventure - Ici - c’est moche et plat - Intellectualité
stérile, à l’européenne - (N.Y. n’est pas l’Amérique - mais l’avant poste de l’Europe)
Resquillage international youpin - Jamais saison n’a été plus désespérément morne et
bêtement futile -
921 Je viens encore et de façon toute officielle de refuser la légion d’honneur - pour laquelle
on m’a fait appeler - de façon absolument inattendue - J’espère que ce sera la dernière
fois - et qu’en
922 [suite sur le côté gauche]
923 haut lieu on réalisera - que je n’en veux pas - Je ne vois aucune différence entre un
bourgeois bedonnant qui arbore un bout de ruban rouge à sa boutonnière - et un brave
nègre qui se pavane une plume dans le trou du cul - C’est formidable qu’en France (le
peuple le plus intelligent - qu’on dit) on en soit encore à de telles conneries.
924 [Verso]
925 Vous verrez que cet hiver - il y en aura d’autres encore - officiels encombrants - et
salopards - qui vont débarrasser le plancher -
926 Je turbine - et veux faire du pèze afin de réaliser mes idées - pour moi - Vis
complètement en dehors de milieux musicaux - qui ne m’intéressent pas - et ici comme
à Paris sont [un] ? siècle en retard sur l’époque - ce qui d’ailleurs a été de tous temps -
et en tous pays le même tabac -
927 Le South West : (Arizona Colorado Texas New Mexico et partie de la Californie) est
vraiment merveilleux -
928 Quelqu’un arrive - business -
929 Je vous quitte - Nos vœux et amitiés à vous 2
930 V.

76.

JOLIVET À VARÈSE :
Carte postale d’Aix-les-Bains, 9 septembre 1937

931 Cher Ami,


932 À quel chef-d’œuvre n’avez-vous pas dû consacrer votre temps pour qu’on reste aussi
longtemps sans nouvelles de vous. Les dernières que j’ai eues, par Vargas, à la mi-juin,
m’ont appris que vous étiez retourné chez les Indiens. Veinard !
933 Je vous avais envoyé notre souvenir sur une carte aux environs de ce printemps - à une
époque où je travaillais comme un nègre à orchestrer mes Trois chants des hommes,
107

pour Barytons et orchestre - qui ont été donnés le 4 juin au concert Jeune France 427.
Succès mitigé - et surtout de vastes engueulades - particulièrement de M. Sauguet 428 qui
parle de complexe Beethovénien et autres sornettes.
934 J’espère que la prochaine saison américaine s’annonce moins plate que la parisienne -
tuée par cette foire de l’Exposition429 - et achevée par l’incertitude européenne.
935 Je travaillotte cependant mais sans grande conviction.
936 Vous savez que nous sommes toujours heureux d’avoir de vos nouvelles. Je salue ces
jours-ci l’anniversaire des derniers jours que nous avons passés ensemble à Madrid - il y
a 4 ans !
937 Présentez toutes nos affections à Louise et croyez-nous toujours bien amicalement
vôtres.
938 Jolivet
939 J’ai eu la surprise de rencontrer Huidobro430 à Paris, en juillet - il m’a chargé de vous
transmettre son souvenir amical.

77.

28 novembre 1944
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City
[Nombreuses annotations de Jolivet au crayon (adresses, n° de téléphone, etc...).
Enveloppe d’origine datée du 16 décembre, postée à Paris.]

940 Mon cher Ami


941 Votre carte parvenue ce matin nous a fait grand plaisir et nous sommes heureux de
vous savoir en bonne santé -
942 Ici tout va - Je vous écrirai sous peu longuement -
943 En attendant : Mon chœur répète en ce moment, en vue d’un concert en Février au
bénéfice des organistes de France431 (œuvres de Suzoy 432 - Vitoria 433 - Schütz 434 - M. A.
Charpentier - Lully - etc.) Il me faut au plus vite la partition du motet Miserere mei Dens
de Lully. Cette œuvre est publiée en un volume unique, Éditions Prunières de la Revue
Musicale435 - pour la Collection de l’Oiseau Lyre - Soyez aimable de vous la procurer - et
- ensuite remettre (si possible personnellement) à Mr HENRY A. SEYRIG attaché culturel
à la Délégation Française de N.Y. Sa secrétaire ici Madame Long lui a remis au moment
de son départ une note de ma part le priant de bien vouloir m’expédier le Lulli [sic] par
valise diplomatique - car ça presse - L’adresse de Monsieur Seyrig est : Service des Œuvres,
Ministère des A.E - Quai d’Orsay - Suivez et surveillez je vous prie - car Seyrig ne doit pas
avoir de loisirs, et vous connaissez l’inertie administrative -
944 Merci -tenez-moi - ça va sans dire - au courant des dépenses que cette commission
occasionne -
945 Nous vous embrassons avec Guighy
946 Votre
947 Edgar Varèse
948 [sur le côté gauche]
108

949 Vous inclus prospectus - et programme d’un concert organisé par le journal français
« Pour la Victoire » au bénéfice des œuvres françaises436

78.

20 -I / 1945
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City
[Enveloppe indiquant envoi par Valise diplomatique
Réponse de Jolivet indiquée le 7 mars 1945]

950 Mon cher Ami


951 Merci pour lettre que Monsieur Seyrig a eu l’amabilité de me faire parvenir - et merci
aussi pour votre habituelle gentillesse à m’être agréable - Oui le Lulli est trouvable à
N.Y. Public, et Columbia Libraries437 et depuis plusieurs mois je possède la partition
photostatée [sic] - Mais j’en aurais désiré une imprimée - car le glacis du photostat
fatigue et irrite les yeux quand on répète à la lumière artificielle - L’œuvre est en
répétition et sera donnée à mon concert d’Avril (remis à cause de Pâques) au bénéfice
des organistes de France438 -
952 Comme il fallait s’y attendre cette guerre n’a été guère favorable au développement du
chœur car dès le début la mobilisation a tapé dans le tas me prenant d’abord à cadence
accélérée les hommes - et ensuite hommes et femmes en vrac - J’ai toutefois réussi à
garder et à unifier un ensemble, solide, enthousiaste ne rebiffant pas à la besogne - Le
retour au normal [sic] fera le reste et l’élèvera aux niveaux quantitatif et qualitatif
voulus - Naturellement l’organisation matérielle prend un temps énorme - vraiment
trop du mien - à part Louise - très occupée par ses traductions - (Léger paru - Bernanos
- Rimbaud sous presse)439 je n’ai personne pour m’aider dans mes fonctions de rond de
cuir. Mais je ne lâche pas - Je considère indispensable de continuer, d’intensifier
l’existence du chœur et d’en faire un centre de ralliement et d’action - Rien ne sert de
pleurnicher de déplorer mufleries commerciales, conneries hollywoodienne [sic] et
radiophoniques - C’est : ou la boucler - ou en mettre un coup, affirmer - et ici, ça
devient épinard [sic]440 car pour la première fois on réalise que ce n’est plus l’artiste qui
s’isole dans sa tour d’ivoire - mais le public qui s’est recroquevillé dans la sienne -
953 Une fois le Chœur au point et en main je vais sortir de nouveaux boulots et ce coup-ci
hors des conventions orchestrales et autres gélatineux climats à archets - Ensemble de
masses chorales - instruments nouveaux auxquels je travaille avec un jeune ingénieur
me permettront de m’engager dans la voie solidement tracée par Equatorial -
954 Que devient on [sic] chez vous ? qu’entrevoyez-vous ? Ou [sic] en sont amis et
camarades ? Parmi ceux - ici - que vous connaissez : je viens de revoir Villa-Lobos 441 en
mission de son gouvernement - très officiel - très gentil et pittoresque camarade
comme toujours - À la maison avec Lourié442 qui s’était joint à nous, nous avons évoqué
les gais temps de Paris et le souvenir de ceux avec qui la vie nous avait associés alors.
955 Dans notre domaine rien à signaler - Ce n’est que « promotion of personalities » - La
musique est une chose qui n’intéresse personne et dont les gents [sic] comme il faut ne
parlent pas - Elle est tolérée comme le laxatif nécessaire au bon fonctionnement du
virtuose - D’ailleurs en musique - comme en peinture sculpture - théâtre on se croirait
à Paris, il y a une quinzaine d’années - Remue ménage - agitation même les snobs se
109

sentent désemparés - dégoûtés, ils ne savent sur quoi, sur qui miser sans passer pour
des cons - Malgré tout le pays crève de possibilités - mais comme un centre de
ralliement est indispensable ! et comme j’entrevoit [sic] le Chœur dans ce rôle - Enfin
santés, esprit sont bons - boulot marche - et l’avenir appartient à ceux qui l’inventent.
956 Ecrivez-moi - nouvelles et détails me feraient grand plaisir -
957 Louise se joint à moi pour vous embrasser avec Guighy -
958 Varèse
959 Vient de retrouver les petites photos de l’Escorial443
960 Savez que Soler est à Toulouse depuis 4 ou 5 ans déjà si ce n’est plus ?

79.

[New York] 15 - V / 1945


lettre rédigée au verso d’un prospectus annonçant un concert du Chœur 444

961 Cher Ami -


962 Merci pour votre lettre de Mars à laquelle je répondrai en détail sous peu - Le soldat
Frank d’Amato445 vous transmettra ce programme du concert de Juin - C’est un jeune
gars - brave - loyal et que j’aime bien. J’ai [sic] l’ai connu tout gosse il y a 20 ans - et le
vois journellement - Son père glacier patissier [sic] tient boutique à quelques 50 mètres
de chez nous et là se rencontrent copains pour siroter l’aromatique « espresso » ou
ingurgiter force glaces napolitaines accompagnées de patisseries variées
963 Je sais que le jeune d’Amato20 rêve de visiter Paris à sa prochaine permission - Soyez
gentil de l’accueillir en petit camarade - de voir à ce qu’il s’amuse et rapporte un bon
souvenir de chez vous.
964 Merci et aff[ectueusemen]t des 2 aux 2.
965 Varèse

80.

JOLIVET À VARÈSE :
Paris le 21 décembre 1945

966 Mon cher Ami,


967 Je suis un infâme lâcheur. Je me maudis de ne pas encore avoir répondu à votre
dernière lettre datée du 17 novembre446. Et surtout de vous remercier de la belle
photo447 que vous y aviez jointe. Elle m’a fait d’autant plus plaisir qu’au début de
septembre j’avais rencontré cette pipelette de Virgil Thomson448 qui ne m’avait donné
de vos nouvelles que par le gros bout de la lorgnette, c’est-à-dire peu de choses et bien
déformées.
968 Ce mois de septembre a été enrichi par un voyage à Bruxelles, où la Comédie est allée
donner le Soulier de satin449. Ville extrêmement vivante où l’on fait d’excellente
musique et où la vie est très agréable.
110

969 Puis en octobre j’ai enfin écrit l’article qui a para dans Listen 450 de novembre un peu
amputé et ai terminé une sonate pour piano451 que j’avais besoin d’écrire pour mettre
au point un certain nombre de questions formelles. Ensuite ça... (illisible)... mise au
point d’ouvrages pour la saison, et presque tous avec musique. Ajoutez à cela le tribut
obligatoire à la grippe, la famille sur le flanc pendant six semaines et les difficultés
domestiques, insurmontables.
970 Pendant ce temps la saison musicale se ressent des difficultés de la vie matérielle. Les
concerts succombent sous les taxes et seule la Radio peut s’intéresser aux œuvres
contemporaines. Les difficultés économiques ne permettent pas autant qu’on le
souhaiterait les échanges avec l’étranger dont nous aurions besoin plus que jamais. Ce
qui est grave aussi c’est la paralysie de l’édition musicale par manque de papier,
coupures d’électricité qui gênent les imprimeurs, et manque d’audace des éditeurs qui
ne se décident pas à faire la propagande que mériterait l’école française actuelle.
971 Le Flem rentre de Suède (où il a pu voir sa fille et connaître ses deux petits enfants) et
de Finlande. Il a été fort bien reçu et a fait des conférences sur la musique française. Il a
gardé contact avec ses hôtes mais a bien du mal à combler l’attente qu’ils avaient de
notre musique éditée.
972 De Nobele vient d’avoir un second enfant, une fille452, qu’il baptise demain. Le
commerce des livres d’art prospère, et il est maintenant un gros commerçant.
973 Mégret s’est marié et est un des bibliographes les plus recherchés.
974 Joachim et Gehret se sont séparés453. C’est dommage pour l’un et l’autre, mais Joachim
ne s’en rend pas compte. Quelle tête de linotte ! Je ne sais pas où en sont ses amours
avec Deso454 lequel est maintenant sous-directeur de l’Opéra, Reynaldo Hahn en étant le
directeur et Lehmann l’administrateur. Je n’ai pas vu Albert Wolff 455 depuis son retour
d’Amérique du Sud. Il a pris la direction de l’Opéra-Comique.
975 Avez-vous vu Milhaud ? Il est attendu ici comme professeur de Composition au
Conservatoire, et grand musicien officiel. Ibert est retourné à Rome étudier les
possibilités de réinstaller la villa Médicis456.
976 J’avais appris à Londres que Huidobro était à Paris - ou y avait été - En tous cas il l’avait
quitté quand j’y suis rentré en septembre.
977 Guighui continue de petits travaux radiophoniques tout en pourvoyant aux mille soucis
qui accablent ici les maîtres de maison. Mais elle est toujours courageuse. Elle a tout
fait, depuis la Libération, pour aller voir sa mère457 à Alger ; malheureusement sans
résultat jusqu’à présent. Cela la peine beaucoup d’autant plus que la santé de ma belle-
mère est défaillante.
978 Voilà à peu près les nouvelles. N’usez pas de représailles à notre sujet et ne tardez pas à
nous écrire. Nous vous souhaitons une bonne année 1946 et nous unissons pour vous
embrasser affectueusement.
979 Jolivet
980 Vu André Souris458, de Bruxelles. Il a donné votre Octandre à un de ses concerts de
disques.
111

81.

JOLIVET À VARÈSE :
Paris le 4 septembre 1946

981 Mon cher Ami,


982 Avec quelle émotion nous avons entendu votre voix, jeudi dernier ! L’audition était
parfaite et on aurait vraiment cru que vous étiez dans la pièce à côté. Je suis heureux
que Robert Franc459 ait pu enfin obtenir cette interview et je le remercie de m’en avoir
avisé. De mon côté je me suis accroché au téléphone pour la signaler au plus grand
nombre d’amis possible. Malheureusement à cette date peu de gens étaient à Paris.
Cependant Moreux a pu écouter, ainsi que Baudrier et un garçon, Le Rouzic 460, qui fait
les émissions sur les Nouvelles musicales ici. Ginette Martenot 461 vous a entendu aussi.
Vous pensez si elle a été heureuse de ce que vous avez dit au sujet de son instrument.
Elle doit vous écrire.
983 Leur instrument a été très amélioré et peut rendre de grands services. J’enregistre la
semaine prochaine un film que j’ai écrit pour trois Martenots et trois batteurs 462. Tous
ces gens-là, et moi-même, avons écrit aux services américains de Radio pour les
féliciter de cette interview mais pour protester véhémentement contre le
saucissonnage qu’ils ont fait d’Ionisation. Je vous avais peut-être dit que l’an passé nous
l’avions donné aux Nouvelles musicales avec un petit « chapeau » que j’avais fait sur
vous463. Nous profitons de ce qui vient de se passer aux émissions Américaines pour
revenir sur la question, protester contre la coupure qui a été faite, et le redonner
intégralement. Je fais cela avec la complicité du dit Le Rouzic et cela passera mercredi
prochain 11 septembre vers 14 h (heure française) sur la chaîne nationale. Baudrier
s’apprête à partir pour une tournée aux USA. Il quitte Paris le 7 Sept[embre] et sera à
New-York vers le 18. Il ira vous voir. Il emporte là-bas en enregistrements 6 heures de
musique française contemporaine. Il vous donnera de nos nouvelles fraîches.
984 Je vous remercie de votre lettre de juillet et de l’envoi de Density 21,5. Je ferai jouer cela
par un jeune flûtiste remarquable464 qui est actuellement en saison à Vichy mais qui va
sûrement rentrer à la fin septembre.
985 Nous espérons que Louise aura passé un bon été à la campagne et que vous aurez
continué à travailler activement.
986 Je suis en train de travailler pour la Radio à une version radiophonique du Livre de
Christophe Colomb de Claudel pour lequel j’écris une cinquantaine de minutes de
musique.
987 A bientôt vous lire, en attendant le plaisir de vous réentendre sur les ondes. A vous
deux de nous deux, nos affectueuses pensées.
988 Jolivet
989 Dites toutes nos amitiés à Franc et à Milda Polia. Je leur écrirai bientôt.
112

82.

JOLIVET À VARÈSE :
Paris le 21 octobre 1946

990 Mon cher Ami,


991 Je profite du départ de mes amis, M. et Mme Sauvy465, qui vont aux USA pour le congrès
de l’ONU, pour vous adresser ce mot, avec nos meilleures pensées amicales.
992 Il y a bien longtemps qu’on a eu de vos nouvelles. Depuis ma lettre où je vous annonçais
que Ionisation serait redonnée intégralement à la Radio, cette diffusion a fait tant de
bruit que l’œuvre a été redonnée dans une autre émission. Quel dommage que je n’aie
pas d’autres œuvres de vous enregistrées. Je suis sûr qu’elles seraient entrées dans
l’oreille des auditeurs. Si vous aviez autre chose d’enregistré, envoyez-le moi par les
Sauvy, ainsi que la partition d’Ionisation que j’avais autrefois prêtée à Oskar Fried - et
qui ne me l’a jamais rendue.
993 Sur le même bateau que Mme Sauvy se sont embarqués les musiciens du quatuor Léon
Pascal466, ce que nous avons de mieux en France, actuellement, de cette formation. Ils
doivent donner plusieurs concerts à N.Y. et dans les environs - musique classique, bien
entendu ! Mais ils souhaiteraient jouer aussi des contemporains, parmi lesquels moi,
chez des particuliers, même sans cachet. Voyez je vous prie ce que vous pouvez faire
pour eux. Merci d’avance. Dès leur arrivée ils se mettront en rapport avec vous.
994 Mille amitiés pour vous et Louise.
995 Jolivet

83.

21 - 5 / 1947
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

996 Mon cher Ami


997 Ce mot vous sera remis par Sergt Frank 467 - qui vous mettra au courant de ce qui se
passe - et surtout de ce qui va se passer - Réservez-lui votre bon accueil - Tuyautez-le -
et mettez-le en rapport avec ce qui en vaut la peine - Vous êtes placé pour être bon juge
- Merci
998 Louise et moi vous embrassons avec Guighy.
999 Votre aff[ectionné]
1000 Varèse

84.

JOLIVET À VARÈSE :
Paris le 24 février 1948
113

[Cette lettre fait allusion à une lettre de Varèse du 22 janvier 1948 qui ne figure
plus dans les Archives de Jolivet.]

1001 Mon cher Ami,


1002 Je remettais toujours de répondre à votre lettre du 22 janvier espérant pouvoir vous
annoncer l’arrivée et du colis de café (annoncé par lettre du 5 II) et de vos disques et
partition (annoncés par lettre du 23 de l’American Center). Ni l’un ni l’autre de ces
envois ne sont parvenus, et je ne veux pas attendre plus longtemps pour vous écrire.
1003 Je vous remercie pour l’analyse de Ionisation468 qui me sera très utile et pour les papiers
de Rosenfeld et de List469. Me voilà bien muni pour vous présenter aux élèves du
Conservatoire21470.
1004 De mon côté, si je ne vous les ai pas encore expédiés, j’ai réuni des papiers qui
répondront je l’espère à ce que vous souhaitez. Il faut maintenant que je les fasse taper.
Il y en a un (le texte sténographié de la présentation d’un concert de mes œuvres) que
j’ai envoyé à Mrs Reis471 avec prière de vous le communiquer dès qu’elle l’aura utilisé. Je
n’en avais qu’un exemplaire c’est pourquoi j’ai dû utiliser ce subterfuge. Au reste je n’ai
pas de nouvelles de l’envoi que je lui ai fait de papiers, photos, et de la musique qu’elle
m’avait commandée - gratis pro Deo ! ! Pouvez-vous lui téléphoner à ce sujet et lui
demander qu’elle m’en accuse réception ?
1005 La question la plus délicate est celle des disques. Mes œuvres les plus significatives que
j’aurais souhaité vous envoyer ne sont pas enregistrées (ou sur disque souple par la
Radio - et elle n’en tire pas de copies). Les seuls disques du commerce que j’ai à part des
petits ballets472 pour marionnettes sont mes Trois complaintes du soldat 473 ! Je vous en
ferai parvenir par Robert Franc et Mildah Polia qui vont venir faire un petit séjour
prochainement à Paris.
1006 Messiaen vous a-t-il répondu ? Je l’ai entrevu, il y a une dizaine de jours à la suite d’une
première audition474 de lui, à la Société des concerts, mais n’ai pu lui parler.
1007 Et maintenant, surtout, nous souhaitons que vous alliez mieux, et qu’on vous
débarrasse bientôt de votre drain475.
1008 Nous avons fait vos commissions aux Le Flem. Ils ont eu aussi des ennuis de santé et
Jeanne a risqué la paralysie, tandis que leur petit fils 476 a failli mourir. Merci pour
l’envoi de café - Vous êtes trop gentil de vous soucier de cela. Ne vous inquiétez pas
pour mes papiers. Vous les aurez en temps utile. Mais, en ce moment j’essaie de
rattraper le retard que m’ont valu mes deux bronchites de cet hiver.
1009 J’écris un morceau de concours - très pressé - pour le conservatoire - et je prépare un
voyage à Budapest pour le début Avril où je dois diriger un concert Jeune France 477.
1010 A bientôt vous écrire ?
1011 Guigui478 se joint à moi pour vous embrasser tous deux bien affectueusement.
1012 Jolivet
1013 Je vais essayer de récupérer un enregistrement (sur disque souple) de mon Quatuor à
cordes.
114

85.

JOLIVET À VARÈSE :
Paris le 1er - VI - 1948

1014 Cher Ami,


1015 Voici qu’avec bien du retard je peux enfin vous accuser réception du colis de succulent
café que vous nous aviez envoyé et qui nous est parvenu en parfait état. Depuis nous
nous régalons après chaque repas et, sous les espèces du café, nous communions avec
vous dans l’amitié. Ce qui est souvent plus facile que de trouver cinq minutes pour
écrire une lettre.
1016 De mon côté j’ai reçu vos messages d’amitié par Philippe Heugel 479 et plus récemment
par René Le Roy480 par l’intermédiaire d’un de mes musiciens qui est de ses intimes et
qui l’a vu.
1017 Nous sommes allés Guighui et moi à Vienne et à Budapest dans la seconde quinzaine
d’Avril. J’y ai dirigé plusieurs concerts de musique française contemporaine et fait des
conférences sur le même sujet. A ma conférence de Vienne j’ai passé votre disque
d’Octandre qui a violemment secoué le public, qui ne s’attendait pas à ouïr quelque
chose d’aussi intense et d’aussi violent. J’ai donné aussi la 1 ère audition de mon Concerto
pour ondes Martenot et orchestre qui a pas mal dérangé les habitudes de ce public très
conservateur au fond.
1018 Depuis notre retour, le 3 mai, nous avons été débordés et c’est seulement aujourd’hui
que je prends sur l’urgent pour mettre mon courrier à jour. Heugel m’a dit que vous
alliez mieux et qu’on vous avait ôté votre drain. Je souhaite vivement que ces nouvelles
soient exactes.
1019 Comment s’annoncent vos conférences ?481
1020 Milhaud repart pour les U.S.A. le 25 juin. Il emportera un peu de musique de moi. Il m’a
communiqué un poème sur vous.
1021 Nous espérons avoir bientôt de vos nouvelles directes.
1022 Mille mercis encore pour l’envoi.
1023 De nous deux à vous deux nos fidèles amitiés.
1024 Jolivet

86.

Varèse à Jolivet :
[New York] 5 - XI / 1948
aérogramme

1025 Cher Ami -


1026 J’espère que ce mot vous trouvera tous en bonne santé et contents - Mme Polia m’a dit
que Guighy482 était devenue une grosse légume radiophonique - Je la vois active,
115

mettant son pied au cul des récalcitrants et je me réjouis de son succès comme des
vôtres -
1027 Mon ami le compositeur Harrison Kerr sera à Paris dans la prochaine quinzaine de
Décembre et ira vous voir ainsi que Le Flem - C’est un vrai copain - Recevez-le comme
tel et faîtes je vous prie ce que vous pourrez pour lui rendre Paris agréable et si
nécessaire lui donner un coup de main - Comme il ne parle pas français ce sera une
occasion pour vous et Guighy d’exercer votre anglais - Kerr est attaché au Ministère de
la guerre, son titre officiel est : Chief of Music and Arts Section in the Civil Affairs
Division - et (avant sa visite à Paris) se rend en mission officielle en Allemagne - Il
arrivera d’ailleurs muni d’un petit mot d’introduction que je lui remets.
1028 Je suis bien maintenant - Le chirurgien avait raison, il me fallait un an après l’opération
pour me remettre483 - J’ai repris le travail et vais repartir -
1029 Je vois ce soir Goldbeck484 et sa femme - Il m’a dit par téléphone les choses les plus
gentilles et senties vous concernant et c’est avec plaisir que je vous rapporte ce potin
agréable - Voilà -
1030 Louise se joint à moi pour vous embrasser bien fort tous les 2 -
1031 Votre
1032 Varèse

87.

5 - XI / 1948
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

1033 Cher Ami


1034 J’espère que mon « Air Mail » (d’aujourd’hui) concernant Harrison Kerr 485 vous est bien
parvenu -
1035 En tout cas voici en duplicata q[uel]ques renseignements supplémentaires. Notre
collègue part en mission officielle en tant qu’attaché au ministère de la guerre : Chief of
Music and Arts Section, Civil Affairs division - Il passera par Paris à son retour - Je le
recommande donc à votre amical accueil et vous prie de faire votre possible pour lui
être utile et agréable - Il vous sera d’ailleurs sympathique et je sais que l’accrochage se
fera bien entre vous 2.
1036 Vous embrassons avec Guighy.
1037 Votre
1038 Varèse
1039 [À cette lettre, est ajouté un mot manuscrit de Harrison Kerr486]
1040 Dear Mr. Jolivet,
1041 I am staying at theHotel Royal, Ave[nue] Friedland, and would enjoy hearing from you.
1042 I speak very little French.
1043 Harrison Kerr
116

88.

JOLIVET À VARÈSE :
Paris le 22 - XI / 1948

1044 Mon cher Ami,


1045 J’ai été heureux d’apprendre par votre lettre du 5 XI que vous étiez complètement
rétabli - et que vous alliez pouvoir vous remettre au travail. J’avais su par Philippe
Heugel487 que votre état s’améliorait - et j’ai chargé Modesti 488, qui vient de repartir
pour New-York de vous apporter toutes nos amitiés. J’attends donc de pied ferme M.
Harrison Kerr et ferai mon possible pour lui faciliter son séjour à Paris, et le conseillerai
sur les personnalités qu’il pourra rencontrer. Il m’est toujours agréable de rencontrer
des gens que vous m’envoyez, comme je suis heureux de vous adresser des amis. Mais
cela ne remplace pas le plaisir que j’aurais - que nous aurions de vous revoir. Mais
quand irai-je aux U.S.A. ? La troupe de l’Opéra y avait emmené mon ballet 489 qu’elle y a
joué treize fois (au lieu de huit prévues) mais jusqu’à présent cela ne m’a pas valu de
contacts avec le milieu musical américain. Comme vous l’aviez prévu la fameuse
commande de la League of Composers a foiré et finalement c’est Milhaud qui a fait
jouer mon Hopi Snake Dance490 à une conférence qu’il a faite à Tanglewood cet été. Il
doit la redonner en Californie.
1046 Depuis six mois je n’ai pas écrit une note de musique passant mon temps à corriger les
épreuves de plusieurs œuvres qui vont sortir en librairie. Particulièrement ma Sonate
pour piano, mon Quatuor à cordes, des mélodies, des œuvres instrumentales, etc... En
plus, mille travaux alimentaires, car la vie est de plus en plus chère ici, et il faut se
livrer à mille besognes pour pouvoir subsister avec la famille.
1047 J’ai eu la visite d’un professeur de musique sud-africain, M. Gerrit-Bon 491, qui
connaissait votre musique et avait fait Octandre en Afrique du Sud.
1048 Collaer492 continue à vous jouer à Bruxelles. Je suis content que Goldbeck ait repris
contact avec vous et que, par ce qu’il a pu vous dire de moi, vous ayez eu la preuve que
vous étiez toujours présent ici spirituellement.
1049 Nous avons passé les vacances à Carnac, en Bretagne. Le Flem était à la Trinité sur mer
et nous nous sommes vus souvent. Il a une nouvelle pièce qui doit passer à l’Opéra-
Comique493 - dont j’ai lu la partition - et qui est très réussie musicalement.
1050 Hylda a un peu ralenti son activité radiophonique du fait des soucis familiaux.
1051 Jolivet me494 demande de compléter la « formule de politesse ». Je ne sais si c’est poli,
mais je vous embrasse ainsi que Louise bien affectueusement comme je le ferais dans
une rencontre que je souhaite depuis si longtemps.
1052 Votre vieille et fidèle amie
1053 Guigui-Jolivet
117

89.

Dec[embre]. 16 - 48
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City
(date indiquée de réponse de Jolivet : 5 février 1949)

1054 Chers Amis


1055 Merci aux 2 pour lettre du 22-XI parvenue il y a 3 jours, jour où je reçus la visite de Mr
Modesti qui m’apportait vos amitiés -
1056 Content de vous savoir bien portants (ainsi que la tribu) et d’attaque - J’entends de
toutes parts (vox populi vox Dei) que Guighy s’est révélée une organisatrice - une
« executive » de 1er ordre et la revois, chaussée de sandales à l’ombre de son chapeau
parasol déambulant sur les Ramblas de Barcelone495 - Oui comme vous dites il y a belle
lurette - Soler, (qu’est-il devenu ?) les courses de taureaux, Barcelone - Madrid,
l’Escorial...
1057 Suis d’aplomb maintenant et reprends - Vous envoie ci-joint par l’aimable entreprise de
Mr Raymond Creuze496 dernière photo - toute récente 497 - J’ai une vive sympathie pour
Mr Creuze et je le recommande à votre amical accueil. Harrison Kerr sera à Paris vers le
27-28 cour[an]t et vous fera signe au débotté Je n’étais malheureusement pas à Ν.Y.
lorsqu’on a donné votre ballet - mais il a obtenu un beau succès musical - Je dis
« musical » car seule la partition a été remarquée - La troupe n’a produit qu’une bien
piètre et miteuse impression. Il y a mieux ici -
1058 Par contre l’orchestre national dirigé par Münch a été reçu avec enthousiasme. J’étais
au concert et ça a vraiment bien marché - Poulenc aussi a obtenu un cordial accueil -
Naturellement public spécial : balletomane tapettoïde. Ne connaissant pas Poulenc je
peux parler sans préjugé - D’ailleurs sa musique n’a pas changé depuis ses débuts - Du
Marie Laurencin498 - œuvres légères, agréables, adroites : mièvres, si l’on veut, mais
quand même autrement touchées que celles de ses collègues d’ici - En plus excellent
pianiste. Modesti m’a dit qu’il allait vous écrire - Par lui, Kerr, Creuze vous aurez donc
des nouvelles toutes chaudes - sans oublier les Goldbeck qui rentrent dans q[uel]ques
jours. Le concert d’Yvonne et les conférences de Fred ont été cordialement appréciés -
et ils partent en laissant de nombreux nouveaux amis - A 2 de ses conférences ici il a
passé le disque de votre quatuor499 et vous a élogieusement présenté - Il a fait du bon
boulot pour tous - Louise se joint à moi pour vous embrasser tous les 2.
1059 Bon Noël - et Heureuse année -
1060 Votre
1061 Varèse
1062 Il neige - 1ère neige - et elle s’accumule - A propos des neiges d’antant [sic] que sont
devenus De Nobele et Maigret500 ?
118

90.

VARÈSE À JOLIVET :
[New York] 14 - VII / 1949
aérogramme

1063 [Partie centrale]


1064 Cher Ami
1065 Heureux des bonnes nouvelles et de vos succès - Probablement ce mot vous joindra en
Bretagne (est-ce celle de Le Flem501) - où je vous souhaite ainsi qu’à Guighy de passer de
bonnes et reposantes vacances -
1066 Quant aux extraits de presse que vous m’aviez envoyé - impossible de mettre la main
dessus - Ils doivent comme la plupart de mes notes se vadrouiller à travers les 48 états -
(ou plutôt - avoir fini dans des paniers à papiers locaux) les élèves ayant accaparé tout
ce qui leur semblait utile à la préparation de leurs thèses - Vous ne m’aviez pas
demandé de renvoyer ces coupures sans cela je les aurais gardées - maintenant trop
tard - impossible de les rattraper. Il faut considérer que c’est de la graine tombée en
bon terrain - Perte et profits - surtout - à longue échéance ces derniers.
1067 L’adresse de Mrs Arthur M. Reiss502 est 39 East 79th St. N.Y. Je ne l’aperçois que rarement
et de loin - Malgré mignardises et sourires engageants il est bon de garder les distances.
Ecrivez donc directement et réclamez votre dû - C’est bien que l’état de Villa-Lobos 503
aille s’améliorant, il a subi comme vous le savez sans doute une sacrée opération. Il
nous a dit la veille de son départ combien il était heureux de rentrer « chez lui » en
Europe - Paris (où il compte dorénavant passer une
1068 [suite sur le côté droit]
1069 bonne moitié de l’année) étant avec Londres les villes où il occupe la place d’honneur.
1070 Ici, comme de tradition, chaleur et humidité tropicales - mais santé et boulot collent -
Peut être irons nous [sic] (mais ce n’est encore qu’un projet) en automne dans le désert
(New Mexico - Arizona - et aussi California Death Valley) Voilà où je voudrais pouvoir
me fixer22 - C’est vraiment le paysage - le climat - qui me bottent - et quand on revient,
ce que N.Y. parait miteux. Les sky-scrapers semblent ces crottes verticales de chiens
constipés. Rockfeller center 80 étages superposés - le 80è naturellement le plus cher -
pensez à la supériorité du locataire qui peut chier sur la tête des autres - sans danger de
réciprocité - C’est une esthétique vraiment surannée - que celle de la hauteur - et qui
n’a
1071 [suite sur le côté gauche]
1072 rien en commun avec les concepts de notre époque - Des manifestations mort nées -
Mentalité de faiseurs de boîtes à loyers - Enfin on arrive à vivre - et matériellement
bien. Le mieux viendra en temps voulu -
1073 Embrassez Guighy - Louise part passer q[uel]ques temps à Pittsburg auprès de sa sœur.
Mon beau frère [sic] que nous aimions b[eaucou]p - vient de mourir - Elle se joint à moi
pour vous envoyer nos affectueuses amitiés et vider en esprit un pot de bon cidre avec
vous 2
1074 Votre
119

1075 Varèse

91.

non datée, mais réponse de Jolivet écrite le 3-XI-1949


sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City

1076 Voici - cher Ami - programme d’un jeune groupe que j’ai guidé dans le choix des
œuvres et que j’ai fait répéter504 -
1077 Votre suite était trop longue pour être donné [sic] intégralement (il fallait variété et
productions américaines) elle le sera plus tard dans une tournée qu’ils envisagent -
1078 Comment allez-vous ? quoi de neuf ? Reçu lettre de Ginette Martenot pour me prévenir
de sa venue - Pense la voir à N.Y. à sa venue de Boston où elle a filé directement
1079 Et Guighy que devient-elle ?
1080 Ici ça va - travail et santé collent -
1081 Aff[ectueusemen]t
1082 Edg. Varèse
1083 amitiés aux Le Flem lors de votre prochain coup de téléphone -

92.

10 - XI / 1949
sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York City
(avec indication par Jolivet de réponse le 12-XI-1949)

1084 Cher Ami -


1085 Affectueuses félicitations pour votre « Concerto » admirablement présenté par Ginette
Martenot et Munch505 - et chaleureusement accueilli. La belle critique ci-inclus de V.T.
506
(le seul qui compte parmi les critiques de la presse quotidienne) doit vous faire
plaisir -
1086 J’ai déjà vu les Martenot507 mais en hâte - Ils viendront dîner avec nous soit cette
semaine ou celle qui vient - Nous parlerons naturellement de vous et sûrement ils vous
communiqueront d’autres compte-rendus [sic] - mais je tiens à ce que le Thomson paru
ce matin vous parvienne de suite.
1087 Louise se joint à moi pour vous embrasser tous les 2
1088 Votre
1089 Edg Varèse
1090 [sur le côte droit]
1091 Je téléphone à V.T. pour le remercier -
120

93.

JOLIVET À VARÈSE :
Paris le 12 - XI - 1949

1092 Mon cher Ami,


1093 Vos deux dernières lettres m’arrivent ce soir et m’apportent un double témoignage de
votre attentive amitié.
1094 Rien ne pouvait me faire plus de plaisir que d’avoir les premières nouvelles de mon
Concerto508 en Amérique par vous-même.
1095 L’article de Thomson509 est fort élogieux si je l’ai bien compris - et je me réjouis qu’il ait
souligné que je ne suis pas qu’un compositeur « marteniste ». Ceci je le craignais car, en
vrai, c’est la première fois que je suis joué en concert symphonique aux U.S.A. et
j’aurais été ennuyé que l’on ne m’y considère que comme un « spécialiste en
étrangetés ». J’espère que le conseil de V. Thomson sera écouté et qu’on y jouera
d’autres œuvres de moi purement symphoniques.
1096 Etiez-vous à ce concert ? Si oui j’aimerais avoir votre franche critique à propos de cet
ouvrage que j’ai essayé de faire le moins « concerto » possible - en tous cas le plus
musical qui soit dans le genre concerto.
1097 Je n’ai malheureusement pas l’adresse de Thomson. En attendant que vous me la
communiquiez et que je puisse le remercier directement je vous serais obligé de lui
exprimer toute ma gratitude - comme vous lui avez déjà téléphoné la vôtre.
1098 Je vais écrire aussi à Munch.
1099 Mais ce qui comptera surtout pour moi c’est d’avoir votre appréciation exacte car je
vous avoue qu’ici je n’ai plus personne à qui me référer, travaillant de plus en plus en
dehors des habitudes courantes de mes conifères. Ghuighui510 se joint à moi pour vous
adresser ainsi qu’à Louise nos plus affectueux embrassements.
1100 Jolivet
1101 Merci aussi pour le programme du Trio. Je crois que ces jeunes personnes peuvent
obtenir beaucoup de succès avec mes « Pastorales de Noël ». Avec les Mages 511 elles en
avaient retenu la pièce que je crois être la meilleure du recueil.

94.

15. 12. 1949


lettre collective, sur papier à en-tête Edgar Varèse, 188 Sullivan Street, New York
City

1102 Cher Jolivet, nous sommes tous réunis (Ginette Martenot, Yvonne Loriod 512 et moi) dans
le bureau d’Edgar Varèse - et nous pensons tous à vous avec émotion et affection, en
écoutant les disques d’« Ionisation »513 et de « Octandre » dont vous m’avez tant parlé !
1103 Olivier Messiaen
1104 Mille amitiés, mille bonnes pensées, concerts merveilleux.. !
121

1105 Yvonne Loriod


1106 Heureuse d’être chez votre Maître qui me charge de vous embrasser vous et Hilda 514 sur
quatre joues !
1107 Soirée où nous vous regrettons
1108 G. Martenot
1109 Chers amis - à quant [sic] votre arrivée - Tous les cinq 515 ?? si contente de connaître vos
amis -
1110 Et encore merci Jolivet pour ma pièce de piano !516
1111 Louise
1112 Messiaen - Yvonne Loriod et Ginette Martenot vous apporteront nouvelles fraîches - Ils
viennent de passer la soirée ici - et ce mot vous annonce leur arrivée - ils s’embarquent
demain sur le Queen Mary517 -
1113 Bon Noël et Heureuse Année -
1114 Vous embrasse tous les 2
1115 Votre
1116 Edgar Varèse

95.

Varèse et Münch à Jolivet :


aérogramme carte postale, non datée, cachet de la poste, Boston 27 décembre 1949

1117 Cher Ami,


1118 Merci de tout cœur pour votre lettre... je viens de dîner avec Varèse et nous pensons à
vous -
1119 Laissez-moi vous dire combien j’étais fier et heureux d’avoir pu présenter à Boston et à
N.Y. votre concerto518.
1120 Loin de Paris, j’ai la nostalgie - la nostalgie de ceux comme vous que sur place je n’ai pu
voir et connaître comme j’aurais tant aimé le faire519 -
1121 Avec mon admiration et affection
1122 Charles Munch -
1123 Après un bon dîner - de bons vins - Bourgogne - Alsace et du fragrant cognac - on
remémore - et naturellement on parle de vous - Je rentre à N.Y. demain. Vous devez
avoir actuellement de mes nouvelles par Messiaen520 - Je vous embrasse tous les 2.
1124 Votre Edgar Varèse

96.

Varèse à Jolivet :
[New York] 3 - IV / 1950
aérogramme
122

1125 Cher Ami -


1126 Tout d’abord mes affectueuses félicitations pour le succès de votre Concerto dont
Ginette Martenot521 m’a fait part dans une lettre m’annonçant sa venue en May [sic] - et
puis merci pour votre carte du Caire522 arrivée ce midi - Vous avez dû avoir une belle
ballade et fait provision de vrai soleil et incandescente lumière -
1127 Il est vaguement 523 possible que j’aille cet été en Europe - Si le truc arrive à se goupiller
je vous préviendrai dare-dare - (mais d’ici là : motus s.v.pl.) et j’aurai donc le plaisir de
vous revoir là - car je ne vois guère de probabilité pour que vous veniez ici - Poulenc et
autres - sont exécutants (Messiaen aussi) et la musique du 1 er est dans la catégorie
plaisante qui ne dérange personne - Quant à diriger vous entreriez en compétition avec
tous les as du bâton - et ce serait fort épinard [sic]524 - et encore devriez vous [sic] être
invité - chose improbable - mieux impossible puisque vous ne représentez pas un atout
- « box office proposition » - Si on veut rester propre - être digne du nom - de l’état de
compositeur il faut accepter les obligations que ça implique et se résigner à gagner sa
vie à côté - C’est pas drôle - mais faut pas se plaindre - Personne ne nous a forcé à
suivre une vocation - il n’a jamais été question de choix - Contentez vous [Sic] donc
d’écrire de l’honnête musique, des œuvres que vous signez en en prenant la
responsabilité - Merde pour le reste : la bande d’enculés et de mentalement déplacés -
1128 [suite sur le côté droit]
1129 professionnels de la résistance (résistance à quoi - et de post libération) - qui viennent
ici déballer la râclûre [sic] des fonds de poubelles - Et cependant il doit y avoir de vrais
talents parmi les jeunes connaissez-vous Boulèze (?) [sic] Grimaud (?) 525 dont Cage 526
m’a parlé ?
1130 Je travaille b[eaucou]p - et bien - le dos tourné aux hiers - Ce qui s’annonce - est beau -
et je trouve que nous n’avons jamais eu le privilège d’une époque plus lourde d’espoirs
et de possibilités. Ce n’est pas des marchands de bretelles ayant déposé leur bilan ou
q[uel]ques foireux de la 4è raie publique et naturellement leurs petits copains à grelots
londoniens qui doivent troubler notre sommeil -
1131 [suite sur le côté gauche]
1132 Je gagne ma croûte - et turbine pour moi - Seul mon développement m’intéresse - le
reste ne compte pas.
1133 J’aime b[eaucou]p v[on]. Webern - quelle propreté et aussi Schönberg que je voyais
b[eaucou]p en Californie chez lui et à la maison527. Ça c’est luisant comme un sou neuf
(en cuivre) - Quant à Berg il y a trop de rubato de Brahms - et de branlotage
Skriabinesque - mais c’est quand même un colosse comparé au reste -
1134 Si vous voyez la bande des buveurs - Maigret De Nobele etc - « greetings » 528 Louise se
joint à moi pour vous embrasser avec Guighy
1135 Votre aff[ectionné].
1136 Edg. Varèse
1137 (Excusez plume dégueulasse)
1138 [à l’envers, en haut de la partie centrale]
1139 Soyez gentil de téléphoner à Ginette Martenot pour la remercier de son mot - et
transmettez lui [sic] mes amitiés ainsi qu’à son frère - Dites lui [sic] que j’attends son
coup de fil dès son arrivée -
123

97.

Varèse à Jolivet :
1er Août 1950
sur papier à en-tête « Stadt Darmstadt - Kranichsteiner Musikinstitut »

1140 Cher Ami


1141 Ici529 depuis le 28 - VII - y serai jusqu’à la fin du mois à part q[uel]ques déplacements
Berlin Munich etc.
1142 Vous ai écrit il y a q[uel]ques semaines ma venue - sans réponse de vous - je me
demande si ma lettre vous ai [sic] parvenue530 -
1143 Adresse : ci-dessus.
1144 Aff[ectueusemen]t à Guighy et vous
1145 Edg. Varèse
1146 On m’a appris à N.Y. que Le Flem est en Bretagne - Avez-vous son adresse ?

98.

Varèse à Jolivet :
[New York] 10 - VI / 1952
aérogramme

1147 [partie centrale]


1148 Cher Ami.
1149 Oui c’est avec plaisir qu’avec Franck531 et Skulsky 532 nous avons (Louise et moi écouté)
votre concerto533 - Il était possible de suppléer à l’enregistrement défectueux en suivant
la partition que Skulsky possède (photostate de celle d’orchestre). J’ai trouvé
l’exécution de Lucette Descaves (à qui mon bon souvenir, si elle se souvient de moi, et
compliments de circonstances) sensible vivante et enthousiaste - Comme vous le
mentionnez la partie instrumentale n’était pas à la hauteur de l’œuvre - mais la
partition permettait de mettre les choses au point - Donc bravo !
1150 Tureck534 est très emballée par votre œuvre. C’est une excellente pianiste très côtée
[sic], surtout à cause des concerts qu’elle donne pour présenter l’œuvre originale de
Bach (pas de transcriptions)
1151 Content que Ionisation n’ait pas été donné [sic] - Le chef que Goldbeck et Nabokov
avaient en vue n’était pas ce qu’il fallait, ainsi que je l’ai écrit à Goldbeck le priant de
faire passer l’œuvre à l’as.
1152 Nous serons heureux - mais vraiment heureux de vous revoir et Guighy aussi, car vous
savez (ainsi que je vous l’ai dit lorsque je vous ai mis dans le train tous les 2 à Madrid)
que j’ai quitté Paris pour ne pas y revenir - J’ai horreur des villes mortes et des
peuplades momifiées. J’irai toutefois lorsque l’occasion se présentera en Europe et en
France - mais éviterai la ville-égout. Tout en vous remerciant pour votre amicale
124

intervention auprès de la Radio, je préfère ne pas être joué à Paris et y être totalement
ignoré. Soyez donc gentil de laisser tomber - et double merci pour ça.
1153 [suite sur le côté gauche, numéroté 2]
1154 Maintenant - et confidentiel - car on ne sait jamais - J’ai reçu la visite du moine de
Louisville (Kentucky)535 fanatique de musique et qui commande des œuvres en payant je
crois $ 1000 - Il m’a consulté pour les E[tats]. U[nis]. et l’Europe me demandant qui je
recommandais pour les différents pays. J’ai nommé vous et Boulez pour la France.
1155 L’Orchestre de Louisville est un ensemble d’une 60 ne - d’exécutants (bois par 2) - Le bébé du
moine - mais dont on commence à parler énormément pour l’intérêt militant que cette
organisation montre pour la musique contemporaine - Donc gardez ça pour vous - Juste
pour vous mettre au courant - Souhaitons !...
1156 [suite sur le côté droit, numéroté 3]
1157 Je travaille b[eaucou]p, mais avec patience - je ne crois plus dans les concerts - la sueur
des chefs d’orchestres [sic] et les cyclones de pellicules des virtuoses, et ne suis
intéressé que dans les enregistrements - et pour ça il faut attendre - Il y a plus de
chances en Europe - pour ces activités - mais il faudrait y être - et malheureusement on
n’y gagne pas sa croûte - Ça viendra - et ici.
1158 Un élève arrive et je la boucle -
1159 En hâte avec l’affectueux souvenir à vous 2 de Louise et de
1160 Varese
1161 [en haut de la partie centrale, à l’envers]
1162 Amitiés aux Le Flem aux Goldbeck De Nobele - Maigret etc. etc.

99.

6 - I / 1953
sur papier à en-tête Edgar Varèse,
188 Sullivan Street, New York City
(réponse de Jolivet indiquée le 11-I-1953)

1163 Cher Ami


1164 Le concert a admirablement marché et votre concerto536 a été chaleureusement
accueilli - Nous avons assisté, avec le P. Blanc 537, Louise et moi à la répétition hier après-
midi et avons aimé votre œuvre -
1165 Vous devez une fïère chandelle à Barzin538 qui a dirigé avec une technique précise et
sensible - et enthousiaste - et aussi (vous le savez) au jeune Entremont 539 qui s’est révélé
pianiste de haute classe dans les concerti : le votre et celui de Liszt 540 - Critique bonne23
et faisant le point en ce qui concerne la réaction du public. Vous pouvez être satisfait et
content - Thomson et Downes541 les 2 pontifes officiel [sic] étaient là - ci-inclus leur
prose -
1166 Je pense que par Boulez vous avez eu de nos nouvelles - Je l’ai vu assez souvent à la
maison pendant son séjour ici
1167 Voilà vieux - Vous embrassons avec Guighi -
125

1168 Hastily542
1169 Varèse

100.

Varèse à Jolivet :
[New York] 5 mai 1955
aérogramme
(réponse indiquée, le 16 mai 1955)

1170 Chers Amis


1171 Pierre543 est passé en courant d’air pour faire connaissance et dire adieu à l’Amérique,
car il n’aime pas ce bled - C’est un brave petit gars qui nous a été tout ce qu’il y a de
sympathique.
1172 Vous auriez - (ça s’applique à A. Jolivet Esq) pû [sic] me faire savoir personnellement
que finalement Louisville544 vous avait passé commission545 pour un navet -
1173 Voilà pour l’instant -
1174 Nos affectueuses pensées
1175 Varèse
1176 Pierre a une jolie petite gueule - les beaux yeux de Guighy

101.

JOLIVET À VARÈSE :
Paris le 16 - V - 1955

1177 Mon cher Ami,


1178 Votre lettre nous est parvenue presque en même temps que notre fils. La première
chose dont celui-ci nous ait parlé c’est de l’accueil que vous lui avez fait Louise et vous
et du ravissement où il est de vous connaître et d’avoir entendu Déserts. En somme
vous lui avez offert son meilleur souvenir d’Amérique et cela au moment de la quitter !
Merci.
1179 Il m’a dit - ce que votre lettre confirme - que vous regrettiez que je ne vous ai pas
confirmé pour Louisville546. Je crois pouvoir vous dire qu’il y a un malentendu à ce sujet,
car si mes souvenirs ne me trompent pas, voici comment je vous ai parlé de cette affaire
dès votre première visite chez nous, en Novembre547.
1180 « Louisville m’a fait une commande et je pense que vous y êtes pour beaucoup. J’ai
répondu que j’acceptais tout en demandant certaines précisions quant à la tablature et
j’attends leur réponse ». Celle-ci ne pouvait être négative. Je ne vous dis pas que la
constitution de l’orchestre me réjouisse beaucoup ; ça s’équilibre assez mal. J’essaie de
me débrouiller avec ce qu’ils offrent mais ça n’est pas commode. En fait si je ne vous en
ai pas reparlé c’est que dès la première fois que nous nous en étions entretenus je
considérais l’affaire comme faite.
126

1181 Vos entretiens avec Charbonnier548 sont bien passés à la Radio et ont dû être écoutés.
Charbonnier n’est pas peu fier d’avoir mené à bien cette entreprise épineuse dont je lui
avais suggéré l’idée. Vous a-t-il tenu au courant des réactions du public ?
1182 A part cela, la vie continue. J’ai enregistré pour Columbia mon Concerto de flûte et mon
2e Concerto pour trompette549. Ils doivent paraître aux USA chez Angel Records.
1183 Et vous que faites-vous ? Nous espérons bien que quand vous reviendrez l’an prochain
vous amènerez Louise.
1184 En attendant le plaisir de vous revoir nous vous embrassons tous deux bien
affectueusement.
1185 Jolivet
1186 Je ne crois pas que je ferai la tournée de la Comédie F[rançai]se au Canada et à N-Y.

102.

JOLIVET À VARÈSE :
Paris le 1er - VII - 1955

1187 Mon cher Ami,


1188 D’une maison de disques qui projetait d’enregistrer mon Concerto pour ondes en
septembre prochain, j’ai obtenu que l’autre face du disque vous soit consacrée.
1189 Le Directeur artistique tient à avoir Ionisation. Je pense que vous n’y verrez pas
d’inconvénient. Mais je crois qu’Ionisation nous laisserait la place de graver en plus
Hyperprism550 ou Octandre. (Il est d’accord en principe).
1190 Il me faut donc savoir de vous le plus tôt possible :
• La durée d’Ionisation
• La durée d’Octandre
• La durée d’Hyperprism
1191 et où on peut se procurer partitions et matériels et avec qui il faut traiter. J’ai
personnellement les partitions d’Ionisation et d’Hyperprism (mais pas celle
d’Octandre) ? Ce qui, en attendant, me permettrait de donner aux services artistiques
toutes précisions sur les tablatures et instruments nécessaires - ainsi que sur le choix
du chef. J’attends vos instructions.
1192 De nous cinq à vous deux nos fidèles amitiés.
1193 Jolivet

103.

VARÈSE À JOLIVET :
[New York] 17 - VII / 1955
sur papier petit format, écrit à l’encre rouge, recto-verso

1194 Cher Ami


127

1195 Absent de N.Y. c’est à mon retour que je trouve votre lettre du 1er c[ouran] t. Merci. Je
suis très touché par votre amicale proposition, désolé toutefois de ne pouvoir prendre
part au projet que vous proposez - J’ai décidé de refuser tout enregistrement si ce n’est
moi présent. Je considère indispensable une étroite collaboration avec l’ingénieur du son
et le Chef d’orchestre - L’enregistrement est un document qui doit fixer les données de
l’œuvre et non projeter une interprétation fantaisiste n’ayant qu’un vague rapport avec
son esprit - ce qui malheureusement est trop souvent le cas.
1196 Il n’est pas question que nous venions avant 5 ou 6 mois - donc septembre impossible -
Si vous voulez bien nous reparlerons de tout ça - ou d’autres possibilités - ici - à la
maison, en famille lors de votre venue que la C[omédie].Française]. annonce avec la
sienne.
1197 Encore merci - A vous deux nos affectueuses pensées à partager avec le prince héritier
et ses cadets551
1198 Votre
1199 Varèse
1200 Déserts : Accueil triomphal au Festival de Bennington (Vermont) la rigide, puritaine
Nouvelle Angleterre s’éveille - Vous joins article du Harper’s Magazine 552. Veuillez je
vous prie le communiquer à Charbonnier - et lui demander s’il à pû [sic] joindre le D r
Mardrus553. Merci.

104.

Juin 1957
Carte postale adressée aux Jolivet -
George Washington Bridge-New York

1201 Chers Amis -


1202 Juste pour vous prévenir que nous serons en Europe fin été.
1203 Naturellement Paris est compris dans l’itinéraire
1204 Vous préviendrons date départ et où « contactables »554
1205 Vous espérons en bonnes santés -
1206 Que devient Talma555 ?
1207 Des deux aux deux - et aux gosses aff[ectueusemen]t
1208 Varèse

105.

[New York] 4 - VIII / 1958


aérogramme adressé à Guighi,
(réponse indiquée par Jolivet, le 2 septembre 1958)

1209 Chère Guighi


128

1210 Louise m’a dit que la Saccharine ne vous convenait pas et qu’elle vous avait conseillé
d’essayer le Sucranyl - Je promets de vous en envoyer un échantillon afin que vous
l’essayiez - Cela paraît réussir à différents amis qui le recommande [sic] - Ce produit se
trouve d’ailleurs partout - Vous le trouverez en tout cas dans toutes pharmacies
américaines à Paris - Une bonne est près de l’Opéra - American - British Pharmacy - ou
un nom de ce genre. Depuis presque un mois sommes de retour et avons été
triomphalement reçus par canicule et humidité tropicale -
1211 La connerie règne - comme vous devez vous en rendre compte - et ici ça bat tous les
records - tout le monde est dégoûté mais la révolte n’est que platonique -
1212 Nous avons été tous les 2 heureux de vous retrouver en bonne santé et prospères et de
passer q[uel]ques instants avec vous.
1213 Est ce [sic] que Talma556 est remis de son succès ?
1214 L’affectueux souvenir (à partager) de Louise et
1215 Varèse
1216 L’emmerdeur de téléphone n’arrête pas - Excusez griffonage - trop de trucs à
m’occuper - et pressants -

106.

JOLIVET À VARÈSE :
Carte postale, Aix-en-Provence le 2 septembre 1958
(réponse à lettre précédente n° 105)

1217 Chers Amis,


1218 Vous espérons réacclimatés à la vie New-Yorkaise - mais pas pour trop longtemps : on
compte sur vous ici.
1219 Merci du tuyau Sucramyl. On s’en procurera à Paris car l’échantillon n’est pas arrivé 24.
1220 Ici séjour ensoleillé et un peu de travail entre des promenades provençales agréables.
C’est vraiment la région où il fait le meilleur vivre. (Trouvé des vins sensationnels)
1221 Bien affectueusement de nous 2 à vous deux
1222 André

107.

VARÈSE À JOLIVET :
[New York] Sept 23rd 1958
aérogramme
(réponse indiquée, le 29 septembre 1958)

1223 Chers Amis -


1224 Bien reçu votre carte - Merci - Vous avez de la chance de vous les rouler au doux soleil
cher au Roi René557 -
129

1225 Je pense que vous avez dû trouver l’échantillon du Sucaryl expédié en même temps que
le mot vous l’annonçant - (expédié de même par avion) - après avoir dû aller aller [sic] à
poste pour les rassurer que ce n’était pas médicament camouflant narcotique [J’espère
aussi que ce mot que j’adresse à Paris, n’ayant votre adresse provençale, vous
parviendra -
1226 Ici le vieux N.Y. tel que laissé558 - transpirant - l’air empoisonné du New Jersey pesant
sur nous, puant et infiltrant. Repris boulot
1227 Avons gardé le meilleur souvenir de Bruxelles et de Paris - partiel de la Hollande -
J’espère sans trop y compter que q[uel]que chose arrivera à se goupiller pour moi afin
que nous puissions faire la navette - Louise
1228 [suite, sur le côté gauche]
1229 voudrait se partager entre Paris et Rome.
1230 Heureux du succès de Talma - Nous aimons b[eaucou]p votre petit bonhomme - avons
trouvé son actrice (en rouge) excellente559 - un vrai tempérament du coffre - don de
projection - Nos bons vœux pour sa nouvelle production - un jour un film mis en scène
par lui - (ne connais pas le jargon cinématographique français) Voilà pour l’instant.
1231 Affectueusement aux 2 de Louise et
1232 Varèse

108.

JOLIVET À VARÈSE :
Paris le 27 mars 1965

1233 Cher Ami,


1234 Nous recevons l’avis du concert qui va vous être consacré à Carnegie Hall, et, tout à
coup, nous éclate aux yeux cette chose à laquelle nous n’aurions jamais songé - surtout
après vous avoir revu, toujours aussi dynamique et inchangé, en juillet dernier 560 : vous
avez quatre-vingt ans !
1235 On en profite pour vous dire notre fidèle affection, qu’on se réjouit de cette célébration
musicale à Carnegie, qu’on y sera par la pensée, - et que, la surprise passée, on ne voit,
dans cette occasion, qu’une chance de vous dire, ainsi qu’à Louise, notre fidèle amitié.
1236 Tous les cinq réunis, nous vous embrassons tous les deux.
1237 Jolivet

NOTES
1. Il s’agit de la partition d’un Trio pour flûte, violoncelle et harpe.
2. La partition a été envoyée le 23 avril 1931 par Jolivet à Barrère (Agendas Jolivet).
130

3. Isadore Freed (1900-1960), compositeur américain né en Russie, venu étudier à Paris avec
Ernest Bloch et Vincent d’Indy. En 1933 (voir infra lettre 27 novembre 1933, n° 17), il est retourné
aux USA où il a enseigné à Philadelphie notamment (cf. lettres à A. Jolivet et article sur Varèse en
Annexe ci-après : « Varèse et la nouvelle musique de l’Amérique », manuscrit olographe, Archives
Jolivet).
4. George Pomiès (1902-1933), danseur et chanteur. Il est admis à l’École « Physique et Chimie de
Paris » en 1921 puis à l’École dentaire de Garancière. Chante en imitant d’abord les vedettes de
l’époque dans des Revues des Écoles dentaires (1924) puis est engagé par Paul Franck comme
danseur à l’Olympia. Monte des ballets sur des musiques de Jean Wiéner, Arthur Honegger,
Darius Milhaud, Cliquet-Pleyel et des ballets sans musique (Rugby, Tennis, Boxe). Est accueilli par
Charles Dullin et Gaston Baty aux Théâtres de l’Atelier et de Montparnasse. Il écrit pour
L’Intransigeant, Paris-Soir, Jazz et pour la revue Esprit (décembre 1932) ; il laisse un essai sur ses
conceptions philosophiques : « La bonne nouvelle » (1928).
5. V[arèse] : dans la plupart de ses lettres, Varèse a signé : V.
6. L’une des spécialités culinaires de Hilda Guighy (qui deviendra la seconde épouse de Jolivet en
septembre 1933) était le couscous, que Varèse avait sans doute goûté lors de repas chez Jolivet
7. Il s’agit probablement de l’universitaire Fortunat Strowski (Carcassonne, 1885-Cervières, Loire,
1952), professeur d’histoire de la littérature française contemporaine. À cette époque, Varèse a
déjà fait la connaissance de Guighy. Elle a suivi des cours en Sorbonne et passé des examens avec
F. Strowski. Avait-elle besoin d’un appui au moment des examens ? Dans son agenda, à la date du
17 juin 1933, Jolivet a noté : « Varèse joint Strowski ».
8. À propos de l’IEC : Voir Introduction, p. 20.
9. Le dîner a effectivement eu lieu le lendemain, vendredi 23 juin (Agendas Jolivet).
10. Adresse des Jolivet pendant leur séjour en Espagne. Peut-être s’agit-il du compositeur et
violoniste espagnol Conrado del Campo (1879-1953) ?
11. Il s’agit du Trio Barrère-Salzedo-Britt.
12. Mot non identifiable.
13. Courrier signalé dans l’agenda de Jolivet.
14. Raymond Petit (1893-1976), compositeur et critique musical qui a écrit de nombreux articles
sur la musique moderne pour La Revue musicale et Le Ménestrel ( DBM., p. 3174). D’après la
correspondance retrouvée dans les Archives Jolivet, un projet de programmation de ses mélodies
à l’un des concerts de La Spirale en mai 1937 n’a pas été réalisé.
15. Jeu de mots sur le nom de Georges Auric.
16. Mot non identifiable.
17. Adjectif dérivé de Belloni, nom de la rue où les Varèse ont habité lors de leur séjour à Paris.
18. Jolivet et Guighy se marient le 26 septembre 1933.
19. Nom de pansement prêt à l’emploi.
20. Autre orthographe de Guighy.
21. Tous trois ne se reverront qu’en 1954 à Paris... 21 ans plus tard.
22. Il s’agit de la mère d’Hilda Ghuighy, venue en France pour le mariage de sa fille qui aura lieu
le 26 septembre.
23. Voir infra lettre n° 13.
24. Jacques Mégret a longtemps souffert d’une cirrhose...
25. Jeu de mot sur les mots maîtrise et métrite.
26. Paul Déroulède (1846-1914), écrivain et homme politique français, fondateur de la Ligue des
patriotes et partisan du général Boulanger, connu pour son patriotisme à caractère nationaliste
et même revanchard.
27. N[ew].Y[ork]. : Varèse employait très souvent l’abréviation N.Y. pour New York, qui est
respectée dans les lettres suivantes.
28. Très gros point d’interrogation par Varèse.
131

29. Jean Huré (1877-1930), organiste, compositeur et musicographe français. Il a fondé en 1923 le
mensuel L’Orgue et les organistes et a publié la même année L’esthétique de l’orgue (DBM, p. 1881).
30. Maison d’édition fondée par Maurice Senart dès 1908, reprise en 1941 par Salabert (DBM p.
3813).
31. Allusion au mariage de Guighy et Jolivet, voir léttre n° 11.
32. Le ballet est Kercado, ballet en un acte fini d’orchestrer à La Trinité sur mer, le 23 août 1933,
33. Allusion faite au Rossignol de Saint-Malo, voir lettre n° 62.
34. Joan Prats (1891-1970) fait des études de peinture à l’Escola de la Llojta, où il rencontra Joan
Miró et devint son ami. À la mort de son père en 1922, il abandonna la peinture pour reprendre la
gestion de la chapellerie familiale. Il se passionna alors pour la musique, devint membre actif de
Musica de Camera et fit ainsi connaissance de Schoenberg et de Varèse. En 1932, il fonda l’ADLAN
(abréviation pour Amies de l’Art Nou ), association catalane d’art moderne. Pendant la guerre
d’Espagne, il eut un rôle prépondérant dans la sauvegarde de l’art catalan. Il est l’un des
initiateurs de la Fondation Joan Miró. La chapellerie familiale installée 54 Rambla de Catalunya à
Barcelone fut transformée par Josep Lluis Sert en une célèbre galerie d’art qui porte son nom.
Louise Varèse figure parmi les personnalités qui ont participé au livre publié à sa mort :
« Friendship and Joan Prats », dans Homenatge a Joan Prats, Fundacio Jona Miró, Centre d’Estudis
d’Art Contemporani, 1975.
35. Lecomte, mis pour Roger Gilbert-Lecomte (1907-1943).
36. Il s’agit de la revue Bifur.
37. Alfonso Braqua (1876-1946), compositeur uruguayen venu s’installer à Paris, où il étudia la
composition avec Vincent d’Indy à la Schola cantorum (DBM, p. 575). Il fut programmé par
Varèse. (Son Nocturne créole a été inscrit au programme de la Société nationale de musique en
mars 1931, Archives Jolivet).
38. Il s’agit de la Pan-American Association Of Composers, 113 West 57th Street, New York, créée
en 1928 en remplacement de l’ICG (International Composers’ Guild). La section nord-américaine
est présidée par Henry Cowell ; Carlos Salzedo en est vice-président, Adolph Weiss, secrétaire ;
Wallington Riegger, trésorier et Edgard Varèse, International Pres[ident]. La liste des noms des
36 membres figure sur le côté gauche du papier à lettres.
39. Varèse a terminé cette lettre le 16 octobre (date signalée en 4 e page) et a alors envoyé quatre
articles parus dans Musical Courier des 23 septembre et 14 octobre, dans le New York Herald Tribune
du 8 octobre ainsi que dans The Christian Science Monitor du 16 octobre (Archives Jolivet).
40. C’est de l’humour : ce vocabulaire argotique était plutôt étranger à Guighy ! !
41. Autre orthographe du nom de Madame Guighy, mère d’Hilda.
42. S’agit-il de Claude, la fille de Varèse ?
43. Voir lettre précédente, n° 15.
44. Mis pour Ribemont-Dessaignes.
45. Marcel Lods (1891-1978), architecte français. Sa carrière est liée jusqu’en 1940 à celle
d’Eugène Beaudouin, avec qui il mène des recherches innovantes dans les domaines de la
préfabrication et de l’industrialisation, des nouveaux matériaux et de l’urbanisme fonctionnaliste
à grande échelle. Elle fut aussi liée à celle de l’ingénieur Jean Prouvé, avec qui il travailla à la
réalisation des fameuses « maisons métalliques ». En 1934, il participa à la réalisation du film
Construire de Jean Benoit-Lévy, dont la musique de Jean Wiéner fut enregistrée par Roger
Désormière (Marcel Lods, une architecture de l’action, Thèse de Peter Uyttenhove, présentée à
l’EHESS en histoire de l’art, 1999).
46. Voir lettre n° 15.
47. Marie-Pierre Hamel (1786-1879), juge et facteur d’orgues, a publié Le Nouveau manuel complet
du facteur d’orgues (DBM, p. 1646).
48. Roger Désormière (1898-1963), chef d’orchestre et compositeur français. Flûtiste de
formation, il fut élève de Philippe Gaubert au Conservatoire de Paris (voir Darius Milhaud, Ma vie
132

heureuse, Éditions Belfond, 1987, p. 94). Membre de l’École d’Arcueil, il fonda plus tard
l’Association française des musiciens progressistes. C’est lui qui dirigea en 1936 et 1937, les
premiers concerts du groupe Jeune France et plus tard les représentations pour la reprise de
Pelléas à l’Opéra Comique avec Irène Joachim dans le rôle de Mélisande (voir infra, lettre n° 45)
(DBM, p. 997).
49. Henri-Martin Barzun.
50. Jolivet a noté au crayon dans la marge : « et moi itou ».
51. Jeu de mots non décrypté.
52. Henri Barbusse (1873-1935), écrivain. Il apparaît comme l’une des personnalités marquantes
du système de pénétration communiste en milieu intellectuel pendant l’entre-deux-guerres (Yves
Santamaria, dans DIF, p. 108).
53. Jolivet a noté au crayon dans la marge : « savoir ! peut-être mais pire que ce qu’il devrait y
avoir en ayant la guerre ».
54. Diego Rivera (1886-1957), l’un des grands peintres de fresques murales mexicains ; avant
1920, il a passé plusieurs années à Paris, où il a fréquenté Picasso et ses amis cubistes. Varèse l’y a
peut-être rencontré.
55. Le Radio City est l’un des immeubles du Rockfeller Center édifié au cœur du Midtown à New
York par John D. Rockefeller Junior.
56. Il s’agit de Quatre mélodies sur des poésies anciennes écrites par Jolivet en 1931. Jolivet enverra la
partition à Salzedo le 16 décembre suivant (Agendas Jolivet).
57. Arturo Toscanini (1867-1957) est une superstar à New York à cette époque – ses moindres
faits et gestes sont rapportés par la presse locale - et parmi les « batteurs de mayonnaise », c’est
la tête de turc privilégiée de Varèse. Louise Varèse raconte comment Varèse et Toscanini en sont
arrivés aux insultes à propos de la musique moderne et ajoute : « La plus légère allusion à
Toscanini faisait l’effet d’une muleta sur un taureau ; Varèse chargeait » (dans Louise Varèse,
ALGD, p. 249-250). D’après Louise Varèse, l’altercation aurait eu lieu pendant l’entracte d’un
concert de l’International Composers’ Guild en janvier 1926 auquel le chef d’orchestre avait
assisté et à partir de là, Toscanini serait devenu une « obsession » pour Varèse.
58. Bruno Walter (1876-1962), chef d’orchestre américain d’origine allemande. Son engagement
comme chef assistant de Gustav Malher au Stadttheater de Hambourg lui permit de devenir l’un
des spécialistes de la musique du compositeur : il dirigea la création de la Neuvième symphonie et
du Chant de la Terre. Il poursuivit sa carrière dans de nombreux opéras européens. Il dirigea son
premier concert à New York en 1932 et fut réengagé comme chef associé avec Toscanini les trois
saisons suivantes. En 1939, il émigra aux États-Unis, où il devint chef permanent de l’Orchestre
philharmonique de New York jusqu’en 1960 (DBM, p. 4494).
59. Louis Hasselmans (1878-1957), violoncelliste et chef d’orchestre ; fît ses débuts de chef aux
Concerts Lamoureux puis fut engagé à l’Opéra-Comique, à l’Opéra de Montréal et à Marseille. Il
dirigea le répertoire français d’abord au Civic Opera de Chicago, puis de 1921 à 1936, au
Metropolitan Opera de New York. Ce que Varèse confirme dans cette lettre. À partir de 1936, il
enseigna à l’Université de Louisiane (DBM, p. 997).
60. Voir lettre n° 17.
61. Nicolas Nabokov (1903-1978), compositeur américain d’origine russe, arrivé aux USA en 1933
(DBM, p. 2926).
62. Waither Straram (1876-1933), chef d’orchestre français ; en 1923, il est aux USA, fait partie de
l’ICG (International Composers’ Guild) avec Casella, Ruggles, Salzedo et Varèse (dans Louise
Varèse, ALGD, p. 204-205). Début 1929, Albert Roussel lui écrivit : « J’aurais souhaité pouvoir vous
dire deux mots au sujet de Varèse, qui désirerait vivement vous montrer quelques-unes de ses
partitions. Vous connaissez ses tendances avancées qui le rendent indésirable auprès de la
plupart de nos chefs d’orchestre. Stokowski, pourtant, l’a plusieurs fois inscrit à ses programmes
et ce que j’ai pu lire de ses partitions me semble intéressant et curieux. Peut-être aurez-vous
133

prochainement, avant d’arrêter vos programmes, quelques instants à lui donner pour prendre
connaissance de l’une ou l’autre de ses œuvres, Amériques, par exemple. » (dans Albert Roussel,
Lettres et écrits, présentés et annotés par Nicole Labelle, Paris, Flammarion, Coll. Harmoniques,
1987, p. 141). Albert Roussel (1869-1937) avait connu Varèse à la Schola cantorum où il lui avait
enseigné le contrepoint. La version parisienne d’Amériques lui est dédiée : « Varèse espérait que
ce maître incontesté aiderait à son lancement à Paris... » (dans Hilda Jolivet, Varèse, Hachette
Littérature, Coll. Musiciens de notre temps, Paris, 1973, p. 78).
63. L’allusion aux élèves d’Henri Büsser (1872-1973) peut s’expliquer par le fait que Straram ne
pourra plus, avec son orchestre les Concerts Straram, programmer leurs œuvres.
64. Varèse avait rencontré Maurice Ravel en 1908 à Paris et l’avait revu lors de sa venue à Paris
en octobre-novembre 1925 (dans Louise Varèse, ALGD, p. 56-57).
65. S’agit-il de Casabon Soler ami espagnol, venu à Toulouse dont l’adresse à Zaragosa figure dans
l’agenda 1933 de Jolivet, ou d’Antonio Soler (1729-1783), compositeur et organiste catalan qui a
été programmé et dirigé par Varèse ?
66. Jeu de mots autour de L’Opéra de quat’sous, titre de l’œuvre de Kurt Weill écrite sur un livret de
Bertolt Brecht en 1930-31, qui connut un très grand succès public et notamment à Paris en 1933.
67. Il s’agit des premières ébauches de l’œuvre pour chœur mixte, 2 pianos et percussion dont un
fragment sera créé en 1947 à New York, sous le titre Étude pour Espace.
68. Equatorial ou Ecuatorial pour basse, 4 trompettes, 4 trombones, piano, orgue, percussion et
thereminovox, écrite entre 1932 et 1934, créée le 15 avril 1934 sous la direction de Slonimsky.
Varèse, émerveillé par les textes du Popol-Vuh choisis par Asturias (voir note 151) pour figurer
dans son ouvrage, Les Légendes du Guatemala, en a retenu une grande supplication comme soutien
littéraire à son œuvre, Ecuatorial (dans Fernand Ouellette, op. cit., p. 132).
69. Les recherches concernant Lydia de Rivera ont été infructueuses.
70. Emprunté à Alfred Jarry, dans Ubu roi.
71. Louise est traductrice, spécialiste de la poésie française. Elle a traduit Éloges d’Alexis Léger (dit
Saint-John Perse), traduction publiée chez Norton d’abord en 1944 puis reprise ultérieurement
dans d’autres éditions (dans Henriette Levillain, Sur deux versants la création chez Saint-John Perse,
d’après les versions anglaises de son œuvre poétique, publication de la Fondation Saint-John Perse,
Paris, Libraire José Corti, 1987). Elle a aussi traduit Le Spleen de Paris de Baudelaire, La Joie de
Bernanos, Le Château d’Argol de Julien Gracq, Plaisirs et Regrets de Proust, Les Illuminations de
Rimbaud, et plusieurs romans de Simenon. En 1915-1916, elle a contribué à l’édition de textes des
écrivains du mouvement dadaïste américain, amis de M. Duchamp et de F. Picabia, dans de
petites revues telles que Roguel, qu’elle a copublié avec Allen (dans Michel Sanouillet, op. cit., p.
27).
72. Personne non identifiée.
73. Varèse avait connu et fréquenté Alexandre Calder (1898-1976) à Paris lors de son dernier
séjour. Le sculpteur est l’auteur de deux des objets ayant inspiré Mana, œuvre pour piano de
Jolivet, l’Oiseau et la Vache (voir infra lettre n° 23).
74. Judith Litante, soprano, dont le nom figure dans le programme d’un concert du 15 avril 1934
(Archives Jolivet).
75. Amériques, œuvre pour orchestre écrite entre 1918 et 1921, jouée à Paris en 1929.
76. Mots soulignés trois fois par Varèse.
77. Eugène Cools (1877-1936), compositeur français qui, en 1928, prend la direction des Éditions
Max Eschig (DBM, p. 830).
78. Tata Nacho, pseudonyme de Ignacio Fernandez, compositeur mexicain, l’un des arrangeurs de
la célèbre chanson La Cucaracha avec Eugène Gohin, dit Robert Champfleury. Il vivait à Paris dans
les années trente et c’est avec émotion qu’il évoqua cette période avec Jolivet en le retrouvant à
Mexico, en août 1964.
79. Lupe Marin, non identifié.
134

80. Miguel Angel Asturias (1899-1974), écrivain et poète guatémaltèque ; a voyagé en Europe de
1923 à 1933 et a séjourné notamment à Paris, où il a fréquenté les milieux surréalistes. En 1927, il
a traduit le Popol-Vuh en français et en 1930, il a publié Les Légendes du Guatemala, dont Paul Valéry
a préfacé l’édition française. Il retourne au Guatemala en 1933, où il a une importante activité
politique et diplomatique. Il revient en France d’abord comme attaché culturel (1950-1953) puis
comme ambassadeur de son pays de 1966 à 1970. Il reçoit le prix Lénine de la paix en 1966 et le
prix Nobel en 1967.
81. Juan Miró est en Espagne en 1933, ami très proche de Joan Prats, auquel il dédiera en 1934 un
collage, Homenatje a Prats.
82. Varèse a sans doute voulu faire un jeu de mot en modifiant le prénom de Saint-Saëns, Camille
en Cohen, simulant une prononciation déformée et traînante de « con » ?
83. Serrano et manzanilla sont les noms d’un jambon et d’un vin espagnols.
84. Rappelons que Varèse a vécu à Berlin, où il a connu Ferruccio Busoni et travaillé avec lui. Il y
est resté de 1907 à 1914, avec quelques aller-retour à Paris.
85. « Et merci aussi d’essayer de vous procurer le livre d’Al. Dumas », Le Mariage du père Oliphus
(voir lettre n° 19 du 13 décembre 1933).
86. « Fêtes » est le second des Nocturnes, « Nuages », le premier. À noter que Varèse avait
rencontré pour la première fois Debussy à Paris en 1907 et qu’il a dirigé la première de la version
concert du Martyre de Saint-Sébastien, le 4 janvier 1914, à la tête de la Philharmonie tchèque à
Prague (Louise Varèse, ALGD, pp. 38-39 et dans Fernand Ouellette, Edgard Varèse, Éditions Seghers,
1966, p. 45).
87. Pierre Monteux (1875-1964), chef d’orchestre américain d’origine française qui a été, en effet,
à la tête de l’Orchestre symphonique de Paris entre 1929 et 1938.
88. Wallingford Riegger (1885-1961), compositeur et pédagogue américain, ( DBM, p. 3429),
programmé au concert américain de la Spirale, le 6 mars 1936 (voir infra).
89. Albert Huyot (1872-1968), peintre, ami de Jolivet, auteur de « Un musicien vu par un
peintre », article sur Jolivet (Archives Jolivet).
90. Maigret mis pour Mégret.
91. Autre orthographe de Guighy.
92. Note manuscrite de Louise Varèse.
93. Journal hebdomadaire humoristique.
94. Hans Wachtell, organisateur de concerts.
95. Arnold Schoenberg est arrivé aux États-Unis en octobre 1933 au moment où Varèse y est lui-
même retourné.
96. Opéra de Richard Strauss.
97. Artur Bodanzky (1877-1939), chef d’orchestre autrichien qui a dirigé le répertoire allemand
au Metropolitan Opera de New York ; son style s’inscrivait dans la tradition de Mahler, dont il
avait été l’assistant à l’Opéra de Vienne (DBM, p. 462).
98. Jeu de mot orthographique sur le mot couscous.
99. André Tardieu (1887-1965), homme politique français, député, plusieurs fois ministre et
Président du Conseil, notamment en 1932, lorsque Varèse était à Paris.
100. Dès son retour aux États-Unis, Varèse a fréquemment envoyé des coupures de presse. Parmi
toutes celles que Jolivet a conservées, il n’y en a aucune datée du 18 janvier 1934.
101. La Société de musique de chambre Triton (1932-1939) créée par Pierre-Octave Ferroud : voir
infra, lettre n° 40.
102. Phrase soulignée de 3 traits de crayons de 3 couleurs différentes : vert, bleu, rouge.
103. Bohuslav Martinu (1890-1959), compositeur tchèque. Il vit à Paris depuis 1923 et y a
probablement rencontré Varèse. Il y reste jusqu’en 1940 avant de fuir l’invasion allemande et
arrive à New York, en passant par le Portugal. (DEM, p. 2631).
135

104. Fétiche de Varèse, dessiné et décrit dans ses lettres du 13 décembre 1933 et du 17 novembre
1934.
105. Zoizeau désigne L’Oiseau de Calder (voir supra, lettre n° 21), l’un des six objets donnés par
Varèse à Jolivet lors de son départ de Paris en 1933, ayant inspiré les six pièces pour piano de
Jolivet réunies sous le titre Mana.
106. La copie de la lettre de Varèse à Fried est présente dans les Archives Jolivet.
107. Cette affirmation semble en contradiction avec ce qu’affirme Fernand Ouellette : « Dans
l’exécution d’Amériques, Varèse a dit qu’il a dû employer l’onde Martenot pour remplacer les
sirènes introuvables à Paris », dans Edgard Varèse, Éditions Seghers, Paris, 1966, p. 109.
108. Voir en annexe programme du concert du 30 mai 1929 lors duquel fut donnée la première
exécution d’Amériques en Europe, sous la direction de Gaston Poulet à la salle Gaveau.
109. Laboratoire où Varèse mène des expériences acoustiques en collaboration avec l’ingénieur
Harvey Fletcher.
110. Ouvrage d’Alexandre Dumas demandé par Varèse dans une lettre précédente (n° 19).
111. Candide, hebdomadaire politique et littéraire de droite fondé en 1924 par Arthème Fayard
(dans DIF, p. 215).
112. Le titre complet en est : Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques, hebdomadaire
culturel fondé en 1922 par Maurice Martin du Gard (dans DIF, p. 843).
113. Arthur Justin Léon Leclère, dit Tristan Klingsor (1874-1966), peintre, poète et critique d’art
français, ami de Ravel, à qui il inspira Schéhérazade, un cycle de trois mélodies avec orchestre
(« Asie », « La Flûte enchantée », « l’Indifférent »).
114. La partie entre guillemets est entourée d’un trait de plume.
115. Bernard Laberge (1891-1951), imprésario américano-canadien qui s’occupait plus
spécialement de Ravel et de Bartók. C’est lui qui a organisé la première tournée du compositeur
Alexandre Tansman en compagnie de Ravel de novembre 1927 à janvier 1928.
116. Walter Damrosch (1862-1950), chef d’orchestre, compositeur et pédagogue américain
d’origine allemande, (DBM, p. 901).
117. Il s’agit d’une nouvelle institution, mais l’intérêt de Varèse pour les relations avec l’U.R.S.S.
a toujours été. En 1928, il était membre du Conseil d’administration de l’American Society for
Cultural Relations with Russia. À ce titre, il en employait le papier à lettres comme le montre une
lettre adressée à Le Flem en 1928 (voir reproduction en annexe). Varèse a siégé dans ce conseil
avec Foula La Follette, sœur du sénateur Robert La Follette que Varèse a rencontré en 1934 (voir
lettre n° 33). Elle fut historienne et actrice. Tournée vers l’éducation « progressiste », elle
accompagna John et Evelyn Dewey pour visiter des écoles et des camps d’été à Moscou et à
Léningrad.
118. Mis pour Paul Le Flem, qui écrit alors dans Comeodia.
119. Varèse fait allusion aux événements de février 1934. Les manifestants exigeaient la
dissolution de la Chambre des députés et la démission du gouvernement. Pour défendre les
abords du Palais-Bourbon, la police a tiré : 17 personnes ont été tuées, et plus d’un millier,
blessées. Dans son agenda, Jolivet a noté : au 6 février, « émeutes » ; au 12, « grève générale ».
Dans le courant du mois, il a indiqué plusieurs fois : « Ec.[rit] Varèse ». L’a-t-il tenu au courant de
ce qui se passait ?
120. Jolivet a été enseignant à Saint-Denis. C’est là qu’il a fait la connaissance de sa femme, Hilda
(Guighy).
121. Œuvre de Berlioz (référence au succès berliozien plus loin dans cette même lettre).
122. Du nom de Maksim Maksimovitch Valach, dit Litvinov (1876-1951), diplomate.
123. L’œuvre a été créée le 15 avril 1934, quelques jours après que Louise Varèse a écrit cette
lettre.
124. Voir lettre n° 77.
125. Autre orthographe de Guighy.
136

126. Date du concert où a été créé Equatorial.


127. Jolivet est alors allé à Oujda, chez l’oncle de sa femme Guighy, lors d’un séjour en Afrique du
Nord du 26 mars au 8 avril 1934 (Agendas Jolivet).
128. Programmes des concerts des 15 avril au Town Hall (Ionisation et Equatorial) et 22 avril à
l’Alvin Theater (Intégrales) 1934. Dans la chronologie de l’œuvre de Varèse, Intégrales suit
Octandre ; on y retrouve la percussion absente dans Octandre. L’œuvre est créée le 14 mars 1925 à
l’Eolian Hall de New York sous la direction de Leopold Stokowsky.
129. Voir lettre du 14 février 1934, n° 24, note n° 4.
130. Voir lettre n° 24 du 14 février 1934.
131. Il s’agit du projet de IVe Internationale des Arts.
132. Boyau culier, expression de Rabelais, dans Gargantua, désignant le rectum.
133. Houseboat dont la photo est dans les Archives Jolivet.
134. Flèche dessinée, dirigée vers l’adresse en en-tête : 188 Sullivan Street, New York City.
135. Jolivet a noté sur son agenda de l’année 1934 avoir vu Artaud plusieurs fois en mai, juin et
juillet et lui avoir écrit dans le courant de l’été.
136. Salzedo a adressé quelques jours après une lettre tapuscrite à Jolivet (Archives Jolivet).
137. Henri Tomasi (1901-1971), compositeur et chef d’orchestre français (DBM, p. 4249). Il ne
semble pas que Tomasi ait alors dirigé un concert Jolivet.
138. Ku Klux Klan, société secrète américaine créée dans le Tennessee, après la Guerre de
Sécession, destinée à empêcher par l’intimidation les Noirs d’exercer leur droit de vote.
139. Pierre Taittinger (1887-1965), fondateur en 1924 des Jeunesses patriotes, dont la doctrine
défend le nationalisme, (cf. Georges Duby, Histoire de la France, Larousse, 1970, p. 532).
140. François Coty (1874-1934), parfumeur millionnaire qui soutient les ligues. Il contrôle le
Figaro de 1922 à 1933 ; en 1928, lance un journal à grand tirage, L’Ami du peuple et crée en 1933 la
Solidarité française, organisation imitée du parti nazi. Il est le patron de plusieurs publications
d’extrême droite, parmi lesquelles la feuille antisémite Je suis partout (cf. Henri Dubief, Le déclin de
la IIIe République, collection Points, Éditions du Seuil, 1976 et Georges Duby, Histoire de la France,
Larousse, 1970, p. 532).
141. Esprit du Rotary Club.
142. Darius Milhaud (1892-1974).
143. Guillemets mis par Varèse.
144. Revue américaine dont Harrison Kerr fut l’un des éditeurs, contenant l’article de Michael
Sperling « Varèse and Contemporary Music », volume II, number 3, mai-juin 1934. (Archives
Jolivet).
145. Firme de disques américaine.
146. Sic ! ! !.
147. Dans le sens américain du terme : qui constituera un événement.
148. C’est l’époque où Varèse mène de nombreuses recherches dans le domaine
électroacoustique dans différents laboratoires, dont celui de cette chaîne de radio.
149. C’est-à-dire : 35°C et taux d’humidité : 93 %.
150. Voir lettre n° 28.
151. Autre orthographe pour Guighy.
152. Les Jolivet ont habité rue Lacretelle de fin 1933 à 1934.
153. Les deux frères Robert La Follette Jr. (1895-1953) et son frère Philipp La Follette (1897-1965)
venaient de former, avec leurs alliés, leur propre parti le « Wisconsin Progressist Party ». Ce qui
avait permis au premier d’être réélu sénateur (il avait été en 1925, le plus jeune sénateur
républicain) ; au deuxième, de redevenir gouverneur du Wisconsin, ayant ainsi repris l’un et
l’autre chacune des deux fonctions de leur père Robert La Follette. Connu pour ses idées
progressistes et notamment, pour la lutte qu’il a mené contre le chômage dû à la crise de 1929,
137

Robert La Follette Jr. a joué un rôle majeur auprès de Roosevelt dans la mise en place du New
Deal.
154. A.F., mis pour Action Française.
155. Parenthèses mises par Varèse.
156. Maurice Martenot (1898-1980), inventeur français de l’instrument électronique produisant
des ondes musicales ou ondes « Martenot » (DBM, p. 2619). Varèse l’a probablement rencontré
lors d’un séjour parisien en 1927.
157. Guillemets mis par Varèse.
158. Ce point est entouré d’un cercle ; ce que Varèse confirme par l’expression « Point, fini ».
159. Il est déjà question du Houseboat dans les lettres n° 28 et 31.
160. Allusion au voyage en canoë de Paris au port de Marignane effectué par Fernand De Nobele
et Jacques Mégret.
161. Hilda Jolivet a fait une cure à Vichy, entre le 28 août et le 20 septembre 1934 (Agendas
Jolivet).
162. Madame Diana H. Furth a écrit un article intitulé « Cubisme et création » dans le numéro des
Cahiers américains intitulé Les Arts du Nouvel Age Collectif (n° 6, hiver 1934, Éditions Excelsior,
dépositaire 27, quai de la Tournelle, Paris), auquel a aussi contribué le peintre Albert Gleizes (voir
infra, lettre n° 34).
163. L’Orphisme a été un style de peinture où les formes et les couleurs ont été utilisées pour leur
force expressive, indépendamment de toute représentation ou avec un style de représentation
soumis à une construction. Apollinaire a parlé du cubisme orphique dans Les Peintres cubistes, Sur la
peinture, VII, pp. 57-58 : « La lumière des œuvres de Picasso contient cet art qu’invente de son côté
Robert Delaunay et où s’efforcent aussi Fernand Léger, Francis Picabia et Marcel Duchamp ».
Considéré comme un sous-groupe du Simultanéisme, l’orphisme a aussi été une école poétique
concevant le lyrisme sous forme de chants simultanés, représentée notamment par Barzun et
Divoire.
164. Allusion au groupe de l’Abbaye qui se réunissait à Créteil entre 1906 et 1908. H.-M. Barzun
avait fourni les fonds nécessaires à la création de ce « phalanstère de poètes et d’artistes » (dans
DIF, p. 29).
165. Georges Duhamel (1884-1966), écrivain lui aussi engagé dans l’expérience de l’Abbaye de
Créteil.
166. Adjectif dérivé de Guighy.
167. C’est le moment où Jolivet quitte la rue Lacretelle pour la rue du Four.
168. Léon Daudet (1867-1942), journaliste et écrivain, défenseur de l’Action Française.
169. Jeu de mots sur Vichy, où Guighy vient de faire une cure (lettre précédente du 24 août 1934,
n° 32).
170. + ou – : abréviations utilisées par Varèse.
171. Mot américain mis pour : examen.
172. Répétition de la phrase précédente (comme dirait le Prof Barzun), cette fois-ci mise en
abrégé.
173. En effet, Stella a écrit à Jolivet le 19 septembre 1934 : « Varèse vous aime beaucoup, une
amitié comme la vôtre est unique. Varèse va essayer de faire jouer votre musique à New York »
(Archives Jolivet).
174. Mot américain mis pour : scientifiques.
175. Imitation orthographique probable de l’accent de Stella.
176. Institut russo-américain, dont il est question dans les lettres des 14 février et 24 avril 1934
(n° 25 et 26).
177. Il s’agit des Cahiers américains conçus et publiés par H.-M. Barzun.
178. Georges Duhamel et Jules Romains.
138

179. Moly Sabata, nom qui en patois local veut dire « Moulin Battant », est celui d’un hameau du
village de Sablons sur les bords du Rhône. C’est là que s’élève la Maison des Arts qu’a voulu créer
le peintre Albert Gleizes, en souvenir de l’Abbaye de Créteil à laquelle il avait participé. Un article
de Gleizes est paru dans le numéro 6 des Cahiers américains, l’hiver 1934, intitulé « Le groupe de
l’Abbaye. La nouvelle abbaye de Moly-Sabata ».
180. Mis pour Fernand De Nobele.
181. Jolivet va déménager, voir lettre n° 33.
182. Fétiche de Varèse, déjà représenté dans la lettre du 13 décembre 1933 (n° 19).
183. Répertoire des Chanteurs de Saint-Gervais, Anthologie des Maîtres Religieux Primitifs des quinzième,
seizième et dix-septième siècles, Édition populaire à l’usage des Maîtrises et des Amateurs par
Charles BORDES, Directeur-Fondateur des Chanteurs de Saint-Gervais, trois années contenant
chacune un Livre des messes et un Livre des motets, Au bureau d’Édition de la Schola cantorum,
Société de musique religieuse, 15, rue Stanislas, Paris (sans date). Le prix de chaque livre est de 10
Francs net.
184. Vincent d’Indy (1851-1931), compositeur et pédagogue français, fondateur de la Schola
cantorum (DBM, p. 1900).
185. Henri Martelli (1895-1980), compositeur français (DBM, p. 2618).
186. Abréviations mises respectivement pour Paul Le Flem et Florent Schmitt.
187. Thomas Bouchard, ami photographe de Varèse qu’il appelait « le poète des photographes »
(dans Louise Varèse, ALGD, p. 199). Il l’avait rencontré à Paris, en 1929, (dans Fernand Ouellette,
Edgard Varèse, Éditions Seghers, Paris, 1966, p. 111). En 1936, Varèse envoie aux Jolivet, un
portrait de lui par Bouchard, qui leur est dédicacé et est signé par son auteur (Archives Jolivet).
188. Albert Adès (1893-1921), écrivain français et Albert Josipovici (1892-1932), écrivain égyptien.
189. Sir Artur Stanley Eddington (1882-1944), astrophysicien britannique, intéressé toute sa vie
par la théorie de la relativité. Il contribua à sa diffusion par deux de ses ouvrages : L’Espace, le
Temps et la Gravitation (1920) et La Théorie mathématique de la relativité (1923).
190. Adresse présumée d’Artaud ; en janvier 1934, l’adresse notée dans l’agenda de Jolivet est 3,
quai Voltaire (Deharme).
191. Il s’agit de l’enregistrement d’Ionisation commenté dans les courriers des 11 et 19 juin 1934
(lettres n° 28 et 29) et 9 juillet 1934 (lettre n° 30).
192. Emile Vuillermoz (1878-1960), musicographe et critique musical français (DBM, p. 4452).
193. Vieux Paul mis pour Paul Le Flem.
194. Bremen, l’un des paquebots assurant alors la traversée de l’Atlantique.
195. Goha le simple, roman cité dans lettre n° 36.
196. Il s’agit toujours du manuscrit de L’Astronome déjà réclamé dans les lettres du 17 septembre
1934 (n° 34) et du 8 novembre 1934 (n° 37).
197. CB mis pour clarinette contrebasse.
198. P.L.F. mis pour Paul Le Flem, dont on a donné à Paris, le 3 novembre 1934, Pour les morts,
œuvre dédiée à ses deux enfants morts en bas-âge (Agendas Jolivet). Cette œuvre a été créée à
New York en novembre 1921 par Vincent d’Indy dirigeant le Damrosch Orchestra.
199. Jeannot est la fille de Paul Le Flem.
200. Il s’agit encore du manuscrit de L’Astronome déjà réclamé dans les lettres n° 34, 37 et 38.
201. Varèse vient de recevoir le manuscrit de L’Astronome que détenait Artaud.
202. Déjà le 8 novembre 1934 (lettre n° 37), Varèse fait allusion au « marasme » que connaît la
France. Certes l’instabilité ministérielle est révélatrice du déséquilibre d’alors entre un pouvoir
législatif souverain et un pouvoir exécutif faible. Déséquilibre qui entraîne le recours à des
procédures d’exception permettant ainsi aux députés et aux sénateurs de démontrer leurs
pouvoir. Entre 1934 et 1938, sur cinq présidents du Conseil qui ont requis les pleins pouvoirs,
trois les ont obtenus. Vu de l’étranger, ce régime pouvait donner lieu à inquiétudes.
203. Autre orthographe pour Jeannot.
139

204. Mis pour Florent Schmitt. Yves Hucher rapporte dans sa biographie du compositeur : « En
juillet 1934, Florent Schmitt passe une quinzaine de jours à Moscou où a lieu un concert de ses
œuvres : Tragédies de Salome, Mirages, Rêves. Sur une carte postale, on lit ces quelques mots :
« Soleil ardent. On ruisselle dans cette ville immense où une course est un voyage. Partitions
d’abord introuvables. Enfin dûment arrivées. Voici la Place rouge, sans république, sans
Vendôme, sans obélisque, un vaste espace bordé par le Kremlin et Saint-Basile. C’est très
beau... ». Il ira même jusqu’à Petrograd, mais ne pourra faire un pas dans la ville sans être
« intouristé » (dans Florent Schmitt, L’homme et l’artiste, Éditions d’aujourd’hui, Les introuvables,
copyright 1983, Paris).
205. Pierre-Octave Ferroud (1900-1936), compositeur français, fondateur en 1932 de la société de
musique contemporaine le Triton (DBM, p. 1250).
206. Alfred Cortot (1877-1962) était cousin de Varèse, côté maternel. Les grands-pères d’Alfred
(Denis Cortot) et d’Edgard Varèse (Claude Cortot) étaient frères.
207. Mis pour Nadia Boulanger (1887-1979).
208. Varèse a placé « nini » entre parenthèses.
209. Toscanini est mort en 1957...
210. Le protégé de Doris Hodgkins, épouse du chef d’orchestre Pierre Monteux, n’a pu être
identifié.
211. Ce vers de Dante, devenu proverbial en Italie, est extrait de la Divine Comédie, Enfer, Chant III.
Dans l’édition NRF, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, le vers (n° 51) est traduit par « ne
devisions point d’eux : regarde et passe », p. 897.
212. Rue pittoresque de Madrid longée de cafés.
213. Il s’agit de la Société Internationale de Musique Contemporaine.
214. Alejo Carpentier (1904-1980), romancier et musicologue cubain, a longtemps séjourné à
Paris. Il a écrit un article sur Varèse : dans Le Cahier, Revue Commerce, p. 31 à 37 (Archives
Jolivet).
215. Nouvelle orthographe pour Mégret.
216. P.A.J., mis pour Pierre-Alain Jolivet, fils aîné de Jolivet, né le 15 mai 1935.
217. Ionisation, œuvre de Varèse enregistrée sur disque envoyé à Jolivet. Celui-ci dans une lettre
du 17 juin 1935 à Ribemont-Dessaignes écrit : « J’aurais un disque de Varèse à vous faire
entendre ». (Bibliothèque Doucet)
218. Probablement René Bertrand, inventeur du dynaphone. L’ingénieur électronicien que
Varèse avait rencontré pour la première fois en 1913 et avec qui il entretenait encore le projet de
faire des recherches pour inventer des instruments électroniques. Il est à nouveau mentionné
dans la lettre du 13 août 1935, ci-après.
219. Allusion à la fondation de la société de musique de chambre La Spirale. Par sa remarque
suivante, Varèse indique qu’il ne connaît alors ni Messiaen ni Lesur.
220. La Sérénade, société fondée en 1931 par la violoniste Yvonne de Casa-Fuerte. Le comité
directeur de l’association « la Sérénade » incluait les noms de Auric, Markévitch, Milhaud,
Nabokov, Poulenc, Rieti, Sauguet (dans Michel Duchesneau, L’avant-garde musicale à Paris de 1871 à
1939, Liège, Mardaga, 1997, p. 123).
221. Surnom donné à Nadia Boulanger.
222. Parenthèse insérée par Varèse.
223. La mère d’Hilda Jolivet est revenue en France pour la naissance de son petit-fils Pierre-Alain.
Aux dires de Jolivet, sa belle-mère faisait un « sublime » couscous.
224. Mot pris sans doute comme féminin dérivé d’empereur.
225. Marius-François Gaillard (1900-1973), compositeur et chef d’orchestre français qui a dirigé la
première audition d’Intégrales de Varèse à Paris, le 23 avril 1929. Varèse le présente même comme
le premier à l’avoir présenté à Paris (voir supra lettre du 19 juillet 1935, n° 42).
226. P.L.F. mis pour Paul Le Flem.
140

227. Il s’agit de La Spirale.


228. Jolivet a dédié à Louise Varèse Mana, son œuvre pour piano inspirée par les objets que lui
avait donnés Varèse avant de repartir pour les États-Unis en 1933.
229. Chansons que Varèse désigne ailleurs par Mélodies.
230. Mis pour hautbois.
231. Mis pour violoncelle.
232. Mis pour contrebasse.
233. Voir lettre précédente n° 41, note 8.
234. Lettre précédente du 5 juin 1935, n° 41.
235. Lettre précédente du 5 juin 1935, n° 41, note 13.
236. Cette idée sur la surdité de Beethoven, Varèse l’a aussi exprimée dans l’un de ses écrits (dans
Edgar Varèse, Écrits, Christian Bourgois Éditeur, 1983, p. 88).
237. « ribouis » signifie souliers usagés, godillots. La thérapeutique adéquate est, probablement,
celle du coup de pied au cul.
238. Octandre, œuvre de Varèse écrite en 1923 pour flûte, hautbois, clarinette, basson, cor,
trompette, trombone et contrebasse, créée à New York le 13 janvier 1924 sous la direction de
Robert Schmitz et donnée à Paris en 1931. Jolivet lui proposait de programmer Octandre à un
concert de La Spirale (dans Hilda Jolivet, op. cit., p. 60).
239. La partition dédicacée est dans les Archives Jolivet.
240. Pierre Laval (1883-1945), homme politique français. En 1935, il est Président du Conseil et
son gouvernement s’engage dans une politique de déflation en décidant d’une baisse autoritaire
des prix et des salaires. Il en résulte une crise qui affecte à peu près toutes les classes de la
société.
241. Normandie, paquebot assurant la traversée de l’Atlantique, dont le voyage inaugural a eu
lieu le 29 mai 1935.
242. Dufayel, du nom des Grands magasins Dufayel ou encore appelés Palais de la Nouveauté,
dont l’entrée principale se trouvait sur la rue de Clignancourt (Paris XVIII e) et qui remplaçait un
magasin où l’on vendait de tout, à crédit (Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris,
Éditions de Minuit, 6e édition).
243. Le passage entre guillemets remplace les quelques mots raturés et fait l’objet du
commentaire correspondant au renvoi signalé par (x).
244. Nouvelle allusion à La Spirale.
245. Mot provençal signifiant testicules.
246. Mot oublié par Varèse.
247. Jeu de mots sur « Suite » et « Cuite ».
248. For the sake of your record signifie : pour votre gouverne.
249. Jolivet a plusieurs fois rencontré l’ingénieur Bertrand dans le courant de l’année 1935
(Agendas Jolivet).
250. Jolivet a plusieurs fois rencontré Bernouard dans le courant de l’année 1935 (Agendas
Jolivet).
251. François Carcopino-Tusoli, dit Francis Carco (1886-1958), écrivain français lié avec les poètes
dits « fantaisistes ». Connu par des romans qui peignent le « milieu », ses mauvais garçons et ses
mauvaises filles (Jésus la Caille, l’Équipe, l’Homme traqué), il a aussi publié des ouvrages sur François
Villon, Verlaine, Utrillo, Gérard de Nerval. Louise Varèse rapporte que son mari, lisant Nostalgie
de Paris écrit par Carco en 1942, lui citait, en les soulignant, de nombreux passages évocateurs des
années de sa jeunesse « éxubérante » dans la capitale (Louise Varèse, ALGD, p. 109).
252. Mis pour roubignolles : voir note 6.
253. Nicolas Slonimsky (1894-1995), musicologue américain d’origine russe, co-rédacteur du DBM,
chef d’orchestre : il crée des œuvres de compositeurs tels que Charles Ives, Edgar Varèse
(Ionisation et Equatorial), Henry Cowell (DBM, p. 3895).
141

254. Il s’agit sans doute de l’insuccès du drame écrit, mis en scène et joué par Artaud, Les Cenci,
dont Roger Désormière a composé la musique (dans Antonin Artaud : Qui êtes-vous ? par Alain et
Odette Virmaux, Paris, Éditions La manufacture, 1996, p. 208).
255. Cette assertion de Varèse laisse place, malgré elle, à l’engagement reconnu et affirmé de
Désormière comme musicien progressiste.
256. La partie du mot entre crochets a été omise.
257. C’est ainsi que la société La Spirale est tout d’abord désignée (voir Introduction).
258. « La Spirale [...] qui s’insère dans l’Univers en expansion ». Il s’agit d’une citation prise sans
doute dans l’ouvrage d’Eddington que De Nobele a adressé à Varèse.
259. R. Cl. Martin, personne non identifiée, citée plusieurs fois dans Agendas Jolivet 1935, sans
adresse spécifiée.
260. Mis pour Collioure, commune des Pyrénées orientales ?
261. Localité à proximité de Sel de Bretagne (Ille et Vilaine).
262. Expression signifiant : pour le moment
263. Américanisme.
264. Allusion à La Spirale.
265. Programme qui sera effectivement donné le 6 mars 1936 (3 e concert de La Spirale).
266. Expression signifiant : cliché instantané.
267. Irène Joachim (1913-2001), cantatrice française qui a été notamment une inoubliable
Mélisande (dans Pelléas et Mélisande de Debussy) et grande pédagogue.
268. Expression signifiant : communiqués presse.
269. Voir lettre n° 43, note 18.
270. Jolivet a emménagé 28 rue du Four, Paris 6e.
271. Lardon mot mis pour désigner le fils aîné de Jolivet, Pierre-Alain.
272. Voir programme en annexe.
273. Henry Cowell (1897-1965), compositeur américain, co-fondateur de la PAAC (voir lettre n°
15, note n 22), biographe de Charles Ives, éditeur de la première partition d’Ionisation de Varèse
(DBM, p. 857 et Fernand Ouellette, Edgard Varèse, Éditions Seghers, 1966, p. 107).
274. Charles Ives (1874-1954), compositeur américain, joué au troisième concert dit « américain »
de La Spirale (DBM, p. 1918).
275. Adolph Weiss (1891-1971), compositeur américain, membre de la PAAC, qui n’a pas été joué
au troisième concert dit « américain » de La Spirale (DBM, p. 4547).
276. Robert Crawford (1899-1961), compositeur américain, qui n’a pas non plus été joué au
troisième concert dit « américain » de La Spirale (DBM, p. 864).
277. Riegger a été joué au 3e concert dit « américain » de La Spirale.
278. Max Eschig (1872-1927), éditeur de musique, a fondé sa maison d’édition en 1907. Eugène
Cools (voir lettre n° 21, note 6) lui succède en 1925 (DBM, p. 1183).
279. Harrison Kerr (1897-1978), compositeur américain, dont le quatuor a été donné au 3 e concert
dit « américain » de La Spirale. Il en avait envoyé la partition à Jolivet le 24 novembre 1935 et le 11
février 1936, il lui écrivait pour lui donner des informations sur son quatuor ainsi que des
précisions biographiques. Détail amusant : il n’indique pas la même date de naissance que celle
donnée dans le Dictionnaire référencé ! (DBM, p. 2086).
280. Américanisme mis pour « soutiendrez ».
281. Allusion aux dispositions économiques du « New Deal » prises par le président F.D. Roosevelt
282. Le bistrot Lorenzi, situé rue des Canettes dans le 6 e arrondissement, devenu « Chez
Georges », existe encore.
283. Les Deux Magots, célèbre café parisien, place Saint-Germain-des-Prés.
284. Lettre datée du 24 novembre 1935.
285. Guighy a écrit le commentaire qui accompagne le titre de Mana, « cette force qui nous
prolonge dans nos fétiches familiers... », d’où la qualification de citation « guiguiesque ».
142

286. Abréviation signifiant : même mois.


287. Edouard Sciortino (1893-1979), compositeur français, l’un des secrétaires de La Spirale (DBM,
p. 3786).
288. Lefèbvre mis pour Le Febvre, Jules, ingénieur diplômé de l’École des mines de Liège,
compositeur, administrateur de la Schola cantorum ; auteur d’un quatuor joué au premier
concert de La Spirale, le 12 décembre 1935 et de « Prélude, Aria et Final » joué par Olivier
Messiaen au huitième concert de La Spirale, le 28 janvier 1937 (Archives Jolivet).
289. Claire Delbos (1906-1959), violoniste et compositeur, membre de La Spirale, première épouse
d’Olivier Messiaen.
290. Daniel-Lesur (1908-2002), compositeur français, co-fondateur de La Spirale, membre du
groupe Jeune France (DBM, p. 906).
291. L.F. abréviation de Le Flem.
292. Ce n’est pas cet ensemble qui a participé au concert de musique française du 17 février 1936
à New York.
293. Jeu de mots ambigu entre Sa Sainteté et le sigle S.S.
294. Sans doute le Lorenzi déjà cité.
295. La New School for Social Research a été fondée à New York par Alvin Johnson. Installée à
Greenwich Village en 1930, déjà connue pour ses idées nouvelles dans les domaines économiques,
politiques et sociologiques, elle devint aussi un centre des arts (théâtre, danse, musique). En 1933,
elle a accueilli les enseignants exclus par les régimes totalitaires européens.
296. Ensemble cité dans la lettre précédente n° 50 datée du même jour (4 décembre 1935).
297. Comité de l’International Exchange Concerts (IEC).
298. Les deux lettres précédentes sont en effet datées du 4 décembre 1935.
299. Expression signifiant : moderne, à la page.
300. « que » mis sans doute à la place de « avec ».
301. Henry Gauthier-Villars dit Willy (1859-1931), écrivain français et auteur de critiques
musicales. Léon-Paul Fargue (1876-1957) a été, avec Valéry, co-fondateur de la revue
« Commerce ». Le poète « noctambule et piéton des rues de Paris » avait rencontré Varèse à Paris
dès 1908 et lui avait dédicacé son recueil Poèmes : « À Edgard Varèse, mon ami, le 27 mai 1915 »
(ALGD, p. 57 et 110). Que s’est-il passé pour que le jugement de l’ami devienne si féroce ?
302. Revue fondée en 1920 par Henry Prunières (1886-1942), musicologue français, à laquelle
Henri Martelli a souvent participé en tant que critique musical et chroniqueur (DBM, p. 3301).
L’adresse de la Revue musicale était alors : 132-136, boulevard Montparnasse, Paris XV e.
303. F.d.N. mis pour Fernand de Nobele.
304. I.J. mis pour Irène Joachim.
305. Le programme définitif du concert du 17 février 1936 a comporté des œuvres de : H. Martelli,
G. Migot, A. Jolivet, M. Ravel et P. Le Flem (Archives Jolivet). Il a été donné dans le cadre de la New
School, 66 W 12th Street.
306. Manifeste de La Spirale.
307. Le programme du troisième concert de La Spirale, donné le 6 mars 1936, a finalement
comporté des œuvres de : H. Kerr, Roger Sessions, J.A. Carpenter, W. Riegger, I. Freed, C. Ives et
Quincy Porter (Archives Jolivet) ; Weiss n’a pas été joué mais R. Sessions, J-A. Carpenter et Quincy
Porter l’ont été.
308. Quincy Porter (1897-1966), compositeur américain qui a étudié à la Yale School of Music puis
a fait plusieurs séjours à Paris, notamment entre 1928 et 1931, grâce à une bourse de la Fondation
Guggenheim (DBM, p. 3258).
309. John Joseph Pershing (1860-1948), général américain, commandant du corps expéditionnaire
américain en France en 1917.
143

310. Lily Pons (1898-1966), chanteuse française, qui a fait partie de la troupe du Metropolitan
Opera de New York à partir de 1931, d’abord jusqu’en 1944, puis de 1945 à 1958, tout en menant
une brillante carrière internationale (DBM, p. 3248).
311. Lydia Hoffmann-Behrendt (1890-1971), pianiste russo-américaine qui a longtemps enseigné
le piano.
312. Ernst Toch (Vienne, 1887-Los Angeles, 1964), compositeur américain d’origine autrichienne,
a été contraint de quitter l’Allemagne en 1933 et a émigré aux États-Unis en 1935 (DBM, p. 4240).
313. Paul Hindemith (1895-1963), compositeur allemand, avait opté pour la nationalité
américaine en 1946 (DBM, p. 1796).
314. P.L.F. mis pour Paul Le Flem.
315. Migot, président de La Spirale, a-t-il ressenti une trop grande influence de Varèse sur le
choix des programmations de concerts ?
316. Cette lettre est écrite le lendemain de la fête de Noël.
317. Les opinions d’extrême droite de Léon Daudet en font l’une des têtes de turc de Varèse. (Voir
supra la lettre du 24 août 1934, n° 33).
318. Charles Maurras (1868-1952), écrivain et homme politique français, principal animateur du
mouvement Action Française de 1908 à 1944, autre tête de turc de Varèse.
319. Orthographe supposée de « Heil Scheisse » ou de « Heile Scheisse ». Varèse désigne-t-il ainsi
Hitler ? À moins que ce ne soit Maurras, lequel portait la barbe.
320. Fernandesque : allusion à Fernand de Nobele.
321. Il s’agit de la New School of Social Research.
322. Désignation de Guighy (voir supra la lettre n° 50, note 1).
323. Le sous-titre de Mana est en réalité : « cette force qui nous prolonge dans nos fétiches
familiers... ».
324. Allusion à l’opéra de Wagner, Tristan et Isolde.
325. Ce quatuor sera programmé le 17 février 1936 au concert de musique française à New York.
326. Fried mis par erreur pour Freed.
327. Béla Rózsa (et non Rosza) (1905-1977), compositeur, pianiste et organiste. Dans une lettre à
André Jolivet, il a adressé quelques notes biographiques : « né à Kecskemét en Hongrie, il a étudié
le piano et l’orgue à Budapest. Puis il a parcouru l’Europe comme soliste et accompagniste [sic] de
son père, baryton à l’Opéra de Berlin, de Vienne, de Budapest et du Metropolitan Opera de New
York. Il est allé aux États-Unis à l’âge de 15 ans dont il devient citoyen en 1926. Diplômé de la
Juilliard School, il a travaillé en privé la composition avec Schoenberg ». La sonate pour piano
qu’il adresse à Jolivet a été composée lors d’un séjour à Paris en 1929.
328. Expression signifiant : C’est à votre convenance.
329. Serge Moreux (1900-1959), musicologue français qui a fait ses études musicales à la Schola
cantorum et a travaillé avec Nadia Boulanger. Critique musical de plusieurs journaux, premier
biographe français de Bartók (Béla Bartók, Richard-Masse Éditeurs, Paris, 1955), auteur d’une
Histoire de la musique japonaise, il a dirigé la revue Polyphonie et a été directeur artistique des
disques Ducretet-Thomson. Jolivet, suivant le conseil de Varèse, lui a écrit le 17 février et a noté
l’avoir rencontré les 22 et 26 février (Agendas Jolivet). Il est devenu un proche ami de Jolivet et a
été le parrain de son fils aîné Pierre-Alain.
330. Il s’agit du concert de musique française donné la veille à New York au cours duquel Jolivet a
été joué.
331. Metropolitan Opera de New York.
332. Mot anglais pour entracte.
333. Photo de presse de Varèse (Archives Jolivet).
334. Il s’agit de Density 21,5, œuvre écrite pour Georges Barrère.
335. Mis pour Pierre Laval, voir supra la lettre n° 43, note 1.
336. Concert « américain » donné à La Spirale le 5 mars 1936.
144

337. Voir plus bas la note transcrite de Varèse.


338. Contrepèterie sur le nom de Lily Pons.
339. À Paris au début des années 1930, Varèse a résidé rue Belloni.
340. Expression analogue déjà employée au sujet d’Hilda Jolivet dans les lettres n° 50 et 54.
341. Au lendemain du concert, le 19 février 1936, le peintre Joseph Stella écrit à Jolivet : « Je suis
ravi de pouvoir vous affirmer que j’aime beaucoup votre musique, hardie et pleine de verve. J’ai
écouté Varèse causant au public de vous et de votre musique ».
342. André Malraux (1901-1976) : Varèse le rencontrera à New York lorsqu’il y est venu en 1937
pour organiser une collecte de fonds au profit de la République espagnole. Varèse a organisé un
comité de secours dont il était président et le docteur W.J. Crookston, secrétaire, avec comme
premier objectif « d’obtenir suffisamment d’argent pour payer une ambulance » (dans Fernand
Ouelette, op. cit., p. 151).
343. Irène Joachim.
344. Trio qui a effectivement participé au concert du 17 février 1936.
345. Mis pour Madame Hoffmann-Behrendt (voir supra la lettre n° 54, note 1) ; c’est le pianiste
Fritz Kitzinger qui a joué Mana.
346. « French music given by several artists », in The New York Times, 18 février 1936 (Archives
Jolivet).
347. L’article est intitulé : « French Moderns Feature Recital – Edgar Varèse officiates at
Commentator at New School », signé R.C.B. (dans le New York World-Telegram du 18 février 1936, p.
16).
348. Mot anglais mis pour entracte.
349. Pianiste, membre du Comité pour le concert du 17 février 1936.
350. Titres de quatre des six pièces de Mam : « Beaujolais », « La Princesse de Bali », « La Chèvre »
et « Pégase ».
351. Fred Goldbeck (1902-1981) a publié une critique lors de la création de Mana dans la Revue
musicale de janvier 1936 (Archives Jolivet).
352. Personne non identifiée.
353. Il s’agit de la photo de Varèse par Thomas Bouchard, signée par le photographe et dédicacée
pour Jolivet et son épouse par Varèse.
354. Mouvement de Mana, comme Beaujolais, la « Chèvre » et « Pégase ».
355. Jolivet n’a pas encore accusé réception de l’article paru dans le World Telegram.
356. Mrs. Florence Meyer Blumenthal (1875-1935), épouse du banquier George Blumenthal
(1858-1941), tous deux grands protecteurs des arts. Du fait du rôle important joué par le banquier
dans la stabilisation du franc après la Première Guerre, George Blumenthal et son épouse ont été
amenés à partager leur vie entre les États-Unis et la France. Là, ils ont fondé en 1919, avec
d’autres Américains, la « Fondation américaine Blumenthal pour la pensée et l’art français » afin
d’aider écrivains, artistes et musiciens français. L’institution a créé douze prix de mille dollars
distribués chaque année et offert cent mille dollars à la Sorbonne pour être employés au mieux
des intérêts de la culture française. Pour son action, Mrs Blumenthal a reçu, ainsi que son mari,
les insignes de la Légion d’Honneur. Son nom a été donné à une rue de Paris. Quelques noms
parmi ceux des lauréats de l’époque : Maurice Genevoix, Alexandre Vialatte, Marcel Aymé,
Manuel Rosenthal, Georges Migot. En 1936, Jolivet a fait lui-même une demande de bourse qui lui
a été refusée. Cette année-là, elle a été attribuée à Maurice Duruflé.
357. Voir lettre n° 61, note 2.
358. Il s’agit du troisième concert de La Spirale consacré à des compositeurs américains, donné le
6 mars 1936.
359. F. Goldbeck a écrit un article concernant le concert américain donné à La Spirale pour la
Revue musicale d’avril 1936. Deux autres articles ont paru à propos du même concert : l’un
d’Henry Barraud, paru dans l’Art musical du 13 avril 1936, l’autre d’Edmund J. Pendleton
145

annonçant et commentant le concert dans l’édition de Paris du New York Herald Tribune du 4 mars
1936 (Archives Jolivet).
360. Jeu de mots sur les noms des deux sociétés de concerts Sérénade et Triton.
361. Schmitt a été élu à l’Institut des Beaux-Arts au fauteuil de Paul Dukas (par 27 voix contre 5 à
Stravinsky !) probablement fin 1935. Voir également à ce sujet, et plus explicite, la lettre du 29
août 1936 (infra, n° 71).
362. Voir la lettre n° 62 : Varèse a déjà signalé le décès de Mrs. Blumenthal. George Blumenthal
partageait sa vie entre les États-Unis (après que ses activités professionnelles eurent cessé, il fut
nommé président du Metropolitan Art Museum de New York en 1934) et Paris.
363. P.L.F. mis pour Paul Le Flem. Il ne semble pas qu’il ait écrit un Macbeth. En 1936, Le Flem
travaille à un drame lyrique Le Rossignol de Saint-Malo, qui sera terminé en 1938 et créé en 1942 à
l’Opéra Comique. Peut-on voir dans cette assertion une plaisanterie varésienne : Drame pour
drame ?
364. Quelle prémonition : Varèse est revenu à Paris en 1954 ! ! 18 ans plus tard ! !
365. En ce sens : fausse nouvelle lancée dans la presse.
366. Mot oublié par Varèse.
367. Il s’agit de l’échange de concerts : américain à Paris (La Spirale, 6 mars 1936) et français à
New York (17 février 1936).
368. Le Nouveau quatuor hongrois a joué le Quatuor à cordes de Jolivet à Budapest ainsi qu’à Paris
(Archives Jolivet). Cette œuvre a été créée le 24 mars 1934, à la Société Nationale par le quatuor
Huot. Jolivet a alors sûrement fait part du concert à Varèse. C’est une période où Varèse n’avait
pas le temps d’écrire. Il n’y a donc aucun commentaire de sa part au sujet du Quatuor de Jolivet.
Toutefois, il était toujours question du Trio... (voir lettres n° 25 du 24 avril 1934 et n° 27 du 2 juin
1934).
369. Jolivet a-t-il fait part à Varèse des premières difficultés rencontrées au sein de La Spirale ?
370. Jolivet a emménagé rue du Four.
371. Il s’agit du manuscrit du Trio de Jolivet maintes fois cité dans la correspondance.
372. N.E. et W. mis pour le Nord-Est et l’Ouest.
373. Jolivet est allé rejoindre Guighy et Pierre-Alain en Algérie du 18 au 24 avril (Agendas Jolivet).
374. Nom donné à la coalition des partis de gauche qui arrivera au pouvoir deux mois après, en
juin 1936. Il avait été constitué le 14 juillet 1935.
375. Voir lettre précédente du 12 mai 1936, n° 64.
376. Il s’agit de Mana.
377. Soit à une altitude de 2 300 mètres.
378. Photo qui figure dans les Archives Jolivet.
379. L’indication portée par la carte postale indique qu’elle représente un « énorme reptile de la
famille des lézards ».
380. Deux des tribus d’indiens localisées dans le Sud-Ouest américain.
381. Voir carte du 14 juillet 1936, n° 68.
382. Il s’agit de la Danse Incantatoire de Jolivet donnée au premier concert Jeune France le 3 juin
1936, sous la direction de Roger Désormière.
383. Jolivet a sûrement annoncé à Varèse la création récente du groupe Jeune France formé par
Yves Baudrier, Daniel-Lesur, Olivier Messiaen et lui-même.
384. Des élections ont eu lieu en novembre 1936 qui redonnèrent au Président Franklin D.
Roosevelt, une majorité renforcée. Pour sortir de la crise de 1929, il avait mis au point un
programme économique et social (avec notamment l’aide du sénateur La Follette – voir lettre n°
32, note 3), le New Deal, qui lui valut le soutien populaire.
385. Quatre des tribus d’indiens localisées dans le Sud-Ouest américain.
386. C’est Roger Désormière qui a dirigé le 1er concert du groupe Jeune France en juin 1936.
146

387. Le Dictateur est Fernand de Nobele. Dans sa lettre du 4 avril 1936 (n° 63), Varèse avait
chargé Jolivet de prévenir De Nobele qu’il lui « envoyait un chèque en paiement de sa dette ».
388. Altitude annoncée dans la lettre du 26 mai, n° 65.
389. Mot omis.
390. Expression signifiant : Qui sait ?
391. Expression signifiant : duper en volant.
392. Confusion amusante de dates corrigée par Jolivet. 29-VIII est transformé en 11-VIII.
393. Jolivet passe une partie de l’été en Savoie, à Chantemerle, où il compose les Cinq Incantations
pour flûte seule.
394. Voir même allusion faite dans la lettre du 20 juillet 1936, n° 69.
395. Voir les deux articles des 21 et 24 août 1936, parus dans le Santa Fe New Mexican en annexe.
396. Voir Annexes : Le Temps 27 juin 1936. Il est à relever que Varèse semble avoir eu de la
considération pour Schmitt manifestant son antisémitisme à l’encontre de Kurt Weill, mais du
mépris pour Schmitt critique musical.
397. Nom masculin signifiant : partie la plus grossière du son ou encore, excrément.
398. Ville de l’état du Nouveau Mexique sur le Rio Grande del Norte, fondée en 1706 par le vice-
roi d’Espagne à qui elle doit son nom.
399. Jeu de mots sur le nom de la célèbre marque des Réglisses Florent et celui de Florent Schmitt
qui, à son tour, subit les sarcasmes de Varèse. La maison Florent (1854-1975) produisait dans la
région d’Avignon une réglisse extrêmement populaire. Il en existe une affiche publicitaire
fameuse, dessinée par Cassandre en 1925.
400. Henri Hermans (1883-1947), organiste et chef d’orchestre néerlandais qui s’est intéressé à la
musique contemporaine française et néerlandaise. Cité à plusieurs reprises dans l’Agenda 1936 de
Jolivet à partir d’octobre, il a écrit les 27 octobre et 10 décembre 1936, sur papier à en-tête du
« Stedelijk Orkest » de Maastricht, Hollande. Dans ces lettres, il est question de la programmation
d’œuvres de Varèse et de Jolivet, mais aucune trace de ces projets n’a été retrouvée dans les
Archives de l’orchestre conservées à Maastricht.
401. Mot signifiant : indisponible.
402. Henry Cowell dirigeait depuis 1927 le trimestriel New Music qui a publié des partitions
nouvelles pendant un quart de siècle, parmi lesquelles celle d’Ionisation. L’emprisonnement de
Cowell explique en partie les difficultés de la publication.
403. Mot non identifié.
404. Varèse fait ici allusion à la guerre civile en Espagne.
405. Mis pour bubon ? Il s’agit d’un abcès que Varèse avait fait soigner en Espagne : voir lettres
des 11 et 15 septembre 1933 (n° 11 et 14).
406. Pierre-Octave Ferroud est mort le 17 août 1936 des suites d’un accident automobile en
Hongrie (DBM, p. 1250). Les activités de la société Triton ont été maintenues sous la direction de
Jean Rivier.
407. Ce à quoi Varèse fait allusion concernant Albert Roussel n’est pas clair ; peut-être s’agit-il de
ses fonctions de président du comité français de la Société Internationale pour la Musique
Contemporaine qui lui donnaient une influence prépondérante sur le choix des partitions
retenues pour les festivals de la SIMC.
408. Varèse procède par analogie en suggérant une entité Goncourt comparable à celle de
l’Institut des Beaux-Arts – Académie Française.
409. Membre de l’Académie Goncourt depuis 1897.
410. Chéreau mis plus probablement pour Gaston Chérau, écrivain français né à Niort (1874),
mort à Boston (1937), membre lui aussi de l’Académie Goncourt.
411. Frédéric Bargone, dit Claude Farrère (1876-1957), écrivain, membre de l’Académie Française,
fut sensible à l’influence maurrassienne. Florent Schmitt, membre de l’Institut, pouvait donc le
147

retrouver sous la Coupole ainsi que Georges Duhamel, lui-même membre de l’Académie Française
depuis 1935.
412. A.R. mis pour Albert Roussel.
413. Mis pour Florent Schmitt.
414. Jeu de mots « dominical » sur la ressemblance homophonique de « Rince-Tutu » avec
Institut.
415. Voir supra lettre n° 72.
416. Dans les Archives Jolivet figure le brouillon d’une lettre de Jolivet à un ambassadeur à
Moscou lui demandant d’intervenir auprès de Fried pour récupérer les dits matériels.
417. Mis pour Le Febvre.
418. Maurice Ravel souffrait d’une maladie cérébrale. Il décédera en décembre 1937.
419. L’un des deux pourrait être Eugène Cools, l’autre Pierre-Ocatve Ferroud (voir lettre n° 72).
420. Maison de Borniol, organisation de pompes funèbres.
421. Allusion à la nomination de Schmitt à l’Institut des Beaux-Arts.
422. Varèse appelle-t-il « confitures » ce que d’autres désigneraient par « huiles » ou
« légumes » ? Bar-le-Duc, en 1916, pendant la bataille de Verdun, fut le point de départ de la Voie
sacrée, nom donné à la seule route joignant la ville à Verdun par Rosnes et Souilly : Florent
Schmitt fréquente-t-il certaines autorités qui auraient alors participé aux combats ?
423. Adobe, mot anglais signifiant : brique ou maison. C’est aussi le crépi ocre dont les maisons
sont recouvertes au Nouveau Mexique.
424. Varèse est photographié dans un pueblo (Archives Jolivet). Voir document ci-joint.
425. L’envoi est déjà promis dans la lettre du 24 novembre 1936 (n° 73).
426. Allusion à la conférence donnée par Varèse à Santa-Fé, voir la lettre du 29 août 1936 (n° 71).
427. Il s’agit du deuxième concert du groupe Jeune France.
428. Henri Sauguet (1901-1989), compositeur français, a été dans les années trente critique
musical au journal Le jour. L’article paru le 7 juin 1937 se poursuit en ces termes : « On entendait
alors quelque chose qui rappelait le Paradis perdu d’Igor Markevitch, auquel M. Jolivet fait penser
par ses tentatives orgueilleuses et son complexe beethovénien, mais dont il est cependant bien
loin d’avoir l’aisance et l’éblouissante qualité. Il nous révèle, dans ses chants, son angoisse de ne
pas trouver " le mot capable d’éveiller la sympathie des hommes ". Il aurait tort de continuer à le
chercher sur la route où il s’est engagé : elle ne délivre que l’enflure, le bavardage et l’ennui. Et,
de plus, elle n’est pas en France et éloigne de la musique ».
429. Jolivet n’a pas reçu de commande pour participer aux réalisations musicales qui ont
accompagné les Fêtes de l’eau et de la lumière et laisse paraître une certaine amertume.
430. Vicente Huidobro (1893-1948), poète chilien qui arriva à Paris en 1916. « Dénationalisé », il
se mit à écrire en français. Sur l’un de ses poèmes, La Chanson de Là-Haut, Varèse a composé la
première partie de son œuvre Offrandes. Huidobro fonda avec Pierre Reverdy le mouvement
« créationniste ». Jolivet a lui-même mis en musique des poèmes des deux poètes.
431. Voir programme dans les documents ci-joints.
432. Suzoy, compositeur du XIVe siècle, École de Bourgogne.
433. Tomas Luis de Victoria (1548-1611), organiste et compositeur espagnol, (DBM, p. 4406).
434. Heinrich Schütz (1585-1672), compositeur allemand ( DBM, p. 3770) prévu mais non
programmé au concert du 24 avril (note 1).
435. Henry Prunières (1886-1942), musicologue français qui a fondé la Revue musicale en 1920
(DBM, p. 3301).
436. Concert donné avec la participation de « THE GREATER NEW YORK CHORUS » sous la
direction de Varèse. Au programme : Victoria, Couperin, Andreas Hammerschmidt, Ludovico
Viadana, Bruckner. Au verso du programme, liste des sponsors (Voir programme dans les
documents ci-joints).
148

437. Ces renseignements correspondent aux annotations de Jolivet portées sur la lettre précé
dente du 28 novembre 1944.
438. L’œuvre est inscrite au concert du 5 juin 1945 donné au profit des enfants de France ; la
lettre du 15 mai 1945 (voir supra n° 78) est écrite au verso du programme.
439. Voir note 11 de la lettre 19.
440. Mot mis pour « épineux » ?
441. Voir Introduction, note 26.
442. Arthur Lourié (1892-1966), compositeur américain d’origine russe ; Varèse l’avait connu en
Allemagne : en 1922, il faisait partie du Comité directeur de la section allemande de
l’International Guild of Composers présidée par Ferruccio Busoni. Ils s’étaient retrouvés à Paris
où Lourié vivait depuis 1924. En 1930, ils participèrent à une Table ronde sur la mécanisation
future de la musique qui réunissait aussi Ribemont-Dessaignes – qui fit publier le texte de
l’intervention de Varèse dans le numéro 5 de la revue Bifur –, Vicente Huidobro, Ungaretti, Alejo
Carpentier et Robert Desnos (dans Fernand Ouellette, op. cit., p. 115). C’est en 1941 que Lourié a
émigré aux États-Unis.
443. Photos prises à Madrid en 1933 lors du séjour en Espagne avec les Jolivet.
444. Voir programme dans les documents ci-joints.
445. Autour de Sullivan Street dans Greenwich Village, les échoppes italiennes sont fort
nombreuses.
446. Cette lettre ne figure pas dans les Archives Jolivet.
447. Voir Archives Jolivet.
448. Virgil Thomson (1896-1989), compositeur et critique musical américain (DBM, p. 4219).
449. Pièce de Paul Claudel dont Jolivet a dirigé la musique de scène d’Arthur Honegger depuis la
création à la Comédie-Française, dans la mise en scène de Jean-Louis Barrault, fin 1943
450. André Jolivet, « Paris Listening Post » dans Listen, The guide to good music, november 1945, p. 8
(Archives Jolivet).
451. Il s’agit de la Premiere Sonate pour piano de Jolivet écrite en hommage à Béla Bartók qui vient
de disparaître.
452. Françoise a un frère aîné, Claude.
453. Irène Joachim et Jean Gehret étaient mariés depuis 1937 (dans Brigitte Massin, Les Joachim,
une famille de musiciens, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1999).
454. Mis pour Désormière.
455. Albert Wolff (1884-1970), chef d’orchestre français. Il ne restera directeur de l’Opéra-
comique que pour la saison 1945-46.
456. Jacques Ibert (1890-1962) a été directeur de la Villa Médicis de 1937 à 1960 avec une
interruption entre 1940 et 1946.
457. Madame Guighy, plusieurs fois citée dans cette correspondance.
458. André Souris (Marchienne-au-Pont, Hainaut, 1899-Paris, 1970) chef d’orchestre,
musicologue et compositeur belge (DBM, p. 3944) membre de la SIMC (lettres des 6 et 11 février
1947, Archives Jolivet).
459. Robert Franc était marié à Mildah Polia, chanteuse (mezzo-soprano). D’après quelques
lettres conservées dans les Archives Jolivet, ils sont allés s’installer aux U.S.A. vers 1939/1940 et
sont revenus vivre à Paris en 1967.
460. Yves Le Rouzic, producteur d’émissions radiophoniques.
461. Ginette Martenot (1902-1996), ondiste, sœur de l’inventeur des ondes Martenot ; elle jouera,
à cette époque, le Concerto de Jolivet aux États-Unis sous la direction de Charles Münch, le chef
d’orchestre français (1891-1968).
462. Il s’agit de la musique pour La lueur qui s’éteint, un documentaire du Docteur Thévenard.
463. Ce texte conservé par Jolivet, ainsi que la lettre adressée à la Radio, sont publiés en Annexes.
149

464. Il s’agit probablement de Jean-Pierre Rampai qui avait obtenu son premier prix de flûte au
Conservatoire de Paris en 1944 avec le Chant de Linos de Jolivet.
465. Alfred Sauvy (1898-1990), démographe et économiste français, et son épouse Marthe.
466. Le quatuor Pascal était constitué de Léon Pascal et Jacques Dumont, violons, Maurice Crut,
alto et Robert Salles, violoncelle. Jolivet leur a dédié son Quatuor à cordes.
467. Son séjour annoncé en 1945 (lettre n° 79) semble avoir été remis.
468. Voir Archives Jolivet.
469. Il s’agit de deux articles parus sur Varèse : Paul Rosenfeld, « We want Varèse », dans Twice a
Year, n° VII, automne-hiver 1941, p. 255-258 et Kurt List, « Edgar Varèse, musicien », dans la
revue Listen, 1948.
470. Jolivet avait été chargé de présenter Varèse à la classe de Messiaen au Conservatoire.
471. Mrs Arthur M. Reis a été la secrétaire générale de l’International Composers’ Guild pendant
sa deuxième saison (1922-23) de concerts. Les répétitions avaient lieu chez elle et les concerts au
Klaw Theater. Elle a été l’un des six membres qui firent sécession en 1923 pour fonder la League
of Composers (dans Louise Varèse, ALGD, pp. 177 sqq.).
472. Jolivet a composé le Ballet des étoiles et la Pêche miraculeuse pour les ballets de marionnettes
de Jacques Chesnais, enregistrés en 1942 sous la direction de Roger Désormière et parus chez
Florilège.
473. Œuvre composée par Jolivet en 1940 et enregistrée sur disque par Pierre Bernac sous la
direction de Charles Munch en 1947 (disque Gramophone).
474. Il s’agit des 3 Talas pour piano et orchestre, œuvre créée le 14 février 1948 (DBM, p. 2749).
475. À l’automne 1947, Varèse a subi une opération de la vésicule biliaire.
476. Walter Green.
477. Étaient inscrites au programme du concert donné à Budapest, des œuvres de Yves Baudrier
(Le grand voilier), Olivier Messiaen (Les offrandes oubliées), Henri Barraud (Concerto pour piano,
soliste : Françoise Gobet) et André Jolivet (Cinq danses rituelles) (Archives Jolivet).
478. À chacun son orthographe !
479. Philippe et son frère François étaient directeurs des Éditions musicales Heugel à Paris qui, à
cette époque, éditent les œuvres de Jolivet.
480. René Le Roy (1898-1985), flûtiste français. Il a fondé avec le harpiste Pierre Jamet le
Quintette instrumental de Paris. Il a vécu aux États-Unis de 1940 à 1951 (DBM, p. 2389).
481. Varèse, en 1948, a donné une série de cours de composition à la Columbia University de
même qu’une série de conférences sur la musique du XXe siècle (dans Fernand Ouellette, op. cit.,
pp. 178 sqq.).
482. Hilda Jolivet a, à la sortie de la guerre, participé à plusieurs séries d’émissions
radiophoniques.
483. L’intervention a eu lieu à l’automne 1947.
484. Fred Goldbeck était marié à la pianiste Yvonne Lefébure (1898-1986).
485. Il s’agit de la lettre précédente datée du même jour (n° 86).
486. « Cher Mr. Jolivet, Je descends à l’hôtel Royal, avenue Friedland et serais heureux que vous
me fassiez signe. Je parle peu le français. H.K. »
487. Voir lettre n° 85.
488. Dominique Modesti, chanteur et peintre, ami de longue date de Jolivet. Ils ont fait
connaissance quand ils étaient tous deux dans l’enseignement. Modesti a souvent interprété les
œuvres de Jolivet ; il a notamment participé au deuxième concert Jeune France en 1937. Il a été le
professeur en particulier des barytons Albert Lance et James Bonnefin. En tant que peintre, ses
premiers vernissages datent de 1928 (invitation/catalogue dans Archives Jolivet) 1930 et 1931
(Agendas Jolivet). En décembre 1944, il a exposé à New York. La Revue de presse américaine
rendant compte de cette exposition à la Galerie Arthur U. Newton, donne peu de renseignements
150

biographiques : son lieu de naissance est pour les uns, Alger, pour les autres, la Corse. Tous sont
d’accord sur son goût pour les voyages et citent ses séjours, au Brésil, en Australie et au Mexique.
489. Il s’agit de Guignol et Pandore, ballet de Serge Lifar sur une musique de Jolivet, créé en avril
1944 à l’Opéra de Paris.
490. Hopi Snake Dance, œuvre de Jolivet pour deux pianos écrite en 1948, dédiée à Darius Milhaud.
491. Personne non identifiée.
492. Paul Collaer (1891-1989), pianiste et musicographe belge. Il a organisé les concerts Pro Arte à
Bruxelles qui ont été l’un des centres importants de la musique contemporaine (DBM, p. 812).
493. Il s’agit de la Magicienne de la mer, légende lyrique qui sera créée en 1954.
494. La fin de la lettre est écrite par Guighy.
495. Allusion au séjour commun Varèse-Jolivet en Espagne en août 1933.
496. Raymond Creuze dirige toujours sa galerie d’art et a fort aimablement accepté d’évoquer les
souvenirs de sa relation avec Varèse. Le compositeur était à Paris pour la création de son œuvre
Déserts et il assista à l’inauguration de cette galerie en novembre 1954. Inauguration saluée dans
L’information artistique par le texte suivant, reproduit dans le Bulletin de la galerie Raymond Creuze n°
I : « Une importante galerie s’ouvrira le 4 novembre, 12, rue Beaujon, Paris 8 e. Cette galerie
s’intitulera : Galerie R. Creuze, Salle Balzac, pour la distinguer de la galerie existant déjà avenue de
Messine. Elle ouvrira ses portes avec une rétrospective du peintre Alfred Le Petit [...] Le peintre
sera présenté par une intéressante préface de Jean Cassou ».
C’est après la Seconde Guerre mondiale que Raymond Creuze avait été présenté au compositeur
par des amis communs à New York, à une époque où il y séjournait plusieurs mois par an, autour
de l’été indien. Il essayait de rétablir des échanges entre l’Europe et les États-Unis, cherchant à
développer le marché de l’art. Entourés des amis de Varèse (Duchamp, Ozenfant, Bouchard,
Ruggles, parmi tant d’autres) ils passèrent de nombreuses soirées ensemble. Varèse avait alors
beaucoup insisté pour le convaincre de s’installer définitivement aux États-Unis. Il souhaitait que
R. Creuze s’implique dans le tournage d’un film sur les déserts.
Des années plus tard, dans l’ouvrage écrit et publié par Raymond Creuze en 1984, consacré à Vera
Cuningham, la célèbre femme peintre anglaise, Varèse est cité lors de l’évocation de la troisième
exposition des « Amis de Montparnasse » à l’automne 1924 : « c’est le commissaire général,
musicien d’avant-garde et peintre à ses heures Edgar Varèse qui invite Matthew Smith et Vera
Cuningham à y participer avec lui. Quelques semaines plus tard, ils reçoivent Edgar Varèse à
Londres ». Varèse est bien allé à Londres en 1924 pour entendre Hyperprism à un concert de la
BBC, le 30 juillet. Dans l’ouvrage de Louise Varèse, il est bien fait mention du concert mais non
d’une rencontre avec les deux peintres anglais.
497. Archives Jolivet.
498. Marie Laurencin (1885-1956), peintre et poétesse française. Elle réalisa en 1924 les décors du
ballet de Poulenc, Les Biches.
499. Enregistrement du Quatuor à cordes de Jolivet par le Quatuor Pascal, disque Contrepoint.
500. Maigret mis pour Mégret.
501. Voir lettre de Jolivet à Varèse du 22 novembre 1948 (n° 88) : les Jolivet passent l’été à Carnac
dans le Morbihan, non loin de La Trinité sur Mer où se trouvent les Le Flem.
502. Autre orthographe de Reis.
503. C’est l’époque où Villa-Lobos fait de fréquents séjours en France et aux États-Unis (DBM, p.
4415).
504. Il s’agit des Mages, deuxième mouvement des Pastorales de Noël de Jolivet, donné à New York
(cf. répertoire tenu par Jolivet et réponse à Varèse de Jolivet du 12 novembre 1949, (n° 93)).
505. De Jolivet, Charles Münch a, en outre, dirigé les Trois complaintes du soldat et la Première
Symphonie.
506. V.T., initiales mises pour Virgil Thomson dont l’article est paru dans le New York Herald
Tribune du 10 novembre 1949 (Voir en annexes).
151

507. Maurice Martenot et sa sœur Ginette sont ensemble aux États-Unis.


508. Allusion au Concerto pour ondes Martenot, voir lettre précédente n° 92.
509. Voir en annexes.
510. Toutes les orthographes sont possibles !
511. Confirmation de la note 1 de la lettre n° 91.
512. Yvonne Loriod (née en 1924), pianiste française, seconde épouse d’Olivier Messiaen.
513. Ionisation et Octandre, avec Intégrales et Density 21,5 ont été enregistrées chez EMS sous la
direction de Frederic Waldman.
514. Autre orthographe d’Hylda.
515. Les cinq, c’est-à-dire : André, Hilda et leurs trois enfants.
516. Il s’agit de Mana.
517. L’un des paquebots anglais qui assurait la liaison avec les États-Unis.
518. Concerto pour ondes Martenot et orchestre de Jolivet.
519. Charles Münch se réfère-t-il seulement au manque de temps inhérent à sa carrière et ne fait-
il pas ici allusion aux difficultés personnelles qu’il a rencontrées à la fin de la guerre avec le
Comité d’épuration, par exemple ?
520. Voir lettre collective du 15 décembre 1949, n° 94.
521. Ginette Martenot a rejoué le Concerto pour ondes Martenot de Jolivet le 4 février 1950 à Paris,
avec l’orchestre de la Société des concerts du Conservatoire sous la direction d’André Cluytens.
522. En 1950, Jolivet est allé en Egypte lors d’une tournée de la Comédie française dont il était
alors Directeur de la musique.
523. Voir infra, lettre n° 97 du 1er août 1950 écrite de Darmstadt.
524. Voir supra, lettre n° 78, note 4.
525. Yvette Grimaud, née en 1920, pianiste française, compositeur et ethnomusicologue
(curriculum vitae dans Archives Jolivet). Elle a donné la première audition de la Première Sonate
pour piano de Jolivet au 612e concert de la Société nationale de musique, le 31 janvier 1947.
526. Il s’agit du compositeur américain John Cage (1912-1992).
527. Varèse fait probablement allusion à la période 1938-1940, pendant laquelle il a résidé à Los
Angeles (où habitait Schoenberg) et à San Francisco.
528. Mot signifiant « salutations, saluts ».
529. Varèse a été invité à donner des cours à Darmstatd par Wolfgang Steinecke. Celui-ci était
devenu son élève peu après son arrivée à New York au printemps 1949 (dans Chou Wen-Chung,
« Varèse : A sketch of the man and his music », The Musical Quaterly, vol. LII, N° 2, april 1966).
530. Voir lettre du 3 avril 1950, n° 96.
531. Il s’agit probablement de Robert Franc (voir lettre n° 81, note 1).
532. Abraham Skulsky, critique musical au New York Herald Tribune , proche de Varèse (dans
Fernand Ouellette, op. cit., p. 193).
533. Concerto pour piano et orchestre de Jolivet enregistré par la pianiste française Lucette Descaves
(1906-1993), créatrice de l’œuvre en juin 1951.
534. Rosalyn Tureck, née en 1914, pianiste, claveciniste et clavicordiste américaine qui a
essentiellement consacré sa carrière à Bach ; elle a fondé en 1966 l’International Bach Society
(DBM, p. 4294).
535. Jolivet a reçu une commande de l’orchestre de Louisville, quelques temps plus tard. Il s’agit
de la Suite transocéane, créée en septembre 1955, sous la direction de Robert Whitney, directeur
artistique de « The Louisville Orchestra » (1904-1986), celui que Varèse surnomme le « moine de
Louisville ».
536. Concerto pour piano et orchestre de Jolivet donné le 5 janvier 1953 avec The National Orchestra
Association de New York au Carnegie Hall (programme du concert dans Archives Jolivet).
537. Père Maurice J. Blanc.
538. Léon Barzin (1900-1999), chef d’orchestre américain né en Belgique (DBM., p. 268).
152

539. Philippe Entremont, né en 1934, pianiste et chef d’orchestre français (cf. Alain Pâris,
Dictionnaire des interprètes, Robert Laffont, Collection Bouquins, Paris, 1995, p. 384).
540. C’est le Premier Concerto pour piano de Liszt qui était programmé.
541. Olin Downes (1886-1955), critique musical au New York Times depuis 1924 (DBM, p. 1059).
542. Mot signifiant : en hâte.
543. Pierre-Alain Jolivet a passé l’année universitaire 1954-55 aux États-Unis grâce à une bourse
Fullbright.
544. Voir supra lettre n° 98, note 5.
545. Mot mis pour « commande ».
546. Voir supra lettre n° 98, note 5.
547. Lors de son séjour à Paris en 1954, Varèse est venu en visite chez les Jolivet. À cette occasion,
il a fait connaissance des « cinq » (voir supra lettre n° 94, note 4).
548. Ces entretiens ont ensuite été publiés : Georges Charbonnier, Entretiens avec Edgard Varèse,
Éditions Pierre Belfond, Paris, 1970.
549. Disque Columbia FCX 500 réalisé avec le flûtiste Fernand Dufrène, le trompettiste Roger
Delmotte et l’Orchestre National de la R.T.F.
550. Hyperprism, pour 9 instruments à vent et 18 instruments de percussion, dont la création a eu
lieu à New York le 4 mars 1923 sous la direction de l’auteur.
551. Pierre-Alain et les cadets : Christine et Merri.
552. Edward Tatnall Canby, « Epoch at Bennington », Harpers Magazine, New York, juillet 1955
(Archives Jolivet).
553. Il pourrait s’agir du Dr. Joseph-Charles Mardrus (1868-1949), auteur de Toute-puissance de
l’adepte, livre publié en 1932 qui se trouvait dans la bibliothèque de Jolivet. Mais en 1955, le
célèbre traducteur du Livre des Mille et une nuits et du Coran est décédé depuis quelques années.
554. Mot mis entre guillemets par Varèse.
555. Surnom pour Pierre-Alain Jolivet qui, en 1958, montera son premier spectacle théâtral au
Théâtre du Moulin de la Galette à Paris – Mala de Jean Laugier – auquel Varèse a assisté.
556. Voir supra lettre n° 104, note 2.
557. Jolivet est, cet été-là, à Aix-en-Provence, ville du « bon Roi René » (voir carte postale
précédente, n° 106).
558. Varèse vient de rentrer d’Europe. 1958 est l’année de l’Exposition de Bruxelles : Varèse et
Jolivet s’y sont retrouvés (Pavillon Philips, ballets de l’Opéra de Paris et représentations de la
Comédie française) ainsi qu’à Paris.
559. L’actrice en rouge dans Mala (voir supra lettre n° 104, note 2.) était Jacqueline Dano.
560. André, Hilda et Christine Jolivet ont passé de longs moments chez les Varèse pendant leur
séjour à New York en juillet 1964.

NOTES DE FIN
1. Saluez les 3 cours belloniennes et leur monarque mon ami Minou. Ne laissez pas ma couverture
être la proie des matous.
2. il ne peut rien d’où il sort -
3. J’en fais d’ailleurs autant faute de renseignements depuis avoir quitté Barcelone.
4. Il est mieux que cela - C’est un portrait artistique.
153

5. [en haut de la page, à l’envers]


pour la partie de la Sirène qu’il ait l’obligeance de faire ce que je lui demande dans une lettre - et
qu’il ne parte pas sans se consulter avec Cools.
6. [sur le côté gauche]
Mr. Bodansky que Fried connaît.
7. de naissance tchécoslovaque - compatriote de Martinu - et comme lui gentil.
8. Je vous en ai accusé réception en temps et lieu
9. [sur le côté gauche, à l’horizontale]
Il y a déjà quelques mois - auprès de personnes très qualifiées et compétentes -
10. [sur le côté gauche] et encore appuyés officiellement par le Gouv[ernemen] t
11. Je pense qu’une seule œuvre de ce genre existe - celle que d’Indy cite dans son traité
d’orchestration -
12. [Envoyez s.v.pl. recommandé]
13. Naturellement avec meilleur souvenir au Vieux Paul et famille.
14. Ne jamais oublier l’A, afin d’éviter confusion ou analogie avec ces 2 initiales P.J. d’odeur fort
nauséabonde -
15. Il va de soi qu’il n’a pas à user de tous les instruments - C’est le maximum que je considère au
point de vue budget pour le concert ou [sic] son œuvre sera jouée - Enfin décidez vous 2 pour le
mieux.
16. J’oublie les tournures françaises mais appréciez l’élégance décorative des ratures -
17. je souhaite le voir au programme
18. et qui vous fera remettre l’envoi - ou vous préviendra où le chercher -
19. un tas de trucs en train qui sommeillaient - Les élections vont remuer la vase - et puis
plusieurs mouvements - auxquels je suis mêlé - sont en train de se déclancher [sic] -
20. Il ne parle pas français - mais je sais que Guighy est de première force en anglais - donc tout
se tassera.
21. je ne peux fixer la date du cours que lorsque j'aurai reçu disques et partition.
22. (2 flèches indiquent plus précisément New Mexico et Arizona)
23. [sur le côté gauche, le renvoi]
surtout, à votre sujet, celle de Downes à qui je viens de téléphoner -
24. peut-être le trouverons-nous à Paris à notre retour.
154

Annexes
155

Des sirènes de bateaux, des


rugissements de lions1 : tout est
musique pour Varèse1
Le célèbre compositeur moderne qui donnera une conférence dimanche
utilise tous les sons, et de nouveaux moyens dans ses symphonies
Traduction : Dimitri Moliavko-Visotzky

1 S’entretenir avec Edgar Varèse, c’est comme essayer de contenir un typhon ; on prend
vite conscience que le compositeur en connaît plus sur l’histoire de la musique que
n’importe lequel de ses contemporains : il peut donner au néophyte un aperçu nouveau
sur la façon dont la musique est notée, annoncer que de nouveaux instruments
électriques viendront élargir l’horizon des sons, et que l’expérience ne sera pas
complète avant que ses symphonies aient été entendues dans l’Ouest comme elles l’ont
été dans les grands centres musicaux.
2 Varèse parlera de « La musique dans le temps » à la Mary Austin House, à 20h30
dimanche, dans la série de manifestations organisées au bénéfice de l’Association pour
les affaires indiennes. Ce ne sera pas une conférence au ton léger : quand il s’agit de
musique, Varèse ne peut être léger. Il illustrera son propos avec des exemples sur la
notation musicale telle qu’elle était à ses débuts et ce qui en survit à notre époque. Il
donnera un aperçu aussi complet que possible de la musique, allant du passé jusqu’aux
vastes espaces du futur, qu’il envisage avec l’intensité d’un prophète, et qu’il anticipe
en mettant l’accent sur le bruit dans ses symphonies ultramodernes. Π ne voit aucune
différence entre « bruit et son », car « le bruit est un son en formation ». Lorsqu’on lui
demande s’il est musicien, sa réponse est : « Non, je suis quelqu’un qui travaille [worker]
avec le rythme, les fréquences et les intensités ».
3 Varèse est venu en Amérique pour un certain type de son dont « enfant il avait rêvé »,
comme il a rêvé de « certains sons et de certaines vibrations ». Le son dont il avait rêvé,
il le trouva à son arrivée : « Lorsque j’entends le do# produit par la sirène d’un bateau,
ou par des sirènes d’usines, je m’arrête et j’écoute », dit-il. Et depuis, il a incorporé
cette étrange musique dans ses compositions.
156

4 Monsieur Varèse dit que le compositeur a des « oreilles innocentes », comme George
Moore pensait que l’art devait être regardé avec des « yeux innocents ». C’est cette
qualité même qui fait que les sons signifient plus pour lui que pour le musicien moyen.
Π raconte qu’il lui arrive d’écouter attentivement le bruit des perceuses et des
riveteuses sur les chantiers d’immeubles en construction à New York ; et à quelqu’un
lui demandant ce qu’il faisait, Varèse répondit honnêtement qu’il « s’exerçait ».
5 Il y a vingt-et-un ans que Varèse est arrivé en Amérique à la recherche des sons qu’il
entendait dans son « oreille intérieure ». « En ce temps-là, j’ai pris la citoyenneté
américaine mais hélas pas l’accent ». Il a toujours plus de facilité à s’exprimer dans sa
langue maternelle, et quand il n’arrive pas à trouver l’expression adéquate en anglais,
sa femme et lui échangent très vite en français jusqu’à ce qu’ils trouvent le terme juste.

Bach et Beethoven
6 Pour Varèse, les deux immenses génies de la musique classique sont « Bach, qui a fermé
une porte, et Beethoven, qui a ouvert l’horizon. C’est vraiment une bénédiction que
Beethoven ait été sourd et aussi isolé du monde. Il entendait avec son oreille
intérieure... et il désirait vraiment les effets qui peuvent être obtenus aujourd’hui. Je
crois qu’il s’est tourné vers le quatuor parce que son imagination allait au-delà des
possibilités physiques de son temps ». Varèse revient sans arrêt à la Neuvième Symphonie
de Beethoven pour illustrer ses propos, faisant référence à sa « colossale majesté »,
l’appelant « la plus grande œuvre chorale ».
7 Varèse, qui ressent toutes les contradictions de la musique, dit que « la musique est le
plus abstrait et le plus physique des arts, et s’apparente à deux symboles : les étoiles et
le vin ». Il dit que les trois principes de base de toute composition sont « inertie, force
et rythme », avec leurs contradictions.
8 Il pense que dans les masses sonores, les gens confondent les mélodies (melodies) et les
airs (tunes) ». Dans son propre travail, ces « masses sonores organisées se meuvent les
unes contre les autres, variant en rayonnement et en volume ». Il recherche la qualité
tri-dimensionnelle dans la projection sonore, où « les faisceaux sonores sont semblables
aux faisceaux lumineux d’un phare... un prolongement, un voyage dans l’espace ».

L’utilisation de nouveaux instruments


9 Il est normal qu’un compositeur tel que lui ne soit pas entièrement satisfait par les
moyens traditionnels, surtout quand il a pour principe de dire aux compositeurs :
« Écrivez ce que vous voulez, c’est le travail des ingénieurs de transmettre ce que vous
avez conçu ». Il pense qu’il est stupide de la part des compositeurs d’écrire pour
n’importe quel moyen, par exemple « quand vous faites de la radio, d’écrire pour le
microphone ». Dans le développement de la science, il devrait y avoir de nouveaux
instruments accordés à la conception, et Varèse est un de ceux qui travaillent sur ce
problème dans de nouveaux laboratoires.
10 Un des nouveaux instruments qu’il utilise dans sa dernière symphonie, intitulée
Equatorial, est le Theremin, à cause de son étendue et de son intensité. « Il possède un
registre aigu qui n’a jamais été entendu auparavant et a une grande puissance. Il a été
utilisé dans de nombreux concerts en France, mais l’ennui est qu’à l’employer pour
157

jouer de la musique classique, on le fait sonner comme n’importe quel autre


instrument ».
11 Il cite deux autres développements nouveaux dans le medium instrumental : les Ondes
Martenot, « dont le fil leur donne une grande stabilité », et le Dynaphone Bertrand.
Tous ces instruments utilisent le champ magnétique électrique : « Vous intervenez ou
non » pour produire le son. Un clavier de contrôle de la taille d’une petite table, une
aiguille de contrôle, ou plus simplement la main et la présence « jouent » ces
instruments. La comparaison la plus proche pour de tels instruments réside dans le
principe de l’orgue Hammond.
12 Equatorial, où le Theremin est utilisé, est décrit par Varèse comme étant « tout à la fois
une incantation et une vocifération ». Le compositeur s’est inspiré d’un texte tiré du
Popol Vuh, le livre sacré des Maya-Quiche, Indiens guatémaltèques ; le fragment tiré du
livre est une prière, l’invocation d’une tribu perdue à l’intérieur des terres après avoir
quitté la cité de l’abondance. Il utilise une voix amplifiée, comme si elle était en transes,
et quelques instruments : premièrement, les percussions, comme souvent chez Varèse,
puis les trombones et les trompettes pour l’élément humain, la voix déclamée, et enfin
l’orgue, « ce réservoir de puissance auquel tous viennent se nourrir ».
13 Ionisation est une symphonie pour les seules percussions, une œuvre avec des
« instruments dits sans hauteur définie, bien que ce terme soit stupide, car tout a une
hauteur, même si elle est relative ». Il dit de cette œuvre : « J’ai travaillé avec les
percussions car je ne voulais pas que d’autres instruments me donnent le caractère
anecdotique de la mélodie, alors que je travaillais purement sur le rythme. Je voulais la
pure différenciation du rythme donnée par différentes densités ». Après l’audition de
cette symphonie à New York, Paul Rosenfeld écrivit dans la New Republic que « les
quarante-et-un instruments de percussion pour laquelle elle a été composée – triangles,
blocs chinois, sonnettes, tambours, tambour à corde, gongs, tom-toms, cloches, clusters
de piano, et le reste comprenant deux sirènes capables de parcourir des échelles
ascendantes et descendantes de façon continue – suggèrent par eux-mêmes la vie du
monde inanimé... Qu’une musique comme Ionisation, écrite pour des instruments de
percussion non mélodiques, puisse être satisfaisante, ne semblera pas
incompréhensible à ceux qui réalisent que cette batterie enrichie par de nouveaux
compositeurs est parfaitement capable de fonctionner en tant que groupe sonore... On
peut y retrouver des parties de sopranos, altos, ténors et basses capables de se
combiner dans une harmonie à quatre voix ».

Maître de son expression


14 « Le compositeur doit être maître de son moyen d’expression, et non son esclave », dit
Varèse. « C’est la différence qu’il y a entre les artistes et les artisans. L’artisan est bon et
honnête, mais ne va jamais au-delà de la connaissance du métier et de l’outillage dont il
dispose ». En allant au-delà de tels outils, Rosenfeld dit à propos d’Intégrales de Varèse :
« En termes de qualité sonore, c’est complètement du Varèse : les cris perçants, les
arrêts soudains, les Crescendos et diminuendos extrêmement rapides sont bien à lui...
La polyphonie de Varèse est très différente de la polyphonie fondamentalement
linéaire de Stravinsky. La musique est construite plus verticalement, évolue davantage
sous la forme de masses de sons compactes, et se tient très vigoureusement en elles.
Même les points culminants ne détruisent pas le cubisme de la forme... Le tout crée un
158

incroyable sentiment de puissance, comme si les masses d’organisation excessive,


d’institutionalisation, de répression des foules et d’" inculture " qui écrasent
l’Américain sous elles commençaient soudain à osciller avec une force plus grande
qu’elles, et se mettaient à rayonner d’une vie nouvelle et merveilleuse ».

La nouvelle musique est-elle incomprise ?


15 Varèse pense qu’il y a un malentendu entre la nouvelle musique et le public, et qu’il est
injuste pour le compositeur, le chef d’orchestre et le public « de ne jouer une œuvre
qu’une seule fois ». Si elle n’est pas jouée vingt ou trente fois, « il n’y a pas d’esprit,
juste les notes ». Varèse met l’accent sur le fait qu’en musique, « plus la connaissance
est grande, plus l’amour est grand », et que « c’est le contact émotionnel qui compte
dans une œuvre d’art... l’art n’est pas là pour prouver une formule ou un dogme ».
16 Les symphonies de Varèse ont été jouées plus d’une fois, et par Stokowski plus d’une
fois lors d’une même soirée, quand elles ont été présentées à New York devant un
public qui les sifflait et les acclamait tout à la fois. Stokowski a pu affirmer que
« Varèse, avec Schoenberg, constitue l’avant-garde du progrès musical ».
17 Le compositeur est entièrement satisfait par les exécutions de Stokowski, Klemperer et
Goossens et n’éprouve aucun désir de les diriger lui-même, car il déteste apparaître en
public. Cependant, Varèse a dirigé des orchestres à Berlin, Prague, Paris, New York et
Cincinnati.
18 Varèse est le président de l’association Pan-American Association of Composers,
membre de l’association Beethoven, de 1’Acoustical Society of America, directeur de la
new American Grand Rights Association of America, dont tous les compositeurs sérieux
peuvent être membres. Il a fondé l’International Composers’ Guild en 1921, avec pour
but de se battre pour les compositeurs contemporains, de les aider, de les produire.

Un public plus que magnifique


19 Varèse pense qu’en Amérique, on trouve « le public le plus merveilleux, car c’est celui
qui a la curiosité la plus saine ». Il sent « qu’une vague spirituelle est en train d’arriver,
et qu’elle viendra d’abord en Amérique ». Son interview de New York, comme celle de
Santa Fé, a laissé les journalistes perdus dans un dédale d’idées nouvelles qu’il est
impossible de présenter de façon satisfaisante dans un journal, quand bien même
quelqu’un en serait capable. Et il a appris à New York que le dernier mot d’une
interview devait porter sur la vie américaine. Quel ne fut pas le soupir de soulagement
d’un journaliste qui, après avoir subi deux heures de formation musicale intensive, se
vit répondre, bien qu’avec dégoût, à la question : « que préferez-vous en Amérique ? » :
« Les jambes de vos filles et vos pamplemousses ».
159

NOTES
1. Le Lion’s Roar [rugissement du lion] est un instrument de percussion inventé par Varèse et dont
le nom français est « tambour à corde ».

NOTES DE FIN
1. Article paru sous le titre : « River Sirens, Lion Roars, All Music to Varèse », dans le Santa Fe New
Mexican, 21 août 1936 (p. 2).
Ces deux articles parus à Santa Fé (Nouveau Mexique) en 1936 sont cités par Fernand Ouellette
dans son livre sur Edgard Varèse (Christian Bourgois, Paris, 1989, pp. 141 sq.). Certains passages,
dont la traduction suit celle d'Ouellette, sont intégrés aux Faits réunis par Louise Hirbour et
traduits par Christiane Léaud, mais conformément au principe très discutable de cette édition,
sans mention des propos de Varèse mis entre guillements et des propos relatés dans le cours de
l'article par le journaliste. Ils sont par ailleurs présentés selon une continuité reconstituée plus
ou moins arbitrairement.
160

Le monde n’a encore rien entendu


en musique ; l’idée de Varèse
comparée à ses possibilités*
Traduction : Dimitri Moliavko-Visotzky

1 « Une œuvre d’art crée les règles ; les règles ne font pas une œuvre d’art. »
2 « Au seuil de la Beauté, l’art et la science doivent collaborer. »
3 « Je dis aux gens que je ne suis pas un musicien ; je travaille avec des rythmes, des
fréquences et des intensités. »
4 « On dit de la musique qu’elle est le bruit le plus coûteux. Mais elle diffère du bruit en
cela qu’elle a atteint la phase rassurante de la périodicité. »
5 « La musique, qui est vibrations, est le plus physique de tous les arts. »
6 « Les airs (tunes), dans la musique, ne sont que des bavardages (gossips). »
7 « Je conçois la musique comme spatiale ; pas seulement un ordre de proportion dans le
temps, mais aussi un ordre de proportion dans l’espace. Comme quelque chose capable
de se détacher et se prolonger dans l’espace. »
8 « Dans la composition, je travaille avec des masses sonores organisées se mouvant les
unes contre les autres. »
9 « Les trois principaux facteurs en musique sont, selon ma conception, l’inertie, la force
et le rythme. »
10 Les phrases ci-dessus, tirées d’une conférence donnée devant un large public par le
compositeur moderne (sic !) Edgar Varèse, la veille, à la résidence Mary Austin, sous les
auspices de l’Association pour les questions indiennes, peut donner au profane un peu
de lumière sur l’approche qu’a cette personnalité dynamique de la musique.
11 Varèse n’exclut pas l’élément humain de l’interprétation et des couleurs musicales.
Mais il envisage un développement mécanique et physique de la musique à un degré qui
va bien au-delà des limites physiques de l’homme. « La musique devrait finalement
vous entourer et vous envelopper au lieu d’être centrée sur la personne d’un chef
d’orchestre qui transpire », a dit le conférencier. « Lorsque vous lisez un livre, vous ne
pensez pas au typographe, aux moyens mécaniques ou humains qui l’ont produit ». Pas
161

plus que vous ne devriez être dérangé par le compositeur ou l’interprète, lequel est le
médiateur de l’expression musicale – telle est l’idée qui en découle. Et la Machine, en
définitive, est là pour produire la musique.
12 Varèse a retracé l’histoire de la musique avec une rapidité étonnante et quantité de
détails, depuis la première flûte en roseau jusqu’au développement de la mélodie à
travers l’harmonie en multipliant les complexités, évoquant brièvement le Moyen Âge
et passant en revue comme l’éclair la construction dramatique et lyrique de l’opéra,
avec sa procession kaléidoscopique de grands compositeurs.
13 « La musique est un art qui se perpétue, croît et se développe », a-t-il dit. Il s’est alors
plongé dans un dédale de notions : vibrations, fréquences, intensités, harmoniques
supérieures ou inférieures, masses de bruit ordonné, qui se heurtent, se rétractent, se
mélangent, se répercutent et s’interpénètrent. Avec brusquerie, il allait
périodiquement au tableau noir pour illustrer ses propos par de rapides esquisses.
14 Dans une sphère où les vibrations se transforment successivement en électricité,
silence, chaleur et lumière, il démontra les insuffisances de l’oreille humaine, et le peu
d’efficacité des doigts.
15 Dans un labyrinthe de méta-mathématiques à la puissance neuf, il donna à un public
déjà saturé quelques idées générales sur ce qu’il perçoit des possibilités scientifiques
quant au rythme, à l’inertie et à la force dans le champ des vibrations.
16 Beethoven, pense-t-il, eut la vision de cette infinité cosmique dans la musique...
17 Dire que sa conférence fut intéressante serait un euphémisme, quelles qu’aient été les
lacunes de la majorité des auditeurs dans les domaines du calcul et de la physique. [...]
Le sentiment général fut, une fois la conférence terminée, que Varèse savait de quoi il
parlait. En fait, il pense que le genre humain n’a fait qu’entrevoir le seuil du monde de
la musique, tandis que la science vient seulement d’ouvrir de nouveaux horizons.
18 (Après sa conférence de la veille à la Mary Austin House, Madame Margretta Dietrich
organisa une réception en l’honneur d’Edgar Varèse)

NOTES DE FIN
*. Article paru sous le titre : « World Has Really As Yet Heard Nothing in Music ; Varèse Idea,
Compared to Its Possibilities » dans le Santa Fe New Mexican, 24 août 1936.
162

Varèse et la nouvelle musique de


l’Amérique*
Isadore Freed

1 Si l’Amérique est le pays du machinisme, où l’idéal mécanique a pénétré au cœur même


de la vie, l’homme-type de l’Amérique (le vrai Américain) est celui qui se trouve en
synchronisme et est stimulé par la perfection technique et mécanique d’une existence
ne ressemblant en aucun point à ce qu’on avait déjà connu sur terre. Qu’il y ait bien des
gens américains de naissance qui ne soient en harmonie avec cette nouvelle force est
un axiome – et que bien des personnes, non américaines de naissance, trouvent leur
inspiration et la source de leur force dans cet « américanisme » est aussi un fait bien
établi. Ainsi nous trouvons travaillant la main dans la main dans le laboratoire
scientifique l’Américain et l’étranger. Tous deux également américains dans le sens
qu’ils tendent tous deux vers une nouvelle conception de vivre, une nouvelle
philosophie créative.
2 Dans la musique, un fait à peu près semblable se produit. L’Amérique est le résultat
cumulatif du travail des générations de colons et d’immigrants de nationalités variées.
La fusion de ces divers éléments a pris beaucoup de temps et peut-être pour cette
raison ne pouvait pas développer un art vraiment national autrefois, car bien que de la
musique ait été écrite en Amérique pendant presque deux cents ans, on ne pouvait rien
y trouver de spécifiquement américain. C’est seulement aujourd’hui qu’un nouvel
esprit semble s’éveiller chez les compositeurs américains (de naissance aussi bien
américaine qu’étrangère) qui travaillent pour la création d’une musique américaine.
3 Parlant grosso-modo, on peut dire qu’il y a deux types de compositeurs produisant en
Amérique aujourd’hui. D’abord les folkloristes qui puisent leur inspiration aux sources
indiennes et nègre, puis les expérimentalistes qui tentent de créer un art américain,
fort, sain et actuel, en cherchant les éléments de l’art qui expriment le mieux leur
propre essence, typifiant ainsi une culture et une civilisation différente de toute autre
dans l’histoire de l’humanité.
4 À l’auteur de ces lignes, les premiers (et les « jazzistes » qui peuvent être considérés
comme un rejeton de leur groupe) semblent s’engager dans une impasse ; car si
163

l’Amérique est le produit d’un amalgame de différentes caractéristiques raciales, sur


quoi peut se baser une vraie musique américaine pour adopter l’expression artistique
d’une race isolée ? Les compositeurs « expérimentalistes », d’autre part, cherchent à
puiser leur inspiration en eux-mêmes (la seule vraie source d’art) et en trouvant leur
propre expression créent ainsi une musique d’esprit vraiment américain.
5 Edgar Varèse ressort comme le chef de ce second groupe par la force seule de son
magnétisme, par l’audace et l’ampleur de ses conceptions. Bien qu’il soit français de
naissance et européen de culture, il a beaucoup plus de ressemblance avec le pionnier
américain des générations passées que beaucoup des tièdes descendants aristocratiques
des ancêtres d’avant la révolution. Car Varèse possède l’esprit révolutionnaire, la
volonté tenace, l’énergie indomptable et le courage indéfectible du pionnier et dans son
art il a rompu avec la tradition et a semé dans un nouveau sol comme le pionnier
américain avait fait pour sa part.
6 C’est dans sa musique cependant qu’il faut chercher le vrai américanisme de Varèse.
Ses vastes masses architecturales sonores sont la traduction musicale d’une nouvelle
conception de la vie ; car il a transmué dans le système sonore l’âge d’acier. Comme
l’Amérique d’aujourd’hui est le symbole d’un nouveau genre de civilisation, ainsi la
musique de Varèse est celui d’une nouvelle espèce d’art sonore. Avant de pénétrer à
fond cette nouvelle musique, il faut se débarrasser de tous préjugés et idées préconçues
au sujet des fonctions psychologiques et esthétiques de la musique. Écouter la musique
de Varèse pour y trouver les mêmes stimulants qu’on trouve chez un Schubert ou un
Schumann serait comparable à vouloir prendre le pouls de l’Amérique d’une place de
diligence.
7 Dans Amériques, qui est la première œuvre importante de la période américaine de
Varèse, on trouve que le compositeur établit pour la première fois ses propres principes
de construction. Il rejette les règles pédantes, qui bien que bonnes pour leur époque,
gênent et affaiblissent la pensée créatrice d’une autre période. Varèse va directement
aux sources de la musique, les lois cosmiques de la nature, pour les principes de son
architecture musicale.
8 En fait, si Amériques est construite avec les mêmes éléments qui ont servi pour la
musique d’autrefois, Varèse ne les emploie pas seulement d’une façon différente, mais
leur a trouvé une nouvelle forme matérielle et une nouvelle signification psychique.
Dans la musique classique, la partition se déroule dans le temps par le développement
des idées mélodiques et rythmiques.
9 Dans la musique de Varèse le mouvement est rendu par la transmutation des masses
sonores. L’harmonie et la mélodie y occupent des places subordonnées, les masses
sonores seules, avec leurs variations de formes et d’intensités, sont de première
importance. Sa musique est en réalité une projection dans l’espace de plans et volumes,
changeant constamment, agités et stimulés par les riches substructures
polyrythmiques d’une batterie importante. C’est une musique géométrique avec une
forme architecturale basée directement sur la logique des vibrations sonores et
l’équilibre des formes géométriques euclidiennes.
10 Dans Arcana Varèse va encore plus loin. Ici, il est l’alchimiste des sons. Selon son
principe de transmutation (en opposition avec l’idée classique du développement),
seules les zones d’intensités différentes et les divers tempéraments sont capables de
164

modifier et de changer son matériel thématique. La matière change quand les


vibrations sont multipliées ou diminuées selon une loi physique.
11 Ainsi, dans Arcana, son thème de trois notes subit constamment des transformations du
début à la fin de la partition. Le thème est en même temps le germe, la substance et le
pouvoir dominant de l’œuvre. Chaque groupe d’instruments fait entrer le matériel
thématique dans une nouvelle phase et le fait progresser. Toujours évoluant autour du
centre de gravité, ce matériel subit des changements, croît comme le vie elle-même et,
finalement, s’épanouit dans une lumineuse et impressionnante coda.
12 Varèse nous a donné une nouvelle musique, solidement organisée et disciplinée au plus
haut point par les lois fondamentales de la nature et de la logique. C’est une musique
intensément personnelle. Si elle exprime la vitesse et la force synthétique, c’est parce
que Varèse, vivant d’une vie intense et agitée, la recrée dans son œuvre. Elle est une
musique de l’imagination et non de la machine. Cette nouvelle musique, Varèse l’a
trouvée en Amérique, car dans le rythme de la vie américaine, audacieuse, vigoureuse
et intense, il a découvert l’inspiration cosmique qui l’a aidé à créer un langage nouveau.
Mieux que quiconque Varèse a extrait pour nous la signification du gratte-ciel et de la
machine, parce qu’il n’a pas tenté une reproduction photographique de ces éléments de
la vie américaine. Il a plutôt synthétisé pour nous l’énergie et la puissance qui ont créé
le gratte-ciel et la machine. Ainsi la musique de Varèse est le gratte-ciel, est la machine,
est l’Amérique – mais reste de la musique.
13 Et si Varèse est débiteur envers l’Amérique de l’existence d’œuvres telles qu’Amériques,
Intégrales et Arcana, ce pays d’autre part lui doit de l’avoir éveillé, musicalement
parlant, d’un long sommeil léthargique. C’est grâce à ses efforts que les compositeurs
américains contemporains ont commencé à se débarrasser des chaînes de traditions
périmées. C’est non seulement par l’influence de sa musique, par ses élèves et ses
disciples que Varèse a amené cette évolution quasi miraculeuse, mais il a fondé la
première société consacrée à la cause de la musique moderne.
14 Grâce aux concerts de l’International Composers’ Guild, le compositeur américain
entrant en contact avec la nouvelle musique d’Europe prenait courage et trouvait un
exemple pour son propre renouvellement. Un nouveau public se créa, sympathique aux
intentions et à l’idéal de ces musiciens révoltés. Qu’aujourd’hui on trouve dans presque
toute grande ville américaine une société locale s’occupant de la musique
contemporaine est dû en large part aux efforts – les premiers dans ce sens – d’Edgar
Varèse.
15 Et c’est largement grâce à son travail que la vie culturelle de l’Amérique a été enrichie
par un apport de sang jeune, plein de forces de renouvellement, mais conscientes et
ayant un but précis, créant une nouvelle musique américaine.

NOTES DE FIN
*. Texte écrit vraisemblablement dans les années 1934-35, inédit (Archives Jolivet).
165

Amériques (Edgar Varèse)*†


Paul Le Flem

1 Edgar Varèse est le chef incontesté du jeune mouvement musical aux États-Unis. Ses
œuvres y ont provoqué de violentes polémiques ou suscité de vifs enthousiasmes.
Âprement discuté par les uns, il est considéré par d’autres comme le champion de
l’audace et de la force.
2 C’est lui qui fonda à New York l’International Composers’ Guild, la première Société qui
se soit exclusivement consacrée là-bas à la diffusion de la musique contemporaine.
Grâce à Edgar Varèse, 56 compositeurs, appartenant à 14 nations différentes, y ont été
joués, et l’École française, pour sa part, y était mise en bonne place.
3 Tout en se dévouant à la cause de ses confrères Varèse composait. Citons parmi ses
ouvrages de musique de chambre : Hyperprism, Octandre, Intégrales, Offrandes ; et parmi
ses œuvres d’orchestre : Trois pièces pour orchestre, Chanson des jeunes hommes, Rapsodie
romane, Prélude à la fin d’un jour, pour l’Églogue de Léon Deubel, Bourgogne, Mehr Licht,
Gargantua, Les Cycles du Nord, Amériques, Arcane [sic]. La guerre a interrompu une
collaboration avec Hoffmannsthal : Œdipe et le Sphinx. Actuellement, Edgar Varèse
travaille à une œuvre développée pour orchestre et chœurs, qui sera jouée à la [sic]
Philadelphia Orchestra, sous la direction de Stokowski.
4 La partition d’Amériques – qui figure à ce programme – composée à New York en
1921-22, a été jouée pour la première fois à Philadelphie les 9 et 10 avril 1926, sous la
direction de Stokowski, puis à New York le 13 avril de la même année. Diverses villes
des États-Unis l’exécutèrent par la suite.
5 Le titre ne doit pas ici prêter à équivoque. Le musicien n’a pas cherché dans son œuvre
à traduire ou à exalter la vie prodigieusement active du Nouveau Monde. Le titre a une
valeur de symbole. Il tend à éveiller des idées de découverte, de libres horizons, de
même qu’au moment de la Renaissance, les imaginations poussaient les chercheurs
d’aventures vers l’Amérique, symbole d’espoirs nouveaux.
6 Dans cette partition, les idées musicales, après avoir été exposées, ne servent pas de
prétextes aux développements qu’on pourrait attendre. Quand elles reparaissent, c’est
dans des masses sonores différentes, où elles créent d’autres perspectives. Le musicien
ne cherche pas tant à broder sur le canevas de ses thèmes qu’à faire entrer ceux-ci dans
166

des ensembles d’un tout autre caractère. « La marche de la partition, écrit M. Lawrence
Gilman, l’éminent critique américain, pourrait être présentée comme une idée de
déplacements variés et continuels des plans et des volumes sonores autour de pivots
solides qui supportent la charpente de la composition sans être eux-mêmes
apparents ».
7 « Le rappel des thèmes, explique M. Zanotti, dans une excellente étude, Varèse et la
géométrie sonore, se fait au moyen de passages de caractères différents, qui fonctionnent
comme des corps élastiques entre les masses principales. A plusieurs reprises, l’œuvre
offre de ces bonds soudains, de ces syncopes haletantes qui lui donnent une saveur
barbare. Ce caractère se condense encore dans les dernières pages, qui forment une
rapide synthèse de toute l’œuvre rappelant tous les éléments essentiels. »
8 Deux densités agissent surtout dans Amériques : l’orchestre proprement dit et son
stimulant, la batterie. Le rôle de la batterie n’est pas de marquer des accents ou
d’accentuer certaines cadences, mais de pénétrer les masses instrumentales, de leur
communiquer des vibrations spéciales et variées. La batterie sera donc tantôt profonde,
tantôt souple et légère, le rythme changeant et puissant.
9 Quelque soit la nouveauté d’une technique, elle ne doit pas être le seul but du
compositeur, déclare Varèse : « Un artiste, dit-il, doit avoir une parfaite connaissance
de ses moyens, mais il ne doit pas en être l’esclave ».

NOTES DE FIN
*. Ce texte de Paul Le Flem a paru dans le programme du concert du 30 mai 1929, salle Gaveau à
Paris, où l’Orchestre des Concerts Poulet, sous la direction de Gaston Poulet, exécuta Amériques en
première audition française.
†. Ce texte résulte vraisemblablement d’une discussion entre Varèse et Le Flem ; la citation finale
de Varèse est très proche de celle transcrite par le journaliste américain du journal Santa Fe New
Mexican (voir supra).
167

Les Danse incantatoire d’André


Jolivet*
Florent Schmitt

1 [...] Le cas de M. André Jolivet est un peu mélancolique. Après une assez importante
production de lieds et de musique de chambre où l’on aurait plaisir à encourager des
recherches parfois bien un peu inutilement laborieuses, mais souvent couronnées de
trouvailles, le voilà aujourd’hui qui s’engage de gaîté de cœur, longtemps après Edgar
Varèse – dont Arcana serait, pour ainsi dire, l’aboutissement par anticipation de cette
Danse incantatoire – dans un labyrinthe où Varèse lui-même erre à tâtons depuis des
lustres sans parvenir – en dépit d’une confiance inébranlable dans sa fameuse étoile de
l’Apocalypse – à y allumer le bienheureux rais d’espoir. Comme dans Varèse, sans se
développer, ne modifiant leurs apparitions successives que par la diversité des plans,
ces thèmes étales iront, se répétant avec une insistance obsédante, dans un adagio peut-
être seulement apparent, mais constant, où le rythme, ce créateur du mouvement,
n’engendrera qu’une sorte d’immobilité statique, où des agrégations harmoniques
agglutinées en grappes compactes, dominées çà et là par les sirènes aiguës ou les
puissants rugissements de trente-deux pieds des ondes Martenot, envelopperont cette
magie d’un halo de couleurs étranges et indécises. Tentative des plus intéressantes,
certes, mais que, je crains, hélas ! imperfectibles et sans issue. [...]

NOTES DE FIN
*. Extrait d’un article de Florent Schmitt paru dans Le Temps, 27 juin 1936.
168

Concerto pour ondes Martenot et


orchestre de Jolivet
Virgil Thomson

1 [...] Le Concerto d’André Jolivet est d’une trempe vigoureuse. D’une écriture harmonique
et rythmique très recherchée, dans la nouvelle manière parisienne (l’auteur est un
compagnon d’armes de Messiaen), il est d’un coloris orchestral très particulier et d’une
extrême éloquence dans les passages les plus marquants. On souhaiterait que notre
public entendît plus souvent la musique de cet admirable artiste, mais sans l’adjonction
des ondes Martenot. C’est un compositeur habile et doué d’une imagination riche. Plus
on entend sa musique, plus on souhaite l’entendre. [...]
2 Extrait d’un article de Virgil Thomson publié dans le New York Herald Tribune du 10
novembre 1949, suite à un concert du Boston Symphony Orchestra sous la direction de
Charles Münch, avec en soliste Ginette Martenot.
169

Notes sur Varèse*


André Jolivet

1 Dès le prime début d’une œuvre de Varèse, que ce soit un bruit, un son isolé, un appel,
un accord, vous êtes saisi, agrippé par le caractère sonore même du phénomène
acoustique que constitue ce début.
2 Phénomène dont l’étrangeté acoustique fait naître immédiatement d’ailleurs une
émotion. Quel que soit l’imprévu de sa nature, de son intensité, de son timbre, il
contient toujours le germe d’un processus émotionnel.
3 En somme, dès sa naissance, l’œuvre de Varèse que l’on entend justifie toute la
musique : joie supérieure de l’intellect, émotion intense et généralisée de l’individu,
provoquées par les moyens physiques de l’interférence des sonorités et de la
production d’ondes sonores savamment calculées.
4 Varèse est l’homme qui actuellement connaît le mieux l’orchestre et ses possibilités.
5 Je peux affirmer cela parce que chez lui la virtuosité de l’orchestre n’est qu’une
manifestation de sa connaissance innée de la matière sonore.
6 On naît orchestrateur est-on d’accord de proclamer.
7 Mieux, Varèse, lui, est né architecte de sonorités, avec bien entendu la connaissance
parfaite des matériaux utilisables.
8 Lui qui n’aura été de sa vie capable de faire une gamme de piano, ne s’est jamais trompé
dans ses recherches instrumentales. Et les innombrables inventions de combinaisons
sonores nouvelles qui émaillent ses partitions ont toujours produit à l’exécution ce qu’il
en attendait. Même les plus osées.
9 Il projeta un traité d’instrumentation, ou mieux, un additif à celui de Widor
(continuation de celui de Berlioz). Nous tombions d’accord que, mieux encore, il devrait
écrire un traité d’orchestration. S’il le réalise, ce livre sera le dernier de ce genre. (Bien
que traité d’une façon nouvelle).
10 Il représentera la somme complète de la connaissance (et de l’instinct) sur ce sujet.
11 Et la destruction même de l’orchestre actuel (ou de l’orchestre tel qu’il pourrait être
actuellement).
170

12 En offrant toutes les possibilités pour passer des instruments existants aux instruments
électriques de l’avenir, puisqu’écrit en connaissance et application de tous les principes
acoustiques.
13 « Le Bruit est un son en formation ». Cette définition de Varèse est à la base de toute sa
technique de la batterie.
14 Et il suffit de lire ses partitions pour s’en convaincre.
15 Point n’y sont rares les dessins d’un instrument soliste uniquement soutenus par la
percussion qui en dégage l’harmonie.
16 En effet la percussion schématise alors le contrepoint d’autres phrases musicales qui
pourraient accompagner le seul dessin entendu.
17 C’est qu’alors Varèse attribue aux instruments de percussion des accents et des
rythmes qui suffisent, malgré leur caractère élémentaire, à synthétiser, tant ils sont
bien choisis, les plus riches « broderies » que pourraient fournir les autres instruments.
18 Il n’est pas rare de voir la percussion travaillant presque en « concertino », résumer les
moments essentiels d’une œuvre, synthétisant grâce au rythme et même par sa couleur
vraiment particulière leur caractère musical et jusqu’à leur « atmosphère ».
19 Il arrive aussi, comme au début d’Amériques, que certains instruments de l’orchestre (ici
les harpes) soient traités comme instruments percussifs, les notes produites servant
plus pour leur rythme et leur timbre que pour l’harmonie produite.
20 Cette définition citée plus haut, « Le bruit est un son en formation », est démontrée
d’une façon éclatante et indiscutable pour les tams-tams, les gongs, les cymbales
(frappées, frottées ou suspendues) et le fameux tambour à corde.
21 Ce dernier (dont le vrai nom, le nom anglais : Lion roar, est si expressif) constituant une
invention de Varèse qui offre des possibilités sonores et affectives d’une rare puissance.
22 Personne ne discutera les bases harmoniques inouïes que donnent aux cuivres
particulièrement les instruments métalliques de percussion, non plus que l’atmosphère
harmonique que peut créer dans un orchestre une cymbale suspendue bien employée.
La chose est démontrée depuis Debussy. Quant au tambour à corde, il enrichit aussi
bien les cordes et les bois graves que les cuivres, et même à découvert ou survolé de
quelques voix espacées, mais suffisamment puissantes, il produit un effet certain. Il
marque puissamment les démarrages des basses et il s’enrichit volontiers des
harmoniques produites par les instruments mêmes dont il a aidé ou accentué l’attaque.
23 Les sirènes jouent aussi un grand rôle dans la musique de Varèse. Que leur mise en
action soit dévolue aux batteurs et que leurs parties soient inscrites parmi celles de la
percussion, ne répond pas seulement au besoin de satisfaire à des commodités
matérielles. Cela indique aussi, ces sirènes ayant une voix si intensément expressive,
toute l’expression vraiment humaine que Varèse prétend tirer de la percussion. Car
bien qu’elle serve souvent à soutenir l’orchestre, elle doit produire parfois elle-même,
seule, sa propre expression, ainsi qu’il est dit plus haut.
24 De beaux gongs bien fondus, longuement et savamment martelés, des tams-tams clairs
ou graves à l’ample et large sonorité, une cymbale chinoise à la basse centrale bien
modelée, tous ces instruments dont Varèse possède de remarquables exemplaires
provenant d’Extrême-Orient ont une sonorité ample et riche d’harmoniques. On peut
les mettre en vibration de tant de façons différentes et toutes plus expressives les unes
que les autres que bien des gens en restent stupéfaits.
171

25 Leur étonnement fait vite place à l’admiration, à l’émotion. Pour ceux qui ont eu de
Varèse lui-même la démonstration de leurs possibilités sonores, aucun doute ne
subsiste sur l’enrichissement qu’ils peuvent apporter à l’expression de l’orchestre.
26 Et cependant, Varèse a su par sa façon de les traiter individuellement ou de les associer,
de les unir, de les grouper et de les opposer, faire rendre le maximum à des instruments
de percussion qui, par leur nature, rendaient méfiants d’autres musiciens : grelots,
castagnettes, fouet...

NOTES DE FIN
*. Texte d’André Jolivet noté sur petit cahier rose d’écolier (sans date, probablement fin des
années trente).
172

Edgar Varèse*
André Jolivet

1 Après avoir été réformé en 1916, Edgar Varèse partit pour l’Amérique. Lorsqu’il revint
en France en 1929, personne ne connaissait une note de sa musique. J’avais lu ce nom
deux ou trois fois dans les correspondances étrangères de La Revue musicale. Ce qu’on y
disait de ses innovations fort contestées, ajouté à une évidente intuition de mon propre
avenir, fit que je n’eus de cesse d’assister à la première audition en Europe de son
poème symphonique Amériques.
2 Devant l’impossibilité de trouver une place, je m’adressai à Paul Le Flem, lequel,
incontinent, me dit : « Allez voir Varèse lui-même, avec ce mot de ma part ».
3 Et c’est ainsi que je tombai, rue de Bourgogne, sur Varèse et Stokowsky. Il ne fallut pas
moins, pour me délivrer de l’appréhension qui m’étreignait, que l’étrange chaleur de ce
regard bleu acier qui m’enveloppa, dès l’abord, d’une si fraternelle et d’une si
lumineuse cordialité. Et avant même que Varèse n’eut ouvert la bouche pour me dire :
« Le Flem a bien fait de vous envoyer. C’est l’audience des jeunes qui m’intéresse et je
leur suis tout dévoué », je savais que j’avais trouvé mon maître et mon plus grand ami.
4 Le soir même de ce 30 mai 1929, au troisième rang de la salle Gaveau, je reçus la
révélation de ce monde nouveau dont j’avais pressenti l’existence au fond de ces yeux,
derrière ce front.
5 Et lorsque le cataclysmique déchaînement de ce prodigieux orchestre de 120 musiciens
provoqua une véritable transe frénétique dans l’auditoire, j’éprouvai la puissance
unique de cet art. En dépit des apparences, ce n’était pas un « chahut ordinaire » qui
s’élevait, mais la foule, portée malgré elle où le musicien voulait la mener, participait
de la voix et du geste à ce poème de la découverte des libres horizons, traduisant les
imaginations qui, au moment de la Renaissance, poussèrent les chercheurs d’aventures
vers l’Amérique, symbole d’espoirs nouveaux. L’Amérique, ce Parisien qui portait un
nom de lac italien et qui avait gardé de son grand-père Cortot un riche tempérament de
vigneron bourguignon s’y est si bien assimilé que la France ne l’a pas reconnu lorsqu’il
y revint.
6 En Amérique, il est le chef incontesté du jeune mouvement musical, considéré comme
le champion de l’audace et de la force, et à la tête de l’International Composers’ Guild, il
173

a fait, le premier, jouer Schoenberg et Alban Berg, imposé Debussy, Ravel et Roussel, et
diffusé en dix ans les œuvres de 56 compositeurs appartenant à 14 nations différentes.
7 Varèse possède l’esprit de renouvellement, la volonté tenace, l’énergie indomptable et
le courage indéfectible du pionnier ; dans son art, il a rompu avec les traditions et a
semé dans un sol nouveau, comme les pionniers américains l’avaient fait pour leur part.
Ses masses architecturales sonores sont la traduction musicale d’une nouvelle
conception de la vie. Avant de pénétrer cette musique, il faut se débarrasser de toute
présomption au sujet des fonctions psychologiques et esthétiques de la musique.
Écouter la musique de Varèse pour y trouver les mêmes stimulants que chez un
Schubert ou un Schumann serait comparable à vouloir prendre le pouls de l’Amérique
d’une place de diligence : la musique de Varèse est une projection dans l’espace de
plans et de volumes changeant constamment, agités et stimulés par les riches
substructures polyrythmiques d’une importante batterie. C’est une musique
géométrique dont la forme architecturale est basée directement sur la logique des
vibrations sonores et l’équilibre des formes euclidiennes. Cependant, il s’agit d’une
musique de l’imagination et non de la machine. Varèse l’a trouvée dans le rythme de la
vie américaine, audacieuse, rigoureuse et intense, et dans ce vaste et magnifique
continent, il a découvert l’inspiration cosmique qui l’a aidé à créer un langage nouveau.
Dès le prime début d’une œuvre de Varèse, que ce soit un bruit, un son isolé, un appel,
un accord, on est saisi, agrippé par son caractère sonore. Phénomène dont l’étrangeté
acoustique fait naître immédiatement une émotion ; quel que soit l’imprévu de sa
nature, de son intensité, de son timbre, il contient toujours le germe d’un processus
émotionnel. À lui seul il définit déjà toute la musique : joie supérieure de l’intellect,
émotion intense et généralisée de l’individu, provoquées par les moyens physiques de
l’interférence des sonorités et de la production d’ondes sonores savamment calculées.
8 Nous ne possédons en France qu’une seule œuvre enregistrée de Varèse : Ionisation. Elle
utilise uniquement des instruments de percussion au nombre de 40 (y compris des
cloches, un piano et deux sirènes) répartis entre quinze exécutants. Son nom indique sa
donnée psychologique. Elle exprime, sur le plan sensible humain, les bouleversements
atomiques d’un gaz qui produit des ions en rompant ses liens moléculaires.
9 Nous allons vous en donner un extrait qui, je l’espère, vous montrera que par le seul
truchement du bruit organisé rythmiquement – mais pour Varèse le bruit est un son en
formation –, et en partant d’une donnée scientifique, on peut atteindre à la plus pure et
à la plus authentique émotion.

NOTES DE FIN
*. Texte écrit par André Jolivet pour être lu à l’émision Les Nouvelles musicales du lundi 15 janvier
1945.
174

Lettre au producteur de l’émission


« À vos ordres »*
André Jolivet

1 Monsieur,
2 J’ai eu l’occasion d’entendre hier, dans votre émission « À vos ordres », une interview
extrêmement intéressante du compositeur Edgar Varèse par votre speaker Robert
Franck.
3 La conversation entre ces deux personnes a été tellement chargée de sens et d’aperçus
intéressants que je pense bien qu’elle ne constituait qu’un essai et que vous aurez à
cœur de nous permettre de prendre contact plus souvent avec un esprit aussi distingué
et aussi novateur que celui de Monsieur Varèse.
4 En quelques instants, il a trouvé le moyen d’émettre les idées les plus intéressantes et, il
faut le dire, cela donnait un ton extrêmement sérieux et une grande valeur à votre
émission, laquelle, trop souvent, me paraît vouloir plutôt s’abaisser au niveau d’un
public très moyen (qu’à tort vous vous imaginez constituer la majorité du public
français) plutôt que d’amener ce public à goûter des plaisirs culturels plus élevés.
5 Au sujet de cette émission d’hier, je vous adresserai un reproche. Après avoir annoncé
l’exécution d’une œuvre de Varèse, vous en interrompez brutalement la diffusion en
disant qu’il s’agit d’extraits. En dehors de la curiosité qu’avait éveillée cette œuvre
remarquable et que vous avez déçue, il me paraît regrettable que la radio d’une nation
comme les États-Unis, qui respecte tellement les œuvres de l’esprit, se permette de
découper en petits morceaux un ouvrage aussi intéressant.
6 Espérant que vous multiplierez des émissions aussi intéressantes et que vous nous
permettrez de connaître mieux l’avant-garde des artistes américains, je vous prie
d’agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.
7 André Jolivet
8 Directeur de la Musique
9 Comédie Française
10 30, avenue Carnot
175

11 Paris XVII

NOTES DE FIN
*. Cette lettre fait suite à la diffusion de l’émission « À vos ordres », services américains de la
Radio française, le 29 août 1946. Un double de cette lettre fut envoyé à Varèse. La bande originale
n’a pas été retrouvée.
176

« Philosophe du bruit » et
précurseur de la musique concrète :
Edgar Varèse*
André Jolivet

1 Le 3 juin 1929, Edgar Varèse portait un grand coup : il donnait, salle Gaveau, la
première audition française de cette œuvre somptueuse qui porte le titre si évocateur
d’Amériques.
2 J’étais au second rang des fauteuils d’orchestre. Dès les premières minutes de
l’exécution, un tel brouhaha se développa dans la salle que je ne sus qui faisait le plus
de bruit, de l’orchestre de cent vingt musiciens ou des auditeurs déchaînés. Merveilleux
effet de ces masses sonores subtilement organisées, elles déterminaient dans le public
l’émotion bouillonnante et batailleuse qui fut sans doute celle des conquérants de
l’Ouest devant les paysages grandioses du continent américain.
3 Varèse était depuis peu revenu à Paris, qu’il avait quitté en 1916 après avoir été
réformé. Son nom et le sens de ses recherches, je les avais connus dans de brefs
comptes rendus publiés par Henry Prunières dans sa Revue Musicale. Et déjà, à travers
ces lignes succinctes, j’avais perçu ce qu’il y avait d’important et de déterminant pour
l’avenir de l’art musical dans les créations de cet être d’élite.
4 Ami de toujours de Varèse, Paul Le Flem, avec qui, à l’époque, je travaillais l’harmonie
et le contrepoint, m’envoya chez Varèse, l’après-midi de ce fameux 3 juin 1929, pour lui
demander de me procurer des places pour le concert du même soir.
5 La cordialité de l’accueil (« Nous devons faire tout pour aider les jeunes », me dit-il en
réponse à ma timide et bredouillante requête), la vivacité de cet intense regard bleu, la
chaleur de la poignée de main, me conquirent instantanément Et dès l’abord je sus que
nous étions l’un et l’autre en parfaite concordance de phase, et que les mots seraient le
plus souvent inutiles entre nous pour que nous nous comprenions.
6 Varèse devait rester à Paris jusqu’en 1933. Sa forte personnalité, sa vigueur à vivre et à
combattre, sa chaleur humaine, la grâce et l’intelligence de son épouse, Louise,
attirèrent dans son atelier de Montparnasse les plus authentiques artistes qui avaient
177

conservé la foi, en dépit des cruelles difficultés matérielles qui s’abattirent à cette
époque.
7 D’Antonin Artaud à Calder, de Picasso à Max Jacob, de Russulo (le « bruiteur ») à Man
Ray et Miró, sans oublier Balthus, une sorte de vaste communauté fut catalysée par
Louise et Edgar Varèse.
8 Quelques audacieux jouaient les œuvres de Varèse : Marius-François Gaillard, Marya
Freund, Nicholas Slonimsky. Mais, dans son ensemble, le « milieu musical » rechignait.
Et celui qui aurait dû être, dès alors, ce qu’il apparaît maintenant : le rénovateur de la
création musicale française, retourna, très amer, vers les États-Unis, qu’il ne devait
presque plus quitter, parfaitement insouciant de ce qui se faisait (ou ne se faisait plus)
en Europe.
9 Pour mol, ce fut la fin de ces heures merveilleuses et passionnées où, en tête à tête,
nous confrontions nos recherches techniques et nos aspirations esthétiques,
établissions une véritable philosophie du bruit (considéré comme un son en formation)
et posions les premiers principes de ce qui devait apparaître un jour sous le nom de
« musique concrète ».
10 [...] Nous nous sommes beaucoup écrit. Après les quatre années d’interruption de la
guerre, nous avons reçu de lui, par le premier liberty-ship, un colis de café... et le disque
de l’enregistrement de Ionisation.
11 Sitôt arrivé à Paris, il me téléphonait ; sitôt arrivé à New York, je sautais chez lui...
12 [...] Varèse, si lointain, mais impérissablement présent.

NOTES DE FIN
*. Texte écrit par André Jolivet après la mort de Varèse, et paru dans Sud-Ouest Dimanche du 14
novembre 1965.
178

Varèse avec nous*


André Jolivet

1 Son élévation de pensée, la hauteur de ses vues, la subtilité de ses moyens de mise en
œuvre, sa façon si particulière de percevoir le monde, l’originalité de ses conceptions et
l’indépendance de son caractère ont préservé Varèse des systèmes, des concessions et
des coteries. Sa vie durant il a su se garder (aidé en cela par une féroce fantaisie
verbale) de toute annexion par telle ou telle chapelle.
2 Mort maintenant, il serait moins protégé de ces tentatives qui nous valurent, en
certaines conjonctures, d’audacieux et impératifs : « un tel avec nous ».
3 Toutefois, si j’ai donné ce titre à ces quelques notes, c’est qu’on peut lui prêter un autre
sens, plus réaliste, et combien plus déterminant, celui de : Varèse parmi nous. Parmi
nous, au point de vue du public, par l’usage que les radios et les télévisions ont fait de
ses œuvres comme fonds sonores de leurs émissions. Ainsi, sans que le nom de l’auteur
soit publié, Octandre, Hyperprisme ou Ionisation sont connus (et acceptés) de millions
d’auditeurs tout comme les mobiles de Calder sont connus (et acceptés) de quiconque
les a vus utilisés par des décorateurs étalagistes. Parmi nous, amateurs de musique ou
musiciens professionnels, par l’influence directe de son style, de ses trouvailles, de ses
innovations sur notre façon d’entendre, ou de concevoir et de réaliser la musique.
Varèse, comme la plupart des compositeurs importants du XX e siècle, a tenté de libérer
le langage musical des impératifs du système tonal. Il y est parvenu par des moyens très
personnels, quoique voisinant parfois avec ceux de Schoenberg (à qui le liaient une
amitié et une estime réciproques – et un commun mépris des dodécaphonistes
orthodoxes).
4 Toutefois, si l’on se réfère à Hindemith (in : Traité d’harmonie ), les œuvres de
Schoenberg restent fidèles aux fonctions harmoniques traditionnelles de sous-
dominante, dominante, tonique. Varèse, lui, sur ce plan de la syntaxe, est vraiment
parvenu à dominer (pour l’exclure) la tonalité, jusqu’à obtenir des effets de
« détempérisation ». En outre, il a su rompre avec les formes musicales classiques.
Enfin, dans ses complexes rythmiques son-percussion, il a jeté les bases de ce qui a été
baptisé plus tard (à son grand esbaudissement) « valeurs irrationnelles ». Ne pouvant,
ici, exposer dans le détail toutes les données de l’art de Varèse, je me bornerai à
constater que, dans ses œuvres symphoniques, il a imposé une esthétique de
179

l’impétuosité et de l’expansion. Puis, dès 1932, avec Ionisation (pour percussion seule), il
a posé les prémices des musiques électroniques qu’il réalisa plus tard sous la
désignation de « son organisé ». Mais sans jamais oublier que, le son, comme l’homme
ne peut vivre que dans le domaine atmosphérique, et plaçant son œuvre sous le double
signe du vin et des étoiles, il a toujours eu présent à la pensée l’univers dans sa totalité
et l’être humain incarné. On peut affirmer que tout compositeur préoccupé de vivre
avec et pour notre temps a largement tiré parti des innovations de Varèse, qu’il soit
symphoniste ou électronicien. L’une des conséquences les plus spectaculaires de cette
influence de Varèse, c’est au Japon que j’ai pu la constater. En se référant aux
conceptions varésiennes, des compositeurs de ce pays, et au premier rang le
remarquable Yoritsuné Matsudaïra, opèrent la synthèse de la musique traditionnelle
japonaise et des techniques musicales occidentales. Varèse faisait volontiers sienne
cette définition de Wronsky : « La musique est la corporification de l’intelligence qui est
dans les sons ». Et nous savons maintenant qu’il demeurera comme un des exemples les
plus remarquables de ce que sont les grands compositeurs français : une intelligence
appliquée à l’organisation du silence.

NOTES DE FIN
*. Texte d’André Jolivet paru après la mort de Varèse dans Diapason, décembre 196. 5 (p. 9).
180

Index

A
ADÈS, Albert : 103

ALBERTI, Rafaël : 19, 20, 40, 41, 64, 108, 109

AMATO, Frank d’ : 161

Amériques : 8, 13, 17, 36, 75, 76, 78, 79, 82, 83, 85, 206, 207, 209, 210, 214, 216, 221
Arcana : 13, 37, 147, 207, 211
ARNAUD, Monsieur : 137, 139, 140

ARTAUD, Antonin : 15, 16, 20, 21, 25, 31, 32, 46, 47, 58, 64, 65, 67, 68, 73, 76, 78, 81, 82, 84,
90, 101, 103, 107, 109, 116, 118, 147, 222
ASTURIAS, Miguel Angel : 21, 75, 77, 78

AURIC, Georges : 58, 112

Β
BACH, Jean-Sébastien : 27, 36, 185, 186, 199

BARBILLON, Martine : 16, 39

BARBUSSE, Henri : 18, 69, 70

BARRÈRE, Georges : 15, 37, 51, 56, 63, 76, 78, 84, 102, 125, 134

BARRÈRE-SALZEDO-BRITT : 56, 63, 78, 125, 134

BARZIN, Léon : 187

BARZUN, Jacques Henri Martin : 22, 23, 43, 68, 70, 95, 98, 99, 100, 101

BEETHOVEN, Ludwig van : 36, 113, 114, 199, 202, 204

BERG, Alban : 28, 46, 183, 217

BERLIOZ, Hector : 47, 87, 147, 213

BERNANOS, Georges : 75, 159


181

BERNOUARD, François : 38, 43, 77, 78, 116, 117

BERTRAND, René : 24, 25, 43, 44, 111, 116, 117

BLANC, Père Maurice : 61, 147, 187

BLUMENTHAL, Georges : 138, 140, 141

BLUMENTHAL, Mrs : 138

BODANSKY, Artur : 80

BOUCHARD, Thomas : 26, 103, 138, 174

BOULANGER, Nadia : 17, 62, 110, 112, 132

BOULEZ, Pierre : 47, 185, 187

BRAHMS, Johannes : 183

BRAQUE, Georges : 16

ΒRITT, Horace : 15, 37, 56, 63, 78, 125, 134

BROQUA, Alfonso : 64, 66, 68, 73

BRUCKNER, Anton, Société : 36, 79, 158

BULLITT, William : 17, 84, 85

BÜSSER, Henri : 73, 75

C
CAGE, John : 182, 183

CALDER, Alexandre : 76, 78, 81, 222, 223

CAMPO : 56

CARCO, Francis : 116, 117

CARPENTIER, Alejo : 16, 21, 24, 25, 31, 36, 45, 46, 50, 109, 110, 122, 133, 152, 160

CHABRIER, Emmanuel : 116

CHARBONNIER, Georges : 189, 191

CHARPENTIER, Mar-Antoine : 157

CHÉREAU, Claude : 16, 38, 43, 152, 153

COHEN : 77, 78, 125

Concerto pour ondes Martenot : 33, 165, 168, 169, 178, 179, 181, 183, 185, 187, 189, 190, 212
Concerto pour piano : 33, 168, 183, 186, 187
COOLS, Eugène : 76, 78, 79, 83, 122, 151, 154

CORTOT, Alfred : 107, 110, 111, 217

COTY, François : 18, 91, 92, 111

COWELL, Henry : 28, 37, 44, 46, 66, 118, 121, 122, 124, 151, 152

CRAWFORD, Robert : 121, 122

CREUZE, Raymond : 47, 173, 174


182

D
DAMROSCH, Walter : 37, 84, 86, 106

Danse incantatoire : 32, 148, 211


DANTE : 108, 110

DAUDET, Léon : 98, 99, 129, 130, 152

DAUMAL, René : 21, 42, 64

DE NOBÈLE, Fernand : 16, 31, 38, 50, 58, 63, 67, 70, 74, 78, 81, 82, 89, 96, 98, 100, 103, 107,
109, 113, 117, 119, 121, 122, 126, 127, 130, 133, 140, 142, 145, 148, 162, 174, 183, 186
DEBUSSY, Claude : 14, 27, 77, 79, 119, 214, 217

DELBOS, Claire : 29, 124

Density 21, 5 : 37, 134, 164, 180


DÉROULÈDE, Paul : 62

DESCAVES, Lucette : 185, 186

DÉSORMIÈRE, Roger : 67, 68, 70, 77, 116, 118, 147, 148, 150, 163, 168

DOWNES, Olin : 187

DUHAMEL, Georges : 43, 99, 101, 152, 153

DUMAS, Alexandre père : 32, 74, 77, 79, 83

Ε
Equatorial : 24, 73, 75, 77, 81, 82, 85, 88, 93, 109, 111, 118, 149, 159, 200
EDDINGTON, Artur Stanley : 103, 104, 117, 118

ENTREMONT, Philippe : 187

Étude pour Espace : 32, 73, 75, 77, 82, 109

F
FARGUE, Léon-Paul : 126, 127, 150

FARRÈRE, Claude : 152, 153

FERROUD, Pierre-Octave : 81, 107, 110, 152, 154

FRANCK : 52, 185, 219

FREED, Isadore : 15, 17, 18, 52, 68, 108, 111, 116, 121, 122, 127, 128, 131, 137, 140, 205

FRIED, Oskar : 17, 39, 76, 77, 79, 90, 92, 93, 101, 108, 131, 153, 154, 165

FURTH, Mme : 98

G
GAILLARD, Marius-François : 111, 113, 115, 119, 147, 222

GASSOL, Ventura : 20, 40, 77


183

GILBERT-LECOMTE, Roger : 21, 42, 66

GIONO, Jean : 98, 100

GOLDBECK, Fred : 47, 137, 139, 141, 170, 172, 174, 185, 186

GRIMAUD, Yvette : 182, 183

GUIGHY, Hilda Jolivet : 15, 16, 19, 21, 26, 33, 35, 38, 42, 43, 45, 53, 56, 58, 60, 62, 65 66, 67,
73, 75, 79, 80, 86, 88, 90, 91, 96, 98, 99, 101, 102, 104, 105, 108, 110, 111, 112, 113, 114, 115,
117, 124, 126, 130, 133, 134, 137, 143, 144, 146, 148, 150, 158, 160, 161, 163, 166, 170, 171,
173, 175, 177, 180, 183, 185, 187, 188, 193, 196
GUIGHY, Madame, mère d’Hilda : 111, 113, 133, 163

Guignol et Pandore : 33, 173

H
HAMEL, Marie-Pierre : 68, 70

HASSELMANS, Louis : 69, 71

HERMANS, Henri : 151, 152

HINDEMITH, Paul : 46, 129, 130, 223

HITLER, Adolph : 69, 130

HOFFMANN-BEHRENDT, Madame : 129, 130, 134

HURÉ, Jean : 32, 63, 65, 68

HUYOT, Albert : 78, 79

I
INDY, Vincent d’ : 12, 35, 52, 66, 101, 102, 106

Intégrales : 13, 28, 42, 88, 112, 180, 201, 207, 209
Ionisation : 13, 24, 37, 83, 85, 88, 90, 91, 93, 103, 104, 110, 111, 118, 122, 149, 151, 153, 164,
165, 167, 180, 185, 190, 200, 201, 217, 222, 224
IVES, Charles : 46, 118, 121, 122, 127, 128, 131

J
JOACHIM, Irène : 16, 70, 119, 126, 127, 134, 142, 145, 162, 163

JOLIVET, André : 3, 5, 8, 9, 11, 19, 21, 26, 29, 43, 45, 47, 51, 56, 58, 59, 63, 65, 66, 70, 75, 78,
79, 81, 83, 85, 86, 88, 90, 92, 96, 98, 99, 101, 104, 106, 110, 112, 114, 117, 118, 120, 121, 123,
125, 128, 131, 132, 134, 135, 137, 138, 141, 143, 146, 148, 150, 152, 154, 157, 159, 160, 162,
165, 167, 196, 208, 211, 213, 215, 216, 218, 224
JOLIVET, Pierre-Alain : 110, 111, 188

JOSIPOVICI, Albert : 103


184

Κ
KERR, Harrison : 92, 122, 124, 127, 128, 131, 139, 170, 174

KLINGSOR, Tristan : 83

L
LABERGE, Bernard : 17, 84, 86, 147

LA FOLLETTE : 18, 86, 95, 96, 148

LANG, Madame : 36, 43

LAURENCIN, Marie : 174, 175

LAVAL, Pierre : 115, 117, 133, 134

LAVOIE Herz, Djane : 136

LE CORBUSIER, Charles-Edouard : 20, 26, 41, 58

LECOMTE, Roger Gilbert : 21, 42, 64, 66

LE FLEM, Jeannot : 106

LE FLEM,Paul : 12, 13, 16, 20, 29, 31, 35, 37, 58, 64, 67, 74, 81, 82, 86, 97, 101, 102, 104, 107,
110, 112, 119, 124, 126, 128, 130, 137, 141, 145, 152, 162, 167, 170, 172, 175, 177, 184, 186,
209, 210, 216, 221
LEFEBURE, Yvonne : 47, 170

LE FEBVRE, Jules : 29, 124, 126, 154

LÉGER, Fernand : 20, 41, 42, 58, 75, 99, 159, 198

LESUR, Daniel : 18, 29, 111, 124, 126, 148

LIPSCHITZ, Jacques : 20, 41

LISZT, Franz : 36, 37, 187

LITANTE, Judith : 76, 78

LITVINOV : 85, 87

LODS, Marcel : 67, 69

LORIOD, Yvonne : 180

LOURIÉ, Artur : 24, 28, 36, 159, 160

LULLY, Jean-Baptiste : 36, 157

LUPE Marin : 76, 78

M
MACIA, Francesc : 20, 40, 54, 77

MAHLER, Gustave : 9, 79, 80

MALRAUX, André : 133, 134

Mana : 30, 78, 81, 112, 121, 123, 124, 126, 128, 130, 133, 134, 136, 138, 140, 141, 145, 180
MARDRUS, Docteur : 191
185

MARTELU, Henri : 101, 102, 126, 128, 131

MARTENOT, Ginette : 164, 165, 169, 177, 183, 212

MARTENOT, Maurice : 47, 97, 98

MARTIN, R.C. : 22, 40, 70, 81, 83, 117, 118

MARTINU, Bohuslav : 81

MAURRAS, Charles : 129, 130

MÉGRET, Jacques : 16, 38, 61, 63, 67, 74, 79, 81, 98, 100, 110, 130, 133, 140, 142, 145, 162,
175
MESSIAEN, Olivier : 18, 29, 35, 47, 111, 123, 124, 132, 137, 148, 167, 168, 180, 182, 212

MEYERBEER, Giacomo : 80

MIGOT, Georges : 29, 46, 70, 90, 108, 110, 112, 119, 120, 123, 126, 128, 130, 134, 137, 138,
145
MILHAUD, Darius : 29, 46, 47, 52, 70, 91, 92, 112, 163, 169, 172, 173

MIRO, Joan ou Fidel ? : 21, 26, 41, 65, 77, 78, 222

MODESTI, Dominique : 16, 172, 174

MONTEUX, Mme : 108

MONTEUX, Pierre : 77, 79, 110, 113, 129

MOREUX, Serge : 132, 137, 140, 142, 145, 149, 164

MÜNCH, Charles : 47, 165, 168, 174, 178, 179, 181, 212

MUSSOLINI, Benito : 80, 100

Ν
NABOKOV, Nicolas : 74, 112, 185

O
Octandre : 13, 28, 37, 43, 88, 114, 129, 163, 169, 172, 180, 190, 209, 223
OUSMANSKY : 85

OLIPHUS, Père : 32, 74, 79, 82

Ρ
PERSHING, Général : 128

PETIT,Raymond : 16, 20, 36, 38, 41, 58, 61, 66, 88, 106, 112, 116, 124, 141, 161, 164, 167,
170, 174, 188, 191, 195, 215
PITACHU : 150

POLIA, Milda : 165, 167, 170

POMIÈS, George : 15, 52, 67

PONS, Lily : 128, 134


186

PORTER, Quincy : 67, 127, 128, 155, 202

POULENC, Francis : 46, 112, 174, 175, 182

PRATS, Joan : 21, 22, 39, 64, 66, 77, 78

Q
Quatre mélodies sur des poésies anciennes : 29, 31, 70
Quatuor de Jolivet : 30, 123, 124, 131, 143, 165, 168, 172, 174, 175

R
RABELAIS, François : 89, 136

RAVEL, Maurice : 45, 73, 75, 83, 86, 128, 153, 154, 217

REISS, Mme Arthur M. : 175

RIBEMONT-DESSAIGNES : 16, 19, 21, 24, 31, 41, 42, 44, 58, 64, 66, 67, 72, 78, 111, 160

RIEGGER, Wallingford : 28, 66, 78, 79, 121, 122, 127, 128, 131

RIMBAUD, Arthur : 75, 159

RIVERA, Diego : 69, 70, 76

RIVERA, Lydia de : 74, 75

ROBESPIERRE : 69

ROCKFELLER : 69, 70, 176

ROMAINS, Jules : 49, 100, 101

ROSZA, Béla (ou Rozsa) : 131

ROUSSEL, Albert : 12, 35, 45, 74, 75, 107, 152, 153, 217

RUSSOLO, Luigi : 15, 24, 40, 43, 54

S
SAINT-SAËNS, Camille : 36, 68, 77, 78, 116

SALZEDO, Carlos : 15, 18, 27, 29, 31, 36, 37, 46, 50, 56, 63, 65, 66, 68, 70, 71, 74, 78, 82, 84, 87,
90, 92, 93, 105, 108, 109, 111, 125, 131, 134, 139, 141, 144, 145
SANJUAN, Pedro : 19, 20, 40, 55, 57, 64, 68, 81

SCHMITT, Florent : 17, 45, 46, 73, 102, 109, 110, 139, 141, 150, 154, 211

SCHOENBERG, Arnold : 8, 14, 46, 65, 79, 80, 84, 85, 129, 131, 182, 183, 201, 217, 223

SCHÜTZ, Heinrich : 36, 157, 158

SCIORTINO, Edouard : 29, 123, 124

SENART, Maurice : 63, 65

SEYRIG, Henry A. : 157, 159

SHUSTER, Will : 155

SKULSKY, Abraham : 185, 186


187

SLONIMSKY, Nicolas : 13, 15, 37, 44, 46, 50, 75, 116, 118, 222

SOLER, Casabon : 75, 160, 173

SOLÉR, Antonio : 73, 75

STELLA, Joseph : 16, 19, 38, 39, 66, 95, 97, 98, 100, 101, 104, 107, 133, 134, 139

STRARAM, Walther : 27, 73, 75

STROWSKY, Fortunat : 53, 68

SUZOY : 157, 158

T
TAITTINGER, Pierre : 18, 91, 92

TARDIEU, André : 80

TATA NACHO : 16, 76, 78, 82

THÉREMIN, Léon : 24, 25, 44

THOMSON, Virgil : 47, 132, 162, 163, 178, 179, 187, 212

TOCH, Ernst : 129, 130

TOMASI, Henri : 90, 92, 116

TORRES GARCIA, Joaquim : 19, 20, 41, 64

TOSCANINI, Arturo : 69, 71, 110, 113

Trio de Jolivet : 15, 29, 31, 34, 37, 56, 78, 82, 89, 134, 143, 145
TURECK, Rosalyn : 185, 186

V
VALÉRY, Paul : 78, 126, 127

VARÈSE, Edgar : 3, 5, 11, 32, 34, 35, 36, 43, 47, 50, 51, 63, 66, 79, 83, 103, 109, 110, 114, 118,
120, 121, 122, 123, 126, 127, 129, 131, 133, 135, 137, 139, 141, 144, 145, 147, 149, 155, 157,
159, 166, 168, 171, 173, 175, 177, 178, 180, 181, 187, 189, 198, 202, 203, 204, 206, 208, 209,
211, 216, 219, 221, 222
VARÈSE, Louise : 8, 11, 12, 16, 17, 19, 23, 24, 27, 31, 38, 41, 46, 50, 59, 65, 70, 74, 75, 78, 79,
85, 87, 94, 99, 101, 103, 111, 113, 117, 118, 121, 132, 133, 141, 148, 156, 159, 160, 164, 166,
168, 170, 172, 174, 176, 178, 180, 183, 185, 189, 193, 195, 196, 202, 222
VARGAS : 16, 31, 36, 39, 64, 69, 74, 78, 82, 84, 105, 109, 122, 152, 154, 156

VILLA-LOBOS, Heitor : 13, 15, 36, 159, 175, 176

VITORIA, Tomas Luis de : 157

VUILLERMOZ, Emile : 104

W
WACHTELL, Hans : 17, 79, 80, 84, 85
188

WALTER, Bruno : 69, 70, 86, 168

WEBERN, Anton : 46, 182

WEILL, Kurt : 73, 75, 151

WEISS, Adolph : 28, 66, 121, 122, 127, 128, 131

WILLY (GAUTHIER-VILLARS), Henry : 126, 127


189

Cahier d’illustrations

Photo de Varèse prise devant la porte de l’Escorial à Madrid en août 1933


190

Varèse et Jolivet au cours d’une visite à l’Escorial, Madrid, août 1933

Carte postale de mai 1934 (n° 27)


191

Carte-lettre d’Oskar Fried à Jolivet (où il est question de Bulitt) voir lettre de Varèse n° 25

Louise et Edgar Varèse sur le pont d’un « houseboat » dans le Connecticut (photo ayant accompagné
la lettre du 9 juillet 1934, n° 31)
192

Recto et verso d’une carte postale représentant « Hudson Terminal and tubes » à New York (datée du
11 juin 1934, n° 29)

Lettre du 12 août 1934 (n° 32)


193

Lettre du 19 juin 1934 (n° 30)

Portrait de MAC, le fétiche de Varèse présenté dans sa lettre du 17 septembre 1934 (n° 34)
194

Lettre du 24 août 1934 (n° 33) illustrée avec une photo de presse découpée dans un journal et ainsi
légendée par Varèse : « Photo démontrant qu’il n’est pas nécessaire d’aller en Bretagne pour se
disputer une portion de poisson »

Comment Varèse adapte une tache en flèche pré-colombienne ! (lettre du 19 juillet 1935, n° 42)
195

Prospectus d’annonce par la PAAC des concerts des 15 et 22 avril 1934 où sont programmées trois
œuvres de Varèse : Ionisation, Equatorial (création) et Intégrales

Programme du 3e concert de La Spirale consacré aux œuvres de compositeurs américains, donné le 6


mars 1936 à Paris (salle de la Schola cantorum)
196

Programme du concert de musique française organisé par Varèse, donné le 17 février 1936 à New
York

André Jolivet dans les années trente à Blida (Algérie) écoutant un joueur de flûte
197

Autre portrait de MAC dit « Portrait artistique » par Varèse ! (lettre du 13 décembre 1933, n° 19)

Lettre de Varèse préparatoire au concert américain donné à La Spirale (n° 48) abondamment annotée
par Jolivet
198

Lettre de Harrison Kerr à André Jolivet, avec ajout de Varèse (voir lettre n° 49)

Lettre du 10 mars 1936 (n° 61)


199

Photo de Varèse dans un Pueblo indien (lettre du 25 novembre 1936, n° 74)

Document envoyé par Varèse avec la lettre n° 77 du 28 novembre 1944


200

Suite du document précédent

« The Great New York Chorus » sous la direction de Varèse : Programme de concert donné au bénéfice
des enfants de France, le 5 juin 1945
201

Programme choral dirigé par Varèse

Aérogramme adressé par Varèse à Jolivet, le 10 juin 1952 (lettre n° 98)


202

Programme du concert donné le 30 mai 1929, salle Gaveau, 45, rue de la Boétie, Paris 8’, par
l’orchestre des concerts Poulet sous la direction de Gaston Poulet, soliste : Magda Tagliaferro

Fac-similé de la lettre adressée par Varèse à Paul Le Flem le 28 juin 1928 sur le papier à en-tête de
l’American Society for Cultural Relations with Russia (U.S.S.R.) reproduit avec l’autorisation de la
médiathèque musicale mahler (Fonds Paul Le Flem)
203

Photo de Varèse dédicacée le 24 mai 1936, à Guighy et Jolivet, en toute amitié

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