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Gellner Ernest, Nations et Nationalisme, 1

Dans Nations et nationalisme, Ernest Gellner retrace la genèse du nationalisme, ce principe politique,
qui affirme que l’unité politique et l’unité nationale doivent être congruentes, c’est-à-dire converger
l’une vers l’autre, être en adéquation.

Quelles corrélations pouvons-nous constater entre le développement économique et l’évolution


historique des nations ? Les nations préexistent-elles au sentiment nationaliste ? Ou, au contraire, est-
ce le nationalisme qui crée les nations ?

L’homme moderne, fidèle à sa culture

Le propre de la société industrielle est de dépendre d’une croissance constante et d’un progrès
ininterrompu. Qu’est-ce que le progrès pour Gellner ? La conception d’un monde homogène, soumis à
des lois systématiques et aveugles, ouvert à une exploration sans limites.

Ce nouvel impératif social oblige les hommes à rompre avec la tradition. Alors que la société agraire
perpétuait des différences rigides et creusait les inégalités, la société industrielle fait sauter les
barrières d’ordres et de classes, pour faire converger les modes de vie, favoriser la mobilité et adapter
les activités humaines et les rôles sociaux à l’impératif de croissance.

Pour maintenir l’impératif de production et l’idéal de progrès, l’organisation du travail exige que tous
les travailleurs partagent une même langue. Comment atteindre cet objectif ? En diffusant une culture
homogène, grâce à une formation standardisée et non-spécialisée. L’idée est de créer par l’école, ce
que Gellner nomme les recrues d’une armée moderne. Cette formation comprend les rudiments de la
lecture, du calcul, des habitudes de travail, des compétences sociales et techniques…

L’éducation devient ainsi la base des sociétés modernes, organisée de façon transversale, depuis
l’Etat.

Selon Gellner, la conséquence directe de l’industrialisation est le nationalisme.

Le nationalisme a créé les nations

Ernest Gellner retourne l’affirmation bien connue qui considère que le nationalisme est une émanation
de la nation. Il affirme, au contraire, que c’est le nationalisme qui a créé les nations. Un paradoxe
intéressant, qui ne peut manquer de surprendre : comment le sentiment national peut-il préexister ainsi
à son objet ?

L’homogénéisation du système éducatif a fait émerger une haute culture, englobant les cultures
locales et rurales. Comment procède le nationalisme pour réussir cette standardisation ? En utilisant
les cultures que l’histoire lui laisse en héritage, parfois même en faisant renaître des langues mortes et
des traditions oubliées.

Ernest Gellner écrit à ce propos : Le nationalisme consiste essentiellement à imposer, globalement à la


société, une haute culture là où la population, dans sa majorité, voire sa totalité, vivait dans des
cultures inférieures . Le nationalisme emprunte à la culture rurale, ses chants et ses danses, mais tout
en prétextant les protéger et les préserver, il les absorbe. Cette haute culture est diffusée par la
généralisation d’une langue et est transmise par l’éducation.

Mais comment la culture vient-elle fonder la légitimité du système politique ? À la fois, lorsque les
conditions sociales et économiques amènent les hommes à se tourner vers une haute culture
standardisée, lorsque le système éducatif unifie et sanctionne les cultures inférieures, et que cela est
soutenu par un pouvoir central : l’Etat.

Aujourd’hui, alors que nous vivons dans des unités nationales définies, auxquelles nous nous
identifions naturellement, il est nécessaire d’en passer par l’histoire pour comprendre dans quelles
mesures les nations se sont constituées grâce à cette culture commune.

Trois formes de nationalisme

Dans le cas du nationalisme des Habsbourg, seuls les dirigeants ont accès à une haute culture centrale,
tandis que les dirigés sont privés d’éducation. Dans ce nationalisme d’empire, les revendications
adviennent lorsque ceux qui sont marginalisés décident de s’émanciper et de réclamer leur
indépendance. La répression se fait nécessairement par la violence et la guerre. L’auteur prend
l’exemple des populations de l’Est de l’Europe encore attachées à leur territoire et leur religion, au
moment de l’éclatement de l’URSS, pour qui l’intégration a été plus ou moins forcée.

Ernest Gellner met en évidence un deuxième cas correspondant à l’émergence du nationalisme :


l’unification politique de communautés qui partagent la même culture. Ce nationalisme est moins
violent que le premier, car il ne demande que des ajustements politiques, comme ce fût le cas en Italie
et en Allemagne au XIXe siècle, avec l’unification et le Risorgimiento.

Enfin, le troisième type de nationalisme est celui des diasporas. Quelles sont ses causes ? Avec
l’avènement de la modernité et de la société de masse centralisée, les groupes ethniques perdent leur
monopole. Alors que ces populations étaient soumises à la ségrégation, elles sont contraintes de
s’assimiler. Celles qui refusent l’intégration sont amenées à créer leur propre Etat. Comme le souligne
Gellner, ce fut le projet de la diaspora juive, avant même le drame de l’Holocauste.

Conclusion

La société homogénéisée que nous connaissons répond à la nécessité de production. L’idéal de


progrès se traduit par la fin des vocations au profit de la mobilité sociale, de la perte d’une culture
rurale et locale pour la construction d’une haute culture, socle de ce que nous appelons les « nations ».

Cette mise en perspective des grandes étapes du développement historique nous permet de penser
l’avènement de l’Etat-nation et le devenir de nos sociétés contemporaines. Plus que jamais
d’actualité…

Gellner Ernest, Nations et Nationalisme, 2


Ce livre, qui démarre par une définition limpide (« Le nationalisme est essentiellement un principe
politique, qui affirme que l’unité politique et l’unité nationale doivent être congruentes »), est
stimulant autant qu’incertain, ou inachevé : il apporte des éclairages fulgurants sur l’idée nationale,
sans éviter parfois des énoncés unilatéraux ou contradictoires. Il n’offre pas une synthèse définitive,
mais il aide à penser le nationalisme, non pas comme un archaïsme, mais comme un phénomène
consubstantiel aux sociétés modernes issus de la révolution industrielle. Et il ne faut donc pas
s’étonner de ses résurgences, quand bien même elles recyclent habilement un passé mythifié.

Un phénomène de la modernité

Pour Gellner, la nation est une création historique contingente qui prétend à l’universalité. La nation
moderne présuppose l’Etat, lui-même issu de la division du travail. Elle repose sur la reconnaissance
réciproque par les personnes qui la constituent de leurs droits et devoirs mutuels. C’est une alliance du
pouvoir, celui de l’Etat, et de la culture, commune aux personnes au sein d’une communauté humaine.
« Une population qui a une culture homogène est marquée d’une blessure profonde quand elle n’a pas
un Etat qui lui est propre » (p.189).

La nation suppose donc une homogénéité suffisante de la société, qui n’est pas vérifiée dans les
sociétés préindustrielles faites de communautés locales cloisonnées et dominées par des strates
dirigeantes hiérarchisées, qui couvrent seules l’ensemble du champ social. A l’opposé, « …la société
industrielle renforce les démarcations entre les nations plutôt que celles entre les classes » (p.26). Là,
Gellner s’oppose explicitement au marxisme.

L’affirmation nationale transforme les clercs (prêtres, théologiens, juristes, philosophes,…) de caste
dominante et sélective en classe « aux dimensions universelles » (p.34), « coextensive à la société
entière » (p.33). Alors « la totalité de la société est traversée par une haute culture qui la définit et qui
a besoin du support de la société politique. Là se trouve le secret du nationalisme » (p.34). La nation
s’approprie la haute culture qui n’est plus la seule propriété des clercs mais devient un langage
commun. Ainsi, « dans le cas classique des pays d’Europe du Nord-Ouest, on peut dire que le
processus a connu deux phases : la Réforme a universalisé les clercs, unifié la langue vernaculaire et
la liturgie, et les Lumières ont sécularisé les clercs, désormais devenus une catégorie universelle ainsi
que la langue, toutes deux nationales, et qui ne sont plus liés à une doctrine ou à une classe » (p.117).

Les philosophes ont contribué à cette homogénéisation culturelle et à forger son contenu : la société
industrielle s’ordonne autour « d’une mesure commune des faits, en quelque sorte, d’un étalon
conceptuel universel pour une caractérisation générale des choses » (p.37). « Le monde des faits,
unifié et normalisé, métrique, pour ainsi dire, comme il était conçu dans la philosophie de Hume et de
Kant, est l’équivalent de ces collectivités d’hommes anonymes et égaux dans une société de masse »
(p.39)

La nation moderne trouve son fondement dans une forme de division du travail et une continuité de la
croissance qui favorisent, comparativement aux sociétés agraires antérieures, la mobilité et, par là,
l’égalité. La société industrielle spécialise mais réduit les distances entre spécialistes, notamment par
la diffusion d’une éducation « générique » qui prend une part essentielle. La spécialisation intervient
sur la base de la « fondation commune de formation standardisée et non spécialisée » (p.46). Il y a co-
extension entre la communauté nationale et le système éducatif qui assure l’existence d’un langage
communicatif, littéraire aussi bien que technique, à l’échelle de la communauté. Le nationalisme, c’est
« l’organisation de groupes humains en grandes unités qui ont un système éducatif centralisé, une
homogénéité culturelle » (p.56). « Les racines du nationalisme plongent très profondément, en effet,
dans les exigences structurelles caractéristiques de la société industrielle » (p.56). C’est l’homogénéité
éducative et culturelle objectivement produite par la société industrielle qui engendre le nationalisme,
et non celui-ci qui imposerait artificiellement l’homogénéité. A l’époque féodale, l’Etat-nation
précoce, à la française, est un cas d’espèce rare.

Le nationalisme s’affirme comme un dépassement des unités locales parcellaires. « L’émergence du


monde moderne s’est articulée autour de l’érosion des multiples petites organisations locales, sources
de cohésion, et de leur remplacement par des cultures mobiles, anonymes, lettrées qui confèrent une
identité. Quand cette situation se généralise, elle fait du nationalisme une norme. Cela n’est pas
contradictoire avec le fait que, parfois, se superposent les deux types de fidélité, et que, de temps en
temps, on ait recours aux relations de parenté pour une sorte d’adaptation au nouvel ordre, partielle,
parasite et interstitielle » (p. 128). Le nationalisme devient l’apanage de larges Etats-nations qui
engendrent, via les effets d’échelle, l’homogénéité sur un assez vaste espace et qui affirment leur
viabilité. Ces nations sont des créations modernes. « …Le nationalisme n’est pas le réveil d’une force
ancienne, latente, qui sommeille, bien que ce soit ainsi qu’il se présente. C’est, en réalité, la
conséquence d’une nouvelle forme d’organisation sociale fondée sur de hautes cultures dépendantes
de l’éducation et profondément intériorisées dont chacune reçoit une protection de son Etat » (p.75). «
Le nationalisme se saisit parfois des cultures préexistentes [sic] et les transforme en nation, parfois les
invente, souvent oblitère les cultures préexistentes : telle est la réalité à laquelle , pour le meilleur ou
pour le pire, on ne peut, en général, échapper » (p.76).

L’idéologie nationaliste

La nation moderne, et le nationalisme (bonne conscience de la nation), sont donc le produit d’une
histoire précise : la société industrielle créatrice de nouvelles unités humaines culturellement
homogènes. De nouvelles nations apparaissent au cours du développement industriel parce qu’elles
correspondent à l’espace au sein duquel s’instaurent communication et reconnaissance entre ses
membres. Le nationalisme réécrit cette histoire sous la forme d’un mythe fondateur qui se perd dans la
nuit des temps. L’idéologie nationaliste est la réécriture mythique des origines du processus national
qui prend racine dans l’homogénéité culturelle sur un espace relativement large associé à l’affirmation
de la société industrielle. La nation est une communauté de volonté et de culture, conditionnée par ce
processus objectif d’homogénéisation. En ce sens, « c’est le nationalisme qui crée les nations et non
pas l’inverse » (p.86), phrase qui peut être mal comprise si on n’a pas en tête l’ensemble de la
séquence exposée par l’auteur. Ce dernier, d’ailleurs, reprend ainsi le fil de sa pensée: « L’ardeur
nationaliste a, du point de vue culturel, un caractère créatif, imaginatif et très inventif. Ce n’est pas
pour autant qu’il faudrait, à tort, conclure que le nationalisme est une invention idéologique
contingente et artificielle…. » (p. 87).

Si le nationalisme peut être mensonger et amnésique, c’est un fait objectif voire nécessaire. Car, « à
l’âge nationaliste, les sociétés se vouent un culte à elles-mêmes, de manière tout à fait ouverte et
impudente, au mépris de toute pudeur » (p.87). Plus qu’un corps doctrinal structuré et pérennisé par
des penseurs successifs, le nationalisme est une idéologie du moment, circonstanciée, assez récente
dans l’histoire humaine, qui se donne des airs d’éternité.

La nation et sa culture, ses attributs comme le système éducatif, réunissent les membres éparpillés et
anonymes de la société industrielle fluide et mobile. Elles permettent peut-être à la société industrielle
de vivre tout simplement, comme une condition anthropologique sine qua non. L’existence de classes,
fondées sur des attributs qui ne se diffusent pas dans la société, constitue un obstacle à cette entropie
égalitaire. Elle peut être à l’origine de nationalismes de seconde génération, qui peuvent être d’autant
plus violents que ce sont des nationalismes frustes. Ces nationalismes manquent d’une référence à une
haute culture préexistante et souffrent d’une autoréalisation de l’exclusion des populations qu’ils
entrainent, dans la mesure notamment où cette exclusion semble attachée à des caractères distinctifs
inéliminables.

La vocation mobile et fluide de la société industrielle rend les inégalités insupportables, mais
susceptibles de se cristalliser en crispations nationales lorsqu’elles se produisent et qu’elles peuvent
s’identifier avec des caractères distinctifs. Les luttes de classes sont une expression transitoire des
tensions suscitées par les obstacles à une réalisation pleine et entière de l’homogénéité portée par la
société industrielle, lorsqu’elle vient buter sur l’exclusion de certains du savoir ou du pouvoir. Ces
luttes sont fortes au début de l’industrialisme lorsque les inégalités sociales sont prononcées et les
entités politiques en cours de définition. Les sociétés se caractérisent par des combinaisons diverses
de répartition du savoir et du pouvoir. A l’époque moderne, « le problème nouveau est de savoir si les
gouvernants veulent diriger une société mobile dans laquelle les gouvernants et les gouvernés peuvent
se fondre et former un continuum culturel et s’ils en sont capables » (p.182)

Est-ce à dire que les luttes nationales ont plus d’avenir dans la société industrielle que les luttes de
classe, dont les marxistes auraient exagéré l’amplification sans fin ? D’une certaine façon, pour
Gellner, le nationalisme est toujours le ressort secret de la lutte de classe car une classe dominée, si
elle va jusqu’au bout de sa lutte, se fait nation. Ce recouvrement des luttes de classes par les luttes
nationales peut être jugé unilatéral, mais l’histoire moderne des nationalismes est-européens donne du
crédit à cette conception (voir l’historiographie précise qu’en retrace Timothy Snyder, par exemple à
propos de l’affirmation du nationalisme populaire ukrainien contre les élites polonaises, dans « La
reconstruction des nations, Pologne, Ukraine, Lituanie, Bélarus », Edition française, Gallimard, 2017).

Les ethno-nationalismes de seconde génération

Les nationalismes de seconde génération procèdent de l’exclusion. Ils en portent la marque. La culture
devient en effet une frontière visible lorsqu’elle n’est pas partagée : « Aujourd’hui, avec la mobilité,
elle est devenue visible : c’est la limite de la mobilité d’un individu » (p.158). Ce sont en conséquence
des ethno-nationalismes, qui procèdent d’un égalitarisme déçu. L’ethnie est une nation par défaut, une
nation qui se constitue par le refus de l’exclusion au sein d’une société établie. Elle récupère des
matériaux culturels préexistants, voire empruntés. On peut avoir « la combinaison d’un tribalisme
ancien, fondé sur la structure sociale, et d’un nouveau nationalisme anonyme fondé sur une culture
commune » (p.126) . C’est un nationalisme de la frustration, qui récupère les matériaux tribaux, plus
qu’il ne procède de la sécularisation nationale d’une haute culture.

Au sein de sociétés industrielle établies, le nationalisme fait ainsi retour sur les communautés
élémentaires et segmentées, il se ramifie en prenant un tour moins universalisant, plus « ethnique », il
devient ethno-nationalisme. « Pour tout nationalisme réel, il y a un nombre n de nationalismes
potentiels, des groupes que définissent leur culture commune héritée de la société agraire ou un autre
lien (selon le principe du « précédent ») qui pourraient donner l’espoir de fonder une communauté
industrielle homogène mais sans s’embarrasser de luttes et qui ne parviennent ni même ne tentent de
rendre actif leur nationalisme potentiel » (p.71).

A partir de ces analyses, Gellner élabore une typologie fine des nationalismes, de nature historiciste,
liée aux stades de l’industrialisme, aux modes de répartition du savoir et du pouvoir et à la nature des
phénomènes d’exclusion.

Le nationalisme mûr correspond à l’homogénéité culturelle et éducative de la société industrielle.


Mais ce nationalisme industriel et moderne trouve ses boucs émissaires, face aux tensions qui le
traversent. Il met par exemple à mal le respect distant qui pouvait auparavant être accordé aux
minorités juives. En ce sens, il y a une modernité malheureuse de l’antisémitisme, comme archétype
du rejet de minorités dont la place spécifique n’est plus reconnue dans la nation.

Sommes-nous aujourd’hui à l’heure de nationalismes de ‘troisième génération’, nourris des


frustrations issues des déséquilibres de la mondialisation et des impasses de l’intégration européenne,
nationalismes à la fois ‘post-modernes’ et recyclant les mythes et les passions hérités des générations
précédentes ? Si l’on entend lutter contre les dégénérescences de l’idée nationale dont ils sont
porteurs, encore faut-il prendre la mesure de la dynamique qui les anime.

Sociologie de la nation
-c'est pour l'Etat-nation, et non pour la nation, que le fait du territoire est crucial. L'Etat est un
monopole militaire et administratif exercé sur un territoire, un appareil qui punit de mort et leve
l'impot.

-Pour se renforcer, un Etat-nation doit franchir quatre seuils successifs:

Premierement, établir une frontiere qui definit l'Etat et en deça de laquelle il controle les mouvements
de population et les transactions internes et externes. rien de durable ne peut être construit par un Etat-
nation qui ne maitrise pas cet aspect territorial primordial

deuixemement, établir une identite politique par l'unification linguistique, religieuse, puis scolaire

troisiemement, établir des institutions politiques de participation, de representation, et d'opposition.


autoritaires ou démocratiques mais indispensables dans une politique de masse. ces procédures de
redistribution reposent sur l'amenagement du territoire et sur les systemes de redistribution. on voit
bien a contrario, que si, en belgique, flmands et francophones en arrivent a séparer completement
leurs systemes sociaux, la belgique perd une des caracteristiques d'unification territoriale et sociale de
l'Etat-nation

la prépondérance des structures agraires dans un pays convient aussi bien à l'édification d'un empire, à
la coexistance de cités qu'au maintien d'un régime feodal. et tout Etat-nation s'est défait de ces
diverses structures politiques. tout Etat se developpe dans les trois dimension suivantes :

militaire, par la coercition, avec armée, police et administration: donc des officiers et des
fonctionnaires

économique: par la monnaie, avec villes et résaux de transport, des marchands et une bourgeoisie.

culturulle, par l'ecriture, qui est l'oeuvre des religions, des littératures, des ecoles, avec des pretres, des
écrivains, des professeurs et des scientifiques. L'Etat-nation quant à lui, tend souvent à uniformiser,
resserrer, mieux controler ces structures dans le but de les rendre aussi nationales qu'étatiques.

1.2. Economie mondiale et genèse des Etats-nations

-les nations entrent dans le jeu de l'histoire avant tout par le biais d'un Etat. L'un et l'autre forment une
symbiose dans laquelle la nation occupe le pole vital et l'etat le pole organisateur. Dans ce schéma,
l'un constitute une reference à dominante biologique et spontanée, et l'autre à dominante ideologique
et calculée.

-L'etat-nation moderne émerge en même temps que l'economie mondiale mercantiliste. Ce type d'Etat
s'est defini lentement et n'a eu ses contours définitifs qu'au moment ou le mercantilisme du
capitalisme primitif était sur le point de disparaitre. L'etat nation semble préparer, accompagner la
revolution industruielle.

-Au centre de ce systeme économique (capitalisme) se trouvent les Etats-nations les mieux definis où
la division du travail est forte. L'idée même de concurrence qui anime ces entités économiques, tant à
l'interieure qu'entre elles, crée un monde d'affaires propice à de nombreuses formes de pluralité qui ne
sont pas seulement économiques. La multiplicité des Etats-nations a partie liée avec l'essor du
capitalisme. Le mouvement de ce systeme economique est à la fois une extension planétaire et un
déplacement continu de son centre.

1.3 quatre clivages de la politique moderne

-L'absence d'empire dans l'Europe moderne peut avoir une cause économique: la nouvelle division du
travail. Mais elle a aussi une cause politique: depuis Charlemagne, aucun pouvoir central n'a pu
fédérer ce continent par la force ou par le consentement. Ni la conquête, ni l'association n'ont été
durable.

- dans un premier temps, le schisme religieux ( la séperation catholique-protestante etc.) a fait éclater
l'unité spirituelle de l'europe et a rompu le monopole ecclésiastique de la papauté. dans un deuixeme
temps, c'est une voie ouverte à l'indépendance et la puissance des etats-nations. ceux-ci sont sorti
renforcés de la crise.

-l'Empire que Napoléon édifie est fugitif alors que l'idée nationale qu'il exporte est durable. les
nationalismes sont contre l'empire puis contre les restaurations dynastiques.

-quatre clivages

-Rural/urbain (capitalisme marchand) : le développement des villes, leur enrichissement,


l'augmentation du nombre des métiers et des services provoquent un conflit d'interet entre classes
rurales et classes urbaines. protectionnisme et libre echange

-ethno-linguistique (reforme): le choix d'une religion officielle, seul moyen de mettre fin aux guerres
civiles religieuses, n' pas supprimé les nouveautés apportées par le protestantisme et qui vont s'étendre
progressivement aux pays catholiques: le culte en langue nationale, le progres de l'alphabétisation. les
marques ethniques et linguistiques sont plus apparantes, plus politisées

-travail/propriété (revolution industrielle): le développement d'une industrie manufacturière puis d'une


industrie lourde accentue le conflit d'interer entre propriétaires et ouvriers

-Eglise/Etat (Revolution nationale): apres la revolution française, l'Eglise officielle est contestée en
tant que pouvoir. Elle perd son autorité politique et ses privileges économiques. A des degres divers,
tous les Etats européens rendent leur institutions plus laiques. Il s'ensuit un conflit d'interet entre les
Etats-nations et les Eglises, universelles ou nationales.

-Ces clivagaes se superposent et leurs differentes configurations locales permettent de mieux


comprendre la genese des differents systemes de partis dans les pays europeens.

-L'Etat-nation est le lieu d'une politique forgée dans ces clivages mais en appelle à l'idée de nation
quand leur jeu conflictuel commence à menacer son integrité.

1.4 la réussite des nations en europe

-L'Etat-nation europeen, par des voies diverses, correspond à l'établissement d'un même modele de
société et de politique. Modele unique mais destiné à exprimer la pluralité. (réponses differentes aux
grands clivages).

-Etat nation : un territoire bien controlé, même dans l'education de masse, et centralisé autour d'un ou
plusieurs centres. Souvent ce resultat a été atteint par la guerre et la coercition interne.

-Le modele européen est fait en substance des differences, des clivages internes. formellement
universelle, substantiellement particulariste.

-l'heritage de moyens politiques testés dans des contextes très differents (selon Tilly)

de l'empire romain: la suprématie et la pratique des regles legales, l'idée de citoyenneté

de l'Eglise chrétienne, puis catholique: l'idéologie et la langue commune dans les élites pendant un
millénaire, entre la chute de l'empire romain et le xvi'ème siecle.

des royaumes germaniques : la coutume de réunir des assemblées legislatives, judiciaires.

des structures feodales : la concentration des propriétés territoriales, la gestion des domaines.

des cités independantes du Moyen Age et de la Renaissance: la reprise du commerce entre l'Orient et
L'occident, le resau de communications entre le nord et le sud.

de la renaissance : le melange et le maintien des traditions, le retour aux sources et l'invention de


nouveaux rapports sociaux.

-Il existe un double mouvement de sape dans l'histoire européenne. D'abord les cités de la region
lotharingienne centrale se sont émancipées et ont échappé à la tutelle imperiale. Puis les monarchies
nationales se sont émancipées et se sont opposées à la papaute, ont abandonné le latin et annexé toutes
les cités innovatrices qui ne se sont pas protégés à temps en se federant en petits Etats-Nations. Alors
se dessinent deux voies principales vers la puissance nationale: la voie commerciale et libérale
(Angleterre, Pays-Bays), la voie politique et culturelle (France, Espagne). Cette reussite nationale se
pretait à des aventures nationalistes.

1.5 les armes de la patrie.

-Selon Machiavel, le recours fréquent aux armées de mercenaires avait provoquée le déclin politique
de l'Italie.

-Les armées de citoyens rendent leur pays inviolable et sont capables des plus grandes conquetes.

-Le point fort de Machiavel était d'avoir réuni l'idée de citoyen et celle de combattant.La force et la
durée de certaines nations venaient de leur tradition de patries en armes.

1.6 les mobilisation de masse

-Le sacrifie pour la nation seule (sans salut de l'âme) n'est pensable que dans la société d'égaux que
forment une ancienne Republique ou un Etat-nation moderne. Ce sacrifice n'est même plus jugé
excessif puisque plus rien, aucun salut d'un autre ordre, n'est promis en echange. Le sacrifice semble
s'imposer de lui-même.

-La Révolution change le monde, annonce l'avenir, mais la substance qu'elle modifie demeure.C'était
un peuple assujetti; devenu libre, il prend le nom de nation et celle-ci est à la fois cette abstraction que
representent des deputes qui deliberent et cette force en marche qu'incarne le peuple des conscrits.

-Le gain démocratique de la Revolution est le suffrage universel. Le peuple choisit les répresentants
qui ont le droit d'exiger le sacrifice supreme de chacun.

1.7 colonisation et décolonisation

-Les monarchies de la Renaissance avait découvert toute l'étendue de la Terre et ce sont ces memes
nations europeennes qui ont achevé de la coloniser en devenant impériales; mais à cette époque, elles
entretenaient leur caractere national dans la metropole et ne constituaient pas des empires politiques et
civiques, mais seulement des condominiums coloniaux: ces Etats-nations possédaient des empires, ils
n'en étaient pas.

-Au XIXéme siecle, cet appeétit de puissance avait accaparé les destins de quelques empires
maritimes et relégué presque toutes les autres nations à un second rang colonial ou, au moins, à celui
d'empire continental. L'empire britannique et l'empire français étaient les deux pieces maitresses de
cette charpente idéologique coloniale. Leur colonialisme est un reflet de leur conception de la nation.

-Le modele anglais est différentialiste, communautariste: Il est fondé sur le respect des cultures, des
groupes ethniques. Sa composante raciste est un refus du élange. Premier effet: il respecte les identités
culturelles. Deuixeme effet: il crée une sous-humanité pourvue d'identités culturelles desquelles il est
impossible de sortir. Apartheid (vivre à part)

-Le modele français est l'antithese du precedent. Sa mise en oeuvre est poussée moins loin car il a plus
d'ambition égalitaire en theorie, étant en cela plus imperial. C'est un modele de colonisation fondé sur
l'idée de civilisation, superieure et universelle. On voudrait respecter l'individu, l'éduquer, lui apporter
les lumieres de la Raison. Ce modele ne respecte pas les cultures puisqu'il tend à les dévaloriser, les
gommer, à en extiprer les individus. Sa composante est un refus de la difference.Premier effet :il
respecte l'individu auquel, il offre une voie d'ascension, une porte vers l'égalité formelle et
intellectuelle avec le colonisateur. Deuxieme effet: il crée des sous-cultures par comparaison avec la
civilisation supposée supérieure.

-A certains égards, la dureté de la colonisation fut de ne pas les appliquer assez, d'en faire des façades.

-Chaque modele, à sa maniere, denonce le racisme ou, l'arrogance culturelle de l'autre forme de
colonsaiton. Chaque methode a échoué dans son entreprise forcée de pacification. Aucune n'a servi
d'antidote aux formes les plus violentes du nationalisme des anciens colonisés. Français était plus
impérial, anglais plus impérialiste.

-Dans tous les cas, ces nouveaux Etats ont hérité de frontières dessinées pour les besoins du
colonisateur ou au hasard des rapports de force entre impérialismes.Ces pays neufs, ces Etats-nations,
parfois fictifs, sont destinés dès leur naissance postcoloniale à faire partie des nations unies.

-La premiere gueurre mondiale, sa destruction de la suprematie europeenne et de la pretention à la


civilisation superieure universelle, avaient déclenché le réveil nationaliste dans de grands civilisation
assujetties: l'inde chine etc. La seconde guerre mondiale et la barbarie raciale venue du coeur de
l'Europe enlevent la derniere pretention morale que les grandes puissances pouvaient alléguer devant
les nations mineurs.

-Pourtant, il restait un principe impérial en place, celui qui animait la lutte entre l'imperialisme
économique des USA et l'impérialisme politique de l'Union sovietique. Les Etats-Unis n'ont pas d'idée
d'empire. Ils sont plus enclins à l'impérialisme. Ils exercent une influence, utilisent leur puissance
économique, leur monnaie, leur armée, et favorisent les nationalismes dès qu'ils sont un rempart
contre l'expansion communiste. En revanche, c'est un principe impérial fondé sur une idéologie
égalitaire universelle que tentait d'incarner la Russie sovietique. Les nations sont soumises à un
principe idéologique superieure mais elles ne sont pas gommées ni meprisées. Au contraire elles sont
parfois exaltées dans la lutte contre l'impérialisme américain.

2. Idéologies nationales

2.1 communauté et république

-On peut aussi bien batir une nation sur un respect distant et cloisonné des minorités culturelles que
sur une integration de ces minorités.

-La france et l'angleterre offrent l'un des meilleurs exemples de différenciation au sein d'une même
civilisation, européenne sinon continentale.Chacun de ces deux pays a pris l'une des deux voies
possibles dans l'instauration des Lumieres. A l'angleterre, la voie économique, l'universalime concret,
compensé par une vision communautaire des nations. A la France, la voie politique, l'universalisme
abstrait qui met le theme démocratique au-dessus du theme libéral, en politique comme dans
l'economie. Angleterre a vécu la revolution industrielle, la france la revolution politique. Dans ce
sillage, viennent l'individualisme, la démocratie, l'expansion économique, les droits de l'homme, mais
sous des formes différentes. L'experience française est recherchée par la seule puissance politique,
révolutionnaire, appuyée sur des principes philosophiques: égalitarisme et centralisation.
L'individualisme est politique. Le patriotisme civique vient completer ce que l'individualisme aurait
de destructeur. L'ideologie nationale est en France un contrepoint de l'universalisme proclamé, et
puis une ouverture vers les autres nations, vers le droit des peuples à disposer d'eux mêmes. C'est un
modele republicain de la nation moderne.

-L'atomisme de l'individualisme économique anglais trouve, au contraire, une compensation dans une
idée communautaire de la nation. Le R.U que domine l'angleterre n'est d'ailleurs qu'une fédération
d'Etats, d'ethnies, de cultures. La compensation de l'atomisme économique est donc le "nous" du
"peuple" en un corps plus uni, plus solidaire. La nation est cette entité qui autorise à dire "nous
sommes un peuple" et non pas simplement le peuple.

-La diversité des trajectoires et des situations entre ces trois pays rend plus frappante l'identité de leur
choix : une nation démocratique, une démocratie nationale.

-Par le fait de la modernisation économique, par la volonté d'efficacité politique, et par imitation
strategique, la nation devait alors se généraliser dans le monde entier: cette description est juste en
partie, mais elle se heurte à plusieurs objections. D'abord les premiers etats-nations ne sont pas nées
en reference à la Démocratie. Monarchie constitutionnelle et republique étaient leurs mots de
ralliement. Ces démocraties nouvelles se gardaient bien d'appliquer leur principe aux autres peuples.
Ce n'est qu'apres la plus grande des guerre nationalistes, que les puissances démocratiques s'accordent
sur le principe des nationalités, sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Certains des
vainquers y trouvent un bon prétexte pour démembres les vieux empires continentaux.

-Dans l'histoire politique, la démocratie est venue ou vient si tardivement couronner les Etats-nations
que nombre d'entre eux, aujourd'hui encore, ne répondent pas à la plupart des criteres
démocratiques.Bien sur, selon l'hypotehese qui est en faveur de l'Etat-nation comme forme par
excellence de la démocratie de masse, il faut noter que, dans les Etats-nations non démocratiques, à la
difference des anciens empires, il est habituel qu'on fasse une reference de façade à la démocratie,
populaire ou territoraile. Un despotisme qui se dit démocratique, populaire n'est pas moins despotique
mais simplement plus hypocrite.

-La nation politique est née dans le sillage de l'égalisation des conditions, mais pourtant elle n'acquier
aucune stabilité dans les sociétés égalitaires. Communisme et nationalisme ont constitué deux
perversions possibles de cet idéal. Meme les nations democratiques ont en leur sein des tendances, des
partis peu démocrates. (FN)

-Weimar: l'echec d'une nation politique fondée sur des regles democratiques et liberales, surtout apres
une defait militaire et dans une dépression economique, se prete à la démagogie nationaliste.

-Si le japon n'est pas né de l'echec d'une democratie nationale, il a bien illustré la conversion d'un
nationalisme ancien aux ideologies fascistes. L'exemple du Japon montre qu'il existait des nations
durables sans politique de masse. Le Japon a reussi, pendant plusieurs siecles, à maintenir un regime à
teneur monarchique et féodale. Ses gouvernants, aidés par l'insularité, ont essayé tour à tour
l'isolement puis l'ouverture pour préserver la culture et l'independance nationales. Des efforts de
purification culturelle, de japonistion étaien visibles avant le XVIII'éme siecle.

-Il n'est donc pas prouvé que les destins des nations politiques soient la démocratie, ni qu'il ait fallu
attendre l'égalitarisme pour voir des nations politiques.

-Quant à la Chine, empire sans cesse en contact avec les barbares, unifié par une langue et une
administration , elle donne l'exemple d'un empire si durable, si homogene à certains égards, qu'il
sécrète aussi les elements d'une culture nationale.La grande muraille est un symbole plus national que
dynastique.
2.3 rebellions nationales.

-Les nations se sont forgées par réaction, et ces réactions étaient des innovations très partielles ou de
simples imitations.

-L'idée de nation fut exaltée au nom de la liberté et de la pluralité, non seulement parce qu'elle
justifiait la défense contre l'oppresseur mais au nom de la liberté en soi.

-Il existe deux étapes très differentes: dans la nation, l'affirmation de soi participe à la résistance
contre un pouvoir. être soi contre quelque chose : de là vient une double face libératrice et
emprisonnante. Dans cette lutte, la nation est presque toujours utilisée comme moyen de se libérer
d'une situation de sujétion ou de dépendance. Au contraire le nationalisme est presque toujours contre
quelqu'un d'autre, peuple ou autre nation. Il désigne l'ennemi à vaincre, le coupable plus que
l'obstacle, le barbare etc.

-Bien que l'histoire l'ait présentée comme culture de longue durée, la nation a besoin de circonstances
particulières, de crises pour se former. Elle ne constitue pas un projet, on ne la planifie pas.

-Comme tout être vivant, une nation naît et meurt, aussi longue que soit sa vie. Ces questions de vie et
de mort, souvent surévaluées, enflamment périodiquement le sentiment national. De là vient le
nationalisme.

2.4 La nation comme modele universel contre l'universalisme

-Pour résister à un universalisme moderne qui amoindrit la diversité et la séparation des cultures, les
partisans des nations adoptent le modele moderne, celui de l'etat-nation.

-Au Japon, la féodalité n'a pas tellement contrarié la consciene nationale. L'apparition précoce de ce
nationalisme ancien est sans doute défensive, insulaire. A chaque fois, la politique japonaise a
renforcé une structure politique centralisée pour mieux controler et combattre l'influence grandissante
de l'exterieur. L'idée de particularité culturelle japonaise a pris ses racines dans cette défense
immunitaire.

-Le nationalisme chinois, depuis Sun Yatsen, était un nationalisme anticolonial.

2.5 La nation comme fiction diplomatique

-A tout époque, on voit s'opposer le bon nationalisme au mauvais. Le bon a été révolutionnaire, anti-
impérial, anticolonial. A l'impérialisme des puissants s'oppose le nationalisme des faibles.

-ONU : on veut signifier que les peuples, à travers leurs représentants, sont capables de coopérer,
d'oeuvrer pour la paix.

A RETENİR: -La nation, avec ses principes organicistes de vie et de mort, tant pour l'individu que
pour le collectif, peut paraitre un supplement d'ame et un ciment collectif à la rationalisation
bureaucratique et économique des sociétés à partir du XIX'eme siecle.Loin d'être seulement
symbolique, ce principe étaye deux grandes acquisitions de la politique moderne: l'armée populaire de
conscription et le suffrage universel. Deux faces opposées,l'une comme contrainte, l'autre comme
liberté de choix, mais indissociables de toute mobilisation de masses.

-Le succes du principe national est visible dans l'histoire de l'europe moderne.Les Etats-nations s'y
sont formées pour répondre aux crises politiques de la Renaissance et des Lumieres. Diversité
religieuse, division du travail, impératifs de puissance ont dessine la carte des Etat-nations europeens.
R.U et france ont constitué les deux types les plus anciens et opposés de construction nationale.
L'économie liberale, le parlementarisme et le communautarisme dominent le type anglais, tres stable
dans son developpement.L'universalisme égalitaire et le centralisme politique dominent le type
français, plus instable.

-L'exemple des nations anciennes relativise le lien qu'il faut établir entre le recours à la nation et au
nationalisme et l'émergence d'Etats-nations modernes. Le principe national ne s'est généralisé dans le
monde que sous forme d'Etats-nations, mais il est antérieur à ces Etats.

1. Le déclin nationaliste des nations

-Dans les Etats-nations, plusiers signification de ce qu'est et doit être une nation alimentent l'idéologie
nationale.

-Trois registres de la nation

- Registre large et faible: la nation est une communauté imaginée fondée sur des mythes fraternels.
Par conséquent, tout groupe qui se donne ces mythes caractéristiques peut devenir une nation.

-Registre moyen: la nation est une communauté de destin, le plus souvent liée à une terre, des
évenements, un mode de vie, une esthétique. Ainsi, l'histoire, en inventant et constitutant les nations,
assure une continuité mais limite les possiblités d'évolution de ces sociétés nationales.

-Registre étroit et fort: la nation est une race au sens biologique, ethnie au sens ethnologique, ou plutot
sang commun.

-Cette idée bio-ethnique peut servir de mythe nationaliste. Allemagne et Japon. Ces nationalismes
extremes sont des cas particuliers de mobilisation populaire dans une démocratie de masse.

-Autoritarisme et fascisme: sur certains points, l'autoritarisme est en contradiction avec le fascisme.
Il tend au conservatisme plus qu'à la révolution, s'appuie plutôt sur un rationalisme organique ou une
religion d'Etat que sur le vitalisme, et repose sur des élites traditionnelles aristocratiques ou
bourgeoises. Il peut comporter une part de parlementarisme, ne requiert pas de forte mobilisation de
masse, maintient la hiérarchie socaile existante et préfère l'armée officielle aux milices.

-Le fascisme commence par une violence partisane et milicienne dirigée contre l'Etat, les partis
rivaux, une partie de la population. Quand il prend le pouvoir, il impose son idéollogie et instaure une
tyrannie. comment ils arrivent au pouvoir (les fascistes) ? La premiere reponse est politique. les
fascistes n'avaient pas la majorité absolue des suffrages. lls profitaient de l'aveuglement de leurs alliés
provisoires ou de majorités relatives.Ils parvenaient à mobiliser une bonne partie de la population et
obtenaient, des succes plébiscitaires.

-Toutes ces expériences fascistes ont partie liée avec un héritage imperial, voire un mythe impérial.

1.2 Individualisme et empire

-Emmanuel Todd met en relations des traditions culturelles et des cultures politiques. Ce modele
possede deux dimensions (individualisme/holisme),(égalité/inégalité).

Premiere dimension: la famille nucléaire, dans laquelle les enfants quittent la maison paternelle après
le mariage; ou bien la famille souche, l'ensemble des générations reste dans la même maison.

Deuxieme dimension: l'égalité entre les héritiers; ou bien l'inégalité, selon le droit d'ainesse ou par
choix des parents.

1. Individualiste et inégalitaire : Angleterre

2. Individualiste et égalitaire : France

3. Holiste et inégalitaire : Allemagne

4. Holiste et égalitaire : Russie

-Allemagne et Japon : Leur type d'organisation politique liée à la discipline et à la guerre les aurait
prédisposés au nationalisme, voire au fascisme. En parallele, mais dans un sens inverse, structure
autoritaire mais égalitaire cette fois, a prédisposé la russie au communisme. Individualiste et égalitaire
(france) devrait donner une forme impériale mais dans son territore qu'on a vu émerger le plus
symbolique état-nation.

1.3 le match France-Allemagne.

- Une opposition entre la conception française de la nation et celle allemande: française : sol et
citoyenneté, allemand: sang et culture.

- Une definition française de la nation est-elle une définition de la nation française?

- Une nation ne saurait se passer de quelque caracteres préexistants mais,en revanche, une nation n'est
jamais confinée dans les liens héréditaires et n'est pas la simple conséquence de causes imperméables
les unes aux autres. D'une part même les nation les plus nouvelles (colonies) ont un territoire, la
même volonté d'avoir émigré, la lutte contre les indigenes et contre la metropole coloniale. D'autre
part, aucune nation n'est figée dans son passé.

-La maniere de concevoir et de representer l'image de la nation finit par avoir de lourdes
conséquences sur cette nation même.

-En Allemagne, la nation préexiste à l'Etat, nation censée justifier la conquête et l'unification. On se
fonde sur la langue et les traditions, le romantisme vertueux, la puissance allemande, la race
germanique.

-La défaite de 1870 a réveillé un nationalisme et un militarisme français. La défaite allemande de


1914 a eu le même effet revanchard en Allemagne.

-Les racistes français ne peuvent fusionner avec le nationalisme; il existe un nationalisme républicain.
En revanche un racisme allemand est parvenu à capter le nationalisme à son profit.

2. Thématiques nationalistes
2.1 Nationalisme, essai de définition.

-Les nationalistes prétendent conserver le passé et ne font qu'instaurer des changements. Ils
modernisent sans l'avouer.

-Les vraies communautés traditionnelles existaient avant la phase nationaliste et disparaissent ou ne


sont plus que des vestiges folkloriques dès que cette phase est entamée.Pourtant, la manipulation de la
tradition par les nationalistse ne frappe pas automatiquement leur idéologie d'une totale perte de vue.

-Les nationalistes tiennent certaines de leurs promesses. Certes, ils sont incapables de recréer les
communautés chaleureusses, mais certains font preuve de la violence et de l'intolérance qu'ils
annonçaient.

-Il est beaucoup plus facile de cerner le nationalisme si, à la difference de Gellner, on postule que la
nation existe indépendamment de lui.

-Quand on est en présence des données hétérogenes d'une entité nationales dont les variations sont
immenses, on constate que certaines de ces données forment des idéologies nationales qui, à leur tour,
engendrent des nationalismes plus ou moins vifs et vivaces. Ainsi repéré, le nationalisme n'est pas un
mot aux contours imprécis qui désignerait toute sorte de référence politique à la nation. C'est une sorte
d'idéologie aux traits précis et récurrents.

-Le nationalisme possède au moins les caractères suivants:

*Il exprime la peur d'un déclin.Ce déclin peut avoir une cause interne ou externe à la nation. Il peut
être une hantise de l'effacement, l'appel au sursaut dans l'urgence ou, au contraire, la simple
énonciation (parfois l'invention) d'une menace afin de mobiliser les énergies autour d'un projet de
conquête.

*Le nationalisme manifeste un désir de réaction contre le présent. Il est le produit d'une irritation
idéologique et veut accorder à la nation plus d'importance qu'elle n'en a obtenu. Il s'agit soit de la faire
survivre, soit de lui donner sa juste valeur. Puisque le présent est déficient, le nationalisme écrit ou
réécrit l'histoire à son avantage, avant tout pour rendre crédible le projet d'un avenir national.

*Le nationalisme est une forme d'organisicme. L'individu, qui doit tout à la nation, vit par et pour la
collectivité et doit lui être sacrifié quand il le faut, au nom d'une vitalité et d'une durée supérieures.

*Le nationalisme fait usage de la propagande, pour entretenir, canaliser le sentiment national et
obtenir une puissance politique. Plus encore que la simple idéologie nationale, il est produit et
producteur d'une politique de masse.

-Ces caractéristiques ne sont pas propres aux idéologies nationalistes, mais s'y retrouvent toujours. Et
surtout, celles-ci différencient le nationalisme de la conscience nationale, qui ne possede aucun de ces
caracteres de façon réguliere.

2.2 Nation et nationalisme

-Le nationalisme ne peut être qu'une idéologie moderne et n'apparait que si la tradition est contestée
ou semble l'être. En effet, dans une société purement traditionelle, le futur est compris et imaginé
essentiellement dans les normes du passé. Le nationalisme n'est concevable qu'en référence à une
conscience historique linéaire pour laquelle, dans un monde sujet au progrès ou à la décadence, le
futur est devenu incertain.

- Le nationalisme suppose l'existance d'une politique de masse où tout un peuple peut être ou pourrait
être mobilisé. Là aussi, il est intrinsèquement moderne, bien que certains modernistes l'accusent
d'archaisme.

-Distinguer à part égale nation et nationalisme permet d'envisager quatre cas:

*Ni nation ni nationalisme: c'était la forme ancienne courante. Jusqu'au XIXème siècle, la démocratie,
qui fut un évenement politique considérable et un souvenir fascinant, n'est pourtant qu'une pointe
d'épingle parmi toutes les formes politiques ayant existé. L'empire, le système féodal, la cité ou la
tribu étaient plus courants.

*Nation sans nationalisme: Les exemples existent dans l'Antiquité ou l'europe médiévale, mais les
comparasions sont délicates, tant les contextes sont différents. Ensuite, dès lors qu'il existe des Etats-
nations modernes, on verra plutôt des périodes sans nationalisme, des développements d'un Etat-
nation sans doctrine ni mouvement nationalistes prépondérants. Cette situation représente l'idéal de la
nation démocratique depuis que l'Etat-nation est la forme politique généralisée. Il n'existe pas, à
proprement parler, de parti politique spécifiquement nationaliste aux Etats-Unis. Il n'y en avait plus en
Europe après la Seconde Guerre mondiale. Mais le nationalisme n'y existe pas moins, sous d'autres
formes, moins directement politiques. Ce cas est plutôt exceptionnel, et ce diagnostic est toujours
discutable.

*Nation et nationalisme: C'est la situation courante, avec une diversité très grande.

*Nationalisme sans nation : Cas fréquent depuis la décolonisation et la fin du communisme européen.
Ou bien il s'agit d'un nationalisme politique dans les anciennes frontières coloniales, lesquelles ont
produit un Etat-nation un peu fictif en raison de la diversité ethnique ou culturelle, et surtout de
l'absence de conscience nationale commune- l'exemple est abondant en Afrique ; ou bien il s'agit de
créer un nouvel Etat-nation là où il n'a jamais existé et en partant d'une tradition culturelle assez
effacée. L'Ukraine et la Slovaquie sont, en ce sans, des nations neuves. C'est un cas habituel dans de
nombreux empires continentaux déchus. Un nationalisme, dans ce cas, invente à la longue une nation
nouvelle.

2.3 Patriotisme et nationalisme

- Par définition, on ne sait pas exactement ce qu'est la nation mais, en revanche, on sait ce que le
nationalisme fait de la nation.

-La nation selon Pétain n'est pas la nation selon de Gaulle. D'un coté, le nationalisme est si fort qu'il
rompt avec le patriotisme. L'idéologie de Pétain le conduit à la capitulation et à la collaboration.

-A l'inverse, comme le patriotisme est suffisament délié de toute idéologie précise, l'indépendance
nationale est alors mise au-dessus de toute autre considération. Comparé au patriotisme, le
nationalisme, dont la pesanteur idéologique est bien plus grande, fabrique des raisons idéologiques de
renier le patriotisme. Pour le nationaliste, il y a la bonne France et la mauvaise. Pour le patriotisme, il
y a la France tout court, quoiqu'il advienne. Le patriotisme consiste à n'abandonner la patrie sous
aucun prétexte, mais pas à n'importe quel prix, alors que le nationalisme est beaucoup plus limité sur
le prétexte et moins regardant sur prix. L'honneur, l'indépendance et la dignité de la patrie, idéaux
patriotiques entrent souvent en conflit avec les idéologies nationalites. De Gaulle croit plus à la nation
qu'au nationalisme, Petain l'inverse. De Gaulle a une conception historique de la nation, Pétain
idéologique. Un nationaliste cherche des raisons idéologiques à un revers national : le role des Juifs.
Un patriote ne trouve que des raisons historiques: la mauvaise préparation de l'armée. Le nationalisme
met la nation à son service et l'utilise à d'autres fins que les fins patriotiques.

-Le nationaisme sacralise la nation en termes idéologiques mais ne répugne pas à trahir les éléments
les plus simples de la politique nationale ( souveraineté, indépendance, unité) dès que son idéologie
semble compromise par ces mêmes éléments. Le patriotisme, par comparasion est moins intégriste et
plus intégral.

-La nation peut servir de justification à des idéologies qui dépassent par leur ampleur le simple
nationalisme. Des religions, des doctrines politiques et économiques, des racismes se servent
quelquefois de la nation à leurs propres fins.

2.4 La nation comme corps spirituel

-La formation du mot de nation, dans son aspect actuel, est une création de la pensée mediévale. Les
monarchies très chrétiennes, la France et l'Espagne, étaient appréciées par l'antichrétien Machiavel
parce qu'elles avaient renforcé leur Etat, leur armée et savaient resister aux jeux de pouvoir de la
Papauté.

-Le recours à l'idée de nation doit son succès à son ambiguité. La nation s'intercale entre "peupl" et
"Etat". Son image permet de filtrer, de représenter, d'unifier, de contrôler le peuple, et par ailleurs, de
relativiser, de naturaliser, de légitimer l'Etat, de le rendre presque traditionnel et originel. En France,
sur la nature de l'Etat, la rupture est faite entre Ancien Regime et société nouvelle. Dans un sens
abstrait, la nation est alors le nouveau souverain.

-Si l'Etat peut aller jusqu'à être un "moi", le peuple est un "nous", et ce "nous" peut entrer en conflit
avec ce "moi" mais, dans la nation, ce "nous" et ce "moi" sont fondus, indistincts et inséparables.

- Les classes sociales trouvent dans la nation une entité à partager.

-La nation n'est pas une propagande qui irait en sens unique. Chaque groupe, parti,classe a son idée de
la nation. Plusieurs versions partisanes du principe de nationalité, de l'intérêt national, du patriotisme
apporte de l'étendue, de la vigeur, du dynamisme à l'idée de nation.

-Dans cette symbolique nouvelle, inconnue de la politique avant la Révolution, "nation" est à la fois
plus abstrait et concret que peuple et Etat. La nation apporte une féminité imaginaire, une donnée
affective que les deux autres n'ont pas.

2.6 Epuisement et redressement des nations

-Les grands desseins étatiques sont souvent détournés de leur cours par l'ironie de l'histoire. Les
conquêtes d'Alexandre profitent aux administrateurs romains, la paix romaine à la diffusion du
christianisme. Empire de Napoleon contribue à l'unité allemande. Les echecs nationalistes provoquent
les réactions nationales.

-Le nationalisme est une idéologie surtout réactive, négative dans son impulsion, défensive dans son
principe, et aussi destructrice que constructive dans le meilleur des cas. La conscience nationale avec
toute son affectivité diffuse, est la plus grande force énergetique de la politique.L'Etat est un
insturment de batisseur, la nation un recours de thaumaturge (faiseur de miracles).

3. Gnoses et saluts nationalistes

3.1 Xénophobie, essai de définition

-Les impérialismes essaient d'étouffer les rivalités culturelles ou ethniques. En dominant plutôt qu'en
intégrant, l'impérialiste, ou le colonisateur, ne s'expose pas à la hantise de l'infiltration.Plus défensif,
le nationalisme se rapproche de la xénophobie, comme hantise ou comme haine.

-La xénophobie va de pair avec les guerres nationales qui l'utilisent et la renforcent.

-L'hétérogénéité de la société n'est pas un critere d'instabilité. L'absence de guerre civile ne signifie
pas l'absence des sentiments xeno.

-La xenophobie n'est pas une idéologie, à la différence de certains racismes qui s'appuient sur des
justifications pseudo-scientifique-historiques. C'est une attitude fondée sur des stéréotypes.

-source de xeno: Des expcilations comme l'animalité de l'homme, la rivalité mimétique,


psychologique. Politique : il appartient à toute politique de reconnaitre et de se representer son
adversaire. Même celle qui ne cherche pas à désigner des ennemis, risque d'en rencontrer qui
s'opposent à elle. Xeno participerait à ce processus de discernement politique. La politique est coincée
entre deux exigences: d'une part, discerner à temps l'ennemi qui veut dominer ou anéantir, et d'autre
part, ne pas être obséedé par des complots exagérés ou imaginaires. La xénophobie sert à convertir
une nation civique en nation ethnique.

3.2 La nation comme amoralité collective

-"Un peuple est la somme de ses individus augmentée de leur organisation". Mais quelle force
entraine cette organisation vers le modele national? Guerre de 1914 semble avoir ancré plus que
jamais la politique dans la violence et renforcé la cohésion nationale des nations belligérantes au dela
du raisonnable.

-La nation semble taillé pour un certain monde moderne. Elle est le produit d'un télescopage
d'individualisme et de collectivisme.

-Dans une situation de désarroi, la nation permet de contenter aussi bien la nostalgie de la foi que les
appétits égoistes. Dans un monde où l'argent est la mesure de toutes choses, l'action humaine n'a plus
de mesure en elle même. Dans un tel monde, la nation est une béquille, un étai pour la conscience de
soi, selon Musil.

-Le narcissisme collectif s'exprime par la porte parole de la nation. L'agressivité et la paranoia sont
des complexes individuels qui semblent affecter aussi des états de conscience collectifs pris dans
l'exutoire national. Dans une ère idéologique, plus que jamais, des sentiments, des pulsions se
présentent sous forme d'idées.

-La référence à la nation peut placer la politique en position amorale au bénéfice d'une idée
d'organisation collective, et l'oblige à faire partie d'un grand récit de connaissance de soi et de
reconnaissance des autres dans l'histoire. De plus, allant plus loin dans la même voie, les idéologies
nationalistes mettent l'immoralité ordinaire au service d'intérêts de puissance, sous le masque ou avec
le consentement d'une volonté collective.

3.3 La nation comme religion

-Auparavant laissé aux religions, le salut peut être reporté sur la nation parmi d'autres entités. Le
probleme du salut individuel est ainsi dilué puis oublié dans le collectif. Il faudrait donc voir dans le
nationalisme, non pas un phénomene spécifique, mais une variante d'un phénomene idéoloigique
général, l'aboutissement d'un processus moderne dans le controle, total ou partiel, des sociétés au nom
de transcendances concrètes, matérielles, qui semblent procurer un salut immédiat ou proche, une
extase idéologique et historique.

-C'est l'idée même de salut qui doit être examinée. Puisqu'il faut mourir tôt ou tard, autant que ce soit
pour une grande cause.Le sacrifice au nom d'une verité collective parait apporter un sens solide à la
vie individuelle.

-Les guerres religieuses n'étaient qu'une faible préfiguration des guerres idéologiques menées par des
pouvoirs qui prétendent au controle total des sociétés.

-Les révolutionnaires avouaient que la Raison, Les Lumieres ou l'Ordre géometrique ne se


substituaient pas aisément à la religin. Pour mobiliser le peuple et incarner le salut collectif, il leur
manquait encore le culte de la nation, masqué par l'idéal universaliste de la rhétorique révolutionnaire.

-La these de la nation comme religion recele deux hypotheses un peu differentes: soit la nation s'est
coulée dans le moule ecclésiastique, soit elle a servi de religion de substitution. Continuation/rupture.
C'est de là qu'elle tire sa force attractive, puisque pour les uns, elle peut incarner une forme ancienne
et vénérable de salut, et pour les autres, le comble du modernisme.

-On ne saurait confondre idéologies et religions, mais toute religion qui sort de la mystique pure a des
formes idéologiques, et toute idéologie qui prône par la propagande des sortes de salus a des aspects
religieux. Le cas du nazisme, on y trouve une utopie de domination mondiale et de purification
ethnique coexistant avec une foi en la science expérimentale et en un peuple élu providentiel.

3.4 Du bouc émissaire à la théorie du complot

- Ce recours idéologique facile et paresseux, sorte de mauvaise foi politique, consiste à chercher un
coupable qui sot la cause des malaises et des échecs de la collectivité. En désignant ce coupable
étranger, la collectivité accusatrice évite de s'interroger sur ses propres faiblesses. Cela revient à
trouver une cause externe au malheur collectif et permet de préserver à ce prix l'amour-propre.

-Xenophobie et nationalisme, pris dans ce refus du complot diaboloqiue de l'adversaire et dans


l'affirmation de la nécessité de la purification, aboutissent à une théroie du complot, qui peut aller
jusqu'au projet d'extermination de l'adversaire.

-Les extermination raciales modernes culiminent dans la rencontre de deux themes : l'un plus ancien,
celui de l'hérétique qu'on brule parce qu'il est diabolique; l'autre plus moderne, celui du taré qu'on
éliminne pour des raisons scientifiques.
3.5 Racisme et racismes

- Pierre-André Taguieff a distingué au moins deux racismes. Un premier type repose sur la hantise de
la différence. Ce racisme conçoit une humanité supérieure qui doit progresser en dépit des menaces ou
des résistances. Si la difference est culturelle, l'humanité supérieure devra régner sur l'inferieure ou
l'intégrer dans sa propre civilisation. Si la difference est insurmontable, on pourra toujours tacher de
désintégrer cette humanité inférieure, la faire disparaitre.L'identité de l'inferieure est promise à
l'effacement.

-L'autre racisme repose sur une hantise du mélange. Cette fois, la différence entre les races est le
principe premier et inexpugnable. Savoir si ces races sont égales ou inégales est une question qui ne
vient qu'en second. Egalitaire ou inégalitaire, culturel ou biologique, ce racisme veut voir chaque race
ou culture séparée et préservée des autres. L'identité est sacralisée, absolutisée ou pérennisée.

-A l'encontre du premier racisme, on trouve cet antiracisme qui pourra s'en prendre à toutes les
formes d'universalismes, puisque celles-ci, racistes ou non, mettent en avant une unité de l'humanité,
un progressisme du genre humain qui revient souvent à uniformiser les cultures. Cet antiracisme du
respect des différences ne peut admettre qu'entre des individus, égaux en humanité et en droits,
certains soient plus civilisés que d'autres.

-A l'encontre du deuxieme, on trouve un antiracisme fondé sur le refus de la ségrégation. Cet


antiracisme ne peut admettre que certaines différences raciales ou culturelles soient considérées
comme insurmontables ni que l'appartenance de groupe l'emporte sur le droit individuel.

3.6. Peuple élu

-Toute nation qui a une ambition, qui parvient à quelques succes tend à se prévaloir d'une fourtune
historique, d'une élection prédestinée.

-Aux yeux de ceux qui en bénéficient, grandes puissances ou particularités sacrées ne sont pas le fruit
du hasard. L'angleterre se sent dépositaire d'une liberté inconnue sur le contient et juge que son
empire planétaire est la récompense de ses mérites.

-Dans l'imagerie de l'élection providentielle d'un peuple, l'esprit de croisade est un premier stade.

-On assiste ainsi (nazisme) à la naissance d'une nouvelle sorte de peuple élu, non plus par sa religion,
par un lien privilégié avec Dieu, ni par un destin politique ou culturel exemplaire, mais un peuple élu,
en soi, par sa race et par l'ideologie raciale. Le projet nazi est clair: balayer les peuples rivaux dans la
prétention à être élu en tant que peuple supérieur.L'idée du peuple élu est devenue un insturment de
terreur universelle.

-L'empire japonais prétend régner sur tout le Pacifique et sur la Chine.Une telle capacité d'agression
réveille le nationalisme chinois. Kamikaze :vent des dieux.

- Il existe les caracteres communs d'une culture autoritaire en Allemagne et au Japon. Il faudrait
également considérer les phénomenes idéologiques de masse dans leur forme propagandiste
autoritaire. Dans Allemagne, le racisme nazi était le principe déterminant dans les élites dirigeantes.
Le nationalisme germanique suffisait pour les cadres. Dans le peuple, le principe d'obéissance, la
sacralisation du chef, était d'une efficacité plus certaine que la propagande raciale.

-L'idée qu'une nation est élue, distinguée par un destin historique ne peut être bénéfique qu'en evitant
toute gnose, en écartant toute ivresse narcissique et dogmatique.A la maniere d'un pari, c'est alors une
ressource contre le désespoir. Les risques nationalistes ne disparaissent pas, mais une autre cause, une
intention plus haute, capte l'énergie brutale et la transcende à d'autres fins. En ce sens, l'Angleterre de
Churchill ressentait peut-être le sentiment légitime d'être élue pour résister un temps seule contre
Hitler.

4.La menace du fanatisme

4.1 Cécité devant le nationalisme

-Au XIXème siècle, siècle des nationalités, dans presque toutes les écoles de pensée, on voyait
l'avenir comme unification du monde et non comme fragmentation infinie selon les nations et les
ethnies. Cette grande cécité était commune aux libéraux et aux socialistes. Ils avaient raison
matériellement, pas politiquement.

-Au cours du XIXème siècle, la découverte des processus d'évolution avait étayé l'idée de
développement de la vie, des especes, des populations...

-Penseurs, théoriciens, idéologues n'ont pas cru en l'avenir du nationalisme alors même qu'ils vivaient
en plein siecle des nationalités européennes. Le développement qu'ils imaginaient devait,selon eux,
dépasser par son ampleur le cadre national.

-Le nationalisme siginifie-t-il qu'il existe une réaction romantique fonciere contre la rationalisation du
monde ? Ou n'est-ce que l'ambivalence habile d'un processus de modernisation, dans laquelle sont
captés aussi bien Romantisme et Lumieres pour parvenir au resultat modernisateur ?

-Les nationalismes les plus violent ont conjugué l'archaisme et le modernisme

-On trouve pas d'explication strictement national du nationalisme, ni d'explication strictement


ethnique du racisme. Les voies nationales vers le nationalisme étaient très différentes. Les rencontres
étaient tout de même possibles.

-Les religions sociales totales ou les idéologies de nationalisme absolu n'ont pas été vues comme
telles.Leur volonté de puissance, lorsqu'elle émergait, et même lorsqu'elle était déployée dans
l'éprevue de la guerre mondiale, n'a pas souvent été mesurée dans toute son ampleur. Comme
doctrine, le racisme hitlérien est un amas de conjectures, une légende aryenne qui prend à contresens
les rares éléments scientifiques ou savants sur lesquels elle s'appuie. En fait, malgré toutes ses belles
plumes piquées dans l'érudition allemande, le mythe hitlérien a un tout autre motif. En politique, c'est
son simplisme qui faisait sa force, et son rattachement à des légendes ancestrales lui donnait un aura
de ferveur collective.

-Certains prenaient la nouvauté du fascisme pour de l'archaisme. Ceux-ci voyaient dans le


nationalisme une résurgence au lieu de comprendre son modernisme profond.

-Le monde idéologique moderne semble montrer que le meilleur ciment, c'est la haine.
4.2. Paradoxes de la lutte contre la nationalisme

-Il est toujours tentant d'inventer des ennemis pour justifier ses échecs. Ceci est à l'oeuvre dans toutes
les idéologies modernes.

-jusqu'à quel point le nationalisme doit-il paraitre ? Lui dénier tout droit à l'existance contribue à le
développer. Cette dénégation lui convient puisqu'il est fondé sur la hantise de l'étouffement, de
l'effacement, de la disparition.Le nationalisme fait fleche de tout bois.

-Jusqu'à quel point le nationalisme parvenu à maturité est-il effaçable? Séparer les communautés
rivales contribue à les ancrer, mais les nier contribue à les déchainer.

-Il serait vain de lutter contre le nationalisme seulement comme on lutte contre une idéologie.

-Le nationalisme prospere aussi bien sur les défaites que sur les succès. Dans cet univers
particulariste, c'est le propre de la situation qui doit être connu pour agir. Il faut connaitre l'histoire, la
culture , les passions en présence et pénétrer, ne serait-ce que pour le limiter, ce sentiment d'existence
authentique que procure le phenomene national et qu'exalte le nationalisme.

4.3 Nationalisme sans nations

-Des nations laminées par des determinismes qui les dépassent, ou qui ne reposent pas sur des longues
expériences historiques, risquent de compenser leur perte de puissance par de la surenchere
symbolique.Dans cet univers, plus on se ressemble, plus on se sent différent. Voila une nouvelle et
abondante source de toutes sortes de nationalismes et de culturalismes.

-La réalité d'une nation permet jusqu'à certain point de conjurer le nationalisme et le culturalisme.
Pour intégrer quelqu'un dans une société, il faut des nations ou des entités symboliques équivalentes.
Un immigré ne peut s'intégrer dans quelque chose dont on lui annonce au même moment la
disparation. Pour confédérer, il faut des nations. Une confédération ne peut se former que sur des
entités politiques déjà solides. Enfin, pour le respect de certaines différences culturelles, il faut une loi
commune qui permette des arbitrages, et ces lois sont pour l'essentiel nationales.

-Le racisme actuel relève plus de la xénophobie que d'une théorie de l'inégalité biologique.

-Les pays pauvres, faute de mieux, pourraient se replier, par voie de propagande et à titre de symbole,
sur la purification nationale et ethnique. Les pays riches, devenus des mosaiques culturelles,
retrouveraient le tiers-monde projeté à l'intérieur de leurs sociétés, non pas tant par la diversité des
cultures, mais par les inégalités très grande entre riches et pauvres, par le rétrécissement de la classe
moyenne.

4.4 OEdipe et Ulysse

-L'identité ne doit pas conduire à l'obsession de l'origine.

-Quand elle est apaisante et tolérante, la conscience nationale parvient à un équilibre subtil entre la
mémoire et l'oubli, la lucidité et l'amnésie, la tradition et l'imagination.
A RETENİR:

-Dans ses traits les plus généraux, le nationalisme est plus facile à définir que la nation: la peur ( du
déclin ou d'un ennemi), la réaction (contre toute forme de menace ou d'anéantissement), l'organicisme
(qui fait prévaloir le collectif sur l'individu), l'usage de la propagande ( pour mobiliser le peuple) en
forment l'archétype.

-Même si le nationalisme est souvent le prolongement de l'idéologie nationale, cette tendance n'est pas
unilatérale. Dans son attachement inconditionnel à la patrie, le patriotisme est souvent en
contradiction avec le nationalisme, quand celui-ci marque en même temps une adhésion idéologique
forte (politique ou religieuse) qui donne la priorité à des impératifs idéologiques au détriment de
l'indépendance nationale (le Vichy de la collabarion contre le Londres de la resistance)

-Une des métaphores les plus courantes et les plus pertinentes, afin de décrire les phénomenes
d'adhesion nationale, est celle de la religion sécuralisée, avec ses dogmes, ses degrés de pratique et sa
foi, voire son fanatisme

-Plus que la nation, le nationalisme est un phénomene idéologique moderne qui ne peut être compris
sans références aux idéologies égalitaires et autoritaires. En tant que tel, il est souvent lié à des
idéologies modernes également, racismes biologiques inégalitaires ou racismes différentialistes et
culturalistes.

5. L'inefficacité de l'ideal cosmopolite

A RETENİR:

-Depuis les Lumieres et le Romantisme, universalisme et particularisme, dans une évolution faite de
critiques mutuelles et de réactions l'un envers l'autre, ont marqué l'histoire des idéologies.
Conséquences ultimes ou trahisons profondes, communisme et fascisme sont les deux etrêmes de
cette histoire du progres.

-Un monde qui se mondialise sans s'humaniser ne répond ni à l'idéal universaliiste ni à l'exigance
particulariste. Ce monde délocalisé, unifié en surface par l'échange des marchandises et des
communications, semble de plus en plus hors de contrôle. Non seulement il signale l'échec des
grandes prétentions idéologiques (gagner plus de rationalité ou plus d'humanité) mais il parait peu
perméable aux impératifs de globalité et de long terme qu'impose cette situation nouvelle dans
l'histoire. L'échec du cosmopolisitme est, pour l'heure,dans son triomphe au rabais, minimal, sans
défense contre les fanatismes particularistes.

LES ORIGINES IDÉOLOGIQUES DU NATIONALISME

Nous pensons, pour notre part, qu’il est essentiel de prendre en compte la dimension idéologique du
nationalisme.Le nationalisme se définit par l’allégeance active qu’un groupe donné prête à une nation
(qu’elle soit instituée : un État-nation,ou désirée au nom du séparatisme ou de l’indépendantisme,
etc.).L’allégeance du groupe est manifestée par les symboles dans lesquels ses membres se
reconnaissent, par les intérêts collectifs qu’ils défendent et les traits culturels qu’ils partagent. Les
critères politiques, économiques et culturels que recouvre cette définition peuvent ne pas être tous
vérifiés en totalité. Il n’est par exemple pas nécessaire que les membres du groupe en question parlent
la même langue et pratiquent la même religion. Mais un nombre minimum de facteurs en coïncidence
est requis, le plus important d’entre eux étant le premier cité, à savoir le fait de s’identifier
collectivement à une réalité politique (l’État-nation) ou à un projet national d’une façon manifeste, et
pas à d’autres – voire enréaction à d’autres nationalismes. En cela, le nationalisme est une idéologie.

Or, les théoriciens du nationalisme ont souvent sous-estimé l’importance de l’idéologie dans la
formation de cette allégeance nationaliste. Ainsi, l’école du « nation-building », qui s’est développée
aux États-Unis dans les années 1950-1960, a regardé le nationalisme comme la conséquence logique
d’un processus de modernisation. Ce processus est caractérisé par une grande intégration sociale des
individus au moyen de l’urbanisation, de l’industrialisation, de l’éducation de masse, etc. La société
se trouve alors « mobilisée » , et le nationalisme apparaît comme un sentiment collectif nouveau, une
conscience naturelle d’appartenance nationale qui n’a pas besoin d’un système d’idées pour être
véhiculée.

Quand les nationalistes refoulent l'idéologie

Un autre courant, celui des « instrumentalistes », utilise le mot à bon escient, mais pour faire tout
autant l’impasse sur sa dimension idéologique. Pour eux, le nationalisme est un ensemble de stratégies
mises en œuvre par des entrepreneurs politiques. Ceuxci sont désireux de définir un groupe parce
qu’ils pourront ensuite le mobiliser dans leur quête du pouvoir. C’est le cas d’Ernest Gellner, qui met
l’accent sur la rivalité opposant les élites issues de différents groupes ethniques dont l’accès aux
ressources économiques est fortement inégal. Gellner n'y a pas vu une idéologie.

Analyser le nationalisme comme idéologie et comprendre comment une telle idéologie voit le jour, on
est obligé de distinguer deux types de nationalisme : l’un ouvert, l’autre fermé. Le premier a été aussi
appelé « universaliste », « politique », « libéral » ou « territorial » par opposition au second qui fait
procéder la nation de traits culturels innés (comme la couleur de la peau) ou acquis dès le plus jeune
âge (comme la langue ou la religion). Le nationalisme ouvert repose, lui, sur le sentiment
d’appartenance à un corps politique susceptible d’intégrer tous ceux qui habitent dans les frontières
d’un État donné. Il est donc indissociable de la notion de citoyenneté qui repose sur un corpus
idéologique fermement constitué où l’on retrouve les valeurs de l’individualisme (liberté et égalité),
donc le projet philosophique des Lumières. La France d'après 1789 illustre cette variante. La nation
ainsi créée est une collection d’individus libres et égaux, de citoyens et la France s’érige alors en «
institutrice du genre humain » en proclamant les droits de l’homme. Le rationalisme est d’ailleurs une
autre source idéologique de ce nationalisme, comme en témoigne la volonté des républicains – dès
1789 – de soustraire l’homme à l’influence de la religion chrétienne.

Le nationalisme ethnique

Le nationalisme ethnique est en effet né en réaction à l’expansionnisme des premières puissances


européennes. (Allemagne conquise par les armées napoléoniennes ou l'Inde.). Le nouveau dominant –
mu par un nationalisme tout neuf – suscite à la fois la crainte et le respect, le rejet et l’envie. Certains
se complaisent dans le refus de l’envahisseur tandis que d’autres cèdent à la fascination, au point de
renier leur culture. Mais ceux qui inventent le nationalisme ethnique adoptent une troisième attitude :
ils cherchent à réformer leur société en imitant l’intrus pour mieux lui résister.Leur réformisme revêt
deux formes complémentaires. D’un côté, ils cherchent à moderniser l’équipement politique et
militaire de leur société en adoptant des institutions et des technologies occidentales. L’ère Meiji
offre, au Japon, une parfaite illustration de ce processus. D’un autre côté, ils s’efforcent de mettre leur
tradition au goût du jour sans se couper de leurs racines. La religion occupe ici une place de choix, car
elle coïncide pratiquement avec la civilisation des origines et permet de mettre en avant des formes de
spiritualité prestigieuse.l’intelligentsia réformiste devient « revivaliste » et, partant, nationaliste car
fière de ses traditions contre le dominant qu’il s’agit désormais d’évincer. On est en pleine idéologie.
La théorie du nationalisme ethnique à laquelle nous sommes parvenus renvoie d’ailleurs à la
définition particulièrement éclairante de l’idéologie donnée par Lloyd Fallers pour lequel c’est « la
partie de la culture qui s’emploie activement à établir et à défendre un ensemble structuré de
croyances et de valeurs.

Une stratégie symbolique

l’idéologie est en effet une « réponse à une tension », « une tension culturelle, ainsi que sociale et
psychologique ». Par exemple, le nationaliste « ne produit des arguments en faveur de la tradition que
lorsque la validité de celle-ci est mise en question. Cette opération, dans la mesure où elle atteint son
but, ne ramène pas au traditionalisme naïf mais conduit à une retraditionalisation idéologique». Eric
Hobsbawm et Terence Ranger illustrent bien ce phénomène à travers leur idée d’« invention de la
tradition » suivant laquelle, pour légitimer une rupture inévitable – comme la modernisation des
mœurs face à un colonisateur européen –, il peut être utile de puiser dans le stock invérifiable des
attributs antiques d’une civilisation de manière à invoquer le trait culturel pertinent.Un élément
semble ici essentiel pour comprendre le nationalisme : le ressentiment. Le processus de construction
idéologique qui conduit au nationalisme ethnique naît d’abord du ressentiment qu’éprouve le dominé
face à l’envahisseur.Mais on trouve aussi le ressentiment à l’origine de certains nationalismes
universalistes (le nationalisme des philosophes français est né dans le ressentiment contre
l'Angleterre).

Les mêmes racines historiques

L’opposition classique entre nationalisme ouvert et nationalisme fermé mérite donc d’être relativisée
sous l’angle du rôle qu’y joue chaque fois le ressentiment.. Le nationalisme universaliste « à la
française » serait né ainsi, dans la confrontation des philosophes contre l’Angleterre. De même, le
nationalisme allemand aurait vu le jour quelques décennies plus tard en réponse aux conquêtes
napoléoniennes, tel un « retour de bâton mimétique ».

Mais le caractère fort comparable de leur genèse n’est pas le seul point commun que partagent le
nationalisme ouvert et le nationalisme fermé. En fait, leurs idéologies sont moins contrastées qu’il y
paraît : il y a de l’un dans l’autre et vice versa. « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux
choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est la
possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de
vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis."Le nationalisme
fermé l’emporte aujourd’hui dans un contexte dominé par la hantise de l’immigration, mais ce repli
n’aura peut-être qu’un temps.

La construction des nationalismes

LA QUESTION NATIONALE

L’éveil des nationalités se situe dans l’Europe du XIXe siècle. En 1848, le « printemps des peuples »
est un mouvement révolutionnaire européen fortement teinté de nationalisme. L’Italie et l’Allemagne
se constituent comme États-nations au début des années 1870. Deux conceptions de la nation
s’opposaient alors. L’une fondée sur la culture, l’autre sur l’État.

• Une nation = une culture (conception organique):Une nation doit être fondée sur une communauté
d’hommes partageant une même culture : le peuple (ou Volk). La langue, plus que la religion ou la «
race », constitue l’élément primordial de cette culture nationale. La culture nationale prime donc sur
l’ordre politique : celui de l’État.

• La nation = un État:En France, la nation s’est bâtie par le haut : à partir de l’État et en éliminant les
langues régionales.Pour des révolutionnaires comme l’abbé Grégoire, il fallait supprimer les patois et
imposer le français, langue de la raison. Ernest Renan défend cette conception de la nation dans son
texte « Qu’est-ce qu’une nation ? » (1882) Le philologue français s’oppose à la vision d’une nation
fondée sur la langue et la « race ». Pour lui, la nation suppose l’adhésion volontaire et consciente des
peuples à un destin commun. Ce n’est pas le passé qui guide un peuple, mais son adhésion volontaire
à un même idéal.

LES NATIONALITÉS AU XXe SIÈCLE

• Les droits des peuples à disposer d’eux-mêmes: impose en Europe une idée-force du président
américain Woodrow Wilson : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. S’en suivront des traités
annexes et des redéfinitions des frontières dans les pays d’Europe centrale.

• Les marxistes et la question nationale

À la même époque, les penseurs marxistes sont confrontés à la question nationale. Elle constituait
d’abord un enjeu politique : les mouvements nationalistes peuvent être un auxiliaire des révolutions
populaires. Lénine et l’Internationale communiste accorderont une grande attention aux mouvements
des peuples. Il voit dans la révolte des nationalités contre le système colonial le moyen d’unir les
classes sociales d’un pays contre l’oppresseur. C’est l’antichambre de la révolution prolétarienne.
Mais les mouvements nationalistes posent aussi un défi théorique aux marxistes. Le matérialisme
historique accorde en effet une place motrice à la lutte entre classes sociales, or la nation rentre mal
dans ce schéma.

NOUVELLES THÉORIES DU NATIONALISME (ANNÉES 1980)

• La nation, produit de l’État et de l’école

La publication de Nations et Nationalisme (1983) par Ernest Gellner marque un renouveau des études
sur la nation. Pour l’anthropologue anglais, l’État-nation moderne est le produit de la société
industrielle et de l’école. La logique économique de l’industrialisation implique une scolarisation de
masse qui, à son tour, assure alors l’homogénéisation culturelle de la population autour d’une culture
commune. L’école participe ainsi de la construction d’une conscience nationale, d’abord limitée aux
élites puis progressivement diffusée dans le reste de la population.

• Le rôle de l’imaginaire

Dans les années 1980, plusieurs auteurs s’attachent à prendre en compte le rôle de l’imaginaire dans la
construction des nations. L’imaginaire national se forge à travers un cortège de symboles, de héros, de
récits épiques et un récit des origines reconstruit a posteriori. Selon le politologue Benedict Anderson,
les identités nationales sont des « communautés imaginées ». L’imaginaire national façonne une
représentation mythique de la nation (L’Imaginaire national, 1983). Il crée une histoire qui plonge ses
sources dans un lointain passé et raconte une épopée séculaire où apparaissent des héros nationaux,
des épisodes glorieux. La langue écrite est, selon B. Anderson, un véhicule central de cette unification
culturelle.

Vatandaşlığın inşası

-82 de darbeden sonra her türlü sivil toplum kuruluşu dernek vs ortadan kaldırıldı.

-Vatandaşlık öğretilen ve öğrenilen bir rol. Ulus-devletin üstüne oturduğu zemin ulusu oluşturan
kişilerden oluşan bir yapı. Ulus-devletin en önemli göstergesi milli eğitim. Eğitimin iki kaygısı:
iktisadi sisteme faydalı insanlar üretmek. Kapitalist sistemi işleticek insan üreten. Neyin milli,neyin
gayrimilli olduğunu öğretiyor.

-Vatandaşlığın milli kimlik olarak tarifi. Süreklilikler bağlamında ödevler dizgisi olarak ifade
ediliyor: askerlik, vergi, seçimler vs.

-80 darbesi olağanüstühal vatandaşlığı: vatandaş olunmak zor,ancak olunmak zorunda. Irk ve din
faktörü öne çıkarılıyor, öz türk vatandaşı ve diğer türk vatandaşları (katmanlı vatandaşlık)

-Sınav sorusuna cevap: Öncelikle söylenmelidir ki 1980 askeri darbesi sonrası millet ve vatandaşlık
anlayışı Cumhuriyet döneminden beri süregelen anlayıştan uzaklaşmıştır. “ Devletin ülkesi ve
milletiyle bölünmez bütünlüğü” ibaresi sık sık kullanılmaya başlamış ve devleti milletten önceki
sıraya koyan bir anlayış benimsenmiştir. Irk ve din unsuru milleti oluşturan temel elementler haline
gelmiş, Türk-İslamik bir ideoloji yer bulmuştur. Din ve ırk gibi kavramların millet tanımı içerisinde
bulunması ve esensiyalist yaklaşımın benimsenmesinden dolayı doğal olarak dışlayıcı( exclusif) bir
bakış açısı ortaya çıkmıştır.
Ayrıca 1960 sonrası hakları önceleyen anayasa sonucu hakim olan bireyci yurttaş anlayışı, 1980
darbesi sonrası yerini militan vatandaş tiplemesine bırakmıştır. Militan vatandaş anlayışına göre
vatandaş haklarından önce ödevlerini önemser. Vatandaşa verilen haklar sanki devletin vatandaşın
yaptığı ödevlere karşılık bir ödülmüş gibi sunulur. Kısacası devlet ve millet arasında bir pazarlık
vardır. Devletin otoritesi süper güç olarak görülür. (Suprématie de l'autorité de l'etat.) Türk ırkının
devletine bağlı olduğu, cesur olduğu gibi ibareler sıklıkla kullanılmış, savaş ve ölüm ibareleri
kullanılarak milliyetçilik düşüncesi tahrik edilmiştir.

Japonya
-Japonlar Wa ve Yo olarak Japon ve Batılı unsurları ayrı bir konumda, aynı çağdaş birey ve toplum
tanımının içinde kabul ettiler. Bu model görünürde esnek olup, Batı ve Japon/ulusal unsurların
tanımlanmasını daha açıktan yapmaktaydı. Buna karşılık Osmanlı Türk yaklaşımı, eski ve yerli
öğelerin tamamen bırakılmasına ve temelli olarak Batı modellerinin benimsenmesine meyleden
"ulusal" ögelerin zayıf kaldığı bir çağdaş kültür modeline benzemekteydi.
-Osmanlı eklektizmi sürekli olarak yerli ve Batılı ögeleri birleştirmektedir. Fes veya çarşaf gibi bazı
unsurlarla, Batılı ögenin içsel olarak Türk veya Osmanlılaştırılmasıyla kısıtlanıyor ve olumlu anlamda
dengeleniyordu.
-Japon yaklaşımı, kıyafette, evde, hatta görgü kurallarında, çağdaş bireye Japon ve Batılı kimliğe girip
çıkabileceği görece bir özgürlük tanır gibiydi. Ancak bu model gerçekte liberal değildi çünkü her iki
kategori de kendi içinde büyük bir katılık taşıyordu ve birbirlerinden ayrı tutulmalıydı. Osmanlı
örneğinde olduğu gibi Japonya, batılı modelleri yerli içerikle yumuşatamazdı.
-Japon eklektizminin birbiriyle yer değiştirebilen bu Batı ve Japon ikili özelliği, ilerici japonya
kimliğinin gelecekte güçlü bir şekilde Batı kültür kimliğinin kurumsal imgesine bağlı olabilmesini
zorunlu kılmıştır. Osmanlı eklektik karışımları, Meiji'nin "tam Batılı" kategorisinden daha az "Batılı"
ve tek bir eklektik sistemden oluştuğundan daha az esnekti; ancak değiştirilemezlik potansiyeli daha
güçlü gözükmekteydi. Yeniçeri kıyafeti, Türk evinin sedirleri ve ev kıyafeti bırakıldıktan sonra
Japonyada olduğu gibi bir alternatif benlik oluşturmamışlardı.
-Japon eklektizmi Batı kültürünün kamu alanında hızla ve tümden kabul ve kullanımını teşvik eden
bir tutum sergilemekteydi. Osmanlı'nın kamu alanında Batı kültürüne yaklaşımı, baştan itibaren daha
yavaş, daha kısıtlayıcı ve daha katı görülmektedir.Ancak Batı kültürü, kişisel yaşamın bütün yönlerine
daha hızla nüfuz edecektir. Osmanlı örneğinde, dışarıdan devletin/resmi dinsel ideolojik denetimin
doğrudan müdahale etmediği ev ortamını, bu kültür değişiminin uygulanabileceği nispeten özgür
ortamlar kılmıştır.
-Çağdaş birey kimliğinin oluşumunda birey için yeni gerilimler olacaktır. Japonya ve Osmanlı bu
çağdaşlık eklektizmlerinin içinde, kendi yerel törelerinin, geleneksel kültürlerinin simgelediği akılsal
v duygusal olgu anlayışlarıyla bunların sergilendiği mekanları değiştirip, bunlarla beraber bir de
yabancı olan Batı kültürünün akılsal ve duygusal tanımlamalarını benimsemek durumunda idiler.
-Her iki toplumun bu akımlara öncelikle maruz kalan seçkin zümre bireyleri, çoğunlukla bu ki şisel
çatışmayı sağlıklı bir biçimde alt edebilme yollarını bir şekilde buldularsa, bu ortamlar da çağaş birey
için sorun alanlarının doğduğu aşikardır.
-Japonya ve Türkiye'deki birey, modernleşmenin kamu alanında yarattığı gerilimlere karşı, özel içsel
alanlarında kültürel sınırları daha az tanımlanış alternatif eklektik kültürel ortamlarda duygusal
sığınak buldular.
-Çağdaş Osmanlı bireyinden beklenen ahlaki davranışlar Japonlardan çok farklı değildi. İki modelde
de ideal çağdaş birey, güçlü karakter sahibi, sadık ve erdemli, toplum ve vatana bağlı iyi bir vatanda ş.
Ancak osmanlı Türki için öngörülen çağdaş adabımuaşeret öğretisinde Japonlarınkinde olduğu gibi
avrupalı davranışın konumunu ayıran belirgin bir ikili model yoktu*.Konu oldukça muğlak
bırakılmıştı. Ancak Avrupai terbiye ve davranışlar, Türk olanla karşı görülüp, bir alafranga ve
alaturka ayrımı çerçevesinde yorumlanmıştır. Batı kültürünün görgü kuralları, tıpkı Avrupa mobilyası
gibi benimsenmiş olsa da içeriği, yerli dini değerler ve davranış fikirleri doğrultusunda içsel olarak
ayarlanmıştı. Çağdaş osmanlı Türkü için öngörülen medenileşme süreci, avrupa ve osmanlı ögelerinin
geri dönüşü olmayan bir karışımdan oluşup, pek esneklik göstermeyen tek boyutlu bir eklektizmdi.
ESENBEL JAPON MODERNLEŞMESİ VE OSMANLI: coğrafi anlamda karşılaştırma, Osmanlı ile
Japonya’nın yerini değiştirsek nasıl olurdu diye soruyor. İki devletin de modernleşme dönemi aynı
zamanlarda başlıyor fakat Osmanlı sıkışmış bir coğrafyada. Esenbel’e göre birincisi Japonya ilginç
olmayan çekiciliği olmayan uzak bir coğrafyada, geçmişleri feodal. İkinci olarak coğrafi olarak Batıya
çok yakın olmak, Batı’nın göz diktiği topraklar üzerinde hâkim olmak kolaylık sağlamıyor. Örneğin
eğitim sisteminin modernleşmesi meselesinde karşılaştırırsak Osmanlı’nın eğitimde modernleşmesi
Fransa’dan biraz önce başlıyor. Modern seküler nitelikte okulların açılmaya başlanması Fransa’dan
biraz önce fakat Osmanlı’da sürekli savaşlar olan bir dönem var. Sürekli savunma savaşı yapmak
zorunda olan bir imparatorluk olduğu için modernleşme süresi japonyadan ayrılıyor.
EŞKIYALAR VE DEVLET: Taşraya gönderilen memur merkez zayıflayınca eşkıyalaşıyor,
otonomisini ilan ediyor, zenginleşiyor. O zaman merkez müdahale ediyor. Merkeze çağırıyor memuru
ve hal ediyor. Yerini değiştiriyor ya da. Kitap eşkiyalaşma ile Devletleşme arasındaki yapısal ilişkiyi
anlatıyor. Devlet içerisinden yetiştirilmiş Devlete bağlı yöneticiler sınıfını Marx’ın kendinde sınıfına
benzetiyor. (Bir sınıf olmanın bütün özelliklerini taşıyorlar fakat bir sınıf olduklarına dair bilinçleri
yok, birlikte hareket etmiyorlar, birbirlerini iteleyerek hareket ediyorlar, merkezin gözüne girmek
sınıfsal çıkarlardan daha önemli) (Kendi için sınıf olsaydı dayanışma içinde örgütlenip merkeze
başkaldırabilirlerdi, sultanı devirip yeni bir sistem kurabilirlerdi)

Mennel

-L’épineuse question de savoir si l’on peut observer sur d’autres continents des processus de
civilisation et de décivilisation analogues à ceux qu’on a beaucoup étudiés en Europe.

-1. Formation de l’Etat et processus connexes

C’est sans doute pour cette composante de la théorie d’ensemble d’Elias qu’il est le plus facile
d’établir des parallèles avec l’Asie. Des cycles d’intégration et de désintégration, d’apparition de
formes étatiques et, pour dire vite, de féodalisation, sont en effet observables en Chine et au Japon,
aussi bien qu’en Inde. Voilà qui nous éveille à la nécessité de toujours essayer de repérer et
d’examiner la structure des procès de civilisation et de décivilisation

-c’est la structure sous-jacente aux processus sociaux de civilisation qu’il faut comparer. On peut alors
procéder à des comparaisons pertinentes entre l’Europe occidentale, la Chine, l’Inde ou le Japon, à
des périodes chronologiquement tout à fait différentes

2. La pacification des guerriers et la curialisation

-La « pacification des guerriers » est un élément réellement constitutif de tout processus réussi de
formation de l’Etat : il est sous-entendu dans l’idée même de monopolisation de la violence.

-Si la formation avec succès d’un Etat dans les sociétés agraires requiert nécessairement la
domestication des guerriers, les processus de curialisation sont plus divers, et il est moins aisé d’en
généraliser la place avec certitude dans l’ensemble des procès de civilisation

-3. Changements de mœurs et de formes d’expression culturelle

C’est, selon Elias, dans une période de relative fluidité sociale où de nouvelles couches supérieures se
sont formées à partir d’éléments de diverses origines, et où la compétition était rude, que les normes
européennes de conduite sociale se sont mises en mouvement, « ce qui était jadis permis devenant à
présent réprouvé ».

-4. Changements psychogénétiques ou d’habitus

Il existe néanmoins beaucoup d’éléments de preuve fragmentaires qui suggèrent des équivalences
avec les processus européens de civilisation. Sadler (1978) cite ainsi Ieyasu, fondateur du shôgunat
Tokugawa :Les humains les plus forts sont ceux qui comprennent le sens du mot « patience ». Etre
patient signifie se montrer capable de contenir ses inclinations. Il existe sept émotions : joie, colère,
angoisse, amour, chagrin, peur et haine, et si un homme ne leur donne pas libre cours, il peut être dit
patient. Je ne suis pas aussi fort que je pourrais l’être, mais connais et pratique la patience depuis fort
longtemps. Et si mes descendants veulent me ressembler… ils doivent cultiver la patience.

Conclusion

Le problème de l’unité de mesure constitue pour les procès de civilisation une question centrale. La
théorie des procès de civilisation requiert en fait au moins deux unités de mesure, qui permettent en
schématisant beaucoup de spécifier un rapport entre deux ordres séquentiels, qu’on dira en gros
sociogénétique et psychogénétique.On peut avec beaucoup de prudence – Elias en effet ne les
concevait pas comme des « variables indépendantes » – les représenter comme les deux axes d’un
graphe. Sur le premier axe figurerait la structure de développement des interdépendances sociales,
avec notamment la division des fonctions sociales et la formation de l’Etat. Le second axe se
rapporterait à la civilisation des conduites et aux transformations des structures de la personnalité,
comprises elles aussi comme ordre séquentiel où le développement s’inscrit dans une direction
discernable. Il n’est pourtant guère facile de forger des indicateurs pour nos deux aunes de mesure
imaginaires. L’axe sociogénétique ou « structural » est le plus simple et on obtiendrait sans doute
l’accord des sociologues sur les critères principaux : la division du travail, le degré effectif du contrôle
de la violence par l’Etat, etc. Mais il est à la fois plus compliqué et plus contestable de définir avec
pertinence un hypothétique axe psychogénétique.? Il est tout d’abord essentiel de pouvoir repérer « les
choses autrefois permises » et « à présent réprouvées », ce qui n’est pas sans poser de sérieux
problèmes conceptuels.

-Tout le problème, quand on met la théorie éliasienne à l’épreuve des comparaisons interculturelles,
est de vérifier si un change- ment de base quant à la part respective des contraintes extérieures et des
auto-contraintes dans l’habitus social des individus est ou non corrélé avec une extension et une
complexification du réseau social.

-Dans une conférence donnée à Amsterdam en 1981 en présence d’Elias lui-même, on a suggéré
qu’on pouvait prendre pour indicateur d’un tel phénomène les variations affectant la distance entre la
condition émotionnelle de la petite enfance et les formes normales de contrôle attendues des adultes.
En termes plus psychanalytiques, on pourrait parler de « niveau de développement du surmoi ». Mais
le plus important, je pense, est de fragmenter le problème en plusieurs parties plus faciles à traiter, ce
que fit Elias lui-même. Il suggère, plus précisément, qu’au cours des procès de civilisation l’auto-
contrôle se développera sur un mode plus automatique, plus étale et plus englobant.

-« Plus étale » signifie que l’amplitude des sautes d’humeur se réduit, qu’on peut de mieux en mieux
compter sur une émotivité maîtrisée et la prévoir. « Plus englobant » renvoie au déclin des différences
entre les différentes sphères de la vie, tels que les contrastes entre ce qui est permis en public et en
privé, entre le comportement envers une certaine catégorie de personnes et envers une autre, ou
encore entre le comportement « normal » et celui qu’autorisent certaines occasions particulières.

-Et notamment parce que deux nécessités s’affrontent : il faut connaître le contexte ethnographique en
détail pour asseoir l’interprétation du moindre indice ; mais il faut aussi, c’est une exigence de la
grande focale avec laquelle travaille la théorie des procès de civilisation, construire une vue
synoptique de vastes pans de l’histoire humaine.

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