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20 février 2024
Par
Jean-Philippe Pié
-
20 février 2024
Thierry Lepercq
@LinkedIn
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dans l’ère de l’hydrogène. Mais aujourd’hui, les conditions ne sont pas réunies pour que des
investissements significatifs soient décidés.
GU : que manque-t-il ?
TL : l’écart s’est creusé entre les clients et les producteurs. Les premiers – sidérurgistes,
cimentiers, verriers… – ont vu le prix du gaz naturel baisser drastiquement et ont reporté
leurs accords d’approvisionnement en hydrogène, à l’exception du raffinage pétrolier et du
transport aérien, prêts pour l’instant à payer assez cher. Le prix actuel du gaz, qui est la
référence du marché, impose un hydrogène à moins de 2,5 €/kg. Les producteurs
d’hydrogène croient encore pouvoir produire à 15 € et combler l’écart grâce aux subventions.
Mais ils se trompent, il n’y en aura pas. « There is no money », ni en France, ni en
Allemagne.
Un rendez-vous avec l’Inspection générale des finances française, qui prépare un rapport
sur le sujet et se révèle d’ailleurs ouverte à l’option des importations, me l’a encore confirmé
il y a quinze jours : le “quoi qu’il en coûte” est terminé, il ne faut pas compter sur les milliards
d’euros espérés pour soutenir la production d’hydrogène. Il y aura des financements publics
importants pour les infrastructures de transport, pas pour la production.
“Il ne faut pas compter sur les milliards d’euros espérés pour soutenir la
production d’hydrogène”
GU : le tour de vis budgétaire en France est tout récent, il ne peut expliquer
l’attentisme généralisé…
TL : deux autres fondamentaux jouent : le contexte financier que tout le monde connaît,
défavorable aux investissements risqués en général. Les financeurs ont parfaitement
compris qu’il était certes possible, pour certains projets (raffinage, aérien…) de vendre de
l’hydrogène cher. Mais que ce serait sur de courtes durées, alors que les projets H2
s’amortissent sur 25 à 30 ans. Les financeurs restent donc absents. Le deuxième grand
sujet est celui des réseaux de transport en France, en Europe et au-delà. Ils avancent, ils
existeront, mais personne ne sait quand exactement. Cet ensemble de raisons explique
qu’aujourd’hui, le secteur se trouve au creux de la vague.
TL : certainement pas sur les subventions. La seule question qui vaille est : comment fournir
un hydrogène à moins de 2,5 €/kg sans aide publique. Cela implique de trouver une
électricité à moins de 20 €/MWh et exclut aussi bien le réseau électrique actuel que l’éolien.
En fait, seules les grandes centrales photovoltaïques au Sud en sont capables. C’est
pourquoi nous avons des accords en Espagne pour sécuriser un accès à 4 GW
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photovoltaïques. Mais même en Espagne ce n’est pas si facile, car se pose entre autres la
question de la ressource en eau, dans l’intérieur du pays. Donc, nous allons vers le Maroc et
la Mauritanie, en bord de mer avec désalinisation.
TL : au contraire, c’est un lien et il implique de faire confiance au pays du Sud. Notre projet
Hydeal vise à associer de grandes centrales solaires, des consommateurs industriels à
Nouadhibou en Mauritanie, près de Casablanca au Maroc, à Tarragone en Espagne, à
Marseille et à Duisbourg en Allemagne. Avec un pipeline basé d’abord sur des réservations
de capacités puis sur une régulation, financé en partie au Maroc par l’Onhym* par exemple,
empruntant le tracé H2Med en France… Plusieurs protagonistes viennent de se réunir à
Marseille avec le pôle de compétitivité Capenergies, car la ville a bien compris que
l’hydrogène était vital pour la survie de son pôle industriel. Livrer un hydrogène à parité de
coût avec les énergies fossiles, encore une fois à 2,5 €/Kg transport compris, est possible à
condition d’aller chercher les grandes ressources solaires.
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