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Les Essais : présentation

Michel Eyquem de Montaigne (1533-1592) peut être défini comme un philosophe et moraliste français.
Il ne faut néanmoins pas négliger sa carrière politique et juridique : il a en effet été magistrat, maire de
Bordeaux, mais également ami proche d’Henri de Navarre, futur Henri IV. L’un des faits marquants de son
existence reste sans nul doute sa rencontre avec Étienne de la Boétie, au Parlement de Bordeaux, avec lequel il
noua une amitié profonde, restée célèbre. La Boétie mourut quatre ans plus tard, emporté par la maladie. Il est
l’auteur d’un texte saisissant sur l’obéissance à la tyrannie, qui reste d’actualité encore aujourd’hui et qu’il
rédigea alors qu’il avait à peine dix-huit ans, le Discours de la servitude volontaire. Montaigne lui rendit
hommage dans son ouvrage, notamment dans l’essai intitulé « De l’Amitié ».

Les Essais, auxquels Montaigne a travaillé de 1572 à sa mort, sont un recueil de textes épars, dont les
sujets peuvent être très différents, allant des plus graves, comme la mort, aux plus futiles, tels que les chevaux,
les coches, les pouces, en passant par des sujets que l’on peut caractériser comme « sérieux » : l’amitié, la
solitude, l’éducation. Dans son adresse au lecteur, Montaigne prend soin de souligner la modestie de son
entreprise en limitant son public à son cercle familial ; d’ailleurs, il ne cessera, au fil de la rédaction, de rappeler
son insuffisance et ses défauts. Cet état d’esprit est d’ores et déjà affirmé par le titre même de son projet : un
essai est avant tout un exercice par lequel l’auteur éprouve ses capacités, ses ressources sur un sujet précis, mais
sans jamais prétendre apporter une vérité définitive. Et, ici, cette mise à l’épreuve est finalement révélatrice du
caractère, de la personnalité, du tempérament de son auteur qui, en se confrontant à une matière précise, se
confronte également à lui-même. Les Essais sont donc une image kaléidoscopique de celui qui les a élaborés.

Si Les Essais sont hétéroclites par leurs sujets, ils le sont aussi par leur forme même : au début conçus
comme de simples leçons, ils sont peu à peu devenus des textes partagés entre la réflexion et l’introspection ou
encore la confession, de telle sorte qu’ils tiennent à la fois de la philosophie et de l’autobiographie. Montaigne
s’y peint dans sa nudité mais, bien loin de n’être qu’un manifeste d’égotisme, ils constituent une peinture de la
condition humaine : les qualités, les défauts, la réalité du quotidien, qu’elle soit particulièrement significative ou
au contraire dérisoire, sont tour à tour abordés, et en exposant son « Moi », l’auteur ne dévoile rien d’autre que
l’essence de l’homme, qui se révèle autant par ses passions (la peur, la colère, le courage) que par ses
comportements et ses « travers » (le mensonge, l’oisiveté, l’ivrognerie, la prévision de l’avenir). Recueil
inclassable, Les Essais nous livrent en quelque sorte le parcours d’une pensée à travers celui d’une vie. Dans
cette mesure, ils s’apparentent à un journal ou encore à une chronique qui serait chargée de collecter diverses
pensées ; et ces dernières peuvent s’avérer contradictoires sur un même sujet, d’un essai à un autre, sans que
Montaigne ne cherche à se justifier ni même à masquer ce que d’autres considéreraient peut-être comme la
preuve d’une pensée sans principes véritables.

Ayant parlé et écrit exclusivement en latin jusqu’à l’âge de six ans, Montaigne s’est résolu à utiliser le
français pour ses essais, du moins le français du XVIe siècle, ce qui rend leur compréhension parfois ardue. C’est
pourquoi il est habituel de trouver des éditions qui en modernisent l’orthographe ou qui se chargent même de les
retranscrire en français moderne. Leur auteur souhaitait un style simple et direct : le lecteur peut ainsi avoir
l’impression que celui-ci écrit comme il parle, et cela d’autant plus que ses réflexions se situent parfois à la
limité de la causerie familière, accumulant les anecdotes et parfois même les histoires surnaturelles. La langue de
Montaigne est donc « naturelle », expressive, imagée, et cherche avant tout la proximité avec le lecteur ; il n’est
donc pas rare d’y trouver des expressions issues du patois périgourdin.

Le texte de Montaigne est jonché de citations issues des écrivains de l’Antiquité, lesquelles ont
plusieurs fonctions : elles peuvent servir d’ornements, d’illustrations, d’arguments d’autorité, mais sont
également susceptibles de contribuer à élaborer la substance même de la réflexion. Il faut également noter que
Montaigne reprend souvent, sans les nommer, des pensées des écrivains évoqués plus hauts, pratique qui était
courante à l’époque de la rédaction des Essais, tout comme l’était celle des citations. Néanmoins, chez
Montaigne, ces pratiques ne relèvent pas de l’érudition, ni du pédantisme, qu’il combat expressément dans l’un
de ses essais ; elles sont bien plutôt les instruments d’une pensée qui, bien que sous influence, n’en est pas moins
originale et libre, parfois même à l’excès. Ses nombreuses digressions, qui font parfois perdre le fil d’un sujet
précis, en témoignent largement. Parmi les sources principales d’inspiration de l’auteur, on peut évoquer les
Épicuriens (Épicure, Lucrèce), le stoïcisme (plus précisément Sénèque), ou encore Platon, Socrate, Xénophon,
Plutarque, Cicéron. La pensée de Montaigne se rapproche donc beaucoup des éthiques de l’Antiquité ; par
conséquent, elle est conçue comme une philosophie pratique, visant avant toute chose le bien-vivre. Elle n’a pas
pour objectif d’étaler un savoir théorique, abstrait, d’élargir le champ de la connaissance, mais bien plutôt
d’œuvrer à une sagesse par laquelle chacun puisse devenir pleinement homme. Cet objectif, allié à la foi en la
raison, font de cette pensée un humanisme.

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