Visit to download the full and correct content document: https://ebookmass.com/product/a-ladys-stardust-passion-a-historical-regency-romanc e-novel-meghan-sloan/ Another random document with no related content on Scribd: Du reste, cette donnée de la Folie est loin d’avoir été négligée de notre théâtre ! Shakespeare notamment n’a guère mis en scène, dans ses drames les plus personnels, que des fous : lady Macbeth est somnambule et meurt d’hystérie, son époux est halluciné, de même qu’Hamlet, celui-ci lypémaniaque en sus, Timon aussi, Othello est épileptique et le roi Lear complètement insensé. C’est par là que le grand William est un modèle si dangereux (Gœthe ne voulait pas le lire plus d’une fois par an). Ç’a été un peu le même rôle que celui de Michel-Ange : exagération des ressorts jusqu’aux dernières limites du réel, au-delà desquelles les disciples tombent, immédiatement, dans une affectation très ridicule. Au contraire, si j’excepte le prétexte à étudier la folie en elle-même, que fournit Ajax depuis Astydamas jusqu’à Ennius et depuis Ennius jusqu’à l’empereur Auguste, je n’aperçois de « shakespearien » dans l’antiquité qu’Oreste. Tous les autres personnages jouissent de leur bon sens, et n’en deviennent pas moins (précieux encouragement) pathétiques. Seul même, Œdipe montre, à défaut d’anormal dans la constitution psychologique du héros, l’extraordinaire dans les événements extérieurs (ressource dont usèrent si largement depuis les romantiques de 1830). Mais le reste des types dramatiques évoluait selon de normales passions, dans des conditions intimes et objectives relativement fréquentes. XVII e SITUATION Imprudence fatale
(L’Imprudent — La Victime ou l’Objet perdu)
auxquels s’ajoutent, à l’occasion, « le Conseiller » sage qui s’oppose
à l’imprudence, « l’Instigateur » mauvais, intéressé ou irréfléchi, puis la kyrielle des Témoins, Victimes secondaires, Instruments, etc. A 1 — Par imprudence causer son propre malheur : — Eumèle de Sophocle, Phaéton d’Euripide (où le Conseiller se fond avec le personnage Instrumental, et où, lié par un serment trop hâtif, il se voit dans la Situation XXIIIe A 2 : Devoir sacrifier un proche pour tenir un serment.), Le constructeur Solness. 2 — Par imprudence causer son propre déshonneur : — La Banque de l’Univers (M. Grenet-Dancourt, 1886). Ex. roman. : l’Argent de Zola. Ex. hist. : Ferdinand de Lesseps. B 1 — Par curiosité causer son propre malheur : — Sémélè d’Eschyle. Ex. historiques (s’élevant à la XXe, « Sacrifices à l’Idéal ») : morts de tant de savants. 2 — Par curiosité perdre la possession d’un être aimé : — Psyché (empruntée au récit que La Fontaine tira d’Apulée, — débiteur lui-même, comme on sait, de Lucius de Patras, — et mise à la scène par Corneille, Molière et Quinault), Esclarmonde (M. Massenet, 1889). Ex. légendaire : Orphée ramenant Eurydice. Cette nuance s’étend dans la direction des XXXIIe et XXXIIIe données (Jalousie erronée et Erreur judiciaire), car elle fait aussi un vigoureux appel à la foi, dans sa plus absolue imperturbabilité. C 1 — Par curiosité causer la mort, les maux des hommes : — Les Pandores de Voltaire et de Gœthe ; le Canard sauvage d’Ibsen (partie théorique, morale), avec A 1 comme dénouement et comme exemple pratique. Ex. légendaire : Ève. 2 — Par imprudence causer la mort d’un proche : — Renée Mauperin des de Goncourt. Ex. ord. : Soins maladroits donnés à un malade. Louise Leclercq de Verlaine. 3 — Par imprudence causer la mort de son amant : — Samson de Voltaire, la Belle aux cheveux d’or (M. Arnould, 1882). 4 — Par crédulité causer la mort d’un proche : — Pélias de Sophocle et les Péliades d’Euripide. Ex. rom. (par crédulité causer le malheur de ses concitoyens) : Port-Tarascon. Établissez, dans chacune des nuances qui précèdent, des symétriques aux cas qui ne se sont présentés, isolés, que dans une seulement, et vous avez les sujets suivants : Par imprudence (j’entends par pure imprudence, sans alliage de curiosité ni de crédulité, c’est-à-dire d’intérêt personnel ou extérieur), causer le malheur des hommes, — perdre la possession d’un être aimé (amant ou amante, époux ou épouse, ami ou amie, bienfaiteur, protégé, allié, etc.), — causer la mort d’un proche (ici, tous les degrés de parenté), — d’un être aimé ; — par curiosité (sans mélange d’imprudence ni de crédulité, c’est-à-dire d’une façon parfaitement volontaire, encore que sottement) causer le déshonneur d’un proche (il y a des variétés assez nombreuses de déshonneur, selon qu’il touche à la probité, à la bravoure, à la pudeur, à la loyauté), — causer celui d’un être aimé, — causer son propre déshonneur ; — causer ces déshonneurs par crédulité pure (c’est-à-dire de la manière la plus innocente, puisqu’il ne s’y trouve ni imprudence ni curiosité ; quant aux ressources dont la Ruse dispose pour gagner cette crédulité, on en a une première idée par l’examen de la XIIe Obtenir) ; par crédulité aussi, causer son propre malheur, — ou perdre la possession d’un être aimé, — ou causer le malheur des hommes, — ou causer la mort d’un être aimé. Passez, à présent, aux raisons pour lesquelles se précipitent, — aussitôt que la curiosité, la crédulité ou l’imprudence pures ont agi, — les catastrophes jusque-là suspendues. Ces raisons sont : une infraction à la défense préalable articulée par une divinité ; le caractère mortel de l’action pour qui l’accomplit (caractère dû à des causes soit mécaniques, soit biologiques, soit juridiques, soit guerrières, soit autres encore) ; les conséquences mortelles de l’action pour le proche ou l’aimé de qui doit l’accomplir ; une faute antérieurement commise (avec ou sans conscience) et qui va être révélée et punie, etc. En sus de la curiosité et de la crédulité, d’autres mobiles déterminent l’imprudence : les Trachiniennes nous montrent la jalousie. Nous pouvons donner le même rôle à toutes les passions, toutes les émotions, tous les désirs, tous les besoins, tous les goûts sensuels, toutes les faiblesses vitales : sommeil, faim, développement de l’activité musculaire, évasion, gourmandise, luxure, tendresse, coquetterie, vanité des dons physiques, des prérogatives sociales ou des supériorités psychiques, loquacité, inconscience enfantine. Quant au malheur final, il affectera bien des aspects, puisqu’il frappe, tour à tour, en notre personne ou dans celles que nous aimons, l’être physique, moral ou social, que ce soit en détruisant les plaisirs ou les biens, la puissance ou l’honneur. Dans cette situation, l’Instigateur, qui n’est pourtant pas essentiel, peut devenir digne de figurer même le protagoniste : telle était Médée dans Pélias. C’est peut-être la plus belle attitude qu’on puisse donner au « traître » ; qu’on se figure Iago devenu d’un drame le principal personnage ! (comme Satan l’est du monde). Ce qui devient difficile à lui trouver, c’est un mobile suffisant : l’ambition (un peu le cas de Richard III) ne paraît pas toujours vraisemblable à cause de sa façon a priori de procéder, — non plus que ne le paraîtrait une foi caïniste ou shivaïte ; la jalousie et la vengeance sont un peu sentimentales pour cette figure démoniaque ; la misanthropie, trop honorable et philosophique ; l’intérêt (cas du Pélias) vaut mieux. Mais l’envie, — l’envie, qui devant la sollicitude amicale ne sent que sa blessure rendue plus cuisante, — l’envie étudiée dans l’anonymat d’obscures et basses tentatives, et puis sous la honte des défaites et de sa lâcheté, pour aboutir enfin au crime, — voilà, ce me semble, le motif idéal. XVIII e SITUATION Involontaire crime d’amour
(L’Amant — l’Aimé — le Révélateur)
Celle-ci et la suivante profilent, sur notre horizon dramatique,
entre toutes les silhouettes, les plus invraisemblables à coup sûr, et pourtant elles sont, en elles-mêmes, fort admissibles, et pour le moins aussi peu rares qu’aux temps héroïques aujourd’hui, de par l’adultère et la prostitution, lesquelles oncques mieux ne florirent : c’est la découverte qui en est plus rare. Encore non ! — car chacun de nous a vu de ces mariages, très naturels en apparence et comme préparés par les relations anciennes des familles, obstinément éloignés, repoussés et désespérément brisés par des parents, bizarres semblait-il, mais en réalité trop certains de la consanguinité des deux épris… De telles révélations ont donc lieu souvent encore, quoique sans l’antique et shocking éclat, — grâce à la prudente pruderie actuelle, et à l’habitude. Sa réputation de fabuleuse monstruosité fut léguée en réalité à notre XVIIIe par la célébrité sans égale du thème d’Œdipe, arrangé d’une façon à dessein romanesque, — sphyngiaque pour tout dire, — par Sophocle, et que ses imitateurs ont toujours été surchargeant d’arabesques de plus en plus chimériques et extraordinaires. Cette Situation et la suivante, comme un peu toutes les 36 d’ailleurs, sera représentée, au choix, sous deux jours : 1o la fatale erreur ne se révélera simultanément au spectateur et au personnage qu’une fois irréparable (A), et alors l’état d’esprit rappellera beaucoup la XVIe ; ou, 2o le spectateur, informé, voit le personnage aller en aveugle vers le crime, comme en un sinistre colin-maillard (B, C, D). A 1 — Apprendre qu’on a épousé sa mère : — Les Œdipes d’Eschyle, de Sophocle, de Sénèque, de Corneille, de Voltaire, sans parler de ceux d’Achæus, de Philoclès, de Mélitus, de Xénoclès, de Nicomaque, de Carcinus, de Diogène, de Théodecte, de Jules César, ni de ceux de Jean Prévost, de Nicolas de Sainte-Marthe, de Lamothe, de Ducis, de M.-J. Chénier, etc. Le plus grand éloge de Sophocle, c’est l’étonnement qu’on éprouve de ce que ni tant d’imitations, ni la légende romanesque trop connue de l’abandon sur le Cythéron, ni le mythe, peu moderne, du Sphynx, ni la différence d’âge entre les deux époux (question capitale pour notre temps, où les actes d’état-civil remplacent peu à peu les primordiaux sentiments humains !), rien de tout cela, dis-je, n’ait fait paraître l’œuvre dénuée de tout naturel au public. 2 — Apprendre qu’on a eu pour maîtresse sa sœur : — La fiancée de Messine de Schiller. Ce cas, évidemment plus fréquent, prend de l’invraisemblance à être combiné avec la XIXe dans ce drame. Ex. roman. : les Enfants naturels de Sue. B 1 — Apprendre qu’on a épousé et qu’on allait posséder sa sœur : — Le mariage d’André (MM. Lemaire et de Rouvre, 1882 ; selon le procédé comique, il ne s’agit que d’une erreur ; et le drame « finit bien »). Abufar de Ducis rentre dans une catégorie voisine. 2 — Même cas, où le crime avait été machiavéliquement préparé par un tiers : — Héraclius ; cela donne, nécessairement et malgré tout le génie possible, plutôt la sensation d’un cauchemar que de la réalité terrible. 3 — Être sur le point de prendre sa sœur inconnue pour maîtresse. Et la mère, témoin, hésite à révéler le danger, de peur de porter un coup fatal à son fils : — les Revenants d’Ibsen. C — Être sur le point de violer sa fille inconnue. — Ex. fragm. : la Dame au domino rose de Bouvier (1882). D 1 — Sur le point de commettre un adultère par ignorance (les seuls cas que je sache au théâtre) : — le Roi cerf et l’Amour des trois oranges, de Gozzi l’un et l’autre. Cependant, le subterfuge qui souvent sert d’origine à cette aventure et à la suivante a dû être mainte fois employé par l’adultère pour triompher de la fidélité conjugale. 2 — Être adultère sans le savoir : — peut-être l’Alcmène d’Eschyle. Roman : la fin du Titan de Jean-Paul. Les diverses modifications de l’inceste et les autres amours interdites, qu’on trouvera à la XXVIe, s’accommoderont très bien de la même manière que les œuvres ci-dessus classées. Nous venons de voir l’adultère commis avec erreur par la femme ; il peut l’être par le mari. Surtout, cette erreur pourra se produire du côté de celui des deux adultères qui n’est pas marié : quoi de plus banal, par exemple, dans la vie de plaisir, que d’apprendre — un peu tard — sa maîtresse en puissance d’époux ? Sur l’ignorance du sexe de l’objet aimé roule également, dans ses deux parties, Mademoiselle de Maupin ; il y a d’abord erreur (système comique), sur laquelle s’échafaudent des luttes obsidionales d’une âme (héroï-comédie), d’où sort enfin, par incidence, une fois la vérité dévoilée, un bref dénouement tragique. XIX e SITUATION Tuer un des siens inconnu
(Le Meurtrier — la Victime non reconnue)
Tandis que la XVIIIe atteignait son plus haut degré d’émotion
après l’acte accompli (sans doute parce que là, tous les acteurs du drame lui survivent et que l’horreur en gît surtout dans les conséquences), la XIXe, au contraire, où une victime doit périr et où l’intérêt croît en raison directe de l’aveugle préméditation, se montre plus pathétique dans les préparatifs du crime que dans les suites ; ceci permet de donner un dénouement heureux sans avoir recours, comme pour la XVIIIe, au procédé comique de l’erreur. Il suffira, en effet, de l’agnition aristotélicienne (reconnaissance d’un personnage par l’autre), — de laquelle notre situation XIX n’est du reste, à bien l’examiner, qu’un développement. A 1 — Être sur le point de tuer sa fille inconnue, par nécessité divine ou oracle : — Démophon de Métastase ; l’ignorance de la parenté provient d’une substitution d’enfants ; l’interprétation de l’oracle est erronée ; autre quiproquo : la jeune première se croit, à un moment de l’action, la sœur de son fiancé. Cet enchaînement de trois ou quatre erreurs (parenté inconnue, sous le jour spécial à la donnée que nous étudions, — croyance à un danger d’inceste comme B 1 de la précédente, — enfin ambiguïté trompeuse des mots ainsi que dans la plupart des comédies), voilà qui suffit à constituer ce qu’on nomme une pièce « mouvementée », une de ces intrigues remises en vogue par le second Empire et devant l’enchevêtrement desquelles nous voyons nos chroniqueurs naïvement s’affoler. 2 — Par nécessité politique : — Les Guèbres et Les lois de Minos de Voltaire. 3 — Par rivalité d’amour : — La petite Mionne (M. Richebourg, 1890). 4 — Par haine contre l’amant de cette fille point reconnue : — Le roi s’amuse (la découverte a lieu après le meurtre). B 1 — Être sur le point de tuer son fils inconnu : — Les Télèphes d’Eschyle et de Sophocle (avec alternative entre ce crime et l’inceste), Cresphonte d’Euripide, les Méropes de Maffei, de Voltaire et d’Alfieri, Créuse de Sophocle, Ion d’Euripide. Dans l’Olympiade de Métastase, ce sujet se complique de Rivalité d’amis. — Tuer son fils sans le savoir (ex. fragm.) : 3e acte de Lucrèce Borgia ; le 24 février de Werner. 2 — Identique à B 1, avec instigations machiavéliques servant de contreforts : — Euryale de Sophocle, Égée d’Euripide. 3 — Identique à B 2, doublée par une haine de proches (aïeul contre son petit-fils) : — Cyrus de Métastase. C — Sur le point de tuer un frère inconnu : — 1, frères meurtriers par colère : — les Alexandres de Sophocle et d’Euripide. — 2, sœur meurtrière par nécessité professionnelle : — Les Prêtresses d’Eschyle, les Iphigénies en Tauride d’Euripide, de Gœthe et projetée par Racine. D — Tuer sa mère inconnue : — Sémiramis de Voltaire ; ex. fragm. : dénouement de Lucrèce Borgia. E — Tuer son père sans le savoir d’après des conseils machiavéliques : — (voir XVIIe) Pélias de Sophocle et les Péliades d’Euripide ; Mahomet de Voltaire (où le héros est de plus sur le point d’épouser sa sœur inconnue). — Simplement, tuer son père inconnu : — Ex. légendaire : le meurtre de Laïus ; ex. rom. : La légende de St Julien l’Hospitalier. — Même cas réduit des proportions du meurtre à celle de l’insulte : — Le pain d’autrui, d’après Tourguéneff, par MM. Ephraïm et Schutz (1890). F 1 — Tuer son aïeul inconnu, d’après les instigations machiavéliques de la vengeance : — les Burgraves. 2 — Le tuer involontairement : — Polydectes d’Eschyle. 3 — Tuer involontairement son beau-père : — Amphitryon de Sophocle. G 1 — Tuer involontairement celle qu’on aime : — Procris de Sophocle. Ex. épique : Tancrède et Clorinde, dans la Jérusalem délivrée. Ex. légend. (avec changement dans le sexe de l’être aimé) : Hyacinthe. 2 — Être sur le point de tuer son amant sans le reconnaître : — Le monstre bleu de Gozzi. Remarquable est la bizarre affection de Hugo (et — par conséquent — de ses imitateurs) pour cette situation, assez rare en somme. Chacun des 10 drames du vieux Romantique nous la montre : en 2 (Hernani et Torquemada) elle figure, d’une façon accessoire à la XVIIe (Imprudence), fatale au héros aussi ; dans 4 (Marion Delorme, Angelo, La Esmeralda, Ruy Blas), ce fait de frapper involontairement qui l’on aime forme toute l’action et fournit les meilleurs épisodes ; et aux 4 autres (le Roi s’amuse, Marie Tudor, Lucrèce Borgia, les Burgraves), elle sert, en plus, de dénouement. Il semble, en vérité, que pour Hugo le drame ait consisté en cela : être la cause involontaire, soit directe, soit indirecte, de la mort de qui l’on aime ; et dans l’ouvrage où il a accumulé le plus de coups de théâtre, dans Lucrèce Borgia, nous voyons revenir jusqu’à cinq fois la même situation : dès la 1re partie du 1er acte, Gennaro « laisse insulter sa mère inconnue » ; à la 2e partie, il « l’insulte lui-même sans la savoir sa mère » ; au IIe acte, elle « demande et obtient sans le savoir la mort de son propre fils », puis n’a plus comme ressource que de « l’exécuter elle-même », et, toujours inconnue, « est insultée encore par lui » ; au IIIe acte enfin, elle « empoisonne son fils sans le vouloir » et « inconnue, est insultée, menacée, puis tuée par lui ». Notez maintenant que Shakespeare, dont l’Opinion actuelle s’entête à confondre l’art avec celui de 1830, son opposé (ensemble d’ailleurs, elle jette pêle-mêle sous la même rubrique la Bible, les Nibelungen, l’Orientalisme des tapis turcs, l’Inde brahmanique, les Japoneries et l’Architecture Ogivale), — Shakespeare, dis-je, n’a pas une seule fois employé cette donnée XIX, tout accidentelle et sans aucun rapport avec ses fortes études de Volontés. XX e SITUATION Se sacrifier à l’Idéal
(Le Héros — l’Idéal — le « Créancier » ou la Partie sacrifiée)
Les quatre thèmes de l’Immolation, dont voici le premier,
amènent devant nous trois cortèges : les Dieux (XXe et XXIIIe), les Proches (XXIe et XXIIIe), les Désirs (XXIIe). Des luttes qui vont se livrer, le champ ne sera plus le monde visible, mais une Ame. Aucun de ces quatre sujets n’est plus fier que notre donnée Vingtième : tout pour l’idéal ! Que celui-ci soit (n’importe) politique ou religieux, qu’on l’appelle honneur ou piété domestique, il exige le sacrifice de tous liens : intérêt, vie, passion, — bien mieux, idéal même, sous telle autre forme voisine, pour peu qu’elle paraisse entachée du moindre encore que du plus sublime égotisme ! Telle est la loi. A 1 — Sacrifier sa vie à sa parole : — Les Régulus de Pradon et de Métastase et la fin d’Hernani ; (Carthage et don Ruy Gomez sont les « Créanciers »). N’est-il pas étonnant qu’un plus grand nombre d’exemples ne s’offre pas aussitôt à nous ? Cette fatalité, — œuvre de la victime elle-même et dont la victoire n’est que celle du vaincu volontaire, grande comme la conception stoïcienne du monde, — n’était-elle pas digne d’illuminer la scène par ses holocaustes ? Rien n’obligeait, cependant, à choisir un héros presque trop parfait peut-être, comme Régulus, — puisqu’il n’est pas jusqu’à nos fautes qui ne paraissent courir, comme douées d’une volonté propre et trahissant la nôtre, à un suicide analogue. 2 — Sacrifier sa vie au succès des siens : — Les Femmes de chambre d’Eschyle, Protésilas d’Euripide, Thémistocle de Métastase. Ex. fragm. : partie des Iphigénies à Aulis d’Euripide et de Racine. Ex. histor. : Codrus, Curtius, la Tour d’Auvergne. — Au bonheur des siens : — Le Christ souffrant de Saint Grégoire de Nazianze. 3 — Sacrifier sa vie à la piété familiale : — Les Phéniciennes d’Eschyle, les Antigones de Sophocle, d’Euripide et d’Alfieri. 4 — Sacrifier sa vie à sa foi : — Le Prince constant de Calderon, Luther de Werner. Ex. ord. : tous les martyrs, religieux et missionnaires, savants et philosophes. Ex. roman. : L’Œuvre de Zola. B 1 — Sacrifier, avec sa vie, son amour à sa foi : — Polyeucte. Roman (sacrifier, avec son avenir, sa famille à sa foi) : l’Évangéliste. 2 — Sacrifier, avec sa vie, son amour à sa cause : — Les Fils de Jahel (Mme Armand, 1886). 3 — Sacrifier son amour à l’intérêt d’état : — C’est le motif cornélien : Othon, Sertorius, Sophonisbe, Pulchérie, Tite et Bérénice. Ajoutez-y la Bérénice de Racine et la Sophonisbe d’Alfieri, celle de Mairet, puis Achille à Scyros de Métastase, ainsi que sa Didon et les Troyens de Berlioz (la meilleure tragédie de ce siècle). Le « Créancier », dans cette sous-nuance, reste abstrait, se confond avec l’Idéal et le Héros ; les « Parties sacrifiées », au contraire, deviennent visibles : ce sont Plautine, Viriate, Syphax et Massinisse, Bérénice, Déidamie. C — Sacrifier l’idéal « honneur » à l’idéal « foi » : — Deux exemples léonins, mais qui n’ont pas atteint le succès pour des raisons secondaires (à cause de la faiblesse du tympan public, incapable de saisir une harmonie aussi élevée sur les gammes des sentiments) : Théodore de Corneille et la Vierge martyre de Massinger. Un peu le cas aussi du bon ermite Abraham dans Hroswitha. XXI e SITUATION Se sacrifier aux Proches
(Le Héros — le Proche — le « Créancier » ou la Partie
sacrifiée)
A 1 — Sacrifier sa vie à celle d’un parent ou d’un aimé : —
Les Alcestes de Sophocle, d’Euripide, de Buchanan, de Hardy, de Racine (projet), de Quinault, de Lagrange-Chancel, de Boissy, de Coypel, de Sainte-Foix, de Dorat, de Glück, d’H. Lucas, de Vauzelles, etc. 2 — Sacrifier sa vie au bonheur d’un parent ou d’un aimé : — L’Ancien de Richepin (1889) ; deux œuvres symétriques : Smilis (Aicard, 1884 ; le mari se sacrifie), et le Divorce de Sarah Moore (MM. Rozier, Paton et (dit-on) A. Dumas fils, 1885 ; la femme se sacrifie). Ex. roman. analogues à ces deux drames : les Grandes Espérances de Dickens, la Joie de Vivre de Zola. Ex. banal : le travail d’un ouvrier verrier ou miroitier. B 1 — Sacrifier son ambition au bonheur d’un parent : — Les Frères Zemganno (Edm. de Goncourt, 1890) ; cela aboutit par conséquent à un dénouement inverse de celui de l’Œuvre. 2 — Sacrifier son ambition à la vie d’un parent : — Mme de Maintenon (Coppée, 1881). C — Sacrifier son amour à la vie d’un parent : — Diane d’Augier, Martyre (M. Dennery, 1886). D 1 — Sacrifier son honneur et sa vie à la vie d’un parent ou d’un aimé : — Le Petit Jacques. — Cas où l’aimé est coupable : la Charbonnière (M. Crémieux (1884), le Frère d’armes (M. Garaud, 1887), le Chien de garde (Richepin, 1889). — Même sacrifice, fait, cette fois à l’honneur d’un être aimé : Pierre Vaux (M. Jonathan, 1882). 2 — Sacrifier sa pudeur à la vie d’un proche ou d’un aimé (avec A 1, le cas le plus net et le plus beau) : — Mesure pour Mesure de Shakespeare, Andromaque d’Euripide et de Racine, Pertharite de Corneille ; la Tosca (M. Sardou, 1889). Ex. romanesque du dernier genre : le Huron de Voltaire. Ex. historique : en septembre 1793, Mlle de Sombreuil (sacrifice de la pudeur remplacé par celui d’une répugnance). XXII e SITUATION Tout sacrifier à la Passion
(L’Épris — l’Objet de la fatale passion — la Partie sacrifiée)
A 1 — Une passion détruisant le vœu de chasteté
religieuse : — Jocelyn (Godard, 1888). Roman : La Faute de l’abbé Mouret. Comédie : Dhourtta narttaka, et force fabliaux. 2 — Détruisant le vœu de pureté : — Tannhäuser. — Détruisant le respect pour le prêtre : — un côté de la Conquête de Plassans. 3 — Ruinant l’avenir : — Manon (M. Massenet, 1884), Sapho (Daudet, 1885). 4 — Ruinant la puissance : — Antoine et Cléopâtre de Shakespeare, Cléopâtre (M. Sardou, 1890). 5 — Ruinant la santé, l’intelligence et la vie : — la Glu (Richepin, 1883), l’Arlésienne (Daudet et Bizet). Roman (voir C) : le Possédé de Lemonnier. — Passion assouvie au prix de la vie : — Une nuit de Cléopâtre (Gautier et V. Massé, 1885). 6 — Ruinant les fortunes, les honneurs et les existences : — Nana (1881). B — Tentations (Voir XIIe) abolissant le sentiment du devoir, celui de la pitié, etc. — Salomé (Oscar Wilde, 1893). Roman : Hérodias et les assauts (repoussés) de la Tentation de saint Antoine. C 1 — Le vice érotique détruisant la vie, l’honneur, la fortune : — Germinie Lacerteux (de Goncourt, 1888), Rolande (Gramont, 1888). Roman : la Cousine Bette, le Capitaine Burle. 2 — Un vice quelconque faisant le même effet : — 30 ans ou la Vie d’un Joueur, l’Assommoir. Roman : l’Opium, de M. Bonnetain. Réalités : nos champs de courses, nos débits de vin, nos cafés, nos cercles, nos brasseries à femmes, etc. Peu de situations, on le voit, ont été traitées avec un aussi constant bonheur par notre siècle, aux lâchetés duquel la XXIIe offrait, en effet, un miroir très approprié, de par son amalgame érotico-saturnien, — en même temps que les plus intéressantes études de pathologie nerveuse. XXIII e SITUATION Devoir sacrifier les siens
(Le Héros — le Proche désigné — la Nécessité du sacrifice)
Symétrique aux trois que nous venons de voir, cette Situation
rappelle, par un côté, cette destruction du sens naturel qui fait les « Haines de proches » (XIIIe). A vrai dire, les sentiments que nous allons rencontrer chez le protagoniste seront d’une nature bien différente, mais, — de par l’intrusion de la Nécessité dans le drame, — le point de perspective où celui-ci va courir ne sera-t-il pas, exactement, le même ? A 1 — Devoir sacrifier sa fille à l’intérêt public : — Iphigénies d’Eschyle et de Sophocle, Iphigénies à Aulis d’Euripide et de Racine, Érechtée d’Euripide. 2 — Devoir la sacrifier par suite d’un serment à Dieu : — les Idoménées de Crébillon, de Lemierre, de Cienfuegos, les Jephtés de Buchanan, de Boyer. Cette nuance s’étend d’abord vers le XVIIe (Imprudence) ; mais les luttes psychologiques lui donnent bientôt un tour très divergent. 3 — Devoir sacrifier des êtres chers, des bienfaiteurs à sa foi : — Torquemada, Quatre-vingt-treize. Histoire : Philippe II ; Abraham et Isaac.
Les criminels dans l'art et la littérature: Les représentations artistiques et littéraires des serial killers, tueurs et assassins en série, psychopathes et autres criminels