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Nils Gauthey, 3GY3 Français Dissertation littéraire

Dissertation littéraire
Sujet
« Dans une œuvre littéraire, l’héroïne ou le héros est soit une victime, soit
un bourreau. »

Selon la pensée d’Héraclite, philosophe du V e siècle av J.-C., l’équilibre


de l’univers s’établit selon « l’harmonie des contraires ». Chaque élément,
chaque chose ou chaque personne est définit à partir de deux extrêmes qui
s’opposent. Pourtant, c’est à partir de cette forte opposition que s’établit un
équilibre harmonieux. Or, au travers des siècles, les écrivains français
exploitent cette « harmonie des contraires » pour en dégager un équilibre
littéraire.
D’ailleurs, certains auteurs français du XX ème siècle, tels que Romain
Gary, Jean Giraudoux ou Hervé Le Tellier exploite ces tensions pour
souligner l’harmonie présente entre les personnages. Dans leurs œuvres
respectives ; La Promesse de l’aube, Électre, L’anomalie, il semblerait que
l’héroïne ou le héros est soit une victime, soit un bourreau. Autrement dit, le
personnage principal est soit l’objet de souffrances, soit l’origine de
violences psychiques. Il s’agit de se demander si dans une œuvre littéraire,
l’héroïne ou le héros est soit la souffrance des agissements d’autrui, soit le
tourment inévitable d’autrui par des violences psychiques ou physiques.
Aussi, organiserons-nous notre réflexion de manière dialogique. Tout
d’abord, nous soulignerons la souffrance de la portée des actes de son
prochain pour l’héroïne ou le héros, puis nous étudierons l’état de crainte de
l’héroïne ou le héros et l’acharnement de son bourreau.

D’une part, l’héroïne ou le héros subit la portée des actes de son


prochain, ce qui le fait souffrir.
Certains héros semblent souffrir de la haine d’autrui. En effet, Le
Président supporte douloureusement les décisions radicales de son épouse.
Lorsque Agathe se déclare à son mari sa décision de passer dans le camp
d’Électre, Le Président est accablé par la soudaineté de son choix et implore
son pardon. Agathe, poussée par la haine, ne cède pas et laisse son époux

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dans un état de détresse. Slimboy, aussi victime de l’hostilité des autres,
subit les critiques de la société sur son homosexualité. Lors de la rencontre
des deux Slimboys, tous deux se comprennent mutuellement et « sourient
tristement … [d’] enfin ne pas devoir mentir, ne rien devoir cacher, n’avoir
honte de rien. ». Cette rencontre témoigne des critiques difficiles et du
sentiment de tristesse que Slimboy a dû affronter durant ses années de
mensonge.
Ensuite, le héros est soumis à des vexations injustes. Effectivement,
Romain Gary nous indique souvent son amertume face aux actions
exagérées de sa mère. Lorsque Romain s’essaye à la peinture et y trouve
joie et plaisir, Mina intervient brusquement pour mettre un terme à cette
activité, réprimant ainsi Romain ce qui le rend dégouté. Cette interdiction
injuste aux yeux de Romain contribue à renforcer son sentiment
d’écœurement. Également, Victor Miesel, victime de son statut d’écrivain
raté, souffre de profonds sentiments de vexation qui le conduiront à se
suicider. Lors de la présentation du personnage de Miesel, le lecteur apprend
qu’il « … n’a pas d’enfants. », que « sentimentalement, il vole d’échec en
échec […] et [qu’] il n’a jamais rencontré la femme… ». Injustement seul
dans sa vie, Miesel vit difficilement sa carrière de mauvais écrivain.
Ainsi, les souffrances de l’héros proviennent principalement des
agissements des autres. Sous forme de détresse, de tristesse ou encore de
vexation, cette affliction est bien difficile à endurer pour le héros.

D’autre part, l’héroïne ou le héros vainc toute résistance et contraint


d’autres à vivre dans un état de crainte.
En premier lieu, l’héroïne met tout en œuvre pour réussir. Visiblement,
Mina consacre entièrement son temps pour préparer et s’assurer de l’avenir
glorieux de son fils. Lors de l’enfance de Romain en Pologne, sa mère
s’assure de donner une éducation d’excellence à son fils en lui offrant des
professeurs de latin, de musique de chant ou encore de violon, sacrifiant ses
modestes revenus pour l’avenir de son fils. Cependant, sous l’effet de
l’humble amour pour sa mère, Romain est craintif à l’idée de décevoir celle
qui lui a tout donné. Terrifié à l’idée d’attrister une fois de plus sa mère,
Romain est sous pression face à sa mère qui a une foi absolue en lui. Par
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ailleurs, Électre est une combattante pour la justice équitable et vient
totalement à bout de tout ce qu’elle entreprend. En effet, lors de la scène
finale, les Euménides remettent en cause les actions d’Électre qui ont mené
à l’incendie de la cité d’Argos. Électre, bien peu soucieuse de la ville,
déclare « J’ai la justice. J’ai tout. », indiquant ainsi l’accomplissement de
son devoir. Malgré les obstacles qui l’empêchèrent de poursuivre son
chemin, Électre vaincu toute résistance et parvint à son but.
En deuxième lieu, l’héroïne oblige autrui à vivre dans la crainte.
Manifestement, Électre, bourreau d’Argos, provoque le sentiment de grande
crainte dans son entourage. Dans l’intégralité de la pièce de théâtre, le
personnage d’Électre inspire la terreur et en particulier sur les personnages
du Président, d’Égisthe et de Clytemnestre. Dans la scène sur les « femmes
à histoires », Le Président s’effraye de l’acharnement d’Électre et promeut
l’égoïsme et la facilité face à la menace d’Électre d’appliquer sa justice
équitable. De plus, peu après l’analogie de hérisson du Mendiant, il explique
« voi[re qu’Égisthe] vit avec la peur, la peur d’Électre. ». Enfin, pendant la
scène jouée par les petites Euménides, alors que Électre et Oreste dorment,
les sentiments de Clytemnestre sont révélés être la terreur. Aussi, Les
Euménides, imprévisibles et omniscientes, révèlent les véritables intentions
des personnages, ce qui les rends inquiétantes et dangereuses pour les autres
personnages. D’autant plus que par leur caractère surnaturel et leur
insolence cynique, elles représentent un véritable danger pour les autres
personnages.
Enfin, certains héros ou héroïnes s’acharnent et rendent inévitable le
dénouement de leurs actes. Cet acharnement fait d’eux des personnages
dangereux pour le bien-être des autres et ainsi inspirent la terreur.

Toutefois, certains héros ou héroïnes sont à la fois le martyr des actes


d’autrui et le tourmenteur de leur prochain.
Premièrement, Mina, victime d’elle-même, ne parvint pas à observer la
réalisation de son plus grand rêve, puisqu’elle vieillit et meurt sans avoir pu
contempler le consul général de France qu'est devenu son fils. En plus
d’avoir sacrifié toute sa vie et son énergie pour la destinée de son fils, Mina
souffre dans ses derniers instants de l’amertume de la fatalité de son destin.
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À contrario, Mina est aussi en quelque sorte le persécuteur de Romain Gary
puisqu’elle le contraint dans son enfance à étudier et travailler pour réaliser
son rêve. Sa mère fait abstraction des intérêts et envies de Romain et se
conduit comme tourmenteur de son fils malgré elle.
Deuxièmement, Blake est dénaturé par ses actions de tueur à gages. En
accomplissant son devoir de manière stricte et régulière, son caractère et son
comportement sont changés puisqu’il ira jusqu’à séquestrer et tuer son
propre soi-même par incompréhension de événements récents. Victime de
ses actions qui le rendent quelque peu fou, Blake est son propre martyr.
Néanmoins, Blake est également un tortionnaire puisqu’il tue sur commande
et sans pitié. Avec la froide cruauté qui le caractérise, Blake est un bourreau
au sens plein du terme. L’acharnement et la rigueur dont il fait preuve
témoigne en outre de son atrocité mais aussi de sa folie.
Troisièmement, Clytemnestre, victime de la haine d’Électre pour la mort
de son père, subit la méchanceté de sa fille. Par son désir de vengeance,
Électre oblige Clytemnestre à vivre dans la terreur. En souffrance face à
cette haine incessante, Clytemnestre écope durement des représailles
d’Électre. Cependant, il est aussi possible de considérer Clytemnestre
comme la meurtrière d’Électre, puisqu’elle est responsable de la mort de
l’être qui lui était le plus cher. Comme le décrit la scène d’introduction,
Électre, bien attristée par la mort de son père, souffre de sa disparition.

En somme, la distinction entre martyr et tortionnaire permet de mieux


cerner le rôle de chaque héros ou héroïne. D’une part, les contraintes
psychiques ou physique subies par la victime proviennent essentiellement
des agissements d’autrui. D’autre part, l’acharnement du bourreau et l’état
de grande crainte de la victime la font souffrir. Au début, nous avions
considéré le statut de chaque héros ou héroïne comme unique, mais il
semblerait que certains personnages particuliers recèlent des composantes
intrigantes par leur statut à la fois de bourreau et de victime.
Héraclite nous suggérait une pensée établie sur les contraires, les
extrêmes et son confrère philosophe Socrate parlait plutôt de juste-milieu.
Alors, si une victime est un être innocent, impuissant et pitoyable et un
bourreau, un personnage dévalorisant, cruel et menaçant, la question de
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l’élément neutre de Socrate surgit également dans notre schéma. Christel
Petitcollin, une autrice française, nous suggère de considérer le personnage
du sauveur, un personnage « généreux, altruiste, protecteur et
culpabilisant ».

Bibliographie
GARY, Romain. La Promesse de l’aube, coll. Folio, Gallimard, Paris, 1980.
GIRAUDOUX, Jean. Électre, coll. Folio Théâtre, Gallimard, Paris, 1937.
LE TELLIER, Hervé. L’anomalie, coll. Folio, Gallimard, Paris, 2020.

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