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Mars 2015 - Volume 31 - n°1

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Des sols durables


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1
Édité par : Administration : Edition chinoise
IED Afrique Maïmouna Dieng Lagnane, CBIK, 3rd Floor, Building A
24, Sacré Coeur III – Dakar Zhonghuandasha, Yanjiadi, Kunming
Traduction : Bougouma Mbaye Fall Yunnan. E-mail : renjian@cbik.sc.cn
BP : 5579 Dakar-Fann, Sénégal
et Ousmane Traoré Diagne
Téléphone : +221 33 867 10 58 Édition espagnole
Fax : +221 33 867 10 59 Conception graphique - Impression : La revista de agro-ecologia
E-mail : agridape@iedafrique.org Imprimeries Graphi plus Association ETC Andes, AP.18-0745,
Agriculture durable à faibles apports externes Tél. : +221 33 869 10 16
Site Web : www.iedafrique.org Lima 18, Pérou
N°31 volume 1 - Février 2015
AGRIDAPE est l’édition régionale Edition Internationale E-mail : base-leisa@etcandes.com.pe
Coordonnateur : Souleymane Cissé
Afrique francophone des magazines
LEISA co-publiée par ILEIA et IED Afrique Farming Matters Édition indienne
Comité éditorial : Bara Guèye,
ISSN n°0851-7932 IPO Box 90 LEISA India
Mamadou Fall, Mamadou Diop,
6700 AB Wageningen AME Foundation , PO Box 7836, Bangalore
Cheikh Tidiane Sall, Lancelot
The Netherlands. 560 085, Inde
Soumelong-ehode, Souleymane Tel: +31 (0) 317760010 E-mail : amebang@giasbg01.vsnl.net.in
Cissé, Cheikh Tidiane Wade Fax: +31 (0) 334632410
E: ileia@ileia.org

6 Restaurer nos sols en tirant les


SOMMAIRE leçons de l’histoire
Roland Bunch
4 Editorial : Des sols sains et durables pour des exploitations fami-
liales résilientes ! Selon Roland Bunch, la restauration des sols peut être la
base d’un développement durable. Il nous invite à revisiter
6 Restaurer nos sols en tirant les leçons de l’histoire l’histoire pour comprendre que ces approches ont depuis
Roland Bunch longtemps existé et qu’aujourd’hui, l’histoire des sols a aidé à
discréditer trois mythes qui stipulaient que les sols productifs
9 Du brûlis au paillis : les arbustes re-visités vont inévitablement se détériorer au fil du temps, que les
sols doivent être labourés pour rester friables et productifs
Georges Félix
et que les agriculteurs modernes doivent se consacrer à la
monoculture.
12 Innover pour restaurer les sols de la région des hautes terres de
D’après Brunch, en 35 ans d’apprentissage approfondi, nous
2 l’Ouest Cameroun !
Félix Meutchieye
sommes retourné sur les lieux où l’humanité est née il y a de
cela des milliers d’années.

14 La dégradation des terres au Sénégal : la réponse à partir des Arbres


Fertilitaires
Mansour Ndiaye
UN RÉSEAU, UNE DYNAMIQUE !
AgriCultureS est un réseau de diffusion et d’échange d’informations
16 L’histoire d’une démarche participative pour la vulgarisation de la sur des approches agricoles respectueuses de l’environnement et
adaptées aux réalités agroécologiques et sociales. Ce nom marque
technique du compostage au Burkina Faso
bien le fait que l’agriculture n’est pas juste un secteur économique de
Jean Yves Clavreul spéculation ou un ensemble de paquets technologiques, mais qu’elle
comporte une dimension culturelle intrinsèque dont la diversité est
18 Mali : Les vidéos pour inciter les agriculteurs à l’expérimentation à valoriser et à protéger. Le réseau réunit sept éditions régionales,
dans la lutte contre les Strigas dont AGRIDAPE, représentant tous les continents. Ces éditions sont
regroupées autour d’un secrétariat international pour renforcer la
Jeffery Bentley et Paul Van Mele
promotion de l’agriculture durable comme réponse au défi alimentaire
mondial. AgriCultureS dispose également d’une base de données
20 Bénin : Intégration Agriculture et Elevage (SIAE) endogènes pour spécialisée et d’un site Internet interactif qui permet d’accéder à de
favoriser la fertilité des sols nombreuses informations et d’échanger sur le développement de
Ben-Vital Kpanou, Houinsou Dedehouanou, Ivan Koura, Sofwaan Bakary, Frédéric l’agriculture durable dans le monde.
Houndonougbo et Pascal Houngnandan Le Programme sur l’Agriculture Durable à Faibles Apports Externes
(AGRIDAPE) couvre l’Afrique francophone. Lancé en 2003, son objectif
est de promouvoir les bonnes pratiques en matière d’agriculture
22 Le Biochar : un charbon biologique adaptés aux sols tropicaux
écologique durable. Il s’appuie sur la production d’un magazine
acides
trimestriel tiré à 3500 exemplaires distribués dans 55 pays, la mise
Luc Gérard Onana Onana en réseau des acteurs de l’agriculture durable au niveau national et le
renforcement des capacités en capitalisation des expériences.
25 Contribution des déjections de chenilles de Karité (Citrina butyros- AGRIDAPE est porté par Innovation, Environnement et Développement
permi) à la gestion de la fertilité des sols en Afrique (IED Afrique) dont la vision est que le développement
Kalifa Coulibaly, Alain P.K Gomgnimbou, Bernard Bacyé, Hassan B. Nacro, Michel durable doit nécessairement s’appuyer sur le renforcement des
P. Sédogo capacités des catégories les plus vulnérables et l’établissement de
relations équitables entre les différents acteurs de façon à permettre
leur réelle participation à l’amélioration des conditions de vie et du
27 Sites web bien-être des populations. Ainsi, IED Afrique fait la promotion des
approches participatives à travers la recherche-action, l’analyse
28 Bibliographie des politiques, la mise en réseau, la formation, la production et la
diffusion d’informations en Afrique francophone pour atteindre
29 AGRIDAPE infos le développement durable. Et, dans ce cadre, elle propose, aux
partenaires, différents supports accessibles à travers son site internet
(www.iedafrique.org ).
Édition brésilienne Agriculturas, Pour vous abonner, veuillez écrire à La rédaction a mis le plus grand soin à s’assurer
experiencias em agroecologia agridape@iedafrique.org que le contenu de la présente revue est aussi

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AS-PTA, Rio de Janero, RJ Brésil 20091-020 exact que possible. Mais, en dernier ressort,

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E-mail : paulo@aspta.org.br Financement AGRIDAPE seuls les auteurs sont responsables du contenu

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- n°1
Mars 2015 - Volume 31
Ce numéro a été réalisé avec l’appui de de chaque article.

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Sites Web ILEIA. Les opinions exprimées dans cette revue

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http://www.iedafrique.org/agridape.html n’engagent que leurs auteurs.
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http://www.agriculturesnetwork.org Photo de couverture :


La rédaction encourage les lecteurs à
Femme agricultrice labourant son champ
photocopier et à faire circuler ces articles. Vous
Abonnements en Tanzanie
voudrez bien cependant citer l’auteur et la
AGRIDAPE est une revue gratuite, sur source et nous envoyer un exemplaire de votre
demande, pour les organisations et per- Source :
publication.
sonnes du sud. Pour les organisations in- PRISE Climate
ternationales, l’abonnement est de 45 USD
(45 euro) et pour les autres institutions du
nord, le tarif est de 25 USD (28 euro) par an.
Des sols durables
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29 Point de vue d’un agronome pour 10-12-


14
14:49

une gestion durable des sols en


Afrique de l’Ouest.
Patrick Dugué

En Afrique de l’Ouest, la dégradation des terres constitue un


phénomène très récurrent depuis longtemps, les paysans ont
tout le temps développé des approches de GDT pour assurer une
production agricole principale sources de revenus des ménages
ruraux. Patrick Dugué nous propose une analyse historique de
ces approches.

9 Du brûlis au paillis : les arbustes 3


re-visités
Georges Félix
Chères lectrices, chers lecteurs,
Dans les régions agricoles semi-arides d’Afrique de l’Ouest, la
terre devient plus rare et les agriculteurs ne sont pas en mesure
de laisser leurs sols se reposer suffisamment.
Les sols assurent des fonctions essentielles, ils sont
Au Burkina Faso, certains agriculteurs ont trouvé des moyens de non seulement le support de l'agriculture, l’élevage
restaurer leurs sols grâce à ce qu’ils appellent la « culture sur paillis et des forêts. Mais aussi, ils fournissent de l'eau,
». Avec l’appui l’appui de PATECORE, un projet de développement permettent le captage du dioxyde de carbone de
qui a financé la mise en place de mesures de conservation des l'atmosphère, en plus de nombreux autres services
sols, Idrissa un agriculteur vivant à Yilou, un village du Plateau
écosystémiques.
Central du Burkina Faso, pratique la régénération naturelle du pied
de chameau (Piliostigma reticulatum) comme paillis pour limiter Cette ressource stratégique est aujourd’hui affectée
les perte en eau et améliorer la fertilité des sols. par une dégradation causée d’une part par l’action
L’expérience d’Idrissa s’est répandu dans la région et les paysans de l’Homme, et d’autres parts par les effets du
ont pris conscience que le paillage des sols avec des branches changement climatique et de la sécheresse.
d’arbustes natifs et la régénération de la végétation locale Pourtant des solutions innovantes sont mises à
constituent deux des moyens pratiques pour reconstituer la profit pour renforcer la santé des sols et assurer la
matière organique perdue du sol et pouvoir continuer à pratiquer sécurité alimentaire des peuples et de leur bétail.
l’agriculture. De son côté, le recherche explore de nouvelles
sources de matière organique plus durables et plus
préservatrices de la qualité des sols.
Pour célébrer l’Année Internationale des Sols
(AIS2015), AGRIDAPE porte un regard particulier sur
les innovations et approches de gestions durables
des sols mises en œuvre par les agriculteurs
familiaux. Il s’intéresse particulièrement sur
comment l’agriculture de conservation et
l’agroécologie peuvent répondre au double défis de
préservation de la santé des sols tout en assurant la
sécurité alimentaire des communautés paysannes.
Bonne lecture
ÉDITORIAL

Des sols sains et durables pour des exploitations


familiales résilientes!

Photo : PRISE Climate


Travail du sol

L
’année 2015 a été déclarée par la Actuellement, avec l’accroissement démo- pour favoriser une transition vers des sols
68ième Assemblée générale des Na- graphique dans les différentes régions du sains et durables ? Quelles leçons peut-on
tions Unies, Année Internationale des monde, notamment dans les zones semi- tirer des succès et des échecs de ces dif-
Sols. L’objectif est de sensibiliser pleine- arides, plus particulièrement dans les pays férents processus ? Diverses interrogations
ment sur les rôles fondamentaux des sols du Sahel, mais aussi avec les effets du que l’on se pose en cette AIS2015 pour ali-
pour la vie humaine et promouvoir des changement climatique, on assiste à une menter la réflexion sur la santé de nos sols.
politiques et des pratiques efficaces afin surexploitation et une forte dégradation
d’assurer une gestion et une protection du- des terres agricoles. Ceci, a conduit à une Questionner l’histoire !
rables des ressources en sols. Il s’agit donc baisse de la productivité des exploitations
d’un moment idéal pour nous de porter agricoles familiales et précipité l’abandon Depuis toujours, les agriculteurs ont dis-
un regard particulier sur cette ressource, d’un grand nombre de pratiques préserva- posé d’un savoir faire et de connaissances
tant essentielle à l’agro-écologie et à l’agri- trices des sols. endogènes pour maintenir leurs sols fer-
culture familiale de manière générale. tiles. En effet, des pratiques telles que la
Quelles sont les causes réelles de la dégra- jachère pour laisser reposer leurs terres, la
Selon la Convention des Nations Unies dation des terres agricoles ? Quelles inno- rotation des cultures sans oublier les ap-
pour la Lutte contre la Désertification vations et stratégies sont mises en œuvre proches de conservation des sols et des
(UNCCD), les terres agricoles représentent par les agriculteurs familiaux pour gérer la eaux, ainsi que l’agroforesterie et l’agro-
un dixième de la surface terrestre de notre matière organique et améliorer la vie des écologie, ont longtemps existé.
planète. Cette ressource assure de manière sols ? Quels sont les problèmes qu’ils ren-
directe la survie de plus de trois milliards contrent et quels avantages en tirent-ils ? Dans ce numéro, Roland Bunch, nous invite
de personnes vivant en zone rurale dans Quelles sont les solutions proposées par à revisiter l’histoire pour comprendre que
les pays en développement. les chercheurs et les décideurs politiques ces approches ont depuis longtemps existé
et qu’aujourd’hui, l’histoire des sols a aidé de fournir de la matière organique, aide à ploitation des terres induites par l’accrois-
à discréditer trois mythes qui stipulaient lutter contre la gale dactyloforme du chou, sement de la population dans toutes les
que les sols productifs vont inévitable- ainsi que le potentiel du crottin de cobaye. régions du monde.
ment se détériorer au fil du temps, que Au burkina Faso, du fait que les jachères Selon l’IFPRI, d’ici 2020, cette situation
les sols doivent être labourés pour rester deviennent de plus en plus courtes ou sou- des sols pourrait constituer une grave
friables et productifs et que les agriculteurs vent même abandonnées, certains agricul- menace mettant en danger la production
modernes doivent se consacrer à la mono- teurs ont trouvé des moyens de restaurer alimentaire et les moyens d’existence des
culture. leurs sols grâce à ce qu’ils appellent la ménages ruraux, notamment dans les
Il explique comment l’Agriculture de « culture sur paillis » à l’aide de la régé- régions peuplées et pauvres densément
Conservation (AC), en 35 ans, a transformé nération naturelle des jeunes pousses de peuplées.
l’agriculture pour 3 millions d’agriculteurs Piliostigma reticulatum communément Des approches de gestion durables des
sur 30 millions d’hectares au Brésil et au appelé « pieds de chameau ». Cet arbuste terres sont mises en œuvre par les petits
Paraguay et s’est qui ensuite propagée à remplit ainsi plusieurs fonctions allant de exploitants de manière cloisonnée. Pour-
30 autres pays. la fertilisation à l’alimentation du bétail, tant, elles ont donné des résultats intéres-
Dans le même sens, Patrick Dugué par- sans oublier la limitation de l’évapotrans- sants. L’agroécolgie par exemple constitue
tage son point de vue d’agronome sur la piration pour conserver l’eau du sol. une réponse pertinente à la perte des
gestion durable des terres en faisant l’his- Cependant, force est de constater que la sols et au défi d’une production agricole
torique des pratique de la GDT en Afrique capitalisation et la diffusion de ces tech- durable.
de l’Ouest, jusqu’à l’émergence du mou- niques font encore défaut. Pourtant les ap- Il est donc nécessaire de favoriser l’expé-
vement en faveur de l’agro-écologie. Il a proches participatives peuvent faciliter le rimentation des savoirs paysans et la col-
revisité d’anciennes pratiques comme les transfert de technologies. De plus des ou- laboration des chercheurs et les commu-
terrasses en pierres, la jachère pâturée tils puissants de communication existent, nautés paysannes pour ainsi trouver des
en rotation avec les céréales et l’arachide, on peut citer l’exemple de la vidéo pour solutions inclusives.
les associations sorgho-niébé et les parcs inciter le changement de comportement
arborés à Faidherbia Albida (balanzan, en diffusant les bonnes pratiques. L’ICRISAT Il n’existe pas de réponses toutes faites
kadd ou gao en langues vernaculaires), a utilisé cette approche à travers la pro- mais bien des combinaisons de pratiques
Vitellaria paradoxa (karité) ou Proposopis duction d’une série de dix vidéos sous le et d’actions en faveur de la promotion de
africana. thème « Lutte contre Striga et amélioration pratiques et d’approches de production
de la fertilité des sols » pour encourager la conservatrices de la santé des sols.
Il considère qu’il n’existe pas de technique
« passe-partout » et idéale et qu’il faudrait pratique de certaines techniques de GDT Ce numéro 31.1 d’AGRIDAPE, en cette An-
une combinaison de techniques de gestion
de la fertilité des terres en fonction du
telles que le compostage pour lutter contre
la Striga et fertiliser les sols.
née Internationale des Sols, présente des
expériences innovantes de renforcement
de la fertilité des sols, il partage aussi l’avis
5
type de sol, de leurs contraintes majeures
et aussi en fonction des objectifs et des Des sources alternatives de de professionnels sur les causes et les
producteurs. La complémentarité entre les fumure organique solutions à entreprendre face à la dégra-
techniques de GDT est évidente que l’on dation des sols.
raisonne à l’échelle d’une parcelle ou de Au Cameroun, la recherche sur des amen-
l’exploitation. Il plaide pour une transition dements de matière organique montre
agro-écologique par la mise à l’échelle de que le biochar, un charbon d’origine végé-
ces pratiques qui jusque là reste difficile tale obtenu par pyrolyse de biomasse des
avec la pression foncière et l’inadéquation matières organiques d’origine diverse,
des textes qui ne prennent pas en comptes donne des résultats intéressants sur la fer-
ces approches. tilité des sols tropicaux confrontés à une
forte dégradation. De même au Burkina
Faso où les déjections chenilles de Karité
Innover pour exister sont explorées pour la fertilisation des sols.
L’innovation constitue un important fac- L’analyse de la performance des Systèmes
Visitez
teur de l’adaptation et du développement
de l’agriculture familiale dans les pays du
Intégration Agriculture et Elevage (SIAE)
endogènes entreprise au Bénin, a per- la page web
Sahel. Maintenir les sols fertiles et produc-
tifs a toujours était donc un défi pour les
mis de voir le potentiel de l’association
des cultures à l’élevage pour en tirer de de AGRIDAPE
agriculteurs familiaux. A ce titre, ils n’ont la fumure organique et que les agricul-
jamais manqué d’ingéniosité pour faire teurs sont convaincus que les déjections http//www.iedafrique.org/
face à dégradation des sols. Ce numéro animales renforcent la fertilité par l’apport agridape.html
d’AGRIDAPE a tenté de partage quelques des microorganismes qui créent un envi-
innovations mis en œuvre pas les com- ronnement plus adéquat au développe-
munautés paysannes mais aussi par la ment harmonieux des cultures.
recherches et les ONG.
De génération à génération, des réponses Conclusion
innovantes ont été mises en place. C’est
le cas au Cameroun où le compostage des Les sols jouent de multiples fonctions es-
ordures ménagères a permis non seule- sentielles à la survie des peuples, ils consti-
ment de générer de la matière organique tuent le socle de l’alimentation humaine et
essentielle aux cultures maraichères, mais animale. Et de nos jours, les agriculteurs
aussi une meilleure gestion des ordures au familiaux dont la survie dépend fortement,
sein des quartiers. D’autres approches de font face à une crise des sols arables.
production de matière organique sont ex- Cette situation résulte de l’effet des mau-
périmentées à petite échelle dans ce pays, vaises pratiques agricoles combinés à ceux
il s’agit des déjections de porc qui en plus du changement climatique et de la surex-
Restaurer nos sols en tirant les leçons de
l’histoire

Roland Bunch

La plupart des idées que nous avons


sur les sols ne tiennent pas compte
des millions d’années passées avant
que l’humanité a commencé à
pratiquer l’agriculture. Mais ce qui s’est
passé durant les 99 % de l’histoire
d’un sol renferme de très importants
enseignements. Donc, célébrons l’Année
internationale des sols en observant ce
que cette histoire peut dire – et tirons
parti de ces enseignements pour l’avenir.

D
ans la zone tropicale, la mise en

6 jachère a conservé la fertilité des


sols des cultivateurs pendant des
milliers d’année s en leur fournissant 70 à
95 % de leurs matières organiques. Mais
aujourd’hui, comme la plupart des petits
exploitants agricoles possèdent moins de
2 hectares de terres, ceci en grande partie
à cause de la croissance démographique,
la mise en jachère est en train de vivre ses
derniers jours. Par conséquent, les pays
en développement subissent une grave
crise en ce qui concerne les matières orga-
niques.
La crise des matières organiques du sol
constitue une contrainte majeure à la
production agricole, en effet, les sols se
détériorent et s’épuisent, ainsi leur fertilité
devient le premier facteur limitant pour
les petits exploitants agricoles du monde
et que la restauration des sols relève d’une
« technologie fondamentale ».
Photo : Roland Bunch

Par exemple, si un(e) agriculteur (trice)


adopte une nouvelle variété de manioc,
cela peut améliorer sa production de
manioc, mais ne lui apportera presque
rien pour sa production en maïs, hari-
cot, légumes ou sa production animale.
Par contre, si l’agriculteur (trice) réussit
Utilisation de fumure organique
à améliore ses sols, cela aura aussi un
impact majeur sur toute autre chose. Les
technologies fondamentales comme la Trois mythes que les sols productifs vont inévitablement
restauration des sols peuvent ainsi être se détériorer au fil du temps. Par exemple,
la base d’un développement durable et à L’étude de l’histoire des sols discréditera dans toutes les expériences à long terme
long terme de toute une exploitation agri- trois mythes généralement répandus sur la menées en Afrique, même celles qui font
cole. restauration des sols. Le premier mythe est appel aux engrais chimiques, une baisse
"La restauration retournera encore aux paillis. Par contre,
seulement 10 % du phosphore chimique
épandu sur les sols est utilisé la première
Les rendements croissants de l’Agricul-
ture de Conservation montrent aussi que

des sols peut année, près de 5 % la deuxième année, et


nous n’avons pas besoin de recourir aux
engrais chimiques subventionnés – ces
être la base d’un encore moins chaque année par la suite. subventions sont extrêmement coûteuses.
Ainsi, avec un paillis respectueux de la L’actuel président de la Zambie m’a dit
développement biodiversité, chaque atome de phosphore qu’avec ce que l’État a dépensé en sub-
durable et à long peut produire 15 fois plus de biomasse que ventions sur les engrais ces dernières an-
ce qui est possible avec un fertilisant. nées, ils auraient pu construire une école
terme de toute dans tous les villages à travers le pays. En
une exploitation Un mouvement qui a trans- outre, les engrais bon marché réduisent

agricole. formé l’agriculture les incitations aux agriculteurs à produire


de la biomasse qui améliorera leurs sols
Fait intéressant, et pas du tout par hasard,

"
dans le long terme. Cela veut dire que tout
trois de ces enseignements tirés de l’his- cet argent gaspillé non seulement ne peut
toire correspondent à trois principes du résoudre le problème principal et fonda-
mouvement de l’Agriculture de Conserva- mental de l’épuisement des sols, mais au
de la fertilité a été constatée. Cette perte tion qui a vu le jour au Brésil au début des contraire, il l’aggrave.
de la fertilité correspond à une diminution années 80. Ces derniers sont : (i) labourer
des niveaux de matières organiques des le sol le moins possible, (ii) maintenir le
sols et de la disponibilité des nutriments
Les légumineuses comme
sol couvert, et (iii) préserver la biodiversi-
qui en résulte. Mais les forêts humides té. En 35 ans, ce mouvement a transformé
engrais vert ou culture de
tropicales partout dans le monde, en l’agriculture pour 3 millions d’agriculteurs couverture
conservant la teneur des sols en matières sur 30 millions d’hectares au Brésil et au Les fumiers vert ou cultures de couver-
organiques, ont préservé de façon impres- Paraguay, et s’est propagé à 30 autres ture sont essentiels. On dit souvent que
sionnante de hauts niveaux de producti- pays. Les rendements des agriculteurs ont la nature ne peut produire que quelques
vité de la biomasse pendant des millions doublé, voire triplé, atteignant jusqu’à 8 centimètres de couche de terre arable en
d’années, sans fertilisants et souvent sur tonnes de maïs par hectare. Entre 1992 100 ans, mais l’expérience dans beaucoup

7
des sols très infertiles. et 2012, le même litre de carburant diesel de pays a montré que les agriculteurs qui
La deuxième croyance répandue qui va a pu produire sept fois plus de céréales. utilisent les fumiers verts ou les cultures
disparaître est que les sols doivent être Sur une période de 22 ans, l’Agriculture de de couverture peuvent produire un centi-
labourés pour rester friables et productifs. Conservation a eu des effets sur les sols mètre de couche de terre arable toutes les
Les sols des forêts tropicales n’ont jamais qui se sont traduits par des teneurs plus trois ou quatre années. En fait, en utilisant
été labourés ; pourtant après des millions élevées de matières organiques et d’azote, des légumineuses comestibles, la valeur
d’années, ils sont de loin plus friables et de phosphore, de potassium, de calcium et de la céréale dépasse les coûts de produc-
naturellement productifs que la plupart de magnésium disponibles et une acidité tion, ainsi le coût net de la restauration du
des terres agricoles. En fait, les familles moins élevée. Pendant ce temps, le niveau sol au fil de décennies est en réalité néga-
d’agriculteurs qui transforment les terres d’utilisation d’engrais chimiques azotés par tif. Les engrais chimiques ne seront jamais
forestières les labourent rarement durant hectare a baissé. Dans les expérimenta- compétitifs avec ce prix ! Mais les engrais
la première année. Faire cela serait « la- tions de longue durée, l’Agriculture de peuvent être un complément au fumier
bourer la mer », comme Simón Bolívar a Conservation a généré une augmentation vert ou aux cultures de couverture. Quand
une fois fait la remarque. Il est rare que de 64 % en carbone organique dans les les sols des petits exploitants atteignent
nous ayons à labourer une terre avant de 10 premiers centimètres de sol. Il va sans une productivité d’environ 3 tonnes par
l’avoir au préalable dégradée. dire que notre planète a désespérément
encore besoin de tels succès.
Le troisième mythe consiste à croire que
les agriculteurs modernes doivent se
consacrer à la monoculture. Mais les forêts
tropicaux conservent la biodiversité et aug-
"Le président
mentent ainsi la qualité et la productivité zambien m’a une
des sols. Et l’affirmation souvent répétée fois dit qu’avec ce
qui dit que le phosphore va limiter la pro-
ductivité du fait que la perte en phosphore qu’ils dépensent
dans les récoltes céréalières s’explique par en subvention
de mauvaises études d’évaluation des
nutriments. Par ailleurs, les plantes culti- sur les engrais,
vées sur des paillis respectueux de la bio- ils pourraient
diversité seront directement alimentées
à partir de ces paillis, comme dans les construire une
forêts tropicales. Dans cette situation, une école dans chaque
grande partie du phosphore contenu dans
les cultures annuelles passe 1 à 8 mois village.

"
dans le paillis avant d’être absorbée par
les cultures, et après moins d’une année,
"Les
Les trois principes
de l’Agriculture de
Conservation
cultivateurs
1. Labourer le sol le moins possible.
qui utilisent les
Ce système est également appelé fumiers verts
culture sans labour, labour zéro ou
culture minimale. Cette pratique
ou cultures de
conserve la structure du sol, réduit les couvertures
dommages causés aux organismes du
sol, réduit les pertes dues à l’érosion, produisent un
les pertes en matières organiques et
en azote et permet de réaliser des
centimètre de
économies au niveau de la main- couche de terre
d’œuvre et des dépenses. D’autre
part, le désherbage en souffrira sans arable tous les
labourage, et les agriculteurs qui ont
recours à la traction animale peuvent
trois à quatre ans.

"
être amenés à commencer à utiliser
un nouveau matériel.
2. Maintenir le sol couvert.
Le paillage prévient l’érosion, fournit
une source de nutriments constante hectares, les fertilisants peuvent être uti- naires qui s’enfoncent profondément ; ils
et bien équilibrée, protège le sol du
lisés avantageusement. À ce niveau de conservent l’humidité dans le sol à travers
chaud soleil, réduit considérable-
ment les pertes en humidité du sol productivité des sols, l’engrais produit une de basses températures à la surface du sol
et contribue au désherbage. Le pro- plus grande incidence sur le rendement et réduisent la vitesse du vent et peuvent
avec des risques moindres. fournir du bois de chauffage et du four-
8
blème principal qui se pose au main-
tien de la couverture du sol pendant L’expérience à travers le monde montre rage. En outre, avec les changements cli-
toute l’année est que les résidus de matiques, les agriculteurs ne peuvent que
qu’il faut près de 20 à 25 tonnes par hec-
culture sont rarement suffisants. couper peu de branches de leurs arbres,
tare par an (poids vert) de biomasse légu-
3. Conserver la biodiversité et uti- mineuse pour conserver la fertilité des sols ainsi les cultures en dessous continueront
liser l’engrais vert/les cultures de dans la durée. En 40 ans, je n’ai jamais en- à bénéficier des températures ambiantes
couverture. de manière optimale. La mère-de-cacao
tendu qu’un petit exploitant agricole utilise
Dans le cadre de l’Agriculture de 20 tonnes de compost frais ou de fumier (Gliricidia sepium) et Faidherbia albida
Conservation, les agriculteurs uti- animal chaque année. La majorité des sont deux espèces très importantes dans
lisent la rotation des cultures et la ce système de production.
petits exploitants agricoles n’ont pas assez
culture intercalaire pour conserver la
d’animaux pour produire cette quantité de Il est intéressant de noter que l’Agriculture
biodiversité. Ces pratiques réduisent
les risques liés aux ravageurs et aux fumier et le compostage exige beaucoup de Conservation, écologiquement, est très
maladies, présentent un milieu favo- de main d’œuvre pour être rentable avec similaire à une activité consistant à pro-
rable aux micro-organismes du sol et la plupart des cultures vivrières. Mais des duire de la nourriture dans une forêt. En
utilisent l’eau et les nutriments dans dizaines de légumineuses peuvent pro- 35 ans d’apprentissage approfondi, nous
l’ensemble du profil du sol de manière duire le double, voire le triple, de cette sommes retourné sur les lieux où l’hu-
plus efficace. Les engrais verts et la quantité de biomasse. Les haricots d’Es- manité est née il y a de cela des milliers
culture de couverture sont une com- pagne (Phaseolus coccineu) et le mucuna d’années.
posante essentielle d’un tel système.
(Mucuna spp.) peuvent facilement pro-
Ils se définissent comme toute plante,
duire 70 tonnes par hectare par année, les
que ce soit un arbre, arbuste, vigne Roland Bunch
ou racine, qui fertilise le sol ou contri- doliques à œil noir (Dolichos lablab) et les Consultant indépendant
haricots jaquier (Canavalia ensiformis) 50 Auteur de Restoring the Soil, A Guide for Using Green
bue ou désherbage. Ils comprennent Manure/Cover Crops to Improve the Food Security of
les légumineuses à usage multiple et à 60 tonnes par année, tandis que les poix Smallholder Farmers (Winnipeg: Canadian Foodgrains
peuvent souvent fournir des aliments perdrix (Cajanus cajan), densément plan- Bank, 2012).
Email: rbunchw@gmail.com
riches en protéine pour la vente et la tés, peuvent produire environ 30 tonnes.
consommation. À la différence des
fumiers verts traditionnels, ils sont ra- Ombre dispersée
rement coupés au stade de floraison
et sont rarement enfouis par labour Certains agriculteurs ajoutent des arbres
dans le sol. Ils peuvent donc régler
le problème des mauvaises herbes
comme « ombre dispersée » à leur agri-
culture de conservation. L’ombre légère ré- Retrouvez
causé par le manque de travail du sol
et produire de la biomasse in situ afin
duit la chaleur excessive de la mi-journée AGRIDAPE sur notre
qui diminue la productivité des cultures
de maintenir le sol couvert.
dans les plaines tropicales. Les arbres sont
page Facebook
également extrêmement résistants à la IED AFRIQUE
sécheresse à cause de leurs systèmes raci-
Du brûlis au paillis : les arbustes re-visités

Georges Félix

Photo : F. Georges

Pied de Piliostigma reticulatum

I
drissa Ouédraogo vit à Yilou, un village
Dans les régions agricoles semi-arides d’Afrique de l’Ouest, les périodes de jachère
du Plateau Central du Burkina Faso, avec
sont de plus en plus courtes. Aussi, la terre devient plus rare, et les agriculteurs ne sont
sa femme Fatimata Sawadogo et leurs
pas en mesure de laisser leurs sols se reposer suffisamment. Cette situation conduit enfants Nafisatou et Félicité. Ils cultivent
à l’épuisement des matières organiques, menaçant et endommageant gravement la principalement le sorgho et le niébé, et
fertilité et la structure des sols. Dans les pires cas, les cultures arrêtent de pousser. élèvent aussi des poules, des moutons
Mais les agriculteurs familiaux ne restent pas sans rien faire. Au Burkina Faso, certains et des chèvres sur un terrain qu’Idrissa a
ont trouvé des moyens de restaurer leurs sols grâce à ce qu’ils appellent la « culture reçu en cadeau de la part d’un aîné il y a
sur paillis ». L’amélioration et la diffusion de ces techniques prouvent l’importance des quelques années. Le sol avait une croûte
partenariats entre les agriculteurs et les chercheurs dans l’élaboration de pratiques superficielle dure et était complètement
dégradé (appelé localement sol zippelé).
adaptées localement.
Rien ne poussait dessus, pas même de
l’herbe. Mais Idrissa a eu une idée. Il savait
qu’il devait ramener la végétation locale dement leurs terres au début de la saison Les solutions des agronomes
s’il voulait pratiquer l’agriculture vivrière. Il des pluies aux premiers jours du mois de
savait aussi de quel arbuste il avait besoin, juin, plantent à la mi-juin et espèrent des
complètent les connais-
le baagandé (Nguiguiss au Sénégal), ou pluies abondantes et mieux réparties sur la sances des agriculteurs
le pied de chameau (Piliostigma reticu- saison. Le travail réduit du sol et la diversification
latum). À côté des précieuses précipitations, la des cultures constituent des techniques
Idrissa a construit tout d’abord un cordon matière organique du sol est l’autre ingré- agronomiques qui, outre les cordons de
pierreux le long du périmètre de sa par- dient capital pour une agriculture pluviale pierres et les paillis, sont bien connues et
celle pour diminuer les eaux de ruisselle- productive. Fondamentalement, les préci- utilisées par les agriculteurs en Afrique de
ment. Il a réalisé ce travail avec l’appui de pitations doivent être en mesure de péné- l’Ouest. Les ONG de la région ont égale-
PATECORE, un projet de développement qui trer dans le sol et d’y rester pour que les ment favorisé l’agriculture de conserva-
a financé la mise en place de mesures de cultures puissent exploiter l’eau dans les tion, qui encourage un troisième principe :
conservation des sols par les agriculteurs semaines suivant la tombée de la pluie. Un la couverture permanente du sol. Les agro-
dans toute la région. Ensuite, les branches profil de sol riche en matière organique est nomes recommandent d’utiliser les résidus
du pied de chameau, y compris les feuilles plus en mesure de remplir ces deux fonc- des cultures comme paillis pour couvrir le
et les gousses, ont été découpées dans les tions. sol. Toutefois, les agriculteurs préfèrent
buissons environnants et ajoutées comme Comme les précipitations sont brèves et utiliser les résidus des cultures comme
paillis aux zones zippelées. Au bout de intenses (500 à 600 mm chaque année fourrage. Cela limite la quantité de rési-
quelques semaines, il a remarqué que les seulement en moyenne), il s’avère impor- dus disponibles comme paillis. Que faire
graines dans certaines gousses ont germé tant de limiter le ruissellement et d’aug- lorsque les familles paysannes doivent
et que le pied de chameau poussait de menter l’infiltration. En outre, plus le sol choisir entre nourrir leurs sols et nourrir
plus en plus sur le champ. Des mois plus est couvert, plus la pluie s’infiltre et moins leurs vaches ?
tard, Idrissa a permis au bétail de paître celle-ci s’évapore. Par ailleurs, la réduction C’est là que la propre expertise des agri-
sur la parcelle pendant la saison sèche. du ruissellement à l’aide de barrières phy- culteurs entre en jeu, comme dans le
Les animaux se nourrissaient des fruits de siques telles que les cordons pierreux et le cas d’Idrissa. Les familles paysannes ont
cet arbuste tout en laissant du fumier pré- paillis présente l’avantage supplémentaire trouvé leurs propres solutions novatrices.
cieux sur le champ. Lorsque les pluies ont de réduire l’érosion des sols et la perte de Les modifications pour compléter celles-ci
commencé, les semences, partiellement sédiments, une étape importante dans la et faire un meilleur usage de leurs res-
digérées par les animaux, ont germé à réhabilitation des terres dégradées. sources sont le fruit de la combinaison des
partir du fumier sur le champ, entamant connaissances techniques des agronomes
un processus de reverdissement des terres
10 dégradées. Intelligent ! Son travail durant
les premières années de cette expérimen-
et des connaissances empiriques des agri-
culteurs.
tation consistait à observer l’issue de cette Les agriculteurs de Yilou sont bien
technique et le comportement de la terre. conscients qu’ils ont besoin des résidus de
récolte pour le sol mais également pour
L’utilisation par Idrissa du pied de cha-

"Les
leur bétail. Cependant, ils ont trouvé un
meau, l’un des arbustes les plus abon- moyen de parvenir à un bon compromis.
dants dans le paysage, a en effet une Au lieu d’utiliser seulement les résidus de
valeur ajoutée. Non seulement l’arbuste
aide à restaurer le sol, mais il a aussi de familles cultures pour le paillis (dans ce cas pré-
cis des tiges de sorgho), les agriculteurs
nombreuses utilisations en tant que plante
polyvalente précieuse. L’écorce est utilisée
paysannes comme Idrissa coupent et ajoutent éga-
lement des branches d’arbustes natifs
pour faire des cordes, les feuilles comme ont trouvé comme le pied de chameau qui pousse
base ferment pour préparer la nourri-
ture, les gousses comme fourrage riche leurs propres dans le paysage environnant. Cette straté-
gie s’est avérée efficace pour maintenir la
pour les animaux et les branches comme
combustible pour la cuisine. Les familles
solutions fertilité du sol.
d’agriculteurs locaux connaissent tous ces novatrices. Les champs de Yilou couverts de paillis
attirent les termites. Quelques semaines
avantages, mais la fonction supplémen-

"
taire de l’utilisation des branches comme à peine avant la saison de pluies (et de
paillis pour restaurer les terres dégradées cultures), les termites consomment la
peut encourager davantage les familles paille, les feuilles et les branches, les
paysannes à planter plus d’arbustes natifs enfouissent dans le sol, puis ouvrent des
sur et autour de leurs champs. galeries souterraines. Ces galeries cana-
lisent les précipitations, aidant l’eau à
s’infiltrer au lieu de ruisseler. Résultat : les
Recueillir et retenir la pluie sols encroûtés redeviennent utilisables,
La production vivrière à Yilou, zone semi- ont suffisamment de matière organique
aride du Burkina Faso, et dans la plupart et stockent suffisamment d’eau pour faire
des zones arides d’Afrique, n’est soute- pousser les cultures. Les agriculteurs de
nue que par trois à quatre mois de pluie Yilou ont observé que les cultures sur les
chaque année. Les principales cultures parcelles nouvellement restaurées pro-
autour de Yilou sont le sorgho, le niébé, duisent de meilleurs rendements que le
le sésame, le gombo et d’autres légumes, reste du champ. Cette nouvelle approche,
l’hibiscus et le maïs autour des conces- appelée « culture sur paillis », et qui uti-
sions. Mais la production de nourriture lise uniquement des ressources locales,
en quantité suffisante pour garantir les relance le processus de reconstitution de
besoins nutritionnels de la famille pendant la matière organique du sol.
toute l’année est un énorme défi. Géné-
ralement, les agriculteurs préparent rapi-
D’après les résultats préliminaires des tions pratiques, innovantes et technique-
tests pilotes à Yilou, le paillage avec deux ment solides. L’application du principe
tonnes de pied de chameau par hectare d’agriculture de conservation consistant à
a doublé les rendements de sorgho. Mais maintenir la couverture permanente du
même les rendements agricoles les plus sol et à résoudre le dilemme entre ali-

"Résultat : élevés d’environ une tonne par hectare


restent relativement faibles par rapport à
d’autres régions, et les agriculteurs s’at-
mentation des animaux et paillage du sol
n’est possible que lorsque les agriculteurs
et les chercheurs partagent leurs connais-
les sols tèlent à discuter des succès mais aussi des sances et procèdent à l’expérimentation

encroûtés limites de leur innovation. Certains d’entre


eux reconnaissent que la végétation du
ensemble. Les agriculteurs innovateurs
sont partout présents sur l’ensemble de
redeviennent paysage était plus abondante dans le
passé et estiment vouloir plus d’arbres et
la région ouest-africaine semi-aride. Leurs
innovations méritent d’être comprises,
utilisables, ont d’arbustes pour restaurer leur sol. étudiées et étendues pour que leurs terres

suffisamment Un jour, un jeune s’est rendu sur l’exploi- dégradées reprennent vie et qu’ils puissent
produire suffisamment de nourriture pour
tation d’Idrissa en provenance d’un autre
de matière village situé à 35 km au sud de Yilou pour eux-mêmes.

organique récolter de l’écorce de pied de chameau. Il


voulait faire une corde à partir de l’écorce Georges Félix
et stockent et a voyagé aussi loin parce que dans son Membre de la Société scientifique latino-américaine
d’agro-écologie (SOCLA).
propre village, Tem Gorki, il n’y a pratique-
suffisamment ment plus de pied de chameau, car les
Doctorant en Écologie des Systèmes Agricoles à
l’Université de Wageningen.

d’eau pour agriculteurs les coupaient et les brûlaient


généralement. Idrissa a partagé sa sa-
Félix travaille sur un programme sur la restauration
des sols avec des résidus ligneux dans les agro-

faire pousser gesse avec le jeune : « Au lieu de prendre écosystèmes Soudano-Sahéliens (www.wassa-eu.org).
Email : georges.felix@wur.nl
l’écorce, prenez quelques graines et plan-
les cultures. tez les. » Il a expliqué que la technique est
simple : « Si vous n’avez pas d’arbustes sur

" votre champ, prenez quelques fruits mûrs


et laissez les graines dans l’eau pendant
une nuit, faites un petit trou de plantation
dans votre champ et placez-y les graines
en ajoutant un peu de terre. Au bout de
11
Les observations attentives des agricul- trois semaines, vous les verrez se dévelop-
teurs viennent renforcer ce processus. La per. » Le jeune garçon a suivi les conseils
qualité de leurs sols varie, les parcelles au et est revenu un an plus tard avec un pou-
sol de grande qualité s’entremêlant avec let pour remercier Idrissa.
celles dont le sol est compact et croûté.
Ainsi, les agriculteurs sont précis dans
Apprendre par l’expérience
Visitez
leurs pratiques et recouvrent de paillis les
parcelles qui, d’après eux, doivent être Les agriculteurs de Yilou savent bien
la page web
restaurées. Ils ont développé l’agriculture que la production agricole n’est possible de AGRIDAPE
de précision dans ce contexte semi-aride. qu’avec une gestion minutieuse de la ma-
Au lieu d’utiliser les systèmes de position- tière organique du sol, en particulier dans http//www.iedafrique.org/
nement mondial (GPS), les connaissances les endroits où les précipitations sont limi- agridape.html
locales approfondies du sol et de l’environ- tées et de plus en plus aléatoires. Le pail-
nement guident la gestion de cette inten- lage des sols avec des branches d’arbustes
retrouvez AGRIDAPE sur notre
sification écologique de l’agriculture. natifs et la régénération de la végétation
locale constituent deux des moyens pra- page facebook IED AFRIQUE
Des idées qui méritent tiques pour reconstituer la matière orga-
nique perdue du sol et pouvoir continuer à
d’être propagées pratiquer l’agriculture.
La technique de la « culture sur paillis » a Naturellement, le pied de chameau pré-
été conçue par certaines personnes âgées sente un certain nombre d’avantages sur
de Yilou et propagée dans la région depuis le champ, mais il ne peut pas occuper la
plus de 50 ans. Pour mieux comprendre plus grande partie des terres cultivables et
comment le système fonctionne, une re- sa présence ne doit pas faire concurrence
cherche-action participative a commencé aux cultures ni interférer avec les activités
en 2013 et a vu l’implication d’agriculteurs de travail du sol. Toutefois, la technique de
locaux et d’agronomes. Des expérimenta- la « culture sur paillis » permet de doubler
tions sur les champs des agriculteurs et les rendements de sorgho et de compen-
les stations de recherche sont en cours ser facilement le développement de pieds
pour évaluer comment des quantités dif- de chameau sur une partie de la surface
férentes de paillis ont un impact sur les cultivable. Un des prochains défis est de
rendements des cultures. Des champs- trouver la densité d’arbustes de pied de
écoles et des séances d’apprentissage au chameau la plus appropriée pour produire
cours desquelles les agriculteurs jouent plus de nourriture avec moins d’effort.
différents scénarios de gestion, appelées
« plateformes de modélisation d’accompa- La collaboration entre les agriculteurs et
gnement », ont également été lancés. les agronomes peut conduire à des solu-
Innover pour restaurer les sols de la région
des hautes terres de l’Ouest Cameroun !

Félix Meutchieye

12

Photo : Félix Meutchieye


Culture du piment sur un espace de parcage de bovins

La gestion des sols pour le maintien de leur fertilité et de leurs capacités productives a toujours été une équation pour les petits
producteurs agricoles des régions tropicales. Ainsi de génération à génération, des réponses innovantes ont été mises en place
pour garder la santé des sols dont leur survie et leur avenir dépendent fortement. Cet article fait le récit de quelques expériences
en région montagneuse de l’Ouest Cameroun.

Innover ou alors déguerpir… que l’on appelle « terre mère » constituent pomorphe : « la fatigue du sol ». Dans
la matrice de la gestion de cette dernière. un tel entendement, dès les premiers
mais où aller ? Et le modèle le plus dominant, et aussi signes, un temps de jachères s’imposait.
Le rapide développement des sciences du simpliste consiste en des croyances naïves L’observation permit aussi de se rendre
sol avec l’avènement des sciences agrono- sur la constitution et le maintien de la fer- compte des effets des feux de brousse sur
miques a permis une meilleure connais- tilité des sols, sans besoin d’ajustement la reprise des plantes aux cycles courts,
sance des processus d’évolution des sols. dans la gestion. Dans quelques langues et vint la pratique des brulis. L’utilisation
Un sol nait, et un sol peut « mourir ». Diffé- de l’Ouest Cameroun, la perte de fertilité plus ou moins réussie des engrais de syn-
rentes formes de représentations des sols des sols se résume par une image anthro- thèse comme moyens de lutte contre la
perte du potentiel agricoles de terres fit dont l’exploitation à des fins de restaura- Potentiels du crottin de
son entrée dans les pratiques agricoles tion des sols tarde encore.
nouvelles. Aujourd’hui, il n’est pas rare de
cobayes en milieu rural
Les déjections de porc pour lutter contre
voir des combinaisons de solutions, selon la gale dactyloforme du chou à Bangang Ce petit rongeur peut contribuer dura-
les contextes. Pour la majorité des « pe- blement à l’assainissement des sols ! Un
tits agriculteurs », la vie quotidienne, la Pour diversifier ses revenus dans le village cobaye en engraissement consomme 8 %
survie et l’avenir dépendront de la bonne Bangang, un groupe d’agropasteurs a reçu de son poids vif par jour et un animal d’un
santé des terres, dont les surfaces se ré- la formation de compostage des déjec- poids moyen de 500 g consomme 40 g
duisent inexorablement. Et il faut faire face tions des porcs. Avec un cheptel moyen de MS/jour. Chaque cobaye produit : 14,8
comme des générations avant nous aux de 10 animaux, ces agriculteurs qui utili- g MS de déjections/jour. Ce qui fait envi-
défis du moment : innover (durablement) saient l’élevage porcin comme une forme ron 30 g de déjections fraîches par jour.
ou déguerpir. Mais où aller ? Et le contexte d’épargne eurent la surprise de doubler Un élevage de 20 cobayes va produire :
est encore moins reluisant dans les situa- leurs revenus issus de l’élevage en 12 108 kg MS de déjections/an (soit en fait
tions d’exploitation foncière qui manque mois. L’expérience partit comme un jeu et 219 kg de déjections fraîches/an), et alors
de flexibilité en direction des petites agri- fit bingo ! 18,84 kg de N/an ce qui représente 8,6 %
cultures. Pour autant, les ingéniosités ne Dans cette zone versant des Monts Bam- de N par contenu de déjections fraîches. A
manquent pas à l’observation. boutos, au climat très froid autour de 1800- cela, s’ajoute aussi l’azote produit par la li-
2000m d’altitude, les maraichers faisaient tière des reproducteurs. A titre d’exemple,
Compostage des ordures face depuis des années à l’émergence l’azote produit annuellement par un éle-
d’une nouvelle maladie sur les choux. vage de 20 cobayes permet de fertiliser
ménagères une surface de culture de 125 m². Le fu-
En raison de l’acidité des sols, les bacté-
De nombreuses familles urbaines pro- ries causant la gale des racines s’étaient mier de cobayes, qui représente la partie
cèdent régulièrement au retour des dé- répandues dans toutes les parcelles et ren- riche en azote est mélangé pour 1/3 avec
chets de cuisine vers les petites parcelles daient les récoltes aléatoires. Et le renché- des éléments riches en carbone (paille,
agricoles plus ou moins lointaines. Il n’est rissement des coûts des engrais minéraux feuilles, résidus de culture,…) et pour 1/3
pas rare de voir dans certains ménages ne facilitaient pas les choses. Un maraicher avec des éléments structurants (branches
des espaces aménagés pour stocker dans après avoir fait usage du lisier composté coupées et écorces,..). Le temps de com-
des sacs usagés des rebuts de cuisines de porcs se rendit compte de la dispari- postage qui correspond à la fermentation
(épluchures, fanes et autres) qui seront tion progressive des symptômes et de de la matière organique par des micro-
enfouis dans les parcelles agricoles aux la maladie sur ses parcelles. La nouvelle organismes en présence d’air, est d’envi-
temps convenables. Quand les ordures se répandit et la demande du lisier com- ron 8 semaines. Les micro-organismes du
ménages ne suffisent plus, pourquoi ne
pas emprunter celles du voisin ou du
posté explosa dans la zone. Pendant des
années, tout en gagnant de l’argent sur les
compost favorisent la vie microbienne du
sol. Le compost a la faculté de détruire les 13
quartier ? Il est courant, notamment aux déjections porcines, ces éleveurs ont aussi agents pathogènes ainsi que les semences
retours des premières pluies d’observer contribué à la restauration des sols pour la de mauvaises herbes grâce à la tempéra-
une ruée vers les décharges non aména- production des maraichers marchands ! Et ture qu’il dégage lors de sa transformation
gées des quartiers populeux. En effet, de d’autres exemples de l’intégration de l’éle- et des microorganismes antagonistes qu’il
nombreux ménages, femmes et jeunes vage dans le cycle des sols existent ! renferme. Dans de nombreux ménages où
surtout, récupèrent délicatement la ma- le cobaye est très présent, en dehors de
tière organique constituant un compost Quand les bovins répandent la viande, cet animal sert essentiellement
immature. Ces cribles de déchets sont triés à la production d’un crottin riche et très
sur place pour ensuite prendre la direction de l’humus apprécié pour les jardins de case destinés
des parcelles agricoles par enfouissement. L’exploitation du kraal est ancienne, à la production des légumes domestiques.
D’autres ménages n’hésitent pas d’ailleurs d’abord par les riverains et maintenant
à collecter régulièrement et par anticipa- objet d’un transfert intense et migratoire… Le défi de la mise à
tion en prévision aux ruées de dernière avec ses risques de transfert des adven-
minute. Cependant, la contrainte majeure
l’échelle…
tices souvent difficiles de contrôle. Dans
à ces cribles de déchets, est de toute évi- les parcs de bovins, en ville, près des abat- L’observation engendre une belle science.
dence le risque de l’importation dans ses toirs ou dans les petits ranches non loin Sa réplique réfléchie entraine l’innovation
parcelles des métaux lourds et autres des villes, il est courant d’observer la col- par une maitrise et une orientation des
contaminants (minéraux ou organiques) lecte régulière de la bouse bovine. Appré- principes sans en détourner les incidences.
pouvant même affecter directement la ciée pour ses qualités fertilisantes ou pour Les sols sont vivants et vitaux pour l’huma-
santé humaine. A ce jour, deux villes de les performances quand elle est utilisée en nité, d’où un besoin urgent de l’intégration
l’Ouest Cameroun, Bafoussam et Dschang amendement des sols, la bouse bovine est des dimensions agro écologiques dans les
expérimentent avec un certain bonheur la devenue un enjeu. Dans certains villages, formations agronomiques pour susciter
gestion décentralisée des ordures ména- il n’est plus rare de voir des agriculteurs des saines pratiques de conservation, et
gères par compostage. Les expériences « négocier » les passages avec séjours au besoin alors de restauration du princi-
s’exportent déjà vers d’autres collectivi- prolongés des troupeaux dans une zone pal support de la production de nourriture
tés et surtout vers des ménages, qui en de parcage aménagé en vue de l’accès pri- humaine ! Différentes solutions existent,
intégrant ces technologies facilitent des vilégié à la matière ! En guise de compen- devant la variété des problèmes vécus en
formes de préservation des sols par recy- sation ou de rémunération, les éleveurs divers endroits, notamment dans les zones
clage de la matière organique. La matière transhumants pour la plupart exigent des de montagnes, régions les plus exposées
organique qui est d’ailleurs à l’origine de sacs de sels ou des vivres pour leur ali- aux dégradations parfois irréversibles des
40% de la fertilité des sols. Un gros avan- mentation. La bouse, peut parfois héber- sols agricoles.
tage de cette approche est la gestion des ger des nombreuses graines d’adventices Félix Meutchieye
ordures fermentescibles qui constituent si elle ne subit pas un bon compostage
tout de même au moins 80% des ordures total de 3-6 mois avant utilisation. Les gros Ingénieur Agronome-Environnementa-
ménagères dans les villes du Cameroun. herbivores peuvent être mis à contribution liste/Généticien
Certaines unités agroindustrielles génèrent pour l’amélioration des sols, via leurs dé- Université de Dschang – Cameroun
des grandes quantités d’issus d’usinage jections.
La dégradation des terres au Sénégal : la
réponse à partir des Arbres Fertilitaires

Mansour Ndiaye

14

Photo : APAF
Pépinières de l'APAF

Selon l’Association pour la Promotion de l’Agroforesterie et des Arbres Fertilitaires (APAF), la perte prononcée de fertilité des sols
représente le principal problème de l’agriculture sénégalaise, cette baisse de la fertilité des terres présente plusieurs causes,
entre autres l’utilisation des engrais chimiques, certaines pratiques cultures, le déboisement, mais également la transhumance,
sans oublier les conditions pluviométriques. Face à ce problème, les engrais chimiques et le fumier à eux seuls ne permettent pas
de corriger la dégradation des terres agricoles. L’association d’Arbres fertilitaires aux cultures permettrait de relever de manière
durable la fertilité des terres agricoles.

D
epuis plus de trois décennies, on core ignorer l’origine des contraintes réelles des études réalisées par le CILSS en No-
assiste au Sénégal à un effondre- de son agriculture. Il continue à approvi- vembre 2010, indiquent que sur les 3 805
ment continu des performances de sionner à des prix fortement subvention- 000 ha de terres arables dont dispose le
l’agriculture (rendements agronomiques, nés, les paysans en : engrais chimiques, pays, 2 400 000 ha sont fortement dégra-
productivités agricoles, productions agri- équipements agricoles lourds, semences dées (soit 63%).
coles, revenus des paysans, baisse des sélectionnées, pesticides chimiques, etc… Cette perte de fertilité des sols est due
produits de l’élevage etc..). En fait, le véritable mal de l’agriculture principalement aux effets conjugués de
Et le mal risque de persister voire s’empi- Sénégalaise reste principalement, la perte facteurs dont principalement :
rer ; en effet, l’état du Sénégal semble en- prononcée de fertilité des sols. En effet, ŸŸ l’utilisation continue d’engrais chimiques
pour fertiliser les principales cultures
industrielles et vivrières du pays (riz,
coton, arachide, légumes, mils…). Ceci a
entrainé un appauvrissement progressif
des sols en matière organique (minéra-
lisation puis exportation par les facteurs
érosifs, volatilisation, dénitrification
etc..),
ŸŸ les pratiques de cultures sur brulis et
les déboisements massifs pratiqués par
les paysans à la recherche de nouvelles
terres de cultures et de bois à usages
domestiques. Ces déboisements sont
également le fait d’une exploitation sé-
vère des ligneux (bois, charbon, écorces
etc…) pratiquée par les coopératives
forestières agréées peu soucieuses de la
préservation de la ressource.
ŸŸ les surcharges du bétail transhumant ou
divagant sur les pâturages naturels et
espaces agricoles,
ŸŸ la baisse et l’instabilité des pluviosi-
tés annuelles (depuis trois décennies)
consécutive au recul des boisements
naturels (20 000 ha de forêts perdues
par an).

Photo : APAF
Les Arbres Fertilitaires pour
relancer durablement l’agri-
culture Sénégalaise
Le compost et autres fumiers organiques
Nodosités ramassées sous un houppier d’un arbre fertilitaire sur 1m carré 15
(déjections animales, etc.) ne pourront
en aucun cas permettre de corriger les ŸŸ la protection du sol contre les phéno- de fumier organique recommandée par la
carences en matière organique des sols et mènes érosifs. recherche agricole).
fertiliser les cultures sur de grandes super-
ficies. En effet, le compostage exige beaucoup
de disponibilité en eau, résidus végétaux
Par contre, les arbres fertilitaires, en asso- Rappel de la définition et manipulations (production, transport,
ciation avec les végétaux cultivés (agro- d’un arbre fertilitaire épandage, enfouissement). Sa réalisation
foresterie) peuvent durablement assurer à grande échelle (pour restaurer les vastes
plusieurs fonctions : (Dupriez – de Leener,
étendues de cultures vivrières) constitue-
ŸŸ la restauration et l’entretien durable de
1993) rait une corvée difficile à soutenir par les
la fertilité des terres dégradées sur de Un arbre fertilitaire est un arbre dont paysans Sénégalais qui déjà, peinent à dis-
grandes superficies, l’activité enrichit la couche arable poser pendant la longue période de saison
d’une terre, en améliore la tex- sèche (8 mois), d’eau et de résidus végé-
ŸŸ la fertilisation des cultures agricoles,
ture et en favorise la structuration. taux pour couvrir leurs besoins domes-
fourragères….
Pour exercer efficacement sa fonc- tiques, (abreuvement du bétail, fourrage,
ŸŸ l’augmentation substantielle de la pro- tion dans les champs, il doit être réparation des habitations..).
ductivité agricole (ex : jusqu’à 30% au convivial, c’est-à-dire qu’il ne peut Enfin, dans un contexte où environs 70%
Togo), sans engrais chimique ni com- entrer en concurrence forte avec les des fertilisants épandus sur les cultures se
post, espèces cultivées pour leurs produc- retrouvent emportés dans la nature (eaux
ŸŸ la protection des cultures contre les tions domestiques ou marchandes » de surface, eaux souterraines, atmosphère,
animaux divagants (par exemple haie Les arbres fertilitaires sont principa- etc.), il est absurde de continuer à faire la
vive faite d’Acacia mellifera très efficace lement issus de la famille des légu- promotion des fertilisants inorganiques.
contre les animaux divagants), mineuses et plus précisément de la
sous-famille des Mimosacée.
ŸŸ l’auto production de bois domestiques
dans les parcelles agroforestières,
ŸŸ l’auto production de fourrages dans les Dès que plantés, dans les parcelles de
parcelles agroforestières, cultures, les arbres fertilitaires peuvent Mansour Ndiaye
assurer continuellement ces fonctions Directeur exécutif de l’Association pour la Promotion
ŸŸ la régénération naturelle des forets alors qu’un engrais minéral et un fumier
de l’Agroforesterie et des Arbres Fertilitaires-Sénégal
(APAF)
consécutive à la baisse de la pression organique issu du compostage ou des dé- mansour.ndiaye05@gmail.com
anthropique sur les boisements naturels, jections animales, etc., ont besoin d’être
ŸŸ la contribution à la rétention des pol- renouvelés régulièrement à des doses
luants atmosphériques (gaz à effet de souvent hors de portée des paysans (très
serre), rares sont les paysans Sénégalais capables
de produire la dose de 10 tonne/ hectare
L’histoire d’une démarche participative
pour la vulgarisation de la technique du
compostage au Burkina Faso
Jean Yves Clavreul
Jean Yves Clavreul

16

Photo :IED Afrique


Réunion d'agriculteurs

A
Depuis des décennies le Programme u Burkina Faso, le PNVA a long- pour changer le comportement des agents
National de Vulgarisation Agricole temps tenté de vulgariser le com- de vulgarisation vis-à-vis des agriculteurs
(PNVA) tente avec plus ou moins de postage auprès des petits produc- et en même temps libérer la parole dans
bonheur de vulgariser la technique teurs. Cependant, l’approche utilisée ne les rangs des cultivateurs. Le pari n’était
donnait pas de résultats face à la réticence pas gagné car les vulgarisateurs n’avaient
de compostage des végétaux pour
de certains agriculteurs. pas en grande estime ces paysans souvent
améliorer la fertilité des sols. Chaque
Un jour dans le cadre d’un atelier de forma- analphabètes, qui selon leur dire ont la
année, cette technique est au tête dure. Dans un premier temps, nous
programme des vulgarisateurs. Malgré tion destinée à renouveler les méthodes
d’approche des agents du PNVA, nous devions restaurer le capital confiance entre
cet effort constant, peu d’agriculteurs ces deux groupes. Puis proposer une mé-
devons choisir un thème pour l’expérimen-
adoptent la technique qui pourtant est tation et l’application de la méthode par- thode de travail afin que les agriculteurs
d’une grande efficacité pour améliorer ticipative et le thème de la promotion du puissent faire connaître leur point de vue
les rendements agricoles. Ainsi, grâce compost fut choisi par les vulgarisateurs. sur ce thème. Il fallait couper court, avec
aux méthodes participatives, permettant En effet, ce thème les tenait à cœur, mais l’ancienne méthode « formation visite »
se désespéraient devant le peu de résultat où le vulgarisateur agricole venait faire de
aux agriculteurs une liberté de réflexion
face à leurs efforts. l’information sur un thème technique.
et d’expression, les producteurs ont eux
même fait le diagnostic de la situation et Alors comment trouver une porte d’entrée Après réflexion avec les vulgarisateurs, il a
formuler des solutions, permettant ainsi auprès des cultivateurs ‘ rebelles et sourds été proposé que les agents de vulgarisa-
‘aux conseils répétés des vulgarisateurs. Il tion devaient donner une question illus-
une diffusion à plus large échelle de la
fallait, trouver à la fois obtenir un moyen trée à un groupe de paysans et les laisser
technique du compostage. travailler ensemble sans leur présence.
Malgré la réticence de certains agents, −− les récoltes sont de plus en plus pe- 1. Nous ne devrions défricher que la sur-
nous sommes arrivés à formuler un mes- tites, face que nous allons mettre en culture
sage qui pourrait être suffisamment par- −− nos greniers ne sont que très rarement ainsi nous épargnerons un grand
lant pour les agriculteurs. Il était impor- remplis, sauf lors de saisons exception- nombre d’arbres ;
tant d’impliquer chaque chef de famille nelles 2. Nous devrions nous entendre pour ne
afin qu’il puisse faire un diagnostic de sa plus mettre le feu à la brousse d’une
situation et en même temps proposer des −− nos familles comptent beaucoup d’en-
fants et nos enfants font des enfants manière incontrôlée et même ne plus
solutions réalistes pour la production de faire de feu de brousse du tout ;
compost. qu’ils ne peuvent pas encore suppor-
ter… 3. Nous devrions demander aux femmes
Le message interrogatif proposé à la ré- du service de santé de nous donner
flexion des agriculteurs fut: Comment Les principaux problèmes listés par les
agriculteurs : des informations pour mieux maîtriser
nourrir mon champ pour mieux nourrir le nombre des naissances et les jeunes
mes enfants ? 1 1. Chaque année nous défrichons toujours devraient être les premiers concernés
Cette phrase interrogative fut inscrite au une plus grande surface de savane que par cela ;
bas d’une feuille de format A4 et une illus- nous ne cultivons réellement. Dans ce
cas nous tuons et brûlons plus d’arbres 4. Nous devrions demander aux fores-
tration venait la compléter. Celle-ci repré- tiers de nous enseigner comment pro-
sentait une famille nombreuse dans une qu’il est normal pour établir nos champs ;
duire des jeunes plants d’arbres afin de
concession. Le père est assis et pense à sa 2. Nous ne replantons pas un nombre équi- replanter le même nombre d’arbre que
faible récolte pour nourrir toute sa famille. valent d’arbres que nous avons suppri- nous avons supprimés pour installer nos
Les greniers sont vides, la récolte s’an- més ; champs ;
nonce médiocre. Sa femme est enceinte
et porte encore au dos un jeune enfant. 5. Nous souhaiterions que les agents de
l’agriculture nous montre comment
mettre en place des cordons pierreux
pour limiter le ruissellement de l’eau
dans nos champs en suite nous pourrons
faire du compost car l’eau ne l’emportera
pas hors de nos champs.
Le groupe de vulgarisateurs présent fut
très surpris du travail fourni par les agricul-
teurs. Un autodiagnostic environnemental
venait d’être réalisé et un plan d’action
proposé. Maintenant, la balle était dans le
17
camp des vulgarisateurs et des agents de
la santé.
La démarche participative avait permis
aux agriculteurs de donner leur point de
vue et de proposer une série de mesures
transversales et globales pour résoudre à
long terme leurs problèmes. Désormais,
les agriculteurs de cette région du Burki-
na Faso étaient partants pour réaliser du
compost pour nourrir leurs champs afin de
mieux nourrir leurs enfants.
Les documents furent remis à un groupe 3. Nous effectuons des feux dans la
d’agriculteurs avec comme consigne de savane pour la chasse sans bien les
Jean Yves Clavreul
travailler ensemble sur le questionnement contrôler et nous n’avons plus de paille Ecrivain et Expert en Communication
et préparer une restitution de leurs travaux pour mettre sous le bétail de culture jean-yves.clavreul@wanadoo.fr
deux jours plus tard. attelée pour obtenir du fumier ;
4. Nous avons dans chacune de nos fa-
Un résultat inattendu !! milles plus d’enfants que nous ne pou-
vons nourrir et à cela s’ajoute que nos
Deux jours après, à l’heure convenue, les
enfants eux-mêmes ont des enfants
agriculteurs qui avaient choisi l’un d’entre
très tôt et nous devons aussi les sup-
eux comme secrétaire du groupe et qui
porter ;
tenait à la main un petit cahier d’écolier.
5. Les sols sont délavés par les pluies vio-
Visitez
L’homme au cahier nous indique « Nous
avons travaillé entre hommes mais cer-
lentes et la bonne terre ne reste pas
dans nos champs.
la page web
taines femmes avaient aussi donné leurs
avis. Et avons essayé de répondre à la Le rapporteur conclut en disant : voilà la de AGRIDAPE
question : Comment nourrir, notre terre liste de nos problèmes.
pour mieux nourrir nos enfants ? Après ce listing des problèmes, le rappor- http//www.iedafrique.org/
Leurs premiers constats étaient : teur continua, au cours de la réunion nous agridape.html
avons pensé que faire du compost main-
−− beaucoup de nos terres sont finies,
tenant ne servirait à rien car les pluies
usées, presque morte ;
violentes l’emporteraient. Cependant,
1 Voir en fin de document le texte avec nous pourrions prendre certaines mesures
l’illustration. bénéfiques pour nos terres :
Mali : Les vidéos pour inciter les agriculteurs à
l’expérimentation dans la lutte contre les Strigas

Jeffery Bentley et Paul Van Mele

Jean Yves Clavreul

18

Photo : Paul van Mele

Projection vidéo sur le compostage au Mali

En Afrique sub-saharienne, les sols fertiles sont doublement importants, car ils permettent de réduire l’infestation par Striga, ou
« herbe des sorcières », qui peut gravement réduire les rendements céréaliers. Une série de vidéos sur des agriculteurs montrant
leurs résultats obtenus avec le compost produit actuellement un grand impact. Les vidéos font plus que freiner Striga - elles aident
les agriculteurs au Mali, au Ghana, au Niger et en Tanzanie à apprendre, à partager leurs idées et à améliorer la qualité de leur sol.

S
triga est une herbe parasite nuisible fleurs violettes pousse sur tout le conti- vaises herbes et gestion de la fertilité des
qui vit sur les racines de sorgho, de nent. Cette plante préfère les sols pauvres sols. Cette lutte s’est avérée compliquée,
mil, de maïs et de riz. Elle aspire la où les cultures de céréales sont générale- en partie à cause de l’écologie inhabituelle
sève et les nutriments des plantes pour se ment peu résistantes. Lorsqu’elle attaque, de Striga, ce qui signifierait que de nou-
nourrir et ne dépend pas du sol. On trouve Striga peut anéantir toute une plante. velles idées et techniques pour constituer
l’espèce Striga à fleurs rouges en Afrique La lutte contre ce parasite nécessite une la matière organique et améliorer la qua-
orientale et australe, tandis que celle à stratégie qui associe lutte contre les mau- lité des sols seraient utiles.
C’est dans cette logique que les chercheurs L’une des vidéos montre les agriculteurs siennes d’une couche vive de plantes de
de l’Institut international de recherches dans le nord-est sec du Mali qui ont ap- patate douce. Il utilise ensuite les feuilles
sur les cultures des zones tropicales se- pris à faire du compost dans des fosses de patate douce pour nourrir des lapins et
mi-arides (ICRISAT) ont mis en place des en mélangeant la paille et les tiges de ajouter les excréments de ces derniers au
champs-écoles au Mali, au Ghana, au Niger céréales avec de la cendre, du fumier et compost. Une autre adaptation créative !
et en Tanzanie en 2007 afin d’apprendre et de l’eau afin d’accélérer la décomposition Un groupe d’agriculteurs du village de N’To-
d’expérimenter différentes options de lutte de la matière végétale tenace. Ils ont ap- nasso avaient regardé les vidéos sur Striga
contre Striga. Les agriculteurs ont constaté pris d’eux-mêmes que l’incorporation du en 2012 et continuent d’en parler encore
clairement que Striga est plus présente compost dans le sol permet de réduire les aujourd’hui. Un agriculteur du nom d’Alou
dans les sols pauvres que dans les sols fer- infestations dues à Striga et d’augmenter Goïta a déclaré qu’après avoir regardé les
tiles. Ce constat a permis de comprendre les rendements des cultures. Auparavant, vidéos, il a créé une fosse à compost d’un
que la fertilité des sols est décisive dans la ils n’avaient que du fumier composté, et mètre de large, de cinq mètres de long et
lutte contre Striga, notamment par l’utilisa- ils étaient très heureux d’apprendre que de 1,5 mètre de profondeur. Il avait vidé
tion du compost. Le compost est plus effi- l’ajout de matière végétale permet de pro- la fosse à compost une fois et l’a remplie
cace que le fumier ou l’engrais chimique, duire beaucoup plus d’engrais organique. d’ordures ménagères, de cendre et d’enve-
car il est rempli de micro-organismes sains De plus, la solution de faire le compost loppes de maïs pour le compost de l’année
qui attaquent les graines de Striga dans le dans des fosses aide à conserver plus d’hu- prochaine. Les réactions de surprise des
sol. midité et à accélérer la décomposition. voisins, la fierté même d’Alou ont prouvé
Les dix vidéos ont été traduites dans plus que la plupart d’entre eux n’avaient rien
Voir c’est croire de 20 langues et sont disponibles gratuite- compris à son innovation. Certains d’entre
La vidéo est un moyen efficace pour les ment sur le site de l’ONG Access Agricul- eux envisagent maintenant de suivre son
agriculteurs d’échanger des idées et de ture (http://www.accessagriculture.org/). exemple.
parvenir à des moyens innovants pour Outre l’anglais, le français, le portugais et L’expansion et le développement du com-
améliorer les sols. Quatre ans après l’ini- l’arabe, les vidéos sont aussi disponibles postage et l’amélioration de la santé des
tiative des champs-écoles, une série de dix en kiswahili, haoussa, bambara, Bariba, sols constituent des facteurs importants de
vidéos a été produite avec comme thème Bomu, chichewa, Dagaari, Dagbani, Dendi, la lutte contre Striga. Par ailleurs, lorsque
« Lutte contre Striga et amélioration de la Frafra, Gonja, Kikuyu, Kusaal, Luo, Nago, des solutions créatives sont plus que né-
fertilité des sols ». Les vidéos présentent Sisaala, wolof et Zarma. Plus de 50 000 cessaires, les vidéos peuvent se révéler un
des agriculteurs diplômés expliquant les DVD ont été distribués par l’ICRISAT et, excellent moyen de partager des informa-
techniques efficaces apprises et comment avec l’aide des organisations paysannes et tions et de stimuler l’innovation au sein
communautaires, les agriculteurs à travers
ils les avaient adaptées à leurs propres
situations. Les vidéos comprenaient éga-
lement des animations impressionnantes
l’Afrique ont été inspirés par ces champs-
écoles en termes d’apprentissage.
des communautés.
19
Jeffery Bentley
et détaillées sur la biologie et l’écologie Anthropologue agricole vivant en Bolivie et travaillant
de Striga, c’est-à-dire comment la plante Faire passer les messages sur des réponses créatives des agriculteurs face à de
se développe sous terre et pourquoi elle En 2013, nous avons visité le village de
nouveaux défis.
réduit le rendement des cultures. Email : jeff@agroinsight.com
Souara au Mali et avons rencontré les agri-
Paul Van Mele
culteurs qui avaient participé à un champ- Agronome et co-fondateur de l’ONG Access Agriculture.
école et qui étaient apparus plus tard sur la Email : paul@agroinsight.com
vidéo du compost. Deux ans après le tour-

"Un groupe
nage, chaque ménage a mis en place une
fosse à compost pleine, recouverte d’une
couche de terre pour maintenir l’humidité.
d’agriculteurs Nous avons également vu de nouvelles
fosses à compost dans d’autres villages où
du village de les gens n’avaient regardé que les vidéos,
preuve de l’impact de ces dernières.
N’Tonasso
avaient regardé Idées innovantes
Visitez
les vidéos sur Les vidéos ont porté leurs fruits, car elles la page web
ne favorisent pas une seule façon de faire
Striga en 2012 et - elles montrent les méthodes possibles de AGRIDAPE
continuent d’en et pourquoi elles fonctionnent. Après les
avoir regardées, les agriculteurs saisissent
http//www.iedafrique.org/
parler encore les principes qui sous-tendent les pratiques
telles que le compostage et sont plus agridape.html
aujourd’hui. motivés et confiants pour passer à l’expé-
rimentation.

" Lewa Kamaté, un jeune homme du village


de Togo, au Mali, a regardé les vidéos et
nous a invités à venir voir sa fosse à com-
post. Mais il a utilisé le compost pour les
légumes et non dans ces champs de sor-
gho pour lutter contre Striga. C’était la pre-
mière différence innovante de Lewa par
rapport à la vidéo. Il a vu que les fosses
à compost étaient couvertes de paille
ou de terre, mais il a préféré couvrir les
Bénin : Intégration Agriculture et Elevage (SIAE)
endogènes pour favoriser la fertilité des sols

Ben-Vital Kpanou, Houinsou Dedehouanou, Ivan Koura, Sofwaan Bakary, Frédéric Houndonougbo
et Pascal Houngnandan

Au Bénin, les difficultés des producteurs


en rapport avec la fertilité des sols
se sont accrues surtout à cause de la
pression démographique et l’intégration
entre l’agriculture et l’élevage figure
parmi les solutions les mieux appropriées
à cette situation. Cet article découle
de l’étude Performance des Systèmes
Intégrant Agriculture et Elevage (SIAE)
endogènes au Bénin sur trois zones
agro-écologiques que sont le Littoral,
l’Atlantique et le Borgou.
20
La fertilité des terres agri-
cole, la base de la survie des
ménages ruraux du Bénin

Photo : Ben-Vital Kpanou


Le secteur agricole béninois, occupe envi-
ron 70 % de la population active et contri-
bue pour environ 33,2% à la formation du
Produit Intérieur Brut (PIB) (INSAE, 2008).
Malgré cette importante frange de la po-
pulation qui se retrouve dans le secteur, la
proportion de personnes estimées en insé-
curité alimentaire en milieu rural (15,3%) Planches de maraîchage fertilisées aux déjections animales
est près de deux fois supérieure à celle en
milieu urbain (7,9%) (PAM, 2009). L’amé-
culture fourragère) (Dugué, 1989 ; Landais raréfaction des terres cultivables et de pâtu-
lioration des performances du secteur agri-
et Lhoste, 1990). Ainsi, l’intégration de rages au profit des habitations et en même
cole constitue la clé de voûte des solutions
l’agriculture et de l’élevage permet-elle temps une augmentation galopante de la
aux problèmes de la famine et de la pau-
de valoriser les complémentarités entre demande en produits alimentaires d’ori-
vreté (IFPRI, 2003). Par ailleurs, le déclin de
les systèmes de culture (production four- gine agricole. Ainsi, les producteurs ont-ils
la fertilité des sols lié à la surexploitation
ragère, fixation symbiotique de l’azote et intensifié leurs activités agricoles et du coup
des terres a entraîné une diminution sen- recyclage des éléments minéraux) et les
sible de la productivité et des rendements ont progressivement fait chuter la fertilité
systèmes d’élevage (production de fumure de ces quelques hectares encore affectés
de culture, la dégradation voire la détério- organique et d’énergie) pour réduire la
ration de la base des ressources naturelles. à la production agricole. L’urgence a donc
consommation de carburant, de fertili-
Les revenus agricoles en sont amoindris et été de trouver des solutions alternatives
sants chimiques et d’aliments concentrés.
la pauvreté s’installe progressivement tout pour compenser un tant soit peu les pré-
L’intégration agriculture-élevage est appa-
en rendant difficile l’accès aux intrants. rue dans le monde vers la moitié du siècle lèvements et restaurer progressivement la
dernier, et particulièrement en Afrique dans fertilité de ces terres. Cette situation a faci-
Pour y remédier, l’intégration agriculture-
les années 1970 comme une solution très lité l’avènement des pratiques d’intégration
élevage a été proposée dès les années
avantageuse, susceptible d’ouvrir de nou- agriculture élevage qui, depuis des décen-
90 pour intensifier les systèmes de pro-
velles perspectives à un système agricole nies, sont mises en œuvre par les agricul-
duction grâce aux trépieds vertueux de la
en stagnation ou en recul tout en étant une teurs et les éleveurs en vue d’améliorer la
traction animale (travail du sol à la char-
rue), la production de fumure organique alternative pour un système d’élevage pas- productivité et faire face à la demande de
(étable fumière, parc amélioré) et de toral en péril (Ouédraogo, 1998). En effet, produits alimentaires sans cesse croissante
fourrage (stockage de résidus de culture, la pression démographique a occasionné la (Djènontin, 2010).
L’adoption de SIAE augmente tion d’intrants achetés sur le marché, voire quantités de biomasse végétale vers les
de main d’œuvre temporaire recrutée dans unités d’élevage (Kpanou, 2014). Ces
les revenus des produc- les exploitations les plus modestes. La pré- sujets d’élevage produisent en retour de
teurs… sence de l’élevage répond principalement à grandes quantités de fumure animale qui
Dance cas ci, la performance se rapporte une volonté de capitalisation. L’association sont peu utilisées pour la fertilisation des
ici à l’amélioration du revenu des produc- de l’agriculture et de l’élevage est effective cultures. Ainsi, la performance obtenue au
teurs, et donc le revenu sera utilisé comme dans ces exploitations, mais elle ne contri- niveau des systèmes intégrant agriculture
une mesure de performance. L’analyse de bue que de façon assez marginale à la pro- et élevage (SIAE) endogènes peut donc
la performance des SIAE endogènes entre- duction de fumure organique. En revanche, être considérée comme un résultat et non
prise est fondée sur la comparaison des l’énergie animale est fortement sollicitée comme un plan, car le producteur se serait
moyennes des revenus obtenus par les pour les travaux agricoles. Ces résultats du adapté aux conditions environnementales,
producteurs des trois catégories de SIAE Burkina corroborent ceux du Bénin. En ef- économiques, physiques et de disponibilité
endogènes. Le revenu des producteurs de fet, les agro-éleveurs du Bénin intensifient en main d’œuvre et en d’autres facteurs de
la catégorie « Intégration totale » est large- par le capital (équipement d’attelage, abri production (Richards, 1993). Ce qui l’aurait
ment supérieur à celui des producteurs de pour bœufs de trait, etc.) et le recours aux amené à un niveau d’intégration agriculture
la catégorie « Faible intégration » qui est à intrants plus importants comme les engrais élevage donné. A force d’expérience, le pro-
son tour supérieur au revenu des produc- minéraux. Alors, les rendements coton et ducteur n’anticipe-t-il pas des évènements
teurs de la catégorie « Pas d’intégration ». maïs, et les revenus sont plus élevés, mais ou facteurs externes en vue d’obtenir des
Les résultats de cette comparaison de aussi des marges coton et maïs qui ont ten- résultats de plus en plus performants (Kpa-
moyennes indiquent également que le mo- dance à être plus élevées que dans les deux nou, 2014) ?
dèle est globalement significatif (p<0,05). autres systèmes. Toutefois, en considérant que les agricul-
Ces résultats précisent par ailleurs qu’il y a teurs et éleveurs sont devenus des agro-
une différence significative entre les reve- Analyse de la perception des éleveurs, ces différents systèmes intégrant
nus obtenus par les producteurs des trois producteurs sur les avan- l’agriculture-élevage ne permettent pas
niveaux d’intégration avec une tendance encore à ces deux catégories d’acteurs
évolutive au fur et à mesure que le niveau
tages de l’intégration relatifs d’utiliser de façon optimale les déjections
d’intégration augmente. Ainsi, l’intégra- aux rendements des cultures animales pour les uns et les débris de ré-
tion agriculture-élevage contribue-t-elle à Pour presque la totalité des répondants colte pour les autres. Ces systèmes peuvent
l’amélioration des revenus de producteurs ; concernés (98,1%), l’intégration agricul- donc être améliorés dans le sens d’une
ce qui explique cette différence. Il est ainsi ture élevage et surtout l’utilisation des agriculture économiquement et écologi-
observé une amélioration du revenu des quement plus viable (Traore et al., 2007).
producteurs ayant recours à l’intégration
agriculture-élevage.
déjections animales pour la fertilisation
du champ améliore la productivité des
cultures. En effet, selon les producteurs,
Ainsi, pouvons-nous espérer des contrats de
fumure organique entre agriculteurs et éle-
21
En moyenne, il est admis que 60 à 70% de les déjections animales renforcent la fer- veurs. Ces contrats permettront de garantir
l’azote, 80 à 85% du phosphore et 95 % tilité par l’apport des microorganismes qui à l’agriculteur la quantité de fumure orga-
du potassium ingérés se retrouvent dans les créent un environnement plus adéquat au nique indispensable à la croissance de ses
déjections (Page et al., 1993). C’est pour- développement harmonieux des cultures cultures. En retour, cela garantirait aux éle-
quoi la fumure organique dont l’application en maintenant l’humidité du sol dans le veurs une biomasse en quantité suffisante
fournit des éléments nutritifs aux plantes contexte actuel de changement climatique. entrant dans l’alimentation de ses animaux.
et améliore la structure du sol est de plus Cette situation favoriserait ainsi la sédenta-
risation des uns et évitera la destruction des
en plus promue (Ullah et al., 2008; Agbo et Analyse de la perception des champs chez les autres.
al., 2012). Parmi ces fumures organiques,
il y a les fientes de poulets très prisées en
producteurs sur les avan-
agriculture urbaine au Sud Bénin et qui tages de l’intégration relatifs Ben-Vital Kpanou,
Agroéconmiste,
reviennent moins chères aux maraichers aux coûts de production des Assistant de recherche au Département d’économie de
(Atidégla, 2011). Cela se traduit donc par Soco-Anthropologie et de Communication de la Faculté
la réduction des coûts de production des
cultures des Sciences Agronomiques/Université d’Abomey-Ca-
lavi
cultures, l’augmentation de la productivité 51,9% des producteurs concernés estiment Email : benvital89@gmail.c-om
et par ricochet l’augmentation de la marge que le coût de production des cultures avec Houinsou Dedehouanou,
financière issue de la vente de ces produits. intégration est plus faible alors que 44,4% Maître assistant, Enseignant-Chercheur au Départe-
En ce qui concerne les animaux, leur ali- pensent le contraire. En effet, le recours aux ment d’économie de Soco-Anthropologie et de Com-
munication de la Faculté des Sciences Agronomiques/
mentation aux résidus de récoltes réduit déjections animales réduit l’utilisation des Université d’Abomey-Calavi Email:hdedehouanou@
les coûts de production, et donc permet engrais chimiques et minéraux pour cer- hotmail.com
aux producteurs d’investir ses ressources taines cultures. Cependant, pour d’autres Sofwaan Bakary, Assistant de recherche au Dépar-
financières dans d’autres activités (Kpanou, cultures notamment les cultures maraî- tement d’économie de Soco-Anthropologie et de Com-
2014). En outre, au Sénégal, les résidus munication de la Faculté des Sciences Agronomiques/
chères, les déjections animales doivent
Université d’Abomey-Calavi
de récolte jouent un rôle important dans être utilisées au même titre que les engrais Email: sofwaan90@yahoo.fr
l’alimentation du cheptel, les pailles de cé- chimiques et de ce fait le coût de production Ivan Koura,Doctorant en Sciences et Techniques de
réales sont entièrement récoltées et stoc- en est affecté surtout chez les producteurs Production Animales de la Faculté des Sciences Agro-
kées en meule au niveau des concessions qui ne possèdent pas leur propre élevage et nomiques/Université d’Abomey-Calavi
Email: kouraivan@gmail.com
et sont essentiellement utilisées pour l’ali- qui paient les fientes de volailles.
mentation des animaux (Dieye et Gueye, Frédéric Houndonougbo, Maître de conférences,
Enseignant-Chercheur au Département de Sciences et
1998). Cela ne traduit que l’application des Des contrats de fumure orga- Techniques de Production Animales de la Faculté des
techniques d’intégration agriculture-éle- Sciences Agronomiques/Université d’Abomey-Calavi
vage permet au producteur d’accroître son nique, pour des SIAE perfor- Email: fredericmh@gmail.com
revenu. En somme, sur le plan économique, mants… Pascal Houngnandan, Maître de conférences,
Enseignant-Chercheur au Département de Sciences et
seuls les agro-éleveurs ont mis en place un
L’intégration agriculture-élevage la plus Techniques de Production Végétales de la Faculté des
système performant (Vall et al., 2012). En Sciences Agronomiques/Université d’Abomey-Calavi
pratiquée actuellement par les producteurs
effet, celui-ci est principalement basé sur Email: phoungnandan@yahoo.com
prend la forme d’un transfert de faibles
une intensification par le capital et l’utilisa-
Le Biochar : un charbon biologique adaptés
aux sols tropicaux acides

Luc Gérard Onana Onana

Photo : Luc Gérard Onana Onana


22
Biochar

Le biochar est un charbon d’origine végétale obtenu par pyrolyse de biomasse des infertiles appelés « oxisols » équivalent
matières organiques d’origine diverse. Il a été découvert il y’a environ 6000 ans par au sols ferralitiques en sols fertiles appelé
les amérindiens vivant en Amazonie, qui ont compris que l’utilisation de ce charbon « terra preta » qui signifie terre noire. Ces
pouvait transformer leurs sols pauvres et infertiles en sols fertiles. Aujourd’hui, des peuples avaient créés un type de culture
travaux de recherche sur le biochar revisitent ses origines et son utilisation en passant appelé « slash and char agriculture » qui
par ses impacts sur l’amélioration de la fertilité des sols tropicaux confrontés à une consistait à couper les arbres de la forêt et
forte dégradation. ainsi que ceux issus du défrichement des
champs et à carboniser cette biomasse
plutôt que de la bruler complètement. Par
Qu’est ce le biochar bonisée carbonisé dans l’intérêt de l’appli- la suite, charbon était incorporé dans le sol
quer au sol ou de séquestrer le carbone. avec d’autres fertilisants naturels tels que
Le terme ‘biochar’ est l’abréviation de les fumiers. Les travaux de recherche ef-
‘bio-charcoal’. du préfixe « bio » qui veut Les biochars sont des solides riches en
fectués par les pédologues et les archéolo-
dire origine biologique et du mot anglais carbone stable et récalcitrant à la minéra-
gues ont permit d’identifier aussi dans ces
« charcoal » qui signifie charbon de bois. lisation par les microorganismes du sol, du
sols les déchets de cuisine, les os de pois-
Il désigne un charbon d’origine végétale fait de sa composition riche en structures
sons et d’animaux, des morceaux de pots
obtenu par pyrolyse de biomasse des ma- aromatiques. Il joue ainsi le rôle de fixation
en céramique. C’est pourquoi ces sols ont
tières organique d’origine diverse. du carbone dans le sol et donc de puits de
été qualifiés d’anthrosols qui signifie sol
carbone, ce qui explique son intérêt dans
La pyrolyse est la décomposition ther- crée par l’action de l’homme. On retrouve
le contexte des préoccupations concernant
mique des matières organique en mi- les « Terra preta » par poches d’hectare
le réchauffement climatique.
lieu pauvre en oxygène d’oxygène, elle dans la forêt amazonienne (Brésil) en gé-
conduit à la production de trois consti- Le biochar peut être produit à partir des néral constituée d’oxisols. La Terra preta est
tuants: un mélange gazeux constitués de matières organiques d’origines diverses un sol très fertile à long terme, contient
gaz non condensable, le bio-huile et un (résidus agricoles, fumier, résidus d’exploi- 70 (soixante dix) fois plus de carbone, à
résidu solide à forte teneur en carbone tation forestière…etc). une capacité de rétention cationique (CEC)
appelé biochar. Le biochar est un charbon élevée, il est aussi riche en phosphore, cal-
qui peut être produit de manière artisanale Origine du concept Biochar cium et magnésium et regorge une diver-
ou industrielle. sité de microorganismes du sol. Terra preta
Il y a environ 6000 ans que les amérin- est restée très productive pour les cultures,
De manière conventionnelle (Initiative diens vivants en forêt dans l’Amazonie ce qui justifie de nos jours la commercia-
International sur le biochar), le terme bio- découvraient que l’utilisation du charbon lisation de terra preta comme substrat en
char désigne toute matière organique car- pouvait transformer leurs sols pauvres et agriculture et en horticulture. L'analyse
moléculaire des restes de charbon du sol et de retenir plus d’éléments fertilisants. lourds dans le sol. La structure micropo-
identifiés dans terra preta laisse penser Les nutriments sont plus accessibles, et reuse du charbon de bois lui permet de re-
que si une partie du charbon provenait du cela protège également les plantes de tenir et de fixer de nombreuses molécules
bois brûlé lors du défrichement, une autre la toxicité due à l’aluminium qui, présent toxiques (des métaux lourds, notamment)
partie, plus significative en profondeur est dans ces sols argileux en particulier, freine présentes dans l’eau et de contribuer à sa
un charbon provenant de la combustion la croissance des plantes et limite la pro- dépollution.
incomplète des déchets agricoles ou du duction agricole.
bois dans les foyers. En conséquence l’idée
Outre la contribution à la nutrition minérale
Comment produire le
sous entendue derrière le concept biochar
à travers les éléments minéraux contenus
biochar
n’est pas de reproduire le système de
culture tel que pratiqué à l’aire de la civi- dans les cendres, le biochar augmente la La carbonisation décrit un certain nombre
lisation des amérindiens, mais d’identifier disponibilité du phosphore pour les plante de processus de pyrolyse de la biomasse
un élément de ce système « le charbon » dans le sol. En milieu très acide, les ap- qui se rapprochent aux méthodes tradi-
dans l’espoir de créer des sols qui devien- ports d’engrais phosphatés se retrouvent tionnelles de production de charbon et qui
dront aussi fertiles et riche en carbone à fixés dans le sols et non disponibles produit du biochar ayant la concentration
long terme comme terra preta. aux plantes, en revanche le biochar une la plus élevée en carbone.
fois appliqué au sol va libéré des anions Aussi ancienne que l’histoire de l’humani-
Les avantages du biochar organiques qui vont combler les sites de té la carbonisation du bois pour la produc-
fixations du phosphore de l’argile et per- tion du charbon était pratiquée. Pendant
- Améliore le pH du sol à faible coût mettre ainsi aux engrais phosphatés d’être la production traditionnelle du charbon ni
disponible aux plantes après application. l’énergie produit ou les gaz échappés ne
Augmenter le pH du sol pour neutraliser
De plus les groupements carboxyliques sont récupérés causant ainsi la pollution.
son acidité à l’aide d’amendements cal-
rattachés à la structure hétérocyclique que Ainsi donc Les modes de production tra-
ciques à l’exemple de la chaux est une
constitue le biochar contribuent aussi à la ditionnelle de charbon restent inefficients
opération coûteuse et non justifier écono-
rétention des éléments minéraux. au point de vue énergétique. Pourtant, le
miquement pour le petit agriculteur. Le
biochar contient aussi les principes actifs - Stimule la vie microbienne du sol biochar peut être produit de manière arti-
que ces amendements et peut être pro- sanale en utilisant les fûts ou de manière
duit à faible coût. Bien que la structure du carbone du bio- contrôlée.
char est résistant à l’attaque par les mi-
La presque majorité des biochar produit croorganismes. Des études ont montré Le principe générale de la pyrolyse
sont alcalin avec des pH variant de 7-10, consiste à chauffée la biomasse à haute
23
qu’une une faible proportion du carbone
l’alcalinité observée dépends de la pro- contenue dans le biochar peut être dis- température en milieu pauvre en oxygène,
portion des cendres ainsi que des grou- ponible aux microorganismes. C’est ce ce qui conduit à production d’un résidu so-
pements carboxyliques observés dans carbone labile qui va stimuler l’activité lide appelé biochar, les gaz condensables
chaque type de biochar. Ces cendres qui microbienne du sol. Le biochar agit de (bio-huile) et des gaz non condensables.
riches en carbonates (fumier) ou anions manière indirecte à travers le relèvement En milieu contrôlé les gaz qui échappent du
organiques concourent après leur hydro- du pH, plusieurs microorganismes du sols réacteur contenant la biomasse chauffée
lyse à la neutralisation de l’acidité du sol à l’exemple des bactéries ont un dévelop- sont condensés et récupérés sous forme
et au relèvement du pH. De manière pement optimal en milieu proche de la de bio-huile qui peut être utilisé comme
générale les biochars issus des résidus des neutralité (pH 6-7). De plus les biochar is- biocarburant tandis que dans le système
plantes légumineuse (soja, arachides, nié- sus des biomasses présentant un système artisanal, ces gaz sont brûlés au contact de
bé, haricots) ont une alcalinité élevée que vasculaire contiennent de nombreux micro l’oxygène afin de fournir la chaleur néces-
les biochar issus des résidus des plantes et macrospores qui peuvent êtres utilisés saire au chauffage de la biomasse d’où
non légumineuses. par les microorganismes comme refuges l’efficience des pyrolyseurs à doubles fûts
Les biochar produit avec les fumiers contres les prédateurs. Des travaux de re- dans la production du biochar.
(fientes de poule ou de volaille) et écorces cherches ont montré certaines évidences Le rendement en biochar dépend du type
des arbres, ont généralement un taux que le biochar aurai un effet bénéfiques de pyrolyse, en pyrolyse lente ou carbo-
élevé en cendre comparativement aux sur les mycorhizes, un champignon du sol nisation on obtient généralement 30 -35%
biochar issus du matériau ligneux. qui vit en symbiose avec les racines des en masse de biochar.
plantes. En facilitant le développement des
- Augmente la capacité de rétention
des éléments minéraux et la disponi-
bactéries et des champignons, le biochar Application du biochar
favorise aussi la biochar aide à une meil-
bilité du phosphore dans le sol. leure structuration du sol le milieu devient Plusieurs facteurs du processus de pyro-
alors moins sensible au feu et à l’érosion. lyse influence la qualité du biochar obtenu,
Comme mentionné ci-dessus les sols tropi-
d’où l’importance de caractériser le biochar
caux acides du fait de leur charge positive
- Améliore la porosité et participe à avant toute application au sol et dans l’en-
en milieu acide (conséquence du faible
l’épuration du sol et de l’eau vironnement. Il est aussi important que
taux de matière organique et du type d’ar-
Le biochar est un matériau poreux et de les expérimentations soient menées en
gile rencontré) ont une faible capacité à
faible densité (< 0. 5 g/cm3) son incor- milieu contrôlé et en champs avant de dé-
retenir les grandes quantités éléments fer-
poration dans le sol augmente la porosité terminer la dose de biochar à apporter sur
tilisants. C’est pourquoi Il est recommandé
et l’aération du sol, rendant ainsi le sol tel ou tel type de sol ou culture. En général
de fractionner les apports d’engrais afin
propice au développement racinaire des avec le biochar, plus le sol est pauvre plus
d’éviter leur lessivage et que ceux-ci ne se
plantes. Cette propriété peut être exploi- le biochar aura un effet sur le sol.
retrouvent dans les eaux souterraines et
rivières. Le biochar en augmentant le pH tée pour croissance rapide des plants Les sols à texture légère, sableux ou sa-
du sol permet non seulement de résoudre mis en pépinières. Par ailleurs certains blonneux seront sont propices aux appli-
le problème d’acidité mais aussi permet biochars possèdent aussi un surface spé- cations de biochar que les sols à texture
au sol d’avoir une charge nette négative cifique grande qui leur permet d’absorber lourde comme les sols argileux.
les polluants organiques et les métaux
Le tableau ci-dessous présente les caractéristiques élémentaires à connaître avant toute
application du biochar

Critère Importance

pH (H20 ou KCl) Neutralisation de l’acidité, la charge

Neutralisation de l’acidité, nutrition minérale, limite la


Le taux et le type de cendre
fixation du phosphore

Salinité Peut contribuer à la dégradation du sol si elle est très élevée

Densité apparente Donne une indication sur le volume des pores

Taux de carbone Doit être > 50%

Informe sur le degré de carbonisation et donc la stabilité du


Les ratios atomiques O/C, H/C,
biochar. Il doit être inférieur à 0.6

La surface spécifique, porosité Rétention de l’eau des polluants organiques et métaux lourd

Doit être faible < 10%, Un taux élevé (40%) contient du


carbone labile pour les microorganismes et peut conduire
Le taux de matière volatile
24 à l’immobilisation de l’azote du sol. Ce type de charbon
produit beaucoup de flammes lorsqu’on le brûle

La capacité d’échange cationique Rétention des éléments minéraux

Le pouvoir calorifique supérieure Valeur énergétiques comme combustible

Taux de métaux lourd Doit être faible

Les hydrocarbones polycycliques et


Doit être faible
aromatiques

Avant d’appliquer le biochar il est important de noter que lors de la


pyrolyse toute l’azote contenue dans la biomasse originelle est soit
piégé dans la structure aromatique ou volatilisée. Par conséquent
le biochar n’apportera pas d’azote d’où la nécessité d’associer au
biochar une source d’azote afin d’éviter le phénomène d’immo-
bilisation de l’azote du sol en cas application de biochar ayant un
taux de volatile élevé. Le biochar peut être associé au compost,
Visitez
dans ce cas le compost fournira la matière carbonée nécessaire à
la vie microbienne du sol tandis que le biochar aidera à enrichir le
la page web
sol en carbone. Contrairement à l’azote les autres éléments nutri- de AGRIDAPE
tifs contenus dans les cendres ou la structure carbonée peuvent
être disponibles aux plantes. Les doses peuvent aller de 5-50t/ha http//www.iedafrique.org/
dépendant du type de sol. agridape.html

Luc Gérard Onana Onana


Ingénieur agronome/ Msc en science du sol
Enseignant associé à la filière de métier du bois, de l’eau et de l’environnement,
Université de Dschang
Laboratoire de conversion thermochique de la biomasse, Université de Gand, Belgique
Email : onalucassen@yahoo.fr / lucgerardonanaonana@Ugent.be
Contribution des déjections de chenilles de
Karité (Citrina butyrospermi) à la gestion de
la fertilité des sols

Kalifa Coulibaly, Alain P.K Gomgnimbou, Bernard Bacyé, Hassan B. Nacro, Michel P. Sédogo

Au Burkina Faso, le karité est une espèce


très répandue dans les agro-systèmes.
Les produits issus de cette espèce sont
principalement le beurre et les chenilles
de karité. Les chenilles, au cours de
leur phase larvaire, consomment la
biomasse foliaire de karité et rejettent
d’importantes quantités de déjections à
la surface des sols. Ces déjections, issues
de la digestion des feuilles de karité,
sont une source de matière organique
pour le sol.
25

Photo : Kalifa Coulibaly


L
a présente étude préliminaire a été
initiée afin de déterminer (i) la quan-
tité de déjections produites par les
chenilles et (ii) les quantités d’éléments
fertilisants susceptibles d’être recyclés Déjections de chenilles sous karité
dans les sols via les chenilles de karité.

Détermination de la quan- Estimation de la couverture suivante pour estimer la quantité d’urée :


tité de déjections des che- des besoins annuels en C Quantité Urée (kg/ha) = Quantité N *
nilles (100/46), avec la Quantité N qui corres-
des sols par les déjections pond à celle apportée par les déjections
Pour déterminer la quantité de déjections des chenilles de chenilles selon le type de parcelle et
des chenilles, nous avions choisi 6 pieds sachant aussi que 100 kg d’urée contient
Nous avons considéré 372 kg de C/ha/an
de karité espacés de 30 à 50 m les uns des 46 kg de N.
comme la quantité de C minéralisé par an
autres dans des champs mis en culture. La
(Berger et al., 1987). La couvertue des be- L’équivalent économique a été obtenu, en
taille et le niveau d’attaque par les che-
soins en C (en %) a été obtenue en faisant multipliant la quantité d’urée obtenue par
nilles n’étaient pas identiques. La quantité
le rapport entre quantité de C des déjec- 326 FCFA (coût d’un kg d’urée selon une
de déjection a été mesurée sur 3 placettes
tions par type de parcelle, et la quantité de société de commercialisation d’engrais au
de 1 m2 chacune sous chaque karité. La
C minéralisé annuellement. Burkina Faso).
détermination de la quantité des déjec-
tions a été réalisée en début Août, période
qui correspond à la descente de l’arbre de Estimation de la valeur Résultats de l’étude
la majorité des chenilles et de leur ramas- économique des déjections - Quantification des déjections des
sage pour la consommation humaine. suivant une valorisation en chenilles de karité
Selon Kaboré et al. (2012), les densités de terme d’urée
karité à l’ha suivant 6 types de parcelles. La Figure 1 montre que la production de
Les jeunes champs (exploitation depuis 2 L’obtention des déjections de chenilles déjection la plus élevée est obtenue dans
ans), les champs d’âge intermédiaire (ex- en quantité suffisante correspond à leur les vieilles jachères (3 774,95 kg/ha),
ploitation depuis 6 ans), les vieux champs descente des arbres, leur ramassage pour suivie de jachères d’âge intermédiaire (1
(exploitation depuis plus de 15 ans), les la consommation et surtout à la période 357, 20 kg/ha). La production de déjection
jeunes jachères (abandon depuis 2 à 3 d’application de l’urée sur les cultures. Cela dans les 3 types de champs et les jeunes
ans), les jachères d’âge intermédiaire nous conduit à faire l’hypothèse que l’ap- jachères est inférieure 1 000 kg/ha avec la
(abandon depuis 6 à 8 ans) et les vielles plication des déjections de chenilles sur les plus faible obtenue dans les vieux champs
jachères (abandon depuis plus de 15 ans). cultures pourrait substituer celle de l’urée. (440,12 kg/ha).
Pour ce faire, nous avions utilisé la formule
Figure 1 : Production de déjection de chenille par type de parcelle Conclusion
4000,00 Les résultats de cette étude mettent en
évidence l’importance de renforcer les
3500,00
parcs à karité pour assurer une production
Déjection (kg/ha)

3000,00
importante de déjections de chenille. Ainsi,
2500,00
pour la densité de 70 pieds à l’ha (recom-
2000,00 mandée par les services de l’environne-
1500,00 ment dans les champs au Burkina Faso), la
1000,00 production des champs pourrait atteindre
500,00 1,5 t/ ha. Les déjections de chenilles pré-
0,00 sentent l’avantage d’être produites sur les
Jeune champ AI Vieux Jeune jachère AI Vielle parcelles durant la phase végétative des
champ champ jachère jachère cultures.
Type de parcelle
Elles pourraient donc être valorisées avec
AI = âge intermédiaire économie de travail de transformation. Les
quantités de C et N que les déjections sont
susceptibles d’apporter, montrent qu’elles
- Estimation de la quantité de C produite par les déjections de chenille et de la peuvent couvrir entre 56 et 484 % des be-
couverture des besoins en C des sols selon le type de parcelle soins en C des sols. Les quantités de N que
Les analyses chimiques indiquent que les déjections de chenilles contiennent 477,7 g/ les déjections sont susceptibles d’apporter,
kg de carbone. A partir de cette teneur en C des déjections, on note que celles-ci peuvent montrent qu’elles peuvent substituer les
apporter entre 209 à 332 kg/ha de carbone dans les champs (Tableau 1). On observe que apports d’urée sur les cultures de maïs et
ces quantités de C produites par les chenilles, peuvent permettre de couvrir plus de 50 de coton qui bénéficient selon les recom-
% des besoins annuels en C des sols avec 82,79 %, 89,50% et 56,43% respectivement mandations de la recherche entre 50 et
pour les jeunes champs, les champs d’âge intermédiaire et les vieux champs. Pour les 100 kg/ ha d’urée.
jachères, les quantités de C produites permettent de couvrir plus de 100 % des besoins
annuels en C des sols, excepté les jeunes jachères dont les quantités en C ne couvrent On peut conclure qu’en plus du fait que les
que 69,61 % des besoins des sols. chenilles de karité constituent une source
26 Tableau 1 : Quantité de C et couverture des besoins annuels en C des sols selon
le type de parcelle
de protéine pour l’alimentation humaine,
leurs déjections constituent une voie de
gestion écologique de la fertilité des sols.
Il serait ainsi opportun de conduire des
Jeune Champ Vieux Jeune Jachère Vieille recherches sur les effets des déjections de
champ AI champ jachère AI jachère chenilles sur les rendements des cultures
Quantité C (kg/ ha) 307,97 332,94 209,94 258,95 647,38 1800,65 et la qualité organoleptique des produits.

Couverture des besoins


82,79 89,50 56,43 69,61 174,03 484,05 Kalifa Coulibaly,
en C des sols (%)
Institut du Développement Rural (IDR), Université
AI = âge intermédiaire Polytechnique de Bobo-Dioulasso (UPB), 01 B.P. 1091
Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso ;
kalifacoul1@yahoo.fr ;
- Equivalent économique des quantités de déjections de chenille selon le type
Bernard BACYE
de parcelle
Institut du Développement Rural (IDR), Université
Les analyses chimiques indiquent que les déjections de chenilles contiennent 10,8 g/kg Polytechnique de Bobo-Dioulasso (UPB), 01 B.P. 1091
Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso ;
d’azote. Ce qui peut permettre d’apporter entre 10,31 kg/ha d’urée pour un vieux champ bbacye@gmail.com ;
et 88,47 kg/ha d’urée pour une vieille jachère. En termes économique on enregistre des
Hassan B. NACRO
gains potentiels de 3 362, 4 933 et 5 332 FCFA/ha respectivement pour les vieux champs, Institut du Développement Rural (IDR), Université
les jeunes chams et les champs d’âge intermédiaire (Tableau 2). Pour les jachères, elle Polytechnique de Bobo-Dioulasso (UPB), 01 B.P. 1091
atteigne 28 840 et 10 369 FCFA/ha pour les vieilles jachères et les jachères d’âge inter- Bobo-Dioulasso 01, Burkina Faso ;
nacrohb@hotmail.com;
médiaire respectivement. Pour les jeunes jachères, la valeur économique est de 4 147
FCFA/ ha. Alain P.K Gomgnimbou
Institut de l’Environnement et de Recherche Agricole
(INERA), 01 B.P. 476 Ouagadougou 01, Burkina Faso.
Tableau 2 : Valorisation économique des quantités en N des déjections de Alain PK. GOMGNIMBOU
chenilles selon le type de parcelle gpkalain@yahoo.fr ;

Michel P. SEDOGO
Quantité d’Urée (kg/ha) Gain économique (FCFA/ha) Institut de l’Environnement et de Recherche Agricole
(INERA), 01 B.P. 476 Ouagadougou 01, Burkina Faso.
Jeune champ 15,13 4 933
michel_sedogo@yahoo.fr
Champ AI 16,36 5 332
Vieux champ 10,31 3 362
Jeune jachère 12,72 4 147
Jachère AI 31,81 10 369
Vieille jachère 88,47 28 840
AI = âge intermédiaire
SIT E S W EB
La librairie virtuelle sur du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest. Pour Association « Biodiversité :
y arriver, le Centre s’active à assurer
l’agroécologie et l’agricul- l’information et la formation des acteurs Echanges et Diffusion d’Ex-
ture de conservation du développement et de leur partenaire périences »
dans les domaines de l’agro-écologie au
www.agroecologie-scv.org http://www.bede-asso.org/?lang=fr
sens large (agro-climatologie, hydrologie,
http://agroecologie.cirad.fr/ protection des végétaux,…). C’est donc un BEDE est une association de solidarité
outil à vocation régional, spécialisé dans internationale pour la promotion de la
Il s’agit d’une collection de documents que les sciences et techniques applicables aux biodiversité cultivée et la mise en réseau
l’UR Aïda met à la disposition de tous sur secteurs du développement agricole, de de territoires en agroécologie paysanne.
son pour partager leurs savoirs faires et l’aménagement de l’espace rural et de la Elle intervient en Afrique de l’Ouest, au
leurs expériences. gestion des ressources naturelles. Maghreb et en Europe.
Dans son site web, BEDE partage
Cette librairie est accessible par mots clé,
auteurs, pays, types de documents ou Alliance globale pour la des connaissances sur les approches
agroécologiques et la production de
rechercher des mots dans le résumé. Il résilience (AGIR) - Sahel et semences paysannes. Elle y diffuse
contient plus de 800 documents, la librairie Afrique de l’Ouest également son bulletin d’information
référence aussi à un fond documentaire
http://www.oecd.org /fr/sites/rpca/ dénommé « Les Nouvelles de BEDE » pour
vidéo sur l’agriculture de conservation.
agir/#resilience communiquer sur ses activités, des outils
pédagogiques et de la documentation.
Site web dédié à l’agroéco- Lancée en décembre 2012
logie à Ouagadougou, l’Alliance globale pour la Projet RIME/PAMPA
résilience (AGIR) est un cadre favorisant
http://www.agroecologie.fr/ http://www.rime-pampa.net/
la synergie, la cohérence et l’efficacité au
Ce site internet est dédié à l’agroécologie, service des initiatives de résilience dans L’objectif de ce projet est de caractériser
et a pour objectif de donner à ses lecteurs les 17 pays ouest-africains et sahéliens à et évaluer les impacts ou effets de
des premiers éléments de connaissance savoir le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la l’agriculture de conservation dans les
et de compréhension : sur l’agroécologie
27
Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Togo, pays en développement tant du point de
en tant que tel, ses principes et ses le Bénin, la Mauritanie, le Sénégal, le vue agro-environnemental (séquestration
concepts, sur ses acteurs, institutionnels et Tchad, le Cap-Vert, la Gambie, le Liberia, de carbone, impacts écologiques), que
associatifs (recherche, formation, diffusion le Ghana, la Guinée, le Nigeria et la Sierra socio-économique (condition d’adoption
des méthodes) et sur les grandes figures Leone. des nouveaux systèmes de cultures et
engagées dans l’agroécologie, et enfin, sur dynamique d’innovation au sein des
des projets agroécologiques. Ce site web fait une photographie globale exploitations et des territoires). Son site
Le contenu de ce site est très partiel, de cette initiative en présentant le web offre des informations sur la mise en
vous êtes invités à visiter et à rencontrer contexte de mise en œuvre de l’Alliance, œuvre de ce projet de recherche mais aussi
les acteurs reconnus dans ce domaine, les objectifs, les cibles, le système de diffuse des connaissances sur l’agriculture
à assister à des conférences, lire des gouvernance, les institutions et partenaires de conservation.
ouvrages, échanger avec les personnes membres et leurs rôles.
compétentes, etc. Campagnes et environne-
Le réseau ODINAFRICA ment
Site web dédié à l’Année http://www.odinafrica.org/ http://www.campagnesetenvironnement.
Internationale des Sols fr/index.php
ODINAFRICA est un réseau actif en Afrique
http://www.sols2015.ch qui vise à favoriser l’essor des initiatives Campagnes et environnement est le
Le site de la Coordination «Année en faveur l’adaptation au changement premier magazine environnement de
international des sols 2015», il diffuse climatique. l’agriculture. Il est édité par Terre Ecos. Ce
toutes les actualités liées à la mise en magazine recueille et analyse chaque
trimestre l’information à destination des
œuvre de l’AIS 2015. On y retrouve des Plateforme Pluridisciplinaire relais d’opinion agricoles (agriculteurs
fiches d’information sur la vie des sols,
différents matériels pédagogiques sur Régionale (PPR) dédiée aux leaders, prescripteurs et distributeurs) et
la science des sols y sont également Sociétés Rurales, à l’Envi- des relais d’opinion de la société civile
partagés. Le site propose un agenda des (politiques, collectivités territoriales,
ronnement et au Climat en associations et ONG, presse). Son ambition
évènements en rapport avec les sols et
l’agriculture de manière générale. Afrique de l’Ouest (SREC) est de diffuser les bonnes pratiques au
sein du secteur agricole et d’en informer la
http://www.ppr-srec.ird.fr/
société civile.
Centre Régional AGRHYMET La plateforme SREC représente une centaine
Son site web partage des informations
http://www.agrhymet.ne/ d’institutions de recherche et universités
sur environnement de l’agriculture en
d’Afrique de l’Ouest, un réseau de plus
prise direct avec la société : alimentation,
Le Centre Régional AGRHYMET a pour de 300 chercheurs et des compétences
biodiversité, eau, sol, climat, pratiques,
objectifs principaux (i) de contribuer à la scientifiques dans les domaines des
bioressources, territoires. Il une synthèse
sécurité alimentaire et à l’augmentation sciences sociales, de l’environnement et
des actions et initiatives du terrain.
de la production agricole dans les pays du climat. Elle centre ses actions autour de
membres du CILSS et de la CEDEAO et la production de solutions innovantes pour
(ii) d’aider à l’amélioration de la gestion la sécurité alimentaire et la préservation
des ressources naturelles de la région des ressources naturelles en Afrique de
l’Ouest.
BIBLIOGRAPHIE
LIBERER LE POTENTIEL DES EXPLOITA- Colloque René Dumont, HAL Id: ci- Agroécologie, une transition vers
TIONS FAMILIALES : Tenir compte des rad-01066447, 24 pages. des modes de vie et de développe-
activités agro-sylvo-pastorales et ment viables : Paroles d’acteurs, 2013,
C e t t e
halieutiques des exploitations fami- communication P.Burger, S.Berton, R.Billaz, A.Lebreton
liales dans la croissance économique vise à confronter et Groupe de Travail Désertification. 96
durable du Sénégal. 2014, CNCR, 128 les principes pages
pages. et objectifs de Ce travail est
Ce suivi des l ’ A g r o é co l o g i e une contribution
exploitations et de l’IE collective du
familiales définis par leurs GTD portant sur
d é b o u c h e promoteurs, aux l’agriculture dans
directement sur fonctionnements la préservation de
des questions et stratégies l’environnement
stratégiques pour actuels des et à sa
les organisations exploitations contribution au
paysannes et agricoles d’Afrique de l’Ouest3 et plus développement,
pour le CNCR : particulièrement des zones de savane p l u s
Quelles priorités cotonnière. Dans une première partie spécifiquement
se donner vis elle montre les évolutions historiques des sous l’angle des zones sèches et la
à vis de chaque catégorie d’exploitation systèmes de production dans cette dégradation des terres. Cette publication
familiale pour mieux relever les défis région. comprend une synthèse des résultats
de la sécurité alimentaire nationale, Par la suite elle précise ensuite les d’une dizaine de cas choisis parmi
de l’emploi et de la gestion durables évolutions des politiques agricoles suite une trentaine de projets à connotation
des ressources naturelles, et ne laisser aux émeutes de la faim de 2008. Elle tente agroécologique conduits auprès de petits
per sonne en route ? Comment soutenir aussi d’expliquer pourquoi les pratiques paysans des zones sèches des pays du
chaque catégorie d’exploitations familiales paysannes «agroécologiques» anciennes Sud. Notre intention est de faire apparaître
(quels conseils et services leur offrir, quels ou celles proposées par la recherche- l’agroécologie telle qu’elle est pratiquée
thèmes développer dans le dialogue développement plus récemment, restent et vécue par ceux qui l’ont adoptée, tout
politique avec les collectivités locales marginales dans les exploitations. en y apportant notre propre analyse.
28 et avec l’Etat) ? Quel système de suivi
faut-il continuer de développer pour
Enfin, dans sa dernière partie elle les
conditions nécessaires à une intensification
La première partie des informations est
basée sur les connaissances des principaux
aider les organisations paysannes, mais écologique de la production agricole en auteurs et des recherches bibliographiques
aussi les autres acteurs, à prendre les Afrique de l’Ouest. sur l’agroécologie. La deuxième partie est
bonnes décisions aux différents niveaux constituée de témoignages directs des
? Les résultats de ce suivi fournissent des Evaluation du bilan en éléments nutri- professionnels en agriculture écologique.
éléments consistants de réponse à ces tifs du sol : Approches et méthodolo- La troisième partie repose sur des
questions, mais ils mettent aussi à jour six gies. Bulletin FAO Engrais et Nutrition sondages effectués auprès des acteurs de
contraintes principales dépassant le niveau végétale, FAO, 2005, ISSN 0532-0488, l’agroécologie, dans le cadre des activités
des exploitations familiales et qui limitent de solidarité internationale réalisées par
100 pages.
actuellement les possibilités de libérer leur des ONG françaises et leurs partenaires du
important potentiel et leur contribution à Cette publication Sud. Enfin la dernière partie renvoie à des
l’essor national. est le résultat acteurs et actions de l’agroécologie.
d’une synthèse
Les principes de la fertilité des sols : du document Bonnes pratiques agro-sylvo-pasto-
Construire sa relation avec le sol de base et des rales d’amélioration durable de la fer-
2013, Alfred Berner et al. , ISBN contributions à tilité des sols au Burkina Faso. CILSS,
978-3-03736-232-7, 32 pages. la conférence 2012, 194 pages.
La brochure met électronique,
ultérieurement Ce document est
en lumière la
consolidée par les un produit de
fertilité du sol à
analyses et les l’exécution de
partir de divers
publications les cette Initiative du
points de vue
plus récentes. CILSS qui prévoit
scientifiques et
la capitalisation
ruraux. Les infor- Les évaluations des bilans en éléments des bonnes
mations visent nutritifs aident à déterminer les effets des pratiques de
à compléter les pratiques agricoles sur la fertilité des sols. Gestion Durable
observations Selon les situations, plusieurs approches de la Fertilité
pratiques des et méthodes ont été utilisées. Ce bulletin des Sols (GDFS)
agriculteurs et présente un aperçu de la situation actuelle pour une large
veulent encourager les lecteurs à réfléchir des études des bilans en éléments nutritifs. diffusion au Burkina Faso et de façon
à la relation avec le sol et à pratiquer une Il fait apparaître l›évolution des différentes générale dans l’espace CILSS. Ce catalogue
culture du sol véritablement durable. approches et méthodes, les compare et regroupe les bonnes pratiques, les plus
souligne les améliorations effectuées ainsi pertinentes et les plus complètes afin
L’agroécologie pour l’agriculture fami- que les questions qui restent à résoudre. d’en faire un document de référence
liale dans les pays du Sud: impasse Cette analyse permettra le développement utilisable pour l’élaboration de modèle de
ou voie d’avenir? Le cas des zones des méthodologies d›évaluation recommandations de pratiques de gestion
de savane cotonnière de l’Afrique de considérées comme des outils fiables durable de la fertilité des sols au Burkina
l’Ouest et du Centre. Dugué, P., Aut- visant à concevoir des interventions dans Faso. Il comprend cinquante- neuf (59)
le domaine de la gestion de la fertilité des technologies ayant fait l’objet de recherche
fray, P., Blanchard, M., Djamen, P.,
sols. et donné des résultats probants en station
Dongmo, A., Girard, P., Vall, E., 2012.
et en champ.
infos
OPINION

Point de vue d’un agronome pour une gestion


durable des sols en Afrique de l’Ouest
Patrick Dugué
Chercheur au CIRAD, M. Dugué nous propose une analyse historique des approches de gestion durable des terres en Afrique de
l’Ouest. Cet article présente le point de vue d’un agronome sur ce que pourrait être la gestion durable des sols sous cultures
pluviales dans la région.

29

Photo : P. Autfray Cirad

Expérimentation du semis direct dans une couverture de pailles de sorgho : une technique en cours d’expérimentation qui nécessite la conservation des résidus au champ
(Mali, région de Koutiala)

L
a baisse de la fertilité des sols cultivés sion) mais aussi biologique (peu de vers croissement de la population rurale. Lorsque
et les effets du renforcement des aléas de terres et de macrofaune mais une forte la densité dépasse 50 ou 70 habitants par
pluviométriques sont les principales quantité de semences de mauvaises herbes km² les agriculteurs ne sont plus en mesure
causes de la faible productivité des exploi- nuisibles aux cultures). Pourtant la recherche d’entretenir la fertilité du sol par la jachère
tations agricoles familiales d’Afrique de agricole et les structures de développement de moyenne ou longue durée faute de terres
l’ouest. De plus ces agriculteurs disposent de ont engagé des études et apporté des appuis disponibles. De plus ces populations en plus
peu de moyens pour inverser ces évolutions aux agriculteurs depuis plus d’un demi-siècle grand nombre prélèvent plus de bois et de
hormis leurs savoir faire et leur investisse- sans que des solutions concrètes aient pu résidus de culture dans les champs pour les
ment en travail (souvent manuel). Les États être mises en œuvre à grande échelle par besoins des familles. La densité de bovins et
et la communauté internationale ont du mal les agriculteurs. de petits ruminants augmentant aussi, cela
à dégager les financements pour aider effi- Avant cela, un retour rapide dans le passé entraine un accroissement des prélèvements
cacement ces agriculteurs à produire mieux est nécessaire. La dégradation des sols est de biomasse fourragère (pailles, branches
et plus, qu’il s’agisse de cultures pluviales ou en effet un phénomène assez ancien dans d’arbres).
irriguées. La dégradation des terres agricoles certaines régions ouest africaines (à la fin Toutefois, à ces époques, les paysans Serrer
est un phénomène complexe qui associe du XIX° siècle au centre sud du Bénin, dans au Sénégal, Tupuri des plaines au nord du
la baisse de la quantité de nutriments et les années 1930 au centre du Sénégal et à Cameroun et ceux des Monts Mandara du
de matières organiques dans les sols, leur partir des années 1950 sur le plateau cen- Cameroun et du Plateau Akposso du Togo, ont
dégradation physique (compaction, éro- tral au Burkina Faso) qui a pour origine l’ac- pu, sans l’appui d’agronomes, de forestiers ou
Opinion
de projets de développement, mettre en
place des techniques qui ont efficacement
contribuer à préserver la fertilité de leurs
sols. Il s’agit entre autres des terrasses en
pierres, de la jachère pâturée en rotation
avec les céréales et l’arachide, des associa-
tions sorgho-niébé et des parcs arborés à
Faidherbia Albida (balanzan, kadd ou gao en
langues vernaculaires), Vitellaria paradoxa
(karité) ou Proposopis africana.
Ces techniques et savoir faire paysans sont
difficiles à mettre en pratique sur de grandes
superficies du fait du manque de terre (pour
les jachères courtes) et de travailleurs pour

Photo : P. Autfray Cirad


des travaux pénibles comme le transport
des pierres. Pourquoi les agriculteurs d’au-
jourd’hui ont du mal à entretenir la fertilité
de leurs terres ? Les techniques proposées
sont elles inefficaces ou difficiles à mettre
en œuvre ? Les mesures d’accompagnement
Entretien des bovins de trait et d’élevage, et production de fumier. (Mali, région de Sikasso)
des structures de développement sont elles
à améliorer ? Les efforts des Etats, des col-
d’élevage (fosse et étable fumière, parc à de Faidherbia albida se sont étendues ces
lectivités locales (communes, régions) et de
bovins amélioré, …..) puis en valorisant les 15 dernières années sur de grandes surfaces
la communauté internationale sont-ils insuf-
résidus de culture et les ordures ménagères dans les régions où ils étaient déjà présents
fisants ?
(fosses compostières, comme au Burkina sur sols sableux et/ou profonds - Extrême
Faso à la fin des années 1980’). D’un point de Nord au Cameroun, région de Dosso au Ni-
Des engrais minéraux à vue agronomique nous devons continuer à ger, centre du Sénégal et plus localement au
l’agriculture de conservation… recommander la production des ces fumures Mali et au Burkina Faso. Tous les agriculteurs
organiques dont les techniques ces tech- et les agronomes de ces pays connaissent
Comme en Europe au début du XX° siècle,
30 la fertilisation minérale avec les engrais est
apparue en Afrique de l’Ouest dès les années
niques ont progressivement été améliorées,
par exemple par l’enrichissement par des
phosphates naturels produit dans la région
les effets spectaculaires de cet arbre sur la
fertilité du sol et le développement des cé-
réales sans compter son apport fourrager en
1970 comme la technique qui permettrait de (Burkina Faso, mali, Togo, Sénégal,..). Mal- saison sèche. La technique de régénération
maintenir la fertilité des sols. Il suffisait de gré un bon taux d’adoption de ces innova- naturelle assistée (RNA) de ces parcs est peu
donner aux sols la quantité de nutriments tions, leurs impacts sur la production agricole coûteuse et très efficace car les agriculteurs
(sous la forme d’engrais NPK par exemple) et le maintien de la fertilité des sols restent ont fait des efforts (parfois soutenus par les
nécessaire aux cultures et équivalent aux nu- limités : projets) pour repérer et protéger les jeunes
triments exportés par les récoltes de grains pousses de Faidherbia. Cela a pu être facilité
et de paille et la vaine pâture. Ce ne fut pas −− Le nombre de bovins par exploitation est
souvent faible (une paire de bœufs de par la baisse des effectifs d’animaux d’éle-
une solution idéale à 3 points de vue : vage dans certaines régions en crise ou par
trait, 3 ou 4 bovins d’élevage). Le nombre
−− Le coût des engrais minéraux était élevé de bovins par hectare cultivé est ainsi li- un meilleur gardiennage des troupeaux. Mais
du fait de leur importation, du transport mité. Par exemple un agriculteur malien de grandes régions ne peuvent pas bénéfi-
sur de mauvaises pistes et des taxes non peut cultiver 10 ha avec 4 bœufs de trait cier de cette technique pour des raisons
officielles. Une majorité des agriculteurs et la production de fumier de ces animaux pédologiques ou du fait d’une mécanisation
ne pouvait pas les acheter ou alors en ne peut pas suffire pour maintenir la fer- poussée de l’agriculture en traction animale
petite quantité ; tilité de cette surface (1 bœuf pour 2,5 ha et maintenant avec des tracteurs. Cette
de terre cultivée). Souvent les agriculteurs mécanisation qui est peu compatible avec
−− Les sécheresses en cours de campagne
n’ont qu’un âne ou quelques petits rumi- une dispersion des arbres dans les parcelles,
agricole ont limité fortement la rentabilité
nants qui produisent peu de fumier ; il faudrait qu’ils soient positionner sur des
des engrais surtout dans les sols sableux
lignes ce qui n’est pas facile à obtenir avec la
et les régions à pluviométrie inférieure à −− Pour produire beaucoup de fumier et de régénération naturelles assistée.
700 mm/an ; compost il faut collecter beaucoup de rési-
dus de culture (paille, tiges de cotonnier Au cours des années 1990’ l’agriculture de
−− Enfin l’engrais minéral n’a aucun effet sur
etc.) ou de paille de brousse alors que conservation, appelée aussi système de
le taux de matière organique du sol qui
ces biomasses ont bien d’autres usages, culture sous couvert végétal(SCV), est alors
va baisser chaque année si on n’apporte
d’abord alimenter le bétail, faire du feu, apparue pour les agronomes comme une
pas assez et assez souvent de la fumure
construire des hangars, ... solution appropriée et pour certains, adap-
organique ou si on ne peut pas pratiquer
tée à toutes les situations d’Afrique sub-
la jachère pendant 10 ou 20 ans. Lorsque A la même période les forestiers ont promu saharienne. Ce type de système de culture
le taux de matière organique du sol (l’hu- l’agroforesterie, l’association des arbres aux combine 3 principes : travailler au minimum
mus) est trop faible le sol « fonctionne cultures, pour entre autres, entretenir la fer- le sol (si possible en faisant un semis direct
mal » : il se compacte limitant le déve- tilité des sols. Mais les jachères améliorées sans labour), couvrir le sol le plus longtemps
loppement des racines, la macrofaune (les par plantation d’arbres ont peu de succès possible surtout en début de saison des
vers de terres, les termites utiles, ..) tend du fait du manque de terres cultivables et pluies, pratiquer la rotation ou l’association
à disparaitre, les engrais sont plus rapide- de la durée de jachère - de 5 à 10 - pour des cultures (en particulier en augmentant la
ment lessivés par les grosses pluies. obtenir un effet significatif sur le sol. De place occupée par les légumineuses comme
Sur la base de ce constat les agronomes ont plus la plantation est coûteuse à réaliser et le niébé, l’arachide ainsi le stylosanthes,
proposé aux agriculteurs de mettre l’accent constitue un marquage du foncier qui peut le mucuna et la dolique, 3 cultures fourra-
sur la production de la fumure organique. entraîner des conflits entres producteurs. Par gères). D’un point de vue agro-pédologique
Dans un premier temps avec leurs animaux contre les parcs arborés surtout ceux à base les SCV sont très intéressants car les résidus
Opinion
de culture laissés au sol le protège des pluies En effet, il y’a la nécessité de raisonner en nomes est un objectif louable mais pour
et du vent, et apporte progressivement de la même temps les besoins en eau des cultures cela il y lieu de renforcer les capacités des
matière organique à la couche superficielle et leur fertilisation en combinant fumures acteurs à différents niveaux de décision.
de sol car ces résidus sont décomposés par minérale et organique dans la mesure du Les agriculteurs tout d’abord afin qu’ils dis-
les microorganismes et la macrofaune. Mais possible. Une culture qui ne souffre pas posent des bases de connaissance pour
cette technologie tarde à se diffuser dans d’un manque d’eau se développera dans de apprécier les atouts et limites des techno-
les régions où elle a été vulgarisée comme bonnes conditions si elle peut trouver dans le logies prometteuses. Leurs organisations
les zones cotonnières du Mali, Burkina Faso, sol les nutriments dont elle a besoin. Dans doivent être renforcées et plus opération-
Cameroun. Certes les moyens mobilisés pour certaines régions semi-arides (300 – 700 nelles pour développer des systèmes de cré-
cette vulgarisation ont été beaucoup plus li- mm/an) ouest-africaines les agriculteurs ont dit /épargne combinant l’achat d’intrants, la
mités qu’en Afrique de l’Est et Australe. Mais beaucoup progressé dans ce domaine avec commercialisation des surplus de récolte et
là-bas aussi les agriculteurs ayant commencé des techniques comme le zaï, les cordons des services sociaux de base (fonds locaux
à adopter cette technique se heurtent à plu- pierreux et plus localement le paillage des pour l’alphabétisation et la santé). Mais il
sieurs difficultés : sols compactés. En Afrique de l’Est la tech- s’agit aussi de faire évoluer les pratiques des
La concurrence entre les différentes utili- nique des micro-bassins est en voie d’adop- chercheurs souvent focalisés sur une seule
sations des résidus de culture est très forte tion. Lorsque la pluviométrie annuelle est technique considérée comme « la bonne »
(alimentation du bétail, feux et construction, plus élevée (700 à 1200 mm) il faut aussi et ne voulant pas considérer l’ensemble des
production de compost, couverture du sol) gérer des poches de sécheresse mais aussi ressources des exploitations agricoles et le
au niveau de l’exploitation mais aussi entre des épisodes très pluvieux qui peuvent com- besoin d’organisation collectives pour amé-
les éleveurs, agro-éleveurs et agriculteurs promettre les récoltes. nager les terroirs villageois. L’appui-conseil
sans élevage. Bien souvent il est difficile de Globalement et quelle que soit la région, aux agriculteurs doit aussi être rénové, les
protéger les mulch de couverture de la dent les apports de fumures restent trop limitées conseillers agricoles être plus présents dans
du bétail et parfois des feux intentionnels ou même si l’agroforesterie peut y contribuer les champs avec les agriculteurs. Mais cela
accidentels ; par la chute des feuilles au sol. On a rap- nécessite des politiques publiques qui aillent
pelé ci-dessus les contraintes de mise en au-delà de la seule subvention des engrais
Si au moment du semis direct le sol est cou- minéraux. Quelles mesures incitatives pour-
vert partiellement par les résidus de culture, œuvre de chaque technique proposée par
la recherche ou les agriculteurs. Ceci nous raient faciliter l’important et pénible travail
il devient difficile ensuite de désherber les de production de fumure organique ? Com-
champs sans avoir recours aux herbicides. amène à considérer qu’il n’y a pas une tech-
nique « passe-partout » et idéale mais qu’il ment faciliter les coordinations entre type de
Cet intrant n’est pas toujours disponible sur producteurs pour qu’il soit possible pour cer-
31
les marchés locaux et l’on connait mal ses faut amener les agriculteurs à raisonner une
combinaison de techniques de gestion de tains de planter des arbres ou de préserver
effets sur l’environnement et la santé du le mulch de couverture du sol sur une partie
bétail et des paysans. Le sarclage manuel la fertilité des terres en fonction du type de
sol, de leurs contraintes majeures (manque de leurs champs sans que des troupeaux ou
est gêné par les résidus et le sarclage ainsi des animaux divagant viennent les détruire.
que le buttage mécaniques ne sont plus pos- d’eau et/ou de nutriments) et d’abord de
leurs objectifs et stratégies (agriculture et/ Des lois et règlements existent dans certains
sibles. Les SCV sont fonctionnels, productifs domaines mais il s’agit surtout d’établir un
et peu couteux en travail lorsque le mulch de ou élevage, niveau d’intensification). La
complémentarité entre les techniques est contrat social entre catégories de produc-
couverture du sol est épais, ce qui empêche teurs et entre eux et les autorités locales et
les mauvaises herbes de pousser et limite les évidente que l’on raisonne à l’échelle d’une
parcelle ou de l’exploitation. Par exemple nationales pour aboutir à une gestion concer-
pertes d’eau du sol par évaporation ; tée de l’eau, de la biomasse et du sol dans
l’usage raisonné de l’engrais minéral permet
Enfin le semis direct dans le mulch demande rapidement d’accroitre les rendements si l’ali- ces régions.
de la technicité et plus de temps de travail mentation en eau des cultures est assurée.
ou de disposer d’un semoir (manuel, attelé) Mais ce gain s’accompagne aussi d’une aug- Pour une intensification agro-
spécifique au semis direct dans le mulch qui mentation de la production de paille qui va écologique
est assez couteux. améliorer la production de fumure organique
et l’alimentation du bétail. De même si les Combiner innovations techniques et organi-
Toutes ces innovations techniques sont-elles
sols sont suffisamment riches et l’eau des sationnelles à différents niveaux – le champ
inutiles ? Tous les projets qui les ont mises au
pluies bien gérée il sera plus facile de réussir cultivé, l’exploitation agricole, le terroir villa-
point et vulgarisées ont-ils toujours échoué ?
une culture associée céréale - légumineuse geois et la petite région – dans un objectif
Non et heureusement pour les agriculteurs
dont les effets sur la fertilité du sol, la pro- de produire plus sans dégrader la fertilité du
ouest africains. Il y a eu de leur part une
duction de fourrage et de graine sont indé- sol et l’environnement correspond à ce que
prise de conscience et beaucoup d’apprentis-
niables. L’utilisation d’engrais minéraux ne certains ont appelée l’intensification agroé-
sage. Les résidus de culture sont de moins
doit pas être considérée comme une source cologique.
en moins brulés aux champs (ce qui limite
les pertes de matière organique), la protec- de nuisances pour les populations rurales ou L’agroécologie développée dans les agricul-
tion des jeunes arbres est plus fréquente, la de dégradation de l’environnement car les tures familiales d’Amérique du Sud a bien
production de fumure organique animale et doses que les agriculteurs peuvent utiliser le souci de valoriser les ressources locales,
végétale augmente surtout dans les exploi- sont faibles et ne vont pas affecter la qualité le savoir-faire et les innovations paysannes,
tations bien équipées en charrette et dispo- de l’eau des nappes ni les caractéristiques mais aussi s’inscrit dans un mouvement
sant de beaucoup de main d’œuvre (Sud du physicochimiques des sols. Inversement social pour l’autonomisation et la responsabi-
Mali, par exemple). Enfin des techniques de mettre l’accent uniquement sur la vulgarisa- lisation des agriculteurs. Dans tout cela le sol
conservation de l’eau et du sol sont large- tion et l’accès aux engrais minéraux par la et sa gestion durable restent des éléments
ment adoptées quand le ruissellement et subvention comme cela a été fait après la de base à transmettre aux futures généra-
l’érosion compromettent la production agri- crise alimentaire de 2008, serait une erreur tions.
cole. pour les raisons évoquées ci-dessus. Cela
pose la question du type de politiques pu-
Patrick Dugué,
bliques et des mesures d’accompagnement
Limiter les pertes en eaux Chercheur
pour une gestion durable des sols agricoles CIRAD, UMR Innovation, Montpellier, France
et une gestion concertée de d’Afrique de l’Ouest. patrick.dugue@cirad.fr
l’eau Amener les agriculteurs à être plus auto-
Opinion

« Pauvreté chronique, la véritable cause de la


dégradation des sols en Afrique »
Dr Emile N. HOUNGBO

La dégradation des terres agricoles résulte de causes diverses. Entre autres causes on peut citer la surexploitation due à
l’accroissement de la population, mais aussi l’expansion des villes. Dans cet article, le docteur Emile N. Houngbo, Enseignant-
Chercheur à l’université d’Agriculture de Kétou (UAK) au Bénin, considère la pauvreté comme principale cause de la forte pression
sur les terres agricoles. Il fait une analyse de deux théories, celles de Thomas-Robert Malthus, ainsi que celle d’Ester Boserup
pour ensuite tirer des conclusions sur la relation entre la fertilité des sols et la situation socioéconomique des ménages paysans.

32

Photo : Cliché Houngbo, août 2007

Parcelle fortement dégradée à Zouvou dans la Commune de Klouékanmè, Bénin

L
’un des constats aujourd’hui est la sement démographique et de la pression observé au pays Bamiléké au Cameroun
surexploitation des terres agricoles ; sur les terres agricoles, les constats ne sont et dans le district de Machakos au Kenya.
une surexploitation qui conduit, dans pas les mêmes. Dans certains cas, la pres- Dans d’autres cas en revanche, c’est une
la plupart des cas, à la perte des princi- sion démographique a induit une amélio- situation contraire qui a été observée. La
pales fonctions utilitaires des sols. Il s’agit ration des techniques de production et par pression démographique a conduit plutôt à
notamment des fonctions de support de ricochet l’amélioration de la productivité une dégradation accentuée des terres qui
l’agriculture, de l’élevage, des forêts et des sols. Des techniques de conservation ont perdu leur potentiel agricole. Cet effet
de préservation des avantages éco-systé- des terres, telles que la jachère, les planta- négatif de la pression foncière sur les sols
miques. tions, l’agroforesterie et les plantes de cou- agricoles a été observé au Yatenga au Bur-
L’expansion des villes et les changements verture (Mucuna pruriens, Aechynomene kina Faso, au pays Sérère au Sénégal et sur
climatiques sont indexés comme étant les histrix, Senna siamea, Gliricidia sepium, le plateau Adja au Bénin. On se demande
causes de cette réalité déplorable. Mais, Leucaena leucocephala, …), ont été adop- quelles sont les explications théoriques de
si l’on fait recours aux diverses situations tées pour améliorer durablement la ferti- ce phénomène d’interaction population-
observées en Afrique par suite de l’accrois- lité des sols. Cet effet positif de la pres- sols agricoles ?
sion foncière sur les sols agricoles a été
Opinion
Des explications théoriques rup publie un ouvrage intitulé « The Condi- que d’autres cas répondent plus à la théo-
tions of Agricultural Growth », traduit en rie malthusienne. A cet effet, Jouve (2004)
controversées
français sous le titre « Evolution agraire cité plus haut rapporte deux cas d’évolu-
L’influence de la pression démographique et pression démographique » (BOSERUP, tion du système de production agricole qui
sur les sols, la production agricole et l’envi- 1970). Ce livre est largement cité dans répondent au schéma de Boserup. Au Pays
ronnement demeure controversée. Elle la littérature relative à la population et à Bamiléké au Sud-Ouest du Cameroun, cer-
a focalisé dans le temps l’attention d’un l’environnement ou au développement. tains « quartiers » ayant une densité de
certain nombre de courants de pensée. Boserup montre à l’opposé de Malthus la population avoisinant les 1000 habitants
Selon le cas, l’accroissement de la popu- que c’est l’accroissement démographique par km² arrivent à produire des surplus
lation a été perçu soit comme un obstacle, qui est le principal facteur de change- pour alimenter les villes de Douala et de
soit comme un moteur de développement ment en agriculture. Elle souligne que si Yaoundé. C’est aussi le cas du district de
agricole. Parmi ces courants de pensée, la fréquence des récoltes augmente sur Machakos au Kenya où la croissance de la
on retient essentiellement la thèse des une surface donnée sous l’influence de la population au cours de plusieurs décennies
« pessimistes » pour qui la croissance croissance de la population, la technologie s’est accompagnée d’une incontestable in-
démographique engendre surtout des agricole change dans le sens de l’amélio- tensification agricole et d’une amélioration
conséquences négatives, et celle des « op- ration des terres, de la productivité et de de la gestion des ressources du milieu.
timistes » qui ont une vision favorable de la production agricoles. Pour Boserup donc, En revanche, il rapporte que l’évolution de
la croissance de la population. La première la pression foncière engendre des effets l’état des ressources naturelles au Yatenga
catégorie est représentée par le Religieux positifs sur les sols, l’agriculture et l’envi- (Burkina Faso) sous l’effet de l’augmen-
anglais Thomas-Robert Malthus et les néo- ronnement. tation de la pression foncière ou celle du
malthusiens, tandis que la seconde est re-
Pays Sérère au Sénégal confirment de
présentée par la Sociologue danoise Ester Commentaire des deux posi- façon assez manifeste une dynamique
BOSERUP. Ces deux catégories de théories
tions théoriques de type malthusien. L’accroissement de
traitent essentiellement des relations de la
la pression foncière s’est traduit par une
pression démographique avec l’agriculture, A l’analyse des deux thèses ci-dessus pré-
surexploitation du milieu et une dégrada-
l’utilisation du sol et la production alimen- sentées et au regard de la situation en
tion de l’environnement, mettant en péril
taire. cours en Afrique, on ne peut conclure à
la durabilité de l’agriculture.
l’évidence d’aucune d’elles. Si la plupart
En effet, dans son célèbre ouvrage intitulé
« An Essay on the Principle of Popula-
tion » paru en 1798 et traduit en français
des situations démographiques et alimen-
taires d’Afrique donnent l’allure malthu- Proposition d’une nouvelle 33
sienne, il y a tout de même des cas qui explication
en 1963 par le Docteur Pierre THEIL sous
justifient la position de BOSERUP comme La question qui se dégage est de savoir s’il
le titre « Essai sur le principe de popula-
les cas du district de Machakos au Kenya est encore possible de présager en Afrique
tion », Malthus présente la croissance de
et du pays Bamiléké au Cameroun (JOUVE, où la population galope, d›une évolution
la population comme un danger. Si rien
2004). MILLEVILLE & SERPANTIE (1994), généralisée suivant la thèse plus optimiste
ne gêne son accroissement, la popula-
après analyse de l’évolution agraire dans de Boserup (1970) et à quelles conditions.
tion augmente à un rythme géométrique
diverses régions d’Afrique, constatent-ils C’est pour répondre à cette préoccupa-
alors que la production alimentaire croît à
aussi que cette évolution n’a pas été uni- tion que Houngbo (2008) a développé
un rythme arithmétique. Lorsque la popu-
voque. L’enseignement tiré par ces auteurs une nouvelle thèse, en prenant appui sur
lation dépasse un certain seuil, le surplus
de cette évolution non univoque est que le l›analyse temporelle de 122 ménages sur
s’élimine, par exemple par les famines.
facteur démographique, s’il est important, le plateau Adja au Sud-Bénin. Il s’est agi
Ainsi, la difficulté de se nourrir est un obs-
n’explique pas tout. d’une revue des explications théoriques
tacle constant à l’accroissement de la popu-
lation humaine. Cette position de Malthus En fait, les deux courants de pensée mal- existantes et d’une analyse empirique sur
qui ne porte que sur la production agricole thusien et boserupien expriment plus une le plateau Adja de l’évolution de l’état de
sera généralisée par les néo-malthusiens corrélation observée entre la pression bien-être sur la période 2000-2007 et des
et étendue à l’environnement. Les néo- démographique et la production agricole relations avec la mise en œuvre des pra-
malthusiens donnent une nouvelle version qu’une relation de causalité entre elles tiques agricoles des terres.
de la théorie malthusienne en précisant (LOCATELLI, 2000) ; ce qui justifie leur vali- Cette thèse développe une position théo-
qu’une population trop importante dégrade dité au plan macroéconomique, mais une rique intermédiaire entre la théorie de
l’environnement, les sols et les moyens de certaine inconsistance à expliquer certains Malthus et celle de Boserup. Elle démontre
sa production agricole. Cette population constats au plan microéconomique. Ils qu›en situation de pression foncière, l›état
migre lorsque la famine menace, déplaçant considèrent que le lien entre la population de bien-être des producteurs est plutôt un
le problème dans d’autres régions. L’un des et l’environnement est direct et réciproque. déterminant important du développement
tenants du discours néo-malthusien est Mais, avec le temps, il se révèle qu’aucune des pratiques agricoles améliorantes et de
Hardin (1968) qui avance qu’un espace fini de ces deux théories n’est vérifiée dans l›amélioration de la productivité des sols.
ne peut supporter qu’une population finie : tous les cas de figure où l’on a affaire à une La situation en cours sur le plateau Adja,
quand la population augmente, les biens, forte pression foncière. La bonne raison qui où le taux de pauvreté chronique est élevé
les ressources ou les produits alimentaires justifie que ces théories n’expriment pas (28,7 %), suit le spectre malthusien. La
par habitant diminuent jusqu’à atteindre une relation de causalité pourrait se trouver figure 1 indique l’interaction entre la pres-
zéro. On peut aussi citer Keyfitz (1991) dans les cas d’évolutions différentes obser- sion foncière et la mise en œuvre des pra-
pour qui « la destruction écologique de la vées dans des conditions de forte pression tiques agricoles de conservation des terres,
planète ne dépend que du nombre absolu foncière, même si nous nous limitons au en fonction de l’état de pauvreté chronique
d’individus qui y vivent ». continent africain. Dans certains cas, le au sein des producteurs agricoles.
schéma de Boserup a été vérifié, pendant
En 1965, la sociologue danoise Ester Bose-
Opinion

Figure 1 : Relation entre la pression foncière et la productivité agricole (d’après HOUNGBO, 2008)

34

Conclusion BOSERUP, E. (1970): Evolution agraire et pression


démographique, Paris : Flammarion, 222 p.
La pression foncière n’induit pas ipso facto HARDIN, G. (1968): The tragedy of the commons.
le changement technologique, l’amé- Science, 1163(1): 243-248.
lioration de la productivité des sols et le HOUNGBO, N. E. (2008): Dynamique de pauvreté et
pratiques agricoles de conservation de l’environne-
développement agricole. Le spectre de ment en milieu rural africain. Le cas du plateau Adja
Malthus et la vision optimiste de Bose- au Sud-Bénin, Thèse de doctorat unique, Université
rup représentent les situations extrêmes d’Abomey-Calavi (UAC/Bénin), 309 p. http://tel.
engendrées par un fort taux de pauvreté
chronique dans le premier cas et un faible
archives-ouvertes.fr/tel-00680042.
JOUVE, P. (2004) : ‘’Croissance démographique, tran- Visitez
sitions agraires et intensification agricole en Afrique
taux de pauvreté chronique dans le second
cas. La mise en place de conditions favo-
sub-saharienne’’, Actes du Colloque international
« Développement durable : leçons et perspectives »,
la page web
rables à l’amélioration des conditions de
vie ou la juste rétribution des producteurs
Université de Ouagadougou, pp 53-59.
KEYFITZ, N. (1991): ‘’Toward a Theory of Population-
de AGRIDAPE
Development Interactions’’. In DEVIS, K. & BERNSTAM,
agricoles sont nécessaires pour que ceux-ci
développent une agriculture durable, pro-
M. S. (eds.), Resources, Environment and Population: http//www.iedafrique.org/
Present Knowledge, Future Options, New York: Oxford
tectrice des sols et respectueuse de l’envi- University Press, pp 295-332. agridape.html
ronnement. LOCATELLI, B. (2000) : Pression démographique et
contribution du paysage rural des tropiques humides:
l’exemple de Mananara (Madagascar). Thèse de
Dr Emile N. HOUNGBO doctorat ENGREF, Montpellier : ENGREF, 396 p.
Agroéconomiste Université d’Agriculture de Kétou (UAK) MALTHUS, Th. R. (1798) : An Essay on the Principle
Chef du Département d’Economie et de Sociologie of Population, traduit en français sous le titre Essai
Rurales, sur le principe de population, Paris : Edition Gonthier,
05 BP 774 Cotonou, Benin Traduction de Robert THEIL, 1963, 236 p.
E-mail: enomh2@yahoo.fr MILLEVILLE, P. & SERPANTIE, G. (1994) : ‘’Dynamiques
agraires et problématique de l’intensification de
l’agriculture en Afrique soudanienne sahélienne’’. C.
R. Acad. Agric. 80 : 149-161.
Suivi pour vous

Forum International sur l´agroécologie paysanne


à Sélingué au Mali : « l’Agroécologie pour bâtir la
sécurité alimentaire »
Du 24 au 27 février à Sélingué au Mali, des paysannes et des paysans, des artisans pêcheurs, universitaires et
d´autres mouvements sociaux, se sont réunis au Centre Nyéléni pour participer au premier Forum international sur
l´agroécologie.
L’objectif de cette rencontre était de partager des connaissances et des savoir-faire paysans en matière de pratiques
agroécologiques. Mais aussi de promouvoir les innovations des petits producteurs, d’échanger du matériel didactique
et des processus développés dans les territoires, afin de relever les défis visant la construction d´un système alimentaire
écologique et socialement équitable, tout en créant des liens et des synergies entre les différentes organisations de
petits producteurs, les mouvements sociaux et autres organisations promouvant l´agroécologie.
L’enjeu de ce forum était de débattre et célébrer l’agroécologie avec pour objectif de renforcer une vision et des
principes communs ainsi que pour décider d’une stratégie commune afin de récupérer le concept d’agroécologie, “au-
delà des aspects purement scientifiques et d’y inclure les éléments sociaux, économiques et politiques ”, comme l’a
souligné Gilberto Schneider, du Movimento dos Pequenos Agricultores (MPA) du Brésil.
Aux termes de la rencontre, les participants ont formulé une déclaration qui stipule que les actions du futur doivent se
baser à partir de celles du passé et que l’agroécologie, dans le cadre de la Souveraineté Alimentaire, offre une voie de
sortie collective aux multiples crises dont l’humanité fait face.
Elle s’est également déclinée en stratégie qui repose sur une promotion de la production agroécologique par le biais de
politiques, le partage des connaissances et des savoirs, entre autres, la reconnaissance du rôle central des femmes. 35

IED Afrique membre du comité d’organisation du


Forum Foncier Mondial (FFM)
Le Forum foncier mondial (FFM) va se tenir pour la première fois en Afrique. Quelque 500 organisations de base,
des militants, des ONG locales et internationales, des chercheurs, des organisations multilatérales et des organismes
gouvernementaux du monde entier sont attendus à Dakar du 11 au 17 mai 2015.
Pour son organisation, une coalition des acteurs intervenant sur le foncier au Sénégal a été mise en place. Ce Comité
d’organisation regroupe des organisations de la société civile membre du Cadre de recherche et d’action sur le foncier
au Sénégal (CRAFS) qui comprend entre autres IED Afrique, le CNCR, Enda Pronat, Cicodev, Action Aid, etc. Mais aussi
des institutions publiques telles que la Commission nationale de réforme foncière (CNRF) et des représentants de l’Etat.
Le Forum abordera principalement, les thèmes du développement inclusif, de la justice et de la durabilité pour ainsi
tenir compte de la place centrale de la terre et des ressources naturelles pour l’humanité, dans la perspective de
l’Agenda Post-2015 pour le développement.
Par ailleurs, il mettra l’accent sur le fait que le moment est venu de passer de la vision à la réalité, de s’unir pour rendre
possibles les changements souhaités dans la gestion des questions foncières.
Le FFM sera donc un moment de partage de connaissances, d’information, d’expériences et de politiques sur les
questions foncières à travers le monde.
Renforcement de la résilience et de l’adaptation aux
risques et désastres climatiques
IED Afrique lance le projet Décentralisation des Fonds
Climat (DFC)
La Décentralisation des Fonds Ce projet fait partie du Kaffrine) pour une durée de 3
Climat (DFC) est un projet de programme BRACED, financé par ans en mettant à la disposition
recherche-action et de plaidoyer le gouvernement du Royaume- des collectivités locales des fonds
qui appuie les populations locales Uni, et est mis en œvre par leurs permettant de financer,
au Mali et au Sénégal afin qu’elles un consortium constitué de la dans le contexte du changement
deviennent plus résilientes au Near East Foundation (NEF), climatique, des investissements
changement climatique, grâce à d’Innovation, Environnement et structurants à forts impacts
des fonds d’adaptation localement Développement en Afrique (IED socioéconomiques identifiés et
contrôlés. Les investissements Afrique) et de l'Institut International priorisés par les communautés.
qui visent à soutenir la résilience pour l’Environnement et le
sont identifiés et priorisés par Développement (IIED).
les communautés à travers des Il intervient au Mali (région de
processus participatifs qui incluent Mopti) et au Sénégal (région de
les femmes.

Résultats attendus
36

1
Des mécanismes
2 3 4
Les communautés Des données et Des mécanismes
décentralisés de vulnérables dans leçons probantes et processus sont
financement qui les trois cercles de sur l'efficacité mis en place pour
renforcent les la région de Mopti des mécanismes faciliter l'intégration
investissements (Mali) et les quatre de financement des données et des
publics et la départements de la décentralisés leçons tirées dans
résilience des région de Kaffrine qui améliorent les décisions prises
communautés sont (Sénégal) ont accès la résilience des par les décideurs
mis en place et sont à des financements communautés nationaux et
fonctionnels. pour renforcer leur sont produites et internationaux.
résilience face partagées.
au changement
climatique.

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