A
Deux hauts fonctionnaires au Ukraine : l’Elysée coincé
cœur d’une affaire de drogue dans les montagnes russes
Au Salon
de l’agriculture
Macron avoue :
“Pour ma
candidature…
105 ANNÉE – N 5285 – mercredi 23 février 2022 – 1,50 €
e o
Ukraine Echec de la tentative de médiation franco-européenne
Macron : “Avec Poutine, je me suis planté à l’Oural !”
UKRAINE : TOUT DEVRAIT SE TASSER
Zemmour face
à “Elle” : ben voyons…
E RIC ZEMMOUR est-il un jour poussé le bouchon un
bien l’auteur du « Premier peu loin, pas vrai ?
Sexe », publié en 2006, un essai Passé ces dénégations alam-
sur le triomphe des valeurs fé-
minines dans les sociétés occi-
dentales, source d’irréversible
déclin ? Ben oui, c’était bien
lui, mais c’est plus lui. Vous sui-
vez ? Dans un entretien au ma-
gazine « Elle » (17/2), il tente
d’atténuer ses propos passés.
Sarah Knafo, sa compagne et
directrice de campagne, est
constamment à ses côtés. « Elle
est l’âme de cette campagne »,
lâche-t-il. Clin d’œil appuyé à
un électorat féminin qui le
boude toujours, on se demande
bien pourquoi.
A-t-il écrit certains passages
très violents envers les fem-
mes ? « Ce sont des livres
d’analyse : j’étais écrivain, in-
tellectuel. » C’était le Zemmour
d’avant. Maintenant qu’il fait
de la politique, il ne le redirait
pas ainsi. Et « les femmes sont
le but et le butin » ? Il rigole,
Zemmour : « J’ai le goût de la
formule ! » Faut pas prendre
tout ce que je raconte au sé-
rieux, c’est mon côté sale gosse,
blagueur et provoc. On a tous
La noix
d’honneur
D ÉCERNÉE à Eric Zem-
mour, qui, répondant à
une question sur la répres-
sion des Ouïghours, a im-
placablement expliqué
(France Inter, 22/2) :
« Jʼai un principe
simple : je ne me mêle
pas des régimes des
pays étrangers (…). Je
ne fonde pas ma poli-
tique sur la défense des
droits de lʼhomme. »
Son futur ministre des Af-
faires étrangères est pré-
venu : il aura des loisirs.
biquées, on entre dans le vif du
sujet. Un congé paternité d’une
durée égale au congé mater-
nité ? « Je ne suis pas favo-
rable à ces obligations. » La
parité ? « Humiliante pour les
femmes. »
Interrogé sur ce qu’il y a de
féminin en lui, Zemmour est in-
tarissable. « Ce qu’il y a de fé-
minin en moi ? Beaucoup de
choses : la sensibilité littéraire,
une certaine fragilité, une
émotivité que je ne domine
pas toujours mais que j’essaie
de ne pas montrer. »
Il oublie l’amour des ani-
maux, l’importance des hor-
mones, les crises de larmes sans
raison, l’inaptitude aux maths
et une irrésistible attirance pour
le repassage.
A.-S. M.
Les rescapés du gaz
C ’EST PAS MOI, c’est
l’autre ! Ça ne se bouscule
pas, dans les ministères, pour
trouver qui est responsable du
« trou » dans le bouclier tari-
faire qui a abouti à exclure du
blocage du prix du gaz les abon-
RECHERCHE SOUTIENS
DÉSESPÉRÉMENT
Journal satirique paraissant le mercredi
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ESCALADE RUSSE
M
ÊME pour un pre-
mier de cordée, la
désescalade est un
exercice risqué. Celui qui s’y
adonne peut, à tout instant,
se ramasser brutalement. Et
plus encore quand le dévis-
sage survient au moment
précis où l’intéressé pensait
avoir réussi. Macron le sait,
en terrain glacial, il vient
d’en faire les frais.
Après trois semaines à en-
chaîner les interventions, les
déplacements, les consulta-
tions pour tenter de déses-
calader les tensions que Pou-
tine n’a cessé de faire monter
en Ukraine, en Europe et aux
Etats-Unis, sa médiation a
échoué alors qu’il se croyait
tout près de but. Il venait de
décrocher de haute lutte,
dans la nuit de dimanche à
lundi, un mutuel « accord de
principe » pour un sommet
Poutine-Biden. Sauf que le
« principe », dans la tête de
Poutine, est d’une grande vo-
latilité. Comme les mots
« promesse » ou « engage-
ment », il reste valable le
temps de le prononcer,
guère plus longtemps.
Ainsi, après avoir jugé
« prématurée » l’annonce du
sommet en question, Poutine,
prévenant à peine une heure
avant, a proclamé dans un
discours de plomb à la télé-
vision russe l’indépendance
des territoires séparatistes
de l’est de l’Ukraine. Il y a fait
entrer aussitôt ses colonnes
de blindés que, pas plus tard
que la semaine dernière, il
affirmait retirer. Et a évidem-
ment du même coup mis fin
aux accords de Minsk, signés
voilà huit ans et censés pré-
server l’Ukraine, comme à
l’« accord de principe d’un
sommet ». Et, avec cette at-
teinte brutale et appuyée à
la souveraineté de l’Ukraine,
surtout balayé tous les es-
poirs d’un règlement poli-
tique et pacifique du conflit
nés résidant dans des coproprié-
tés ou des HLM, comme l’avait
révélé « Le Canard » (9/2). Le
gouvernement, qui a (parfois !)
de bonnes lectures, n’avait pas
tardé à réagir, annonçant l’ex-
tension du bouclier tarifaire aux
P. 3
dans l’est du pays. Ainsi que
les efforts de médiation di-
plomatique de l’Occident en
général et du désescaladeur
Macron en particulier.
Poutine a aussi montré une
fois de plus que les mots
n’avaient pas pour lui la
même signification que pour
ses interlocuteurs ou ses ad-
versaires. Quand il fait entrer
ses chars dans les deux Ré-
publiques autoproclamées
du Donbass, ce n’est pas un
début d’invasion d’une partie
du territoire ukrainien, c’est
un « accord d’amitié et de
soutien ». Et ce n’est pas une
« violation de souveraineté »
ou un acte de guerre, c’est
une « opération de maintien
de la paix ».
Macron (lire p. 2), lors de
ses visites et entretiens, avait
déjà pu se faire une petite
idée sur ce décalage à la fois
sémantique et tactique. Sur
les rancœurs historiques res-
sassées aussi par Poutine
pour justifier ses vues sur la
« République soviétique
d’Ukraine créée par Lénine »
MACRON EST RESTÉ FERME
« oubliés ». Rappel du gag :
Jean Castex avait décidé en oc-
tobre dernier un blocage du prix
du gaz, multiplié par quatre de-
puis 2019. Les hausses de tarif
seront reportées et perçues à
partir du 30 juin, pendant l’été,
où la consommation et les prix
diminuent.
Une mesure bienvenue, mais
qui ne s’appliquait qu’à 3 à
5 millions des 11 millions
d’abonnés individuels au tarif
réglementé. Les autres – de 5 à
8 millions d’habitants d’im-
meubles possédant un chauffage
collectif – en étaient exclus. Et
notamment les 2 millions de lo-
cataires de HLM, pourtant les
plus sensibles aux hausses de
tarifs. Comment le gouverne-
ment a-t-il pu ne pas s’aperce-
voir qu’il existait un tel « trou
dans la raquette », comme l’a
reconnu Emmanuelle Wargon,
la ministre du Logement ? Au
ministère des Finances, on con-
seille de « voir au ministère
du Logement ». Lequel assure
que « le bouclier tarifaire re-
et devenue, selon lui, « une
colonie américaine »… Autant
de problèmes qui, en plus de
l’offensive, dont il est plus
que permis de douter qu’elle
s’arrête à la frontière des
deux petits bouts d’Ukraine
déjà quasiment annexés, ne
vont pas simplifier la suite.
A commencer par le choix
des « sanctions appropriées »
et la « réaction proportion-
née ». Entre les sanctions « vi-
goureuses », les mesures « ci-
blées », celles de l’UE, celles
des Etats-Unis, sans parler
de celles de l’Ukraine, il va
bien sûr falloir à la fois se
mettre d’accord et ne pas se
diviser. Et surtout, si tant est
qu’elles existent, trouver les
mesures de rétorsion à
même de calmer rapidement
les ardeurs envahissantes de
Poutine.
En d’autres termes, après
l’échec de la désescalade
tentée par Macron, même si
c’est loin d’être joué, ne pas
rater l’escalade des sanc-
tions dans la foulée.
Erik Emptaz
lève de Matignon ». Interrogés
par écrit, les services du Premier
ministre invitent à « contacter
le ministère de l’Economie » !
Un sujet de bonne gouver-
nance à méditer au coin du ra-
diateur, durant les longues soi-
rées d’hiver.
H. M.
Pécresse en manque de voix
C ’EST LA FAUTE à qui si
la candidate LR s’est plan-
tée au Zénith de Paris, le 13 fé-
vrier ? Eloquence et présence
sur scène à revoir, d’accord,
mais qui l’a préparée ?
« Le Monde » (18/2) lâche deux
noms : le comédien Benoit
Solès et l’avocat Francis Szpi-
ner. Le premier deux fois lauréat
aux Molières, le second connu
des prétoires pour sa puissante
voix de bronze. Pas n’importe
qui, Benoit Solès. Par ailleurs
élu LR au conseil régional d’Ile-
de-France, il brille aujourd’hui
comme auteur et interprète dans
… je suis
moi-même
à labour”
L’IMPASSE
Orpea,
roi de la gamelle
L E RATIONNEMENT de la
nourriture dans les maisons
de retraite d’Orpea est encore
plus sévère que ne l’a décrit le
journaliste Victor Castanet dans
son livre « Les Fossoyeurs ».
Pour réduire encore les frais et
permettre aux actionnaires de se
goinfrer, les gestionnaires ont
reçu pour consigne de prélever
sur les quantités de viande ache-
tées pour les pensionnaires de
quoi confectionner les repas du
personnel. « Ce n’est pas
compté à part », révèle un
chef de cuisine d’Orpea ren-
contré par un journaliste du
« Monde » (20/2).
Un guide de nutrition, distri-
bué aux cuistots de la maison et
daté de 2012, fixe même, au
gramme près, les quantités à ser-
vir aux personnes qui ont du mal
à s’alimenter. Ces gloutons ont
droit, par exemple, à « 206,3 ki-
localories et 15,6 grammes de
protéines » pour une assiette de
« bœuf mixé ». D’après les cal-
culs du journal, la ration quoti-
Sages comme des images
H ARO sur les nominations
des vrais-faux « sages »
au Conseil constitutionnel ! Le
choix de Jacqueline Gourault,
ministre de la Cohésion des ter-
ritoires d’Emmanuel Macron,
de Véronique Malbec, directrice
de cabinet du garde des Sceaux,
et de François Seners, directeur
de cabinet du président du
Sénat, suscite la bronca dans
l’opposition. Mais aussi chez
« La Machine de Turing ». Mais
c’est sans lui que Pécresse a dû
s’entraîner au Théâtre Michel.
Mauvais choix ! Car « le son et
la salle » n’avaient rien à voir
avec l’immense Zénith, rap-
porte « Le Monde ». Du coup,
le staff de la candidate cherche
un autre « format » pour ses
futures prises de parole. Un
café-théâtre ? Une cabine télé-
phonique ? Son ex-rival Eric
Ciotti aurait une solution : il est
convaincu que Pécresse n’est
jamais aussi éloquente que dans
sa salle de bains.
F. P.
P. 2
dienne de protéines ne dépasse
pas, en général, les 70 grammes
par résident. Bien loin des
100 grammes recommandés par
la Haute Autorité de santé. « Si
demain tous mes résidents se
mettaient à manger normale-
ment, je n’aurais pas assez de
budget », se lamente un direc-
teur d’établissement.
Il y a bien pire. Pour complé-
ter ses portions faméliques,
Orpea gave ses résidents de
« compléments alimentaires
hyperprotéinés ». Lesquels pré-
sentent l’immense intérêt éco-
nomique d’être… remboursés
par la Sécurité sociale. Un des
témoins du « Monde » raconte
avoir reçu l’ordre, durant le
confinement de l’automne 2020,
d’« enrichir la soupe de tout
le monde » avec du Protipulse,
une poudre à base de protéines
de lait. Résultat : « C’était im-
mangeable, un gloubi-boulga
qui puait l’œuf pourri. » On
en redemande !
H. L.
les éminents professeurs agré-
gés de droit.
Dans « Le Monde », « Le Fi-
garo » et « Libération », maîtres
de conférences et agrégés s’of-
fusquent de voir entrer au Pan-
théon du droit des personnalités
aux compétences « insuffi-
santes » et appellent les parle-
mentaires à refuser de les adou-
ber aux trois cinquièmes.
Nos chers professeurs font
mine d’oublier que, depuis sa
création, ce Conseil est une ins-
titution politique. A l’exemple
du fondateur de la Ve Répu-
blique, les derniers présidents
n’ont pas tardé à nommer des
« politiques » : des anciens Pre-
miers ministres (Fabius, Juppé,
Jospin), ministres (Joxe, Cha-
rasse, Barrot, Mézard, Lenoir).
Et on en oublie…
Georges Pompidou avait
même placé à la présidence du
Conseil constitutionnel Roger
Frey, ancien ministre de l’Inté-
rieur du général de Gaulle ! Et
Chirac avait fait de même avec
son ancien ministre de l’Inté-
rieur Jean-Louis Debré.
Le droit, c’est aussi celui de
nommer ses copains. O. B.-K.

Macron coincé dans les montagnes russes
D EPUIS sa rencontre
avec Vladimir Poutine
le 7 février à Moscou, Em-
manuel Macron ne cachait
plus son pessimisme. Du
moins en très petit comité.
Ainsi, il confiait à lʼun de
ses visiteurs, il y a dix jours,
que lors de son entretien de
5 h 30 avec Poutine il avait
été frappé par ses obses-
sions : « Il ne cessait de re-
venir sur les relations pas-
sées entre l’Ukraine et la
Russie. Chaque fois que je
tentais de parler de demain,
il revenait à autrefois. »
Ce numéro « historique »
de Poutine a occupé plus
dʼune heure de la conver-
sation entre les deux chefs
dʼEtat. Poutine, toujours
dʼaprès Macron, lui a expli-
qué que lʼUkraine nʼétait
pas, selon lui, un Etat, pas
plus quʼun pays, mais un
simple « territoire », dont
les dirigeants étaient « des
nazis » (sic !) que lʼOccident
utilisait contre la Russie de-
Entre Macron
et Roussel, son cœur
balance
Après Marisol Touraine et Eli-
sabeth Guigou, André Vallini
pourrait être, dans deux semaines,
le prochain ancien ministre so-
cialiste à rallier Macron. Pour
l’instant, il se contente de procla-
mer qu’il n’accordera pas son
parrainage à Anne Hidalgo.
« Dans mon canton, explique-
t-il, si j’ai été réélu en 2021 avec
64 % des voix, c’est plus par les
classes populaires que par les
bobos, vers lesquels s’est tourné
le PS avec Raphaël Glucksmann
aux européennes et Audrey Pul-
var aux régionales. Hidalgo est
aujourd’hui la victime de cette
dérive. »
Et, pour qu’on le comprenne
bien, Vallini y va de son petit com-
pliment… au candidat commu-
niste, Fabien Roussel : « Il parle
vrai sur le nucléaire, il donne rai-
son à Macron, et il a raison. Et,
surtout, il parle au peuple. »
En voilà un qui aimerait parta-
ger une bonne bouffe avec le chef
des cocos…
Le complot
qui nʼen était pas un
Psychodrame en Pécressie : au
soir du 13 février, la candidate LR,
déjà sous le choc de son meeting
raté au Zénith, a piqué une grosse
colère, persuadée qu’elle était vic-
time d’« un complot sarkozyste ».
Flash-back, comme on dit en
grec. Pendant que Valérie Pé-
cresse débite son discours au
Zénith, deux sarkozystes de choc,
l’ancien ministre Brice Hortefeux
et le sénateur Pierre Charon, se
bidonnent régulièrement dans la
salle. Assis l’un à côté de l’autre,
LES AVANTAGES DE PÉCRESSE
ils réagissent à la flopée de tex-
tos que leur adresse Gérald
Darmanin.
« J’ai allumé la télé, écrit par
exemple le ministre de l’Intérieur,
j’ai cru qu’elle n’était pas bien
réglée. Non, c’est bien Valérie. »
Ou : « Elle est nulle. » Ou encore :
« C’est bien d’avoir mis trois to-
boggans derrière la candidate. »
La scène n’échappe pas à Thi-
bault de Montbrial, membre de
l’équipe de campagne et avocat
de Pécresse : il louche sur les por-
tables de Hortefeux et Charon, et
La quête d’Hidalgo
L A FÉDÉRATION socia-
liste de Paris a décidé à
l’unanimité, le 21 février, d’oc-
troyer un prêt de 200 000 euros
à Anne Hidalgo. La candidate
espère réunir près de 5 millions
d’euros en faisant les poches
des adhérents du PS. Créditée
de moins de 5 % des intentions
de vote, elle sait en effet qu’elle
ne peut pas obtenir de prêt
bancaire.
La fédé de Paris n’est pas
la seule à avoir craché au bas-
sinet. Celle des Hauts-de-
Seine a prévu un chèque de
110 417 euros, très précisé-
ment. Mais, dans un courrier
à ses adhérents, Brice Gail-
lard, le secrétaire fédéral,
2 – « Le Canard enchaîné » – mercredi 23 février 2022
LA RENCONTRE MACRON-POUTINE DÉCODÉE A POSTERIORI
puis son indépendance, il y
a trois décennies. « Une co-
lonie américaine », comme
il lʼa déclaré lundi 21 février,
lors dʼune intervention
télévisée.
Le chef dʼEtat français a
aussi confié à lʼun de ses
interlocuteurs quʼil avait été
frappé par lʼévolution du
président russe : « Le Pou-
tine que j’ai rencontré au
y saisit au vol le nom de Darma-
nin. Horreur ! Montbrial s’em-
presse de jouer les balances et ra-
conte à Pécresse que ces deux
« traîtres » n’ont pas arrêté, pen-
dant le meeting, d’envoyer des
messages au méchant macroniste.
En fait, il inverse les rôles, puisque
c’était Darmanin qui textotait.
Le lendemain matin, à son QG
de campagne, la candidate LR s’en
prend à Hortefeux et parle de
« complot sarkozyste ». L’histoire
ne s’arrête pas là. Hortefeux rap-
porte la scène à Sarkozy, qui té-
léphone illico à Pécresse pour re-
mettre l’affaire à l’endroit et
l’assurer qu’il n’y a pas de « com-
plot » contre elle, « en dépit de ce
que lui a dit son informateur ».
Le soir même, Hortefeux et
Charon reçoivent un message
d’excuses de Pécresse, accompa-
gné de baisers. Et Montbrial est
convoqué, le lendemain, par Pa-
trick Stefanini, le directeur de
campagne.
Sans doute pour le féliciter
d’entretenir un climat aussi affec-
tueux au sein de la campagne.
Une femme
en colère
« On est à un moment important
où l’on voit une volonté d’éteindre
mon projet de nouvelle France.
Je vois dans la violence des at-
taques, depuis janvier, le jeu mal-
sain de LRM, qui veut se retrouver
face à Marine Le Pen. »
Valérie Pécresse n’a pas caché
son amertume devant quelques
journalistes, le 17 février, à
Mouilleron-en-Pareds (Vendée).
Et de revenir sur les sévères cri-
tiques qui ont suivi son meeting
au Zénith de Paris, le 13 février :
« J’ai l’impression de vivre une
injustice, une polémique totale-
ment orchestrée par les macro-
nistes pour me discréditer. Rien
dans mon attitude ni dans mon
discours n’accrédite le Pécresse-
bashing dont je suis victime. »
Aussi l’ancienne ministre de
Sarkozy reste-t-elle droite dans
ses bottes. « Il y avait une ferveur
extraordinaire au Zénith, assure-
t-elle. C’était la première fois de-
puis cinq ans qu’on voyait comme
ça la droite réunie, et personne
ne l’a dit. »
La vie politique est trop cruelle.
précise que les caisses de la
fédé sont vides. Ce sont donc
les sections qui sont mises à
contribution !
Aucune des fédérations
prêteuses n’est évidemment
certaine de revoir son po-
gnon : si Hidalgo ne franchit
pas la barre des 5 %, elle
n’obtiendra pas de rembour-
sement de l’Etat et sera dans
l’incapacité de rendre l’ar-
gent récolté. C’est peut-être
pour cela que la fédération
de Corrèze – celle de François
Hollande ! – n’a pas répondu
positivement aux sollicita-
tions de la candidate.
Et, un don de l’ancien pré-
sident, ça pourrait aider ?
début de mon quinquennat
n’est pas le même que celui
que je connaissais. Il ne
s’exprime pas de la même
façon et il est beaucoup
plus raide, pour ne pas dire
agressif. »
Cette agressivité pouti-
nienne aurait rendu Macron,
ces derniers jours, encore
moins confiant quʼà son
retour de Moscou : « Il faut
Balladur
en terrain ennemi
L’ancien Premier ministre
Edouard Balladur a choisi le jour
de la Saint-Valentin pour témoi-
gner son soutien à Valérie Pé-
cresse. Le 14 février, les images
d’un Ballamou sortant du QG de
la candidate LR ont donc fait le
tour des réseaux sociaux, non pas
parce qu’il en est reparti en chaise
à porteurs, mais parce que, à
92 ans, il arborait le même air un
rien suffisant qu’on lui connaît de-
puis toujours.
Pourtant, le candidat à la pré-
sidentielle battu par Jacques Chi-
rac en 1995 avait détendu l’at-
Lisnard, le faux nez
L E PRÉSIDENT de l’Asso-
ciation des maires de
France et maire (LR) de Can-
nes, David Lisnard, a annoncé
dimanche, dans une vidéo tour-
née dans son bureau de l’hôtel
de ville, qu’il donnait sa signa-
ture de parrainage à Jean-Luc
Mélenchon.
« J’ai décidé, a-t-il dit, de par-
rainer le candidat dont je suis le
plus éloigné, puisque je suis
classé à droite, qui est Jean-Luc
Mélenchon. Je combats ardem-
ment ses convictions, ses idées
et ses valeurs, mais il doit pou-
voir concourir. » Une initiative
« à titre personnel », « par souci
civique », « pour montrer que
les parrainages ne valent pas
soutien ».
En réalité, Lisnard sert de
mosphère, un peu plus tôt, dans
le bureau de Pécresse. Comme
celle-ci était entourée de Christian
Jacob, François Baroin, Xavier
Bertrand et Jean-François Copé,
tous venus participer à la réunion
du lundi matin, Ballamou a lancé
à la candidate : « C’est donc
vrai, ce que dit Nicolas Sarkozy :
vous n’êtes entourée que de
chiraquiens ! »
Eclat de rire général, et com-
mentaire de Copé : « C’est bien
la première fois qu’on se marre,
dans cette campagne. »
Au lendemain du meeting foiré
du Zénith, il y en avait bien
besoin.
Unis dans la diversité
Le même Copé, ancien patron
de feu l’UMP, a habillé tous ses
petits camarades pour l’hiver, le
15 février, devant quelques jour-
nalistes, à Paris. A commencer par
Nicolas Sarkozy : « Ça le fait tel-
lement chier qu’on gagne ! Il ne
veut pas de successeur. Ce que
j’entends de toutes parts, c’est
qu’il a fait un pacte avec Macron.
Il peut parfaitement ne pas le sou-
tenir officiellement et faire ce qu’il
fait là. » C’est-à-dire prendre tout
son temps avant d’apporter son
soutien à Pécresse.
Eric Ciotti ? « Son rêve, dans
la vie, c’est d’être ministre. Il com-
mence à avoir son âge et n’a ja-
mais été au gouvernement. Et
comme il pèse 40 % du résultat
final du congrès… Mais, à y ré-
fléchir, il représente 40 % de rien
du tout. »
Quant à Laurent Wauquiez, il
n’est pas oublié non plus par le
maire de Meaux : « Je pars du
PARRAINAGES
faire comme si. Tenter tout
ce qui peut être tenté pour
faire prévaloir la paix
jusqu’au bout. »
Lʼun des diplomates fran-
çais qui ont pris part aux
échanges entre Paris et
Moscou raconte : « Depuis
trois semaines, lors des
conversations, Poutine n’a
cessé de dire que les ac-
cords de Minsk entre Mos-
cou et Kiev (signés sous
lʼégide de Paris et Berlin en
2014) étaient ce qu’il y avait
eu de plus important pour
lui, et il les viole hier. Pen-
dant tout le week-end der-
nier, les signaux venus de
Moscou étaient contradic-
toires. Oui à un sommet à
trois avec Biden. Puis Pou-
tine changeait de ton et se
présentait comme une vic-
time et l’agressé. »
Une attitude qui, mardi
matin, après le discours té-
lévisé du chef dʼEtat russe,
a inspiré cette réflexion au
président français devant
principe que, quand il donne un
conseil, il faut faire l’inverse. Il
rêve de reprendre le parti mais a
laissé un souvenir tellement mer-
veilleux la dernière fois… »
D’où sa conclusion : « Le match
Copé-Fillon était épouvantable,
mais il se passait des trucs sur le
fond. La densité des personnalités
n’est plus la même. »
Le combat Sartre-Aron, à côté
de Copé-Fillon, c’était de la
blague !
Cours dʼhistoire
La tribune publiée dans le
« JDD » (20/2) dont l’ex-prési-
dent du Conseil représentatif des
institutions juives de France
faux nez à Pécresse, qui est per-
suadée qu’elle a une chance
d’arriver au second tour si Zem-
mour et Le Pen continuent de
se partager le vote d’extrême
droite. Lisnard, qui a fait sa
vidéo quarante-huit heures
après le passage de Pécresse à
Cannes et son meeting du Can-
net, lance du même coup une
autorisation aux maires LR de
parrainer Zemmour et Le Pen.
C’est ainsi que la sénatrice LR
Sylvie Goy-Chavent a indiqué,
lundi 21 février dans un tweet,
qu’elle parrainerait Zemmour,
« dans un esprit républicain »,
car « les électeurs doivent avoir
un choix démocratique digne de
la France ».
Quelle stratégie rondement
menée !
(Crif) Henri Hajdenberg est à
l’initiative, dénonçant la « société
fracturée et violente » promue
par Eric Zemmour, a mis en rage
l’intéressé…
Interrogé au micro d’Europe 1
sur ce texte, il s’en est pris au
grand rabbin de France, Haïm
Korsia, et au Crif, qui, selon lui,
sont convertis « au communauta-
risme et au multiculturalisme »
depuis trente ans et ont « renoncé
à l’assimilation ». Et Zemmour
d’ajouter : « Léon Blum était un
Juif assimilé. Il aurait été traité
exactement comme moi par ces
gens-là. »
Petit rappel : Léon Blum a été
arrêté au lendemain de la défaite,
le 15 septembre 1940, par la gen-
darmerie française, aux ordres du
gouvernement du maréchal Pétain,
avant de passer en jugement de-
vant la cour de Riom, procès qui
sera suspendu. Puis il a été empri-
sonné au fort du Portalet, toujours
sur ordre de Pétain. Il sera ensuite
livré aux nazis, qui le déporteront
à Buchenwald, toujours avec
l’aide de la police du Maréchal.
Ce même Pétain dont, sans rire,
Zemmour explique depuis des an-
nées qu’il n’a cessé de vouloir
« protéger les Juifs français ».
Comprenne qui pourra…
Une recrue de haut vol
« Nicolas Dhuicq, député Les
Républicains pendant dix ans, me
rejoint ! » Dans un communiqué
publié le 20 février, Eric Zemmour
s’est félicité du soutien de l’ancien
député de la 1re circonscription de
l’Aube de 2007 à 2017. Il y fut
élu sous les couleurs de l’UMP
puis de LR, avant de rejoindre
ses conseillers : « Il faut
décidément avoir un dia-
logue ferme et extrême-
ment prudent avec Poutine,
car c’est quelqu’un qui
vous dit une chose le soir,
change d’avis en une nuit
et le lendemain fait l’in-
verse. Sa prestation télévi-
suelle est extrêmement
préoccupante. Je ne peux
préjuger de rien, parce que
personne n’est dans sa
tête. Jusqu’où veut-il aller ?
Jusqu’à Kiev ? Son jeu est
extrêmement difficile à lire,
et personne ne sait le lire. »
Et Macron de conclure :
« Il faut d’abord dire et
répéter que l’agresseur est
la Russie, ni les USA ni
l’Ukraine. Ensuite décider
des sanctions, maintenir la
cohérence des Européens.
Et, enfin, continuer de par-
ler aux Russes pour es-
sayer de stopper l’engre-
nage. »
Oudatchi (« bon cou-
rage », en russe) !
POURQUOI IL TARDE
À SE DÉCLARER
brièvement le microparti de Ni-
colas Dupont-Aignan, en 2018.
A l’Assemblée, l’ex-parlemen-
taire s’est surtout fait remarquer
pour ses propos fumeux. Evoquant
le projet de loi sur le mariage pour
tous, le 27 novembre 2012, il
n’avait pas hésité à associer ho-
moparentalité et… terrorisme !
« Vous me permettrez de consi-
dérer que souvent le terroriste a
un défaut : il n’a jamais rencontré
l’autorité paternelle. Le plus sou-
vent, il n’a jamais eu de rapport
avec les limites et avec le cadre
parental », avait-il lancé.
Le 4 février 2017, dans une in-
terview donnée à l’organe de pro-
pagande russe Sputnik, le même
Dhuicq déclarait, à propos de
Macron : « L’un de ses soutiens
est le célèbre homme d’affaires
Pierre Bergé (…), qui est ouver-
tement homosexuel et défend le
mariage pour tous. Il y a un très
riche lobby gay qui le soutient.
Cela veut tout dire. »
Cela en dit surtout beaucoup sur
Nicolas Dhuicq.
La rose au demi-point
« L’objectif, maintenant, c’est
d’essayer d’obtenir le même score
que Benoît Hamon », reconnaît
Olivier Faure devant ses interlo-
cuteurs. Un objectif en apparence
bien modeste quand on se souvient
que le candidat socialiste à la pré-
sidentielle de 2017 avait royale-
ment obtenu 6,36 % des voix.
Mais qui paraît aujourd’hui dé-
mesuré, quand on sait qu’Anne
Hidalgo gravite autour de 2 ou
3 % des intentions de vote…
Le premier secrétaire du PS,
qui a plusieurs fois tenté de
convaincre la candidate de renon-
cer, s’inquiète maintenant pour
les élections législatives. Côté fi-
nances, le PS ne sera pas rem-
boursé des frais de campagne si
sa candidate ne dépasse pas la
barre des 5 % ; côté politique, les
négociations avec les Verts pié-
tinent. « Ils sont dans un trip où
ils se voient toujours en tête de la
gauche, voire au second tour »,
s’alarme un dirigeant du parti.
Voilà au moins un « trip » qui
n’agite plus les socialistes.
Google entrouvre son tiroir-caisse
«L E POINT » (18/2), qui,
comme « Le Canard »,
refuse tout accord avec Google
sur les droits voisins en
échange d’une poignée de ce-
rises, a eu une idée perverse :
lancer une enquête sur l’ar-
mée de communicants, de
maîtres du barreau et d’ex-
membres de cabinets ministé-
riels que la firme californienne
emploie à Paris pour porter
ses valises.
Contraint, depuis 2017, par
la législation française de dé-
clarer l’identité de ses lob-
byistes à la Haute Autorité
pour la transparence de la vie
publique (HATVP), Google re-
connaît en employer dix. La
plupart d’entre eux sont,
comme il se doit, d’anciens
hauts fonctionnaires partis
s’enrichir dans le privé. Parmi
eux, Benoît Loutrel, ancien
patron de l’Arcep (l’autorité
chargée de réguler les télé-
coms), Benoît Tabaka, ex-
secrétaire général du Conseil
national du numérique, Eli-
sabeth Bargès, ex-conseillère
. Un éminent dirigeant de la ma-
jorité met les choses au point
(« Le Parisien », 19/2) : « Quand
tu es un président sortant, de
toute façon, tu nʼas pas besoin
de sortir un programme sur
80 pages. Tu dois juste montrer
que tu es lucide sur le diagnostic,
volontaire sur la transformation
et que tu as identifié quelques
sujets totémiques. » Fastoche…
. La socialiste Marisol Touraine
justifie son soutien à Macron
(« Le Parisien », 19/2) : « Je
suis une femme de gauche,
européenne, sociale-démo-
crate, qui croit à lʼaction, pas
à lʼincantation. En marche !
sera peut-être un lieu où la
diversité sociale-démocrate
pourra sʼexprimer. Je ne le sais
pas encore. » Mais quʼa-t-elle
fait durant les cinq dernières
années ?
. Déclaration de Gilles Finchel-
stein, le directeur général de la
Fondation Jean-Jaurès (AFP,
19/2) : « On a une campagne,
pour lʼinstant, qui nʼest pas à la
hauteur. » Quʼest-ce qui lui fait
dire une chose pareille ?
. Mis en avant par le « JDD »
(20/2) : « Lʼancienne ministre so-
cialiste Elisabeth Guigou rejoint
Emmanuel Macron. » Elle le re-
joint tellement quʼelle appelait
déjà à voter pour En marche ! aux
élections européennes de 2019…
. Précision de lʼéconomiste Olivier
Blanchard (le « JDD », 20/2) :
« Les hausses de prix sont plus
modérées en France quʼailleurs
en Europe. » Voilà qui devrait
calmer les mécontents.
. A la question « Macron ou Pé-
cresse ? » Manuel Valls répond
(Public Sénat, 17/2) : « Chacun
connaît mes convictions. » Et
beaucoup commencent à sʼy
perdre…
. La ministre Marlène Schiappa
vante les mérites du QR code
de la nouvelle carte électorale
(« Le Monde », 20/2) : « Cela
permet à lʼélecteur dʼaccéder
directement à lʼensemble des
informations concernant la pré-
sidentielle, notamment pour
savoir dans quel bureau il est
inscrit. » Comme si lʼadresse
et le numéro dudit bureau nʼy
étaient pas déjà imprimés.
. Tacle de Valérie Pécresse, en
meeting au Cannet (BFMTV,
18/2) : « Macron va présenter sa
candidature. Il ferait mieux de
présenter ses excuses. » Joli pla-
giat de la formule de François
Mitterrand, en 1981, après lʼan-
nonce de la candidature de
Giscard à un second mandat
présidentiel.
. Jean-Christophe Fromantin, le
président du parti Territoires en
mouvement (TEM), accorde
son soutien à Pécresse afin de
« porter la voix des territoires »
(le « JDD », 20/2). En matière de
France profonde, il sʼy connaît,
puisquʼil est le maire de Neuilly-
sur-Seine.
. De Marine Le Pen (« Le Pari-
sien », 18/2) : « Le but de Zem-
LES MAIRES APPELÉS
À PRÉSERVER LA DÉMOCRATIE
de Fillon à Matignon, ou
Sarah Cledy, une ancienne du
Parlement européen. C’est
utile, car la guerre se joue
aussi à Bruxelles.
Pour aider cette petite
armée, plusieurs entreprises
spécialisées dans le lobbying
travaillent régulièrement pour
Google et sa filiale YouTube.
A commencer par Image 7, la
société d’Anne Méaux, qui,
quand elle ne colle pas les af-
fiches de Fillon ou de Pécresse,
sait mobiliser ses réseaux
aussi bien politiques que mé-
diatiques. L’agence Publicis
et ses spécialistes en « affaires
publiques » sont, eux aussi, ré-
gulièrement sollicités. Tout
comme Séance publique, une
agence spécialisée dans la
« communication » auprès des
parlementaires.
L’influence de Google sur les
cabinets d’avocats parisiens
les plus importants se révèle
particulièrement forte. Ainsi,
le Syndicat des éditeurs de la
presse magazine (SEPM) a vu
l’avocat qui l’aidait à se dé-
A
mour, cʼest de saboter ma cam-
pagne. Incroyablement puéril. »
Mais efficace…
. Au sujet des parrainages, la
même Le Pen sonne le tocsin
(« Le Parisien », 18/2) : « Zem-
mour a passé un accord avec
LR. Il cherche à nous empêcher
de les avoir. Il nous en manque
aujourdʼhui un nombre trop im-
portant pour être rassurés ». Où
sont passés ses élus ?
. Analyse du communicant Ra-
phaël Llorca (« Le Monde »,
14/2) : « Trump menait une ba-
taille du clash, tandis que Zem-
mour mène une bataille des
idées. » Il ne déteste pas le clash
pour autant…
. Conviction de la candidate PS
à lʼElysée, Anne Hidalgo
(Radio J, 20/2) : « Je suis cette
gauche qui peut conduire au pou-
voir et au gouvernement. » Y a
plus quʼà…
. La même Hidalgo a présenté sa
nouvelle affiche de campagne,
« Ensemble changeons dʼave-
nir » – la troisième en cinq mois
(TF1, 20/2). Les deux précé-
dentes ? « Le courage, la jus-
tice », puis « Réunir la France ».
Vivement la quatrième !
. Victor Grezes, le directeur de
campagne de Christiane Tau-
bira, peste contre les respon-
sables politiques de gauche
(« Libé », 19/2) : « On fait le
tour des popotes, mais visible-
ment ils nʼont pas compris ce
quʼétait le principe du rassem-
blement. » Sûr que si cʼest
Taubira qui le leur explique…
. Promesse du député Insoumis
Adrien Quatennens (LCI, 20/2) :
« Si Jean-Luc Mélenchon est élu
président au mois dʼavril, nous
sortirons de lʼOtan pour retrouver
notre indépendance. » A Wa-
shington, cʼest déjà la panique à
lʼétat-major.
. « Le Canard » aussi a ses mé-
daillés olympiques… au concours
« Ma binette partout » ! Après un
dépiautage minutieux des di-
zaines de bilans envoyés en fin
dʼannée par nos lecteurs, la mé-
daille dʼor est décernée à la dé-
putée LRM du Jura : sur
16 pages, le visage de Danielle
Brulebois figure 117 fois. La mé-
daille dʼargent est passée au cou
du sénateur LR du Val-de-Marne,
Christian Cambon, qui talonne sa
collègue de lʼAssemblée avec
98 photos en 20 pages. Et cʼest
le député LRM de la Haute-Ga-
ronne Pierre Cabaré qui décroche
une honorable médaille de
bronze, avec 47 photos sur
4 pages ! Le concours continue
de plus belle.
Pan sur le bec !
. Le montant de la dette publique
française a dépassé 2 834 mil-
liards dʼeuros au troisième tri-
mestre 2021 et non 2002,
comme il était écrit ici la semaine
dernière. Quant au pédégé de la
BPCE, il se nomme Laurent Mi-
gnon et non Bignon. Toutes nos
excuses les plus mignonnes.
fendre contre la multinatio-
nale l’abandonner pour re-
joindre un cabinet qui compte
parmi ses clients… Google.
L’organisation patronale de la
presse quotidienne a connu la
même mésaventure : elle a été
abandonnée par le cabinet
américain qui plaidait sa
cause, dont la maison mère,
aux Etats-Unis, travaille aussi
pour… Google. Comme on
pouvait s’en douter.
La machine d’influence de
Google est d’autant plus re-
doutable que la firme a des
moyens financiers gigan-
tesques. En 2021, le groupe
Alphabet, sa maison mère, a
réalisé un bénéfice net de
76 milliards de dollars. Soit,
en passant, le double de l’an-
née précédente. Alors, s’offrir
deux ou trois ex-hauts fonc-
tionnaires, régler les factures
de deux ou trois cabinets
d’avocats ou payer les hono-
raires de deux ou trois entre-
prises de lobbying, ce n’est
rien, pour Google. Même pas
un pourboire.
 A

Une stupéfiante affaire d’énarco-blanchiment

Un haut fonctionnaire de l’Intérieur et un autre de Bercy apparaissent dans une enquête judiciaire ouverte le 5 février.

L
’ ENA, école du vice ? Deux
anciens élèves de cette fa-
brique de hauts fonction-
naires, supprimée par Macron en
avril dernier, sont visés par une
information judiciaire ouverte le
5 février pour trafic de stupéfiants
et association de malfaiteurs. Ils
ne sont pas mis en examen et sont
présumés innocents. La justice les
soupçonne pourtant d’avoir par-
ticipé à un réseau de blanchiment
en lien avec ce trafic …
Eric Moniot, administrateur
civil au ministère de l’Economie,
a été, dix ans durant (2008-2018),
l’un des dirigeants de la chaîne
parlementaire de l’Assemblée na-
tionale (LCP-AN). Jean Mafart,
lui, occupe la fonction de directeur
des Affaires européennes et inter-
nationales à l’Intérieur, après
avoir travaillé à la DGSE et à la
DGSI.
Leur histoire rocambolesque est
détaillée dans une note de Tracfin,
le service de renseignement finan-
cier, que « Le Canard » a consul-
tée. A en croire les flux de leurs
nombreux comptes en banque, ces
deux serviteurs de l’Etat ont un
« train de vie dispendieux » ne pou-
vant être assuré par leurs seuls
revenus, pourtant très confor-
tables.
Ça va bien
se pacser…
Moniot s’offre de nombreuses
œuvres d’art et se montre très gé-
néreux envers un grand nombre
d’obligés. Mafart, lui, claque en
moyenne 26 000 euros par mois,
ses comptes étant alimentés par
de sympathiques donateurs venus
de Suisse et d’ailleurs. Tous deux
sont étroitement liés à un certain
Oussama Oualid, mis en examen
le 5 février. Ils sont soupçonnés
d’avoir participé au blanchiment
des revenus de ce businessman
trentenaire.
Pour avoir transporté, acheté
et vendu de la cocaïne et d’autres
friandises de synthèse (métham-
phétamine et kétamine) dans « des
quantités trop importantes pour
correspondre à sa consommation
personnelle », Oualid se trouve au-
jourd’hui en détention provisoire.
Inscrit au fichier des personnes
recherchées, il a été pacsé de 2015
à 2019 avec l’actuel patron des re-
Une carrière qui sent la poudre…
lations internationales de la Place
Beauvau, au nez et à la barbe des
services français (lire l’encadré ci-
dessous).
En sus de ses activités do-
pantes, Oualid a créé plusieurs
sociétés dans l’import-export, le
bâtiment et l’informatique. Quel
esprit d’entreprise ! Au sein
d’OML Systèmes, fondé en fé-
vrier 2016, le jeune homme est à
la fois président et seul salarié.
Comme lui, son compagnon, Jean
Mafart, détient 30 % du capital
social. Le 26 juillet 2017, la petite
boîte décroche un improbable
« contrat de prestations » avec la
chaîne LCP-AN, représentée par
Eric Moniot… qui a reconnu de-
vant les flics une liaison avec Oua-
lid. L’heureux prestataire s’engage
notamment à rénover le site In-
ternet de la chaîne – et tant pis si
ses compétences en la matière
sont nulles.
Dépenser
sans conter
Au contrat initial (37 000 euros
hors taxes) s’ajoutent un suivi de
maintenance et des prestations
complémentaires. Finalement,
LCP-AN – dont les locaux ont été
perquisitionnés en octobre – a dé-
pensé plus de 92 000 euros, bien
au-delà du seuil (25 000 euros) né-
cessitant un appel d’offres public.
Même entre bons amis ?
Assurément, Eric Moniot en est
un : il est également devenu ac-
tionnaire à 20 % d’OML Electri-
cité et à 25 % de Tun-Eden Dis-
tribution, deux boîtes contrôlées
par Oualid. Remercié en 2018 par
La Chaîne parlementaire, avec
un joli chèque de 170 000 euros,
Moniot a offert ce pognon, plus le
montant d’une assurance-vie et
d’un prêt bancaire, à son coaction-
naire, qui l’a claqué dans des
œuvres d’art en Tunisie. Comme
ses deux amis, le jeune entrepre-
neur avait, selon Tracfin, un
« train de vie dispendieux », mul-
tipliant achats et voyages, et dé-
pensant près de 6 800 euros par
mois avec sa seule carte bancaire.
Mais il avait des mécènes : une
société de droit canadien, un
quidam en Tunisie, un autre en
Turquie, plus ses deux amis
énarques.
Parmi les nombreux échanges
documentés par les flics, on note
trois rencontres de Oualid avec
Mafart à Paris, au 11 rue des
Saussaies… l’une des adresses du
ministère de l’Intérieur. Darma-
nin avait pourtant bien promis de
démanteler les points de deal…
Même à Beauvau ?
Didier Hassoux
et Christophe Labbé
“J’ai juste donné
de l’argent”
C ONTACTÉS par « Le Ca-
nard », Eric Moniot et Jean
Mafart se disent étrangers aux

U N HAUT FONCTIONNAIRE
ayant occupé plusieurs postes
ultrasensibles pacsé avec un trafi-
quant de drogue fiché par la police ?
Le dossier donne des sueurs froides
à Beauvau. Le 23 novembre 2015,
l’actuel directeur des Affaires euro-
péennes et internationales au minis-
tère de l’Intérieur a officiellement
convolé avec un vendeur de stups.
Jean Mafart, à l’époque, occupait la
fonction de secrétaire général de la
Direction générale de la sécurité in-
térieure (DGSI) ! Le Renseignement
intérieur est pourtant censé passer
au tamis la vie privée de tous ses
agents, a fortiori celle de ses hauts
cadres.
L’histoire est d’autant plus cro-
quignolette que la DGSI est chargée,
au terme d’une enquête minutieuse,
de distribuer et de renouveler – tous
les cinq ans, et à tous les fonction-
naires du pays – les habilitations « se-
cret-défense ». Ce label, Jean Mafart
le connaît bien : auparavant, il avait
sévi dans la maison d’en face, la
DGSE, au titre de sous-directeur au
budget – un poste des plus sensibles,
l’argent restant le nerf des opéra-
tions clandestines.
Avant de côtoyer le Bureau des
légendes, l’énarque avait fait ses
premiers pas à l’Intérieur comme
directeur adjoint de Frédéric
Péchenard, le grand patron de la po-
lice de l’époque, devenu depuis
conseiller sécurité de la candidate
Pécresse.
Interrogé par « Le Canard », le
cabinet du ministère de l’Intérieur
préfère ne pas s’exprimer sur une
enquête en cours. Elle est classée « se-
cret-défense » ?
agissements d’Oussama Oualid.
Le premier affirme : « J’ignore
tout. Je suis abasourdi. Oussama
me demandait de l’argent, je l’ai
aidé. » Quant au second, entendu
et perquisitionné en décembre, il
indique : « Je suis injustement
associé aux turpitudes de mon ex.
Je n’ai commis aucune infraction.
J’ai juste donné de l’argent
bêtement. »

Les grosses ficelles de Bédier Amnésie mutuelle sur

A QUELQUES semaines
des élections municipales
anticipées qui doivent se tenir
dans son fief de Mantes-la-
Jolie, Pierre Bédier, président
du conseil départemental des
Yvelines et soutien de Valérie
Pécresse, a quelques soucis.
L’élu se voit confronté à d’em-
barrassantes révélations sur
une opération immobilière fa-
miliale menée sous sa houlette
dans cette ville de 45 000 ha-
bitants.
L’aventure commence en
juin 2017, quand Bédier fait
adopter par le conseil dépar-
temental un dispositif de
18 millions d’euros pour
mettre en place 10 maisons de
la santé dans des cités défa-
vorisées. La mairie de Mantes-
la-Jolie candidate aussitôt…
Six mois plus tard, le re-
gistre du commerce enregistre
la création de la SCI du 2 rue
de Lorraine, qui se porte
aussitôt acquéreur, pour
650 000 euros, d’un terrain de
1 291 m2 bien placé dans la
vieille ville de Mantes. Action-
naires : Laurent Nicouleau, le
beau-frère de Bédier, et Pa-
trick De Rorre, entrepreneur
de BTP des Yvelines, ami de
« Tonton Pierre » (le surnom
de Pierre Bédier). Chacun
possède 45 % du capital.
Mantais matois
Peu après – comme le mon-
trent les documents officiels
mis en ligne par Nicolas Kern,
un Mantais qui chronique les
exploits de « Tonton » –, la SCI
se voit octroyer par l’adjoint à
l’urbanisme, l’ultra-« bédie-
riste » Jean-Luc Santini, un
permis de construire pour un
immeuble de 37 logements et
de 428 m² de bureaux. Le mi-
racle survient l’année sui-
vante, quand le conseil muni-
cipal de Mantes-la-Jolie – où
siège Bédier – obtient du dé-
partement, présidé par Bédier,
une subvention de 1,1 million
pour créer une maison de la
santé au… 2 rue de Lorraine.
Dans la foulée, la SCI lui
fourgue son stock de bureaux
pour 1 617 220 euros.
Décidément bénis des dieux
des affaires, les deux associés
vendent peu après, pour près
de 6 millions, tout le reste de
l’immeuble – soit 37 loge-
ments – à la société publique
de HLM Les Résidences, dont
le président n’est autre que…
Pierre Bédier.
Interrogé par « La Lettre A »
(22/2), Tonton Pierre plaide
sans rire la « négligence » et
assure que son beau-frère va
céder toutes ses parts pour ne
pas toucher les bénéfices de
une nomination au Conseil constit’
R ICHARD FERRAND, le
président de l’Assemblée
nationale, n’a pas apprécié
d’être accusé de favoritisme
quand il a récemment proposé
la nomination de la magistrate
Véronique Malbec au Conseil
constitutionnel. Actuelle direc-
trice de cabinet du garde des
Sceaux, Malbec était, en 2017,
procureure générale près la
cour d’appel de Rennes. Sous
son autorité : le parquet de
Brest, celui-là même qui allait
classer sans suite, le 13 octobre
2017, l’affaire des Mutuelles
de Bretagne, visant Ferrand et
révélée par « Le Canard »
(24/5/17). Saisie par Anticor,
la cour d’appel de Douai a jugé,
en mars dernier, le dossier
prescrit, mais l’association s’est
pourvue en cassation.
Un ensemble de mails
sieurs dossiers sensibles. Le
6 octobre, un substitut général
de la Cour des comptes, Hervé
Robert (décédé depuis), adresse
à sa « chère collègue » Véro-
nique Malbec le menu détaillé
des réjouissances. Plat de
choix : l’affaire des Mutuelles.
Curiosité déplacée ?
Le 9 octobre, la magistrate
le valide – avec une réserve,
toutefois : « Ni Mme le procu-
reur général ni le parquet de
Brest n’avaient envisagé d’évo-
quer ce dossier au cours de cette
réunion, peu propice à la né-
cessaire discrétion que nous
nous devons de maintenir au-
tour de cette affaire. » Etrange
argument, alors que tous les
participants connaissent les
détails de l’histoire…
Hervé Robert consent à un
le nez dans « ses » affaires
judiciaires.
Hervé Robert fait suivre cet
échange à son chef, le procu-
reur général près la Cour des
comptes. Désormais retraité,
Gilles Johanet répond le 10 oc-
tobre à son collègue : « Amu-
sant sur la forme (elle va s’aper-
cevoir de sa bévue). Sur le fond
nettement plus préoccupant…
Que va-t-on faire à Rennes si
on ne peut aborder au moins
en aparté un dossier majeur ? »
Tout de suite, les soupçons…
Les magistrats de la Cour
des comptes sont tout de même
du voyage breton, le 13 octobre.
LES MASSES LABORIEUSES FICTIVES
A 9 h 30, Véronique Malbec
ouvre la réunion. Pas le temps
d’aborder le dossier sensible :
à 9 h 47, un communiqué signé
du procureur de Brest an-
nonce… le classement sans
suite de l’affaire Ferrand. Fou
de rage car convaincu de s’être
fait berner, Gilles Johanet
claque la porte !
Contactée, Véronique Mal-
bec dit « ne plus se souvenir de
cette réunion ». Mais, au vu des
mails que lui a soumis « Le
Canard », « il apparaît [qu’elle]
n’a fait que son travail. »
Circulez ?
M. B. et D. H.

Suez et Caisse des dépôts, l’affaire. On en reparlera

quand ce sera fait…
Quant à l’adjoint Jean-Luc
échangés en octobre 2017 entre
Véronique Malbec et la Cour
des comptes, que le Palmipède
apparté entre chefs ce même
9 octobre, peu après 13 heures.
Mais auprès de Véronique Mal-

une histoire de famille Santini, il vient d’être royale-

ment récompensé par Bédier.
Celui-ci l’a intronisé tête de
a consultés, montre pourtant
que la magistrate a pris, à cette
occasion, et comme l’ont depuis
bec, il insiste : « Il est essentiel
de coordonner l’enquête pénale
avec le contrôle de gestion que

L A DIRECTION de la
Caisse des dépôts et consi-
gnations (CDC) – le bras armé
de Bercy – pensait souffler un
peu. Alors que le rachat d’un
gros morceau de Suez par Veo-
lia l’avait occupée dix-huit mois
quasi à plein temps, l’organi-
sation du nouveau Suez (reli-
quat non racheté par Veolia)
– dont la Caisse détiendra
20 % – semblait enfin bouclée.
Las ! ces jours-ci, les juristes
de la CDC se sont vus sommés
de plancher sur une drôle de
thématique. Intitulé de leur
note ? « Conflit d’intérêts entre
un administrateur et un direc-
teur exécutif ». Ambiance…
Résumé : le directeur des
participations stratégiques de
la CDC, l’un des grands
artisans de l’opération Veolia-
Suez, est devenu membre
du conseil d’administration
de Suez. Mais Antoine Sain-
toyant se trouve être aussi…
le beau-frère de Frederick
Jeske-Schoenhoven, nouveau
LE “VIVRE-ENSEMBLE” EN FORÊT
numéro deux du même Suez !
Ce dernier n’a rien d’un fi-
gurant : arrivé il y a peu dans
le sillage de Sabrina Soussan,
la nouvelle patronne, il règne
sur la communication, le mar-
keting et la stratégie du
groupe. Conclusion de la note
des juristes de la CDC : « L’ad-
ministrateur de Suez, en rela-
tion de parenté avec l’un des
directeurs exécutifs de la so-
ciété, se trouve en situation de
conflit d’intérêts. »
Contactée par « Le Canard »,
la CDC est formelle : Sain-
toyant a informé le conseil
d’administration de Suez de
son lien de parenté et, « la
Caisse n’ayant que 20 % du ca-
pital de Suez, c’est la présidente
qui décidera de la stratégie ».
Les juristes, pourtant, esti-
ment que « la pérennité du
mandat de l’administrateur
concerné (Saintoyant) devrait
être posée ».
Si son beauf est d’accord !
J. C.
liste pour les municipales an-
ticipées de mai prochain,
convoquées à la suite de la dé-
confirmé des témoins, des me-
sures et des précautions très
inhabituelles. Même lorsque
la chambre régionale des
comptes de Bretagne conduira
début 2018. »
mission d’une partie du conseil des personnalités sont en Quelques heures plus tard,
municipal menée par le maire cause. Robert reçoit un mail irrité :
(LR), Raphaël Cognet. Cet an- En octobre 2017, la cour « Ils en sont toujours à vouloir
cien protégé de Bédier avait d’appel de Rennes et la Cour coordonner les deux… » Oups !
osé entrer en rébellion contre des comptes doivent se réunir. Malbec s’est trompée de desti-
les méthodes de son Tonton. Au programme : la coordina- nataire. Et semble redouter
Quel ingrat ! tion entre autorité judiciaire que les magistrats de la Cour
Jérôme Canard et autorité financière sur plu- des comptes viennent mettre
“Le Mali n’est pas devenu
un sanctuaire terroriste, grâce à vous”
Le chef d’état-major des armées a délivré ce message aux soldats. Mais l’échec de Barkhane est indiscutable.
«L ES TERRORISTES ont pro-
gressivement réussi à gangre-
ner tout notre territoire, après neuf ans
après leur prochain retrait du Mali,
environ 3 000 militaires s’installeront
au Niger et au Tchad, et, si besoin
algérien n’est plus interdit aux appa-
reils français – va s’ajouter celui des
équipements de santé et des centaines
battre de l’« engagement français au
Sahel » et de la déclaration du gou-
vernement à ce propos. Mais il ne faut
de présence française. » Voilà le re- était, les unités françaises stationnées de tonnes de matériels divers et de pas rêver : à la différence de ce qui se
proche qu’a adressé, la semaine der- en Côte d’Ivoire et au Sénégal vien- munitions, sans compter les 800 vé- produit ordinairement à Berlin, à
nière, un colonel malien à un colonel draient leur fournir un renfort ap- hicules et camions à « évacuer », parmi Londres ou à Washington, ce débat ne
français du contingent Barkhane. Ce préciable. lesquels 260 blindés lourds. Charges sera suivi d’aucun vote. Notre chef de
genre de « critique professionnelle » Des chiffres supplémentaires : il faudra assurer la guerre n’est pas critiquable.
met les chefs militaires français en protection de tous les convois qui tra- Reste à savoir quelle sera l’efficacité
rage. Car c’était, en quelques mots, vraiment peu glorieux verseront le Mali et le Burkina Faso, du futur « redéploiement » antiterro-
accuser plus de 4 000 Français de A l’état-major des armées, histoire au milieu, parfois, de populations riste des forces françaises au Sahel.
s’être montrés incapables d’écarter de contester toute critique, on avance hostiles. Etats impuissants, corrompus, armées
toute menace terroriste. quelques chiffres. En neuf ans, les dji- Sans s’en désintéresser, l’Elysée et toujours faibles et mal encadrées ou
Dans un message destiné aux sol- hadistes auraient perdu entre 2 500 le ministère des Armées laisseront réactions antifrançaises – rien de
dats, le 17 février, Thierry Burkhard, et 3 000 combattants, et l’on rappelle l’ONU débattre avec les colonels ma- changé sur le terrain.
le chef d’état-major des armées, a que, l’an dernier, « les drones tueurs liens de l’avenir de la Mission des Na- Claude Angeli
voulu remotiver ses troupes. Après et les Mirage 2000 ont frappé les ré- tions unies et de ses 12 800 Casques
un drôle de coup de clairon – « Le com- seaux djihadistes à 98 reprises ». En bleus, ses 1 780 policiers et ses . Dans un long rapport qui traite de la lutte
bat continue, en avant ! » –, il les a fé- revanche, les chefs militaires et le mi- 1 120 civils (administrateurs, juristes, contre le terrorisme islamiste et du risque
licitées : « Le Mali ne s’est pas effondré nistère des Armées se gardent bien etc.). Les services français, cependant, d’un conflit de « haute intensité », quatre
et n’est pas devenu un sanctuaire du d’évoquer certains chiffres moins glo- ne renoncent pas à surveiller les mer- députés de la majorité et de l’opposition
terrorisme international. » Sous-en- rieux. Ainsi, le surcoût de la seule mis- cenaires du groupe Wagner – un mil- (membres de la commission de la Défense)
tendu : grâce à vous, ce pays n’est pas sion Barkhane au Mali et au Sahel lier déjà sur place, en attendant prévoient un avenir hors de prix. Selon eux,
aujourd’hui un califat international s’est élevé, cette année, à 2,5 millions mieux –, « toujours soupçonnés du pire le budget de la Défense devrait passer de
installé au cœur de l’Afrique et pou- d’euros par jour. plutôt que du meilleur », comme ironise 2 à 2,5 % du produit intérieur brut. Entre
vant menacer la France et l’Europe. Quant à la « retraite du Mali », elle un diplomate. Et Bamako, afin de les 2023 et 2025, les dépenses militaires de-
« Nous ne quittons pas le Mali sous va, elle aussi, peser lourd sur le budget protéger de toute curiosité malsaine, vraient donc être augmentées de 3 milliards
la pression des groupes djihadistes, de la Défense, et le montant de la fac- interdit tout survol des camps où ils par an. Puis, à partir de 2030, de 6 milliards,
s’est encore flatté le général. Nos ca- ture reste aujourd’hui difficile à éva- sont hébergés. afin de pouvoir moderniser, entre autres,
pacités militaires, comme notre déter- luer. Au retrait par avion des maté- Les 22 et 23 février, l’Assemblée et l’arsenal nucléaire français. Et plus si
mination (…), sont intactes. » En clair, riels sensibles – une chance, le ciel le Sénat ont enfin été autorisés à dé- affinités ?

« Le Canard enchaîné » – mercredi 23 février 2022 – 3

 A

ANNONCE FRACASSANTE DE POUTINE

Macron, la girouette nucléaire

Naguère écolo et partisan de sacrifier un tiers des centrales françaises, il largue Astrid,
Arabelle et Fessenheim puis se ravise et annonce 14 nouveaux réacteurs EPR.
IEUX qu’« en même

M temps » : « successive-
ment » ! En sept ans, Em-
manuel Macron n’a pas cessé de
changer d’avis en matière de nu-
cléaire, multipliant les décisions
contradictoires.
En 2015, alors ministre de
l’Economie, il avait soutenu
sans moufter la loi de transition
énergétique, qui prévoyait la
fermeture de 17 des 58 réacteurs
français à l’horizon 2035. En
2022, le désormais président ter-
mine son quinquennat en an-
nonçant 14 nouveaux EPR
(l’équivalent de 28 réacteurs
classiques).
Opportunisme – pour suivre
les sondages, plus favorables à
l’atome que naguère – ou réac-
tion à l’envolée du prix de l’éner-
gie ?
Florilège des plus beaux zig-
zags nucléaires de Macron.
. Candidat anti-atome
En février 2017, sur le site officiel
d’En marche !, le candidat Macron
le proclame : « Ce n’est pas bon
d’avoir 75 % de notre énergie qui
vient du nucléaire. Je maintiens donc
le cap des 50 % » d’énergie nucléaire
dans le mix français. Et la fermeture
massive de réacteurs qui va avec.
Promesse téméraire : la loi de
transition prévoyait, pour 2050, une
réduction de 50 % de la consomma-
tion finale d’énergie par rapport à
2012, là où le récent rapport de RTE
(gestionnaire du réseau électrique
français) annonce, lui, une augmen-
tation de 35 % à la même échéance.
C’est qu’en 2017 le prétendant à
l’Elysée chassait aussi l’écolo – il lui
fallait retenir son emblématique lea-
der vert Nicolas Hulot.
. Arabelle se fait la belle
Depuis Bercy, en 2014, Macron
avait donné son feu vert à la vente
de la branche énergie d’Alstom à
l’américain General Electric. Adieu,
les turbines nucléaires Arabelle, ré-
putées les meilleures du monde !
En 2020, arrière toute. Le Prési-
dent tord le bras à EDF pour orga-
niser le retour des Arabelle à la mai-
son, qui se matérialisera en février
2022. Cette valse-hésitation va coû-
ter près d’un demi-milliard aux fi-
nances publiques.
. Fessenheim hopla !
Macron s’y était engagé en 2017
dans son programme électoral : « La
fermeture de la centrale de Fessen-
heim (décidée en 2012 par Hollande
pour se concilier les Verts) sera
confirmée. Elle interviendra au mo-
ment de la mise en service de l’EPR
de Flamanville. » Laquelle n’en finit
pas d’être retardée. Macron annonce
pourtant, le 27 novembre 2018, que
Fessenheim fermera d’ici à dix-huit
mois. Et confirme l’abandon de 14 ré-
acteurs à l’horizon 2035.
Quelle mouche l’a piqué ? A
l’époque, Hulot a déjà quitté le gou-
vernement depuis trois mois. Le Pré-
sident, toutefois, veut prouver que
sa fibre écolo est restée intacte.
L’opération coûtera bonbon : « plu-
sieurs milliards d’euros », estime la
Cour des comptes. Et, pour EDF,
près de 2 milliards de manque à ga-
gner : Fessenheim aurait pu, en effet,
fournir 60 % des 20 TWh d’électricité
qu’EDF va être obligé d’acheter à
prix fort sur les marchés pour res-
pecter le bouclier tarifaire décidé par
le gouvernement en janvier 2022.
. Astrid lâchée dans le vide
Août 2019 : Macron décide, en lou-
cedé, la fin d’Astrid, le programme
expérimental du Commissariat à
l’énergie atomique (CEA) qui étudiait
les réacteurs de quatrième généra-
tion, lesquels se « nourrissent » des
déchets des autres réacteurs. L’Office
parlementaire d’évaluation des choix
scientifiques et technologiques dé-
plore une décision « prise sans
débat ». Astrid, affirment ses élus,
aurait pu permettre de « réduire
considérablement les déchets nu-
cléaires » et d’« offrir à la France une
indépendance électrique de plusieurs
siècles » en raison des montagnes de
résidus radioactifs déjà accumulés.
L’abandon d’Astrid – dans lequel
1 milliard avait été investi – n’attris-
tera pas les concurrents étrangers
La loi de bioéthique
du CEA (Chine, Russie, Inde, Etats-
Unis, etc.), qui travaillent activement
sur des projets similaires. tarde à accoucher
. Haro sur les amish
15 septembre 2020 : c’est le co-
ming-out du Macron nouveau. De-
des secondes mères
puis l’Elysée, il tance le « modèle ’ES PAS MA MÈRE ! » Or cette « fenêtre » de l’été
amish ». Comprenez : ces affreux éco-
los, naguère si séduisants. Le 8 dé-
«T S’il était en âge de par-
ler, le petit garçon que Joana
dernier est un triangle des
Bermudes ! Si Alice, qui a ac-
cembre de la même année, lors de la a eu avec Alice pourrait faci- couché, est légalement mère,
Journée mondiale pour le climat, lement lancer ce genre de bra- aucun statut parental n’est ac-
qu’il célèbre chez Framatome, au vade à la première. Il est né le cordé à Joana. Sous le contrôle
Creusot, il insiste : « Notre avenir 4 août 2021, deux jours après du procureur de la Répu-
énergétique et climatique passe par l’adoption de la nouvelle loi de blique, elle a pourtant suivi
le nucléaire. » bioéthique ouvrant la procréa- les démarches d’état civil à la
Les vannes sont ouvertes : à l’au- tion médicalement assistée lettre. Mais le dossier, adressé
tomne 2021, le Président annonce le (PMA) aux femmes seules et début octobre, n’a été enregis-
lancement de 6 EPR puis, en février aux couples lesbiens… et tré au tribunal de Nantes que
dernier, de 8 autres. Et que devien- 48 jours avant la circulaire du le 12 décembre. Sans qu’une
nent les 14 réacteurs qu’il voulait ministère de la Justice mettant suite lui soit donnée.
encore fermer fin 2018 ? en œuvre la reconnaissance de
La suite au prochain revirement… la « mère d’intention » – celle Gros bide juridique
Hervé Martin n’ayant pas porté l’enfant. Solution ? Adopter son
propre enfant ! « Il semblerait
qu’il y ait un vide juridique

TF1-M6, la fusion qui crée la confusion A la prison de Seysses,

Niel, prétendant éconduit, dézingue le mariage. Comme Sarko pour le compte de Bolloré.
UDITIONNÉS depuis
A plusieurs jours par la
commission d’enquête sénato-
riale sur la concentration des
médias, les milliardaires pa-
radent. Et sortent la sulfa-
teuse, à l’exemple, le 18 fé-
vrier, de Martin Bouygues,
principal actionnaire de TF1,
et de son rival Xavier Niel,
propriétaire du groupe Le
Monde. Mais, au sein du mi-
lieu médiatique, le grand pro-
jet de fusion TF1-M6 provoque
aussi d’autres remous, plus
discrets ceux-là.
Le 2 février, au siège pari-
sien de son holding, Martin
Bouygues a reçu l’émissaire
de Vincent Bolloré, l’un de ses
grands concurrents des mé-
dias. Cet ambassadeur, qui
était naguère son ami, c’est
Nicolas Sarkozy. Confirmée
au « Canard » par un proche
du bétonneur, cette « ren-
contre de courtoisie » avait
pour objectif de calmer les ar-
deurs belliqueuses de l’ex-pré-
sident de la République, ul-
céré par le mariage TF1-M6.
Depuis plusieurs semaines,
dans les dîners en ville, Sarko
distille à profusion ses argu-
ments anticoncentration.
« Martin en est terriblement
On écrit au “Canard”
A la suite de la publication
de l’article « Une sénatrice très
russophile à l’Otan », Joëlle
Garriaud-Maylam nous écrit :
« “Le Canard Enchaîné” du
9 février affirme que je me se-
rais “mis en tête de devenir pré-
sidente de l’Assemblée parle-
mentaire de l’OTAN” et me
qualifie d’“admiratrice de Pou-
tine”. C’est doublement faux.
D’abord parce qu’à ce jour, si
j’ai bien été sollicitée pour me
présenter à ce poste, je n’ai pas
fait acte de candidature. En-
suite parce que je n’ai certaine-
ment aucune admiration par-
ticulière pour M. Poutine.
Aucune. Ma présence au ma-
riage du descendant des Ro-
manov, en présence de nom-
breuses autres personnalités
telles que le Premier Ministre
Luxembourgeois ne fait évi-
demment pas de moi une sup-
portrice du Président russe qui
n’y était pas présent et que je
n’ai d’ailleurs jamais rencon-
tré. Sénatrice des français de
blessé », susurre l’un de ses
proches. Sortez les mou-
choirs ! Que les noces soient
célébrées ou non, il convient
de ménager l’avenir. Des
chaînes de télé et des radios
vont changer de main, les ri-
vaux d’hier peuvent devenir
des partenaires commerciaux.
Pourtant, entre Bouygues, té-
moin de son mariage avec Cé-
cilia, et Bolloré, qui lui prêta
gentiment son yacht après
l’élection de 2007, le cœur de
Sarko… ne balance plus. Ad-
ministrateur du groupe La-
gardère, il se pique d’avoir
joué les intermédiaires entre
son « frère » Arnaud Lagar-
dère et Vincent Bolloré.
Pluralisme
sauce Bollo
« Il prend son rôle tellement
au sérieux que, lorsqu’il évoque
les affaires de Bolloré, il dit
“nous” », raconte, hilare, l’un
de ses interlocuteurs réguliers.
En mars 2021, Vincent Bolloré
s’est porté candidat au rachat
du groupe M6-RTL, mais, son
offre étant demeurée très in-
férieure à celle de Martin
Bouygues, il a été recalé.
Entre-temps, Bollo a avalé Eu-
rope 1 et les journaux de La-
mission des affaires étrangères,
je rencontre quotidiennement
nombre de personnes dont je ne
partage pas les opinions mais
que je me fais un devoir d’écou-
ter. Je regrette encore que, à la
recherche de mes tweets portant
sur la Russie, “Le Canard” n’ait
pas jugé devoir faire état de
celui, publié en avril dernier,
par lequel je dénonçais expres-
sément l’emprisonnement d’An-
dréï Navalny. Quant à de pré-
tendues “alertes” des services
de renseignement à mon en-
droit, je ne peux que contester
très vigoureusement leur exis-
tence et constater qu’elle n’est
étayée par aucun autre élément
que les propos du collègue qui
en fait état anonymement. »
Dont acte. Contactée par nos
soins avant la parution de l’ar-
ticle, Mme Garriaud-Maylam
n’avait pas contesté nos infor-
mations, lesquelles laissaient
transparaître, pour le moins,
une certaine complaisance à
l’égard du régime de Vladimir
Poutine. Ce qui ne constitue
gardère (« Paris Match », le
« JDD »). Mais ces zakouski
n’ont pas calmé l’appétit du
patron zemmouriste…
Xavier Niel mène, lui aussi,
une campagne effrénée contre
la fusion. « La création d’un
monopole, c’est extrêmement
grave (…), un danger pour la
démocratie », s’est offusqué le
fondateur de Free durant son
audition du 18 février. Il n’a
pas hésité à pilonner l’Etat,
et donc, indirectement, son
pourtant ami Emmanuel Ma-
cron. Le Président, à ses yeux,
est coupable d’avoir « viré »
Isabelle de Silva, présidente
de l’Autorité de la concur-
rence, « parce qu’elle souhai-
tait faire son boulot normale-
ment sur ce sujet ».
Un expert des médias avait
déjà présenté l’union des deux
chaînes comme une menace.
L’objectif, « c’est de contrôler
75 % du marché de la publicité
télévisuelle et d’augmenter les
tarifs, tout en baissant ses dé-
penses en matière de produc-
tion », soulignait Jean-Louis
Missika dans « Le Monde »
(6/2). Mais son objectivité est
relative. Ex-salarié de Niel
chez Iliad, le holding de Free,
l’ancien adjoint d’Anne Hi-
Guéant
condamné
mais protégé !
ENDANT LE SÉJOUR
P de leur client à la Santé,
ils se la sont gentiment coulée
douce. Puis, le 9 février à
8 h 30 pétantes, les flics char-
gés de la protection de Claude
Guéant, en bagnole rutilante,
ont dû aller chercher l’ex-mi-
nistre de l’Intérieur à sa sortie
de taule, où il purgeait une
peine de deux mois pour avoir
barboté des primes destinées
aux poulets.
Ses quatre officiers de sé-
curité avaient pourtant freiné
des ergots pour reprendre leur
mission, arguant que l’ancien
locataire de Beauvau ne mé-
ritait plus une protection
rapprochée aux frais du
contribuable. Mais Gérald
Darmanin en a décidé autre-
dalgo à la Mairie de Paris est
visé par une enquête prélimi-
naire pour avoir favorisé des
projets immobiliers développés
par… Xavier Niel.
Le piston
des fistons
La pugnacité de ce dernier
s’explique aussi par un revers
de fortune. Pour la première
fois, devant les sénateurs, il a
confirmé avoir déposé une
offre pour le rachat de M6 – en
vain. Ricanement de Martin
Bouygues : « Il n’avait qu’à être
compétitif, s’il voulait la
chaîne. »
Le trio Bouygues-Bolloré-
Niel partage au moins une
vertu cardinale : l’amour de la
famille. Les deux premiers ont
placé leurs fistons (Edward
Bouygues, Cyrille et Yannick
Bolloré) aux manettes de leurs
groupes respectifs. Niel, lui, a
casé son fils Jules, tout juste
20 ans, dans le fonds de dota-
tion qui contrôle le capital du
« Monde », « à la demande, pré-
cise-t-il, du pôle d’indépen-
dance » – autrement dit des
journalistes eux-mêmes.
Si c’est au nom de l’indépen-
dance, alors…
Odile Benyahia-Kouider
LANCEMENT RATÉ DE SNCF CONNECT
l’horreur sans cesse
D ANS LA SÉRIE « Prisons
pourries et surpeuplées »,
bienvenue au centre péniten-
tiaire de Toulouse-Seysses
(Haute-Garonne), dont « Le
Canard » a déjà présenté le
brillant palmarès (5/1) : saleté,
violence, 195 matelas au sol
– un record –, taux d’occupa-
tion de 186 %… Un vrai petit
paradis à ciel fermé ! Lumière
dans les ténèbres, toutefois :
depuis peu, la loi permet aux
prisonniers de contester leurs
conditions de détention devant
les juges. C’est ce qu’a tenté de
faire Jacques devant le tribu-
nal de Toulouse, en décembre
2021 et en ce mois de février. Il
n’a pas été déçu.
Un cafard dans la nuit
Ce condamné pour vol et
recel de vol est incarcéré à
Seysses depuis le 17 juin 2021.
Y étant déjà passé en 2016 et
en 2017, il connaît bien le lieu.
Enfermé avec deux codétenus
dans une cellule pour deux, il
dort par terre et sort peu. Ra-
pidement, sa santé décline. Le
27 septembre 2021, une
planche mal fixée lui tombe sur
la tête : traumatisme crânien.
« Ce type d’incident peut sur-
venir en milieu libre et ne ca-
ractérise pas le milieu carcé-
ral », modère le juge qui exa-
mine le recours. Et qui, sans
aucun doute, visite souvent ce
« milieu ».
Comme d’autres avant lui,
Jacques se plaint aussi de la
présence de cafards dans les
cellules. Il a même avalé une
bestiole dans son sommeil, ex-
plique-t-il ! Réponse du magis-
trat, vibrante d’humanité :
« Ces insectes, qui ne sont pas
l’apanage des cellules d’établis-
sements pénitentiaires, sont ai-
sément destructibles par un
produit insecticide d’usage cou-
rant. » Et puis le détenu ne pré-
cise pas les « circonstances de
l’ingestion alléguée ». Tout ça
ne suffit pas à « constituer un
commencement de preuve de
conditions indignes de déten-
tion ». Sûr !
Pas de portes entre les toi-
lettes et le reste de la cellule ?
9 m2 pour trois prisonniers ?
Certes, reconnaît le magistrat,
magnanime, « la situation est
évidemment inconfortable et
malcommode ». Mais, dans ce
lieu de vie, c’est la « relation
humaine » qui reste « primor-
diale ». D’ailleurs, les deux co-
détenus de Jacques l’affir-
ment : entre les trois hommes
règne « une entente cordiale et
pacifique, fondée sur le respect
et la communication, fonda-
trices d’un fonctionnement col-
lectif ». Plus belle la taule !
Touche finale du juge ? Si
Jacques « se comportait en ci-
toyen digne et respectueux des
lois, il ne serait pas confronté
aux conditions de détention
qu’il estime contraires à sa di-
gnité ». Ce qui condamne par
avance tout recours d’un tau-
lard ! « Cette décision n’est que
morale, s’irrite David Nabet-
Martin, l’avocat du détenu, elle
n’a rien de juridique. »
Le 17 février, la cour d’appel
a estimé que certains griefs de
Jacques étaient recevables.
Sauf qu’il a quitté sa cellule de-
puis ; son recours n’a donc plus
lieu d’être. Il est désormais hos-
pitalisé pour une tuberculose
multiviscérale. La prison n’y
est sûrement pour rien.
Marine Babonneau
entre la promulgation de la loi
et la circulaire du ministère de
la Justice. De sorte que cer-
tains notaires refusent de pro-
duire les documents et que les
procureurs bloquent les procé-
dures. Il faudrait que ces per-
sonnes passent par l’adop-
tion… comme avant la loi »,
regrette Jean-Louis Touraine,
député LRM et corapporteur
du projet de loi Bioéthique. Les
députés macronistes Raphaël
Gérard et Laurence Vanceu-
nebrock ont interpellé le garde
des Sceaux le 17 novembre…
sans réponse.
Problème : si Alice dispa-
raissait, son môme se retrou-
verait orphelin. En cas de sé-
paration, Joana ne disposerait
d’aucun droit de visite. Fonc-
tionnaire de l’Education na-
tionale, elle ne peut pas non
plus percevoir un « supplé-
ment familial de traitement »,
ni utiliser un chèque emploi
service pour rémunérer une
nounou. A l’hôpital et à la
crèche, elle est considérée
comme une belle-mère. Seule
la CAF reconnaît sa place au
sein de la famille. Mieux que
la justice !
Maman, j’ai raté la loi !
« Même pour les couples
ayant eu leur enfant avant le
vote de la loi, les délais sont si
longs que l’administration pro-
pose l’adoption. Pourtant, le
texte devait éviter cette longue
procédure – de six mois à un
an », détaille Nicolas Faget,
porte-parole de l’Association
des parents et futurs parents
gays et lesbiens (APGL).
Audrey et Sylvie, qui ont eu
un garçon à la suite d’une
PMA en Belgique, sont dans
cette situation. Elles ont dé-
posé leur dossier le 26 octobre
à Nanterre : depuis, elles ron-
gent leur frein. Catherine Cla-
vin, coprésidente de l’APGL,
a remarqué « des attitudes di-
verses des parquets, avec des
temps d’attente incompréhen-
sibles et des demandes de
pièces non conformes à la loi
et à la circulaire ».
Audrey et Sylvie ont entamé
un parcours de PMA pour un
deuxième enfant et, comme le
prévoit la loi, ont déclaré sa
reconnaissance conjointe an-
ticipée. Leur futur (et, à ce
jour, hypothétique) bébé se
voit donc reconnu avant son
grand frère. Un comble !
Fanny Ruz-Guindos

Pas dorée, la pilule…

l’étranger, secrétaire de la com- nullement un crime. ment.
Ordre a donc été donné au
service de la protection de
continuer comme si de rien
UN ESPOIR À GAUCHE n’était. Pas question de ENRI ET FRANÇOIS-ROBERT

H
rompre avec un « usage répu-
blicain » que tous les ministres
de l’Intérieur successifs pro-
mettent de supprimer… à leur
arrivée Place Beauvau.
Le délinquant Guéant
bénéficie donc toujours d’une
voiture avec chauffeur et
garde du corps, dont la Fac-
ture annuelle atteint au moins
280 000 euros. A la date du
1er janvier 2019, douze anciens
« premiers flics de France »
bénéficiaient encore d’une pro-
tection, pour un coût global de
3,3 millions d’euros. Jean-
Louis Debré (18 mai 1995-
2 juin 1997) et Matthias Fekl
(21 mars-10 mai 2017) ont,
eux, préféré libérer leurs go-
rilles. Fini, les singeries !
D. H. et C. L.
pestaient déjà contre les maisons
de retraite bien avant la publication
du sulfureux livre dʼenquête « Les
Fossoyeurs », de Victor Castanet ! Depuis
mai 2016, leur mère, Catherine, réside à
lʼEhpad Furtado Heine, géré par la Ville de
Paris. Souffrant de sévères problèmes
psychiatriques, cette femme de 75 ans est
soumise à un traitement lourd. Mais, quand
elle commence à enchaîner les séjours à
lʼhôpital Sainte-Anne, les enfants
sʼinterrogent.
Le 27 mai dernier, ils obtiennent, de haute
lutte, une décision de la Cnil pour avoir
accès au dossier médical. Révélation : cʼest
parce que le personnel de lʼEhpad ne par-
vient pas à lui faire avaler ses pilules de
façon régulière que Catherine est envoyée
à Sainte-Anne. Les enfants demandent que
des infirmiers libéraux viennent administrer
le remède – à leurs frais sʼil le faut ! Invo-
quant un conflit de financement, la direction
de la maison de retraite refuse. Avec lʼac-
cord de la famille, toutefois, elle propose
un traitement injectable. Sauf que la piqûre
doit se faire à Sainte-Anne : Catherine est
de nouveau internée.
Le 11 décembre, un diagnostic inattendu
tombe. Les deux frères apprennent que
lʼEhpad a mis fin au contrat dʼhébergement
de leur maman, et quʼils ont trois semaines
pour lui trouver une nouvelle résidence !
Cette décision dʼexpulsion a été prise le
7 décembre, au cours dʼune réunion dont
les fistons nʼavaient pas été informés. Ils
contestent en justice. Le 24 décembre, le
tribunal juge leur requête en annulation non
urgente…
Le 12 janvier, le centre dʼaction sociale
de la Ville de Paris (CASVP) propose de
loger Catherine dans un autre établisse-
ment, à Pantin (Seine-Saint-Denis) cette
fois-ci, alors même que (ledit CASVP lʼa
écrit un mois plus tôt) « lʼEhpad ne corres-
pond pas au besoin de soins et de prise en
charge » de Catherine. Cherchez lʼerreur !
Dʼautant que, si le centre parisien est adapté
aux personnes présentant des troubles
mentaux, le pantinois nʼa aucun partenariat
avec un hôpital psychiatrique. Pour Cathe-
rine, qui poireaute toujours à lʼhosto en at-
tendant lʼétude de son dossier, la pilule ne
passe pas.
F. R.-G.

4 – « Le Canard enchaîné » – mercredi 23 février 2022

 A

Deux linguistes remontent PLUS BELLE AILLEURS, LA VIE DRÔLES DE ZIGS

q GÉRARD DEPARDIEU, qui en-

SACRÉMENT aux origines de l’histoire de Q visage toujours de « rendre

[s]on passeport français », ré-
vèle au « Journal du di-

ÉTOURDI
Pendant deux décennies, le
père Andres Arango s’est
trompé de formule lors des cé-
rémonies de baptême (AFP,
16/2). Au lieu de dire « Je vous
baptise au nom du Père et du
Fils et du Saint-Esprit », ce curé
désinvolte se contentait d’un
« nous vous baptisons ». Mais
l’évêque de Phoenix (Arizona)
n’est pas d’accord : « Le pro-
blème, avec l’utilisation de
“nous”, est que ce n’est pas la
communauté qui baptise une
personne mais le Christ et lui
seul. » Du coup, le père Arango
a promis de rebaptiser tout le
monde.
Comment dit-on « cadences
infernales », en latin ?
M
AIS QUI SE CACHE derrière le « Q » Les deux chercheurs français enseignent à manche » (20/2) ses envies de
de QAnon ? Deux chercheurs français la très sérieuse Ecole des chartes la linguistique grand large : « Je suis en train
de l’Ecole des chartes viennent de dé- quantitative et ont mis au point la « philologie
de transformer en Turquie un
busquer les créateurs du mouvement complo- computationnelle », un nom barbare pour une ancien thonier algérien (…) sur
tiste d’extrême droite qui sévit aux Etats-Unis nouvelle analyse des textes à partir de mathé- lequel j’envisage de passer six
depuis 2017 et se développe en Europe. Un mou- matiques et d’intelligence artificielle. A la de- ou sept mois de l’année. Pas
vement sectaire qui prétend que les élites de mande du « New York Times », qui les a contac- un de ces énormes bateaux de
gauche, élus démocrates, acteurs de Hollywood, tés en juin et a publié leurs résultats dans son riches, juste un petit apparte-
etc., sont des pédocriminels satanistes et can- édition du 20 février, ils ont fait entrer dans
ment flottant avec un vrai
nibales : ils piquent le sang des enfants pour leurs ordinateurs tous les écrits d’une vingtaine
en extraire une substance, l’adrénochrome, qui de suspects – dont, pour égarer le logiciel, ceux marin et sa femme. »
permet de recouvrer sa jeunesse. de la famille Trump – afin de tenter de recon- Avec quand même une petite
La secte prêterait à sourire si ses adeptes naître des séquences de caractères permettant cave à vin ?
n’avaient largement participé à coup sûr d’identifier les au-
à la prise d’assaut du Capitole, teurs des textes recherchés. q AMANDA LEAR, ex-manne-
à Washington, en janvier 2021, Trump, Résultat : ils sont tombés sur quin, chanteuse disco, comé-
et n’était qualifiée de « menace deux noms, ceux du Sud- dienne, se confie au « Monde »
terroriste essentielle » par le le héros de QAnon Africain Furber, donc, et de (22/2), à qui elle explique
FBI. Elle a un héros, Donald l’Américain Ron Watkins, pourquoi Mitterrand a de-
Trump, qui tenterait à lui tout seul de sauver 34 ans. Le second aurait pris le relais du pre- mandé à la rencontrer, en
le monde de la menace pédophile. mier à partir de 2018. Son père, Jim, un ancien 1986 : « Il voulait savoir si je

HUMOUR RUSSE
Depuis des années, la chasse au Q est ouverte réparateur d’hélicoptères de l’armée améri-
aux Etats-Unis. Qui, sous le pseudonyme Q, a caine, avait créé, en 2016, un site Web pro-
posté, à partir d’octobre 2017, sur le forum ano- Trump à tendance conspirationniste, « 8chan »,
Enarques couchais avec Berlusconi [dont
elle était chargée de promou-
voir l’image en France]. Ce
nyme « 4chan7 », puis sur « 8kun », le message devenu « 8kun », sur lequel Q a sévi. Ron su-
« Ouvrez les yeux », affirmant que « de nombreux pervisait on-line la partie technique ; il est au-
membres du gouvernement adorent Satan » ? jourd’hui candidat républicain au Congrès en
et des flèches n’était pas le cas. Les gens
s’imaginent qu’il faut coucher
pour arriver : pour ma part,

L
Un initié militaire de haut niveau, prétend Arizona. ES CANDIDATS à
QAnon. Pas du tout, répondent Jean-Baptiste L’équipe française a déclaré que son logiciel l’élection présidentielle
Camps, philologue, et son compère Florian Ca- avait correctement identifié l’écriture de Wat- peuvent remercier l’Ins-
fiero, statisticien au CNRS. Pour eux, il s’agit kins dans 99 % des tests et celle de Furber dans titut national du service public
de Paul Furber, un développeur de logiciels et 98 %. Leurs résultats confirment ceux d’une (INSP). L’établissement, qui
journaliste sud-africain. Un amoureux des théo- équipe suisse qui a travaillé avec une méthode remplace l’Ecole nationale
ries du complot, qui avait beaucoup aimé le différente pour parvenir aux mêmes noms avec d’administration (ENA) depuis
« Pizzagate » dont a été victime Hillary Clinton un taux de précision d’environ 93 %. Les deux le 1er janvier, vient de mettre
pendant la présidentielle de 2016, selon lequel suspects nient. en place « une offre de forma-
son directeur de campagne faisait du trafic L’étude des linguistes les mènera-t-elle de- tion professionnelle continue
d’enfants dans un restaurant de Washington vant les tribunaux ? d’excellence (…) destinée aux
avec des satanistes libéraux. Jean-Michel Thénard personnes exerçant ou ayant
vocation à exercer des emplois
de direction de l’Etat ».
Sous les ponts de Blois Chacun des postulants à
l’Elysée a ainsi la possibilité
de suivre une formation (ou
paille dans les comptes de j’ai préféré arriver avant de
campagne ! coucher. »
Afin d’éviter les petites Cela méritait au moins la
phrases politiquement ris- Légion d’honneur.
quées sur « les gens qui ne sont
rien » ou n’ont qu’à « traverser
la rue pour trouver un em- CRISE
ploi », le futur candidat Ma-
cron gagnerait, de son côté, à UKRAINIENNE
suivre le cursus « Intelligence
émotionnelle : savoir faire des
émotions un allié ».
A fond
la formation

UN POÊLE
coulent les égouts plusieurs !) afin d’optimiser
ses chances de victoire. Après
son meeting au Zénith de
En deux jours et moyennant
1 550 euros à peine, le prési-

DANS LA MAIN
Plus de 100 000 écoliers dans
plus de 600 écoles belges ont
été appelés, le 17 février, à
s’habiller chaudement afin que
la température puisse être
baissée ce jour-là de 1 °C dans
les classes. Cette opération
« Gros Pull », lancée par la fon-
dation GoodPlanet, visait,
selon « Ouest France » (16/2),
à lutter contre le gaspillage
énergétique.
En France, le ministre Blan-
quer ne s’est pas encore inspiré
de l’exemple belge, éventuel-
lement pour le dépasser en tri-
cotant lui-même les gros pulls.
SOURIEZ,
VOUS ÊTES FILMÉS !
La commune d’Estrébœuf, dans
la Somme, est championne de
France dans une compétition
très disputée : le nombre de ca-
méras de surveillance par ha-
bitant. « Le Figaro » (17/2) en
a compté « une pour 20 habi-
tants ». Un équipement que ne
désapprouve pas ce citoyen :
« Ça peut réduire la délin-
quance, même s’il n’y en a pas
beaucoup ici. » Plus enthou-
siastes, les élus municipaux ti-
rent un premier bilan franche-
ment positif : « A proximité des
conteneurs à verre et carton,
il n’y a plus de bouteilles ou
autres déchets abandonnés. »
Ça valait le coup !
I
L N’EST JAMAIS trop
tard pour sortir les pieds
de la gadoue ! Le 31 jan-
vier, la ville de Blois a adopté
en conseil municipal un plan
local d’urbanisme visant no-
tamment à définir de nouvelles
orientations en matière de pré-
servation des espaces naturels.
Il y avait urgence. La ville
royale qui fait de son lien avec
la Loire, si chère à Balzac, un
argument touristique connaît
de gros problèmes de traite-
ment des eaux. Fin septembre,
les mariniers qui participaient
aux manifestations célébrant
le 20e anniversaire de l’inscrip-
tion du fleuve au patrimoine
mondial de l’Unesco ont vécu
un épisode nauséabond.
Vingt-cinq bateaux avaient
entrepris de remonter à contre-
courant le dernier grand fleuve
sauvage d’Europe, de Tours à
Orléans. A Blois, pour franchir
le pont Jacques-Gabriel, des
marins ont dû se jeter à l’eau
pour corder les bateaux. Un
vrai cauchemar. « On a pataugé
dans les excréments, il y avait
des ordures partout », raconte
au « Canard » l’un des valeu-
reux rescapés. Revenus sur la
terre ferme, les marins de cette
eau pas très douce ont immé-
diatement adressé un courriel
à la mairie de Blois pour signa-
ler l’état d’égout de « la rivière ».
En cause, un réseau d’assainis-
sement majoritairement uni-
taire : les eaux usées domes-
tiques et les eaux pluviales sont
collectées ensemble. En cas de
fortes précipitations, comme en
septembre dernier, le débit est
tellement fort que le bassin
situé avant la station d’assai-
nissement ne peut retenir
toutes les eaux qui s’écoulent
pêle-mêle dans la Loire.
Brasse
en eaux troubles
Le 9 avril 2016, « La Nou-
velle République » s’était déjà
fait l’écho de ces débordements
intempestifs. Or ce n’est que
quatre ans plus tard, en jan-
vier 2020, que la direction dé-
partementale des territoires
(DDT) de Loir-et-Cher adresse
une mise en demeure pour
mise en conformité à Agglopo-
lys, la communauté d’agglomé-
ration regroupant 43 com-
munes du Blaisois. « Conscient
de ces désagréments », Jérôme
Boujot (PS), vice-président
chargé du cycle de l’eau, plaide
auprès du « Canard » « un re-
tard » pris au cours des années
2000 lorsque l’arrivée de nou-
velles communes dans l’agglo-
mération de Blois s’est faite
sans « augmentation de la ca-
pacité du réseau ». L’élu socia-
liste souligne que la rénovation
de l’ensemble du réseau serait
« financièrement très lourde »
mais promet la « création d’un
nouveau bassin d’orage ».
« Le système d’assainis-
sement de Blois est prioritaire
pour nous depuis 2013,
souligne Carole Kervévan,
adjointe du directeur de la
délégation Centre-Loire de
l’Agence de l’eau Loire-Bre-
tagne. Un plan pluriannuel
d’investissement 2022-2027 va
être engagé. » D’ici là, beaucoup
d’eau sale aura encore coulé
sous les ponts…
Louis Colvert
ZEMMOUR AU SALON DE L’AGRICULTURE
Paris, le 13 février, où elle
n’a pas tout à fait atteint le zé-
nith de l’éloquence, Valérie
Pécresse pourrait, par exem-
ple, se tourner vers la master
class « Arts oratoires » de
l’INSP.
D’une durée de cinq jours,
ce programme vise à « affermir
son charisme vocal » ainsi qu’à
« maîtriser toutes les dimen-
sions de la communication non
verbale : posture corporelle,
geste, regard, silence, occupa-
tion de l’espace ». Tarif de la
formation ? 3 500 euros. Une
dent sortant pourrait ainsi
« développer une capacité
d’auto-coaching » de ses pro-
pres sentiments, une condition
« essentielle pour convaincre
et entraîner les individus dans
un projet », dixit le site de l’Ins-
titut. Au programme : des
« jeux de rôle » afin d’appren-
dre à « désactiver les émotions
négatives » chez les gens. En
même temps, jamais contents,
ces Gaulois réfractaires, quoi
qu’on leur dise !
Quant à Mélenchon, Jadot,
q CARLOS SAN JUAN, 78 ans,
a lancé une pétition très remar-
Hidalgo, Taubira et Roussel, quée intitulée « Je suis peut-
il leur reste une ultime chance
être vieux, mais je ne suis pas
pour faire émerger – en dix
jours – une candidature com- idiot ! » (« La Croix », 18/2). Ce
mune, en s’inscrivant ensem- citoyen espagnol proteste
ble à deux master class : « Art contre le tout-numérique, qui
évite aux banques de recevoir
de la négociation » (cinq jours)
suivi de « Leadership » (cinq leurs clients dans les agences.
jours). Ça commence comme ça et,
Là, ils trouveront enfin les après, les jeunes vont de -
clés pour « négocier avec succès mander la baisse des tarifs
dans des environnements com- bancaires !
plexes », en identifiant les « dy-
namiques de confiance » entre
Pan sur le bec !
eux, sans oublier de se prému-
nir « contre les 15 modes de « Le Canard » (18/2) s’est
mensonge (verbal, non ver- mélangé les pinceaux dans son
bal) ». Ainsi surgira la figure article intitulé « TF1 aboie, le
du rassemblement, qui in- Caravage passe ». L’« auteur
carnera « un leadership ouvert d’un roman sur un faussaire »
et inclusif ». Le tout pour n’est pas l’anthropologue
7 000 euros par participant, Charles Illouz, comme men-
soit 35 000 euros au total. tionné dans l’article, mais
Le prix de l’union de la Jules-François Ferrillon. Le
gauche ? coupable est condamné à
Clara Bamberger payer sa tournée d’Art-d’Art !

Quand Bercy charge

le lobby financier
de se verdir lui-même
Du bouillon cube pas très rond La licorne plus grosse que le bœuf
L
ES LICORNES font co- nouveau gadget numérique « Le concept de licorne re-

L
A SCÈNE se déroule le
17 décembre dernier,
par visioconférence.
Yves Perrier auditionne
Lorette Philippot, des Amis de
la Terre. Nommé par le mi-
nistre de l’Economie, Bruno
Le Maire, en novembre, il pré-
side un comité dont la mission
consiste à coordonner les ins-
titutions financières pour s’ali-
gner sur l’accord de Paris. Il
doit rendre ses recommanda-
tions d’ici à fin février… Yves
Perrier est aussi banquier : il
est président du conseil d’ad-
ministration d’Amundi (filiale
du Crédit agricole).
« J’ai eu l’impression d’être
face à une industrie polluante
à qui je disais : “Il faudrait
faire ça”, et qui me répondait :
CRISE UKRAINIENNE :
MACRON SE RÊVE
EN HOMME PROVIDENTIEL
“Ah non, ce n’est pas possible”,
dit Lorette Philippot. C’est un
niveau de lobbying qui bat tous
les records : Amundi est un des
acteurs les plus impliqués dans
les énergies fossiles. C’est le pre-
mier actionnaire de Total ! »
Le fossile
et le marteau
Et de s’en étonner : ce travail
a déjà largement été effectué
par l’Observatoire de la finance
durable, mis en place en 2020
par le même Bruno Le Maire,
qui avait livré plusieurs recom-
mandations, notamment l’ar-
rêt du financement des éner-
gies fossiles.
Membre du comité scienti-
fique de cet Observatoire,
Anna Creti, économiste du
climat à l’université Paris-
Dauphine, remarque que cette
« mission » est arrivée à l’im-
proviste : « Si c’est pour faire
des recommandations, l’Obser-
vatoire fonctionne avec des
experts et des scientifiques, on
est là pour ça. Quel est l’objec-
tif ? On ne comprend pas. »
Interrogé par « Le Canard »,
Bercy répond qu’Yves Perrier
« n’a pas vocation à réguler la
finance » mais uniquement « à
mettre autour de la table finan-
ciers et industriels pour qu’ils
puissent se parler ». Si possible
loin des oreilles des scienti-
fiques et des ONG… D’inno-
centes petites discussions entre
amis, voilà comment la finance
va sauver le climat !
Professeur Canardeau
BRANLE-BAS de combat à
Bruxelles. Le comité permanent
des experts chargés par l’Union
européenne de veiller à la sécurité
de nos assiettes va se pencher, le
28 février, sur un bouillonnant
problème : le danger pour notre
santé des hydrocarbures aroma-
tiques d’huiles minérales. Les
MOAH, comme on les appelle,
sont des composés cancérigènes,
mutagènes et génotoxiques qui
contaminent notre alimentation
via les lubrifiants des machines-
outils ou les emballages en carton
recyclé gorgés de résidus d’encre
d’imprimerie.
C’est un rapport de l’associa-
tion Foodwatch qui a mis le feu
aux poudres. L’ONG a réalisé,
en décembre, une batterie d’ana-
lyses dans cinq pays européens,
dont la France, et montré qu’un
aliment sur huit était contaminé
aux MOAH. Outre des céréales
pour le petit déjeuner, des mar-
garines ou des pâtes à tartiner
chocolatées, les produits les plus
pollués sont les bouillons cubes.
Déjà, en 2019, Foodwatch
avait tiré la sonnette d’alarme,
après avoir repéré des hydrocar-
bures aromatiques d’huiles miné-
rales dans des laits infantiles
(« Conflit », 30/10/19). Une dé-
couverte qui, huit mois plus tard,
avait poussé la Commission eu-
ropéenne à fixer une limite dans
les laits pour biberons. Bizarre-
ment, alors qu’on connaît la dan-
gerosité des MOAH, cette teneur
maximale n’a pas été étendue aux
autres aliments. Une faille régle-
mentaire dont profitent certains.
C’est le cas du géant de l’agroa-
limentaire anglo-néerlandais Uni-
lever. La multinationale, qui pèse
50 milliards d’euros de chiffre
d’affaires annuel, est, entre autres,
propriétaire des célèbres bouillons
Knorr, épinglés dans les analyses
de Foodwatch compte tenu de
leurs « niveaux de contamination
très inquiétants ».
Alertée par l’association dès
décembre, Unilever répondait,
droit dans ses bottes : « Nos pro-
duits Knorr sont sans danger et
conformes aux réglementations
en vigueur. Cela signifie que nous
ne prendrons aucune mesure. »
Sauf que, le 14 février, la Répres-
sion des fraudes a fini par pro-
céder au rappel des bouillons
cubes Knorr, un mois après que
les autorités luxembourgeoises ont
fait de même avec une pâte à tar-
tiner et les Belges avec des
bouillons cubes bio de la marque
Léa Nature, qui appartient aussi
à Unilever. Fort d’une pétition qui
a recueilli plus de 73 000 signa-
tures, Foodwatch demande à
Bruxelles d’interdire fissa dans les
rayons tout aliment contaminé aux
huiles minérales.
Pour que notre santé ne prenne
pas le bouillon ?
corico. Elles sont au
nombre de 26. C’est un
record, c’est une victoire, c’est
mieux que prévu. « On nous
disait que c’était impossible.
Et qu’au fond la start-up na-
tion était du vent », a triom-
phé Macron fin janvier,
quand est née la 26e licorne
avec trois ans d’avance sur
l’échéancier présidentiel, sa-
crant ainsi le triomphe de la
French Tech. Une licorne,
rappelons-le, c’est une jeune
entreprise dont la valorisa-
tion dépasse le milliard de
dollars.
Mais que fabriquent ces
entreprises numériques qui,
nous promet-on, sont à
l’avant-garde de l’hyper-
croissance ? Rien. A part Exo-
tec, qui bidouille des petits
robots industriels, lesquels,
par exemple, se promènent
dans l’entrepôt de Patatam,
à Hastingues (Landes), une
entreprise dont l’objectif est
de remplacer le bon vieux
marché aux puces en ven-
dant sur le Net pas moins de
750 000 vieilles fringues par
mois, toutes les autres font
dans l’immatériel. Ainsi
Spendesk, la dernière-née
des licornes, est spécialisé
dans la « gestion des dépenses
opérationnelles des entre-
prises » (ça fait rêver). Les
autres œuvrent dans la
fintech (finance en ligne),
l’assurtech (assurance en
ligne), le retail (vente en
ligne), le divertissement (par
exemple Deezer) ou la com-
mercialisation des NFT. Ce
a permis à Sorare de devenir
la plus puissante des licornes
françaises en vendant des
sortes de vignettes Panini
immatérielles consacrées aux
joueurs de foot (« Plouf »,
6/10/21)…
Mais voilà que, patatras,
dix jours après le cocorico
présidentiel, Sigfox, une li-
corne en devenir ayant levé
pas moins de 300 millions
d’euros (dont 60 auprès de
BpiFrance, la banque pu-
blique d’investissement), est
mis en redressement judi-
ciaire. Son ambition était de
créer un réseau international
permettant de géolocaliser
les objets connectés ; de quoi
« améliorer les flux logistiques
et postaux » et retrouver des
véhicules volés. Tout connec-
ter, tout fliquer, tout auto-
matiser, c’est l’avenir, non ?
Mais Sigfox a eu les yeux
plus gros que le ventre : sur
le milliard d’objets connectés
promis dès 2023, elle n’en est
qu’à 20 millions. Ah, le vieux
monde renâcle…
pose sur un seul critère : la
capacité d’un individu à
convaincre des investisseurs
de lui donner des fonds, no-
tent deux connaisseurs dans
“Libé” (19/2). Ça ne dit rien
de la capacité d’une entreprise
à être rentable, de son impact
social et environnemental, de
sa capacité à embaucher… »
En effet : les licornes créent
peu d’emplois, mais leurs dé-
gâts environnementaux sont
considérables, car elles ali-
mentent l’explosion du trafic
Internet mondial et la mul-
tiplication des appareils
connectés. Or, l’impact car-
bone du numérique, c’est déjà
deux fois celui du transport
aérien mondial (« Le Monde »,
11/1). Pas grave, les licornes
vont bientôt nous expliquer
qu’elles comptent beaucoup
sur les énergies renouvela-
bles : le solaire, l’éolien, le nu-
cléaire (récemment estam-
pillé « énergie de transition »
par l’Europe)…
Vive l’hypercroissance !
Jean-Luc Porquet

« Le Canard enchaîné » – mercredi 23 février 2022 – 5

 A

Ils sont vivants “Que vous êtes belle

(Les lèvres de la jungle)
EUVE depuis peu d’un gendarme alcoo- avec ces mandarines”
V lique et violent, Béatrice habite avec
sa mère et son fils près de la « jungle »
de Calais, où les migrants s’entassent en rê-
Dans “Beauté j’écris ton nom”, le peintre-écrivain-musicien Serge Rezvani
vant d’Angleterre. Cette aide-soignante n’a évoque sa longue vie, qu’illumina Lula, son aimée.
pas exactement la fibre tiers-mondiste. « Je
torche des vieux toute la journée, c’est pas Dont, en miroir, sont publiés les carnets intimes.
pour aider des Noirs et des Arabes la nuit »,
E QUI EST BIEN, avec trole », « n’est-ce pas ça qu’at-

C
aboie-t-elle aux associations qui la sollicitent
quand, au cœur de la jungle, elle vient donner Rezvani, ce qui fait tendent de nous ceux qui déci-
les vêtements de son défunt mari. Un acte notre plaisir et ce qui dent de ce monde tel qu’ils le
manqué ? Elle y découvre en tout cas une fait sa force, c’est qu’il se ré- font ? Constater qu’il est tel qu’il
humanité fragile et un monde brutal, que se pète. Il ressasse, il enfonce le est… puisqu’on n’y peut rien ! ».
partagent ceux qui survivent, ceux qui ré- clou, il revient sur le motif, à Et sur ce monde d’aujourd’hui
priment et ceux qui aident. Et puis il y a 93 ans il dit toujours la même et ses « prothèses technolo-
Mokhtar, ce ténébreux Iranien qui s’est cousu chose, cette chose qu’il écrivait giques » il a des pages terribles,
les lèvres. Dont le regard perçant l’attire, et chantait dans les années 70, annonce un futur d’où auront
jusqu’au vertige. flics ne sont pas tous des salauds, les mi- qui était alors dans l’air du disparu l’individu, l’unité, et la
Inspirée du récit de Béatrice Huret, « Ca- grants pas tous des anges, et certaines temps, en harmonie avec les lenteur : « Tels des insectes dont
lais mon amour », publié en 2017, cette his- bonnes âmes autoproclamées mériteraient aspirations de toute une jeu- par le nombre nous sommes
toire donne à l’acteur Jérémie Elkaïm sa pre- quelques claques. Même Béatrice, incarnée nesse : « Tu as droit à une nou- obligés d’adopter le fonctionne-
mière réalisation. Sans fard ni jugement par une ardente Marina Foïs, et sa relation velle existence, tu as droit à tes ment, nous communiquons déjà
moral, son film charnel relègue les préoccu- passionnelle avec Mokhtar ne vont pas sans désirs printaniers l’hiver, l’au- dans l’instantanéité. »
pations politiques et sociales au second plan. une inquiétante ambivalence. tomne, l’été, tu as droit à de Lire Rezvani, c’est se souve-
A moins qu’il ne les éclaire d’une lumière La vie, quoi. terriennes et fortes conquêtes, nir que « la vie est art su-
crue, révélant les ambiguïtés de chacun. Les Dominique Jaillet tu as droit au refus, à la rébel- prême », et se convaincre une
lion, à la révolte. » Ce texte pu- fois de plus qu’elle « peut être
blié dans le mensuel écolo « La dans le simple bonheur de qu’après cet amour fou, qui a beauté ». Tu as le droit d’être
Les films qu’on peut voir Un peuple d’un trésor en Terre de Feu, Gueule ouverte » (1973) avait l’instant. » duré cinquante ans et dont il un homme lent.
cette semaine Dès novembre 2018, Emma- guidé par un crabe ! Dépayse- pour titre « Tu as le droit d’être Ce bonheur, cet éden mira- ne revient toujours pas, sa Jean-Luc Porquet
nuel Gras filme quatre gilets ment garanti. S’il démarre un homme lent ». culeux, il les a racontés à lon- Lula est morte, minée par Alz-
Maigret poussivement en suivant son Toute sa vie, Rezvani a été gueur de livres enchantés, heimer. Il a alors aimé une
jaunes à Chartres. Alternant . Les Belles Lettres, 216 p.,
Présence massive, silhouette actions collectives et entretiens héros barbu hagard, ce film un homme lent. Janvier 1950 : « Les Années Lula », « Le Tes- autre femme (Marie-José Nat), 21,50 €.
spectrale, Depardieu parvient, en tête à tête, le réalisateur déroutant d’Alessio Rigo de à 22 ans, rescapé d’une « en- tament amoureux », « Les qu’il évoque avec des mots ten-
bien sûr, à incarner le célèbre montre la naissance d’un mou- Righi et Matteo Zoppis prend fance impardonnable », jeune Américanoïaques » et tant dres et beaux. Comment,
commissaire dans cette adap- son envol en passant en Ar- peintre parisien proche du sui- d’autres qui ont tant fait rêver, après un amour qu’on croyait En champ-contrechamp, on
vement, l’ivresse de se faire en- lira les carnets de Lula, décou-
tation d’un roman de Simenon tendre, les premiers désac- gentine. Cette marche en cide, il rencontre Lula. Ses pre- et dans ses chansons, si lé- exclusif, aimer de nouveau ?
où le héros enquête sur une crabe lui réussit au bout du miers mots éblouis lorsqu’il la gères et charmeuses qu’elles Là encore, il se dévoile, s’in- verts après sa mort. Elle y ra-
cords, et la détresse face à la conte ses jeunes années, sa
« jeune morte » qui pourrait violence des manifs. Le film conte ! – D. F. voit : « Que vous êtes belle avec volent encore de lèvres en lè- terroge et émeut.
être sa fille. Et après ? La re- ces mandarines. » Ensemble, vres (« J’ai la mémoire qui Mais il aborde aussi d’autres rencontre avec ce jeune pein-
remet en perspective le mou- Les graines tre sombre et fou. On y retrou-
constitution est soignée, les vement des gilets jaunes face ils s’enfuient loin de Paris et flanche », « Le Tourbillon de rivages. Entré en peinture dès
dialogues sonnent d’époque, le que l’on sème de son « terriférique » (comme la vie », « Jamais je ne t’ai dit l’âge de 16 ans et toujours vera cette même phrase sur
aux individus qui l’ont com- les mandarines, et l’évocation
commissaire fait toujours mon- posé. – C. Az. Chiara, accusée d’avoir il nomme le périph). Ils se ré- que je t’aimerai toujours » : hanté par elle, éloigné du mar-
ter des sandwichs, mais il doit tagué « Macron démission » fugient parmi les châtaigniers c’est de lui). A-t-on jamais vu ché de l’art depuis toujours, de ses années de « paroxysme
renoncer à fumer la pipe. C’est Le Chêne sur les murs de son lycée, des Maures, seuls dans une bonheur amoureux si joyeuse- Rezvani pointe les « années du bonheur » avec lui, mais
par son art du détail et de l’el- Ce documentaire natura- meurt en garde à vue. Sa fa- masure au nom prédestiné, ment, si magnifiquement cé- d’infantilisation du surréa- aussi les crises imprévisibles,
lipse, par sa subtile économie liste de Laurent Charbonnier mille et ses camarades enta- La Béate, où, jour après jour, lébré, au point d’atteindre au lisme » à l’origine de l’« art mo- comme un cyclone, qui le ter-
de mots comme d’effets que et Michel Seydoux déploie ment leur deuil. Cette fiction ils vivent un bonheur inef- mythe ? Ces livres n’ont pas derne irréfléchi », tout entier rassaient une fois ou deux l’an.
cette version de Leconte se une dramaturgie autour d’un de Nathan Nicholovitch, réa- fable, ne cessant de s’étonner vieilli – l’éditeur Philippe Rey dévoré par la « production de Et l’on mesure à quels abîmes
distingue. – D. F. chêne bicentenaire : la verti- lisée avec les élèves d’un lycée de leur amour chaque jour re- va bientôt les rééditer. curiosités marrantes ». Cet art elle l’a arraché.
gineuse partie de pattes en d’Ivry-sur-Seine, est résolu- nouvelé : « Dès qu’elle est en- Dans ce dernier ouvrage, vide de sens et d’élan que col- . « Les Carnets de Lula », par
Les Poings desserrés l’air des insectes nommés ba- ment politique, replaçant son trée dans ma vie, elle m’a in- qu’il confesse volontiers être lectionnent les « grands fauves Danièle Rezvani, Les Belles Lettres,
Dans une petite ville d’Os- lanins finira-t-elle par une propos dans les mouvements sufflé sa foi dans la Vie, sa foi narcissique, Rezvani raconte du béton des armes et du pé- 240 p., 21,50 €.
sétie du Nord, une jeune fille ponte réussie ? Les mulots se- de protestation lycéens. De
est assiégée par son père, ses ront-ils sauvés des eaux qui très belles images, un scénario
frères, un amoureux sans-
gêne… Atmosphère quasi in-
cestueuse et personnages fil-
inondent leur labyrinthe sou-
terrain ? Sans parole mais pas
sans cris et chuchotements, la
bien mené, et des acteurs
crédibles. – C. Az. Le Pen, roi du macadam LʼALSACE VEUT SORTIR DE LA RÉGION GRAND EST

més à bout portant : Kira
Kovalenko partage la même
origine caucasienne et le même
univers étouffant que Kante-
mir Balagov, auteur du formi-
dable « Tesnota – Une vie à
l’étroit » (2017). Sa vision du
monde a été couronnée par le
prix « Un certain regard », à
Cannes. – D. F.
DEPARDIEU DÉÇOIT
1 2 3 4 5 6 7 8 9
I caro, ramassé et tranchant,
II
III
IV
V VERTICALEMENT
VI
VII
VIII
IX
X
XI
HORIZONTALEMENT
I. Z’attisent the question*.
– II. Trames way. – III. Doublé à
Philae. Bouté flic a**. – IV. Cou
pente***. En culé c’est transmis.
– V. Cocotte minute. Faut pas.
– VI. Soudât de plomb ? Salvator est
SOLUTION DU PROBLÈME No 1539
HORIZONTALEMENT
I. CUISINIER. – II. HEREDIA.
– III. ID. ARME. – IV. REMUA.
ACO. – V. CCI. DALOU.
– VI. HALAIT. LG. – VII. EPILA-
TION. – VIII. VITI. ERRA.
– IX. ETAGERAIS. – X. LE.
NORIAS. – XI. URBANISTE.
vie animale et végétale offre
des instants de grâce à dégus-
ter sans modération. – C. Az.
La Légende
du roi crabe
D’un côté, le fou d’un village
italien, ivrogne et incendiaire.
De l’autre, un mystérieux
« Padre » parti à la conquête
1540
à démo. – VII. C’est dans la
proche. Ah là est grand !
– VIII. Anti ci clone désas-
sor. – IX. La raison des
tartes. Passai à la concur-
rence. – X. Oh happy d’ère.
– XI. Où génies de beaux
harnais.
1. Tralalas itou (en deux
mots). – 2. Arrière glande
mère. – 3. Eux de lump.
Longe jumeau. Episode
cévenol. – 4. Ravalent qui rit.
Algues à rades. – 5. Rançon
de saillie. Fait mineicide.
– 6. Cure d’ans. Tirer sa réfé-
rence. – 7. Expert en coût
d’états. Je ne suis pas celle
que vous croyez. – 8. L’est
précieux édicule. Sous le signe de
l’Edda. – 9. Les abhorrigènes.
ADN
Définitions transmises par * Oli-
vier Choteau, ** Jean Pastureau et
*** Elisabeth Mischel.
VERTICALEMENT
1. CUIR CHEVELU. – 2. DECAPI-
TER. – 3. IH. MILITA. – 4. SEAU.
ALIGNA. – 5. IRRADIA. EON.
– 6. NEM. ATTERRI. – 7. IDEAL.
IRAIS. – 8. EI. COLORIAT.
– 9. RAGOUGNASSE.
Compagnons
Une adolescente en rupture
découvre, grâce aux Compa-
gnons du devoir, le métier de
vitrailliste et d’autres règles
que celles, violentes, de sa cité.
Dans cette ode au travail
manuel, signée François Fa-
vrat, Pio Marmaï, Agnès Jaoui
et la jeune Najaa Bensaid
incarnent avec finesse cette
vieille institution, bâtisseuse
de cathédrales, que sont les
Compagnons du tour de
France. – C. Az.
Les films qu’on peut voir
ou revoir
Visages
de femmes
Primé à Cannes en 1985, ce
film de l’Ivoirien Désiré Ecaré
(1939-2009) fit sensation pour
une scène centrale d’amour
dans l’eau, de toute beauté et
d’une éclatante sensualité,
entre un fils prodigue et une
jeune villageoise décidée…
Construit pour le reste de
façon baroque, entre longues
scènes de danse et saynètes il-
lustratives, c’est un film fémi-
niste qui attaque l’institution
du couple, moque les maris et
appelle à la libération des
femmes, de corps comme d’es-
prit. Il reste d’une étonnante
fraîcheur. – D. F.
Les films qu’on peut voir
à la rigueur
Zaï zaï
zaï zaï
Cette adaptation affadit,
hélas, l’album de BD de Fab-
sur l’histoire d’un mec qui,
faute de produire sa carte de
fidélité au supermarché, se re-
trouve pris dans un engrenage
kafkaïen. La paranoïa et les
paradoxes de l’époque sont
gentiment croqués par Fran-
çois Desagnat, et délayés dans
une comédie grand public.
« L’absurde le plus échevelé
permet d’aller au fond des
choses », dixit Fabcaro. Or,
dans le genre, « Oranges
sanguines », de Jean-Chris-
tophe Meurisse, va bien plus
loin. – D. F.
Selon
la police
Un vieux flic brûle sa carte
de police, ses collègues se croi-
sent à sa recherche… Tisser
les trajectoires de six person-
nages sur une journée de-
mande un talent virtuose,
et Frédéric Videau se prend
les pieds dans les fils du récit,
à force de vouloir évoquer tous
les aspects du métier de
policier. Situations invraisem-
blables, dialogues caricatu-
raux, personnages impro -
bables…
Le film donne au moins le
plaisir de revoir le défunt
Jean-François Stévenin. – D. F.
Monsieur Eric
par Arnaud Ardoin
E 25 AVRIL 1969, un
L petit homme emmitouflé
dans un manteau de vison
entre dans l’église de la Ma-
deleine. La femme à son bras
est excessivement fardée, et
son parfum incommode l’as-
sistance. Quand le curé lui
fait signe, le petit homme
prend dans ses bras le bébé
dont c’est le baptême. La bap-
tisée, c’est la petite Marine
Le Pen, le curé est l’ancien
aumônier pénitentiaire de
Fresnes et le parrain n’est
autre qu’Henri Botey, dit
« Monsieur Eric », le roi des
bordels de Pigalle.
Dans le Pigalle d’après-
guerre, où Botey construit
son empire, les loustics s’ap-
pellent Gilou la Balafre, le
Basané, le Gitan, le Tatoué.
Là, tout s’achète, tout se
vend, il y a du cash, des mon-
tagnes de cash. Du cash pour
les policiers, les taxis, les fonc-
tionnaires de la Préfecture,
des fois qu’ils deviendraient
ombrageux. Monsieur Eric
connaît du monde. Il y a là
un gars qui revient de l’Indo,
rudement à l’aise au milieu
des putes et des voyous, le
futur Alain Delon. Un certain
Jean-Marie Le Pen est aussi
de ses amis. Ils sont tous deux
pupilles de la nation, ils ont
les mêmes convictions. La
nuit, l’ancien para, qui a le
Pays de l’enfance
par Thierry Paquot
« JE MARCHE dans Paris et
ne croise aucun enfant seul ou
en petit groupe. Où sont-ils ? »
Philosophe spécialisé dans l’ur-
banisation, ce spécialiste d’Ivan
Illich mêle avec bonheur sou-
venirs personnels et références
littéraires et sociologiques. Il
se souvient que, dans les an-
nées 70, fleurissaient les « ter-
rains d’aventure » et autres
« plaines de jeux », « lieux clos
qui protégeaient les construc-
tions des enfants ». Rien à voir
avec nos actuelles « aires de
jeux », « d’une navrante pau-
vreté esthétique ».
Au nom de la sécurité, la rue
est aujourd’hui interdite aux
mômes. Or « l’enfant veut jouer,
mais jouer parmi les adultes
(…). Si les habitants sortent des
chaises devant eux pour bavar-
der, si des chalands passent ré-
gulièrement, la rue est animée ;
et, animée, elle chasse les vo-
leurs et autres “types douteux” ».
Quand ils sont de sortie, voici
les petits transportés dans des
poussettes hyper-technolo-
giques, « tanks aseptisés avec
triple coussin amortisseur ».
Pour illustrer sa philosophie,
coup de poing facile, vient se
perdre ici, entre ivresse, ba-
garres et étreintes éphé-
mères. La nuit, il y a aussi
Jean-Louis Tixier-Vignan-
cour, avocat de Céline, des gé-
néraux putschistes de l’OAS
et de tous les proxénètes de
la place. Le Pen vivote en
éditant des disques de chants
militaires du IIIe Reich. Bo-
tey, à la tête de ses huit hôtels
et cabarets, ne sait plus quoi
faire de son argent. Il finance
Le Pen et son parti naissant.
Ils sont inséparables.
Mais l’arrivée de Giscard
au pouvoir signe la fin de ce
monde. La mondaine, où tous
les flics ou presque en cro-
quaient, est dissoute. Botey
avait toujours réussi à étouf-
fer les affaires, mais, là, ça
bloque : case prison, ruine et,
finalement, oubli. Au même
moment, Le Pen, lui, change
d’univers en mettant la main
sur la moitié de l’héritage des
ciments Lambert. Maison à
Montretout, garden-partys,
soirées mondaines. Plus ja-
mais un coup de fil à Botey.
« Le Pen a toujours été pru-
dent », écrit ironiquement Ar-
naud Ardoin, qui a recueilli
les témoignages des derniers
survivants de cette étonnante
histoire et a réussi un livre
singulier d’où tout ennui est
banni.
Anne-Sophie Mercier
. Robert Laffont, 310 p., 20 €.
Thierry Paquot, qui aime cul-
tiver l’utopie, propose de lancer
au petit citadin cette belle in-
jonction : « Quand tu auras
assez joué, tu iras étudier. » Il
nous persuade que planter des
arbres en ville ne suffit pas :
encore faudrait-il éviter que
les gosses se plantent… devant
leurs écrans. F. P.
. Terre urbaine, 250 p., 20 €.
PRIX RECORD DES CARBURANTS : ON RISQUE DE VOIR ARRIVER
SUR NOS ROUTES DE NOUVEAUX VÉHICULES 100 % ÉCOLOGIQUES
Ch’tis soldats
du Christ
Les Enfants
martyrs
de Riaumont
par Ixchel Delaporte
L’ÉPOQUE des fêtes de
«A Noël, nous avions des
cadeaux mais on nous les lais-
sait qu’une semaine et, après,
le père Revet nous les repre-
nait. » Ainsi éduquaient, dans
les années 60, près de Liévin
(Pas-de-Calais), sur une colline
boisée surplombant les corons
et les cimetières militaires, un
père Fouettard en soutane et
ses acolytes.
Tondus dès leur arrivée, les
gosses étaient attifés été
comme hiver de culottes
courtes en cuir. Les coups de
ceinturon pleuvaient sur les
distraits et les récalcitrants.
Charrier des sacs de ciment et
des pierres pour agrandir le
domaine faisait partie des cor-
vées ordinaires. Surtout, des
pensionnaires ont été tripotés,
voire carrément violés, par le
directeur et quelques autres
de ses adjoints tordus. Dans
l’indifférence générale ! La
mairie (PS) de Liévin et le
conseil général du Pas-de-
Calais ont protégé et subven-
tionné avec constance cette
galère intégriste arrimée au
bassin minier.
Et les braves gens du coin ?
Les petits soldats au crâne
rasé, scolarisés dans les
classes publiques de la ville,
n’étaient pour eux que des
délinquants. Seuls une direc-
trice d’école et quelques-uns
de ses collègues les ont pris en
pitié (« On leur donnait un
pantalon qu’on devait enlever
chaque soir pour éviter qu’ils
se fassent gronder »). Enfin,
en 1980, 13 magistrats du
Nord-Pas-de-Calais sonnent
l’alarme. Auparavant, des
inspecteurs des services so-
ciaux ont visité le bureau du
père Revet, décoré d’armes de
guerre et de trophées mili-
taires, sans y voir malice.
Il fallut attendre 1982 pour
que le « Village de Riaumont »
perde définitivement son
agrément.
Dans cette enquête d’Ixchel
Delaporte, quelques anciens
disent garder un bon souvenir
de cette éducation paramili-
taire. Mais adieu rites guer-
riers et esprit de croisade : en
2019, Riaumont est fermé par
décision administrative.
Aujourd’hui, l’un des candi-
dats d’extrême droite à l’Ely-
sée a baptisé son parti « Re-
conquête ! ».
Frédéric Pagès
. Rouergue, 384 p., 22 €.

6 – « Le Canard enchaîné » – mercredi 23 février 2022


. ÇA GRINCE dans le groupe de
presse LVMH. Chaque fois que
le locataire de l’Elysée engrange
un soutien pour la présiden-
tielle, « Le Parisien » dégaine
une couverture ! Ce dimanche
(20/2), le quotidien a fait sa une
sur le ralliement colossal de
l’ex-ministre PS Marisol Tou-
raine au futur candidat Macron.
Dix jours plus tôt, « Le Parisien »
(10/2), toujours, avait fait de
même avec le cri du cœur de
l’ex-ministre LR Eric Woerth :
« J’ai décidé de soutenir Ma-
cron. » Une couverture qui fai-
sait écho à celle… du journal
« Les Echos », autre publication
du groupe, le même jour et sur
le même Woerth. Dans le jour-
nal économique, ce doublé a été
diversement apprécié. Il a
même été le sujet d’une réunion
animée, d’aucuns jugeant que
ces couvertures officialisaient
surtout le ralliement de Bernard
Arnault à Macron.
Alors que pas du tout !
. LES JO de Pékin sont rembal-
lés : la fête est finie à la rédac-
tion numérique des sports de
France Télés, et les félicitations
oubliées. Les petites mains qui
alimentent, sept jours sur sept,
les sites Franceinfo sport et Fran-
cetv sport viennent encore de
dénoncer le recours abusif aux
statuts précaires en tout genre
et l’absence d’embauches. Sur
le planning de la semaine der-
nière, que « Le Canard » a pu
consulter, seuls deux reporteurs,
les rédacteurs en chef et les
chefs de service sont en CDI,
quand l’immense majorité des
journalistes est en CDD, en
contrat d’alternance, voire en
stage ! Et ce, pour certains, de-
puis des lustres. Lors d’un co-
mité d’entreprise, en novembre
dernier, Pascal Golomer, le pa-
tron des sports du groupe, avait
défendu le « recours à un cer-
tain volume de non-perma-
nents » (sic) mais promis de « re-
garder dans les mois qui
viennent les marges de ma-
nœuvre par rapport au budget
pour aller vers une permanen-
tisation » (re-sic).
Pour l’instant, c’est plutôt la
mentisation.
. À PEINE le « Fig Mag » (18/2)
fustigeait-il les « nouveaux in-
tolérants » que « Marianne »,
l’hebdo dirigé par Natacha Po-
lony, sortait le même dossier
sur son site Internet (20/2), ali-
gnant Edwy Plenel, Aymeric
Caron, BHL, etc. Mais avec ce
titre : « Notre top 10 des pires
donneurs de leçons ».
Le 11e, c’est « Marianne » ?
T 01.42.60.31.36
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FAUT-IL REVOIR LE PERMIS DE CHASSE ?
22, les v’là !
E
MILE GABORIAU a été
le premier écrivain à
mettre en scène un ma-
landrin, un crime et un enquê-
teur. A oser le roman policier.
En 1865, l’auteur français
donne naissance au person-
nage de Monsieur Lecoq, un
inspecteur de la Sûreté. Et lui
confie sa première enquête :
l’assassinat d’une veuve à
Bougival. Lecoq étudie la
scène de crime et relève des
indices en se demandant qui,
pourquoi et comment. Avant
de publier ce que l’on appelait
alors un « roman judiciaire »,
c’est en feuilleton, dans
« Le Petit Journal », que Ga-
boriau va raconter les aven-
tures de son fin limier. Le pari
est risqué. Sous le second Em-
pire, la police a une image dé-
testable. Les « cognes », comme
on les appelle dans les fau-
bourgs, frappent pour un rien,
montent des affaires pour
mieux les résoudre, provo-
quent de faux désordres pour
mieux les réprimer. Pour
beaucoup de citoyens, flics et
voyous se confondent.
Force tranquille
Mais, au fait, comment a
évolué la figure du policier, en
littérature, au cinéma ou dans
la chanson française, et quelles
relations ont eues les artistes
avec l’image du flic ? Monsieur
Lecoq inspirera Conan Doyle
pour son Sherlock Holmes.
Puis les Mémoires d’Eugène-
François Vidocq, l’ancien ba-
gnard évadé devenu un policier
aux méthodes expéditives, don-
neront naissance au Valjean
de Hugo et au Vautrin de Bal-
zac. Autant de personnages
louches qui confortent la popu-
lation française dans l’idée que
sous chaque képi sommeille un
mauvais garçon.
C’est pour cela qu’à la Belle
Epoque, protégés par la loi de
1848 sur la liberté de la presse,
les journaux satiriques pren-
dront plaisir à rosser les ma-
Montrer
son Cul-R Code ?
Dans « Ouest France »
(16/2) :
« Reprise des activités pour
le club de l’amitié (…). Le port
du masque, le passe vaginal
sont obligatoires pour les
deux animations, et la salle
sera ventilée. »
Pour le passe vaccinal, un
peu de doigté, s’il vous plaît !
Larvé à l’œil
Dans « La Dordogne libre »
(4/2) :
« Un habitant de Coulou-
nieix-Chamiers [invite] les pro-
priétaires de pins à ressortir
au plus vite leurs pièges à che-
nilles concessionnaires. »
A ces chenilles procession-
DÉPARTS QUI SÉDUISENT ?
LU : « Traîtres même pas hé-
roïques ! » Après un Collard qui parle
de grue, un Bay visant Zemmour a
quitté Le Pen, jugée trop bonasse et
sachant mal communiquer avec son
camp. Ménard ne pense qu’à Béziers,
au fond, et un député, Chenu, se
montre hésitant dans trop de cas :
« Marine est manipulée par Poutine ! »
.
LECTEURS : « Manu ménage son
grognon. » – « Badaud agité : son passe
est fouillé ! » – « La maîtresse est im-
peccable. » – « Zemmour fou de gâchette
a de grosses liasses. » – « La Balkany
a évité une peine de justice. » – « Quel
tout, ces drames ! » – « Que de côtes
souillées ! » – « Une flûte pétrie. » – « Tu
traques Omicron ? »
.
LU : « Piqué pendant sa période de
Renault, ce Ghosn prête le flanc à des
jeunes critiques. » – « Ayant vu des
grands kinés en soignant les popula-
tions, cette folle de tripes prête à se
faire kiné ne tente aucun masseur. » –
« Ces maçons polisseurs sots sans
truelles laissent tomber leurs briques
en passant. »
traqueurs de prostituées et de
mouvements sociaux.
Bien plus tard, en 1931, un
certain Jules Maigret naît
dans les volutes de tabac de
Georges Simenon, jeune écri-
vain belge de 28 ans. Cette fois,
plus question de matraque ou
de coups de Bottin, mais
d’épaisseur, et de silence. C’est
la police confortable, lourd par-
dessus, chapeau mou et pipe,
qui observe et comprend. Pas
un mot plus haut que l’autre.
La force tranquille. Tout de
suite, le cinéma s’empare de ce
héros et en fait un élément du
patrimoine français.
En 1932, Jean Renoir tourne
« La Nuit du carrefour ». Pierre
Renoir, son frère, joue le com-
missaire. Bien d’autres mor-
dilleront la pipe, Jean Richard,
Bruno Cremer, mais Gabin les
écrasera tous. Après avoir été
le mauvais garçon de « Pépé le
Moko », il s’est offert son plus
beau rôle de flic, sous la direc-
tion de Jean Delannoy.
Et puis, les années 70 ont
faim de vitesse. Au placard, le
père tranquille. Le policier
s’arme. Devient gouailleur, re-
muant. Bébel et Delon mar-
chent sur les toits, dérapent en
voiture, ouvrent le feu comme
ils respirent. On frôle le super-
héros. Avant que Bertrand Ta-
vernier et son « L.627 » (1992)
remettent le flic à sa place,
dans des préfabriqués sinistres,
sans moyens, dépassé par les
tâches.
En 1951, Juliette Gréco est
interdite d’antenne nationale
avec « A la belle étoile », un
texte de Jacques Prévert qui
condamne la violence des
agents de police. Mais, en 1968,
c’est sans entrave que Domi-
nique Grange pourra chanter
« A bas l’Etat policier » ! Avant
que certains rappeurs appel-
lent élégamment à « niquer la
police ».
Sorj Chalandon
. « 50 Nuances de flics », de Ju-
liette Guérin et Valentin Mollette,
dans « Le Doc stupéfiant », le 25/2
à 21 heures, sur France 5.
naires, personne ne dit :
« Merci d’être velues ! »
Guerre d’égaux
Sur « 20minutes.fr » (14/2) :
« Le meeting à Nantes de
Valérie Pécresse a été qualifié
de naufrage par certains de
ses paires. »
Qu’auraient pensé ses pairs
si la candidate LR avait orga-
nisé un balloche ?
Comme
son nom l’indique
Vu dans « L’Est républi-
cain » (14/2) :
« Le Football Club de Mou-
chard/Arc-et-Senans reprend
son loto annuel (…). Rensei-
gnements : Martine Tirelire. »
Aperçu dans « Le Monde »
(18/2), cette critique littéraire :
« “Relief de la mémoire.
Théorie des trous de mémoire”,
de Gilles Hanus. »
Relevé dans « La Vienne,
le magazine » (février) :
« Si nous vivons de plus en
plus longtemps, le temps de la
vieillesse s’est naturellement
lui aussi allongé. »
Un raisonnement furieuse-
ment ehpadant !
Pan sur le bec !
« Le Canard » (16/2) a man-
qué de mesure à propos de
l’épreuve du Super Bowl. Ce
jour-là, les fans de foot améri-
cain n’avalent pas des millions
de « tonnes » de nourriture
mais seulement des millions
de « livres » – pounds, en an-
glais, un pound équivalant à
0,453 kg. Soit 2 000 fois moins.
Ce qui est plus raisonnable
pour le bowl alimentaire.
Com’ si c’était fait…
La présidente de la BCE nommée Première ministre après la présidentielle ?
C’est ce que Sarko et Macron se plaisent à laisser croire.
C
’EST UNE JOLIE pe-
tite opération de com’
rondement menée, qui
prouve bien qu’à l’Elysée on
a du métier. Résumé : lors
d’un récent déjeuner avec
Macron, Sarko lui glisse une
riche idée. Dis donc, pourquoi
ne pas nommer Christine La-
garde à Matignon, une fois ta
réélection acquise ? Une
femme qui a de l’allure, une
carrière internationale, ça au-
rait de la gueule. Macron se
montre intéressé. Les deux
compères y voient leur inté-
rêt. Vrai ou pas, peu importe,
l’important, c’est qu’on en
cause. Sarko, qui fait fuiter
l’échange, montre ainsi son
pouvoir de nuisance à son
camp. C’est qui, le boss, hum ?
Si tu ne viens pas me baiser
la babouche toutes les se-
maines rue de Miromesnil, tu
vas rater ta vie. Quant à Ma-
cron, la rumeur lui permet de
fragiliser davantage LR, ce
qui est sa stratégie essentielle
de premier tour. Pécresse,
une femme de droite, sérieuse
et compétente pour diriger la
boutique ? Bougez pas, j’ai
mieux à la maison.
Aussitôt dit, aussitôt fait.
On apprend que la présidente
de la Banque centrale euro-
péenne (BCE) a été élevée, le
9 février, au rang de comman-
deur de l’ordre national du
Mérite par le Président. La
breloque a été décernée au
titre de sa « contribution à la
LE CRÉDIT SUISSE DANS LA TOURMENTE DES “SUISSE SECRETS”
I Sentinelles
L Y A leurs mains aupa-
ravant plongées dans la
farine qui virevoltent
dans l’air, et l’on entend le
piano jouer, et l’on voit des
nuages blancs naître sous
leurs doigts. Il y a ces fu-
rieuses controverses qui les
agitent, et les voilà qui en
viennent aux mains à cause
de Mozart, fous de colère et
de passion parce que l’un
d’eux ose se moquer affreuse-
ment de Mozart, comment ne
pas l’adorer, comment un mu-
sicien peut-il dire pareilles
horreurs sur ce dieu de la mu-
sique ?… avant de tomber
dans les bras l’un de l’autre,
amis de cœur nous sommes,
amis nous resterons, malgré
Mozart et à cause de Mozart,
Pépito Matéo
(Le français qui s’cause)
D EUX CENT CINQUANTE
millions de francophones
ont beau s’exprimer, apparem-
ment, dans la même langue,
ce comédien et conteur volubile
précise que ces parlers diffè-
rent. Ne serait-ce que d’une
province à l’autre. Ainsi, d’une
giboulée, dans sa Champagne
natale, on dit : « Il pleut à bou-
teille », quand en Bourgogne
on dira : « Il tombe des curés à
cheval sur des nonnes. » Au-
delà des subtilités, des
chausse-trapes et autres am-
biguïtés tordues de notre
Christine Lagarde
valorisation de l’image de la
France par-delà les fron-
tières ». L’histoire intéresse
d’autant plus que la cérémo-
nie n’était pas inscrite à
l’agenda présidentiel. Inter-
rogés par « Le Figaro », l’Ely-
sée et Lagarde refusent de ré-
pondre. Un tel silence ne
prouve-t-il pas que l’affaire
est capitale, de la plus haute
importance, même ? La date
choisie agite les gazettes. La
décoration a été attribuée en
mai 2021, et voilà que Macron
décide, comme par hasard, de
la remettre à l’intéressée en
pleine campagne présiden-
tielle. Et si c’était elle ? Pour
entretenir la rumeur tout en
faisant semblant de la faire
taire, Christine Lagarde s’ex-
prime, tout en modestie : « Il
y a tellement de gens plus
compétents pour le job. » Mais
oui, évidemment.
Rumeur
un autre jour
A l’Elysée, on est conscient
de l’effet potentiellement ré-
pulsif sur la gauche. « Il y a
un risque de fuite de ce côté-
là, explique un communicant
travaillant pour la prési-
dence. On planche sur des me-
sures sociales pour compenser
les conséquences négatives de
cette hypothèse : le blocage de
certains prix pour le maintien
(Le clavier intempéré)
de la musique, des grands
maîtres, de l’art, au fond.
Car ces trois-là ont entière-
ment voué leur vie aux
touches d’ivoire, ils sont à
l’aube de leur vie et de leur
carrière de pianiste, tout
jeunes hommes encore que lie
une fervente amitié, mais très
vite la singularité de l’un
d’eux apparaît, c’est un pur
génie, il est déjà bien au-delà
Q UEL DÉLICE d’être
un oiseau sur une
scène de théâtre !
Voyez Gus, le corbeau pie, un
vrai corbeau au plumage noir
et au ventre blanc. Il suffit
qu’il surgisse et on n’entend
plus un bruit dans la salle,
plus un raclement de gorge,
plus une toux. Il se dandine,
sautille, on sourit sous son
masque. Il regarde d’un air
perplexe un grand dégingandé
recouvert de poussière qui
vient de débouler sur scène en
traversant un mur, on rigole.
Il lui pique ses fiches, les dé-
chire en mille morceaux,
s’acharne sur l’une d’elles. Et
langue, ce spectacle s’inspire
de ceux qui viennent à l’ap-
prendre dans des circonstances
difficiles : demandeurs d’asile,
immigrés en atelier d’alphabé-
tisation, symbolisés sur scène
par des chaises vides.
Avec cette « Leçon de fran-
çais » exempte de tout didac-
tisme, Pépito Matéo confirme
sa réputation d’inégalable
agité du vocable.
A. A.
. Au Théâtre de Belleville, à
Paris, jusqu’au 28/2.
du pouvoir d’achat et une aide
en faveur des jeunes, pour leur
mettre le pied à l’étrier. » Du
social, il en faudrait, en effet,
pour faire oublier que Chris-
tine Lagarde n’est que modé-
rément intéressée par la fré-
quentation d’une race de gens
qu’on appelle électeurs. Elle
a plutôt évolué dans les
boards, les conseils d’admi-
nistration et autres « comités
stratégiques », raffolant du
titre de présidente, chou-
choute des réunions du type
forum de Davos, adulée par
la presse financière, qui lui a
décerné tous les prix imagi-
nables. Elle n’en a jamais
loupé un seul. Elle a passé la
moitié de sa vie en l’air, entre
New York et Singapour, elle
voyage toujours en première.
En 2008, elle se montrait
moins à l’aise quand elle fai-
sait campagne dans le XIIe ar-
rondissement de Paris. Lors
d’une distribution de tracts,
plutôt que de frayer avec les
badauds, elle était entrée
dans son QG et les saluait de
la fenêtre du premier étage
en agitant sa jolie main gan-
tée, façon Elisabeth II. L’édi-
teur de son journal électoral
des deux autres, dans son
monde, et se déploie dans l’in-
croyable liberté de celui qui
réinvente le souffle, le rythme,
le doigté, le piano, la musique
enfin.
On aura reconnu Glenn
Gould, qui a inspiré à l’écri-
vain Thomas Bernhard un
texte, « Le Naufragé », lequel
a hanté Jean-François Siva-
dier au point qu’il a écrit et
Là
tout le monde s’esclaffe. On le
verra plus tard se percher sur
la tête de la dulcinée du passe-
muraille, elle aussi recouverte
de poussière.
La compagnie franco-cata-
lane Baro d’Evel a l’habitude
de travailler avec des animaux
et de mêler joyeusement
théâtre, cirque, danse et mu-
sique. Ici, avec un oiseau, Blaï
Mateu Trias et Camille De-
courtye nous racontent l’his-
toire d’un couple. Lui peine à
s’exprimer, cherche ses mots,
comme empêché. Elle émet
une suite d’onomatopées,
passe du cri animal à l’or-
gasme, mais aussi chante du
MOSCOU : FIN DE LA TRÊVE OLYMPIQUE
« Le Canard enchaîné » – mercredi 23 février 2022 – 7
A
avait dû faire un photomon-
tage pour la montrer dans le
quartier…
Côté gaffe, elle est très ma-
cronienne. En 2005, deux
jours après sa nomination
comme ministre du Com-
merce extérieur, la voilà qui
estime que le Code du tra-
vail est « compliqué » et
« lourd ». Pas comme aux
States, où l’on quitte le
bureau dans l’heure avec
ses affaires dans une pe-
tite boîte en carton. Lors de
la crise des subprimes, qu’elle
a constamment sous-estimée,
elle conseille aux Grecs dans
la tourmente de « s’aider mu-
tuellement en payant des im-
pôts ». Elle n’a pas perdu ses
bonnes habitudes : en pleine
crise boursière de 2020 due
aux effets dévastateurs du
coronavirus, elle a laissé
entendre que la BCE n’aide-
rait pas les mauvais élèves du
type Italie ou Grèce, créant
une belle pagaille sur les
marchés.
Aide-toi,
la BCE t’aidera
L’affaire Tapie est derrière
elle, alors même que ses né-
gligences, pour être gentil, ont
été largement mises en lu-
mière. Pourtant, sa nomina-
tion risque fort de rester à
l’état de rumeur. « On voit
mal pourquoi la France re-
noncerait à la présidence de
la BCE, qui est un poste de
pouvoir qu’elle n’est pas près
de récupérer si elle l’aban-
donne », assure un haut fonc-
tionnaire bruxellois. « On n’en
parle jamais, mais Macron ne
peut pas prendre le risque de
nommer Lagarde en raison
du parcours de son mari,
l’homme d’affaires Xavier
Giocanti, très lié à la mairie
de Marseille », susurre un an-
cien ministre LR médisant.
Un petit tour et puis s’en
va. La rumeur aura permis
à Christine de faire une
chouette virée à Paris. Il pa-
raît qu’elle s’ennuie sec à
Francfort.
Anne-Sophie Mercier
mis en scène cette pièce dia-
blement rythmée, en partie
dansée, enthousiasmante et
enthousiasmée, bavarde énor-
mément mais c’en est un bon-
heur, longue de 2 h 15 mais
on en redemande, tout entière
obsédée par l’art et la manière
de le servir : doit-il être tendu
vers la beauté, la politique,
ou les profondeurs du soi ?
Vincent Guédon est génial
dans le rôle du génial Glenn
Gould, Julien Romelard et
Samy Zerrouki éblouissent.
Jean-Luc Porquet
. A la MC93 de Seine-Saint-
Denis, à Bobigny.
Purcell. Il chute, elle le relève.
Il la porte, elle danse, se
contorsionne. Ils sont suspen-
dus à un mur, tous deux in-
ventent des stratagèmes bus-
ter-keatoniens pour descendre.
C’est léger, ludique, plein de
poésie, d’humour absurde, et
d’inattendu. Tel le décor : juste
des parois blanches. Un micro,
utilisé comme un pinceau, des-
sine des lignes, des pointillés,
des arbres. Une sorte de forêt
géante apparaît petit à petit.
On croa rêver !
M. P.
. Aux Bouffes du Nord, à Paris,
jusqu’au 5/3. Puis en tournée.

Pour éviter que les
chars russes aillent
jusqu’à Kiev
N’est-il pas déjà…
Directeur : Nicolas BRIMO.
L E JOUR où Bruno
Le Maire a annoncé que
l’Etat allait participer à hau-
teur de 2,1 milliards à la
prochaine augmentation de
capital d’EDF, le patron de
l’entreprise publique, Jean-
Bernard Lévy, a mis les pieds
dans le plat. « Nous n’avons
pas les moyens, a-t-il déclaré
au “Figaro” (19/2), de
construire seuls de nouveaux
réacteurs. » Pour la pre-
mière tranche prévue de six
EPR, il en coûtera 51,7 mil-
liards d’euros. Et le pédégé
d’EDF d’ajouter : « Si des
investisseurs privés sont in-
téressés par le fait d’investir
dans les futurs réacteurs,
nous étudierons leurs de-
mandes. »
Résultat : la CGT hurle au
danger de « démantèlement
du groupe public » (« L’Hu-
manité »). Et le gouverne-
ment tarde à démentir
catégoriquement.
Il y a de la fission dans
l’air !
BAY PROUVE QUE L’EMPLOI
VA MIEUX EN FRANCE
L E MINISTÈRE de la
Fonction publique a pu-
blié récemment les statis-
tiques de la participation aux
concours ouverts par l’Etat
pour recruter du personnel.
Conclusion du « Parisien »
(16/2), qui a épluché ces
chiffres : « La fonction pu-
blique ne fait plus rêver. » Il
y avait 642 000 candidats
pour 38 804 postes à pour-
voir en 1997 ; leur nombre
a dégringolé à près de
quatre fois moins en vingt-
cinq ans, pour 41 000 postes
offerts.
C’est peut-être parce que
le gouvernement croit malin
de s’obstiner à refuser une
augmentation substantielle
des traitements.
. Pour certains, les journées débutent à
L A SEMAINE dernière,
en pleine crise ukrai-
nienne, les diplomates du
monde entier ont repéré un
pèlerin inattendu à Moscou.
« Le Figaro » (16/2) évoque
une « intrigante visite de Jair
Bolsonaro » et n’ose croire
que, privé – et pour cause…
– du « parrainage » de
Trump, le très populiste et
très droitier dirigeant brési-
lien était simplement venu
faire sa cour au tsar de
toutes les Russies.
Il ne lui a quand même pas
demandé d’envoyer les mer-
cenaires de Wagner pour
l’aider à gagner les pro-
chaines élections ?
POUTINE N’EN PEUT PLUS
8 – « Le Canard enchaîné » – mercredi 23 février 2022
Tintin au pays des Tchèques
M ILLE MILLIONS de
mille sabords ! « Le -
Canard », voilà soixante-cinq
ans, a abrité un espion à la
solde des pays de l’Est sur-
nommé « Tintin » : Jean-Raoul
Clémentin, de son vrai nom.
Les palmipèdes d’aujourd’hui
sont tombés de haut, les fesses
dans la vase. Stupéfaction et
incrédulité…
Des radios et des télés se sont
aussitôt passionnées pour cette
histoire antédiluvienne, comme
si elle était d’une brûlante ac-
tualité. La rançon du succès,
sans doute. Avec, en conclu-
sion, cette question qui revient :
« Que va dire “Le Canard”,
mercredi prochain ? »
Eh bien, allons-y ! Le mo-
ment de sidération passé, le Vo-
latile a dû se rendre à l’évi-
dence : même s’il reprend des
erreurs biographiques com-
mises par Wikipédia, l’article
de Vincent Jaubert publié dans
« L’Obs » (17/2) repose sur des
documents sérieux, en tout cas
issus des archives de la StB, le
service d’espionnage de la
Tchécoslovaquie, alors com-
muniste. Archives qui ont été
aimablement transmises par un
historien tchèque.
Résumé à l’intention de ceux
qui ne seraient pas au parfum :
d’après la chronologie établie
par « L’Obs », le premier
contact entre les services en
question et Clémentin date de
1954, en pleine guerre froide,
époque où le renseignement est
un sport très en vogue, surtout
dans les agences de presse du
bloc soviétique. « Tintin » re-
vient alors d’Indochine, où il a
été le correspondant de l’agence
US Associated Press, et il
travaille pour l’ancien « Libé-
ration », proche du PC. Ses
relations avec la StB « s’appro-
fondissent » quand il est em-
bauché par « Le Canard ». Tin-
tin devient alors pour les
Tchèques « Pipa » (« robinet »,
Recherche magistrats
désespérément
I L MANQUE, dans les tribunaux ju-
diciaires de France, au moins
1 500 magistrats et 4 000 greffiers et
fonctionnaires. Ces chiffres (qui ne
prennent pas en compte certaines juri-
dictions spécifiques, comme Paris) pro-
viennent d’un outil statistique mis en
place par les présidents desdits tribu-
naux, fondé sur l’activité quotidienne
de la justice en 2021. « Nous avons
voulu établir combien il faudrait au-
jourd’hui de magistrats pour absor-
ber les flux », a précisé Benjamin De-
paris, le président de la Conférence des
présidents (sic), à la tête du tribunal
d’Evry (« Le Figaro », 16/2).
A Tulle, comme dans d’autres tribu-
naux, les magistrats de base « croulent
sous le boulot » (France Bleu, 13/2).
Candidate de
papier calque
P OUR ÊTRE dans les petits
papiers des Français,
Valérie Pécresse distingue les
« Français de papiers », ces
Français naturalisés qui seraient
moins français que ceux de
souche… « Je veux faire des
Français de cœur, et pas seu-
lement des Français de pa-
piers », a-t-elle dit à son Zénith.
Depuis, elle baisse. Elle est
comme ça, la candidate LR :
elle croit que la France se ré-
sume au petit Nice d’Eric Ciotti
ajouté à Versailles rive droite.
Pour rassembler derrière son
nom, elle divise, elle fragmente,
elle sépare. Une tactique qui se
discute, puisque la voilà désor-
mais derrière Zemmour et
Le Pen dans les sondages.
Quand on est à la remorque de
l’extrême droite, on prend le
risque de terminer derrière
elle… A trop jouer les papiers
buvards – le « grand rempla-
cement » emprunté aux com-
plotistes islamophobes, les
« Français de papiers » aux
antisémites maurrassiens –,
Valérie Pécresse perd son iden-
tité et devient un tigre de papier,
un comble ! J.-M. Th.
A
… trop tsar ?
La liberté de la presse ne s’use que quand on ne s’en sert pas. Rédacteurs en chef : Erik EMPTAZ, Jean-François JULLIARD.
en français), son nom de code
à la StB. Leur collaboration
cesse en 1969, au lendemain de
gique (anticapitalisme, anti-
colonialisme), est devenue in-
téressée. Les bordereaux
UN ESPION AU “CANARD” IL Y A SOIXANTE-CINQ ANS ?
LA RÉACTION DU JOURNAL
l’invasion de Prague par les tchèques indiquent qu’il aurait
chars du pacte de Varsovie, touché, pour prix de sa col-
alors que « Le Canard » dé- laboration, l’équivalent de
nonce l’intervention russe. Et 40 000 euros actuels. Pour l’ai-
au moment, précisément, où der à payer une maison à Meu-
Clémentin devient corédacteur
en chef du journal et y déve-
don et à s’acheter une 2CV,
notent les services. Pas tout à L E COVID et les traite-
ments pour le combattre
n’y sont pour rien, mais,
loppe – eh oui ! – l’investiga- fait les garçonnières de James
tion. Il prendra sa retraite en Bond et son Aston Martin. selon « Le Monde » (20/2),
« les cours d’eau [sont]
1989, après s’être consacré pen- Les services tchèques se van- contaminés aux médica-
dant treize ans à la seule cri- tent, par exemple, d’avoir fait ments ». Dans une étude réa-
tique littéraire. publier par Tintin-Pipa, en oc- lisée dans 250 rivières de
tobre 1963 dans « Le Canard », 106 pays, des scientifiques
un article fabriqué par eux : un ont recherché les traces de
Bons baisers faux « testament politique » de 61 substances pharmaceu-
de Prague Konrad Adenauer, qui était tiques. Et ils n’ont pas été
censé accroître les divisions au déçus. Au point de dresser,
Toujours selon les docu- sein de la CDU. L’article, du des anciens de la DST de régler guerre froide redevient d’ac- dit le journal, « un bilan alar-
ments tchèques, qui, comme genre pesant, a fait « pschitt », mant pour toutes les régions
de vieux comptes avec « Le Ca- tualité, Clémentin a 98 ans, et du monde ».
toutes les archives, surtout relève le compte rendu de la nard ». D’aucuns ont ainsi lour- sa mémoire lui joue de mauvais Bon bain voilà…
quand elles proviennent des ser- StB. Un autre papier « orienté » dement laissé entendre dans tours. Il n’est plus en mesure
vices spéciaux, auraient mérité (et très alambiqué), publié en « L’Obs » que la tentative de de se défendre, et, vu l’ancien- MÉLENCHON SALUÉ
un examen critique, Tintin-Pipa juillet 1964, aurait eu pour pose des micros dans les futurs neté des faits, personne n’est à
est censé avoir rencontré à objectif d’accentuer les tensions PAR JEAN-MARIE LE PEN,
locaux du « Canard », en 1973, même de témoigner.
270 reprises ses correspondants franco-américaines dans la PARRAINÉ PAR LR,
n’était pas étrangère à l’activité Pour sa version de l’histoire, DISTINGUÉ PAR ROYAL
de l’Est, fourni 300 notes, et Corne de l’Afrique. Un peu cor- de Pipa. C’est évidemment du tout le monde, à commencer
trois articles au moins lui au- necul, tout ça ! pipeau intégral, comme on peut par « Le Canard », devra donc
raient été dictés par la StB. Sa La diffusion des archives
le lire dans l’article ci-dessous. faire tintin !
motivation, d’abord idéolo- tchèques a été l’occasion pour Aujourd’hui, même si la Michel Gaillard
Les micros du “Canard”
Souvenirs, souvenirs de 1973…
C ONCLUANT son article sur Jean
Clémentin, « L’Obs », à propos de
l’affaire des micros, publie – sans prendre
cette opération pour tenter de découvrir
nos sources d’information. C’est aussi
« Le Canard » qui, quinze jours après la
pas qu’il s’était agi d’une opération uni-
quement politique. Et il avouait que son
service était « encore malade de cette af-
la moindre distance – cette déclaration de tentative de pose de micros, a identifié les faire des micros ».
Roger Simon, ancien du service de contre- agents de la DST. Et c’est encore « Le Ca- Au printemps 1995, Raymond Marcel-
espionnage (DST) : « Mon chef m’a dit nard » qui a révélé – avant que les « chefs lin, après la réalisation d’un film sur cette
que les forts doutes sur Clémentin avaient plombiers » de la DST lancent la rumeur – histoire, a lui-même demandé à rencontrer
été l’un des prétextes avancés pour poser qu’ils se préparaient à nous accuser d’être ce journaliste du « Canard ». Le producteur
des micros au “Canard”. » Comme si, presque tous des agents de l’étranger. du documentaire, Daniel Peressini, et son
pour surveiller Clémentin, il avait été né- L’hebdomadaire « Valeurs actuelles » s’est réalisateur ont organisé un déjeuner durant
cessaire d’installer des micros à deux fait alors leur porte-parole en publiant plu- lequel Marcellin a reconnu qu’il s’agissait
étages de nos bureaux. Et de louer une sieurs articles du genre : « “Le Canard” d’identifier nos sources et qu’il n’avait,
chambre de bonne dans l’immeuble voisin est un nid d’espions, un repaire d’agents lui, rien décidé mais que le responsable
pour réaliser les enregistrements. de l’Est et l’organe de l’appareil d’espion- avait pour nom Robert Galley, alors mi-
Il convient de se montrer sérieux. C’est nage soviétique ». nistre des Armées.
« Le Canard » qui a révélé que Georges Sept ans plus tard, Marcel Chalet, alors C’était bien « l’appareil d’espionnage »
Pompidou et Raymond Marcellin, ministre
de l’Intérieur, avaient décidé de lancer
patron de la DST, acceptait de recevoir un
journaliste du « Canard » et ne contestait
français, comme la justice a dû se résoudre
à le reconnaître ! Claude Angeli
O N LES AVAIT un peu
oubliés, avec ces bruits
de bottes russes à la fron-
tière ukrainienne : les diri-
geants iraniens continuent
HIDALGO DEMANDE À MACRON
DE “PLONGER DANS LE GRAND BAIN”
La noix de discuter avec les Occi-
dentaux de leurs ambitions
d’honneur nucléaires. Et, nous dit
« Le Journal du dimanche »
A TTRIBUÉE sous les (20/2), le 17 février « les
7 h 30 pour finir « vers minuit » à la
maison, y compris durant les week-
ends et les vacances. « J’évalue ça entre
flashs des photo-
graphes à Arnaud Lagar-
dère, le pédégé du
Etats-Unis ont fait état (…)
de progrès substantiels dans
leurs négociations » menées
70 et 80 heures par semaine (…). Si groupe qui porte, encore, à Vienne pour essayer de
j’ai pris deux week-ends depuis que le même nom. Lors de sauver l’accord de 2015 sur
je suis en poste, c’est le maximum », son audition devant la ce sujet dangereux. La
commission dʼenquête veille, Macron et son gou-
râle le proc, François Fournié. Sans sénatoriale sur la
vernement avaient indiqué
parler des procès tenus jusqu’au début concentration des mé- que l’Iran n’avait plus que
de la nuit… dias en France (17/2), il « quelques jours » pour ac-
Un chantier quasi chimérique… car a assuré : cepter un compromis.
« les capacités de formation de « Le pluralisme res- Ça va sûrement tout
l’Ecole de la magistrature ne sont tera là (après lʼOPA de changer !
pas extensibles à l’infini » (« Le Bolloré sur son groupe), .
je n’ai absolument
Monde », 16/2). Avec 370 auditeurs de
justice au maximum chaque année, il aucun doute, je fais
confiance à des amis
B ONNE NOUVELLE
pour les automobilistes
parisiens et autres franci-
faudrait plus d’un quinquennat pour
de trente ans. » liens, qui sont de plus en plus
combler le manque actuel. Faire confiance à Bol- satisfaits, comme chacun le
Des propositions, les candidats à la loré, même lʼintéressé sait, de la politique de la Mai-
présidentielle ? risque de rigoler ! rie de Paris en matière de
M. B. circulation : « Les restrictions
de circulation automobile
dans le centre de [la capitale]
sont repoussées à 2024 »,
annoncent « Les Echos »
ENDREDI 18, LCI,
(18/2).
V 23 h 40. Chez « Brunet et
Cie », Jean-Michel Aphatie fait
voleurs”, j’ai des émissions
télé ! » Thréard s’embrase :
« Vous êtes un peu court.
qu’ils se mettent au cochon,
ça passe tout seul. Humm. »
Un deuxième : « Les coucous
lise ou le cercueil”, là ça va
être “la valise et le charter” ! »
Sur le site du « Parisien », il
La célèbre « zone apaisée »
(englobant les quatre pre-
miers arrondissements, plus
des comparaisons : « A partir Dieudonné n’a jamais dit que se sentent mal à l’aise… » Un est précisé que « les commen- une partie des V e, VI e et
du moment où Dieudonné a les Juifs étaient des voleurs ! » troisième : « EZ a raison. taires font l’objet d’une mo- VIIe), qu’il serait interdit de
tenu des propos antisémites, Non, il avait juste dit, par Alerte écarlate. Voter à dération avant diffusion ». traverser en bagnole, est
il a été banni de tous les mé- donc en sursis. La Mairie
exemple : « Le puissant lobby gauche, c’est halaliser le Le modérateur devait déjà prévoit même un aménage-
dias, et, personnellement, je de youpins sionistes est voleur, pays ! » Un quatrième, pour la être dans le charter !
ment de sa grande idée. Mais
trouve ça bien. A partir du raciste et menteur » (4/7/09). route : « En 62, c’était “la va- C. N. « Le Parisien » (18/2) af-
moment où Eric Zemmour a Ou encore : « Les gros escrocs
firme que, « à peine an-
été condamné pour des pro- de la planète sont tous des noncé, le projet [est] déjà
pos racistes contre les Arabes, Juifs » (17/4/10). FABIEN ROUSSEL ACCUSÉ D’EMPLOI FICTIF retoqué par la Préfecture de
on lui a donné des émissions. » Mais ça n’a rien à voir... police ».
C’en est trop pour Yves . La gamelle électorale qui
Thréard, le dirlo adjoint du « Fi- Dimanche 20, site Internet attend Anne Hidalgo n’a,
bien sûr, rien à voir avec ce
garo » : « On ne peut pas com- du « Parisien », 13 h 38. Le fond qui précède.
parer Dieudonné et Zem- de l’air est frais, dans les « com- .
mour, je suis désolé ! Parce mentaires » des lecteurs. Un ar-
que y en a un qui s’en prend
à une race, enfin, ce qu’il dé-
ticle sur un octogénaire agressé
à Coulommiers, et c’est parti !
M AGNIFIQUE remar -
que, sur Franceinfo
(21/2), de Bérangère Abba,
finit comme une race, ce sont Premier commentaire : « Le la secrétaire d’Etat à la
les Juifs, qui sont coupables mieux, c’est de sortir la 22 et Biodiversité, à propos du tir
de par leurs origines, leur de tirer dans le tas. » d’une chasseuse qui a causé
race, alors que, Zemmour, il Deuxième éclairage : « Tout à la mort d’une randonneuse
ne s’en prend pas aux Arabes fait ! » Précision du dernier : de 25 ans : « La première
parce qu’ils sont arabes, il des choses, quand on veut
« En 2022, votez contre les profiter sereinement de la
s’en prend aux Arabes parce sauvages et pour la civilisation nature, c’est de pou voir
qu’il dit : “Ce sont des vo- française ! » connaître les endroits
leurs.” Ça n’a rien à voir ! » Quelques jours plus tôt, un chassés. »
Un ange passe. autre article du « Parisien » sur Et d’apprendre à se jeter
23 h 42. Aphatie se marre : l’ouverture d’une boucherie par terre dès qu’on voit se
« Si je dis : “Les Juifs sont des halal bio en Seine-Saint-Denis promener une balle perdue.
voleurs”, je suis condamné ; avait ravi ses lecteurs. Un pre- Jérôme Canard
je dis : “Les Arabes sont des mier : « S’ils digèrent mal,