formation

L’éducation thérapeutique à l’épreuve de la schizophrénie

Éducation thérapeutique et
schizophrénie : quelles méthodes ?
Isabelle de L’absence ou le peu d’adhésion des patients schizophrènes à leur traitement serait de
BEAUCHAMP l’ordre de 53 % : insuffisance de compréhension de la prescription, iatrogénie, défaut
Diane d’insight expliquent cette mauvaise observance, à l’origine de rechutes et de souffrance
LÉVY-CHAVAGNAT pour le patient. L’éducation thérapeutique revêt une importance particulière car elle
Christian POUPIN constitue un déterminant de l’adhésion du patient schizophrène aux principes
thérapeutiques. Encore faut-il qu’elle repose sur une stratégie adaptée, facilitant la
communication et l’échange des savoirs avec des patients atteints de troubles cognitifs
sévères. L’implication du pharmacien d’officine, si elle est évidemment souhaitable et
profitable au patient, reste de mise en œuvre difficile.
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Therapeutic education and schizophrenia: the methods. The absence or insufficient

adherence of schizophrenic patients to their treatment is around 53%: insufficient
understanding of the prescription, iatrogeny, lack of insight explain this lack of compliance
which leads to relapses and suffering for the patient. Therapeutic education is particularly
important as it constitutes a determining factor in the schizophrenic patient’s compliance to
the principles of the treatment. It must however be based on an adapted strategy, facilitating
communication and the exchange of knowledge with these patients who suffer from serious
cognitive disorders. The involvement of the dispensing pharmacist, while obviously preferable
and beneficial for the patient, remains difficult to put in place.
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L’
éducation thérapeutique du patient (ETP), qui
Mots clés
doit être distinguée de l’“éducation à la santé”,
• Éducation thérapeutique
vise à l’aider à acquérir ou maintenir les compé-
du patient
tences dont il a besoin pour gérer sa vie avec une mala-
• Entretien motivationnel
die chronique. Les spécificités des maladies mentales
• Insight
compliquent la prise en charge autonome du traitement
• Observance
par le patient1, d’autant plus que cette gestion ne consti-
• Remédiation cognitive
tue pas une fin en soi : elle n’est que l’une des modalités
• Schizophrénie
de soutien du patient auquel elle peut offrir une meilleure
• Troubles cognitifs
intelligence du processus thérapeutique à l’œuvre [1].
Le principe éducatif est mis à l’épreuve de la schizo-
Keywords
phrénie [2] : troubles cognitifs, défaut d’habiletés
• Cognitive disorders sociales, difficultés à communiquer expliquent qu’elle
• Cognitive remediation ne puisse reposer sur une approche simplement centrée
• Compliance sur le conseil, sur la remise de documents d’information,
• Insight sur des interventions prophylactiques des comorbidités
• Motivational interview ou autre, comme ce serait le cas avec un patient atteint
• Patient therapeutic d’une affection somatique. Il est donc difficile d’ap-
education pliquer à cette pathologie les étapes de la démarche
• Schizophrenia d’ETP préconisées par l’Agence nationale de sécurité
du médicament et des produits de santé (ANSM) et par
Auteur l’Institut national de prévention et d’éducation pour la
correspondant santé (Inpes), inspirées du modèle de Jean-François
Christian POUPIN D’Ivernois et Rémi Gagnayre (tableau 1) [3] : diagnostic
christian.poupin@ch-poitiers.fr éducatif, définition d’un programme personnalisé,
planification et mise en œuvre des séances d’éducation
collectives et/ou individuelles, évaluation individuelle.
L’éducation doit satisfaire le regard critique de patients
qui, soulignant souvent le défaut d’information sur les
médicaments et la prescription, s’interrogent sur leur
capacité à donner un consentement éclairé. Ils sont
surpris de noter que les posologies ne sont pas systéma-
tiquement révisées en fonction de l’évolution de leur patho-
logie et que la prescription, par sa nature et la iatrogénie
qui y est attachée, les marginalise encore plus [1]. Leur
questionnement porte avant tout sur les médicaments
antipsychotiques en raison de leurs effets secondaires : les
patients reconnaissent modifier eux-mêmes le traitement
face à l’absence de réponse claire du psychiatre à leurs
interrogations. Certains disent être aidés par le pharmacien
pour réduire le fardeau de l’ordonnance : ainsi, le rôle pivot
du pharmacien est reconnu par les patients, comme par
certains infirmiers spécialisés en psychiatrie [1].
Pharmacien : un acteur clé
Le pharmacien est un acteur essentiel dans la prise en
charge de la maladie mentale en général et de la
schizophrénie en particulier. Lorsqu’elle peut avoir lieu,
l’approche éducative reposant sur l’alliance thérapeu-
tique entre le pharmacien et le patient est très profitable.

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14 http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2012.12.024 • Supplément formation au n° 524 • 1er trimestre 2013 •
 formation
L’éducation thérapeutique à l’épreuve de la schizophrénie

À l’hôpital comme en officine d’ETP (hôpital, centre de soins de suite et de réadaptation,

Note
L’ETP implique souvent le pharmacien exerçant dans réseau de santé, médecin, etc.) ; il peut aussi demander à 1
Cette gestion autonome
un établissement spécialisé en santé mentale [4]. L’in- une structure prenant en charge tel de ses clients ou tel étant entendue comme
térêt de sa participation est reconnu depuis longtemps : type de maladie chronique s’il existe un programme d’ETP « le droit et la possibilité pour
toute personne recevant des
dès les années 1970, des modules d’information et de auquel il puisse contribuer et s’impliquer, s’agissant de
médicaments d’être informée
gestion des traitements médicamenteux ont été mis en maladie mentale, dans des ateliers d’éducation au médi- sur les raisons, la pertinence,
place dans certains hôpitaux, incluant même la visite de cament organisés fréquemment dans les centres médico- les effets secondaires et
le mode d’utilisation de la
la pharmacie par les patients et une permanence phar- psychologiques (CMP, encadré 1).
médication prescrite ; d’être
maceutique téléphonique destinée à répondre à leurs avertie des alternatives
questions. La loi Hôpital, patients, santé et territoires Au plus près du médicament possibles à cette médication et
d’être encouragée à les utiliser
(HPST) de 2009 a dynamisé ce processus. Avant, les La prescription de médicaments constitue une réponse
si nécessaire ; de pouvoir
pharmaciens d’officine étaient peu impliqués dans les souvent prioritaire face à la maladie mentale : ainsi, en négocier avec le prescripteur
projets d’ETP. Depuis que cette loi a été étendue à Australie, 11 % des prescriptions concernent directe- le type de médicament, la
dose, la fréquence des prises
toutes les pathologies chroniques et qu’un décret d’ap- ment des patients souffrant d’une telle affection [8].
[…], de décider de diminuer
plication concernant les programmes d’ETP a été pro- Le pharmacien est le professionnel de santé le plus – voire d’arrêter – toute
mulgué [5], ils peuvent trouver leur place aux côtés des accessible, grâce à sa proximité et au fait qu’il est pos- médication totalement ou
partiellement, définitivement
médecins et des autres professionnels de santé [6,7] car sible de le rencontrer sans rendez-vous : il est donc
ou provisoirement, en étant
la pharmacie peut devenir une scène d’apprentissage logique qu’il soit fréquemment consulté pour donner des accompagnée dans ce
de compétences pour les patients/clients. Selon l’Ordre conseils sur les médicaments psychoactifs [8]. Il peut processus par le médecin
prescripteur ou adressée à un
national des pharmaciens, plus d’un millier de pharma- constituer en cela un référent, à même de repérer les
autre professionnel de la santé
ciens seraient partenaires de programmes d’ETP. clients présentant des difficultés liées à une pathologie capable et désireux de faire cet
L’officinal peut être sollicité par le promoteur d’un projet mentale chronique ou passagère, capable de délivrer accompagnement » [1].

Tableau 1. Les quatre étapes de l’éducation du patient, adaptées du modèle

de Jean-François D’Ivernois et Rémi Gagnayre [3].
Diagnostic éducatif Compréhension des besoins et des attentes du patient en essayant de comprendre sa vision de la maladie, son parcours
de santé, ses habiletés, ses projets, son contexte de vie, etc.

Négociation Hiérarchisation des compétences à acquérir en conservant des buts réalistes que le patient est prêt à accepter
des objectifs ou capable d’atteindre.
Ces objectifs thérapeutiques sont liés à des objectifs éducatifs souvent comportementaux ou psychosociaux.
Exemple : faire du sport (= objectif éducatif) pour perdre du poids (= objectif thérapeutique).
Les objectifs doivent inclure une ou des actions, être évaluables, et être soumis à échéance.
Leur formalisation éventuelle constitue un “contrat éducatif”.

Intervention Mise en jeu de techniques variées et complémentaires, adaptées au type de pathologie mais aussi au profil propre
éducative du patient.

Évaluation Réalisée avec rigueur à l’échéance du processus éducatif.

des résultats

Encadré 1. CMP : de quoi parle-t-on ?

En France, plus de 80 % des patients psychiatriques sont suivis
dans des structures extra-hospitalières, les centres médico-
psychologiques (CMP, anciens dispensaires d’hygiène mentale).
Ces unités de coordination et d’accueil en milieu ouvert orga-
nisent des actions de prévention, de diagnostic, de soins ambu-
latoires, d’orientation et d’interventions à domicile. Qu’il soit
isolé, situé dans un lieu offrant d’autres dispositifs médicaux ou
sociaux, ou inclus dans un centre de santé mentale qui peut
comprendre un hôpital de jour ou un centre d’accueil thérapeu-
tique à temps partiel (CATTP), le CMP est le premier interlocuteur
pour la population (patients, familles, proches) et les acteurs
sanitaires et sociaux de la zone géographique concernée dans le
domaine de la psychiatrie. Ceci implique que chaque professionnel
de la santé, notamment le pharmacien, ait connaissance de son
existence.
Le CMP est aussi un lieu de réception des signalements de situa-
tions ressenties comme urgentes, critiques ou dangereuses,
auxquels il répond en s’associant aux personnes concernées
(familles, voisins, centre d’action sociale, maisons de retraites,
commissariat…).
L’équipe pluridisciplinaire du CMP travaille en suivi avec les autres
équipes du secteur psychiatrique. Un CMP peut proposer des
thérapies individuelles, familiales ou de groupe, des entretiens
individuels ou familiaux, des guidances médicamenteuses, des
groupes d’éducation thérapeutique, des suivis avec une assistante
sociale, etc.

Actualités pharmaceutiques
• Supplément formation au n° 524 • 1er trimestre 2013 • 15
formation
L’éducation thérapeutique à l’épreuve de la schizophrénie
un conseil adapté afin qu’ils bénéficient d’une consultation,
voire de prévenir les services sociaux ou le psychiatre
traitant du patient ainsi que cela se fait en Australie.
Les conseils dispensés par le pharmacien peuvent amé-
liorer l’observance à la prescription chez le malade men-
tal [9] et le commentaire de l’ordonnance contribue
souvent à améliorer l’usage du médicament [10]. Encore
faut-il que l’interaction entre le pharmacien et le patient
favorise l’échange : s’agissant d’un patient schizo-
phrène, celle-ci est sûrement plus difficile à étayer.
Motivation, empathie, connaissance
Si le pharmacien rencontre souvent des personnes
atteintes de maladie mentale, il ne leur consacre généra-
lement pas assez de temps. De plus, n’ayant pas la
connaissance de leur parcours thérapeutique que peut
avoir le psychiatre ou l’infirmier spécialisé, il se sent moins
impliqué dans leur prise en charge [8,11]. Cette carence
est parfois ressentie de façon douloureuse par ces
patients particulièrement sensibles : des enquêtes témoi-
gnent d’une certaine insatisfaction dans la qualité et la
quantité des informations qui leur sont délivrées et d’un
réel besoin de conseils ; de plus, le professionnalisme du
pharmacien peut trouver ses limites dans une certaine
stigmatisation et un manque d’empathie [11-13].
Motivation personnelle
Des observations canadiennes révèlent que le pharma-
cien est moins à l’aise avec un patient malade mental
qu’avec un patient atteint d’une pathologie cardio-
vasculaire [11,14] ; de même, les pharmaciens finnois
sont moins enclins à renseigner sur les médicaments
psychotropes que sur huit autres catégories de médica-
ments. L’attitude des professionnels de la santé peut
constituer une barrière à l’amélioration de la qualité des
soins pour les personnes atteintes de maladies mentales.
Cette attitude revêt une telle importance que certains
malades sont réticents à solliciter de l’aide lorsque des
symptômes surgissent [15] : ainsi, aux États-Unis, jusqu’à
deux tiers des personnes atteintes d’une maladie mentale
ne souhaitent pas être traitées par peur de la stigmatisa-
tion [16].
Tableau 2. De l’apathie à l’empathie : le spectre des interactions entre le pharmacien et le patient
schizophrène.
Attitude du pharmacien Vécu par le pharmacien
de l’émotion du patient
Apathie Ignorée
Antipathie Combattue, critiquée
Sympathie Partagée
Empathie Comprise
16
Empathie pour le patient
Des croyances tenaces font tenir comme difficile le dia-
logue avec les patients malades mentaux car ceux-ci
ont des ressentis particuliers et peuvent être sujets à des
réactions imprévisibles qui contribuent à accentuer la
distanciation sociale – définie comme une relative inca-
pacité à s’associer ou à entrer en contact – et la péren-
nisation d’une stigmatisation [17]. Le pharmacien, en
préalable à toute communication avec un patient schi-
zophrène, doit manifester de l’empathie et essayer de
comprendre ce qu’il sait, ce qu’il croit, ce qu’il ressent
de sa maladie (tableau 2). Il doit reconnaître au patient
le droit d’avoir ses pensées et ses émotions, et accepter
son point de vue (sans l’approuver systématiquement).
Les contacts, lorsqu’ils sont positifs et étayés, contri-
buent à diminuer la stigmatisation et à accroître l’empa-
thie car une meilleure connaissance du patient et de sa
maladie va de pair avec une attitude positive à son égard
et avec une amélioration de l’aide apportée [18].
Le regard et les préjugés des pharmaciens seniors et
des étudiants en pharmacie sont globalement analo-
gues [19] : l’enseignement universitaire ne modifie pas
la distance sociale si les éventuels contacts avec la
réalité clinique et la problématique propre au patient
schizophrène n’ont lieu qu’au sein d’institutions. Cette
distance est réduite, en revanche, lorsque le contact se
fait aussi en officine et ce, d’autant plus que le pharma-
cien a été antérieurement sensibilisé à l’approche cli-
nique de la maladie mentale, par la fréquentation, par
exemple, de structures de soins psychiatriques [20].
Il importe que le pharmacien, pour conseiller utilement le
patient et s’investir dans une démarche d’ETP efficace et
adaptée, sache reconnaître la valeur de l’expérience sen-
sible de la maladie exprimée par la personne et la prenne
en compte. Négliger cette dimension se traduit par une
inadéquation du conseil, de l’accompagnement et, au final,
par une insatisfaction du besoin exprimé par le patient et
par une augmentation de la distance sociale (encadré 2).
Connaissance de la maladie
La schizophrénie est une maladie mentale stigmatisante
et stigmatisée [16], mais ceci n’est pas reflété dans les
Niveau d’écoute Niveau Niveau d’aide
de compréhension
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+ 0 0
+ + 0
+ + +
Actualités pharmaceutiques
• Supplément formation au n° 524 • 1er trimestre 2013 •
 formation
L’éducation thérapeutique à l’épreuve de la schizophrénie

Une communication adaptée Références

Encadré 2. Pharmacien-patient S’il réduit la symptomatologie et la fréquence des
[1] Palazzolo J, Midol N,
schizophrène : un rapport collaboratif rechutes, le traitement antipsychotique ne suffit pas à Candau J. Vers une
permettre au patient schizophrène de bénéficier d’une gestion autonome de la
Pour être constructif et collaboratif, le rapport entre le pharma- médication en psychiatrie ?
insertion sociale suffisante : il est donc indispensable de
cien et le patient schizophrène doit être : Ann Médico Psychologiques.
lui permettre de développer des compétences psycho- 2008;166:717-76.
• empathique : savoir se mettre à la place du client ;
sociales supplémentaires. Le pharmacien est impliqué [2] De Beauchamp I,
• authentique : être à l’aise avec le malaise du client ;
dans l’acquisition de celles qui permettent de mieux Lévy-Chavagnat D,
• chaleureux : avoir réellement envie d’aider le client ; Chavagnat JJ. Education
comprendre la prescription médicamenteuse et d’y
• professionnel : avoir des compétences suffisantes et actua- thérapeutique et
adhérer. Mais il doit avant tout attacher une attention schizophrénie : quels buts ?
lisées.
particulière à la communication (encadrés 3 et 4). Actualités pharmaceutiques.
2013;524(Suppl1):8-13.
Le pharmacien veillera à la qualité de la communication
[3] Gagnayre R, D’Ivernois JF.
non-verbale, chargée en messages émotionnels ou Apprendre à éduquer
enquêtes menées auprès des pharmaciens : ils tiennent affectifs : mimiques, regards, gestuelle comptent pour le patient. Approche
fréquemment les maladies mentales comme équiva- le patient schizophrène. Cette communication doit être pédagogique. Paris: Vigot;
1995.
lentes, ce qui traduit une connaissance insuffisante de cohérente avec le discours verbal (éviter d’évoquer un
[4] De Beauchamp I, Favré P,
leur symptomatologie et de leurs conséquences [19]. traitement antipsychotique injectable en faisant des Bolton M, Palazzolo J.
Le pharmacien devrait bénéficier d’une meilleure gestes évocateurs d’une coercition ou d’une violence). Information sur le médicament
connaissance des spécificités des maladies mentales Comme vis-à-vis de tout patient, l’écoute du pharma- en psychiatrie. Quel rôle pour
le pharmacien hospitalier ?
en général et de la schizophrénie en particulier, au tra- cien doit être active et réflexive. Il importe de regarder le Perspectives psychiatriques.
vers de l’enseignement universitaire, de stages effec- patient lorsqu’il parle, de se montrer concerné en posant 2000;39(1):14-9.
tués dans des services cliniques, mais aussi de la des questions de clarification, d’opiner de la tête en [5] Ivey MF. The pharmacist in
formation continue. La psychiatrie gagnerait à être signe de bonne compréhension et de suivi du discours, the care of ambulatory mental
health patients. Amer J Hosp
mieux enseignée dans les facultés de pharmacie où, de souligner l’émotion qu’il cherche à traduire Pharm. 1973;30:599-602.
souvent, le discours professoral est limité au médicament (par exemple : « Vous semblez triste quand vous me dites [6] Décret n° 2010-904
psychotrope sans que soient abordés le vécu subjectif que… », « Je crois que vous êtes en colère car… », du 2 août 2010 relatif aux
de la maladie mentale ou la perception qu’un patient peut « J’imagine que vous avez peur que… »). Il est bon d’uti- conditions d’autorisation des
programmes d’éducation
avoir de son traitement [19]. L’enseignement de la phar- liser un ton rassurant, convaincant, clair, adapté (dis- thérapeutique du patient.
macie est moins pragmatique en France que dans les cours émaillé d’exemples concrets) et de faire de brèves Legifrance, 02/08/2010. http://
pays anglo-saxons où l’étudiant bénéficie d’un entraîne- synthèses : redire en d’autres termes (synonymes), www.legifrance.gouv.fr/
affichTexte.do?cidTexte=JOR
ment à la communication verbale, en plus de connais- d’une manière concise (éviter les périphrases) ou plus FTEXT000022664533&dateTe
sances cliniques ; cet enseignement, toutefois, ne explicite ce que le client exprime pour souligner la xte=&categorieLien=id
comprend pas nécessairement de module spécifique- volonté de le comprendre et de l’aider à se faire [7] Article L 1161-1 et
ment adapté au patient atteint d’une maladie mentale [19]. comprendre (par exemple, « Si je vous comprends, vous suivants du Code de santé
publique. Legifrance. http://
L’insuffisance des connaissances en psychologie médi- êtes ennuyé car vous êtes constipé depuis quatre www.legifrance.gouv.fr/
cale peut expliquer la “barrière” entre le pharmacien et jours… »). Il est conseillé de reprendre le propos sans se affichCodeArticle.do?cidText
le client malade mental, de la même façon que pour l’approprier et sans interpréter le sentiment du client, son e=LEGITEXT000006072665&
idArticle=LEGIARTI00002089
d’autres professionnels de la santé impliqués dans les ressenti, pour éviter toute éventuelle hostilité ou méfiance. 1758&dateTexte=&categorie
soins aux malades mentaux [21]. Les phrases doivent être commencées par des formules Lien=cid
[8] O’Reilly CL, Bell S,
Chen TF. Pharmacists’beliefs
about treatments and
outcomes of mental disorders:
Encadré 3. Accueillir le patient schizophrène, quelques conseils a mental health literacy
Bien qu’ils ne soient évidemment pas spécifiques au patient F Dégager une attitude authentique, empathique, attentive, survey. Austr NZ J Psy.
schizophrène, certains conseils revêtent une importance particu- humaine. 2010;44:1089-96.

lière dans cette situation car ce client est sensible à des détails F Accepter d’éventuelles “bizarreries” (attitude, vêtements, [9] Finley PR, Rens HR,
Pont JT et al. Impact of a
dans l’attitude et dans l’accueil qui restent négligés par les autres. etc.) sans évaluer et sans juger. collaborative pharmacy
F Le prendre en considération dès son entrée dans l’officine, F Être disponible pour une écoute inconditionnelle et une atti- practice model on the
en lui adressant un regard, un sourire, un salut bienveillant. tude corporelle propice à l’échange. treatment of depression in
primary care. Am J Health Syst
F Aller à sa rencontre s’il reste dans l’entrée. F Ne pas oublier qu’un objectif de “rentabilité” ne trouve Pharm. 2002;59:1518-26.
F Personnaliser le “bonjour” si le patient est connu évidemment pas sa place dans l’accueil d’un patient
(par exemple : « Bonjour madame Dupont, comment allez- schizophrène.
vous ? »), et lui serrer la main en le regardant.

Actualités pharmaceutiques
• Supplément formation au n° 524 • 1er trimestre 2013 • 17
formation
L’éducation thérapeutique à l’épreuve de la schizophrénie
Références
[10] Gisev N, Bell JS,
O’Reilly C, Rosen A, Chen T.
An expert panel assessment
of comprehensive medication
reviews for clients of
community mental health
teams. Soc Psychiatry
Psychiatr Epidemiol.
2010;45(11):1071-9.
[11] Phokeo V, Sproule B,
Raman-Wilms L. Community
pharmacists’ attitudes toward
and professional interactions
with users of psychiatric
medication. Psychiatr Serv.
2004;55;1434-36.
[12] Bordenave-Gabriel C,
Giraud-Baro E, de Beauchamp
de I, Bougerol T, Calop J.
Peut-on établir un lien entre
information, connaissance et
observance médicamenteuse
chez les patients souffrant
de troubles psychotiques? J
Pharm Clin. 2002;21:123-29.
[13] Bordenave-Gabriel C,
Giraud-Baro E,
de Beauchamp I, Bougerol T,
Calop J. Conception et mise
en place d’une pratique
d’éducation thérapeutique
pour les patients psychotiques
sous traitement neuroleptique :
le programme Pharmation.
Education du Patient et Enjeux
de santé. 2002;21(3):77-84.
[14] Bell SS, McLachlan AJ,
Aslani P, Whitehead P,
Chen TF. Community
pharmacy services to optimise
the use of medications for
mental illness: a systematic
review. Aus NZ Health Policy.
2005;2:29.
[15] Hocking B. Reducing
mental illness stigma and
discrimination – everybody’s
business. Med J Aust.
2003;178:S47-8.
[16] Mental health: a report of
the surgeon general. United
States Department of Health
and Human Services. Surgeon
General, 1999. http://profiles.
nlm.nih.gov/ps/retrieve/
ResourceMetadata/NNBBHS
[17] Holmes EP,
Corrigan PW, Williams P.
Changing attitudes about
schizophrenia. Schizophr Bull.
1999;25:447-56.
18
Encadré 4. Communiquer avec le patient schizophrène
L’attitude générale importe beaucoup, d’autant que le patient
schizophrène peut tenir comme preuve d’agressivité ou pour le
moins d’indifférence une attitude vécue en général comme neutre.
F Attitude nuisant à la communication : vouloir diriger,
commander ; menacer, même indirectement ; être sarcastique,
ironique, insinuer ; évaluer le patient, le critiquer, le blâmer, le juger ;
interpréter sa demande ou son discours ; être évitant par rapport
à la demande, sembler distrait ou se laisser distraire.
Encadré 5. Respecter la règle des 4R
La conversation avec un patient atteint de schizophrénie doit
toujours rester simple. Elle doit, comme pour d’autres patients et
face à d’autres attentes, respecter autant que possible les prin-
cipes formulés par un médecin spécialiste, Charly Cungi1 :
• recontextualiser : replacer les éléments du discours du patient
dans leur contexte ;
• reformuler : répéter en utilisant les propres mots du patient ;
• résumer : résumer le propos du patient ;
• renforcer : reconnaître et souligner la problématique exprimée
par le patient.
Un point mérite d’être souligné : le patient schizophrène, notam-
ment s’il a déjà bénéficié de programmes de psychoéducation
institutionnels, aime à utiliser des termes médicaux pour décrire
ses symptômes. Ces termes sont fréquemment détournés de leur
sens ou appliqués à des situations inadaptées. Il est donc
de type : « Si j’ai bien compris, vous me dites que… »,
« Vous voulez donc me signaler que… ». La reprise de
ce qui vient d’être dit sous forme d’une interrogation ou
d’une affirmation interrogative, ou la relance de l’un des
mots énoncés en l’accentuant encourage le patient à
poursuivre son discours. La compréhension des mes-
sages doit être vérifiée en invitant le client à les reformu-
ler. Il faut accepter et utiliser les silences, laisser le
patient réfléchir, et, finalement, reformuler l’essentiel des
questions et des réponses en guise de conclusion.
Par exemple : « Vous m’avez dit que le traitement rend
vos yeux secs et douloureux. Je vous ai expliqué que
ceci n’est pas rare avec le médicament que vous prenez.
Je peux vous proposer une réponse : l’usage de ces
gouttes qui vont humidifier vos yeux. Elles réduiront ainsi
l’inconfort dont vous vous plaignez ». Cette démarche a
été théorisée : c’est la règle des “4R” (encadré 5).
Éducation thérapeutique du patient
schizophrène
Partant de l’observation que la personne schizophrène
présente un défaut de capacités d’apprentissage ou un
F Attitude favorisant la communication : être amical dans
l’expression du visage et des gestes – mettre en œuvre un langage
corporel propice à l’échange et à la communication – ; faire preuve
d’empathie en manifestant une capacité à se mettre à la place de
l’autre – « Cela doit être effectivement difficile à vivre pour vous » – ;
être précis et clair dans le propos – apporter une information à la
fois dans une phrase – ; formuler une seule demande à la fois dans
une question.
nécessaire de l’inviter à reformuler, à l’aide de périphrases ou
d’autres termes, les symptômes, de façon à vérifier qu’ils corres-
pondent à la réalité et à réellement comprendre son propos.
Exemple de conversation :
• le client : « En venant à la pharmacie, j’ai juste rencontré ma
cousine. Elle déménagera le mois prochain car elle a trouvé un
emploi près de Paris… » ;
• le pharmacien : « Si j’ai bien compris, vous venez donc de
croiser votre cousine près d’ici. C’est cela ? Vous dites qu’elle
vous a annoncé son déménagement. Ce déménagement est
lié au fait qu’elle a trouvé un travail près de Paris ? Ai-je bien
compris ce que vous m’avez dit ? Vous semblez ennuyé en me
disant cela… pourquoi ? »
1
Cungi C. L’alliance thérapeutique. Paris: Retz; 2006.
déficit en habiletés sociales, l’impact de situations de la
vie quotidienne auxquelles le patient ne sait pas faire
face sera limité, une fois la maladie stabilisée, par l’ac-
quisition d’habiletés lui permettant d’accroître le réper-
toire de ses compétences. Par exemple, les interventions
sociothérapiques ont pour objectif la mise en place d’un
réseau d’amis et de connaissances efficace et l’acqui-
sition de compétences dans la gestion de l’argent, la
recherche d’un emploi, etc., alors que les modules de
résolution de problèmes permettent d’apprendre à
affronter des situations inhabituelles dans la vie, parti-
culièrement stressantes chez le sujet schizophrène en
raison de son handicap cognitif.
Ces thérapies dites “de soutien” assistent donc le
patient dans ses difficultés : qu’elles soient focalisées
sur les habiletés sociales, sur l’insertion sociétale ou sur
la résolution de problèmes, elles le confrontent à des
expériences nouvelles qui stimulent sa capacité à réagir
et à se (re)mettre en jeu, ce qui contribue à améliorer sa
qualité de vie et limite les réhospitalisations pour
rechute [22]. Plusieurs techniques sont mises en œuvre,
dont la remédiation cognitive et l’entretien motivationnel.
Actualités pharmaceutiques
• Supplément formation au n° 524 • 1er trimestre 2013 •
 formation
L’éducation thérapeutique à l’épreuve de la schizophrénie

Références
Un guide pour répondre aux attentes du patient malade mental [18] Corrigan PW, Green A,
L’Ordre des pharmaciens australiens (Australian Pharmacy • le bilan des compétences faisant du pharmacien un acteur Lundin RK, Kubiak MA,
Council, APC) a regroupé les éléments requis pour que le phar- dans la prise de décision thérapeutique, capable de repérer Penn DL. Familiarity with
and social distance from
macien fasse écho aux demandes du patient malade mental, les modifications dans le comportement du patient méritant people who have serious
réponde à ses questions et comprenne les qualités spécifique- d’être transmises aux infirmiers spécialisés ou au psychiatre mental illness. Psychiatr Serv.
ment attendues dans ce domaine – différent de celui des affec- traitant ; 2001;52:953-8.

tions somatiques1. Inventoriant les connaissances incontour- • le bilan des compétences permettant au pharmacien de s’im- [19] Bell SS, Johns R,
Chen TF. Pharmacy students’
nables, ce document permet de les appliquer concrètement pliquer dans la surveillance des traitements et l’automédica- and graduates’attitudes
auprès du patient, notamment schizophrène. Allant plus loin tion (repérage des abus médicamenteux, etc.) ; towards people with
que l’enseignement universitaire, il fait du pharmacien officinal • le bilan des compétences permettant au pharmacien de schizophrenia and
severe depression. Am J
une personne-ressource dans des domaines variés, balayant un s’impliquer dans le suivi de la iatrogénie induite par le traite- Pharmaceutical Education.
champ interdisciplinaire. Il pointe aussi la nécessité de savoir ment (troubles glycémiques, prise de poids, interactions, etc.). 2006;70(4):article 77.
écouter des personnes en souffrance mentale, leur parler et [20] Mino Y, Yasuda N,
gérer l’accueil du patient en crise. La synthèse met l’accent sur la Tsuda T, Shimodera S. Effects
of a one hour educational
spécificité des maladies mentales (des aspects plus généraux font 1
Australian Pharmacy Council. Application of the “Competency Standards program on medical students’
l’objet d’autres documents mis en ligne par l’APC). On y trouve : for Pharmacists in 2003” in the provision of Mental Health Care: Statement attitudes to mental illness.
of Mental Health Care capabilities. 2009. http://www.pharmacycouncil. Psychiatr Clin Neurosci.
• les connaissances minimales permettant de promouvoir un org.au/PDF/Pharmacists%20Capability%20Statement%20%20June%20 2001;55:501-7.
usage optimal des médicaments ; %2709%20%28v5%29.pdf.
[21] World Health Organization
(WHO), Wonca. Integrating
mental health into primary
cognition, en apprenant à utiliser des capacités alternatives care: a global perspective.
WHO Genève, 2008. www.
Remédiation cognitive (par exemple, utiliser la mémoire visuelle si la mémoire
who.int/publications/en/
La remédiation cognitive vise à restaurer une fonction verbale est insuffisante) et en favorisant l’apprentissage.
[22] Beauchamp (de) I,
cognitive défaillante et/ou à favoriser son développe- Certains programmes sont particulièrement adaptés au Giraud-Baro E, Bougerol T,
ment (mémoire, attention, fonctions exécutives, etc.). patient schizophrène stabilisé : l’IPT (Integrated Psycho- Calop J, Allenet B. Education
thérapeutique des patients
Elle améliore le handicap du patient schizophrène en logical Treatment) consacré à la remédiation cognitive
psychotiques: impact sur la
compensant la carence cognitive et les déficits dans les et aux compétences sociales ; le Reha-Com, programme ré-hospitalisation. Educ Ther
processus de traitement de l’information en stimulant la assisté par ordinateur, stimulant l’attention, la mémoire, Patient/Ther Patient Educ.
2010;2(2):S125-31.
le raisonnement logique, l’attention spatiale et les capa-
[23] Favrod J, Barrelet L.
cités de réaction ; le Reco(S), développé à partir de la Efficacité de l’entraînement
Cognitive Remediation Therapy ; le Pracs, aidant à trouver des habiletés sociales avec
des solutions aux problèmes quotidiens ; soléduc, etc. les personnes atteintes de
schizophrénie. Thérapie
comportementale et cognitive.
Entretien motivationnel 1993;3(3):84-94.
Le patient psychotique ne croyant pas être malade, il faut [24] Réseau PIC (Pharmacien,
le motiver pour qu’il accepte de suivre avec assiduité la Informer, Comprendre).
www.reseau-pic.info
prescription (encadré 6). De plus, si toute maladie chro-
[25] Fabre C. L’atelier du
nique entraîne une démotivation du patient confronté à son médicament: information
caractère “indéfini”, la perte de motivation est plus impor- et éducation des patients.
tante chez le patient schizophrène en raison de la dégra- Perspectives Psy.
2000;39(1):20-3.
dation cognitive. Il importe donc de réaliser une “guidance”,
[26] Sablier J, Stip E,
c’est-à-dire de lui faciliter la tâche, de stimuler sa motivation Franck N. Remédiation
et de lui permettre de réitérer, seul, le processus. cognitive et assistants
cognitifs numériques dans la
schizophrénie. L’Encéphale.
Un choix d’outils validés 2009;35(2):160-7.
Malgré ses troubles attentionnels et mnésiques, malgré
ses difficultés à anticiper et à gérer des inférences
© Phanie/Burger

logiques, le patient schizophrène peut apprendre des

Le pharmacien attachera, face à un patient schizophrène,
une importance particulière à la qualité de la communication
non-verbale, chargée en messages émotionnels ou affectifs.
habiletés nouvelles et les généraliser [23]. Il importe de
lui proposer des outils éducatifs améliorant ou créant
des habiletés spécifiques à un domaine essentiel, inté-
ressant directement le pharmacien : le traitement médi-
camenteux. C’est l’équipe de Robert P. Liberman

Actualités pharmaceutiques
• Supplément formation au n° 524 • 1er trimestre 2013 • 19
formation
L’éducation thérapeutique à l’épreuve de la schizophrénie
Pour en savoir plus
• Amador X, Hodé Y, Klotz P.
Comment faire accepter
son traitement au malade :
schizophrénie et trouble
bipolaire. Paris: Retz; 2007.
• Assal JP, Lacroix A.
L’éducation thérapeutique du
patient - Nouvelles approches
de la maladie chronique.
3e édition. Paris: Maloine;
2011.
• Association australienne
d’aide aux patients atteints de
maladies mentales et à leurs
proches, proposant un large
choix de documents sous
diverses formes (livres, Dvd,
etc.) : www.sane.org
• Bellack AS, Mueser KT,
Gingerich S, Agresta J.
Social skills training for
schizophrenia: a step-by-step
guide. 2nd edition. New York:
Guilford Publication; 2004.
• Communauté mondiale pour
la schizophrénie et les troubles
apparentés : www.world-
schizophrenia.org
• Fnap-Psy (Fédération
nationale des associations
de patients et ex-patients en
psychiatrie) : www.fnappsy.org
• Foucaud J. Education
thérapeutique du patient :
modèle, pratiques et
évaluation. Paris: Inpes; 2010.
• Guide familial
sur la schizophrénie.
www.mentalhealth.com/book/
p40-sc01.html
• Laboratoire Janssen.
www.schizophrenia24x7.com
• Laboratoire Lilly.
www.schizosedire.com
• Le Bohec. L’éducation
thérapeutique du patient.
Soins Psychiatrie.
2011;273:11-34.
• Lecomte T, Leclerc C.
Manuel de réadaptation
psychiatrique. 2e édition.
Montréal: Presses Univer-
sitaires du Québec; 2012.
• Liberman RP, DeRisi WJ,
Mueser KT. Manuel d’entraî-
nement aux habiletés
sociales pour les patients
psychiatriques. Paris: Retz;
2005.
20
Encadré 6. Entretien motivationnel : la pratique en un mot
Il existe de nombreuses techniques d’augmentation de la motiva-
tion. Il faut au préalable susciter la demande du patient (en termes
de compréhension du traitement), anticiper les désaccords possi-
bles et les négocier en respectant toujours son point de vue.
Ainsi, par exemple, à la question « Je devrais me changer les idées
en allant voir un bon spectacle mais je ne sais pas si je vais oser
aller au cinéma… », voici quelques options de réponses :
• réponse A, « Je suis sûr que vous pouvez ! C’est de plus un film
excellent ! », non réflexive, sans reformulation de la parole du
patient, visant à le rassurer sans efficacité ;
Encadré 7. Exemples de programmes destinés aux patients schizophrènes
et à leurs proches
Il est évidemment impossible de donner ici une liste exhaustive
des programmes existants, mais plusieurs types d’interventions
qui, directement ou non, concourent à améliorer la compréhension
et l’observance du traitement du patient schizophrène peuvent
être distingués :
• programmes d’éducation à la santé et au traitement ;
• développement de compétences psychosociales ;
• accompagnement des familles ;
• réflexion sur la maladie.
Parmi les programmes institutionnels utilisés en France, citons
(liste non exhaustive) quatre approches différentes :
• Psychose – Aider – Comprendre – Traiter (PACT®), un pro-
gramme audiovisuel produit par Janssen-Cilag, destiné à aider
l’équipe soignante à informer patients et familles sur la schizo-
phrénie, et comportant trois modules1 ;
• Schiz’ose dire® (Institut Lilly) qui permet, grâce à un travail conduit
avec un soignant, de comprendre la schizophrénie et de fixer des
repères clairs sur la maladie, son évolution, sa clinique, ses traite-
ments, afin de mieux la gérer au quotidien.Associé, un site internet2
s’inscrit dans une approche globale de sensibilisation d’un large
public sur la schizophrénie et sa prise en charge ;
(tableau 3) qui, la première, développa à Los Angeles un
module dédié à l’“éducation au traitement neurolep-
tique” au milieu des années 1980 : son efficacité a été
montrée en France en prenant comme indicateurs le
niveau de fonctionnement social et l’évolution de la
symptomatologie de jeunes psychotiques [23].
L’abord de ce champ d’habiletés est réalisé grâce à des
programmes (encadré 7) qui peuvent intéresser direc-
tement et uniquement le traitement médicamenteux (par
exemple, l’atelier du médicament ou le programme
Pharmation®) ou l’intéresser d’une façon plus indirecte
(par exemple, le programme Insight®). Ces programmes,
parfois supportés par l’industrie pharmaceutique mais
• réponse B, « Vous dites qu’aller au cinéma vous ferait du bien.
Vous n’osez pas y aller. Mais pourquoi cette crainte ? », excel-
lente, réflexive et empathique ;
• réponse C, « Alors, n’y allez pas ! Ce serait bête de vous stres-
ser pour aller au cinéma ! », mauvaise car le patient n’attend
pas un conseil incluant un jugement sur son hésitation (le rôle
du stress).
• Équilibre® (Institut Lilly), programme qui vise à prévenir et à
gérer les variations pondérales chez les patients psychia-
triques traités par psychotropes. Mis en place en hôpital de
jour et en centre médico-psychologique (CMP), il est géré par
des soignants volontaires, spécialement formés, et s’articule
autour de six ateliers de 1,5 heures s’adressant chacun à
6-8 patients3 ;
• Insight® (Institut Lilly) qui favorise l’alliance thérapeutique et
l’adhésion aux soins4 et se décline en six ateliers (film, jeux,
etc.) d’une heure explorant les dimensions de l’insight
(conscience du trouble mental, des symptômes positifs et
négatifs, de la désorganisation, des conséquences psycho-
sociales de la schizophrénie et des effets du traitement).
1
Salomé F, Lagathu C, Demant JC et al. Un programme d’information sur
la maladie et ses traitements destiné aux patients atteints de schizophrénie :
PACT®. Annales Médico Psychologiques. 2002;160:416-20.
2
www.schizosedire.com
3
Massé G. Le programme Équilibre : prévenir et gérer les variations pon-
dérales chez les patients souffrant de maladies psychiatriques. Nervure.
2006;19(2):16-7.
4
Misdrahi D, Chéreau I, Petit M, Llorca PM. Développement d’un programme
psycho-éducatif ciblé sur l’insight pour les patients souffrant de schizophrénie.
L’Information Psychiatrique. 2008;84:937-9.
alors conçus par des soignants en toute impartialité et
hors conflits d’intérêts, sont destinés à un usage insti-
tutionnel : il n’existe pas (encore) de programmes spé-
cifiquement conçus, dans ce champ de la thérapeutique,
pour la pratique officinale.
Au-delà des informations factuelles qu’ils apportent
(sur la maladie et son traitement, les droits des patients,
les types de prise en charge, les lieux d’accueil, la ges-
tion de la vie quotidienne, etc.), ces programmes,
conduits en petits groupes, contribuent à l’instauration
d’un climat de confiance favorable à l’alliance thérapeu-
tique, apaisent les relations conflictuelles et, globale-
ment, renforcent l’auto-efficacité du patient vis-à-vis de
Actualités pharmaceutiques
• Supplément formation au n° 524 • 1er trimestre 2013 •
 formation
L’éducation thérapeutique à l’épreuve de la schizophrénie

Tableau 3. Module historique de Robert P. Liberman adapté [23]. Pour en savoir plus
• Liberman RP. Module
Domaines successifs Types d’entraînement Education au traitement
de l’éducation au traitement neuroleptique : manuel
neuroleptique du thérapeute. Socrate-
Réhabilitation. Marchienne-
Premier domaine Entraînement du patient à questionner l’équipe soignante sur les effets bénéfiques et indésirables le-Pont (Belgique): Hôpital
du traitement. Vincent Van Gogh; 1992.
• Liberman RP. Réhabilitation
Deuxième domaine Entraînement à la prise du traitement.
psychiatrique des malades
Troisième domaine Entraînement à l’identification des effets secondaires et de leur degré de sévérité. mentaux chroniques. Paris:
Masson; 1991.
Quatrième domaine Entraînement à la négociation des problèmes avec les professionnels de santé, à la description des effets • Markova IS. L’insight en
indésirables, etc. psychiatrie. Paris: Doin; 2009.
• Monestès JL.
La schizophrénie. Mieux
son traitement ; bien tolérés au plan émotionnel, ils sont de ses effets indésirables ; l’implication active du patient comprendre la maladie et
appréciés par une grande majorité de patients. dans la gestion quotidienne de son traitement, ainsi que mieux aider la personne. Paris:
Odile Jacob; 2008.
dans la surveillance des complications du traitement et
Atelier du médicament® dans l’évolution de sa maladie ; la confiance et l’impli- • Monestès JL. Vivre avec la
schizophrénie. In : André C.
Créé en 1995 au centre hospitalier Gérard Marchand cation du patient dans sa relation avec son médecin ; Guide pratique de psychologie
(Toulouse) par deux pharmaciens du réseau Pharmacien, une utilisation adéquate des structures de soins ; les pour la vie quotidienne. Paris:
Odile Jacob; 2008.
Informer, Comprendre (PIC) [24], l’Atelier du médicament® croyances négatives sur le traitement médicamenteux ;
• Palazzolo J. Informer le
fonctionne en CMP, centre d’accueil thérapeutique à le vécu du regard d’autrui sur le traitement psychoactif.
patient en psychiatrie. Paris:
temps partiel (CATTP), hôpital de jour ou en unité d’hos- Le travail débute par des échanges interactifs libres que Masson; 2003.
pitalisation complète. Il s’agit d’un groupe de paroles stimulent des messages éducatifs : les animateurs pren- • Schizo ?… oui !
dédié aux médicaments permettant à un pharmacien nent connaissance de la “culture” de chaque participant www.schizo-oui.com
hospitalier, assisté d’un ou de deux infirmiers, de et cernent ses attentes. Des supports éducatifs variés • Site de référence américain :
www.schizophrenia.com
répondre avec empathie aux interrogations de 8 à renforcent la lisibilité des messages et en facilitent la
• Unafam (Union nationale des
10 patients généralement psychotiques [25]. Les patients mémorisation. Des jeux de rôle permettent une appro-
amis et familles de malades
auxquels le psychiatre prescrit la participation à l’atelier, priation des concepts par le patient et une amélioration psychiques) : www.unafam.org
capables de se concentrer environ une heure, insuffisam- de son habileté à la conversation. Des activités de réso-
ment adhérents à la prescription, expriment leurs attentes lution de problèmes sont développées. Des tâches à
et leurs craintes, et témoignent du quotidien de leur trai- réaliser à domicile ou au foyer sont proposées entre les
tement. Le pharmacien fait écho à leurs interrogations ou séances pour favoriser la continuité du travail cognitif.
narrations et répond objectivement aux questions, contri-
buant à dédramatiser le traitement et à éviter les fausses Orthèses cognitives une piste ?
croyances. L’Atelier permet aux patients de connaître les Des assistants technologiques pour la cognition (ATC)
effets indésirables, de les anticiper, d’y réagir, de distin- peuvent constituer des outils de remédiation cognitive
guer iatrogénie et pathologie. Il leur permet d’apprendre susceptibles d’améliorer l’autonomie et l’adhésion au Déclaration d’intérêts :
à gérer un pilulier, à prendre correctement les médica- traitement [26]. Deux ATC sont développés dans ce les auteurs déclarent ne pas
avoir de conflits d’intérêts en
ments, à respecter les horaires d’administration, à domaine. Mobus®, un logiciel installé dans un smart- relation avec cet article.
connaître les possibles interactions avec d’autres médi- phone, offre un rappel des activités de la vie quotidienne
caments, avec l’alcool, le tabac ou le cannabis. Cette et permet à l’utilisateur d’exprimer et d’enregistrer son Les auteurs
formation est soutenue par l’Institut Lilly depuis 2002. vécu quotidien (symptômes, émotions...). DoPill®, un
Isabelle de BEAUCHAMP
pilulier “intelligent”, avertit l’utilisateur lorsqu’il faut Praticien hospitalier,
Programme Pharmation® prendre un médicament prescrit, des capteurs détectant pharmacien, Centre hospitalier
Alpes-Isère, 3 rue de la Gare,
Basé sur des connaissances cliniques, pharmacolo- alors la prise. Les informations sur la réalisation des
38521 St-Égrève, France
giques et psychosociales, Pharmation® intègre des activités quotidiennes, le vécu des patients et l’adhésion Diane LÉVY-CHAVAGNAT
méthodes pédagogiques interactives adaptées au au traitement sont accessibles aux aidants à distance Praticien hospitalier, psychiatre,
patient psychotique qui a ses propres convictions (par- via internet. Les études montrent que Mobus® peut amé- Centre hospitalier Henri-
Laborit, 370 avenue Jacques-
fois délirantes…) et ses propres difficultés à gérer au liorer les capacités de planification des patients et Cœur, 86021 Poitiers, France
quotidien son traitement [13]. Il est destiné à des DoPill®, l’adhésion au traitement. Ces dispositifs ne Christian POUPIN
groupes de 6 à 8 patients, réunis pour 15 séances d’en- doivent toutefois pas isoler le patient dans un environne- Cadre supérieur, Centre
viron 2 heures autour d’un pharmacien et de deux infir- ment technologique impersonnel, mais simplement hospitalier Henri-Laborit,
370 avenue Jacques-Cœur,
miers. Les thèmes permettent d’améliorer : la prise de participer à son accompagnement au quotidien. w 86021 Poitiers, France
conscience de l’intérêt du traitement antipsychotique et christian.poupin@ch-poitiers.fr

Actualités pharmaceutiques
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