Vous êtes sur la page 1sur 9

 8-0870

Trouble déficit de l’attention/hyperactivité


chez l’enfant : approche médicale
M.-F. Le Heuzey

Le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) est un trouble neurodéveloppemental d’origine


multifactorielle impliquant l’intervention de facteurs de vulnérabilité génétique et de facteurs environ-
nementaux. La prévalence chez l’enfant scolaire est estimée à environ 5 %. Les symptômes cliniques
essentiels sont un trouble attentionnel, une impulsivité, avec ou sans hyperactivité motrice. Son expres-
sion évolue au cours de la vie (enfant, adolescent jusqu’à l’âge adulte) mais son retentissement scolaire,
familial, social peut être invalidant. L’intérêt d’un diagnostic précoce en vue d’une prise en charge s’avère
d’autant plus nécessaire. L’approche actuelle des comorbidités telles que la possible co-occurrence avec
un trouble du spectre autistique a fait évoluer le regard sur ce trouble, s’éloignant du catégoriel pour aller
vers le dimensionnel. Les interventions thérapeutiques non médicamenteuses et médicamenteuses sont
proposées en association.
© 2018 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Trouble déficit de l’attention/hyperactivité ; TDAH ; Méthylphénidate ; Remédiation cognitive

Plan tal nommé selon la classification internationale des maladies, 10e


révision (CIM 10) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [1]
■ Introduction 1 « syndrome hyperkinétique », et TDAH selon la classification
américaine Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders
■ Prévalence 1 (DSM) [2] .
■ Description clinique 1 Depuis 2013, la 5e édition du DSM propose les mêmes critères
Forme du garçon d’âge scolaire 1 diagnostiques pour tous les âges de la vie, âge adulte compris.
Formes cliniques 2 En France, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié, en 2014,
■ Diagnostic clinique 3 une recommandation de bonne pratique [3] actant la reconnais-

sance de ce trouble, et décrivant la conduite à tenir en médecine
Comorbidités 3
de premier recours devant un enfant ou un adolescent susceptible
Autres comportements perturbateurs 3
d’avoir un TDAH.
Troubles des apprentissages 3
Comorbidités émotionnelles 4
Tics et syndrome de Gilles de la Tourette 4
Troubles du sommeil 4  Prévalence
Troubles du contrôle sphinctérien 4
Consommations/addictions 4 Elle est estimée à 3–5 % de la population d’âge scolaire, avec une
prédominance masculine. Le sex-ratio varie de 2/1 à 4/1 en popu-
■ Facteurs déterminants 5 lation générale, et est de l’ordre de 9/1 en population clinique.
■ Traitements 5 Mais il est probable que la prévalence soit sous-estimée chez les
Médicaments 5 filles.
Traitements non médicamenteux 6

 Description clinique [4]

Forme du garçon d’âge scolaire


 Introduction
C’est le tableau le plus caractéristique, car c’est généralement
Bien qu’il existe une évolution, le concept de trouble défi- lors de la scolarisation à l’école élémentaire que la situation
cit de l’attention/hyperactivité (TDAH) peut soulever encore des paraît la plus gênante. L’enfant souffre de difficultés précoces
oppositions théoriques entre les partisans d’une hyperactivité et durables dans trois domaines : l’inattention, l’impulsivité et
« symptôme » souvent intitulée « instabilité psychomotrice » et l’hyperactivité. Ces manifestations sont inappropriées dans leur
ceux qui défendent la notion d’un trouble neurodéveloppemen- intensité, compte tenu de l’âge et du niveau de développement

EMC - Traité de Médecine Akos 1


Volume 13 > n◦ 4 > octobre 2018
http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(18)86495-X
© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
8-0870  Trouble déficit de l’attention/hyperactivité chez l’enfant : approche médicale

de l’enfant, et surviennent dans différentes situations qui néces- jambes, tripotant des objets sans rapport avec les nécessités de
sitent de l’attention, un contrôle de l’impulsivité et une restriction l’enseignement (manipulation des crayons, de petits jouets, de
des mouvements. trombones), se retournant pour parler aux élèves des rangs arrière,
exprimant des bruitages incongrus, voire des commentaires à voix
Inattention haute, renversant, dans un grand fracas, règles et crayons, et allant
parfois jusqu’à s’écrouler avec sa chaise. L’enfant se met en danger
L’attention est un concept multidimensionnel qui inclut l’éveil, physiquement, et est ainsi souvent victime d’accidents (fractures,
la vigilance, la distractibilité, l’attention soutenue. Le trouble traumatismes divers, intoxications) et peut être responsable de
attentionnel de l’enfant TDAH est parfois repérable spontané- traumatismes chez ses pairs.
ment dans toute situation de jeu libre où il joue peu de temps La symptomatologie est chronique mais pour un enfant donné
avec un jouet et passe très vite d’un jeu à l’autre (il « zappe »). Il elle est variable dans son expression et son intensité selon les
est encore plus apparent dans les situations exigeant une atten- situations. On constate une fluctuation du rendement avec une
tion soutenue : tâches répétitives, ennuyeuses, rébarbatives pour grande variabilité des résultats : les parents et enseignants sont
l’enfant, comme les devoirs ou les tâches ménagères. Les parents désarçonnés par le passage rapide et inattendu entre de bons
soulignent souvent la facilité avec laquelle l’enfant se laisse dis- résultats et des performances défaillantes « il peut très bien faire
traire par n’importe quel stimulus extérieur : bruit de voiture dans certains jours ».
la rue, cri dans l’immeuble, sirène des pompiers, etc. L’enfant a L’enfant TDAH a du mal à soutenir son attention en l’absence
une moins bonne persévérance dans l’effort. Ainsi, les séances de renforcements immédiats. Les manifestations peuvent être
de devoirs à la maison sont décrites par les parents comme des minimes, voire absentes en relation duelle (cours particulier,
moments éprouvants, car la demande d’effort intellectuel sou- consultation), lors d’une situation nouvelle qui attise sa curiosité,
tenu est vécue par l’enfant comme une contrainte déplaisante et ou lorsqu’il est absorbé par une tâche captivante comme un jeu
pénible.
vidéo. À l’inverse, les symptômes sont augmentés dans les situa-
Le déficit attentionnel est évoqué toujours de la même façon :
tions de groupe (classe, cantine), lorsqu’une attention soutenue
« mon enfant semble ne jamais écouter », « il est dans ses rêves »,
est nécessaire, et d’autant plus que la situation est monotone ou
« il ne peut se concentrer », « il ne peut travailler seul » et, dans
non structurée. Il peut paraître désobéissant et ne respectant pas
la vie sociale, « il n’écoute pas les autres », « il ne participe pas de
les lois car il retient mal les consignes et les règles de vie si celles-ci
façon adéquate à une conversation », « il ne s’intéresse pas aux
ne sont pas répétées ou s’il est livré à lui-même, et il ne sait pas
préoccupations des autres », « il semble ne pas intégrer les règles
différer les gratifications.
du dialogue ou du jeu qu’on lui propose ». Le plus souvent, les
Dans la plupart des familles, il est fréquent que ces enfants
symptômes s’extériorisent préférentiellement dans les situations
paraissent plus obéissants et moins agités avec leur père qu’avec
de groupe, qu’il s’agisse de la famille, du groupe classe en milieu
leur mère pour diverses raisons. Parmi celles-ci, on peut évo-
scolaire ou du groupe de sports ou de loisirs, alors qu’ils paraissent
quer le fait que les pères, plus directs et représentant la loi, ont
moins évidents en situation individuelle.
plus d’autorité, alors que les mères introduisent plus de données
affectives, mais il est connu aussi que les mères assument globale-
Impulsivité ment beaucoup plus d’heures de présence auprès des enfants pour
Elle est motrice, verbale et mentale. L’enfant répond vite, trop les événements de la vie familiale, les accompagnements chez le
vite aux sollicitations, sans attendre l’ensemble des instructions et médecin, le dentiste, au supermarché, etc., et les tâches scolaires.
sans évaluer correctement les éléments nécessaires à la réponse et L’insertion sociale est difficile avec des perturbations des
sans envisager les possibles conséquences négatives, destructrices relations avec leurs pairs. Les parents, les professeurs et leurs cama-
ou dangereuses. Son impulsivité le conduit à de nombreux bris rades les décrivent comme bruyants, intrusifs, perturbateurs, voire
d’objets ou destructions de biens divers. Attendre son tour dans agressifs, donc difficiles à supporter en groupe et, de ce fait, faci-
un jeu ou dans une activité de groupe est, pour lui, une mission lement exclus par les autres dans les jeux et activités de groupe.
impossible. Face à des tâches où on encourage l’enfant à persé- Ils ont également des difficultés à communiquer avec les autres et
vérer pour obtenir une gratification, il préfère opter pour celles à faire comprendre leurs intentions et leurs sentiments.
nécessitant le moins d’efforts et qui sont les plus rapides à effec- On peut distinguer trois sous-types : forme mixte, forme à
tuer. Aller au plus vite, avec le moins de travail possible (bâcler hyperactivité/impulsivité prédominante, et forme à inattention
disent les professeurs) est la solution la plus choisie. prédominante. Mais on observe une instabilité de ces formes avec
Quand l’enfant veut quelque chose dont l’accès est contrôlé par le temps et le développement. Chez l’enfant, la forme mixte est
un adulte et qu’il doit attendre pour l’obtenir, par exemple l’achat la plus fréquente, mais il y a une répartition équivalente entre les
d’un jouet ou une séance de cinéma, il harcèle l’adulte pendant trois formes chez l’adolescent.
tout le temps d’attente, se montrant, aux yeux de l’entourage,
exagérément exigeant et égocentrique. Les situations impliquant Formes cliniques
le partage et la coopération avec d’autres enfants sont problé-
matiques. Il manque de censure sociale. On pourrait dire que Selon le stade de développement
l’enfant est « impoli », interrompant les conversations, clai-
Hyperactivité chez le jeune enfant et l’enfant d’âge
ronnant en public des indiscrétions sur la famille ou posant
préscolaire
des questions apparemment saugrenues à tort et à travers sans
tenir compte des conséquences émotionnelles. Il répond sans L’agitation est parfois repérable dès les premiers mois de vie :
attendre la fin des questions. Toutes ces interventions intempes- le nourrisson rampe partout dès qu’il en a les capacités, touche à
tives conduisent à de nombreuses punitions et remontrances, et tout ; il ne peut rester même un bref instant seul sans tomber ; il
aboutissent à un rejet par les pairs et les adultes. Cette impulsivité est hyper-réactif à des stimuli externes, enclin à des troubles du
peut s’interpréter comme une trop grande rapidité de réponse, un sommeil et de l’alimentation.
manque d’inhibition, une difficulté de régulation comportemen- Les enfants hyperactifs d’âge préscolaire sont actuellement de
tale. plus en plus fréquemment adressés en consultation spécialisée.
Ils sont décrits comme turbulents, opposants, enclins à de fré-
quentes colères. En raison de leur activité motrice excessive, de
Hyperactivité leurs difficultés à appréhender le danger et à tenir compte de
L’activité motrice bruyante est excessive ou inappropriée pour leurs expériences passées, ils sont particulièrement exposés aux
le niveau de développement. L’enfant est turbulent et animé de risques d’accidents, d’absorption de toxiques et leur surveillance
mouvements inutiles ou inadéquats compte tenu de la situation est difficile.
et de l’activité. « Il paraît entraîné par un moteur », « il bouge Ainsi, les principales caractéristiques du TDAH peuvent
tout le temps », « il n’arrête pas de parler », « il est monté sur s’observer dès les premières années de vie. Néanmoins, il est
ressort ». L’observation directe révèle que l’enfant ne peut pas res- parfois difficile, à cet âge, de préciser si les manifestations obser-
ter assis sur sa chaise, se levant sans permission, agitant bras et vées sont les précurseurs du trouble (tempérament « difficile »),

2 EMC - Traité de Médecine Akos

© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Trouble déficit de l’attention/hyperactivité chez l’enfant : approche médicale  8-0870

le trouble lui-même à son début, ou s’il s’agit de manifes- Le WISC-V est particulièrement intéressant chez l’enfant TDAH
tations transitoires chez un enfant ayant un développement d’âge scolaire. Ce test propose cinq indices : l’indice de compré-
normal. Les enfants d’âge préscolaire qui ont le plus de risques hension verbale, l’indice visuo-spatial, le raisonnement fluide,
de présenter des troubles persistants sont ceux qui ont, outre l’indice de mémoire de travail, et l’indice de vitesse de traitement.
les caractéristiques de l’hyperactivité, un comportement agres- L’enfant TDAH présente généralement des résultats hétérogènes,
sif et négatif. Une étude longitudinale multisite portant sur compte tenu des difficultés d’attention et de l’impulsivité. Les
303 enfants diagnostiqués TDAH entre 3 et 5 ans (étude Pres- indices « mémoire de travail » et « vitesse de traitement » exigent le
chool Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder Treatment Study maintien d’objets abstraits en mémoire de travail, ce qui implique
[PATS]) [5] a permis de mieux décrire le trouble à l’âge préscolaire. une charge attentionnelle et cognitive importantes. Ces deux
Ces troubles à début précoce suscitent un haut niveau de stress indices sont souvent chutés chez les enfants TDAH.
chez les parents et de forts sentiments négatifs. Dans plus de la Des tests neuropsychologiques plus spécialisés sont proposés
moitié des cas, il existe une comorbidité, en particulier un trouble par certaines équipes, dans le domaine de l’attention et des fonc-
oppositionnel et des troubles des apprentissages (langage). Après tions exécutives. Le fonctionnement attentionnel efficient fait
six ans d’évolution, les enfants de l’étude PATS manifestent les appel à plusieurs processus attentionnels qui sont schématique-
mêmes symptômes d’hyperactivité avec un degré notable de han- ment :
dicap, et le niveau de sévérité du trouble se situe entre moyen et • la vigilance, qui est l’état de préparation apte à détecter et à
sévère. réagir à certains changements discrets apparaissant à des inter-
Hyperactivité chez l’adolescent [6] valles variables au sein de l’environnement, permet le repérage
d’un élément sans recherche active ;
Le trouble persiste à l’adolescence avec généralement une dimi-
• l’attention soutenue est la capacité de maintenir une per-
nution de l’hyperactivité motrice, mais avec une impulsivité et
formance sur une longue période de temps qui dépend du
un trouble attentionnel qui interfèrent avec les résultats scolaires
maintien de la vigilance, de la capacité de détection du stimu-
et conduisent à des infractions aux règles familiales, scolaires
lus et de la résistance à la distraction, donc du contrôle mental ;
ou sociales. L’adolescent manifeste des difficultés d’adaptation
c’est l’aptitude à se concentrer sur une période prolongée ;
dans les différents domaines : scolaire, éducatif et interperson-
• l’attention sélective est la capacité à résister à la distraction, à
nel. Les conflits autour des contraintes scolaires contribuent à
trier les informations, en inhibant la réponse aux stimuli dis-
détériorer la relation parents/enfant et à aggraver la mésestime
tracteurs ;
de soi de l’adolescent. Les conduites de recherche de sensations
• l’attention divisée qui permet d’effectuer deux tâches distinctes
et de nouveauté (conduites de risque) sont très souvent observées
en même temps, ou de traiter par exemple simultanément des
chez l’adolescent TDAH, en lien avec l’impulsivité. L’évolution
stimuli visuels et auditifs (utile par exemple pour écrire ses notes
du trouble lui-même et la dégradation de l’estime de soi exposent
tout en écoutant le cours).
au fil du temps à des risques dépressifs, des conduites d’abus de
Les fonctions exécutives sont un ensemble de processus cogni-
substances, ou des choix de vie marginaux.
tifs nécessaires à la réalisation d’une tâche orientée vers un but :
Selon le sexe planification, mémoire de travail, flexibilité mentale, etc.
Un certain nombre de batteries d’épreuves neuropsycholo-
La prévalence chez la fille est considérée comme inférieure
giques, qui explorent tout ou partie des fonctions cognitives
à celle observée chez le garçon, et certains auteurs pensent
impliquées dans l’attention, existent. Les plus connues et étalon-
qu’elle est sous-estimée car l’inattention est plus importante
nées en France sont le test d’évaluation de l’attention chez l’enfant
que l’hyperactivité/impulsivité. Selon les études, on souligne la
(TEA-Ch) (6 à 12 ans) et le bilan neuropsychologique de l’enfant
plus importante comorbidité anxieuse et dépressive, un impact
(NEPSY) (de 3 ans à 16 ans 11 mois). La TEA-ch explore l’attention
social et relationnel plus notable. Les filles TDAH sont moins
sélective, l’attention soutenue, l’attention divisée, les modalités
souvent impliquées dans les comportements d’agression, mais
visuelle et auditive, la flexibilité et l’inhibition de l’impulsivité.
sont davantage l’objet de victimisation. La revue de littérature
La NEPSY explore différents domaines : les fonctions exécutives et
de Quinn souligne chez les filles de meilleures stratégies de
l’attention, la mémoire et les apprentissages, le langage, les fonc-
coping qui masquent les symptômes, et la présence fréquente
tions senso-motrices, les traitements visuo-spatiaux, la perception
de comorbidités anxieuses et dépressives qui peuvent conduire
sociale.
à des sous-diagnostics de TDAH. Si le TDAH n’est pas repéré et
Certaines batteries ou évaluations sont informatisées comme le
traité, les conséquences chez les filles sont les mêmes que chez les
Continuous Performance test (CPT), le Trail Making Test.
garçons, telles qu’une moins bonne réussite scolaire et des troubles
L’utilisation d’échelles telles que les échelles de Conners (ver-
du comportement.
sion parents/version enseignants) [7] , l’attention-deficit hyperactivity
disorder (ADHD) rating scale [8] peut étayer le diagnostic, mais ces
 Diagnostic clinique échelles ne remplacent pas le diagnostic clinique. Elles peuvent
aider à suivre l’évolution de la symptomatologie, en particulier
Il repose sur l’analyse de l’histoire des troubles, de la sémiologie, sous traitement.
des comorbidités et de l’environnement familial.
Selon le DSM-5 (Tableau 1), l’enfant présente six ou
plus symptômes d’inattention, et/ou six ou plus symptômes
d’hyperactivité/impulsivité. Les symptômes sont présents avant
 Comorbidités
l’âge de 12 ans, et plusieurs symptômes sont présents dans au
moins deux situations (école, maison, sports), et ils interfèrent Très fréquentes, elles peuvent conditionner le pronostic.
avec le fonctionnement scolaire, social ou familial. On distingue
plusieurs degrés de sévérité du trouble : léger, moyen et sévère.
L’évaluation clinique peut être complétée par des évaluations Autres comportements perturbateurs
cognitives réalisées au mieux par des neuropsychologues. Le trouble oppositionnel avec provocation et le trouble des
L’évaluation de l’efficience intellectuelle paraît un minimum conduites sont fréquents, très influencés par l’environnement
pour vérifier le niveau normal de celle-ci, mais aussi pour repérer familial. L’association au trouble des conduites est préoccupante
une précocité intellectuelle associée ou, au contraire, débusquer du fait du risque d’évolution vers la personnalité antisociale et les
une insuffisance intellectuelle qui a son propre retentissement sur abus de substances.
les capacités attentionnelles d’un enfant impacté par son déficit.
Les épreuves de Wechsler sont les plus utilisées, selon l’âge, Wechs-
ler Preschool and Primary Scale of Intelligence (WPPSI) (de 2 ans Troubles des apprentissages
6 mois à 7 ans 7 mois), Wechsler Intelligence Scale for Children
(WISC) (de 6 ans à 16 ans 11 mois), et au-delà Wechsler Adult Ils peuvent affecter le langage oral ou le langage écrit,
Intelligence Scale (WAIS). l’apprentissage des mathématiques, l’acquisition de la

EMC - Traité de Médecine Akos 3


© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
8-0870  Trouble déficit de l’attention/hyperactivité chez l’enfant : approche médicale

Tableau 1.
Critères diagnostiques du trouble déficit de l’attention/hyperactivité dans le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM)-5.
A. Un mode persistant 1. Inattention : six (ou plus) des symptômes a. Souvent, ne parvient pas à prêter attention aux détails
d’inattention et/ou suivants persistent depuis au moins six mois, à un ou fait des fautes d’étourderie dans les devoirs scolaires, le
d’hyperactivité-impulsivité qui degré qui ne correspond pas au niveau de travail ou d’autres activités
interfère avec le fonctionnement développement et qui a un retentissement négatif b. A souvent du mal à soutenir son attention au travail ou
ou le développement caractérisé direct sur les activités sociales et dans les jeux
par (1) et/ou (2) scolaires/professionnelles c. Semble souvent ne pas écouter quand on lui parle
personnellement
d. Souvent, ne se conforme pas aux consignes et ne
parvient pas à mener à terme ses devoirs scolaires, ses
tâches domestiques, ou ses obligations professionnelles
e. A souvent du mal à organiser ses travaux ou ses activités
f. Souvent, évite, a en aversion, ou fait à contrecœur les
tâches qui nécessitent un effort mental soutenu
g. Perd souvent les objets nécessaires à son travail ou à ses
activités
h. Se laisse souvent facilement distraire par des stimuli
externes
i. A des oublis fréquents dans la vie quotidienne
2. Hyperactivité et impulsivité : six (ou plus) des a. Remue souvent les mains ou les pieds, ou se tortille sur
symptômes suivants persistent depuis au moins six son siège
mois, à un degré qui ne correspond pas au niveau b. Se lève souvent en classe ou dans d’autres situations où
de développement et qui a un retentissement il est supposé rester assis
négatif direct sur les activités sociales et c. Souvent, court ou grimpe partout, dans des situations
scolaires/professionnelles où cela est inapproprié
NB : Les symptômes ne sont pas seulement la d. Est souvent incapable de se tenir tranquille dans les
manifestation d’un comportement opposant, jeux ou les activités de loisir
provocateur ou hostile, ou de l’incapacité de e. Est souvent « sur la brèche » ou agit souvent comme s’il
comprendre les tâches ou les instructions était « monté sur ressorts »
f. Parle souvent trop
g. Laisse souvent échapper la réponse à une question qui
n’est pas encore entièrement posée
h. A souvent du mal à attendre son tour
i. Interrompt souvent les autres, ou impose sa présence
B. Plusieurs symptômes d’inattention ou d’hyperactivité/impulsivité étaient présents avant l’âge de 12 ans
C. Plusieurs symptômes d’inattention ou d’hyperactivité/impulsivité sont présents dans au moins deux contextes différents
D. On doit mettre clairement en évidence que les symptômes interfèrent avec ou réduisent la qualité du fonctionnement social, scolaire ou professionnel
E. Les symptômes ne surviennent pas exclusivement au cours d’une schizophrénie ou d’un autre trouble psychotique et ils ne sont pas mieux expliqués par
un autre trouble mental

Spécifier le type : présentation combinée : si à la fois le critère A1 et le critère A2 sont remplis pour les six derniers mois.
Présentation inattentive prédominante. Si, pour les six derniers mois, le critère A1 est rempli mais pas le critère A2.
Présentation hyperactive : impulsive prédominante : si, pour les six derniers mois, le critère A2 est rempli mais pas le critère A1.
Préciser la sévérité : léger, moyen, grave.

coordination. Ils aggravent le risque d’échec scolaire et doivent Troubles du sommeil


donc être systématiquement recherchés.
Un examen en psychomotricité comporte au minimum une Ils sont fréquents, mais son analyse n’est pas facile, entre les éva-
exploration de la motricité intentionnelle qui fournit des élé- luations subjectives (par les parents) et objectives. Dans l’analyse
ments sur le niveau de coordination et de développement de la persistance de ces difficultés de sommeil, il est important
psychomoteur, sur les capacités de planification, l’impulsivité, d’étudier ce qui revient aux comorbidités, au traitement et aux
et une étude de la qualité du graphisme et de la rapidité conditions environnementales.
d’écriture.
L’examen du langage évalue à la fois le langage oral et le lan-
gage écrit (lecture/orthographe). L’orthophoniste analyse ce qui
Troubles du contrôle sphinctérien
revient aux difficultés d’attention à l’impulsivité, aux difficultés Les troubles de l’élimination c’est-à-dire énurésie nocturne,
de planification, et ce qui est du ressort d’un trouble spécifique des incontinence diurne et encoprésie sont plus fréquents chez
apprentissages comorbides au TDAH (dyslexie/dysorthographie l’enfant TDAH que dans la population générale. La comorbidité
par exemple). TDAH/énurésie nocturne primaire isolée est rapportée avec une
association forte, incitant à dépister non seulement l’énurésie
chez les TDAH mais aussi le TDAH chez tout énurétique. Cela
Comorbidités émotionnelles a d’autant plus d’intérêt que l’énurésie chez les enfants TDAH
Les troubles anxieux et dépressifs peuvent précéder, accompa- paraît réfractaire aux traitements habituels de l’énurésie, alors que
gner, ou être la conséquence du TDAH par le biais de la baisse de le traitement par psychostimulants a généralement un effet thé-
l’estime de soi et du rejet par les pairs. rapeutique positif, à la fois sur les symptômes du TDAH et sur
l’énurésie.

Tics et syndrome de Gilles de la Tourette Consommations/addictions


Ils accentuent les difficultés d’adaptation sociale.
L’interprétation de cette comorbidité n’est pas claire : pertur- Écrans et jeux vidéo
bation similaire des fonctions exécutives, même vulnérabilité Les jeux vidéo intéressent tous les enfants, mais les sujets TDAH
génétique ? Le traitement en est difficile, avec la nécessaire éva- sont encore plus friands de ces jeux dans lesquels ils obtiennent
luation des bénéfices/risques réciproques. les récompenses dont ils sont privés à l’école. Certains auteurs

4 EMC - Traité de Médecine Akos

© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Trouble déficit de l’attention/hyperactivité chez l’enfant : approche médicale  8-0870

ont montré une amélioration des capacités attentionnelles visuo-


spatiales grâce à certains jeux (jeux de visée par exemple), quand
 Traitements
d’autres soulignent l’aspect délétère sur le fonctionnement cog- La multimodalité est le mot-clé de la prise en charge.
nitif. Le niveau de consommation doit dans tous les cas être Sous ce terme, on sous-entend la nécessité d’associer différentes
contrôlé, car à l’adolescence on peut observer des usages excessifs, approches thérapeutiques (médicamenteuses et non médicamen-
proches de comportements addictifs. teuses) chez l’enfant lui-même, au niveau de la famille et auprès
L’attractivité des écrans rend aussi les adolescents TDAH plus de l’école.
vulnérables à certaines pratiques antisociales telles que le cyber
harcèlement.

Substances [9] Médicaments


Le lien entre TDAH et substances psychoactives est très étroit. Psychostimulants
Les sujets TDAH ont une vulnérabilité accrue à la consommation Les données de la littérature sur les psychostimulants sont
de substances : tabac, alcool, cannabis, cocaïne, avec un âge de particulièrement abondantes et il existe des centaines d’essais
début plus précoce. La prévention est donc d’autant plus impor- cliniques, depuis la publication de Bradley en 1937 rappor-
tante. Le traitement du TDAH n’est pas incitatif et certaines études tant l’amélioration comportementale d’enfants traités par une
montrent un effet protecteur. amphétamine, la benzédrine. Grâce à ces études, l’efficacité des
Ce lien important nécessite que le traitement à l’adolescence psychostimulants a été démontrée : 65 à 75 % des patients trai-
s’entoure de précautions particulières dans la gestion des médica- tés par le produit actif ont été améliorés alors que seuls 4 à
ments. 30 % des patients ayant reçu le placebo l’ont été. Différents
psychostimulants ou préparations ont été étudiés au niveau inter-
[10]
Obésité et surpoids national, mais en France, on ne dispose que du méthylphénidate.
Il n’est pas nouveau de dire que le TDAH est un facteur de risque Le méthylphénidate est un stimulant du système nerveux cen-
de surpoids et d’obésité, par la voie de l’impulsivité. La méta- tral qui augmenterait la concentration de la dopamine et de la
analyse de Cortese et al. confirme l’association significative entre noradrénaline dans la fente synaptique. L’efficacité clinique ne
TDAH et surpoids/obésité, sans que les mécanismes ne soient vrai- paraît pas corrélée aux taux plasmatiques, très variables d’un
ment élucidés, et, en parallèle, fait remarquer qu’une population enfant à l’autre pour une même dose et donc sans intérêt pour
de patients TDAH ont un poids insuffisant. la conduite pratique du traitement. Le méthylphénidate a obtenu
l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en France dans la
[11] seule indication « Trouble déficitaire de l’attention avec hyper-
Troubles du spectre autistique (TSA) activité chez l’enfant de plus de 6 ans, sans limite supérieure
Trente à 80 % des patients TSA auraient les critères du TDAH, d’âge ». L’efficacité sur les symptômes de déficit attentionnel,
et chez 20 à 50 % des TDAH on trouverait les critères du TSA. d’hyperactivité et d’impulsivité a été mise en évidence chez les
Ce recouvrement sémiologique est connu depuis de nombreuses enfants de 7 à 12 ans, sans différence entre les sexes. Les effets spé-
années mais c’est seulement depuis la publication du DSM-5 que cifiques du méthylphénidate, documentés chez les répondeurs,
le double diagnostic est reconnu. On s’interroge sur sa signifi- sont observés dans les trois domaines : moteurs, sociaux et cogni-
cation : s’agit-il de deux syndromes distincts co-occurrents ou tifs.
s’agit-il de deux variantes phénotypiques d’un seul trouble ? Cette De plus, non seulement il n’y a pas aggravation, mais il y a
association impacte évidemment fortement le pronostic. amélioration des symptômes associés tels que les troubles anxieux
et l’irritabilité [12, 13] .
En pratique clinique La prescription et la délivrance en France ont été très précisé-
ment limitées par l’AMM. La prescription initiale est hospitalière,
Il n’est pas rare que le diagnostic différentiel entre TDAH, réservée aux seuls services spécialisés de psychiatrie, neurologie
diagnostic principal avec comorbidité associée, versus autre et pédiatrie. Cette prescription doit être effectuée sur une ordon-
pathologie psychiatrique (dépression, trouble anxieux, etc.), diag- nance sécurisée car le méthylphénidate figure dans le groupe des
nostic principal avec trouble attentionnel associé, puisse être stupéfiants ; elle a une validité d’un an. Dans la période intermé-
difficile à faire, sans oublier que certaines pathologies comme diaire entre deux prescriptions hospitalières, les renouvellements,
l’épilepsie peuvent entraîner des troubles attentionnels et com- tous les 28 jours, peuvent être effectués par tout docteur en méde-
portementaux, de même que certains médicaments (corticoïdes, cine. La délivrance se fait en pharmacie d’officine (le nom de la
bronchodilatateurs par exemple). pharmacie doit être mentionné sur les ordonnances) sur présenta-
tion de la prescription hospitalière (renouvelée tous les 28 jours),
ou sur présentation de la prescription du médecin traitant, accom-
 Facteurs déterminants pagnée de la prescription hospitalière datant de moins d’un an.
La prescription de méthylphénidate doit être rigoureuse mais
Le TDAH est un trouble multifactoriel : il n’y a pas de cause aussi s’adapter aux conditions de vie familiale et sociale de
identifiée au TDAH qui est actuellement conçu comme résultant l’enfant.
d’une combinaison d’influences génétiques et environnemen- Lorsqu’on décide d’instaurer un traitement par le méthylphé-
tales. L’étiologie est multifactorielle avec des facteurs de risque nidate, il faut, pour en apprécier l’efficacité, choisir les cibles
précoces, sur lesquels vont interagir les trajectoires de dévelop- paraissant les plus significatives pour chaque enfant et étudier
pement. Dans le domaine génétique, on constate à la fois une leur évolution. Le traitement, quand il est efficace, révèle cette
forte héritabilité, estimée à 75 %, et un effet faible de variants efficacité rapidement ; il n’est pas rare que les enseignants et les
génétiques. parents « voient une différence » en moins d’une semaine, par-
Les facteurs environnementaux précoces sont nombreux : fac- fois dès le premier jour. À l’inverse, il faut se donner quelques
teurs pré- et périnataux (consommations de toxiques, d’alcool, semaines de traitement à doses optimales avant de déclarer le trai-
tabac, exposition à un stress, toxémie gravidique, mauvaise tement inefficace. La durée du traitement ne peut être annoncée
santé ou âge avancé de la mère, détresse fœtale, petit poids de au départ.
naissance), facteurs toxiques (plomb, pesticides), facteurs psycho- Il existe plusieurs formes galéniques de méthylphénidate :
• la forme à libération immédiate (Ritaline 10 mg) dont la
®
sociaux (adversité sociale, détresse parentale, dysfonctionnement
familial). Mais au-delà de la non-spécificité de ces facteurs, il faut concentration sérique maximale est atteinte en une à deux
souligner le poids des interactions gènes/environnement, et la heures et diminue de moitié deux heures plus tard ; ses effets
variabilité de l’expression de la symptomatologie en fonction du cliniques sont maximaux au pic de concentration puis dimi-
développement de l’enfant, mais aussi d’effets génétiques additifs nuent progressivement. Le délai d’action est de 20 à 60 minutes
et d’interactions gène-gène et gène-environnement. et la durée de l’effet thérapeutique est de trois à six heures après

EMC - Traité de Médecine Akos 5


© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
8-0870  Trouble déficit de l’attention/hyperactivité chez l’enfant : approche médicale

une prise unique. L’administration du traitement est établie Tolérance. Globalement le méthylphénidate est bien toléré et
de façon progressive, avec une posologie d’un demi-comprimé les effets indésirables peu importants.
matin et midi. Les doses sont augmentées progressivement Les effets les plus fréquents sont des troubles d’endormissement
jusqu’à atteindre une posologie comprise entre 0,5 et 1,5 mg/kg qui se produisent surtout en début de traitement. La diminution
par jour, sans dépasser 60 mg/j. Outre les prises du matin et de la dose et la non-prescription du méthylphénidate après 17 h 00
du midi, une troisième prise est recommandée à la sortie de permettent de contrôler sans difficulté ces phénomènes. La pres-
l’école pour accomplir les activités de loisir, le travail scolaire, les cription de mélatonine peut aider à l’endormissement. D’autres
rééducations et autres tâches à réaliser avant le dîner. Il est tou- troubles peuvent être constatés en début de traitement, tels que
tefois souhaitable que cette ultime prise ne soit pas administrée la diminution de l’appétit avec ou sans perte de poids, des dou-
au-delà de 17 heures ; leurs abdominales, parfois nausées et sécheresse de la bouche. Ces
• pour éviter la répétition des prises, des formes de plus longue troubles sont généralement transitoires et bénins et ne nécessitent
®
durée d’action ont été mises au point : la Ritaline LP d’une pas l’arrêt du traitement.
durée d’action de huit heures. Elle mime la double prise à Les autres effets indésirables sont moins fréquents : cépha-
®
quatre heures d’intervalle de la Ritaline LI avec des fluctua- lées, somnolence, vertiges, dyskinésies aiguës occasionnellement,
tions journalières des concentrations plasmatiques moindres. et rarement des difficultés d’accommodation et un flou visuel.
Elle se prescrit après l’optimisation de la posologie de méthyl- Les crises épileptiques sont exceptionnelles et les études n’ont
phénidate à libération immédiate. Il existe quatre posologies : pas montré de diminution du niveau du seuil épileptogène sous
®
Ritaline LP 10, 20, 30 et 40 mg ; méthylphénidate. Le traitement n’est pas contre-indiqué en cas
• le Quasym LP, en gélule à libération modifiée, qui libère de
®
d’épilepsie si le traitement antiépileptique est équilibré.
façon immédiate une dose de 30 % et de manière prolongée De façon exceptionnelle, ont été décrites des psychoses toxiques
70 %, a une durée totale d’action d’environ huit heures. Les avec hallucinations. Une dysphorie passagère peut s’observer,
gélules sont dosées à 10, 20 et 30 mg. Il peut être prescrit en mais l’apparition d’un état dépressif est d’interprétation difficile
première intention ; car la comorbidité dépressive n’est pas rare dans le TDAH et il
• le Medikinet , en gélule à libération modifiée, existe en cinq
®
ne faut pas imputer systématiquement tout épisode dépressif au
dosages : 5, 10, 20, 30 et 40 mg ; il est constitué d’un compo- traitement.
sant à libération immédiate (50 % de la dose) et d’un composant Dans le domaine cardiovasculaire [14] , on a décrit des pal-
à libération modifiée (50 %), avec une durée totale de huit pitations, des variations de la tension artérielle (hypertension
heures ; modérée) et des tachycardies, exceptionnellement des troubles
• le Concerta a une durée d’action de 12 heures et il a été conçu
®
plus graves chez des sujets vulnérables.
pour générer un profil cinétique ascendant avec une prise quo- Des éruptions cutanées, des prurits urticariens ont été signalés
tidienne unique. Le Concerta peut être prescrit en première ainsi que quelques cas isolés de purpura thrombopénique ou de
intention. Il existe trois posologies : 18, 36 et 54 mg. dermatites avec érythème polymorphe. De rares cas de leucopénie,
En France, les contre-indications au méthylphénidate, figurant thrombopénie et anémie ont été décrits.
sur le dictionnaire Vidal, sont les suivantes : hypersensibilité au Le retentissement sur la croissance est un sujet débattu depuis
méthylphénidate, manifestations d’angoisse, manifestations psy- longtemps. En effet, certains patients traités semblaient présen-
chotiques, affections cardiovasculaires sévères, hyperthyroïdie, ter un retard temporaire de croissance avec rattrapage en fin
glaucome, grossesse, allaitement ou jeune fille en âge de pro- d’adolescence. Les dernières études à long terme montrent qu’il
créer, traitement par inhibiteurs de monoamine oxydase (IMAO) n’y a pas de retentissement du traitement sur la taille à l’âge adulte.
non sélectifs, antécédents personnels ou familiaux d’abus de sub- La Cochrane revue [15] avec méta-analyses et analyses
stances, antécédents personnels et/ou familiaux de tics moteurs et séquentielles des essais cliniques randomisés confirme que le
maladie de Gilles de la Tourette, enfants de moins de 6 ans. Cer- méthylphénidate améliore les symptômes de TDAH observés par
taines de ces contre-indications ne sont pas reconnues au niveau les professeurs et le comportement général, ainsi que la qualité
international. de vie rapportée par les parents. Cette revue confirme l’existence
L’utilisation du méthylphénidate chez les patients atteints d’effets indésirables bénins (diminution de l’appétit et difficultés
de tics chroniques ou de maladie de Gilles de la Tourette est de sommeil), mais l’absence d’une majoration de risque d’effets
controversée : il est recommandé en fait d’apprécier la balance indésirables graves.
bénéfice/risque selon l’intensité du trouble « hyperactivité » et du Le risque suicidaire, éventuellement induit par le méthylphé-
trouble « tics » et il faut instituer une surveillance en informant nidate a longtemps fait débat ; l’étude de Mann et al. [16] sur une
les parents de l’état actuel des connaissances sur ce point. très importante population montre une augmentation du risque
suicidaire avant le traitement, au début de celui-ci, puis un retour
à la ligne de base, ce qui confirme le rôle protecteur du traitement.
Cas particuliers
À l’adolescence. Le méthylphénidate a sur les symptômes Autres molécules
cognitifs et comportementaux de l’adolescent une efficacité
comparable à celle chez les enfants d’âge scolaire. En pratique, les L’atomoxétine, bien qu’ayant obtenu l’AMM, n’a pas été ins-
patients répondeurs durant l’enfance peuvent poursuivre le même crite sur la liste des médicaments remboursables. Elle n’est pas
traitement à la puberté et au-delà s’ils ont conservé des symptômes commercialisée en France.
gênants de TDAH, et les adolescents nouvellement diagnostiqués
peuvent aussi bénéficier du traitement. À cette période de la vie,
les difficultés d’observance sont plus importantes et il existe une
Traitements non médicamenteux
augmentation de la prévalence de la dysphorie. Le risque de més- Les propositions thérapeutiques non médicamenteuses sont
usage nécessite une surveillance particulière, et fait conseiller (à aujourd’hui variées et ciblent de plus en plus précisément les dif-
défaut de molécules non psychostimulantes, non disponibles en ficultés de l’enfant TDAH. Mais même si ces méthodes ont fait
®
France), la prescription de Concerta . l’objet d’évaluations, de grandes études qui démontreraient leur
On doit également être vigilant dans la population adolescente, véritable efficacité et les indications de chacune dans tel ou tel
au risque d’utilisation « non médicale » du méthylphénidate : cer- sous-groupe de patients manquent encore.
tains adolescents non TDAH recherchent des prescriptions pour
un usage de type dopage en période d’examens. Psychoéducation et approches cognitives
Week-ends et vacances. La suspension du traitement pen-
dant les week-ends n’est plus recommandée. La pratique de et comportementales
vacances thérapeutiques est une question souvent soulevée. Une La psychoéducation se définit par l’information et l’éducation
étude récente montre que 25 à 70 % des familles les pratiquent, et des parents et de l’enfant en fonction de son âge.
qu’elles sont utiles pour améliorer l’appétit, le sommeil, et pour Pour les parents, il s’agit de consultations classiques ou de
réévaluer l’intérêt de la prescription. programmes spécifiques. Le but est de permettre aux parents

6 EMC - Traité de Médecine Akos

© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Trouble déficit de l’attention/hyperactivité chez l’enfant : approche médicale  8-0870

d’améliorer leurs compétences parentales. L’approche proposée Sous ce terme, on sous-entend la nécessité d’associer diffé-
par Barkley est la plus connue. Ce programme s’adresse spéci- rentes approches thérapeutiques chez l’enfant lui-même, mais
fiquement aux parents d’enfants TDAH soit en individuel, soit aussi d’inclure des moyens d’action au niveau de la famille et de
en groupe de six à huit familles à raison de dix séances de l’école. Le traitement pour un enfant donné doit être individua-
90 minutes bimensuelles. L’objectif du programme est d’entraîner lisé avec au minimum une guidance psycho-éducative de l’enfant
les parents à faire face aux situations difficiles qu’ils rencontrent, et de sa famille et des aménagements scolaires.
de leur apprendre des stratégies de contrôle efficaces, cohérentes Pour l’enfant d’âge préscolaire, non seulement le méthyl-
et adaptées au comportement déviant de leur enfant, stratégies phénidate n’a pas l’indication en France, mais les études
qui vont permettre de diminuer l’intensité des manifestations et internationales ont montré que les moyens non pharmacolo-
leurs répercussions au sein de la famille. giques sont d’efficacité supérieure dans cette tranche d’âge.
Pour l’enfant, il existe aussi des programmes de psychoéduca- S’il y a prescription, le clinicien doit évaluer les capacités
tion et d’autres programmes qui visent à réguler l’impulsivité, les d’observance du patient et de sa famille : une pleine et entière
émotions et les colères. Certains entraînent aux habiletés sociales, coopération des parents, du patient, de l’école et des autres inter-
d’autres encore ciblent les fonctions attentionnelles et métacog- venants prenant soin de l’enfant doit être obtenue.
nitives. L’ensemble de la prise en charge est au mieux suivi et coor-
Des thérapies comportementales et cognitives peuvent être donné par le médecin de l’enfant qui, de plus, s’il y a médication,
adjointes pour traiter les comorbidités telles que les troubles renouvelle les prescriptions.
anxieux, les troubles dépressifs et les troubles du spectre autis-
tique.

Remédiations cognitives [17, 18]


“ Point fort
Les techniques d’entraînement cognitif reposent sur la répé-
tition d’exercices, essentiellement sur supports informatisés. • Le TDAH associe à des degrés variables hyperactivité,
Certains, unifactoriels, visent une seule fonction telle la mémoire impulsivité et inattention, mais c’est le trouble attentionnel
de travail, d’autres s’adressent à plusieurs fonctions avec diffé- qui est le symptôme le plus durable et le plus invalidant.
rents niveaux de difficultés. Après une séance de formation, les • Le TDAH ne se limite pas à l’enfance, il persiste à
séances ont lieu le plus souvent à domicile : sous la supervision
des parents, l’enfant s’entraîne cinq jours par semaine pendant l’adolescence, et même à l’âge adulte.
plusieurs semaines, lors de séances de 30 à 45 minutes. • L’absence de prise en charge expose à diverses
Les techniques de neurofeedback [19] visent à accroître l’aptitude complications ; échec et exclusion scolaire, trouble des
de l’enfant à réguler sa propre activité cérébrale captée par conduites, consommation précoce de toxiques (tabac,
électroencéphalogramme (EEG), après retour d’information. Un alcool, drogues) et conduites de risque.
protocole européen évalue actuellement l’efficacité de cette tech- • Le méthylphénidate est le seul médicament actuelle-
nique. ment reconnu et autorisé en France dans cette indication,
Les classes virtuelles, utilisées parfois pour les évaluations, à partir de 6 ans.
peuvent aussi être proposées dans un but d’entraînement cognitif. • La durée du traitement médicamenteux ne peut être
annoncée au départ ; elle se compte généralement en
Rééducations années. La réévaluation périodique de l’indication théra-
La rééducation orthophonique est indiquée en cas de comorbi- peutique est nécessaire, au moins une fois par an.
dité avec un trouble spécifique du langage oral et/ou écrit, mais • D’autres techniques thérapeutiques sont en cours
elle peut aussi être proposée pour améliorer les capacités atten- d’évaluation, en particulier dans le domaine des entraî-
tionnelles et les stratégies exécutives. nements cognitifs.
La rééducation en psychomotricité a pour but à la fois de traiter
les troubles comorbides tels que les troubles de la coordination
et du graphisme, mais peut aussi intervenir sur les fonctions cog-
nitives (attentionnelles, exécutives, mnésiques), l’impulsivité, le
contrôle du corps et la gestion du temps.
Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts
Aménagements pédagogiques en relation avec cet article.
Par l’intermédiaire des parents, les enseignants doivent être sen-
sibilisés aux difficultés spécifiques liées au déficit attentionnel, et
des aménagements doivent être mis en place : mettre l’enfant loin  Références
de toute distraction et près de l’enseignant ou près d’un enfant
calme et attentif, répéter les énoncés, donner du temps supplé- [1] Classification internationale des troubles mentaux et des troubles
mentaire, encourager et valoriser tout ce qui est positif, mettre en du comportement CIM10/ICD10. Critères diagnostiques pour la
place une fiche d’autoévaluation du comportement, etc. recherche. Organisation mondiale de la santé. Paris: Masson;
Il est souvent utile de mettre en place, au sein de l’établissement 1994.
scolaire, un plan d’accompagnement personnalisé (PAP) pour [2] American Psychiatric Association. Manuel diagnostique et statistique
aménagements pédagogiques et des évaluations. des troubles mentaux. Paris: Elsevier Masson; 2015.
Dans les formes sévères, il peut être nécessaire de faire établir un [3] Haute Autorité de santé (HAS) : RCP. Conduite à tenir en médecine de
projet personnalisé de scolarisation (PPS) avec dossier de recon- premier recours devant un enfant ou un adolescent susceptible d’avoir
naissance du handicap auprès de la maison départementale des un trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, décembre
personnes handicapées (MDPH). 2014.
[4] Bouvard M, Le Heuzey MF, Mouren MC. L’hyperactivité, de l’enfance
à l’âge adulte. Paris: Doin; 2006.
Mesures diététiques
[5] Riddle MA, Yershova K, Lazzaretto D, Paykina N, Yenokyan G,
De nombreuses tentatives sont faites pour améliorer de façon Greenhill L, et al. The preschool attention-deficit/hyperactivity disor-
naturelle le TDAH (éliminer certains colorants, agents de conser- der treatment study (PATS) 6 years follow-up. J Am Acad Child Adolesc
vation ou arômes artificiels, diminuer le sucre). Parmi toutes ces Psychiatry 2013;52:264–78.
tentatives très controversées, seule la supplémentation en oméga 3 [6] Le Heuzey MF. L’adolescent hyperactif. Paris: Odile Jacob; 2013.
aurait un léger effet. [7] Conners CK. Rating scales in ADHD disorder: use in assessment and
Au final, la multimodalité est le mot-clé de la prise en charge. treatment. J Clin Psychiatry 1998;59(Suppl. 7):24–30.

EMC - Traité de Médecine Akos 7


© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
8-0870  Trouble déficit de l’attention/hyperactivité chez l’enfant : approche médicale

[8] DuPaul GJ, Power TS, Anastopoulos AD, Reid R. ADHD Rating scale [14] Bange F, Le Heuzey MF, Acquaviva E, Delorme R, Mouren MC.
IV checklist, norms and clinical interpretation. New York: The Guilford Risques cardiovasculaires et conduite à tenir dans le traitement du
Press; 1998. trouble déficit de l’attention/hyperactivité avec le méthylphénidate.
[9] Purgato M, Cortese S. Does psychostimulant treatment in children Arch Pediatr 2014;21:108–12.
with ADHD increase later risk of substance use disorder? Epidemiol [15] Storebo OJ, Krogh HB, Ramstad E, Moreira-Maia CR, Holmskov
Psychiatr Sci 2014;23:133–5. M, Skoog M, et al. Methylphenidate for attention-deficit/hyperactivity
[10] Cortese S, Moreira-Maia CR, St Fleur D, Morcillo-Penalver C, disorder in children and adolescents: Cochrane systematic review with
Rohde LA, Faraone SV. Association between ADHD and obesity: meta-analyses and trial sequential analyses of randomised clinical
a systematic review and meta-analysis. Am J Psychiatry 2016;173: trials. Br Med J 2015;351:h5203.
34–43. [16] Mann KK, Coghill D, Chan EW, Lau WC, Hollis C. Association of risk
[11] Martin J, Cooper M, Hamshere ML, Pocklington A, Scherer SW, Kent of suicide attempts with methylphenidate treatment. JAMA Psychiatry
L, et al. Biological overlap of attention deficit/hyperactivity disorder 2017;74:1048–55.
and autism spectrum disorder: evidence from copy number variants. J [17] Cortese S, Ferrin M, Brandeis D, Buitelaar J, Daley D, Dittmann
Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2014;53:761–70. RW, et al. Cognitive training for attention-deficit: hyperactivity disor-
[12] Fernandez de la Cruz L, Simonoff E, McGough JJ, Halperin JM, der: meta-analysis of clinical and neuropsychological outcomes from
Arnold LE, Stringaris A. Treatment of children with attention- randomized controlled trials. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry
deficit/hyperactivity disorder (ADHD) and irritability: results from the 2015;54:164–74.
multimodal treatment study of children with ADHD (MTA). J Am Acad [18] Sonuga-Barke E, Brandeis D, Holtmann M, Cortese S. Computer-
Child Adolesc Psychiatry 2015;54:62–70. based cognitive training for ADHD: a review of current evidence. Child
[13] Coughin CG, Cohen SC, Mulqueen JM, Ferracioli-Oda E, Stuckeleman Adolesc Psychiatr Clin N Am 2014;23:807–24.
ZD, Bloch MH. Meta-analysis: reduced risk of anxiety with psy- [19] Holtman M, Sonuga-Barke E, Cortese S, Brandeis D. Neurofeedback
chostimulant treatment in children with attention-deficit/hyperactivity for ADHD: a review of current evidence. Child Adolesc Psychiatr Clin
disorder. J Child Adolesc Psychopharmacol 2015;25:611–7. N Am 2014;23:789–806.

M.-F. Le Heuzey (mfleheu@gmail.com).


Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Hopital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Le Heuzey MF. Trouble déficit de l’attention/hyperactivité chez l’enfant : approche médicale. EMC - Traité
de Médecine Akos 2018;13(4):1-8 [Article 8-0870].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

8 EMC - Traité de Médecine Akos

© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Cet article comporte également le contenu multimédia suivant, accessible en ligne sur em-consulte.com et
em-premium.com :

1 autoévaluation
Cliquez ici

© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 02/10/2019 par UNIVERSITE VICTOR SEGALEN BORDEAUX (14200). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.

Vous aimerez peut-être aussi