Charlie Hebdo Devant La Justice

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Charlie Hebdo devant la justice : le procès des

caricatures de Mahomet

Introduction : Le vendredi 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur


d’histoire-géographie de Conflans-Saint-Honorine, était sauvagement assassiné
aux abords du collège où il exerçait, quelques jours après avoir montré à ses
élèves les caricatures de Mahomet publiées en 2006 par Charlie Hebdo. Suite à
ce drame qui a bouleversé la société française, j’ai décidé de m’intéresser de
plus près à ces dessins qui ont provoqué la colère de parents d’élèves puis le
passage à l’acte. J’ai trouvé cette thématique très importante d’autant plus que je
suis passionné par le monde du droit et de la justice et souhaiterais m’orienter
dans cette direction.
Résumé des évènements : En 2003, un auteur pour enfants danois se plaint de
ne trouver aucun dessinateur pour illustrer un livre sur la vie de Mahomet. Suite
à cela, le Jyllands-Posten, quotidien danois, publie 12 images du prophète dans
un article consacré à la liberté de la presse. Pressé par 50 pays arabes de
s’excuser, le gouvernement danois refuse. Le 1er février 2006, France Soir
décide de publier ces caricatures. Le lendemain, son directeur est limogé. Une
semaine plus tard, Charlie Hebdo publie à son tour ces dessins, puis des
journaux tels Le Monde et L’Express rallient le mouvement. Mais le 9 février,
c’est le journal satirique que la Mosquée de Paris attaque en justice pour « injure
publique à l’égard d’un groupe de personnes à raison de leur religion ».
Problématique : En quoi le procès des caricatures de Mahomet a-t-il eu un fort
retentissement et a-t-il permis de réaffirmer la liberté d’expression ?

I- UN PROCES D’ENVERGURE NATIONALE ET


INTERNATIONALE

En août, l’UOIF et la Ligue Islamique Mondiale se joignent à la plainte de la


Mosquée de Paris. 2 dessins sont attaqués (sur diapo : Mahomet avec une bombe
dans le turban et 4 terroristes se présentant au prophète au paradis, lequel leur
dit : « Stop, nous avons épuisé le stock de vierges ») auxquels s’ajoute la une
(sur diapo : Mahomet pleure d’être « débordé par les intégristes » qu’il traite de
« cons »). Charlie Hebdo comparaît les 7 et 8 février 2007 devant le tribunal
correctionnel de Paris.
On peut dire que ce procès demeure de grande envergure car il évoque des
enjeux colossaux ; politiques (des politiques ayant pris parti pour le journal
satirique à quelques mois de la présidentielle ; exemple : Serge Dassaut a vendu
L’Express après publication par ce journal des caricatures) ; enjeux
diplomatiques (la France a de nombreux contrats (rafales notamment) avec les
pays arabes) ; historiques (la République doit-elle reculer sur la liberté
d’expression ? ; la décision du tribunal allait aussi décider de l’avenir de la
liberté de la presse) ; et religieux (pour les musulmans laïcs qui veulent faire
partie de la démocratie et refusent le détournement à des fins violentes que font
les intégristes ; des pressions ont été exercées sur les témoins musulmans ;
exemple de Soheib Bencheick, grand mufti de Marseille, menacé de destitution
par les autorités musulmanes).
Il a à la fois une dimension nationale et internationale (si la décision judiciaire
penchait en faveur de Charlie, ce serait également soutenir les journalistes
danois, désavoués par les autorités européennes).

II- DES DEBATS CITOYENS AU CŒUR DU PROCES : LA


LAÏCITE ET LA LIBERTE D’EXPRESSION

Si ce procès a aussi un fort retentissement, c’est aussi parce qu’il rouvre/aborde


de nombreux débats, dont celui sur la liberté d’expression. La liberté
d’expression est un droit pour tous en France, garanti par la Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen. Il signifie que chacun peut exprimer ses
opinions et ses idées. La loi française fait la différence entre la critique des
individus et des pensées. L’incitation à la haine ou la profération d’injures contre
des gens en raison de leur appartenance religieuse est condamnée/condamnable.
En revanche, le blasphème, la critique des croyances, idéologies et des religions
sont libres et non réprimées par le droit français. Or, la volonté de Cabu et de
Charlie Hebdo n’était pas de représenter dans ces dessins un ensemble de
croyants mais de critiquer les dérives de l’Islam fondamentaliste.
Est aussi abordée dans ce procès le débat sur la laïcité. Depuis la loi de 1905, la
France est une République laïque, qui sépare la loi et la foi, où chacun exerce le
culte qu’il souhaite mais où tous les croyants acceptent que la liberté de parole
puisse se déployer, y compris lorsqu’elle porte atteinte à ce qu’ils ont de plus
précieux. Ainsi, la religion catholique, beaucoup critiquée à cause de
l’Inquisition ou des croisades, a longtemps été la cible privilégiée de Charlie
Hebdo.
La laïcité est une spécificité française et la liberté d’expression est un droit
typiquement européen. Des libertés nées en Occident. Ainsi, plusieurs journaux
du monde arabo-musulman ayant publié ces caricatures ont été censurés et des
journalistes arrêtés et jetés en prison.

Conclusion : Parce qu’il évoque des thématiques essentielles dans notre


sociétés, de la liberté d’expression au racisme, de la laïcité au blasphème, parce
qu’il rend compte des fondamentaux de la République, par l’ampleur des intérêts
qui étaient en jeu et les nombreux rebondissements qui ont eu lieu, le procès de
2007 des caricatures de Mahomet a eu une forte résonnance dans la société
française. La décision du tribunal de relaxer le journal a permis de réaffirmer la
liberté d’expression et de la presse, chiens de garde de la démocratie. Cependant,
ces libertés restent menacées en France. Ainsi, le 7 janvier 2015, des islamistes
n’ont pas hésité à recourir à un attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo,
coûtant la vie à douze personnes, dont Cabu, auteur de ces dessins. Mila, une
adolescente de 16 ans, vit actuellement sous protection policière après avoir tenu
des propos sur l’Islam.

Annexes :
Caricature : dessin qui, par le trait, le choix des détails, accentue ou révèle
certains aspects ridicules ou déplaisants. Très utilisé par la presse depuis le
XIXème siècle, le droit de caricaturer est une des composantes de la liberté
d’expression.
Intégriste : personne qui refuse que les textes soient commentés et qui souhaite
que le dogme soit figé et que la religion ait autant de poids que le politique
Liberté de la presse : liberté fondamentale inscrite dans la Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen, elle autorise les journalistes de pouvoir
enquêter et informer librement sur tous les sujets.
Mahomet : chef politique, religieux et militaire arabe au VIIème siècle. Il est le
prophète de la religion musulmane.
Mosquée de Paris : Plus ancienne mosquée de France métropolitaine, située
dans le VIème arrondissement de Paris.
Plaignants : Mosquée de Paris (recteur : Dalil Boubakeur) - Union des
Organisations de l’Islam de France – Ligue Islamique Mondiale
Francis Szpiner (avocat) ; Guillaume Bigot (avocat)
Inculpés : rédaction de Charlie Hebdo (directeur : Philippe Val)
Richard Malka (avocat) ; Georges Kiejman (avocat)
Objet de la plainte : « injure publique à l’égard d’un groupe de personnes à
raison de leur religion » (livre IV du Code pénal)
Témoins (en faveur de Charlie Hebdo) : Fleming Rose (directeur
Jyllands-Posten) ; Antoine Sfeir (directeur Cahiers d’Orient) ; François
Hollande (dirigeant du PS) ; Denis Jeambar (directeur L’Express) ; Elisabeth
Badinter (philosophe) ; Mehdi Mozafari (islamologue, député danois) ; Caroline
Fourest (essayiste) ; Mohamed Sifaoui (écrivain, réalisateur) ; Claude
Lanzmann (cinéaste) ; Daniel Leconte (journaliste, producteur de cinéma) ;
François Bayrou (candidat UDF à la présidentielle) ; Abdelwahab Meddeb
(écrivain)
Témoin (plaignants) : Michel Lelong (prêtre)
Président du tribunal : Jean-Claude Magendie
Procureur de la République : Anne de Fontette
Jugement du tribunal correctionnel : relaxe : « Les caricatures poursuivies
comme toutes celles qui figurent dans ce numéro de l’hebdomadaire ont par leur
publication participé au débat d’intérêt général sur la liberté d’expression »
L’UOIF et la Ligue Islamique Mondiale ont fait appel de la décision le 22 mars
2007. La Cour d’appel de Paris a confirmé la relaxe du journal.

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