Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Objets en Peaux Ancien Greece
Objets en Peaux Ancien Greece
PLAN DÉTAILLÉ
TEXTE INTÉGRAL
1Tout en passant en revue les objets réalisés (ou parfois supposément réalisés) en peau,
fourrure ou cuir, nous mettrons en avant les qualités de tels matériaux dont les Anciens
ont su tirer parti. Il n’est évidemment pas toujours possible, en raison de la polysémie
des termes et du caractère allusif des textes, de savoir quel degré de traitement ils ont
fait subir à la peau fraîche, mais il est fort probable que, de par leur connaissance
empirique et lorsque c’était possible, ils devaient choisir le matériau le mieux adapté 1,
bien que des critères autres que techniques, comme le coût de la peau en fonction des
traitements qu’elle a subis, aient pu entrer en compte. Par ailleurs, notre classement est
essentiellement thématique plutôt que typologique ou fonctionnel. Ainsi, par exemple,
nous examinerons l’outre non sous une seule rubrique regroupant tous ses usages, mais
dans chacun des domaines où elle est utilisée : l’armement (dans des machines) ;
l’artisanat (en tant que soufflet) ; la médecine (comme coussin ou instrument pour les
lavements) ; le stockage et le transport de liquides (outre « en tant que telle »), etc.
L’armement
2Le cuir est un matériau très utilisé (souvent en association avec d’autres matériaux)
pour la confection d’armes défensives, ainsi qu’en témoigne cet emploi métonymique
chez Homère2, dans une comparaison des bruits du combat avec le fracas des
bûcherons : « de la large terre monte un grand bruit de bronze, de cuir, de peaux de
bœuf travaillées, que heurtent des épées et des lances à deux pointes », ἀπὸ χθονὸς
εὐρυοδείης | χαλκοῦ τε ῥινοῦ τε βοῶ ν τ᾽ εὐποιητάων, | νυσσομένων ξίφεσίν τε καὶ
ἔγχεσιν ἀμφιγύοισιν (Il. 16, 635-637). Ces armes n’ont d’ailleurs, la plupart du temps,
pas été retrouvées en fouille dans la mesure où elles étaient parfois confectionnées
intégralement en matériaux périssables.
3Les auteurs de récits de guerre ou d’ouvrages sur l’art de la guerre insistent également
sur la nécessité d’avoir toujours à portée de main des matériaux comme l’osier, des
peaux, des tentures en tissu qui seront fort utiles à la confection d’armes défensives
(boucliers, écrans de protection…)3 mais sûrement aussi au bon fonctionnement des
chars et machines4. Ce sont bien les paroles que Xénophon prête à Cyrus dans son
discours à ses troupes, tandis qu’il prépare sa campagne imminente ; ses hommes se
doivent d’emmener les objets et artisans nécessaires aux réparations à venir :
« n’oubliez pas non plus les courroies ; car pour les hommes comme pour les chevaux,
une infinité de choses en dépendent ; qu’elles s’usent et cassent, c’est l’inaction forcée,
sauf si l’on en a de rechange », ἔχειν δὲ χρὴ καὶ ἱμάντας· τὰ γὰρ πλεῖστα καὶ ἀνθρώποις
καὶ ἵπποις ἱμᾶσιν ἤρτηται· ὧν κατατριβομένων καὶ ῥηγνυμένων ἀνάγκη ἀργεῖν, ἢν μή
τις ἔχῃ περίζυγα (XEN. Cyr. VI, 2, 32) ; « J’emmènerai encore, avec leurs outils, les
forgerons, les charpentiers, les cordonniers en âge de servir, pour subvenir à tout besoin
qu’on aura dans l’armée de ces corps de métier ; détachés de leur unité combattante, ils
seront, avec une solde, à leur poste, au service de tous », Ἄξω δὲ καὶ τοὺς ἐν τῇ
στρατιωτικῇ ἡλικίᾳ σὺν τοῖς ὀργάνοις χαλκέας τε καὶ τέκτονας καὶ σκυτοτόμους, ὅπως
ἄν τι δέῃ καὶ τοιούτων τεχνῶν ἐν τῇ στρατιᾷ μηδὲν ἐλλείπηται. Οὗτοι δὲ ὁπλοφόρου
μὲν τάξεως ἀπολελύσονται, ἃ δὲ ἐπίστανται, τῷ βουλομένῳ μισθοῦ ὑπηρετοῦ ντες ἐν
τῷ τεταγμένῳ ἔσονται (XEN. Cyr. VI, 2, 37).
4Par ailleurs, en prévision d’un siège, il est recommandé de garder auprès de soi des
animaux dont le lait et la chair seront une source de nourriture, et parce qu’« en outre,
leurs peaux sont utiles pour les ouvrages de charpente, les béliers et les engins
analogues », ἔτι δὲ τὰ δέρματα αὐτῶν πρὸς τὰ μηχανήματα καὶ τοὺς κριοὺς καὶ ὅσα ἐστὶ
τοιαῦτα χρήσιμα γίνεται (PHIL. BYZ. Synt. Méc. V, D64 (= 101, 25-27))5.
Boucliers
5Une des armes défensives rencontrée en grand nombre dans nos sources est le bouclier,
qui revêt plusieurs formes. Il ne s’agit pas ici d’établir la nomenclature ni la
typologie6 de tous les boucliers qu’ont connus les armées des Grecs7 ou de leurs rivaux
dans l’Antiquité, mais d’examiner, à l’aune des textes qui apportent des précisions
techniques plus ou moins détaillées, leur fabrication au cours de laquelle on associait la
plupart du temps plusieurs matériaux, parmi lesquels la peau, sous divers états, trouve
naturellement sa place.
6Le premier de ces boucliers constitués de matériaux multiples est celui du héros grec
Ajax, désigné par le terme sakos et maintes fois décrit dans l’épopée :
[Ajax] rejette en arrière son bouclier à sept peaux. ὄπισθεν δὲ σάκος βάλεν ἑπταβόειον
(Il. 11, 545).
Ajax alors s’approche [d’Hector], portant son bouclier pareil à une tour, son bouclier de
bronze à sept peaux de bovin, que lui a procuré le labeur de Tychios, habile tailleur de
cuir entre tous, dont la demeure est à Hylé. Cet écu scintillant, il l’a fait de sept peaux
de taureaux bien nourris, sur lesquelles, il a, en huitième lieu, étalé une plaque de
bronze.
Αἴας δ’ἐγγύθεν ἦλθε φέρων σάκος ἠύτε πύργον, | χάλκεον ἑπταβόειον, ὅ οἱ Τυχίος κάμε
τεύχων, | σκυτοτόμων ὄχ’ἄριστος. Ὕλῃ ἔνι οἰκία ναίων, | ὅς οἱ ἐποίησεν σάκος αἰόλον
ἑπταβόειον | ταύρων ζατρεφέων, ἐπὶ δ’ὄγδοον ἤλασε χαλκόν (Il. 7, 219-223).
En haut comme en bas, sur [la] nuque [d’Hector] et sur ses talons, bat le cuir noir de la
bande qui court à l’extrême bord de son bouclier bombé.
ἀμφὶ δέ μιν σφυρὰ τύπτε καὶ αὐχένα δέρμα κελαινόν,| ἄντυξ ἣ πυμάτη θέεν ἀσπίδος
ὀμφαλοέσσης (Il. 6, 117-118).
[Hector jette une pierre en direction d’Ajax.] Il en frappe le terrible écu, à sept peaux,
d’Ajax, sur son centre bombé, en plein milieu ; le bronze sonne tout autour.
τῷ βάλεν Αἴαντος δεινὸν σάκος ἑπταβόειον | μέσσον ἐπομφάλιον· περιήχησεν δ’ἄρα
χαλκός (Il. 7, 266-267).
« Tablier » de protection
19On connaît par ailleurs d’après un certain nombre de représentations, essentiellement
sur vases, ce qui ressemble à un rideau de cuir, désigné par le terme de « tablier » dans
la littérature scientifique, accessoire accroché au bord inférieur du bouclier et dont la
fonction était, semble-t-il, de protéger le haut des jambes contre les projectiles. Il a fait
l’objet de deux synthèses en 1986 et en 200424, mais les questions qu’il soulève sont
loin d’avoir été toutes résolues.
20L’accessoire apparaît dans le dernier quart du VIe siècle av. J.-C. dans la peinture sur
vases et sur les sarcophages des ateliers des régions de l’Est (notamment de Clazomènes
et de Milet), ainsi que sur un parallèle lydien. Il est rare dans la céramique attique à
figures noires de la même période : la plus ancienne représentation est celle figurant sur
une amphore à figures noires de la Villa Giulia (vers 540 av. J.-C.)25, et on connaît un
autre exemple bien attesté sur une hydrie datée au plus tard de 525 av. J.-C., conservée à
Munich26. L’objet n’est représenté fréquemment qu’après 490-480 en Grèce de l’Est,
ainsi que sur des lécythes à figures noires et les vases à figures rouges attiques (fig. 10).
Mais surtout, la première occurrence de ce tablier comme élément de la panoplie
hoplitique attique figure sur une coupe à figures rouges d’Apollodoros datée de 490-
48027.
21Le matériau dans lequel il est réalisé n’est pas toujours aisément reconnaissable : il
pourrait s’agir de cuir (identifiable par la représentation de languettes découpées dans la
partie inférieure du rideau ?)28, d’un tissu résistant (aux motifs rayés ou carrelés, ou
comportant en son centre un œil apotropaïque ?)29, ou encore de feutre, étoffe faite de
poils, de chèvre par exemple, agglomérés. Si aucun témoignage archéologique du tablier
ne nous est parvenu du fait qu’il était réalisé en matériau périssable, quelques
représentations semblent attester que ce rideau était fixé au bas du bouclier par des
rivets, sur le périmètre de l’orbe ou sur l’arc de cercle du quart inférieur30, système
d’attache qui pouvait par ailleurs avoir une fonction décorative31.
22La fonction d’un tel rideau était vraisemblablement de renforcer la protection du
guerrier quant aux parties de son corps les plus exposées, notamment les pieds, la région
de l’aine, le haut des cuisses, lorsqu’il levait son bouclier pour s’abriter des traits
ennemis. L’introduction du tablier dans les représentations de l’armement hoplitique
attique vers 490 a conduit certains historiens à conclure que cet accessoire a été utilisé
en Grèce centrale au moment des guerres médiques, comme complément aux cnémides
que portent quasiment toujours les guerriers sur les images, et qu’il a connu alors un
grand succès comme parade aux lèches des archers perses, voire qu’il a été une des
raisons principales du succès des troupes grecques depuis la bataille de Marathon32.
Armes de jet
Fronde
43Le corps des frondeurs (σφενδονῆται)64, bien que présent régulièrement au combat
depuis le Ve siècle, est rarement représenté sur les vases en raison de la symbolique
négative dont est entachée l’arme de jet qu’ils utilisent, faite pour la chasse65 : les
frondeurs représentés à l’époque classique renvoient soit à un contre-modèle hoplitique
(de par leur semi-nudité, leur absence d’équipement défensif), soit à une figure de
l’altérité (le barbare, l’amazone)66.
44S’il est indubitable que le cuir était utilisé comme aujourd’hui pour la fabrication des
frondes, ce qui est parfois aisément identifiable sur les images en raison du jeu des
couleurs qui traduit en peinture les différents matériaux, un seul texte à notre
connaissance mentionne explicitement le matériau et fournit un détail technique non
négligeable. Une épigramme d’Antipater de Sidon (IIe siècle av. J.-C.) met en scène un
homme qui tâche d’écarter les oiseaux venant picorer les semailles de ses champs,
« tendant les bras, les bretelles tressé(e)s, flexibles de sa fronde en cuir », ῥινοῦ
χερμαστῆρος ἐΰστροφα κῶλα τιταίνων (A.P. VII, 172). Notons que le texte est ambigu,
dans la mesure où l’expression ῥινοῦ χερμαστῆρος κῶλα (mot à mot « les membres de
son cuir lanceur de pierres »), qui désigne ainsi les « bras » ou les « bretelles », est
qualifiée par le terme ἐΰστροφα, « qui tournent bien », c’est-à-dire « flexibles,
souples », ou « qui sont bien tournés », autrement dit « bien tressés »67. Malgré les
différentes traductions possibles de l’expression, c’est la détente de la fronde qui est
mise en avant68 dans le processus du jet, quelle qu’en soit la cause, torsion du cuir ou
flexibilité du matériau. Certaines représentations attiques du Ve siècle figurent ainsi les
frondeurs en position de tir, tendant les lanières de leur fronde d’une main et maintenant
de l’autre le projectile dans la poche69.
Javelot à courroie
45Si l’Iliade ne mentionne pas explicitement l’existence d’une courroie fixée au javelot,
le geste de Sarpédon ou d’Ajax est suffisamment clair : une fois l’ennemi atteint, le
guerrier « ramène l’arme » à lui70. Ce dispositif permettant de récupérer à distance son
arme, mais aussi d’en faciliter le jet et d’en accroître la portée, consiste
vraisemblablement en une courroie fixée en son milieu. Strabon la désigne par le terme
ἀγκύλη lorsqu’il évoque une arme de jet propre aux Gaulois qui « se lance de la main
sans courroie de propulsion71 », ἐκ χειρὸς οὐκ ἐξ ἀγκύλης ἀφιέμενον (STR. IV, 4, 3).
Mais le mot renvoie aussi par métonymie au « javelot (à courroie) » lui-même, comme
en atteste un passage d’Euripide (EUR. Or. 1476). Ce dernier recourt toutefois plus
fréquemment au mot μεσάγκυλον dans des énumérations d’armes de jet
(EUR. Phén. 1141 : cité à côté des flèches, frondes et pierres ; EUR. Andr. 1133 : avec
traits, flèches et piques à double pointe), mais, dans le détail, l’objet a été diversement
compris par les gloses tardives72. Seule une forme verbale com posée apparaît chez
Xénophon, dans deux passages où les lanceurs grecs doivent se tenir prêts à utiliser
leurs armes, ce qui revient pour les akontistes et les peltastes à tenir la courroie du
javelot en main :
Les gens de traits avec la courroie du javelot dans la main, les archers avec la flèche sur
la corde.
διηγκυλωμένους τοὺς ἀκοντιστὰς καὶ ἐπιβεβλημένους τοὺς τοξότας (XEN. An. IV, 3,
28).
[Xénophon] commanda à tous les peltastes d’avancer, la courroie du javelot en main de
façon à pouvoir le lancer au premier signal, aux archers de tenir la flèche sur la corde,
aux gymnètes d’avoir leurs sacs remplis de pierres.
ὃ δὲ τοῖς πελτασταῖς πᾶσι παρήγγειλε διηγκυλωμένοις ἰέναι, ὡς ὁπόταν σημήνῃ
ἀκοντίζειν, καὶ τοὺς τοξότας ἐπιβεβλῆσθαι ἐπὶ ταῖς νευραῖς, ὡς ὁπόταν σημήνῃ
τοξεύειν δεῆσον, καὶ τοὺς γυμνῆτας λίθων ἔχειν μεστὰς τὰς διφθέρας (XEN. An. V, 2,
12).
46Lucien n’oublie pas l’image, lorsqu’il montre un Zeus en colère et menaçant,
brandissant son foudre à courroie pour le lancer contre Cyniscos qui met en doute la
supériorité des dieux : « Je pense que tu as raison de me mépriser, puisque, tout en
tenant dans la main mon foudre par sa courroie, comme tu vois, je supporte que tu
débites tous ces discours contre nous », Καί μοι δοκεῖς εἰκότως μου καταφρονεῖν, ὅτι
κεραυνόν, ὡς ὁρᾷς, διηγκυλημένος ἀνέχομαί σε τοσαῦτα καθ’ ἡμῶν διεξιόντα
(LUC. Z. Conf. 15).
Lances
Éléments de machines
53Parce qu’ils n’ont pas fait l’objet d’études systématiques ou ne figuraient que dans des
traités techniques perdus, les éléments en cuir des machines – courroies diverses78,
bourrelets de protection...-n’ont laissé que peu de traces. Yvon Garlan va jusqu’à
imaginer des nacelles de cuir suspendues à des mâts à la lecture d’Énée décrivant des
machines qui permettent de surmonter le rempart (EN. Pol. XXXII, 1 : « tours, mâts ou
autres choses du même genre », εἰς τὰ ὑπεραιρόμενα ἐκ πύργων ἢ ἰστῶν ἢ τῶν
ὁμοτρόπων τουτοῖς). Selon lui, les mâts, qui font ici leur première apparition dans la
littérature militaire grecque, offrent l’avantage d’être plus légers que les tours et plus
intéressants en termes de rapidité et de coût de construction ; ils devaient consister en
une « poutre pivotant dans un plan vertical sur un axe médian et portant à l’une de ses
extrémités des sortes de nacelles de cuir ou d’osier capables d’abriter un ou plusieurs
combattants79 ». Quant au système propulseur des machines de jet (catapultes à flèches
ou à pierres), il devait reposer, dès les premiers modèles remontant peut-être au
vie siècle, tout comme pour ceux de la fin du IVe siècle, sur l’élasticité de fibres animales
très résistantes qui, réunies en faisceaux ou écheveaux (appelés « tons » dans le
vocabulaire spécialisé), étaient soumises à torsion, comme des tendons (machines
« neurotones »)80 ou du crin, voire des cheveux humains (machines « trichotones »)81.
Le vêtement
Vêtements de protection contre les agressions extérieures
(coupures, froid)
54Le vêtement de peau (plus ou moins bien) tannée offre la (relative) garantie d’un
maintien du corps au chaud en raison de son imperméabilité à l’eau – la chaleur émise
par le corps reste confinée à l’intérieur du vêtement – et de sa faible porosité – donc
perméabilité – à l’air, interdisant des échanges de température trop importants ou subits.
Par ailleurs, la solidité du matériau en fait un produit adapté à la fabrication d’ustensiles
d’usage quotidien propres à protéger les parties du corps.
55Dans le monde rustique que décrit l’Odyssée, Laërte est ainsi couvert de protections
faites dans la peau des bêtes de son cheptel – plutôt des caprins – ou à partir de pièces
de « cuir » récupérées : bêchant au pied d’un arbre, l’homme, habillé d’une tunique
noircie et rapiécée, « s’est mis autour des jambes des bouts de cuir tout rapiécés, pour ne
pas s’écorcher, à ses mains des gants contre les piquants, et sur sa tête, pour se parer du
froid, une casquette en peau de chèvre », περὶ δὲ κνήμῃσι βοείας,| κνημῖδας ῥαπτὰς
δέδετο, γραπτῦς ἀλεείνων,| χειρῖδάς τ’ ἐπὶ χερσὶ βάτων ἕνεκ’· αὐτὰρ ὕπερθεν | αἰγείην
κυνέην κεφαλῇ ἔχε, πένθος ἀέξων (Od. 24, 227-231). De la même façon, Eumée, se
revêtant pour sortir, « pass[e] un manteau très épais, contre le vent, s’empar[e] d’une
grande toison de bique bien nourrie », ἀμφὶ δέ χλαῖναν ἐέσατ’, ἀλεξάμενον μάλα
πυκνήν, | ἂν δὲ νάκην ἕλετ’ αἰγὸς ἐϋστρεφέος μεγάλοιο (Od. 14, 530)82. Cependant, la
peau de bœuf se prête naturellement bien, par sa plus grande solidité, à la protection de
la personne contre les agressions extérieures. Aussi, les Arabes, selon Hérodote, au
moment de récolter la cannelle, « s’enveloppent de peaux de bœufs et autres le corps
entier et le visage, à l’exception des yeux » pour se protéger d’animaux ailés, proches de
la chauve-souris, ἐπεὰν καταδήσωνται βύρσῃσι καὶ δέρμασι ἄλλοισι πᾶν τὸ σῶμα καὶ
τὸ πρόσωπον πλὴν αὐτῶν τῶν ὀφθαλμῶν (HDT III, 110).
56Dans le même esprit que le passage cité plus haut de l’Odyssée, rien ne vaut, selon
Hésiode, en plus du bonnet de feutre couvrant le sommet de la tête, un manteau de
peaux cousues pour lutter contre les intempéries de l’hiver : « puis, quand viendra le
vrai froid de la saison, cousez ensemble avec un tendon de bœuf des peaux de
chevreaux d’une première portée, dont vous couvrirez votre dos comme d’un bouclier
contre la pluie », πρωτογόνων ἐρίφων... | δέρματα συρράπτειν νεύρῳ βοός, ὄφρ’ἐπὶ
νώτῳ | ὑετοῦ ἀμφιβάλῃ ἀλέην (HES. Trav. 543-544). Le terme βαίτη se rencontre ainsi
pour désigner un pardessus de peaux cousues (traduit diversement par « cape, casaque,
manteau »), chez Hérodote et Théocrite :
Beaucoup d’entre [les Scythes] font aussi avec les peaux écorchées des manteaux dont
ils se revêtent (ἐκ τῶν ἀποδερμάτων καὶ χλαίνας ἐπείνυσθαι ποιεῦσι), formés de pièces
cousues ensemble (συρράπτοντες) comme des capes en peau (βαίτας) (HDT IV, 64).
Lacon nie formellement avoir volé à Comatas le chevrier « sa cape en peau », οὐ τέ γε
Λάκων | τὰν βαίταν ἀπέδυσ<ε> (THEOCR. V, 15).
57Platon enfin, par l’intermédiaire d’un Alcibiade évoquant ses souvenirs de la
campagne de Potidée en hiver, atteste la pratique du rembourrage des chaussures au
moyen d’une toison : « Un jour de gel, ce qu’on peut imaginer de pire dans le genre, [...]
tout le monde évitait de sortir, ou bien ne sortait qu’emmitouflé de façon étonnante,
chaussé, les pieds enveloppés de feutre ou de peaux d’agneau », καί ποτε ὄντος πάγου
οἵου δεινοτάτου, καὶ πάντων ἢ οὐκ ἐξιόντων ἔνδοθεν, ἢ εἴ τις ἐξίοι, ἠμφιεσμένων τε
θαυμαστὰ δὴ ὅσα καὶ ὑποδεδεμένων καὶ ἐνειλιγμένων τοὺς πόδας εἰς πίλους καὶ
ἀρνακίδας (PLAT. Banq. 220b)83.
58On constate déjà, à travers ces quelques exemples où la peau et la fourrure servent de
matériau pour la confection de vêtements dans des contextes essentiellement rustiques,
qu’au-delà de l’aspect purement pragmatique consistant à protéger les individus, une
symbolique du vêtement de peau est à l’œuvre.
Couvre-chefs, bonnets
Bonnet en peau d’agneau
Caleçon de bain
79C’est encore une des lettres des archives de Zénon, envoyée par un certain Hiéroklès
et reçue autour du 5 mai 257 av. J.-C., qui atteste l’existence d’un caleçon de bain en
cuir. L’expéditeur mentionne un garçon nommé Pyrrhos, éduqué à Alexandrie et
entraîné pour les concours publics, qui a passé commande d’un certain nombre
d’articles : un chiton, un himation, une petite couverture (στρωμάτιον), une couverture
(περίστρωμα), des oreillers (προσ[κεφάλαια]) et du miel. Hiéroklès demande à Zénon
de les lui envoyer : « en[voie]-lui un caleçon de bain le plus rapidement possible, et
surtout qu’il soit en peau de chevreau, sinon, [de vélin] fin », ἀπ[όστειλον] | δ’ αὐτῶι
ἐγλουστρίδα ὅτι τάχος, καὶ μάλιστα μὲν ἔστω τὸ δέρμα αἴγειον, εἴ δὲ μέ, [μόσχειον] |
λεπτόν (PCZ I, 59060, l. 7-9).
80Si le texte indique clairement que le matériau souhaité pour la réalisation du vêtement
est du cuir « fin128 » (la restitution concernant la peau de veau est assurée129), c’est
l’hapax egloustris qu’il nous faut ici identifier plus sûrement. Or, dans une notice
concernant tout autant les noms ἡ λουτρίς que ἡ ᾤα130, noms qu’il cite d’après
Théopompe, un auteur comique du Ve/IVe siècle av. J.-C.131, Pollux les définit ainsi :
« ce qu’<on porte> autour des parties génitales, non seulement des femmes mais aussi
des hommes, lorsqu’on se baigne en compagnie de femmes132, semble porter le nom
de ôa, loutris (“peau de brebis”, “maillot pour le bain”) », τὸ δὲ περὶ τοῖς αἰδοίοις, οὐ
μόνον γυναικῶν ἀλλὰ καὶ ἀνδρῶν, ὁπότε σὺν ταῖς γυναιξὶ λούοιντο, ᾤαν λουτρίδα ἔοικε
[...] καλεῖν (POLL. VII, 66) ; « quant au <vêtement de> peau dont se ceignent les
femmes qui se baignent ou ceux qui les baignent, il est permis de le nommer ôa,
loutris », τὸ μέντοι δέρμα ᾧ ὑποζώννυνται αἱ λουόμεναι γυναῖκες ἢ οἱ λούοντες αὐτάς,
ᾤαν λουτρίδα ἔξεστι καλεῖν (POLL. X, 181).
« Soutien-gorge »
81La plupart des représentations133 ou textes relatifs à ce sous-vêtement nous le
décrivent comme une large bande de tissu, qui pouvait être ornée de broderies et
soutenait les seins à la façon d’un corset. Cette bande d’étoffe, offerte dans bien des cas
à Aphrodite134, porte plusieurs noms : μαστόδετον (et une variante μαστόδεσμος chez
Galien : « qui retient les seins »)135, μίτρα (terme générique équivalent à « bandeau,
ceinture »)136, μηλοῦχος (« qui contient les seins »)137, κεστός (« bande de tissu
brodée »)138, στρόφιον (« bande enroulée ») essentiellement chez les comiques139. Il
est donc d’autant plus remarquable de trouver dans les archives de Zénon une attestation
d’un soutien-gorge (αἱ στηθοδεσμίδες140, « <bandes> qui retiennent la poitrine ») peut-
être réalisé en cuir. Kléon écrit à Zénon qu’il a reçu des « chaussettes » (ποδεῖα, l. 1) de
la part d’Agathon et lui adresse cette requête : « tu me feras plaisir en me faisant
confectionner deux bandeaux à poitrine doux et minces et en <me> les envoyant pour
ma femme », χαριεῖ οὖμ μοι στηθοδεσμί-|δας ποιήσας μαλακὰς λεπτὰς δύο καὶ
ἀποστείλας ὥστε τῆι γυναικί (PCZ III, 59456, l. 2-3). S’il est vrai que le texte ne précise
pas la matière dans laquelle sont confectionnés les bandeaux, les adjectifs permettent
d’y voir un cuir fin, souple et très doux au toucher141, comme le cuir d’agneau ou le
vélin142. Martial, au contraire, dans un registre caricatural, fait référence à des bandes
de maintien fabriquées dans un cuir trop lâche pour contenir la forte poitrine d’une
femme, au point qu’on devrait recourir dans son cas à un cuir résistant de taureau :
« Soutien-gorge. Avec un dos de taureau tu aurais pu maintenir la poitrine : car la peau
que tu tiens ne saurait renfermer tes mamelles », Mamillare. Taurino poteras pectus
constringere tergo : | nam pellis mammas non capit ista tuas (MART. Ep. XIV, 66).
82On pourrait cependant objecter que la lettre de Kléon fait référence à un article qui lui
a été livré auparavant et que l’homme sous-entend ici que Zénon doit passer commande
auprès du même artisan, spécialisé dans le travail d’un matériau. Or, il est difficile de
déterminer avec précision la nature des ποδεῖα (l. 1), qui peuvent tout aussi bien être des
« bas », objets textiles, que des « chaussons » en tissu, feutre ou cuir143.
Les chaussures
83Les descriptions de chaussures dans les textes sont rares et allusives, au point que
« les modèles » retrouvés en fouille pour le monde romain « sont difficiles à
identifier144 ». Il n’est de même pas toujours aisé ni possible d’identifier les modèles
représentés dans l’art – images sur vases, statues, figurines de terre cuite, reliefs…
(fig. 26). Par conséquent, notre classification repose sur la seule nomenclature – toute
ambiguë soit-elle parfois – transmise par les textes littéraires, les inscriptions et les
papyrus ; nous donnons ici essentiellement les passages sélectionnés pour les
caractéristiques qu’ils peuvent fournir sur certains modèles, sans souci d’exhaustivité. Si
les lexicographes sont dans ce domaine généralement peu utiles, puisqu’ils glosent
fréquemment les noms de modèles par la formule « type de chaussures pour
hommes/pour femmes », le catalogue de Pollux (VII, 85-94) constitue cependant une
exception. Enfin, la prudence reste de mise et il ne faut jamais oublier qu’un même mot
a pu désigner des modèles non semblables dans un cadre spatio-temporel identique
ou, a fortiori, différent, ce qui apparaît dans certains de nos recoupements.
84Aussi, regroupons-nous ici les modèles pour femmes et les modèles pour hommes,
après en avoir vu les termes plus génériques ou mixtes. Nous finissons par quelques
considérations économiques en tâchant d’évaluer le prix de certains modèles.
Parties de la chaussure
« Languette » : γλῶττα/γλῶσσα, γλωττίς/γλωσσίς
90Par une métaphore semblable à celle que nous utilisons, la languette de la chaussure
est dénommée γλῶττα/γλῶσσα, la « langue ». Le terme est connu dès l’époque classique
(PLAT. COM. fr. 51 K.-A., vol. VII, p. 453 = ATH. XV, 677a : γλῶτταν ἐν
ὑποδημάσιν) et glosé par les lexicographes (HESYCH. s.v. γλώσσας· τὰς γλωσσίδας
τῶν αὐλῶν καὶ τῶν ὑποδημάτων, « anches des auloi ou languettes des chaussures » ;
POLL. VII, 81, γλῶτται· μέρη ὑποδημάτων, « parties de chaussures »). On notera que
l’usage que fait Hésychius du dérivé γλωττίς/γλωσσίς est considéré comme fautif par
Phrynicos le Sophiste (IIe siècle apr. J.-C.) :
Ce sont les gens de peu d’instruction qui disent glôssides, γλωττίδας λέγουσιν οἱ
ἀμαθεῖς (PHRYN. Préc. Soph. 58, 12).
On ne doit pas dire glôssides d’aulos ou de chaussures, mais comme les gens
d’instruction glôttaï d’aulos, glôttaï de chaussures, γλωσσίδας αὐλῶν ἢ ὑποδημάτων μὴ
λέγε, ἀλλ’ὡς οἱ δόκιμοι γλώττας αὐλῶν, γλώττας ὑποδημάτων (PHRYN. Préc.
Soph. 58, 25 = Eglog. 308)159.
Semelle : κάττυμα, πέλμα
91Deux termes désignent plus particulièrement la semelle d’une chaussure, dont nous
avons déjà évoqué la fabrication dans le premier chapitre160. L’un, κάττυμα/κάσσυμα,
est courant dès l’époque classique (AR. Cav. 315, 869 ; Ach. 301 ; Gu. 1160 ;
HIPPO. Epid. V, 45). Il est glosé ainsi par une scholie à Aristophane reprise par
la Souda : « morceaux de cuir solides et durs que l’on dispose sous les sandales et
autres modèles de chaussures », δέρματά τινα ἰσχυρὰ καὶ σκληρά, ἅπερ τοῖς σανδαλίοις
καὶ τοῖς ἄλλοις ὑποδήμασιν ὑποβάλλεται (Sch. Ach. 300 [vet])161. L’autre, πέλμα,
également courant à l’époque classique (HDT VII, 116 ; EN. Pol. XXXI, 4 ;
HIPPO. Mochl. 32), apparaît dans les archives de Zénon (PCZ IV, 59692, l. 18 :
συάγρεα πέλματα, « semelles en peau de sanglier162 »), puis dans des papyrus plus
récents163.
Modèles féminins
97Dans son Mime VII, Hérondas présente les femmes – en l’occurrence, certainement
des courtisanes, à considérer la liberté de ton du cordonnier à leur égard – comme de
grandes consommatrices de chaussures : « dites chacune ce que désire votre cœur, de
manière à vous rendre compte de ce que dévore de cuir une femme ou un chien », ὧν
ἐρᾷ θυμὸς | ὑμέων ἑκάστης εἴπατ’, ὡς ἂν αἴσθοισθε | σκυτέα γυναῖκες καὶ κύνες τί
βρώζουσιν (HER. VII, 61-63).
Askerai
98Platon et peut-être Cratinos (cité par Pollux) témoignent de l’utilisation de feutre ou
de toisons pour rembourrer les chaussures par grand froid174. Pollux fournit en outre le
terme ἀσκέρα pour désigner une « chaussure fourrée de poils, portée en hiver »,
ὑπόδημα λάσιον, χειμῶνος χρήσιμον (POLL. VII, 85). Pour la Souda, il s’agirait de
« chaussures attiques », ὑποδήματα Ἀττικά (Souda s.v.). On le rencontre peut-être,
d’ailleurs, employé seul, dans un inventaire de biens confisqués à Athènes vers 415 av.
J-C. (St. Att. II, 148 : ἀ] σκέρα). Le terme est rare175, les sources avares en description
mais nous pouvons affirmer qu’il ne s’agit pas toujours de ce que P. Chantraine
considère comme des « chaussures d’hiver doublées de fourrure », qu’on peut supposer
fermées, voire montantes (DELG s.v.), suivant Pollux et un fragment d’Hipponax où le
mot apparaît sous la forme du diminutif ἀσκερίσκον : le locuteur, miséreux et frigorifié,
demande au dieu Hermès des vêtements – manteau et tunique – et des chaussures –
sandales et askeriai, les deux étant donnés sous la forme hypocoristique : σαμβαλίσκα
κἀσκερίσκα (HIPPON. fr. 32, l. 4)176. En effet, chez Lycophron (IIIe siècle av. J.-C.), le
terme renvoie à un modèle féminin, utilisé seul et désignant les chaussures que Thésée
vole avec la ceinture de leur reine aux Amazones (LYC. Alex. 1322), ou associé à un
autre terme pour évoquer les sandales qu’Hélène portait à Troie, qu’elle consacra en ex-
voto après sa libération, τὰς δάμαρτος ἀσκέρας εὐμαρίδας, qu’il faut traduire sûrement
« les fines pantoufles fourrées de [l’]épouse <de Ménélas> » (LYC. Alex. 855). On est
loin, ainsi, des « chaussures (fourrées ?) flétries », voire « pourries », ἀσκέρας σαπρὰς
(HER. II, 21-23) que porte le pauvre Battaros, aux prises dans un procès avec un riche
armateur qui a endommagé sa maison et ravi une de ses filles.
Eumarides
99L’exemple précédent emprunté à Lycophron associe askerai et eumarides. Que
savons-nous de ces dernières ? Pour Pollux, « l’eumaris est une chaussure commune
aux hommes et aux femmes, d’origine barbare, fabriquée avec la peau de cerf (ou de
biche) », ἡ δὲ εὔμαρις κοινὸν ἀνδράσι πρὸς γυναῖκας, βαρβαρικὸν μὲν εὕρημα, ἐξ
ἐλαφῶν δὲ πεποιημένον (POLL. VII, 90). Apparaissant chez Eschyle, le mot désigne la
« sandale teinte de safran qui enferme le pied » de Darius, κροκόβαπτον ποδὸς εὔμαριν
ἀείρων (ESCHL Pers. 660-661). De même, chez Euripide, un esclave phrygien parle de
ses « babouches barbares », βαρβάροις εὐμάρισιν (EUR. Or. 1370-1371). On se
souvient qu’aux yeux des Grecs, le barbare oriental est un être empreint de langueur
féminine et que ses vêtements en sont une des marques. Une dernière occurrence
renvoie, pour le monde grec, à un modèle féminin : une épigramme funéraire
d’Antipater de Sidon (IIe siècle av. J.-C.) oppose ainsi la tenue des cyniques (besace,
bâton, double manteau et couverture pour faire un lit de sol) et « les tuniques agrafées,
le socque à haute semelle, la résille luisante » des femmes, ἀμπεχόναι περονήτιδες,
βαθύπελμος εὔμαρις, λιπόων κεκρύφαλος (A.P. VII, 413, l. 3-4).
Kothornoi (cothurnes)
100Les cothurnes sont des chaussures hautes destinées prioritairement aux femmes. Les
modèles à semelle haute étaient, du temps de Xénophon, un accessoire de séduction
féminine, si l’on en croit Ischomaque qui déconseille à sa femme de se montrer trop
sophistiquée et lui rappelle que la bonne épouse ne doit pas tricher avec la nature en se
montrant le visage fardé de céruse « sur de hauts souliers », ὑποδήματα δ’ ἔχουσαν
ὑψηλά (XEN. Eco. X, 2), pour corriger son teint et sa taille. Cer taines occurrences du
terme indiquent clairement un usage exclusivement féminin ou « efféminé » : si un
homme porte des cothurnes et revêt un chiton, c’est qu’il se met à la mode orientale,
peu virile pour un Grec ; il accepte ainsi de se grimer en femme. Hérodote rapporte en
effet l’anecdote selon laquelle Crésus, craignant que Cyrus ne détruise Sardes, lui aurait
donné des conseils pour rendre femmes les Lydiens, c’est-à-dire les rendre inoffensifs :
les hommes devaient « revêtir des tuniques par-dessous leurs manteaux et chausser des
cothurnes », κιθῶνάς τε ὑποδύνειν τοῖσι εἵμασι καὶ κοθόρνους ὑποδέεσθαι, et apprendre
à jouer des instruments à cordes (HDT I, 155). Ailleurs, c’est un homme, Alcméon, à
qui Crésus promet de donner autant d’or qu’il peut en porter sur lui, qui revêt les
cothurnes, non parce qu’il s’agit d’un usage courant, mais bien pour emporter la plus
grande quantité de pièces possibles. De fait, il endosse « un ample chiton dont il laiss[e]
une partie former à la ceinture une vaste poche retombante », et « chauss[e] les hautes
bottes les plus larges qu’il put trouver », κοθόρνους τοὺς εὕρισκε εὐρυτάτους ἐόντας
ὑποδησάμενος ; « il commen[ce] par entasser le long de ses jambes autant d’or que
pouvaient en contenir ses bottes », si bien qu’« il sor[t] du trésor traînant à peine ses
chaussures », πρῶτα μὲν παρέσαξε παρὰ τὰς κνήμας τοῦ χρυσοῦ ὅσον ἐχώρεον οἱ
κόθορνοι [...] ἐξήιε ἐκ τοῦ θησαυροῦ, ἕλκων μὲν μόγις τοὺς κοθούρνους (HDT VI,
125).
101Ce dernier exemple montre que les cothurnes devaient être en cuir souple, puisque
Alcméon les remplit et les gonfle comme des bourses. C’est ce qui explique sûrement
une particularité plusieurs fois signalée les concernant : ils étaient interchangeables et
pouvaient être portés à l’un ou l’autre pied. C’est, d’après Xénophon, ce qui valut à
Théramène le surnom de « cothurne », κόθορνος ἐπικαλεῖται· καὶ γὰρ ὁ κόθορνος
ἁρμόττειν μὲν τοῖς ποσὶν ἀμφοτέροις δοκεῖ (ΧΕΝ. Hell. II, 3, 31), pour avoir favorisé
l’établissement du régime des Quatre-Cents à Athènes en 411, puis avoir mené ensuite
le peuple contre eux – là où nous dirions qu’il a « retourné sa veste ». Hésychius
reprend dans sa notice cette particularité technique : κόθορνος· ὑπόδημα ἀμφοτέροις
τοῖς ποσὶ πεποιημένον (HESYCH. s.v.). On sait enfin, parmi les exemples d’accessoires
susceptibles d’incarner des personnages dans la comédie, qu’un chœur de « bottes »
(Kόθορνοι) a été créé chez Philonidès, dans une pièce éponyme visiblement hostile au
même Théramène177.
102Chez Aristophane, c’est un Dionysos efféminé, très imparfaitement déguisé en
Héraclès, qui se tient à la porte du héros, hilare devant un tel spectacle : le dieu porte
la léontê sur une crocote, une robe de femme couleur safran (λεοντῆν ἐπὶ κροκωτῷ
κειμένην). Héraklès de s’exclamer alors : « Que veut dire cela ? Que vient faire un
cothurne avec une massue ? », Τί κόθορνος καὶ ῥόπαλον ξυνηλθέτην; (AR. Gr. 46-47).
À l’inverse, le même Dionysos est dans la suite attaqué par des hôtelières qui sont dupes
de son déguisement et le prennent pour Héraclès. L’une d’elles dit alors fièrement : « Tu
ne t’attendais pas, parce que tu portais des cothurnes, à ce que je te reconnusse
encore ! », οὐ [...] με προσεδόκας, | ὁτιὴ κοθόρνους εἶχες, ἂν γνῶσαί σ’ ἔτι
(AR. Gr. 557). On pourrait voir dans le port de telles chaussures par le dieu Dionysos
un jeu autoréférentiel puisque les « cothurnes » sont les accessoires que portent les
acteurs tragiques178. Toutefois, notre corpus montre que c’est par les
termes embades et embatai que les Anciens désignaient aux époques qui nous occupent
de telles chaussures, certainement raffinées et à semelles hautes. La mollesse de ce
modèle de chaussures n’est d’ailleurs peut-être pas anodine : un passage
des Thesmophories montre de même le Parent d’Euripide se travestissant en femme et
recevant de l’individu efféminé Agathon différents accessoires, dont des chaussures ; il
s’inquiète alors de savoir « si elles [lui] iront », et ajoute à l’adresse d’Agathon : « Tu
n’aimes pas, n’est-ce pas, porter des chaussures trop relâchées ? », ἆρ’ ἁρμόσει μοι;
Χαλαρά γ’οὐ χαίρεις φορῶν (AR. Thesm. 262-263), comme si la faiblesse du maintien
de la chaussure était le propre d’un modèle féminin, pour ne pas dire le signe d’un
manque de virilité – un homme digne de ce nom se devant de mener des activités qui
exigent des chaussures assurant un maintien ferme.
Peribarides
103Les peribarides sont des chaussures de femmes séduisantes et coquettes,
élégamment vêtues, proches de figures de courtisanes. Dans Lysistrata, Cléonice définit
les femmes comme des êtres fardés, attifés de robes longues et droites (cimbériques) et
de péribarides ; l’héroïne éponyme compte bien, quant à elle, tirer profit des atours que
sont « les petites tuniques safranées, les parfums, les péribarides, le fard rouge, les
tuniques transparentes », τὰ κροκωτίδια καὶ τὰ μύρα καὶ περιβαρίδες | χἥγχουσα καὶ τὰ
διαφανῆ χιτώνια, pour soumettre les hommes à leur volonté (AR. Lys. 47-48).
Toutefois, les péribarides sont données comme plus simples et modestes que d’autres
σανδάλια précieusement ouvragés dans un fragment de Céphisodore (v. 400 av. J.-C.) :
« des sandales aux fentes minces, sur lesquelles se trouvent ces fleurs dorées. Mais en
réalité, en tant que servante, je n’ai que des péribarides », σανδάλιά τε τῶν
λεπτοσχιδῶν,| ἐφ’ οἷς τὰ χρυσᾶ ταῦτ’ ἔπεστιν ἄνθεμα. | νῦν δ’, ὥσπερ ἡ θεράπαιν’, ἔχω
περιβαρίδας (CEPHIS. fr. 4 K.-A. vol. IV, p. 65 = fr. 4 K. ; POLL. VII, 87). Pollux,
s’appuyant sur la citation qu’il fournit lui-même, en fait un « modèle plutôt réservé aux
servantes », περιβαρίς· θεραπαινίδων μᾶλλον τὸ ὑπόδημα (POLL. VII, 92).
Persikai (persiques)
104Selon Pollux, les « persiques » ou « modèle à la mode perse » seraient des
« chaussures propres aux femmes : une chaussure blanche, plutôt pour courtisanes »,
ἴδια δὲ γυναικῶν ὑποδήματα Περσικαί· λευκὸν ὑπόδημα, μᾶλλον ἑταιρικόν (POLL. VII,
92). Les papyrus n’en donnent pas d’attestation179. Les trois seules occurrences
littéraires connues, dans le théâtre d’Aristophane, ne permettent guère de s’en faire une
idée précise, si ce n’est qu’elles sont réservées à la gent féminine. Toutefois, le passage
des Nuées semble donner raison à Pollux : Socrate, aux dires de son disciple, a trempé
les pattes d’une puce dans de la cire pour mesurer son saut : la puce, ajoute-t-il, « fut
<alors> chaussée de persiques », περιέφυσαν Περσικαί (AR. Nu. 151). C’est
visiblement ici la couleur blanchâtre des prothèses de cire qui motive la métaphore.
Dans les Thesmophories et Lysistrata en revanche, l’auteur ne nous donne aucun détail
sur le modèle : le Parent d’Euripide, se rendant compte qu’une des femmes dissimulait
une outre de vin dans des vêtements d’enfant, s’écrie : « Qu’estceci ? La fillette est
devenue une outre pleine de vin... et avec cela chaussée de persiques », τουτὶ τί ἐστιν;
ἀσκὸς ἐγένεθ’ἡ κόρη | οἴνου πλέως καὶ ταῦτα Περσικὰ ἔχων (AR. Thesm. 733-734) ;
Lysistrata fait prêter à Cléonice le serment d’abstinence suivant : « Je n’élèverai pas au
plafond mes persiques », οὐ πρὸς τὸν ὄροφον ἀνατενῶ τὼ Περσικὰ (AR. Lys. 229-230).
Hésychius se contente de gloser ce dernier emploi au duel par la formule « chaussures
de luxe », εὐτελῆ ὑποδήματα (HESYCH. s.v. περσικά).
Laconiennes
112Le modèle apparaît dans deux pièces d’Aristophane. Dans les Guêpes, le terme est
prétexte à un jeu de mots et à un jeu de scène quand Bdélycléon, forçant son père à
modiier son allure générale en changeant de vêtements et de chaussures, lui enjoint de
retirer ses chaussures banales, ses « maudits souliers », ὑπολύου τὰς καταράτους
ἐμβάδας, pour « chausse[r] des laconiennes », τασδὶ δ’ ἁνύσας ; ὑπóδυθι τὰς
Λακωνικάς (AR. Gu. 1157-1158). Rappelant alors son hostilité à l’ennemi d’Athènes,
Philocléon s’insurge, mais cède malgré lui petit à petit devant l’insistance de son ils :
PH. — Moi ? Je ne consentirai jamais à me mettre aux pieds « De gens, nos ennemis,
les hostiles... semelles » ! ἐγὼ γὰρ ἂν τλαίην ὑποδήσασθαί ποτε | ἐχθρῶν παρ’ ἀνδρῶν
δυσμενῆ καττύματα.
BD. — Enfonce enfin, mon bon, et descends résolument sur le sol laconien, Ἔνθες
ποτ’, ὦ τᾶν, κἀπόβαιν’ ἐρρωμένος, | εἰς τὴν Λακωνικὴν ἁνύσας.
PH. — Tu me fais injure en faisant descendre mon pied en pays ennemi, Ἀδικεῖς γέ με |
εἰς τὴν πολεμίαν ἀποβιβάζων τὸν πόδα.
BD. — Allons, l’autre aussi, Φέρε καὶ τὸν ἕτερον.
PH. — Pour celui-là, non : un de ses doigts est tout à fait ennemi des Laconiens,
Μηδαμῶς τοῦτόν γ’, ἐπεὶ | πάνυ μισολάκων αὐτοῦ’ στιν εἷς τῶν δακτύλων. [...].
BD. — Chausse-toi enfin et finis-en, Ἅνυσσόν ποθ’ὑποδησάμενος (AR. Gu. 1159-1165
et 1168).
113Ce passage, tout délicieux soit-il, n’apporte pas d’informations relatives au modèle,
pas plus que celui des Thesmophories qui, tout au plus, réafirme qu’il s’agit de
chaussures masculines, puisque le Parent s’adresse à Agathon, « l’homme-femme », et
s’interroge sur son ambiguïté androgyne : « Où est ton membre ? Où ton manteau ? Où
tes laconiennes ? Alors tu es femme ? », Καὶ ποῦ πέος; Ποῦ χλαῖνα; Ποῦ Λακωνικαί; |
Ἀλλ’ ὡς γυνὴ δῆτ<α> (AR. Thesm. 142-143).
Amuklaides (amyclées)
120On sait peu de choses sur les amyclées, qui portent le nom de leur ville d’origine en
Laconie, par antonomase, d’après les lexicographes : δηλοῖ δὲ κλήσει τὸν τόπον (POLL.
VII, 88) ; εἶδος ὑπόδηματος […]Λακωνικοῦ (HESYCH. s.v. Ἀμυκλᾶιδες). L’inventaire
des « Stèles attiques », ensemble d’inscriptions enregistrant la vente des biens de
propriété confisqués à Alcibiade et autres riches Athéniens condamnés pour sacrilège
après 415-414 (les « Hermocopides »), répertorie de « vieilles amyclées » [ἀ] μυκλάιδια
| [π]αλαιά (St. Att. II, 203-204). Ce sont des chaussures de luxe (εἶδος ὑποδήματος
πολυτελοῦς, écrit Hésychius), portées pour de grandes occasions, ainsi qu’en atteste le
seul exemple littéraire que nous ayons conservé : le paysan Boucaios, qui s’est épris de
Bombyca, s’imagine être consacré avec elle à Aphrodite, elle portant des flûtes, une
rose et une pomme, « et [lui] un beau costume, des amyclées neuves aux pieds », σχῆμα
δ’ἐγὼ καὶ καινὰς ἐπ’ἀμφοτέροισιν ἀμύκλας (THEOCR. X, 35).
Endromides
121Dans les contextes mythologiques, les endromides sont une sorte de chaussure mi-
haute (d’où la traduction habituelle par « brodequin »), maintenant bien la cheville,
portée pour la course. C’est le modèle que portent, chez Callimaque, Iris quand elle se
déplace (CALL. Dél. 237-238 : Iris dort « sans défaire jamais sa ceinture ni ses sandales
de course », οὐδέ ποτε ζώνην ἀναλύεται οὐδὲ ταχείας | ἐνδρομίδας), ou Artémis à la
chasse (CALL. Artém. 16-17 : vingt servantes « qui prendront soin de mes chaussures
de chasse », αἵ τε μοι ἐνδρομίδας [...] | εὖ κομέοιεν), comme, d’ailleurs, dans une
épigramme anonyme : « Artémis, qu’as-tu fait de ton arc, du carquois pendu à ton
épaule et de tes chaussures, ces brodequins de Lycastos191 ? », Ἄρτεμι, ποῦ σοι τόξα,
παραυχενίη τε φαρέτρη; | ποῦ δὲ Λυκαστείων ἐνδρομὶς ἀρβυλίδων (A. Plan. 253).
122Pollux, qui confirme cette association à la déesse chasseresse (αἱ δὲ ἐνδρομίδες, ἴδιον
τῆς Ἀρτέμιδος τὸ ὑπόδημα, POLL. VII, 93), les définit bien comme les « chaussures des
athlètes », celles que portent « les coureurs » : ἀθληταῖς δ’ ἂν προσήκοιεν καὶ αἱ
ἐνδρομίδες· οὕτω δ’ ἐκαλοῦντο τὰ τῶν δρομέων ὑποδήματα (POLL. III, 155).
123Le terme a pu désigner, au moins à époque plus récente, la chaussure montante du
soldat, aux semelles robustes, certainement cloutées, et aux attaches solides : ainsi
conseille-t-on « contre les panneaux posés sur les fosses et les chausse-trapes enterrées,
<de> faire marcher en éclaireurs des hommes chaussés de brodequins », πρὸς δὲ τὰς
βόθροις ἐπιτιθεμένας θύρας καὶ τοὺς τριβόλους τοὺς καταβαλλομένους ἐνδρομίδας
ἔχοντας ὑποβαίνειν (PHIL. BYZ. Synt. Méc. V, D44 [= 100, 6-8])192.
Arbulê/arbulis
124Le terme ἀρβύλη est attesté dès l’époque classique, notamment chez les Tragiques :
c’est une demi-botte solide, utilisée par les soldats, les voyageurs, les chasseurs,
globalement les marcheurs qui doivent arpenter des terrains sans chemins.
125Chez Eschyle, Agamemnon demande qu’on lui « délie promptement [s]es bottines,
servantes du pied pour qui les chausse » pour entrer avec Clytemnestre dans son palais
en marchant sur des tapis, ὑπαί τις ἀρβύλας | λύοι τάχος, πρόδουλον ἔμβασιν ποδός
(ESCHL. Ag. 944-945). Euripide l’emploie à plusieurs reprises : ici, ce sont les femmes
du Chœur qui, à leur arrivée au palais après avoir parcouru les chemins de l’Argolide,
chantent : « Silence silence, que la pointe de vos bottines se pose légère, sans bruit »,
Σῖγα σῖγα, λεπτὸν ἴχνος ἀρβύλης | τίθετε, μὴ κτυπεῖτ<ε> (EUR. Or. 140) ; là, le poète
oppose aux sandales dorées d’Hélène (EUR. Or. 1468-1469), de luxe et d’intérieur, les
chaussures de marche résistantes et plus frustes d’Oreste : « Oreste avança d’un pas sa
bottine mycénienne » en direction d’Hélène pour la tuer, Μυκηνίδ’ ἀρβύλαν προβάς
(EUR. Or. 1470) ; ailleurs encore, Penthée part en expédition, bien chaussé, dans les
montagnes pour aller chercher les Ménades, qui le déchiquètent : « l’une emportant un
bras, une autre un pied avec les bottines », ἔφερε δ’ ἣ μὲν ὠλένην, | ἣ δ’ ἴχνος αὐταῖς
ἀρβύλαις (EUR. Bac. 1133-1134).
126Dans le passage précédemment cité concernant le pied bot, Hippocrate précise que
« quand il s’agit de chausser l’enfant, les chaussures les plus convenables seront
les arbulai (Littré traduit « brodequins »), appelées « chaussures pour marcher dans la
boue » ; ce sont celles qui cèdent le moins au pied et auxquelles le pied cède le plus ; on
peut aussi se servir du mode crétois de chaussures », ὅταν δὲ ἐς ὑποδήματος λόγον
ἴῃ193, ἀρβύλαι ἐπιτηδειόταται αἱ πηλοπάτιδες καλεόμεναι· τοῦτο γὰρ ὑποδημάτων
ἥκιστα κρατέεται ὑπὸ τοῦ ποδὸς, ἀλλὰ κρατέει μᾶλλον· ἐπιτήδειος δὲ καὶ ὁ κρητικὸς
τρόπος τῶν ὑποδημάτων (HIPPO Litt. IV, 268 = Art. 62). Galien fournit à ce passage
deux indications complémentaires : l’une, dans son glossaire, précise que
les arbulai sont des « chaussures profondes », c’està-dire hautes, ὑποδήματα
βαθέα194 ; il explique en outre, dans son commentaire, que « l’arbulê est une chaussure
creuse et embrassant exactement tout le pied jusqu’aux chevilles ; cela résulte de ce
qu’Hippocrate lui-même ajoute, à savoir qu’elles sont dites “chaussures pour la
boue” »195. Nous ne savons rien, du reste, des chaussures crétoises.
127L’arbulê est aussi la chaussure portée à la campagne, à en croire le narrateur d’un
poème de Théocrite qui s’y rend avec deux amis et rencontre un « original », nommé
Lykidas et dépeint comme un chevrier : « En marchant, [il] fai[t] chanter au choc de
[s]es chaussures toutes les pierres du chemin ! », Ὥς τευ ποσὶ νισσομένοιο | πᾶσα λίθος
πταίοισα ποτ’ ἀρβυλίδεσσιν ἀείδει (THEOCR. VII, 25-26).
128Hésychius présente, outre la leçon ἀρβύλαι (sans toutefois préciser ni la forme ni la
fonction de ce modèle de chaussures), les termes ἄρμυλα, « chaussures, à Chypre »,
ὑποδήματα Κύπριοι, et ἀραβύλας, « sortes de chaussures grossières et non grecques »,
ὑποδήματος εἴδη φορτικὰ καὶ βαρβαρικά, ce dernier désignant vraisemblablement un
autre modèle, bien que la forme paronymique ait été associée à ἀρβύλη196.
129Ildoit s’agir, en dernière analyse, de chaussures solides, lacées haut (jusqu’aux
chevilles), donc normalement difficiles à perdre, comme la citation des Bacchantes le
suggère ainsi que ces vers de Léonidas de Tarente (IIIe siècle av. J.-C) présentant un vieil
Anacréon qui, « de ses chaussures, a perdu l’une tant il est ivre, [tandis que] l’autre reste
ajustée au pied amaigri », δισσῶν δ’ ἀρβυλίδων τὰν μὲν μίαν οἷα μεθυπλὴξ | ὤλεσεν· ἐν
δ’ ἑτέρᾳ ῥικνὸν ἄραρε πόδα (A. Plan. 306).
Konipodes
130Dans un passage d’Aristophane, c’est un Géron métamorphosé et « endimanché »
qui est décrit par la Femme héraut alors qu’il paraît à un banquet raffiné : « Géron
s’avance en manteau de laine et en fines sandales [...], ses gros souliers gisent là et son
sarrau est jeté au rebut », Γέρων δὲ χωρεῖ χλανίδα καὶ κονίποδα ἔχων [...], ἐμβὰς δὲ
κεῖται καὶ τρίβων ἐρριμμένος (AR. A.F. 848) : le contexte évoque clairement une
chaussure élégante et légère, qui ne couvrait peut-être qu’une partie du pied, modèle
qu’on retrouve sur la liste des biens précieux des « Stèles attiques », sous la forme très
restituée cependant [κονί]ποδες (St. Att. VI, 38). Pollux se souvient vraisemblablement
de l’auteur comique lorsqu’il écrit « les konipodes sont des chaussures fines de
vieillards », οἱ δὲ κονίποδες λεπτὸν ὑπόδημα πρεσβυτικόν (POLL. VII, 86).
L’étymologie, renvoyant à κόνις, « poussière » ou « cendre », n’est guère éclairante.
Karbatinai
131Le caractère rustique de telles chaussures – rendu souvent au moyen de diverses
traductions (« galoches », « sabots », « chaussures rustiques ») – est très net197. Pollux
s’en souvient et en donne une origine ethnique : « La karbatinê est une chaussure
rustique, qui tire son nom des Cariens », καρβατίνη μὲν ἄγροικον ὑπόδημα. κληθὲν ἀπὸ
Καρῶν (POLL. VII, 88). Mais il faut toutefois y voir la forme substantivée de l’adjectif
καρβάτινος, « fait en peau », emprunté en latin et encore usité par Catulle : « Avec la
langue que tu as [...], tu pourrais lécher les culs et les sandales faites de peaux » (« de
cuir grossier », CUF), ista cum lingua [...] possis culos et crepidas lingere
carpatinas (CATU. 96, 4). Hésychius en fait une « chaussure rustique à une seule
semelle, de peu de prix », καρβατίνη· μονόπελμον καὶ εὐτελὲς ὑπόδημα ἀγροικικόν, et
donne le terme καρπάτινον, « chaussures rustique faite d’une seule peau », ἀγροκικὸν
ὑπόδημα μονόδερμον (HESYCH. s.v.). Qu’en est-il dans les textes ?
132Longus renvoie bien le modèle au monde de la campagne, puisque c’est un
« vieillard », croisé par Daphnis et Chloé au moment des vendanges, qui porte « aux
reins une fourrure, aux pieds des karbatinai (« sandales de cuir », CUF), une besace à
l’épaule, fort vieille », πρεσβύτης σισύρας ένδεδυμένος, καρβατίνας ὑποδεδεμένος,
πήραν ἐξηρτημένος, καὶ τὴν πήραν παλαιάν (LONG. II, 3, 1).
133C’est encore le terme qu’emploie Xénophon lorsqu’il évoque le moment où les
troupes grecques se trouvent bloquées par la neige en Arménie et que les soldats, ayant
abandonné leurs vieilles paires usées, sont contraints de se fabriquer des chaussures de
fortune, « karbatinai (« sandales rustiques », CUF) faites avec des peaux de bœufs
récemment écorchés », ἦσαν [...] καρβάτιναι πεποιημέναι ἐκ τῶν νεοδάρτων βοῶν, ce
qui d’ailleurs occasionne des blessures si les hommes ne se déchaussent pas au moment
de se coucher, pensant ainsi se protéger les pieds du froid : « les courroies [alors]
entraient dans les chairs et les semelles se recroquevillaient autour des pieds »,
εἰσεδύοντο εἰς τοὺς πόδας οἱ ἱμάντες καὶ τὰ ὑποδήματα περιεπήγνυντο (XEN. An. IV,
5, 14)198.
134Lucien les mentionne à deux reprises au moins comme des chaussures grossières de
barbares. Ainsi, un « barbare venu du pays des Hyperboréens port[e]
des karbatinai (« grosses galoches », CUF) comme seuls en ont les gens de cette
région », τὸν ξένον τὸν βάρβαρον ἐξ Ὑπερβορέων... ὑποδεδεμένον γε καρβατίνας, οἷα
μάλιστα ἐκεῖνοι ὑποδοῦνται (LUC. Phil. 13). Au cours d’une cérémonie à mystères,
deux groupes d’assistants venus du nord de la Galatie acclament Alexandre : ils
apparaissent en costume de maître initiateur, « les Paphlagoniens “Harmonieux” et
“Hérauts” chaussés de karbatinai (« gros sabots », CUF) », Εὐμολπίδαι καὶ Κήρυκές
τινες Παφλαγόνες καρβατίνας ὑποδεδεμένοι (LUC. Alex. 39) ; le caractère rustique et
grossier de ces gens est encore souligné par le détail de leur haleine fort chargée.
135Le terme, enfin, désigne chez Aristote les « protections de cuir dont on chausse les
chameaux (αἱ κάμηλοι) lorsqu’ils ont mal au pied », τὰς εἰς πόλεμον ἰούσας ὑποδοῦσι
καρβατίναις, ὅταν ἀλγήσωσιν (ARIST. H.A. II, 1, 499a 28-30), dont le dessous est
charnu (σαρκώδης) comme chez les ours, en enveloppant simplement leurs sabots199.
Pline reprend l’information : « la plante [du chameau] est charnue comme celle des
ours, aussi les longues courses le fatiguent-elles si on ne le munit pas de
chaussures », pes in uestigio carnosus ut ursi, qua de causa in longiore itinere sine
calceatu fatiscunt (PLIN. XI, 254). Cette fois encore, le mot grec désigne ce qui sert à
couvrir le pied et qui est réalisé grossièrement, qu’il s’agisse de la mauvaise qualité du
« cuir » utilisé et/ou de la conception et de la forme générale de l’objet.
Les contenants
L’outre (ἀσκός)
Typologie et usages
Bidon de peau
158Dans une lettre qu’il adresse à Zénon le 6 mars 243 av. J.-C., Démokratès se plaint
de ce que les mâts de ses tentes sont rongés par les vers. Il demande à son destinataire
de faire en sorte qu’un certain Hélénos lui vende du bois de saule et lui propose de lui
acheter une peau de chevreau pour fabriquer un bidon contenant un demi chous (soit
environ 1,6 litres) : « et donne à Kleitotios afin qu’il m’envoie aussi, après avoir obtenu
le prix auprès de lui, une peau de chevreau pour en faire un bidon d’un demi chous »,
καὶ δοὺς Κλει-|τορίωι ἵν’ἀποστείλη μοι, | τὴν δὲ τιμὴν λαβὼν παρ’ αὐ-|τοῦ, καὶ
δερμάτιον ἐρίφ[ει]-|ον ᾱ εἰς ἀσκοπυτίνην ἡμ[ι]- |χοείαν (PCZ III, 59353, l. 15-17).
166Le terme semble renvoyer à des contenants de grande taille252 dont le matériau n’est
pas toujours précisé. Ainsi, à Platées, après la victoire des Grecs sur les Perses, le
général spartiate Pausanias ordonne aux Hilotes de rassembler les objets précieux du
butin pour éviter qu’il ne soit pillé : « ils trouvèrent alors sur des chars des sacs où l’on
découvrit des chaudrons d’or et d’argent », σάκκους τε ἐπ’ἁμαξέων εὕρισκον, ἐν τοῖσι
λέβητες ἐφαίνοντο ἐνεόντες χρύσεοί τε καὶ ἀργύρεοι (HDT IX, 80). Chez Aristophane,
le Mégarien incite les Petites Filles déguisées en truies pour être vendues au marché à
« entre[r] dans le sac » qu’il leur présente, εἰς τὸν σάκκον ὧδ’ εἰσβαίνετε
(AR. Ach. 745).
Thylakos (θύλακος)
Kôrykos (κώρυκος)
170Le terme apparaît dès l’Odyssée pour désigner le sac que Calypso remplit de vivres
et dépose dans le navire d’Ulysse au moment de son départ, ou le même sac à
provisions qu’emporte le héros lorsqu’il part explorer l’île du Cyclope (ἔθηκε | φέρον
[...] ἐν δὲ καὶ ᾖα | κωρύκῳ, Od. 5, 267 et 9, 212-213). L’emploi qu’en fait Aristophane
ne précise pas le contenu des « besaces » ici associées à des « sacs » (σάκους καὶ
κωρύκους, AR. Lys. 1209-1210). On connaît par ailleurs l’usage de ce sac de cuir dans
le domaine des exercices physiques, lorsque, bourré de divers éléments, il sert de
punching-ball255. On peut donc penser qu’il s’agissait d’un sac d’assez grande
contenance et plutôt informe.
Marsippos (μάρσιπ(π)ος)
171Le mot apparaît chez Xénophon, dans un récit que font les Grecs qui ont vu
descendre jusqu’au lit d’un fleuve un vieillard, une femme et des fillettes pour y déposer
« des sacs de hardes dans les anfractuosités du rocher », μαρσίπους256 ἱματίων
κατατιθεμένους ἐν πέτρᾳ ἀντρώδει (XEN An. IV, 3, 11). On peut donc estimer que ce
sac est d’assez grande contenance, mais nous ne savons rien du matériau. Cependant,
l’auteur des Maladies aiguës préconise l’emploi de bouillottes contre certaines
douleurs : il faut remplir d’une décocotion d’orge bouilli dans du vinaigre des « bourses
que l’on coud et qu’on applique » sur le malade, ἐς μαρσίππια καταρράψαντα
προστιθέναι (HIPPO. Mal. Aig. XXI, 3). Il ne peut dès lors s’agir que d’un matériau
suffisamment étanche, donc du cuir. Une liste des archives de Zénon évoque, entre
autres marchandises à transporter, une cargaison de « noix dans un sac », κάρυα ἐν
μαρσιππίωι (P. Caire 2141, 26). Ailleurs, le terme désigne une bourse plus ou moins
grande, contenant des pièces257.
Kynouchos (κυνοῦχος)
172Ce nom désigne un type de sac que les grammairiens et lexicographes assimilent aux
autres termes vus précédemment. Un passage unique de Xénophon nous en fait
connaître la matière – et par là, la tenue – et la destination : il s’agit d’une « gibecière en
cuir de veau pour [ranger] le gibier », ἕνεκα θήρας κυνοῦχος μόσχειος (XEN. Art ch. II,
9). Pollux précise en disant qu’il s’agit d’un « contenant en cuir de veau qui a l’aspect
des bourses munies d’un cordon de serrage, et dans lequel les chasseurs enfermaient
leur filet de chasse » (POLL. V, 31 : κυνοῦχος δ’ἐστὶ δέρμα μόσχειον, εἰς ὃ ἐντίθεται τὸ
δίκτυον, τῷ σχήματι πεποιημένον ὥσπερ τὰ σύσπαστα βαλάντια)258, ou « parmi les
équipements utiles aux habitués des gymnases, une poche ou un sac pour y déposer
leurs vêtements » (POLL. X, 208 : τῶν δὲ γυμνασίοις προσηκόντων σκευῶν [...] ἐστὶ
καὶ μάρσιπος καὶ σάκκος, καὶ κυνοῦχος ὑποδέξασθαι τὰ ἱμάτια). Ce sac en cuir apparaît
peut-être rempli d’argent chez Théophraste, quand le type de l’homme méfiant s’agite
sur son lit et demande à sa femme si le κυνοῦχιον est bien fermé et scellé
(THEOPH. Car. XVIII, 4), à condition d’accepter une correction simple du
manuscrit259 ; il en est question encore au dos du papyrus PCZ I, 59022 (rédigé
probablement vers 258 av. J.-C.), où on lit, en guise d’étiquette, ἔμβλημα ἐκ τοῦ
κυνούχου, « versement du contenu du sac en cuir ». Ces deux derniers exemples nous
laissent penser qu’il s’agirait d’un sac servant à contenir de l’argent plutôt que d’une
simple bourse.
Bourse (βαλλάντιον)
173Lesoccurrences du mot βαλλάντιον montrent clairement que cette « poche »
(μάρσι<π>πος)260 servait à contenir de l’argent261, ce qui explique qu’elle attirait la
convoitise des voleurs « coupe-bourses », βαλλαντιοτόμοι (AR. Gr. 772)262. Son
apparence générale devait s’approcher des bourses à cordons que nous connaissons, que
l’on ferme en serrant, au moyen d’une ficelle ou d’une courroie, la partie supérieure,
ainsi qu’en atteste le récit d’Aristophane dans le Banquet de Platon : Zeus ayant coupé
les hommes en deux pour s’en défendre, « Apollon [...] ramenant de toutes parts la peau
sur ce qui s’appelle à présent le ventre, comme on fait avec les bourses à cordons (τὰ
σύσπαστα βαλλάντια), l’attachait fortement au milieu du ventre en ne laissant qu’une
ouverture – ce qu’on appelle le nombril » (PLAT. Banq. 191a).
174C’est d’ailleurs parce que la bourse s’ouvre par le dessus, en écartant les bords du
cuir une fois déliés les cordons, manipulation aisée pour un voleur, que la cliente de
Cerdon le cordonnier ironise sur l’avarice de ce dernier et tâche de l’apeurer en le
mettant en garde contre la visite de cambrioleurs. Elle lui enjoint ainsi, en recourant à
une expression proverbiale, « de coudre [s]a bourse, afin que les chats n’emportent pas
[s]es pièces (mines) », θύλακον ῥάψαι, | τὰς μνέας ὅκως σοι μὴ αἱ γαλαῖ διοίσουσι
(HER. VII, 89-90). Le mot générique θύλακος prend ici un sens particulier très
explicite.
Soufflets
Soufflet de forge
175Quand Thucydide emploie pour désigner ce qui doit être de grands soufflets, lors de
l’attaque par les Béotiens de Délion (THUC. IV, 100, supra), le mot derreis (« les
peaux »), Apollodore parle, quant à lui, d’une machine incendiaire équipée
d’askomata, d’« outres » gonflées d’air, qui permettent certainement de ne diffuser
qu’un faible volume d’air, dotées d’un embout, et il établit un parallèle entre cette
technologie et celle utilisée en métallurgie : « Ces jarres [en terre cuite, cerclées de
bandes de fer} sont remplies de charbon pilé et ont un tube en fer dans lequel est inséré
un autre tube communiquant avec une outre remplie d’air. [...] Les forgerons en plomb
se servent constamment de ce système », Οὗτοι (οἱ κύθρινοι ὀστράκινοι σιδηραῖς λεπίσι
δεδεμένοι) πίμπλανται ἄνθρακος λεπτοῦ καὶ ἔχουσι σύρριγγα σιδηρᾶν, εἰς ἥν ἄλλη
ἐντίθεται σύριγξ ἄσκωμα ἔχουσα (APOL. 153, 3 = Thévenet IV, 2)263. C’est ce même
genre de sacs en cuir propres à contenir l’air, de dimensions variables, que l’on retrouve
dans le dispositif mythique des forges d’Héphaïstos dans la description qu’en donne
Théodôridas de Syracuse, auteur d’épigrammes et de dithyrambes du IIIe siècle av. J.-C.,
cité par Pollux : « Héphaïstos se sert de sacs de cuir [en peau de bœuf ?] comme
soufflets », Θεοδωρίδας τὸν Ἥφαιστον ἔφη φυσητῆρσι μολγίνοις χρῆσθαι (POLL. X,
187)264.
176Le terme φύσα est utilisé depuis Homère et jusqu’à l’époque classique pour désigner
les soufflets de forge, que ce soient ceux d’Héphaïstos en personne, qui se met à
l’œuvre lorsque Thétis lui rend visite afin de lui demander des armes pour Achille, ou
ceux de simples mortels, y compris du praticien hippocratique. De fait, l’utilisation en
médecine d’outres dotées d’un embout (αὐλός, αὐλισκός), semblables à des soufflets de
plus petites dimensions, nous renseigne également sur leur confection265.
Thétis trouve Héphaïstos « tout suant, s’affairant autour de ses soufflets », ἱδρώοντα
ἑλισσόμενον περὶ φύσας (Il. 18, 372) ; informé de sa venue, il quitte son enclume, range
ses outils, et « écarte du feu ses soufflets », Φύσας μέν ῥ’ ἀπάνευθε τίθει πυρός (Il. 18,
409). Le Spartiate Lichas entre à Tégée dans une forge et observe les « deux soufflets
du forgeron » (τοῦ χαλκέος δύο... φύσας) dans lesquels il reconnaît les « deux vents
[qui] soufflent sous la contrainte de la puissante nécessité » (ἄνεμοι πνείουσι δύω
κρατερῆς ὑπ’ ἀνάγκης) du langage métaphorique de l’oracle qu’il a obtenu de la Pythie
(HDT I, 68)
Aristote affirme que la poitrine de l’homme se soulève lorsqu’il inhale de l’air, « tout
comme les soufflets des forges », καθάπερ τὰς φύσας ἐν τοῖς χαλκείοις
(ARIST. Resp. 7, 13, 474a).
Anaximandre compare l’orbe solaire à une roue de char. Le feu est visible « à travers
une ouverture comparable au bec tubulaire d’un soufflet de forge », διὰ στομίου τὸ πῦρ
ὥσπερ διὰ πρηστῆρος αὐλοῦ (ANAX. cité par Aétius, Opinions II, 20, 1, trad. perso.).
177Si l’objet n’est jamais décrit dans ces derniers exemples avec précision, il est
toutefois connu par une série de représentations figurées en sculpture et en peinture sur
vases. Ainsi, la stèle en naiskos du Louvre de Sôsinous de Gortyne, fondeur de bronze
(χαλκόπτης), présente aux pieds du défunt un objet rond à la surface piquetée évoquant
le cuir et qui pourrait être l’outre centrale d’un soufflet de forge266. Une seconde outre
dégonflée serait alors représentée à plat sur le sol. Sur la frise du Trésor des Siphniens,
les deux objets sur lesquels semble faire poids Héphaïstos ont pu être interprétés comme
deux grands soufflets pour chauffer les pièces de métal qu’il utilise comme munitions
dans la bataille contre les Géants267. J. Beazley signale par ailleurs le fragment d’une
coupe du Peintre de Panaitios (actif vers 500-480) : on y voit, sous la main gauche de
l’un des jeunes hommes tenant des baguettes efilées à leur extrémité, la partie
supérieure d’un objet aux contours courbes et couvert de points de couleur brune : ces
points se retrouvent sous la main droite et derrière les mollets. Ces baguettes effilées et
les sacs à motifs de points représenteraient un type de souflets de cuir connu dans
plusieurs représentations sur vases268. Par ailleurs, la coupe de la Fonderie de Berlin (v.
490-480 ; fig. 17) met en scène une série de personnages parmi lesquels un jeune
homme, placé derrière le four, exerce une pression sur un sac en cuir formant une série
de gros plis : il paraît actionner le souflet dont les embouchures ont été insérées dans un
trou à l’arrière de la cheminée du four.
Attaches et harnachement
Équipement du cheval
179Ilne s’agit pas de donner ici un exposé complet de la question de l’équipement du
cheval, qu’on trouvera traitée dans la synthèse des sources littéraires et iconographiques
de P. Vigneron271, mais d’en rappeler les principaux éléments.
181Le mors (χαλινός)272 est une pièce métallique maintenue en position dans la bouche
du cheval par un réseau de courroies – la « monture » – qui entourent la tête. Sa partie
supérieure est constituée par deux courroies qui se recoupent à angle droit, la « têtière »
sur le sommet de la tête et le « frontal » appliqué sur le front. Ces deux courroies, selon
P. Vigneron, apparaissent sur la plupart des documents figurés montrant des chevaux
harnachés273, même si les auteurs de ces représentations ont pu avoir tendance à
rehausser l’effet décoratif et à multiplier le nombre de courroies secondaires 274.
L’« archive de Dryton », écrite par Esthladas au verso d’un papyrus établissant le
compte de paiement de taxes au milieu du IIe siècle av. J.-C., donne la liste de
l’équipement qu’un cavalier peut emporter avec lui en campagne ; les mors, ou plus
vraisemblablement les courroies du mors, y apprend-on, sont fabriqués en cuir de
taureau (χαλιν[ὰ] ταύρεα), matériau garantissant leur solidité275.
182La plupart du temps, les auteurs grecs recourent au terme générique ἱμάντες pour
nommer ces différentes courroies de cuir, qui désignent tout autant parfois les lanières
de fouet276. Un traité spécialisé comme l’Art équestre de Xénophon fournit cependant
le terme ἡ κορυφαία pour nommer l’ensemble des courroies constituant la « têtière »
(XEN. Art Eq. III, 2 ; V, 1 ; VI, 7) ; reposant sur la nuque, elle est maintenue en avant
par le frontal, ὁ κεκρύφαλος (VI, 8) ; les montants de bride, τὰ κατατείνοντα (X, 7),
permettent de tendre le mors.
183Pour désigner les rênes, il existe dans la langue grecque le terme technique, d’emploi
singulier ou pluriel277, ἡνία(ι)278. Elles ressemblent à de simples cordes, des courroies
plates ou des lanières de cuir tressées sur les documents figurés279, car elles doivent
être solides, facilement maniables (donc pas trop épaisses) et ne doivent pas glisser
(d’où les nœuds, le tressage ou l’adjonction de petits éléments métalliques, en bois, en
ivoire, dans la lanière de cuir)280. Comme toute pièce de harnachement, les rênes sont
par ailleurs un élément d’apparat, et certaines occurrences impliquent une coloration des
cordes ou du cuir en vue d’un effet purement esthétique, comme les « rênes écarlates »
(ἡνία φοινικόεντα) qu’Héraklès enjoint à son cocher Iolaos de saisir
(HES. Boucl. 95)281, ou encore l’ajout d’éléments décoratifs en ivoire ou une dorure de
la surface282.
Accessoires du harnais
186Les œillères en cuir, utilisées pour limiter la vue des bêtes et les astreindre au travail
ou pour offrir une protection latérale aux yeux288, sont déjà mentionnées dans une
tablette mycénienne289. On n’en trouve pas de mention dans les textes, mais les
lexicographes les désignent par le terme παρώπια290.
187Pour éviter les morsures des chevaux ou les empêcher d’interrompre leur tâche en
broutant, on recourait à des muselières faites de courroies ou de cordes tressées prenant
la forme d’un panier. Elles pouvaient être partiellement ou entièrement en métal et
étaient rattachées au harnais par un dispositif de courroies ou cordes291. Eschyle
mentionne « les muselières (φιμοί) remplies du souffle de leurs naseaux »
(ESCHL. Sept Th. 461-464) ; Xénophon recourt au substantif κημός et au verbe κημῶ,
« mettre la muselière » (XEN. Art. Eq. V, 3)292.
188Enfin, un fragment de vase attique à figures rouges du milieu du Ve siècle représente
un chapeau de soleil semblable à une petite ombrelle surélevée au-dessus du crâne,
permettant ainsi l’aération et évitant l’échauffement, et dont le manche « semble enfilé
dans une large bande de cuir probablement attachée à la têtière293 ».
Dispositif d’attelage
189Le terme λέπαδνα, déjà présent dans l’Iliade et d’usage poétique, s’applique aux
courroies qui retiennent la tête du cheval au joug ou timon du char lorsqu’on l’attelle,
une sorte de collier souple294. Le geste consistant à attacher la bête au joug est décrit
dans l’Iliade pour les chevaux, et chez Pollux pour les bœufs. Ainsi, Priam ordonne à
ses fils d’atteler des chevaux à un chariot à mules pour aller chercher son fils :
Avec le joug, ils amènent la courroie à joug (ζυγόδεσμον), longue de neuf coudées [soit
quatre mètres]. Ils posent le joug sur le bout d’avant du timon poli et mettent en même
temps la boucle à la cheville. Ils attachent ensuite joug et timon ensemble, en passant
trois fois la courroie des deux côtés de la bosse (τρὶς δ’ ἑκάτερθεν ἔδησαν ἐπ’ὀμφαλόν),
puis ils achèvent le nœud et rentrent le bout en dessous » (Il. 24, 270-274)295.
190Pollux, quant à lui, éclaire le passage d’Hésiode qui évoque le labourage et le
moment où le paysan touche le dos des bœufs qui « tirent sur la cheville <recouverte de
la courroie> du joug », ἔνδρυον ἑλκόντων μεσάβων296 (HES. Trav. 469), puisqu’il
définit le mot μέσαβον en ces termes : « On appelle echeboion, mesaboion [mesoboion]
la large courroie qui s’attache au joug. On fixe le joug en l’entourant de la courroie
après avoir inséré dans son trou la cheville de bois appelée endryon [embryon] », ὁ δὲ
πλατὺς ἱμὰς ὁ τῷ ζυγῷ παρακαθαπτόμενος ἐχέβοιον ἢ μεσάβοιον [μεσόβοιον] καλεῖται·
καταλαμβάνουσι δ’ αὐτόν, ὅταν περιελίξωσιν, εἰς τὸ τοῦ ζυγοῦ τρύπημα κερκίδα
ξυλίνην ἐμβαλόντες ἣ καλεῖται ἔνδρυον [ἔμβρυον] (POLL. I, 252).
Selle
191La question de l’usage – non fréquent mais connu – de la selle a été résolue par
E. Delebecque297. Si aucune selle de cuir n’est jamais représentée, certainement pour
des raisons esthétiques ou du fait de nos lacunes documentaires298, Xénophon marque
bien la distinction entre « monter à cru ou sur une selle », καθέζ[ομαι] ἐπὶ ψιλοῦ [ἢ] ἐπὶ
τοῦ ἐφιππίου (XEN. Art. Eq. VII, 5). Cet objet dénommé ἐφίππιον ne peut se confondre
avec un simple amoncellement de « couvertures », τὰ στρώματα299 ; il s’agit d’un objet
doté d’une matelassure peu épaisse (XEN. Art. Eq. XII, 9 : τὸ ἔποχον),
vraisemblablement en cuir, que le cavalier glissait sous lui pour consolider son assiette
et ne pas blesser le cheval, et qu’il fixait à sa monture par des courroies et des sangles
du même matériau : « l’emploi des mors et des selles veut qu’ils aient pour attaches des
courroies de cuir », χαλινοὶ καὶ ἐφίππια ἐξ ἱμάντων ἠρτημένα ἐστὶ χρήσιμα
(XEN. Com. Cav. VIII, 4).
Collier de défense
196Pour « assurer la défense des chiens gardiens de troupeaux », un auteur
des Géoponiques préconise de « leur attacher autour du cou une <pièce de> peau crue –
ainsi <ils seront> protégés au cou et sur toute la gorge – en faisant en sorte d’avoir passé
à travers elle des pointes de fer. En effet, si une bête sauvage l’atteint en quelqu’un de
ces endroits, il tuera le chien, alors que s’il mord quelqu’autre endroit, il ne lui fera
qu’une blessure », Φυλακτέον δὲ τοὺς τῶν ποιμνίων φύλακας κύνας, ὠμὴν βύρσαν τοῖς
τραχήλοις αὐτῶν περιθέντας, καὶ τὸν λαιμὸν καὶ πᾶσαν τὴν φάρυγγα ἀσφαλιζομένους,
κέντρα τε σιδηρᾶ ἀπ’ αὐτῆς ἀναστήσαντας. Τούτων γάρ τι τῶν μερῶν εἰ θηρίον ἅψαιτο,
ἀναιρήσει τὸν κύνα· ἐὰν δέ τι ἕτερον μέρος δάκῃ, τραῦμα ποιήσει μόνον (Géop. XIX, 1,
2-3).
Muselière
197Avons-nous gardé la trace de muselières pour chiens, qui s’avèrent utiles dès lors
que l’animal est susceptible de représenter un danger pour l’homme par ses morsures ?
Le terme κυνοῦχος, signifiant étymologiquement et génériquement « qui entrave le
chien », est traduit le plus souvent par « collier » ou « laisse ». Il fait partie des mots très
nombreux composés en -(δ)οῦχος, où le verbe a le sens actif de « tenir, contenir,
garder » avec comme complément d’objet direct le premier élément. L’étymologie
parfois invoquée de « sac en peau de chien », reposant sur un sens génitif ou
instrumental de kuon, est donc fausse303.
198La signification la plus fréquemment donnée de « laisse ou collier de chien » dans
nos dictionnaires repose sur la glose fautive de la Souda304, qui cite en guise
d’exemple un vers d’une épigramme de Léonidas de Tarente (A.P. VI, 298, du IIIe siècle
av. J.-C.) où un pauvre hère laisse à sa mort, en guise de dépouilles, des haillons et
un kynouchos « sans la moindre monnaie de bronze », ἀχάλκωτόν τε κυνοῦχον. Le
terme désigne donc ici sans aucune ambiguïté tout autre chose qu’une laisse, à savoir
une bourse vide. Th. Reinach démontre que le terme ne peut désigner, dans son emploi
relatif au chien (et donc en lien avec son sens étymologique), qu’une muselière, en le
rattachant à tous les autres emplois du mot où il désigne un sac rempli d’argent, de filets
ou de gibier de chasse, ou des vêtements qu’on enlève au gymnase305. Les sèmes
communs à ces acceptions sont la forme et la fonction de l’objet ainsi désigné : il s’agit
d’un sac, permettant tantôt de contenir des objets (pièces ou autres), tantôt d’enfermer la
gueule du chien. Le sens de « collier » ne doit pas être retenu non plus, si l’on prend
comme argument l’usage adjectival qui est fait du mot dans une autre épigramme votive
de Philippe (début du Ier siècle)306 : κυνοῦχος y est employé dans son sens
étymologique (« qui entrave le chien ») avec le substantif qui désigne, lui, le « collier »
(kloios)307, ce qui montre que les deux termes ne sont pas synonymes.
199On peut imaginer que l’objet a été représenté peint sur des reliefs, comme les laisses
des chiens sur une stèle conservée au Louvre, dont il ne reste que les extrémités,
sculptées, qu’un esclave tient dans ses mains308. L’absence d’un tel objet dans la
peinture vasculaire est plus problématique : doit-on finalement estimer que nous
sommes en présence d’une perte, due au temps, des témoignages iconographiques de la
muselière (perte qui nous prive par là même de son analyse technique : sa forme, les
moyens de fixation…), dont il ne resterait que le mot309, ou d’un manque réel, de
l’absence d’un tel équipement en Grèce ancienne, et ce à l’encontre des arguments
précédents ? La question reste ouverte.
La navigation
Embarcations
Peaux tendues sur armature
202Les embarcations de peaux étendues sur une armature de bois et cousues « sont
connues au moins depuis le Mésolithique et leur tradition s’est perpétuée jusqu’au
kayak et à l’oumiak des Esquimaux actuels312 ». Les auteurs grecs les mentionnent, en
tant qu’usage étranger ou dans un contexte de guerre, et mettent en avant les qualités de
telles embarcations, qui devaient pouvoir se construire rapidement et avec peu de
moyens, voire avec des moyens recyclables. Hérodote le premier décrit ainsi les bateaux
d’Arménie :
Les bateaux des gens du pays, qui descendent le cours du fleuve pour aller à Babylone,
sont de forme circulaire et tout en cuir. On les fabrique dans la région de l’Arménie, qui
est en amont de l’Assyrie ; les varangues sont faites de branches coupées de saule313 :
on applique sur elles extérieurement, comme on ferait d’un plancher, une enveloppe de
peaux ; [...] on donne au bateau une forme ronde comme celle d’un bouclier, on le garnit
entièrement de paille, et on le laisse aller au fil de l’eau, chargé de marchandises. Ce
qu’on transporte ainsi, ce sont surtout des jarres contenant du vin de Phénicie. [...] On
construit les bateaux de ce genre tantôt très grands tantôt moins. [...] Sur chaque bateau,
il y a un âne vivant ; sur les plus grands, plusieurs. Lors donc que les bateliers sont
arrivés à Babylone et qu’ils ont placé leur cargaison, ils vendent à la criée la carcasse du
bateau et toute la paille ; puis ils empilent les peaux sur leurs ânes et repartent pour
l’Arménie. Il leur est en effet impossible de remonter le fleuve en bateau, à cause de la
rapidité de son cours ; c’est pour cette même raison qu’ils font leurs bateaux non pas de
bois, mais de peaux.
Τὰ πλοῖα αὐτοῖσι ἐστὶ τὰ κατὰ τὸν ποταμὸν πορευόμενα ἐς τὴν Βαβυλῶνα, ἐόντα
κυκλοτερέα, πάντα σκύτινα. ἐπεὰν γὰρ ἐν τοῖσι Ἀρμενίοισι τοῖσι κατύπερθε Ἀσσυρίων
οἰκημένοισι νομέας ἰτέης ταμόμενοι ποιήσωνται, περιτείνουσι τούτοισι διφθέρας
στεγαστρίδας ἔξωθεν ἐδάφεος τρόπον· [...] ἀλλ᾽ ἀσπίδος τρόπον κυκλοτερέα
ποιήσαντες καὶ καλάμης πλήσαντες πᾶν τὸ πλοῖον τοῦτο ἀπιεῖσι κατὰ τὸν ποταμὸν
φέρεσθαι, φορτίων πλήσαντες· μάλιστα δὲ βίκους φοινικηίους κατάγουσι οἴνου πλέους.
[...] Ποιέεται δὲ καὶ κάρτα μεγάλα ταῦτα τὰ πλοῖα καὶ ἐλάσσω· [...] ἐν ἑκάστῳ δὲ πλοίῳ
ὄνος ζωὸς ἔνεστι, ἐν δὲ τοῖσι μέζοσι πλέονες. ἐπεὰν ὦν ἀπίκωνται πλέοντες ἐς τὴν
Βαβυλῶνα καὶ διαθέωνται τὸν φόρτον, νομέας μὲν τοῦ πλοίου καὶ τὴν καλάμην πᾶσαν
ἀπ᾽ ὦν ἐκήρυξαν, τὰς δὲ διφθέρας ἐπισάξαντες ἐπὶ τοὺς ὄνους ἀπελαύνουσι ἐς τοὺς
Ἀρμενίους. Ἀνὰ τὸν ποταμὸν γὰρ δὴ οὐκ οἷά τε ἐστὶ πλέειν οὐδενὶ τρόπῳ ὑπὸ τάχεος
τοῦ ποταμοῦ· διὰ γὰρ ταῦτα καὶ οὐκ ἐκ ξύλων ποιεῦνται τὰ πλοῖα ἀλλ᾽ ἐκ διφθερέων
(HDT I, 194).
203L’usage consistant à bourrer de foin la cale du radeau constitué de peaux se retrouve
à l’époque de Xénophon, alors que les soldats grecs se ravitaillent dans la ville de
Charmandé, « en traversant le fleuve [Euphrate] sur des radeaux de la manière
suivante : remplissant de foin sec les peaux de bêtes, qui leur servaient de tentes, ils en
rapprochaient et en fermaient les bords ; de cette façon l’eau ne mouillait pas le foin.
Sur ces peaux, ils passaient le fleuve et revenaient avec des vivres… », σχεδίαις
διαβαίνοντες ὧδε· διφθέρας ἃς εἶχον στεγάσματα ἐμπίμπλασαν χόρτου κούφου, εἶτα
συνῆγον καὶ συνέσπων314, ὡς μὴ ἅπτεσθαι τῆς κάρφης τὸ ὕδωρ· ἐπὶ τούτων διέβαινον
καὶ ἐλάμβανον τὰ ἐπιτήδεια… (XEN. An. I, V, 10).
204L’usage de telles embarcations est encore attesté au Ier siècle av. J.-C. chez les
populations celtes de Bretagne. Ainsi, « César fait faire à ses soldats des navires du
genre de ceux dont il avait appris l’usage, les années précédentes, en Bretagne. La quille
et l’armature étaient en bois léger, le reste de la carcasse formé d’osier entrelacé et
recouvert de cuir », imperat militibus Caesar ut naues faciant, cuius generis eum
superioribus annis usus Britanniae docuerat : carinae ac prima statumina ex leui
materia fiebant ; reliquum corpus nauium uiminibus contextum coriis
integebatur (CES. G.C. I, 54). On en trouve l’écho chez Lucain, qui décrit
sommairement la fabrication de ces radeaux, rates (LUCA. Phars. IV, 137) et donne
l’aire géographique de leur utilisation : « on mouilla des baguettes de saule argenté pour
les entrelacer en forme de nacelle ; recouverte de la dépouille des bœufs immolés, elles
portent ainsi le passager et bondissent sur le fleuve gonflé. Ainsi le Vénète navigue sur
les lagunes du Pô et le Breton sur le vaste Océan », primum cana salix madefacto
uimine paruam | texitur in puppim caesoque inducta iuuenco | uectoris patiens tumidum
supereminat amnem. | Sic Venetus stagnante Pado fusoque Britannus | nauigat
Oceano (LUCA. Phars. IV, 131-135). Pline confirme l’information : « encore
aujourd’hui, on rencontre, dans l’océan Britannique des radeaux en osier doublés de
cuir », etiam nunc in Britannico oceano uitiles corio circumsutae fiunt (PLIN. VII,
206)315.
Courroies diverses
219C’est en recourant au terme générique que les auteurs désignent une fois encore
diverses courroies, dont le contexte permet de préciser l’emploi dans le domaine de la
navigation : ainsi, dans les textes homériques, à côté des gréments et cordages désignés
génériquement par ὅπλα (Od. 2, 390 et 430)342, les termes βοεία et βοεύς en viennent à
désigner en fait, par métonymie, une courroie réalisée dans le cuir solide d’un bœuf ou,
plus généralement, d’un bovidé. L’Odyssée présente ainsi une scène où les gens de
Télémaque accomplissent les manœuvres au départ d’un bateau : ils dressent le mât de
sapin, raidissent les étais « et au moyen de drisses de cuir tordu hissent les voiles
blanches », ἕλκον δ’ ἱστία λευκὰ ἐϋστρέπτοισι βοεῦσιν (Od. 2, 426 = 15, 291).
L’adjectif composé ἐΰστρεπτος (εὔστρεπτος) qui qualifie ici les courroies est ambigu,
car il peut renvoyer à une opération technique (la drisse est « bien tournée, tordue ») ou
à une qualité du matériau (« qui tourne bien, flexible, souple ») ; s’il renvoie bien à
l’idée d’une torsion, celle-ci a pour effet de renforcer la solidité du câble de cuir. Dans
l’Hymne qui lui est consacré, le dieu Apollon se trouve à bord d’un navire et donne des
instructions aux marins crétois « laissant les voiles comme ils les avaient tout d’abord
fixées avec des courroies », ὡς τὰ πρώτιστα κατεστήσαντο βοεῦσιν (Hymn. Ap. I, 407) :
« Détachez d’abord les courroies et carguez les voiles », ἱστία μὲν πρῶτον κάθετον
λύσαντε βοείας (Hymn. Ap. I, 487)343.
220L’autre terme générique, ἱμάντες, se rencontre également pour désigner tout type de
courroie équipant le navire, comme « deux vieilles courroies » (ἱμάντες παλαιοί β) dans
les archives de Zénon, parmi une liste d’articles courants réutilisés (PCZ IV, 59756, l.
5)344.
221Enfin,Hésychius est le seul à mentionner les πέδαι qu’il définit comme des
« anneaux de navire revêtus de cuir pour les rames et le mât », κρίκοι ἐσκυτωμένοι τῆς
νεὼς τοῖς πηδαλίοις καὶ τῷ ἱστῳ (HESYCH. s.v.). Il ne peut s’agir uniquement
d’anneaux que l’on fixait à l’extrémité de l’aviron de bois pour en faciliter la préhension
et éviter qu’il ne glisse, puisque le mât est susceptible d’en être équipé. Il faut sûrement
y voir plutôt des anneaux de renfort, cerclages habituellement en corde ou en métal
disposés régulièrement le long du mât de sorte qu’il ne se fende pas et résiste mieux aux
efforts qu’il subit. Ce sont probablement des « roustures » métalliques de ce type,
utilisées pour le mât et, aux dires d’Hésychius, pour les rames, qui étaient ainsi
enveloppées dans une feuille de cuir pour protéger le bois de la morsure du métal345.
Les « athlètes-courroie »
236Dans son entreprise consistant à décrire les différentes morphologies d’athlètes,
Philostrate différencie « les athlètes-planches » (οἱ σχιζίαι) et « les athlètes-courroies »
(οἱ ἱμαντώδεις)373 :
[Ce] sont [deux types] élancés aux jambes longues et aux bras démesurés ; ils diffèrent
plus ou moins entre eux : les premiers ont les chairs fermes, les contours bien marqués,
et sont divisé en plusieurs tronçons ; c’est de là, je pense, que leur vient leur nom ; les
autres sont poreux, ont un corps relâché et sont souples374 dans les mouvements,
comme des courroies. De ces deux classes, les premiers ont plus d’ardeur dans les
enlacements ; mais les athlètes-courroies ont plus de persistance et enlacent mieux.
Σχιζίαι τε καὶ ἱμαντώδεις, εὐμήκεις μὲν ἄμφω καὶ μακροὶ τὰ σκέλη, καὶ ὑπέρχειρες·
διενηνόχασι δὲ ἀλλήλων μικρά τε καὶ μείζω· οἱ μὲν γὰρ στρυφνοί τε καταφαίνονται, καὶ
εὔγραμμοι, καὶ πολυσχιδεῖς· ὅθεν, οἶμαι, καὶ ἡ ἐπωνυμία αὐτοῖς ἥκει· οἱ δὲ μανοί τε
εἶσι, καὶ ἀνειμένοι μᾶλλον, καὶ ὑγροὶ ἅμα ἐν ταῖς περιστροφαῖς κατὰ ταὐτὰ τοῖς
μάσθλησιν. Εἰσὶ δὲ αὐτῶν οἱ μὲν ἰταμώτεροι τὰς συμπλοκάς, οἱ δὲ ἱμαντώδεις
συνεκτικώτεροί τε καὶ εἴροντες (PHILOST. Gymn. 38).
237On trouve déjà cette métaphore chez Aristophane, quand le Coryphée reproche à un
des vieillards dicastes du Chœur d’avancer lentement, alors que dans sa jeunesse il était
plus vigoureux, plus souple : « tu étais une lanière de peau de chien », ἦσθ’ἱμὰς κύνειος
(AR. Gu. 231). Mais chez l’auteur comique, elle peut prendre aussi un sens
psychologique : l’homme-lanière (μάσθλης) est doté d’une grande souplesse d’esprit, se
montre rusé – on dirait en français d’un individu qu’il est une « ficelle »375. Cet emploi
se rencontre à deux reprises : une première fois au sujet du Paphlagonien que le
Coryphée qualifie de « vantard » et de « roublard », ὡς δ’ ἀλάζων, ὡς δὲ μάσθλης
(AR. Cav. 269) ; ou encore lorsque Strepsiade fait la liste de ce qu’il considère comme
des qualités dont il veut se voir affublé, en échange de quoi il accepte de se livrer à
Socrate : « pourvu que j’aie la réputation d’être hardi, beau parleur, audacieux, effronté,
impudent, assembleur de mensonges, jamais à court de paroles, routier de procès, pilier
de lois, cliquette, renard, tout rouerie, <souple comme> lanière, narquois, glissant,
hâbleur, cible à aiguillon, canaille, retors, revêche, lèche-<?>376 », τοῖς τ’ ἀνθρώποις
εἶναι δόξω | θρασύς, εὔγλωττος, τολμηρός, ἴτης, | βδελυρός, ψευδῶν συγκολλητής, |
εὑρησιεπής, περίτριμμα δικῶν, | κύρβις, κρόταλον, κίναδος, τρύμη, | μάσθλης, εἴρων,
γλοιός, ἀλαζών, | κέντρων, μιαρός, στρόφις, ἀργαλέος, | ματιολοιχός (AR. Nu. 444-
451). Une scholie ancienne précise : « lanière : tout particulièrement la courroie qui a
été assouplie et relâchée ; la lanière désigne donc, ici, celui qui est très avisé (i.e. celui
qui a plus d’un tour dans son sac) et léger, qui ne connaît rien de certain ni de ferme »,
μάσθλης· ἰδίως ὁ μεμαλαγμένος λῶρος καὶ ἔκλυτος· μάσθλης οὖν ἐνταῦθαι ὁ
πολυγνώμων καὶ ἔκλυτος καὶ μηδὲν βέβαιον μηδὲ σταθερὸν γινώσκων (Sch. Nu. 449a
[vet])377.
La musique
Paroi de caisse de résonance de lyre ; dispositif de tension
des cordes
238Le cuir était utilisé pour constituer la paroi de la caisse de résonance de la lyre ; le
texte le plus complet qui en relate la fabrication relève du mythe étiologique : Hermès
enfant, dans l’Hymne qui lui est consacré, inventa la lyre (indifféremment désignée dans
ce texte par φόρμιγξ ou κιθάρα) en fixant des roseaux dans la carapace évidée d’une
tortue qu’il venait de tuer, puis il « étendit sur le pourtour une peau de bœuf », adapta
deux bras en bois par une traverse et « tendit, en les accordant, sept boyaux de brebis »,
ἀμφὶ δὲ δέρμα τάνυσσε βοὸς [...] | ἑπτὰ δὲ συμφώνους ὀΐων ἐτανύσσατο χορδάς (Hymn.
Herm. I, 49 et 51). Deux autres textes378, de nombreuses scholies et des représentations
figurées permettent de préciser encore la nature de l’instrument et de ses parties 379. On
sait ainsi que les cordes étaient attachées à la traverse, et ainsi plus ou moins tendues,
par une série de petits ustensiles nommés κόλλοπες depuis l’Odyssée : on y voit en effet
Ulysse tendre son arc comme l’aède professionnel « tend aisément la corde sur un
nouveau kollops », ῥηιδίως ἐτάνυσσε νέῳ περὶ κόλλοπι χορδήν (Od. 21, 407, traduction
modifiée)380. Il ne s’agit pas à proprement parler de chevilles pour accorder
l’instrument, mais, à l’origine du moins, de bourrelets, de petites lanières de cuir
« autour desquelles <on entortillait> les cordes », περὶ οὓς αἱ χορδαί, selon Hésychius.
De rares représentations figurées permettent de dresser l’évolution du système de
fixation des cordes, dont le nom est resté quant à lui inchangé au fil des siècles : des
tampons de cuir plus ou moins sphériques, sur lesquels on fixait l’extrémité supérieure
des cordes381, ont fait place, semble-t-il dans la deuxième moitié du Ve siècle, à des
pièces de bois ou de métal382.
La médecine
Appareils pour réduire les luxations et fractures
248Le cuir trouve sa place dans des appareils de contention ou de traction plus ou moins
simples, utilisés pour réduire les luxations (c’est-à-dire rétablir le contact de deux
surfaces articulaires) et les fractures (ce qui revient à « redonner à l’os sa longueur, son
alignement et sa forme initiale, assurer sa consolidation mais aussi pouvoir restituer une
activité fonctionnelle à la région traumatisée, en évitant un nouveau déplacement des
fragments osseux406 »). C’est notamment dans le traité Des fractures que sont donnés
les modes d’emploi de ces montages externes.
249Ainsi, en cas de luxation du pied, on l’entoure d’une « enveloppe molle » (μαλθακόν
τι), puis on « passe tout autour des liens larges de cuir de bœuf » (πλάτεσι βοείοισιν
ἱμᾶσι περιδήσαντα τὸν πόδα) pour exercer la traction (HIPPO. III, 463 (Litt.)
= Fract. 13).
250Pourréduire la luxation congénitale du pied, ou pied bot, le médecin recommande
des manœuvres de kinésithérapie, des bandes de contention et prescrit des chaussures
adaptées, pourvues de semelles n’étant pas trop rigides, en cuir souple ou en plomb.
Une coque de plomb est ensuite lacée sur le dessus du pied au moyen de bandages ou de
courroies (HIPPO. IV, 267 (Litt.) = Art. 62)407.
251Plus complexe est l’appareil qui doit permettre une traction continue afin de réduire
une fracture de la jambe : il est constitué de boudins de cuir qui enserrent le membre,
l’un étant placé au-dessous du genou, l’autre au-dessus des malléoles. On fixe à
l’extrémité de ces boudins des courroies formant des godets dans lesquels on insère, en
les ployant, quatre baguettes de cornouiller souples408, qui en retrouvant leur rectitude
exercent l’extension recherchée, sans qu’elles touchent par là-même le membre de peur
de créer des escarres ; le médecin dispose de plusieurs jeux de verges pour varier
l’extension du membre fracturé409.
Faites coudre deux bourrelets en cuir d’Égypte [...]. Le cuir qui en fait l’enveloppe sera
cousu de manière qu’à droite et à gauche le bourrelet sera le plus élevé du côté de la
fracture, et ira en s’abaissant du côté qui regarde le pied ou le genou. Ces bourrelets
seront volumineux, mous, et s’appliqueront exactement l’un au-dessus des malléoles,
l’autre au-dessous du genou. Latéralement et sur le rebord saillant, le bourrelet inférieur
aura deux godets disposés en appendices, formés d’une courroie de cuir simple ou
double, courts comme des anses [...]. Le bourrelet supérieur aura des appendices
semblables et dans une direction correspondante, εἰ δέ τις σφαίρας δύο ῥάψαιτο ἐκ
σκύτεος αἰγυπτίου [...], αἱ δὲ σφαῖραι ἔχοιεν ἔνθεν καὶ ἔνθεν χιτῶνας, τὰ μὲν πρὸς τοῦ
τρώματος βαθυτέρους, τὰ δὲ πρὸς τῶν ἄρθρων βραχυτέτους, εἶεν δὲ ὀγκηραὶ μὲν καὶ
μαλθακαί, ἁρμόζουσαι δέ, ἡ μὲν ἄνωθεν τῶν σφυρῶν, ἡ δὲ κάτωθεν τοῦ γούνατος· ἐκ
δὲ πλαγίης ἄκρης δισσὰ ἡ κάτωθεν ἔχοι προσηρτημένα, ἢ ἁπλόου ἱμάντος, ἢ διπλόου,
βραχέα ὥσπερ ἀγκύλας [...]· καὶ ἡ ἄνωθεν σφαῖρα ἕτερα τοιαῦτα ἔχοι κατὰ τὴν
ἰθυωρίην τὴν αὐτὴν. Le médecin placera quatre verges de cornouiller sur les extrémités
des bourrelets ; il disposera de trois jeux de verges, plus ou moins longues,
afin « d’augmenter ou de diminuer la tension, ὡς καὶ μᾶλλον διατείνειν [...] καὶ ἧσσον.
Si ces bourrelets sont moelleux, bien faits, souples et récents [...], ce mécanisme est tres
avantageux ; mais s’il y a quelque défectuosité, il nuira plus qu’il ne servira, εἰ μὲν οὖν
αἵ τε σφαῖραι προσηνέες καὶ καλαὶ καὶ μαλθακαὶ καὶ καιναὶ ῥαφεῖεν [...] εὔχρηστον τὸ
μηχάνημα· εἰ δέ τι τουτέων μὴ καλῶς ἕξει, βλάπτοι ἂν μᾶλλον ἢ ὠφελέοι (HIPPO. III,
519-525 (Litt.) = Fract. 30).
252Dans le cas d’une fracture du maxillaire inférieur avec déplacement, le praticien
fabrique un appareil qui permet d’immobiliser la mâchoire en nouant au sommet de la
tête deux courroies collées à la peau par de la gomme, l’une passant sous la mâchoire,
l’autre laissant l’oreille libre. On termine le montage en entourant le front d’un bandage
pour maintenir l’ensemble, et le blessé doit dormir sur le côté opposé410.
On prend du cuir de Carthage ; si le blessé est en bas âge, on détache la partie externe
du cuir, et cela suffit ; s’il est plus âgé, on emploie le cuir même, on en coupe <une
lanière ayant> une largeur de trois doigts ou la largeur qui conviendra ; on enduit la
mâchoire de gomme (ce qui est plus doux que la colle), on fixe l’extrémité de la lanière
de cuir vers l’endroit de la fracture de la mâchoire en laissant entre la lanière et la lésion
un intervalle d’un doigt ou un peu plus. Cette lanière passe par dessous <la mâchoire> ;
elle doit avoir une incision dans la direction du menton, afin d’en embrasser la pointe.
Une autre lanière semblable ou un peu plus large sera collée vers le haut de la mâchoire,
étant, elle aussi, séparée de la lésion par le même intervalle que la première : elle sera
fendue afin d’embrasser l’oreille. Les bouts par lesquels on attache l’une à l’autre ces
deux lanières sont étroits. En collant, on placera sur la peau la partie molle du cuir, cela
tient mieux de cette façon, puis on tendra les lanières…
Ἔπειτα χρὴ δέρματος καρχηδονίου, ἢν μὲν νηπιώτερος ἔῃ ὁ τρωθείς, ἀρκέει τῷ λοπῷ
χρέεσθαι, ἢν δὲ τελειότερος ἔῃ, αὐτῷ τῷ δέρματι· ταμόντα δὲ χρὴ εὖρος ὡς
τριδάκτυλον, ἢ ὅκως ἂν ἁρμόζῃ, ὑπαλείψαντα κόμμι τὴν γνάθον - εὐμενέστερον γὰρ
κόλλης - προσκολλῆσαι τὸ δέρμα ἄκρον πρὸς τὸ ἀποκεκαυλισμένον τῆς γνάθου,
ἀπολείποντα ὡς δάκτυλον ἀπὸ τοῦ τρώματος ἢ ὀλίγῳ πλέον. Τοῦτο μὲν ἐς τὸ κάτω
μέρος· ἐχέτω δὲ ἐντομὴν κατὰ τὴν ἴξιν τοῦ γενείου ὁ ἱμᾶς, ὡς ἀμφιβεβήκῃ ἀμφὶ τὸ ὀξὺ
τοῦ γενείου. Ἕτερον δὲ ἱμάντα τοιοῦτον, ἢ ὀλίγῳ πλατύτερον προσκολλῆσαι χρὴ πρὸς
τὸ ἄνω μέρος τῆς γνάθου, ἀπολείποντα καὶ τοῦτον ἀπὸ τοῦ τρώματος, ὅσονπερ ὁ ἕτερος
ἀπέλιπεν· ἐσχίσθω δὲ καὶ οὗτος ὁ ἱμὰς τὴν ἀμφὶ τὸ οὖς περίβασιν. Ἀποξέες δὲ ἔστωσαν
οἱ ἱμάντες ἀμφὶ τὴν ξυναφήν· ἐν δὲ τῇ κολλήσει ἡ σὰρξ τοῦ σκύτεος πρὸς τοῦ χρωτὸς
ἔστω, ἐχεκολλότερον γὰρ οὗτως (HIPPO. IV, 149-151 (Litt.) = Art. 33).
253La fracture du nez fait l’objet de plusieurs notices qui envisagent deux cas : une
dépression du cartilage ou une déviation de la cloison nasale. Pour la première, il est
recommandé d’introduire dans la narine des mèches de charpie ou un tampon cousu
dans du cuir pour lui redonner sa forme initiale, ce qu’autorise la flexibilité de tels
matériaux tout en évitant le défaut de l’éponge qui s’imbibe rapidement d’humidité.
C’est encore le cuir de Carthage, dont on ne sait rien de précis, qui est préféré :
Soit de la charpie râpée provenant d’une étoffe de lin, soit une substance analogue
qu’on roulera dans une bande ou, ce qui vaut mieux, que l’on coudra dans du cuir de
Carthage, et à laquelle on donnera une forme adaptée au lieu où elle doit être placée.
ἢ ἄχνην τὴν ἀφ’ ἡμιτυβίου, ἢ ἂλλο τι τοιοῦτον ἐν ὀθονίῳ εἱλίσσοντα, μᾶλλον δὲ ἐν
καρχηδονίῳ δέρματι, ἐρράψαντα, σχηματίσαντα τὸ ἁρμόσσον σχῆμα τῷ χωρίῳ ἵνα
ἐγκείσεται (HIPPO. IV, 165 (Litt.) = Art. 37).
254Pour l’autre, on place dans la narine, comme précédemment, un tampon de cuir et on
redresse la cloison par une traction, variable et dans le sens opposé à la déviation,
exercée au moyen d’une lanière de cuir qui peut être attachée autour de la tête :
Mettre dans la narine un tampon de charpie roulé dans un morceau de la pellicule
superficielle411 du cuir de Carthage ou dans une autre enveloppe qui ne cause pas
d’irritation ; coller des lanières de la pellicule superficielle du cuir à la partie déjetée et
la redresser.
ἐντιθέναι ἄχνην ὀθονίου ἐναποδέοντα λοπῷ καρχηδονίῳ ἢ ἐν ἄλλῳ, ὃ μὴ ἐρεθιεῖ· τῷ
λοπῷ δὲ τὰς παραλλάξιας παρακολλᾶν, καὶ ἀναλαμβάνειν (HIPPO. IV, 347 (Litt.)
= Mochl. 2).
On prend la partie extérieure d’une pièce de cuir de Carthage, on en coupe une lanière
large comme le pouce ou comme le cas l’exige, et on la colle en dehors de la narine
déjetée ; ensuite, on donne à la lanière le degré de tension qui convient. [...] Enfin – car
la lanière doit être longue –, on la conduit au-dessous de l’oreille et autour de la tête ; on
peut coller sur le front le bout de la lanière ; on peut encore, la prenant plus longue,
tourner une fois de plus autour de la tête et l’attacher. Cette méthode, d’une part
maintient régulièrement la réduction, d’autre part est facile à graduer. χρὴ καρχηδονίου
δέρματος λοπὸν, πλάτος ὡς τοῦ μεγάλου δακτύλου τετμημένον, ἢ ὅκως ἂν ξυμφέρῃ,
προσκολλῆσαι ἐς τὸ ἔκτοσθεν πρὸς τὸν μυκτῆρα τὸν ἐκκεκλιμένον· κἄπειτα κατατεῖναι
τὸν ἱμάντα, ὅκως ἂν ξυμφέρῃ· [...] Ἔπειτα (μακρὸς γὰρ ἔστω ὁ ἱμὰς), κάτωθεν τοῦ
ὠτὸς ἀγαγόντα αὐτὸν, ἀναγαγεῖν περὶ τὴν κεφαλήν· καὶ ἔξεστι μὲν κατὰ τὸ μέτωπον
προσκολλῆσαι τὴν τελευτὴν τοῦ ἱμάντος, ἔξεστι δὲ καὶ μακρότερον ἐπιπεριελίσσοντα
περὶ τὴν κεφαλὴν καταδέειν. Τοῦτο ἅμα μὲν δικαίην τὴν διόρθωσιν ἔχει, ἅμα δὲ
εὐταμίευτον (HIPPO. IV, 169-171 (Litt.) = Art. 38).
Ustensiles
Balles de cuir
255Le médecin pratique déjà, à l’époque classique, la réduction de la luxation de
l’épaule par le talon. Pour cela, il doit s’asseoir près du blessé étendu par terre, du côté
de l’épaule luxée, afin de placer son talon dans l’aisselle, non sans avoir déposé au
préalable en son creux « une balle très petite et dure – ce qui est le mieux adapté –
comme les balles cousues avec plusieurs quartiers de cuir412 », ἐπιτηδειόταται δὲ αἱ
πάνυ σμικραὶ σφαῖραι καὶ σκληραὶ, οἷαι ἐκ τῶν πολλῶν σκυτέων ῥάπτονται (HIPPO.
IV, 85 (Litt.) = Art. 3), permettant ainsi à l’opérateur de bien appuyer sur la tête de
l’humérus.
Coussins
256Le médecin, pour améliorer le confort du patient, peut avoir recours à des coussins
de tissu ou de laine413, mais aussi de cuir : « on mettra sur la gibbosité une étoffe usée
pliée en plusieurs doubles ou un petit coussin de cuir (τρύχιόν τι πολύπτυχον ἢ σμικρόν
τι σκύτινον ὑποκεφάλαιον) : il convient que le corps interposé soit le moins épais
possible, car l’interposition n’a d’autre but que d’empêcher la planche de causer par sa
dureté une douleur inopportune » (HIPPO. IV, 209 (Litt.) = Art. 47).
257Mais il s’agit surtout de donner la meilleure position au malade pour faciliter
l’opération. Ainsi, pour réduire une luxation des condyles de la mâchoire, « il est plus
sûr d’opérer en faisant coucher le blessé sur le dos et en appuyant sa tête sur un coussin
de cuir aussi gonflé que possible, afin qu’il ne s’affaisse pas », un assistant pouvant par
ailleurs tenir la tête pour la garder bien fixe, ἀσφαλέστερον δὲ χειρίζειν ἐστὶν ὕπτιον
κατακλίναντα τὸν ἄνθρωπον, ἐρείσαντα τὴν κεφαλὴν αὐτοῦ ἐπὶ σκυτίνου
ὑποκεφαλαίου ὡς πληρεστάτου, ἵνα ὡς ἥκιστα ὑπείκῃ (HIPPO. IV, 145 (Litt.)
= Art. 30).
258Les coussins réalisés en cuir, gonflés d’air ou d’eau, assurent de fait un meilleur
maintien : parce que le praticien peut en varier le volume, ils constituent l’instrument le
mieux adapté lorsqu’il s’agit de remettre en place un déplacement osseux, comme dans
l’exemple d’une déviation du rachis due à une chute ou à un mauvais coup
(HIPPO. Art. 47, supra).
259Ces coussins étaient la plupart du temps des outres que l’on gonflait après les avoir
mises en place, ainsi que l’explicitent certains passages. Ainsi, pour réduire une luxation
de la cuisse, on place une outre vide entre les cuisses du patient que l’on attache
ensemble, « puis, introduisant un tuyau de forge dans un des pieds de l’outre, qui sera
dénoué, on l’insufflera », ἔπειτα ἐς ἕνα τῶν ποδῶν, τὸν λελυμένον, ἐνθέντα αὐλὸν ἐκ
χαλκείου, φῦσαν ἐσαναγκάζειν ἐς τὸν ἀσκόν (HIPPO. IV, 308-311 (Litt.) = Art. 77). On
peut au contraire dégonfler une outre préalablement remplie d’eau, comme lorsqu’on
cherche à faciliter l’expulsion du chorion en installant le fœtus sur un tas de laine posé
sur « deux outres, liées ensemble, pleines d’eau », que l’on « perce avec un poinçon afin
que l’eau s’écoule lentement », ἀσκία δύο ζευγμένα ὕδατος μεστά [...]ἔπειτα τρυπῆσαι
ἑκάτερον τῶν ἀσκίων ῥαφίῳ, ὅκως ῥυῇ κατὰ σμικρὸν τὸ ὕδωρ, entraînant ainsi un
affaissement du mate las de laine et une traction du cordon ombilical et du chorion
(HIPPO. VIII, 480 (Litt.) = Superf. 8)414.
« Bouillottes »
260Pour soigner les maladies provenant de la tête, l’auteur de Maladies préconise
l’emploi d’éponges chaudes (HIPPO. Mal. II, 22, 2) mais aussi de bouillottes : « avant
l’éruption d’eau par les narines ou les oreilles et quand le malade est en proie à de vives
douleurs, rasez-lui la tête, attachez au front l’outre de cuir que vous remplirez d’eau
chaude, l’eau sera aussi chaude qu’il pourra la supporter. Laissez le malade s’attiédir ;
quand l’eau s’est refroidie, remplissez une seconde outre », ἀποξυρήσαντα χρὴ αὐτὸν
τὴν κεφαλήν, περιδέοντα περὶ τὸ μέτωπον τὸν ἀσκὸν τὸν σκύτινον, ὕδατος ἐμπιπλάντα
ὡς ἂν ἀνέχηται θερμοτάτου, ἐᾶν αὐτὸν χλιαίνεσθαι, καὶ ἐπὴν ἀποψυχθῇ, ἕτερον ἐγχεῖν
(HIPPO. Mal. II, 12, 3)415.
261Un procédé similaire se rencontre lorsqu’il s’agit d’activer les menstruations de la
jeune fille qui connaît du retard : « il faut (alors) prescrire des peaux de mouton non
dépilées chaudes sur le ventre », χρή [...] ἀρνακίδας προστιθέναι θερμὰς πρὸς τὴν
γαστέρα (HIPPO. VIII, 507 § 34 (Litt.) = Superf. 34).
« Clystère »
262Les lavements sont une pratique courante, mais les textes ne précisent pas toujours
comment ils doivent être administrés. Quand c’est le cas, le montage de l’instrument se
fait à partir d’un sac de cuir. Ainsi, en cas d’ileus (occlusion intestinale), « le patient
doit être hydraté par l’extérieur et l’intérieur : lavez-le avec une grande quantité d’eau
chaude, qu’il boive des boissons qui permettent d’activer la digestion et d’évacuer
l’urine, et, s’il l’accepte, administrez un lavement » ; « s’il ne l’accepte pas, attachez
une canule au col d’une petite outre à vin, gonflez-la, et insufflez dans l’anus du patient
une bonne montée d’air ; alors, quand l’intestin se relâche sous l’action de l’air, et
l’estomac avec lui, enlevez la canule et procédez immédiatement au lavement (ἢν δὲ μὴ
δέχηται τὸ κλύσμα, αὐλίσκον προσδήσας πρὸς ποδεῶνα ἀσκίου, φύσησας, ἐνεῖναι τὴν
φῦσαν πολλήν· καὶ ἐπειδὰν ἀρθῇ τὸ ἔντερον ὑπὸ τῆς φύσης καὶ ἡ γαστήρ, ἐξελὼν τὸν
αὐλίσκον, ἐνεῖναι παραχρῆμα κλύσμα). Si le patient l’accepte, il va évacuer et se
rétablir ; s’il n’accepte pas le lavement même par ce moyen, il mourra sûrement dans les
sept jours » (HIPPO. VI, 233 (Litt.) = Aff. 21). Pour accomplir le même geste, on peut
aussi se servir d’un soufflet de forge qui est déjà doté d’un embout :
Prenez un soufflet de forge et, l’introduisant, insufflez l’air dans la cavité abdominale
afin de relâcher la cavité et le resserrement intestinal. Alors, retirez le soufflet et
administrez immédiatement le lavement préparé à l’avance, pas trop chaud mais capable
de dissoudre et d’amollir les excréments.
φῦσαν λαβὼν χαλκευτικὴν ἐσιέναι καὶ φῦσαν ἐς τὴν κοιλίην, ἵνα διαστήσῃς τήν τε
κοιλίην καὶ τὴν τοῦ ἐντέρου συστολήν· εἶτα πάλιν ἐξελὼν τὴν φῦσαν κλύσαι εὐθὺς·
ἕτοιμον δ’ ἔστω τὸ κλύσμα, μὴ πολὺ τῶν θερμαντικῶν, ἀλλὰ διαλυόντων τὰς κόπρους
καὶ τηκόντων (HIPPO. VII, 137 (Litt.) = Mal. III, 14).
Phallus de cuir
Phallus de cuir porté au théâtre
273Les acteurs de comédie portaient, noué autour de la ceinture, un membre viril factice
en cuir rouge, propre à susciter des répliques grivoises. Ainsi, à plusieurs reprises, des
personnages d’Aristophane insistent-ils sur cette partie de leur « anatomie
spectaculaire » : l’acteur se contente alors de nommer le membre viril réel (πέος),
comme s’il s’agissait bien de lui et non d’une imitation.
Dicéopolis apparaît portant le phallus de cuir, et demande aux courtisanes de sa suite de
lui « tenir le membre par le milieu » (ἐμοῦ δέ γε σφὼ τοῦ πέους ἄμφω μέσου |
προσλάβεσ[θε]), en écho à Lamachos, qui, s’étant déboîté la cheville en tombant dans
un fossé lors de son départ en guerre, demande à ses esclaves de lui porter la jambe
(AR. Ach. 1216-1217).
Clisthénès est sur le point de découvrir la véritable identité du Parent d’Euripide, qui
s’est travesti pour espionner les femmes et cache son attribut viril comme il peut, en le
balançant d’avant en arrière, ce qui occasionne un véritable jeu de scène : « Clisthénès
— Tiens-toi debout. Où pousses-tu ton membre (τὸ πέος) en dessous ?
Première femme (se mettant derrière le Parent) — Le voici qui passe la tête, et de belle
couleur (εὔχρων)427 !
Ah ! Coquin.
CL. (passant à son tour derrière) — Et où est-il ?
PR. F. — Il est de nouveau parti en avant.
CL. (revenant devant) — Il n’est pas de ce côté.
PR. F. (passant derrière) — Pardi, il est revenu par ici !
CL. — C’est une sorte d’isthme que tu as là, l’homme. Tu fais passer ton membre ici et
là, avec plus de fréquence que les Corinthiens ! » (AR. Thesm. 643-648).
Enfin, par inversion comique, c’est le terme κύσθος, désignant le sexe féminin et
déformé ici dans la bouche de l’Archer Scythe, qui sert à nommer le phallus de cuir que
porte l’acteur jouant le Parent, alors enchaîné, pour démontrer à Euripide déguisé en
Persée que son Andromède n’est pas du sexe adéquat : « Regarde son machin ! »,
σκέψαι τὸ κύστο (AR. Thesm. 1114).
274Mais l’auteur, par l’intermédiaire d’un personnage, peut aussi recourir à une
périphrase intéressante à nos yeux en ce qu’elle décrit plus précisément l’objet. C’est le
cas lorsqu’en pleine parabase le chef de chœur des Nuées s’adresse aux spectateurs :
« cette comédie [...] voyez comme elle est par nature réservée : tout d’abord, elle est
venue sans avoir cousu sur elle un morceau de cuir pendant, rouge par le bout, épais,
pour faire rire les gamins », ἥδ’ ἡ κωμῳδία [...] ὡς δὲ σώφρων ἐστὶ φύσει σκέψασθ’·
ἥτις πρῶτα μέν | οὐδὲν ἦλθε ῥαψαμένη σκύτινον καθειμένον | ἐρυθρὸν ἐξ ἄκρου, παχύ,
τοῖς παιδίοις ἵν’ ᾖ γέλως (AR. Nu. 534, 536-538)428. Les commentateurs s’accordent
sur la nature exacte de l’accessoire : pour le scholiaste, « les comédiens avaient
l’habitude de paraître sur scène en portant un pénis de cuir à la ceinture pour susciter le
rire », διεζωμένοι γὰρ δερμάτινα αἰδοῖα οἱ κωμικοὶ εἰσῄεσαν τοῦ γέλωτος χάριν (Sch.
Nu. 538b [vet]) ; Hésychius précise : « morceau de cuir pendant : les acteurs de
comédie paraissaient sur scène après l’avoir noué à leur ceinture ; pour d’autres, ils
étaient ceints de parties génitales en cuir pour provoquer le rire, juste au-dessus du
bassin et des parties », σκύτινον καθειμένον· διεζωσμένοι ἐσιῄεσαν οἱ κωμικοὶ
ὑποκριταί· οἱ δὲ αἰδοῖα δερμάτινα τοῦ γελοίου χάριν ἀνωτέρω τῶν ἰσχίων καὶ τῶν
αἰδοίων περικείμενοι (HESYCH. s.v.). L’exagération physique (larges postérieurs,
sexes larges des personnages masculins, pour ne citer qu’eux) renforçait donc le
ridicule.
275L’utilisation de tels sexes postiches semble persister jusque dans l’Antiquité tardive,
dans les mimes ou certains petits « spectacles de variété », ainsi que l’atteste, d’un côté,
un texte du Ve siècle de n. è. : « pour ce qui est du phallos : quelque personnage impur
portait un sexe obscène auxquels les mimes ressemblent aujourd’hui <par le leur> en
cuir, appelé phalêtarion », περὶ δὲ τοῦ φαλλοῦ [...] ἀκάθαρτός τις ἦν αἰδοῖον ἔχων
αἰσχρὸν ᾧ ὁμοιοῦσι νῦν οἱ μῖμοι δερμάτινον, ὃ καλοῦσι φαλητάριον (Ps.-NON. Sch.
Myth. 24 = PG 36, 1048). De l’autre, c’est une liste d’accessoires utiles à la mise en
scène de spectacles courts (paignia, « sketches »), datée paléographiquement du Ve-
VIe siècle, qui mentionne, pour la deuxième pièce qui consiste peut-être en un numéro de
« danse », « deux faux-phallus », φαλιταρια ΙΙ (P. Berol. 13927, col. II, l. 2 de la
deuxième pièce)429. Le terme évoque bien sûr celui de φαλλός que la Souda emploie,
mais plutôt pour renvoyer aux phalloi de processions qu’à un accoutrement théâtral,
puisqu’elle le définit comme un « membre (viril) en peau ; ou morceau de bois allongé,
ayant en son extrémité des parties génitales en cuir », μόρια δερμάτινα. ἢ ξύλον
ἐπίμηκες, ἔχον ἐν τῷ ἄκρῳ σκύτινον αἰδοῖον (Souda s.v. φ59), et encore comme un
« [objet imitant des] parties génitales faites en bois de figue et plus tard à partir de
peaux rouges, ayant l’aspect de parties génitales masculines. C’est en les portant autour
du cou et au milieu de la poitrine qu’on dansait en l’honneur de Dionysos lors des
Dionysies », αἰδοῖον σύκινον. ὕστερον δὲ ἐκ δερμάτων ἐρυθρῶν, σχῆμα αἰδοίου ἔχοντες
ἀνδρείου. καὶ τοῦτο ἑαυτοῖς πετιθέμενοι ἔν τε τραχήλοις καὶ μέσοις τοῖς μηροῖς
ἐξωρχοῦντο, τιμὴν τῷ Διονύσῳ ἐν τοῖς Διονυσίοις ἄγοντες (Souda s.v. φ60).
276Les sexes postiches sont souvent représentés sur les vases attiques (fig. 29) et les
quelque deux cents vases « phlyaques » produits entre le début et le troisième quart
du IVe siècle av. J.-C. en Italie du Sud : les acteurs de comédies anciennes430 qui y
figurent portent généralement un justaucorps, une courte tunique et/ou un manteau d’où
pend un « grand phallus en cuir à gland écarlate431 », parfois lié, que ce soit le sexe lui-
même qui dépasse ou la trop courte taille de l’himation qui le permette. Il en va ainsi sur
certaines représentations sur vases (par exemple, un guttus apulien du deuxième quart
du IVe siècle où un homme libre, revenant d’un banquet avec son esclave, s’appuie sur
sa canne et laisse paraître son sexe432) et sur des figures en terre cuite433.
Godemiché
277Une épigramme votive de Philitas de Samos, du reste inconnu, évoque un objet
féminin offert à Aphrodite par une périphrase obscure : âgée de plus de cinquante ans,
Nikias consacre à Cypris, en les suspendant dans son temple, des sandales, des boucles
de cheveux, un miroir, une ceinture « et de ces objets qu’un homme ne doit pas appeler
par leur nom, mais que vous pouvez voir dans cette exposition de Cypris tout entière »,
ἅ τ’ οὐ φωνητὰ πρὸς ἀνδρὸς, | ἀλλ’ ἐσορῇς πάσης Κύπριδος ὀπτασίην (A. P. VI, 210, 5-
6). Il pourrait bien s’agir de godemichés, représentés sur les vases et mentionnés par de
nombreux fragments434, ces derniers ne s’avérant toutefois guère utiles à la
compréhension de ce qu’étaient exactement ces objets. En revanche, trois passages
d’Aristophane, d’Hérondas et du pseudo-Lucien, ainsi que quelques gloses, nous
apprennent à la fois les termes qui les désignent (ὄλισβος, βαυβῶν) et des détails
concernant leur fabrication, leur aspect extérieur et leur utilisation.
AgrandirTélécharger l’image (.jpg, 724 KB)
Fig. 29 - Scène de comédie figurant des choreutes revêtus d’un costume à phallus de
cuir en érection (peut-être le chœur des Oiseaux d’Aristophane). Cratère en calice
attique à figures rouges, face A (v. 415-400) ; anciennement J. P. Getty Museum de
Malibu, 82.AE. 83 ; aujourd’hui à Naples, Soprintendenza per i Beni Archeologici. Su
concessione del Ministero dei Beni e delle Attività Culturali e del Turismo -
Soprintendenza per i Beni Archeologici di Napoli.
278Ainsi, Lysistrata se plaint à une amie de ce que la guerre prive les Athéniennes
d’amants : depuis la trahison des Milésiens, constate-t-elle, « je n’ai pas seulement vu
l’ombre d’un olisbos long de huit doigts qui eût pu nous soulager avec son cuir », οὐκ
εἶδον οὐδ’ὄλισβον ὀκτωδάκτυλον, | ὃς ἦν ἂν ἡμῖν σκυτίνη [ἐ]πικουρία (AR. Lys. 109-
110). En cela, elle s’inscrit parfaitement dans le thème comique des femmes qui
cherchent des gratifications sexuelles provenant d’une origine autre que le mari, qu’il
s’agisse d’un amant435 ou d’un objet de réconfort436. Les commentateurs anciens, qui
ne laissent planer aucun doute sur la nature réelle de l’ustensile, insistent sur le matériau
avec lequel est confectionné un instrument destiné, selon eux, aux tribades (considérées
comme infâmes) ou aux femmes esseulées (peut-être alors excusables d’une telle
pratique ?) :
Olisbos : membre viril en peau. On le rencontre dans les Milésiennes : « elle joue à
manier les olisboi ».
ὄλισβον· αἰδοῖον δερμάτινον. καὶ τοῦτο εἰς τὰς Μιλησίας· παίζει δὲ ὡς τοῖς ὀλίσβοις
χρωμένων (Sch. Lys. 109 [rec, ms. Xe-XIe siècle]).
Aide de cuir : les olisboi sont en effet en cuir. Ce sont des membres virils faits de peau,
qu’utilisent les femmes privées d’hommes.
σκυτίνη ἐπικουρία· [...] σκύτινοι γὰρ οἱ ὄλισβοι. εἰσὶ δὲ δερμάτινα αἰδοῖα, οἷς χρῶνται
αἱ χῆραι γυναῖκες (Sch. Lys. 110 [rec, ms. Xe-XIe siècle]).
Olisbos : membre viril en cuir, que les Milésiennes utilisent dans des pratiques
lesbiennes en s’adonnant à des plaisirs obscènes ; y recourent aussi les femmes privées
de leur mari.
ὄλισβος· αἰδοῖον δερμάτινον, ᾧ ἐχρῶντο αἱ Μιλήσιαι γυναῖκες, ὡς τριβάδες καὶ
αἰσχρουργοί· ἐχρῶντο δὲ αὐτοῖς καὶ αἱ χῆραι γυναῖκες (Souda s.v.).
279C’est d’ailleurs dans un passage où est débattue la question d’accorder aux femmes
la pleine liberté de s’unir entre elles – de même que les hommes pratiquent un
commerce sexuel entre eux – qu’est précisée la (une ?) façon de porter le godemiché :
« Que, ceintes de ces instruments infâmes artificiels, monstrueuse imitation dépourvue
de semence, une femme couche avec une femme, comme le ferait un homme ! »,
ἀσελγῶν δὲ ὀργάνων ὑποζωσάμεναι τέχνασμα, ἀσπόρων τεράστιον αἴνιγμα,
κοιμάσθωσαν γυνὴ μετὰ γυναικὸς ὡς ἀνήρ (PS.-LUC. Am. 28). La description d’un
ustensile semblable par la courtisane Métrô chez Hérondas fait état de « petites lanières
de cuir, <douces> comme de la laine », οἱ δ’ἱμαντίσκοι | ἔρι’, οὐχ ἱμάν[τες] (HER. VI,
71-72), qui pourraient servir à l’attacher à la taille – à moins que le diminutif ne désigne
ici les fils de cuir fins utilisés pour coudre la feuille de cuir et lui donner de manière
stable la forme voulue. L’objet est certes désigné ici par un hapax, mais sa destination
ne fait pas de doute : « ma chère Corytto », demande-t-elle à son amie, « dis-moi qui t’a
façonné ce baubôn écarlate ? », τίς ποτ’ ἦν ὅ σοι ῥάψας | τὸν κόκκινον βαυβῶνα; (HER.
VI, 19). L’ustensile pourrait donc être réalisé dans un cuir rouge comme les phallus
portés dans la comédie, à en croire Aristophane et la Souda, ce afin de paraître plus
proches de la réalité437. Corytto se fâche en apprenant que l’objet qu’elle avait prêté à
Euboulé après l’avoir essayé est arrivé chez une rivale qu’elle déteste et à laquelle elle
n’en ferait pas cadeau, « fût-il rugueux entre tous ! », οὐκ ἂν ὅστις λεπρός ἐστι
προσδοίην (HER. VI, 36)438. Elle répond toutefois à son amie et vante la qualité du
travail du cordonnier Cerdon, dont Athéna elle-même a dû guider la main lors de
l’exécution : « Quel travail ! [...] Les hommes n’atteignent pas – nous sommes entre
nous – cette rigidité. Et il n’y avait pas seulement cela, mais la douceur, un rêve ! »,
ὁκοῖ’ ἔστ’ ἔργα· [...] τὰ βαλλί’ οὕτως ἄνδρες οὐχὶ ποιεῦσι -| αὐταὶ γὰρ ἐ[σ]μεν - ὀρθά·
κοὐ μόνον τοῦτο, | ἀλλ’ ἡ μαλακότης ὕπνος (HER. VI, 69-71). Au total, si l’on tient
pour acquise la véracité de l’objet décrit, ce dernier, réalisé par un cordonnier, est
confectionné à partir d’un cuir teint en rouge, doux en surface, et se caractérise par sa
grande fermeté en raison de l’épaisseur du cuir ou par une accumulation de couches
peut-être agencées et maintenues en place au moyen de fines coutures ; il est possible
qu’il ait été maintenu à la taille par des courroies.
280Qu’apporte, du reste, l’iconographie ? Les images vasculaires montrant la
manipulation d’un phallus (de cuir ? de bois ?) par des femmes participent souvent du
monde dionysiaque – les satyres euxmêmes tiennent parfois des olisboi, dans une sorte
de surenchère de leur sexualité déjà hybristique –, mais pas exclusivement439.
L’identification de l’objet au godemiché est dans certains cas très explicite, dans des
scènes érotiques à un seul personnage féminin (fig. 30) ou à plusieurs couples des deux
sexes (banqueteurs et hétaïres)440. Il reste évidemment difficile de tirer des
considérations techniques sur ces objets à partir de telles images441.
Varia et incerta
Fouet à ciste (à lanières de cuir ?)
281Un outil qui sert à récolter la gomme odoriférante du ciste (Cistus ladanifer),
dénommé ergastini ou « fouet », est à peine décrit par Joseph Pitton de Tournefort au
début du XVIIIe siècle dans le récit de son voyage au Levant, mais donne lieu à une
illustration gravée de la main d’Aubriet442. On y voit une sorte de râteau sans dents,
une fourche de bois à trois branches accrochée par des anneaux à un bandeau en
vannerie d’où pendent des lacets de cuir – non corroyé selon P. Belon443. Le voyageur
donne la description suivante d’une récolte dont il a été témoin à Melidoni (sur la côte
nord de la Crète, entre Réthymnon et Héraklion), au moment le plus chaud de la
journée :
Sept ou huit paysans en chemise et en caleçon roulaient leurs fouets sur ces plantes : à
force de les secouer et de les frotter sur les feuilles de ces arbustes, leurs courroies se
chargeaient d’une espèce de glu odoriférante, attachée sur les feuilles ; c’est une partie
du suc nourricier de la plante, lequel transude au travers de la tissure de ces feuilles
comme une sueur grasse, dont les gouttes sont luisantes [...]. Lorsque les fouets sont
bien chargés de cette graisse, on en ratisse les courroies avec un couteau, et l’on met en
pains ce que l’on en détache : c’est ce que nous recevons sous le nom de ladanum. [...]
Du temps de Dioscoride et même plus anciennement [référence à HDT III, 112444], on
n’amassait pas seulement le ladanum avec des fouets, on détachait avec soin celui qui
s’était pris à la barbe et aux cuisses des chèvres, lorsqu’elles broutaient le ciste. Le
même auteur a fort bien remarqué cette plante sous le nom de lêdon (DIOSC. I,
128)445.
Courroie « chronomètre »
293Dans le récit d’Hérodote, Darius, parvenu sur les bords de l’Istros avec son armée,
laisse en place le pont de bateaux sur le conseil de Coès, mais donne aux Ioniens un
délai de soixante jours au-delà desquels ils devront le rompre : « il fit soixante nœuds à
une courroie », ἀπάψας ἅμματα ἑξήκοντα ἐν ἱμάντι, et leur dit : « prenez la courroie que
voici [...] : dès que vous m’aurez vu en marche contre les Scythes, à dater de ce
moment, dénouez un nœud chaque jour », ἔχοντες δὲ τὸν ἱμάντα τόνδε [...] ἐπεάν με
ἴδητε τάχιστα πορευόμενον ἐπὶ Σκύθας, ἀπὸ τούτου ἀρξάμενοι τοῦ χρόνου λύετε ἅμμα
ἓν ἐκάστης ἡμέρης (HDT IV, 98).
Colle
322Les sources grecques et Pline mentionnent la fabrication et l’utilisation de diverses
colles à base de farine491, de poisson492. On recourait également aux peaux
d’animaux, notamment celles de taureaux (ταυροκόλλα, glutinum taurinum). Pline
affirme qu’« avec le cuir de bœuf et surtout du taureau, par cuisson, on prépare de la
colle », boum coriis glutinum excoquitur, taurorumque praecipuum (PLIN. XI, 231),
mais qu’on n’utilise pas seulement la peau : pour parvenir à la guérison des brûlures
sans laisser de cicatrices, « la colle la meilleure se fabrique avec les oreilles et les
parties génitales du taureau, glutinum praestantissimum fit ex auribus taurorum et
genitalibus (PLIN. XXVIII, 236).
323De fait, la peau, comme d’autres parties de l’animal telles que les tendons, le
cartilage, les os, contient de la gélatine493. Parce que ce devait être une colle forte et
pénétrante, elle servait essentiellement en menuiserie et en marqueterie pour coller les
pièces d’ivoire sur les meubles :
La colle est dénommée parfois colle à bois ou colle de taureau », κόλλα, ἣν ἔνιοι
ξυλοκόλλαν καλοῦσιν ἢ ταυροκόλλαν (DIOSC. III, 87).
Selon Polybe, le bouclier des Romains (scutum) est « fait de deux planches ajustées
avec de la colle de bœuf, et il est recouvert à l’extérieur de toile, puis de peau de veau »,
ἐκ διπλοῦ σανιδώματος ταυροκόλλῃ πεπηγώς, ὀθονίῳ, μετὰ δὲ ταῦτα μοσχείῳ δέρματι
περιείληπται τὴν ἐκτὸς ἐπιφάνειαν (POLYB. VI, 23, 3). Son épaisseur est d’une palme,
soit 7,5 cm environ.
Lucrèce insiste sur le pouvoir fortement adhérent du produit : « La colle de taureau unit
si fortement le bois que les veines des pièces qu’elle joint cèdent et s’écartent avant que
les liens de la colle ne relâchent leur étreinte », Glutine materies taurino iungitur una, |
ut uitio uenae tabularum saepius hiscant | quam laxare queant compages taurea
uincla (LUCR. Nat. VI, 1069-1071).
Selon Pline, l’art de travailler le bois remonte à Dédale, qui est l’inventeur des
ustensiles du menuisier : outils, « colle et colle de poisson » (PLIN. VII, 198 : glutinum,
ichthyocollam).
Dans son explication de la fabrication du papyrus, Pline précise que ni la colle de
menuisier (fabrile), donc de peau, ni la gomme (cummis) ne sont adaptées car elles
seraient cassantes (fragilia) (PLIN. XIII, 82, supra).
324Elle
connaît cependant de nombreuses applications comme remèdes cosmétiques et
médicaux, dont la plupart ne sont donnés que par Pline.
Pline la recommande pour les dents (PLIN. XXVIII, 182 : « la colle de menuisier
bouillie dans l’eau est un remède pour les dents », à condition de les laver
immédiatement après avec une préparation de décoction d’écorces de grenades douces
dans du vin) ; contre les crachements de sang (PLIN. XXVIII, 195 : « la colle de taureau
à la dose de trois oboles dans de l’eau chaude se donne en boisson contre les
hémoptysies invétérées », glutinum taurinum tribus obolis cum calida aqua bibitur in
uetere sanguinis excreatione) ; contre la dysenterie (PLIN. XXVIII, 209 : « aux
dysentériques, on administre en lavement de la colle de taureau dissoute dans l’eau
chaude », infundunt dysintericis et glutinum taurinum aqua calida resolutum) ; contre
les brûlures (PLIN. XXVIII, 236, colle d’oreilles et de parties génitales de taureau :
« rien n’est plus efficace pour les brûlures », nec quicquam efficacius prodest
ambustis) ; pour fabriquer des collyres (PLIN. XXXIV, 133 : « on a découvert que la
cendre de colle de taureau, taurini glutinis […] cinerem, ou de linge possède la même
vertu » ; si on la grille au four dans des pots de terre crue jusqu’à complète cuisson de la
poterie, on obtient un succédané de la spode, l’antispode, antispodon, qui sert à la
fabrication de collyres).
325La meilleure provenait, semble-t-il, de Rhodes, mais il existait des contrefaçons de
bien médiocre qualité fabriquées à partir d’objets en cuir mis au rebut.
Celle de Rhodes, la meilleure, est fabriquée à partir de peaux de taureaux. Elle est
blanche et transparente alors que la colle brune est de moins bonne qualité. [...] Elle a la
vertu, quand elle est diluée dans du vinaigre, de faire disparaître les dartres et traces de
lèpre à la surface de la peau, d’empêcher que de brûlures ne se forment des pustules une
fois coupée avec de l’eau chaude et appliquée en onguent. Elle est un bon remède aussi,
délayée avec du miel et du vinaigre (trad. perso.).
καλλίστη ἐστὶν ἡ Ῥοδία ἐκ τῶν βοείων βυρσῶν κατασκευαζομένη. ἔστι δὲ λευκὴ καὶ
διαυγὴς ἡ τοιαύτη, ἡ δὲ μέλαινα ἥττων. [...] δύναμιν δὲ ἔχει λυθεῖσα ὄξει λειχῆνας καὶ
λέπρας τὰς ἐπιπολαίους ἀφιστάνειν, πυρίκαυτά τε οὐκ ἐᾷ φλυκταινοῦσθαι μεθ’ὕδατος
θερμοῦ ἀνεθεῖσα καὶ καταχριομένη. ἔστι δὲ καὶ τραυματικὴ διεθεῖσα μέλιτι καὶ ὄξει
(DIOSC. III, 87).
[…] mais rien aussi ne se falsifie autant, avec n’importe quelles peaux desséchées et
même des souliers bouillis. La colle de Rhodes est la plus pure ; aussi estce celle dont se
servent les peintres et les médecins ; plus elle est blanche, meilleure est-elle ; on rejette
celle qui est noire et ligneuse.
sed adulteratur nihil aeque, quibusuis pellibus inueteratis calciamentisque etiam
decoctis. Rhodiacum fidelissimum, eoque pictores et medici utuntur ; id quoque quo
candidius, eo probatius ; nigrum et lignosum damnatur (PLIN. XXVIII, 236, suite).
326Ilest difficile d’affirmer avec certitude, sur la base de termes donnés par Pollux,
qu’on se la procurait chez des fabricants, κολλέψης, et des vendeurs spécialisés,
κολλοπώλης (POLL. VII, 183).
327En établissant ce catalogue d’objets réalisés en peaux et fourrures diversement
traitées, nous avons à l’occasion dépassé la simple analyse technique et abordé certaines
considérations socio-économiques. Ce sont ces aspects sur lesquels il nous faut
maintenant revenir et qu’il nous faut développer.
3Lucien s’en fait l’écho, sur le mode satirique, lorsqu’il reproche aux historiens d’écrire
des prologues brillants puis une suite décevante, établissant par là-même une hiérarchie
entre les matériaux propres à la fabrication des armes ici défensives : « il faut que toutes
les parties se ressemblent, qu’elles aient la même couleur [...] de manière qu’il n’y ait
pas un casque d’or avec une cuirasse ridiculement faite de haillons ou de cuirs pourris
cousus ensemble, un bouclier d’osier et des cuissards en peau de truie », Χρὴ [...] ὅμοια
τὰ πάντα καὶ ὁμόχροα εἶναι [...] ὡς μὴ χρυσοῦν μὲν τὸ κράνος εἴη, θώραξ δὲ πάνυ
γελοῖος ἐκ ῥακῶν ποθεν ἢ ἐκ δερμάτων σαπρῶν συγκεκαττυμένος καὶ ἡ ἀσπὶς οἰσυΐνη
καὶ χοιρίνη περὶ ταῖς κνήμαις (LUC. Ecr. Hist. 23).
5On trouve les mêmes recommandations pour les mêmes usages en PHIL. BYZ. Synt.
Méc. V, C5 et D34.
7Le bouclier s’utilise dans d’autres contextes : dans les archives de Zénon, on s’adresse
au même artisan pour la réparation d’un manteau en peau de mouton (arnakis) et d’un
bouclier long (thyreos) tous deux destinés vraisemblablement à la chasse (PCZ IV,
59800, l. 3-4 : [-]ποιῶι τῶι τὸν θυρεὸν ἐπισκευασάντι καὶ τὴν [ἀρ] νακίδα). Voir
Reekmans 1996, p. 65 et n. 253.
9Cette bosse, c’est l’omphalos, l’umbo latin. Cf. dans la Paix d’Aristophane, un enfant
entonne une chanson guerrière : « Ils entrechoquèrent leurs boucliers de cuir et leurs
écus bombés », σύν ῥ’ἔβαλον ῥινούς τε καὶ ἀσπίδας ὀμφαλοέσσας (AR. Paix 1274).
11Ducrey 1999, p. 20. Cf. Il. 12, 137 : les guerriers avancent vers les remparts, « levant
bien haut au-dessus de leurs têtes leurs écus en peau de bœuf séchée », βόας αὔας |
ὑψόσ’ἀνασχόμενοι.
12« Aucune arme n’est digne de lui, sauf le bouclier d’Ajax », εἰ μὴ Αἴαντός γε σάκος
(Il. 18, 193).
14Sur les gerrha, boucliers en osier, voir encore HDT IX, 61 : les Perses se font un
rempart de leurs boucliers (φράξαντες τὰ γέρρα). Rapprochés et plantés en terre
(συνεφόρησαν τὰ γέρρα, HDT IX, 99 et ὄρθια, IX, 102), ces grands boucliers d’osier
offraient aux Perses une barrière (ἕρκος, HDT IX, 99) capable de protéger contre des
traits lancés de loin, mais n’opposant qu’un obstacle bien fragile au choc d’assaillants
armés de lances ; HDT VII, 61 : les Perses avaient « à la place de boucliers
des gerrhes <en osier>, sous lesquels étaient pendus leurs carquois », ἀντὶ δὲ ἀσπίδων
γέρρα· ὑπὸ δὲ φαρετρεῶνες ἐκρέμαντο ; XEN. Eco. IV, 5 : il existe chez les Perses des
troupes légèrement armées : « frondeurs et voltigeurs » (σφενδονήτας καὶ
γερροφόρους), ces derniers portant des boucliers rectangulaires d’osier (τὸ γέρρον),
peutêtre recouverts de peau de bœuf. Les lexicographes signalent dans leurs définitions
du mot un élargissement de sens : pour Hésychius « les gerrha <sont> des objets de
toutes sortes qui protègent en couvrant, ou ceux réalisés en peaux », γεῤῥα· τὰ
σκεπάσματα πάντα ἢ τὰ δερμάτινα σκεπάσματα (s.v.) ; la Souda précise : « gerrhoion :
boucliers perses en osier. Et gerrha, toutes sortes de protections, en langue attique »,
γέρροιον· [...] ἀσπίδες Περσικαὶ ἐκ λύγων. καὶ γέρρα τὰ σκεπάσματα πάντα Ἀττικοί
(s.v.). Harpocrate signalait déjà, au Ier ou IIe siècle apr. J.-C., cet emploi comme abusif :
« Démosthène dit dans le Pour Ctésiphon : « Ils commencèrent à chasser leurs
occupants des étals dressés sur l’Agora et à brûler les constructions en vannerie (τὰ
γέρρα). Les gerrha sont une sorte de bouclier perse, selon Hérodote (HDT VII, 61).
Mais par un usage impropre, le mot gerrhon a été appliqué à toutes sortes de
couvertures, en peau ou dans tout autre type de matériau », Περσικὰ μέν τινα ὅπλα τὰ
γέρρα ἐστί, καθὰ (sic) καὶ Ἡρόδοτός φησιν· ἤδη δὲ καταχρηστικῶς καὶ ἅπαν σκέπασμα,
εἴτε δερμάτινον εἴη εἴτε ἄλλης τινὸς ὕλης, γέρρον ἐλέγετο. νῦν γοῦν τὰ τῶν σκηνῶν
σκεπάσματα καὶ παρακαλύμματα (cité dans Wycherley 1957, no 624). On trouve enfin
mention d’autres noms de boucliers d’osier sans qu’on puisse dire avec certitude qu’ils
étaient recouverts de cuir ; voir THEOCR. XVI, 79 : Hiéron se prépare à faire la guerre
aux Carthaginois, en 275 av. J.-C. : « Déjà les Syracusains soulèvent par le milieu leurs
lances, les bras chargés de boucliers d’osier », ἀχθόμενοι σακέεσσι βραχίονας
ἰτεΐνοισιν ; LUC. Songe 21 : le coq présente à Mycille les avantages qu’il peut y avoir à
rester pauvre : ce dernier, notamment, est moins atteint par les guerres. De fait, il n’a
rien à perdre, n’occupe pas de haute fonction périlleuse, et « toi, tu as avec ton bouclier
d’osier un équipement commode et léger pour te sauver », σὺ δὲ οἰσυΐνην ἀσπίδα ἔχων,
εὐσταλὴς καὶ κοῦφος εἰς σωτηρίαν.
15Voir Cullin-Mingaud 2010, p. 225-226, sur les boucliers d’osier revêtus de peau aux
époques grecque et romaine (avec photographie d’une reproduction), et sur cette
propriété de certaines espèces végétales.
16Il. 13, 160-161 et 163 : Mérion vise Déiphobe et atteint « son bouclier rond en cuir de
taureau », κατ’ ἀσπίδα πάντοσ’ ἐίσην | ταυρείην ; Il. 16, 360 : Hector observe le combat
« cachant ses larges épaules sous un bouclier en cuir de taureau », ἀσπίδι ταυρείῃ
κεκαλυμμένος εὐρέας ὤμους.
18La comparaison est explicitée immédiatement par l’auteur : ἀσπίσι γὰρ εἴκαζον τὰ
τύμπανα. Sur les tympana, voir infra p. 132. Nous retrouvons par ailleurs ici, par le
biais de cette « confusion », le thème de la musique martiale, du bruit de la guerre déjà
présent chez Homère. Voir le début de ce chapitre.
19Par ex. Il. 11, 38 ; 18, 480 ; le même terme désigne un baudrier pour suspendre
l’épée : Il. 7, 304 ; 18, 598… C’est aussi le terme choisi par Lucien lorsqu’il décrit la
fabrication d’une machine volante pour nommer les liens – qui relèvent donc du
merveilleux littéraire – avec lesquels Ménippe fixe des ailes d’aigle et de vautour « en
les ajustant aux épaules par des bretelles solides », κατὰ τοὺς ὤμους τελαμῶσι
καρτεροῖς ἁρμοσάμενος (LUC. Icar. 10). On peut sûrement identifier à ce type de
dispositif d’attaches pour bouclier, en dépit du choix du terme générique himantes, les
« courroies décousues » de l’immense sakos de Laërte dont le métal est rouillé et le cuir
craquelé (Od. 22, 186 : ῥαφαὶ δ’ ἐλέλυντο ἱμάντων).
20Par ex., Il. 11, 31 ; Od. 11, 609. Le terme désigne, en Od. 13, 438 et 17, 198, la
courroie d’une besace.
21Cette poignée dans laquelle on passe le bras est démontable, d’où l’expression (αἱ
ἀσπίδες) ἔχουσι πόρπακας, « les boucliers sont prêts » (AR. Cav. 858).
28Sur l’alabastre en argent du tumulus lydien d’Ikiztepe (fin VIe siècle) on identifie,
dans le tablier accroché à chacun des boucliers de deux hoplites, une peau de panthère si
l’on se fie aux pattes qui pendent. Une coupe attique conservée à Philadelphie
(University of Pennsylvania Museum, no 31.19.2, v. 480 av. J.-C., d’Euphronios et du
Peintre de la Fonderie) oppose un archer et deux hoplites, tenant chacun un bouclier à
rideau qui peut être de cuir : les autres ustensiles qui sont a priori faits de ce matériau
ne reçoivent non plus aucun traitement particulier ici dans l’exécution (on ne voit pas de
rehauts ni de rendu graphique particulier pour la matière des bottes de l’archer, le lacet
de cuir tenant le carquois, le bonnet scythe…).
31Sur un stamnos à figures rouges du Peintre de Brygos (v. 480), un bouclier circulaire
porte en sa partie inférieure deux éléments décoratifs en forme d’oiseau séparés par un
zigzag. Il pourrait s’agir d’un dispositif d’attache du tablier protecteur, dont on voit
encore à peine la bordure dentée et qui porte en son centre un motif d’œil apotropaïque ;
on ne peut affirmer qu’il s’agit de cuir. Cf. Tzachou-Alexandroi 2001, notamment p. 95
et fig. 9. Par ailleurs, un certain nombre d’agrafes d’or trouvées dans des tombes de
Trebeništa en Macédoine, datables de la deuxième moitié du VIe siècle, ont pu être
interprétées comme de tels ornements de tabliers de boucliers.
32Görkay 2004, p. 58-60.
36Il. 3, 17 (peau de panthère portée par Pâris sur le champ de bataille) ; 10, 29-30 (peau
de panthère portée par Ménélas) ; 10, 334 (peau de loup de Dolon, voir infra p. 71).
37Voir Jarva 1986, p. 11, pour qui il pourrait s’agir de l’origine des tabliers de bouclier.
41Sur derreis, voir encore Robert 1969, p. 21 : dans la lettre III, 36 d’Alciphron (II, 34
dans les éditions récentes), un soldat fanfaron évoque ses exploits militaires et énumère
« décades et phalanges, sarisses, catapultes et rideaux anti-projectiles (δέρρεις) ».
Toutefois, la leçon que suit L. Robert est une conjecture : le manuscrit du XIIe siècle
donne δέρρας et a donné lieu à cette autre conjecture, γέρρας/γέρρα, si bien qu’A.-M.
Ozanam traduit par « mantelets » (Ozanam 1999, ad loc.).
42La tortue-berceau est faite de « perches verticales, reliées entre elles, qui se fichent en
terre, auxquelles on suspend des peaux sur les fronts et sur les parties extérieures, et
depuis le sommet, le long des perches droites, on dispose des peaux plissées
(« ridées »), non tendues, doublées, de manière lâche, afin d’amortir les projectiles qui
tombent », τοῦτοις δέρρεις περικρεμνῶνται κατὰ τὰ μέτωπα καὶ τὰ ἔξωθεν μέρη, ἐκ δὲ
τοῦ ἄνω παρὰ τοῖς ὀρθοῖς κάμαξιν ἐπίκεινται ῥερυσσωμέναι, μὴ προτεινόμεναι, διπλαῖ
καὶ χαλάσματα ἔχουσαι, ἵνα ἐκλύηται τὰ πεμπόμενα. Voir aussi APOL. Pol. 144, 2-3
(Thevenot II, 1), à propos de la tortue des mineurs : « Qu’on y suspende des peaux, ou
des panneaux de lin ou de poils (feutre) sur chacun de ses côtés pour les protéger des
traits jetés obliquement », ἐφ’ ἑκάτερα κρεμαμένας ἐχέτω δέρρεις ἢ λινᾶς ἢ τριχίνας διὰ
τὸ πλαγίως ἐπιφερόμενα βέλη.
43Le texte des Mécaniques ne nous est parvenu qu’en langue arabe. Nous en reprenons
ici la traduction proposée dans Garlan 1974, p. 391-392, reprise à Carra de Vaux 1893,
p. 474-475.
46Pour un aperçu complet, voir Lorimer 1950, p. 211-250. Homère recourt aux termes
κόρυς, κυνέη, τρυφάλεια, πήληξ, στεφάνη et à l’hapax καταῖτυξ pour désigner les
casques dont la plupart sont en métal. Aucun de ces noms n’a d’origine bien établie et, à
part κυνέη (qu’Hérodote utilise avec les mêmes emplois que κράνος), aucun n’est
attesté dans la littérature postérieure aux épopées.
49Le substantif féminin καταῖτυξ, -υγος est un hapax d’origine inconnue, qui rappelle
formellement ἄντυξ, la « bordure circulaire » d’un bouclier (Cf. Il. 6, 117-118, voir
supra p. 60). L’explication de la scholie παρὰ τὸ κάτω τετύχθαι· λόφον γὰρ οὐκ ἔχει est
clairement construite à partir du texte et n’apporte aucune information nouvelle (ED et
DELG, s.v.).
51Nous adoptons ici la traduction de Sauzeau 2007, p. 26-27, qui corrige celle de P.
Mazon (« crocs blancs »).
54Note de l’édition CUF : « ce devait être des casques de lanières de cuir entrelacées »
(πεπλεγμένα, participe parfait passif de πλέκω, « tresser »), « peut-être revêtues de
lamelles métalliques. »
55L’hapax est explicité par Pollux : « Hérodote désigne par le terme chéleuta les
casques tressés. Et <on trouve chez> Eupolis : skutina chéleuein, “tresser des <lanières
de> cuir” », κράνη χηλευτὰ τὰ πλεκτὰ Ἡρόδοτον λέγειν· καί Εὔπολις σκύτινα χηλεύειν
(POLL. VII, 83).
56Le mot κρωβύλος renvoie, selon Thucydide (I, 6, par ex.), à la touffe de cheveux que
les vieillards de haut rang ou les enfants retenaient anciennement sur le sommet de leur
tête. C’est une espèce de toupet, d’où la traduction donnée par P. Masqueray (CUF)
« touffe de lanières », mais qu’on pourrait rendre tout aussi bien par « crinière ».
57Supra p. 18.
58Nous empruntons ces éléments de description à Desbals 1997, I, p. 169. Pour des
représentations, voir vol. III, pl. 2. Lissarrague 1990, p. 153, précise qu’on rencontre
rarement des représentations de peltastes vêtus de la zeira (manteau bariolé), de
l’alopekis (coiffe en peau) et d’embades (bottes à rabats) (fig. 13), alors que les porteurs
de peltè – une arme pourtant donnée comme d’origine thrace – sont plus souvent coiffés
d’un bonnet scythe ou d’un casque. Mais l’auteur dénomme souvent alopekis ce que la
précédente identifie avec le bonnet scythe, muni d’une pointe au sommet. Enfin,
Fougerat 1914, p. 272-273, en donne des reconstitutions et une description toutes
personnelles : « Étant donné une peau de renard, on en enlevait un lambeau partant des
pattes de derrière et s’étendant en formant un angle aigu jusqu’à la nuque, on recousait
les deux bords de l’incision et l’on obtenait ainsi une coiffure pointue dans laquelle les
deux pattes arrière de la peau, lorsqu’elles sont attachées ensemble, formaient une sorte
de jugulaire et la queue une sorte de crinière de panache s’étendant dans le dos. »
59C’est ainsi qu’il est représenté sur trois vases, qui s’échelonnent entre 500 et 460
(donc antérieurs à la tragédie qui est attribuée à Euripide mais qui a été certainement
composée au IVe siècle), en train de marcher à quatre pattes, ce qui démontre que le
dramaturge s’est inspiré d’une version s’écartant du récit homérique et n’est pas
l’inventeur du thème du « travestissement de Dolon ». La Dolonie a peut-être été
développée dans un autre cycle épique. Voir la notice du tome VII. 2 de la CUF par
Jouan 2004, p. XIII-XV (pour la datation), XXX, LX et LXI.
62Au contraire, selon Polybe, les vélites romains recouvrent parfois leur casque sans
aigrette « d’une peau de loup ou de quelque chose d’analogue (λυκείαν ἢ τῶν
τοιούτων), à la fois pour se protéger et comme signe distinctif (σκέπης ἅμα καὶ σημείου
χάριν) qui permet aux officiers subalternes de bien voir si leurs hommes se battent
vaillamment ou non aux premiers rangs » (POL. VI, 22, 3). Sur les fourrures des vélites,
des trompettes (cornicines) et porte-enseignes (signiferi), voir Leguilloux 2004a, p. 85.
Sur la valeur symbolique de leur peau de loup, en lien peut-être avec des rites de
probation guerrière, voir Lavergne 2002, p. 224-225.
63Sur cette question, voir le développement infra p. 76-77, sur la valeur symbolique du
revêtement héroïque ou guerrier au moyen d’une peau de bête. Sur les différentes
interprétations à donner à la Dolonie, qui « n’est pas un texte susceptible d’un
décryptage intégral » (p. 122), voir Schnapp-Gourbeillon 1981, p. 118-131.
64HDT VII, 158 (contingents fournis aux Grecs par Géron de Syracuse) ; THUC. VI,
22 ; XEN. Eco. IV, 5 (frondeurs Perses) ; PLAT. Crit. 119b. La fronde elle-même
apparaît dans Il. 13, 600, mais utilisée comme bandage ; THUC. IV, 32 ; EUR. Ph.
1142 ; AR. Nu. 1125 et Ois. 1185-1187. Le mot en est venu à désigner le projectile lui-
même (XEN. An. III, 4, 4), ce qui est sûrement à l’origine du sens métaphorique de
« chaton » d’une bague (Prêtre 2012, p. 92).
65Sur le rôle de la fronde dans la conduite de la guerre grecque à travers trois cas
particuliers (l’usage de la fronde à l’époque géométrique d’après une amphore de Paros,
l’interdiction des armes de jet, dont la fronde, durant la Guerre lélantine, et la place de
la fronde dans l’organisation militaire athénienne), ainsi que sur la symbolique négative
de cette arme, on consultera Brelaz-Ducrey 2007. Pour les références sur la chasse aux
oiseaux à la fronde, voir notamment p. 347.
66Brelaz-Ducrey 2007, p. 336, fig. 4 (frondeur en position de tir, sur le tondo d’une
coupe attique à figures rouges conservée à Kyoto – Greek and Roman Museum no 34,
v. 490) ; p. 348, fig. 5 (Amazone, sur un lécythe à fond blanc, New York, Metropolitan
Museum of Art, 10.210.11, v. 440).
67L’article dans Daremberg, Saglio, Pottier 1877 donne pour équivalent de κῶλα le
latin habena, « lanière » (s.v. scutale, terme latin désignant la « poche de la fronde »,
l’« endroit de la courroie de fronde où elle s’élargit pour former la poche où est déposé
le projectile » chez Tite-Live (38, 29, 6 et 42, 65, 10), venant peutêtre de σκῦτος).
68On rencontre chez Homère un exemple de fronde, arme des Locriens, fabriquée à
partir de laine tressée, ce qui devait lui procurer une certaine détente au moment du
lancer du projectile : Il. 13, 599-600 : Agénor retire de la main d’Hélénos, blessé, sa
lance, puis « lui entoure celle-ci d’une tresse en bonne laine de brebis, enlevée à la
(αὐτὴν δὲ ξυνέδησεν ἐυστρόφῳ οἰὸς ἀώτῳ, σφενδόνῃ) ; Il. 13, 714-717 : « [Les
Locriens] n’ont, eux, ni casques de bronze à crins de cheval, ni boucliers ronds, ni
lances de frêne. Ils ont suivi Ajax à Ilion confiants dans leurs arcs et dans les tresses en
laine de brebis (ἐυστρόφῳ οἰὸς ἀώτῳ). »
72Le scholiaste, ainsi que le rappellent les éditeurs du texte dans la CUF, a tort de voir
en Phén. 1141 un type de javelot portant au milieu de la hampe une encoche sur
laquelle on appuyait l’index, le pouce et le majeur étant appliqués de chaque côté sur le
bois de l’arme pour pouvoir le lancer avec plus de force (Schwartz 1887, I, ad loc. :
μεσαγκύλοις· ἀκοντίοις, διὰ τὸ κατὰ μέσον τοῦ ξύλου τὰ ἀκόντια ἀγκύλον τι καὶ κοῖλον
ἔχειν ἐγγλυφὲν, εἰς ὃ ἐμβαλόντες τὸν δάκτυλον τὸν δεύτερον καὶ τοῖν δυοῖν ἑκατέρωθεν
κατέχοντες τατικώτερον ῥίπτουσιν οἱ πολέμιοι). Il s’agit bien, conformément au sens
étymologique, d’un javelot lancé au moyen de la « courroie enroulée au milieu »
(note ad loc. de H. Grégoire et L. Méridier). La scholie à Andr. 1133 y voit plutôt une
corde : μεσάγκυλα· εἴδη ἀκοντίων ἐν μέσῳ σπάρτῳ δεδεμένων ἣν κατέχοντες ἠφίεσαν,
« sortes de javelots munis d’une corde en sparte attachée en leur milieu qu’on tenait au
moment du jet » (Schwartz 1887, II, ad loc.).
73Goyon 2000, p. 147 : « Animal maudit dans l’Égypte des Pharaons, incarnation de
Seth le « Rouge », l’hippopotame et son apport économique indéniable en cuir, os,
tendons, ivoire font figure d’oubliés ou presque dans les ouvrages d’égyptologie. » Plus
loin, l’auteur précise que la raréfaction ou la disparition de l’hippopotame doit avoir lieu
sur le cours du haut ou moyen Nil dès le VIIe siècle av. J.-C., mais pas dans les zones
deltaïques très marécageuses du nord. On peut donc croire Hérodote lorsqu’il en
mentionne à l’est ou au sud-est du Delta.
74Cf. Garlan 1974, p. 401, n. D73a : « Texte analogue dans l’Anon. Byz., Paragg. 213,
2-214, 4, avec une illustration (fig. 71) » portant la légende κλϊμαξ σκϋτινη. Énée le
Tacticien mentionne également des échelles de corde : « les hommes remonteront sur le
rempart au moyen de filets à sangliers ou à cerfs qu’on y aura suspendus ou par des
échelles faites avec des cordes », ταῖς ἐκ τῶν σχοινίων κλίμαξι πεποιημέναις
(EN. Pol. XXXVIII, 7).
75La description s’inscrit en effet dans un paragraphe où l’idée de prendre l’ennemi par
surprise, en pleine nuit, prévaut.
76Voir Garlan 1974, p. 177 : « le feu reste [...] l’arme maîtresse des deux parties » pour
l’époque d’Énée le Tacticien.
77PHIL. BYZ. Synt. Méc. V, D34 (= 99, 21-28, dont 26) : χρηστέον ἐστὶ... τοῖς κωδίοις
ὄξει βρέξαντα ἢ ὕδατι. Énée préconise déjà l’emploi du vinaigre dont il faut
badigeonner au préalable le rempart, ou qui peut servir de produit extincteur
(EN. Pol. XXXIV, 1). Les qualités extinctrices du vinaigre sont plusieurs fois
mentionnées dans l’Antiquité : Cf. PHIL. BYZ. Synt. Méc. V, D34 ; THEOPH. De
igne 25, 59-61 ; POLY. Strat. VI, 3 : PLIN. XXXIII, 94). D’autres mélanges sont
connus : couche de cendres délayée avec du sang en badigeon préventif ; sable mouillé
d’urine ou, encore, de vinaigre. Cf. Dain 1939, p. 35, 39.
80Garlan 1974, p. 167. L’exemple est donné, p. 218, d’une inscription précisant que le
métèque Euxénidès de Phasélis est honoré par la cité d’Athènes, vers 306 av. J.-C., pour
avoir donné des tendons (ν [ευ] ράς) pour équiper les catapultes (IG II2 554, l. 15-17).
Y. Garlan cite enfin HERO. Bel. 29, qui insiste sur la nécessité de bien choisir les
tendons pour en garantir la résistance et l’élasticité : ceux de porc sont inutilisables ; on
prélèvera de préférence ceux des pattes pour le cerf, du cou pour le taureau, de l’épaule
et du dos pour les autres espèces (p. 220, n. 2).
83On en trouve une autre mention chez Pollux : « ce n’est pas seulement ce qui se porte
sur la tête qu’on appelle feutre, mais aussi ce dont on entoure les pieds, comme le
montre Cratinos dans Les efféminés lorsqu’il écrit : “portant aux pieds des feutres” », οὐ
μόνον δὲ ὁ ἐπὶ τῆς κεφαλῆς ἐπιτιθέμενος πῖλος ἐκαλεῖτο, ἀλλὰ καὶ ὁ περὶ τοῖς ποσίν, ὡς
δηλοῖ Κρατῖνος ἐν Μαλθακοῖς λέγων λευκοὺς ὑπὸ ποσὶν ἔχων πίλους (POLL. VII, 171).
Voir CRAT. 107 K.-A., vol. IV, p. 176 = 100 K., vol. I p. 45. Sur les personnages
stéréotypés d’efféminés (μαλακοί) de la littérature grecque et latine, au moins depuis
Aristophane, portant dans les comédies et les mimes un costume et/ou des accessoires
féminins, voir Perrone 2013, p. 146-147.
86Diomède est en cela traité à égalité avec Agamemnon par la répétition du vers
formulaire : « Diomède, sur ses épaules, met la peau d’un grand lion roux, qui lui tombe
aux pieds », ἀμφ’ ὤμοισιν ἑέσατο δέρμα λέοντος | αἴθωνος μεγάλοιο ποδηνεκές (Il. 10,
177-178).
87La léontê connaît en cela des avatars, comme en THEOCR. XXII, 52, où est décrit
Pollux au moment où il s’apprête à combattre Amycos : « Sur son dos, sur sa nuque
flottait une peau de lion, attachée par l’extrémité des pattes », ὑπὲρ νώτοιο καὶ αὐχένος
ᾐωρεῖτο | ἄκρων δέρμα λέοντος ἀφημμένον ἐκ ποδεώνων.
88Lavergne 2002, p. 225 : en vertu d’une « conception socioreligieuse de la guerre,
lions, loups et ours ont une réputation de féroces carnassiers, aptes à symboliser la
fonction guerrière sous ses aspects les plus violents ». Le paradigme fantastique des
« armes défensives symboliquement offensives » est l’égide d’Athéna. Voir Sauzeau
2007, p. 24-25, cité supra n. 61.
90Voir le chapitre 1.
93Pourtant, Ulysse vêtu en mendiant ne porte généralement pas de peau de bête mais
des haillons. Ainsi, dans son récit mensonger à Eumée, en Od. 14, 342-343, il prétend
avoir été volé par des marins lors d’une traversée : « ils mirent sur mon dos cette
tunique loqueteuse, ce sordide et vilain haillon que tu as sous les yeux », ἀμφὶ δέ με
ῥάκος ἄλλο κακὸν βάλον ἠδὲ χιτῶνα, | ῥωγαλέα, τὰ καὶ αὐτὸς ἐν ὀφθαλμοῖσιν
ὅρηαι ; Od. 14, 512 : Eumée lui conseille d’aller dès l’aube nettoyer ses « frusques » (τὰ
σὰ ῥάκεα).
94Voir infra p. 106-107. Démonax, dans l’opuscule du même nom de Lucien, rencontre
ainsi l’un d’entre eux, « <revêtu> d’une peau d’ours », ἐν ἄρκτου δέρματι
(LUC. Dém. 19). La sauvagerie d’un tel animal renforce bien sûr la grossièreté de
l’individu. Chez Alciphron, une hétaïre se plaint de son vieil amant épicurien, « tout
enveloppé de toisons brutes en guise de lainages », καταπεπιλημένου εὖ μάλα πόκοις
ἀντὶ πίλων (ALCIPH. IV, 17). Lavergne 2002, p. 220, rappelle que la marginalité que
connote la fourrure « peut être tout à fait consciente et revendiquée par certains
philosophes, tel Cratès (D.L. VI, 91), qui affichent en se couvrant de peaux leur rejet
des valeurs de la cité ».
95La mère, nièce de Mégaclès, est en effet « une citadine, une demoiselle, une mijaurée,
toute en-Césyrée [De Césyra, type de la grande dame, hautaine, élégante et maniérée
(note de l’édition CUF)] », ἐξ ἄστεως, | σεμνήν, τρυφῶσαν, ἐγκεκοισυρωμένην
(AR. Nu. 47-48).
96Voir encore LUC. Tim. 38, dans la note suivante, où le « manteau de laine
moelleux » s’oppose à la diphtera.
97Les références sont trop nombreuses pour être toutes exploitées ici. Voir encore :
THEOCR. VII, 15-16 : Théocrite et deux amis se rendent à la campagne et rencontrent
un « original » dépeint comme un chevrier, nommé Lykidas : « il avait tout à fait
l’apparence d’un chevrier : aux épaules, la peau fauve d’un bouc velu aux poils épais et
sentant la présure fraîche », ἐκ μέν γὰρ λασίοιο εἶχε τράγοιο | κνακὸν δέρμ’ὤμοισι νέας
ταμίσοιο ποτόσδον. Pour les fourrures, voir LONG. II, 3, 1 : Daphnis et Chloé sont aux
vendanges et s’amusent quand arrive Philétas, « un vieil homme vêtu de fourrures,
chaussé de sandales rudimentaires, portant à l’épaule une besace, une vieille besace »,
πρεσβύτης σισύρας ἐνδεδυμένος, καρβατίνας ὑποδεδεμένος, πήραν ἐξηρτημένος, καί
τὴν πήραν παλαιάν ; ALCIPH. II, 23 : Lenaois, un paysan, se fait voler la pelisse
(σισύρα) qu’il a retirée pour travailler.
100Voir Ducat 1990, p. 111. Sur la κυνέη/ κυνῆ, voir infra p. 82-83.
101Sur POLL. VII, 68, qui prend l’expression d’Aristophane au premier degré et
considère que les Pisistratides ont contraint une partie des citoyens Athéniens à porter
la katônakê (ἔν τε Σικυῶνι ἐπὶ τῶν τυράννων καὶ Ἀθήνησιν ἐπὶ τῶν Πεισιστρατιδῶν,
ὅπως αἰσχύνοιντο εἰς ἄστυ κατιέναι), voir Ducat 1990, p. 112 et n. 10.
104Le dieu Pan a « le dos couvert de la peau fauve d’un lynx », λαῖφος δ’ ἐπὶ νῶτα
δαφοινὸν | λυγκὸς ἔχει (Hymn. Pan 23-24). Les exemples iconographiques abondent.
105Voir les remarques sur le « pileux » et le « multicolore » des tenues des adeptes de
Dionysos dans Détienne 1998, p. 94 ; Ducat 1990, p. 112.
107Ce passage est étudié précisément par A. Grand Clément qui analyse d’abord, de
manière générale, le port des anaxyrides (qu’elle traduit par « pantalon » et déinit
comme « vêtement bifide fermé ») comme une « marque d’altérité ethnique claire »,
spécifique de deux peuples chez Hérodote, les Perses et les Scythes (HDT I, 71 ; HDT
III, 87 : ordalie pour désigner le roi perse, en 522 av. J.-C. ; HDT V, 49 : Aristagoras,
tyran de Milet, cherche à convaincre Cléomène, roi de Sparte, de se battre à ses côtés
contre les Perses, en 490 ; HDT VII, 61,1 : troupes de Xerxès lors de la seconde guerre
médique), des Perses seuls chez Xénophon, mais par emprunt aux Mèdes (XEN. An. I,
5, 8 : costume des nobles perses ; XEN. Cyr. VIII, 1, 40-41 : adoption par Cyrus
l’ancien, par stratégie politique, des pratiques cosmétiques et vestimentaires des
Mèdes), ce que conirme Strabon (STR. XI, 13, 9 : protection contre le froid). Seul le
passage d’Hérodote précise le matériau dans lequel sont réalisées les anaxyrides, à
savoir le cuir, ce qui n’est visiblement pas toujours le cas. Cela rajoute à l’étrangeté –
due à la forme du vêtement – l’image d’un « dénuement et [d’un] retard culturel » des
Perses, que cherche à démontrer Sandanis à Crésus. Cf. Grand Clément 2013, p. 204
notamment, et p. 209 pour une analyse d’une représentation sur vase où un Perse ou un
Scythe, en position de soumission face à un jeune éphèbe, porte un pantalon parsemé de
« taches rondes » évocant « du cuir, de la fourrure ou une toison laineuse ».
108Voir supra p. 33 pour le texte. Voir aussi Ducat 1990, p. 112 : Pausanias (III, 2, 1)
situe l’invention de l’habillement de peaux par les Pélasges en même temps que la
construction de huttes et qu’une nourriture faite de glands, « à cette époque
préhistorique où l’humanité commençait tout juste à émerger de l’animalité ».
109Lavergne 2002, p. 219 : « Jusqu’au ve siècle de notre ère, en Occident, les vêtements
de fourrure sont donc pour l’essentiel des vêtements de travail, voire de voyage ou de
chasse (les pelisses apparaissent assez souvent sur les sarcophages sculptés gaulois du
Bas-Empire) mais nullement d’apparat. Aucun personnage de haut rang ne se montre en
temps normal en public habillé de fourrures et surtout pas lors des cérémonies
officielles ».
110La suite du texte semble montrer qu’il s’agit en fait d’une peau de mouton ou de
chèvre ayant gardé sa laine ou ses poils : Bdélycléon force son père à endosser à la
place de son manteau (AR. Gu. 1131 : τρίβωνα) un « kaunakès » ou « perside »
(AR. Gu. 1137 : Οἱ μὲν καλοῦσι Περσίδ’, οἱ δὲ καυνάκην). Au v. 1138, Philocléon
rétorque : « Moi je la croyais une pelisse de Thymétides », Ἐγὼ δὲ σισύραν ᾠόμεν
Θυμαιτίδα. Il parle ensuite de boyaux de laine (κρόκης χόλιξ) d’Ectabane. La nature
exacte du vêtement est ici très approximative : véritable peau ayant conservé ses poils
ou tissu de laine à longues franges, que l’on pouvait à distance prendre pour un manteau
en peau lainé.
113Cf. Leguilloux 2004a, p. 87, qui poursuit, au sujet du document extrait des archives
de Zénon : il « ne fournit [...] aucune indication sur l’utilisation qu’on pouvait faire d’un
tel couvre-chef ».
115PLUT. Ant. 54, 8 : cette kausia royale, en feutre teint en pourpre, est nommée
καυσία ἁλουργῆς par ATH. XII, 50.
116Traduction CUF de P. Waltz (1931) modifiée. Voir, p. 162, la n. 2 pour la datation
et la définition de la kausia, ce « grand chapeau de feutre à larges bords était la coiffure
nationale des Macédoniens ; le roi de Macédoine lui-même en portait une rouge, ornée
en guise de diadème d’une écharpe blanche ».
117MEN. fr. 242 K.-A., vol. VI. 2, p. 168 = fr. 282 Koerte = fr. 331 K.
119PLAUT. Persa 155 : Toxile enjoint à Saturion de rassembler des accessoires qui
serviront à donner une allure d’étranger (136 et 157 : peregrinus) à l’homme qui
viendra chercher sa fille pour la vendre au leno : « prends une tunique avec une
ceinture, apporte une chlamyde et un chapeau à larges bords (causiam) » (édition CUF
p. 110, n. 1).
121La traduction par « bonnet » convient peut-être mieux, si l’on en croit la forme de
la kausia d’usage courant dont Plaute nous dit qu’elle ressemble à un champignon.
Sycophante, qui a « la mise d’un Illyrien » (Hilurica facies videtur hominis), « est de
l’espèce des champignons : sa tête le couvre tout entier » fungino generest ; capite se
totum tegit (PLAUT. Trinum. 851). Voir aussi l’illustration et le commentaire dans
Daremberg, Saglio, Pottier 1877, s.v. causia.
122Sur l’arnakis, peau d’agneau non dépilée, voir AR. Nu. 730 (ἐξ ἀρνακίδων, « de
peaux d’agneaux », rendu par « peaux d’ânons (« ah non ! ») dans la CUF, en raison
d’un calembour avec ἐξαρνεῖσθαι « nier (mes dettes) »), et THEOCR. V, 50-52 : Lacon
(le berger) à Comatas (le chevrier) : « Si tu viens, tu fouleras ici des peaux d’agneau et
des toisons de laine, plus moelleuses que le sommeil ; tandis que tes peaux de bouc
sentent plus mauvais que tu ne sens toi-même », Ἦ μὰν ἀρνακίδας τε καὶ εἴρια τῆδε
πατησεῖς,| αἴ κ’ἔνθῃς, ὕπνω μαλακώτερα· ταὶ δὲ τραγεῖαι | ταὶ παρὰ τὶν ὄσδοντι
κακώτερον ἢ τύ περ ὄσδεις. Réponse de Comatas : « [Si c’est toi qui viens,] tu auras
sous toi des peaux de chèvre, plus moelleuses cent fois que tes peaux d’agneau »,
ὑπεσσεῖται δὲ χιμαιρᾶν | δέρματα τᾶν παρὰ τὶν μαλακώτερα πολλάκις ἀρνῶν
(THEOCR. V, 56-57).
127Souda s.v. κυνέας « kuneas : chapeaux. <Le terme vient> soit de ce qu’ils sont
élaborés à partir de peaux de chiens, soit <du nom> d’un certain Kunos, le premier à les
avoir préparés », τὰς περικαφαλαίας. ἤτοι τὰς ἀπὸ κυνείων δερμάτων γιγνομένας, ἢ ἀπὸ
Κυνός τινος, κατασκευάσαντος πρῶτον ; s.v. κυνέη : « kunéê : chapeaux. Ce que
portent les paysans. On dit qu’ils étaient élaborés dans les premiers temps à partir de
peaux de chiens », περικαφαλαία· τῶν ἀγροίκων φόρημα· φασὶ δὲ ὅτι τὸ πρότερον ἀπὸ
κυνείων δερμάτων ἐγίνοντο ; s.v. κυνῆ : « kunê : [...] parce qu’il porte comme chapeau
un pétase, comme Hermès, en tant que messager. Les Péloponnésiens appellent
aussi kunê le pétase », κυνῆ· [...] ὅτι ἔχει περικεφαλαίαν τὸν πέτασον, ὡς ὁ Ἑρμῆς,
ἄγγελος ὤν. καὶ οἱ Πελοποννήσιοι δὲ κυνῆν τὸν πέτασόν φασι. Sur le sens ancien,
encore débattu, et le symbolisme de la kunê, voir encore Sauzeau 2007, p. 26-28.
128Leguilloux 2004a, p. 93, traduit ainsi λεπτός, attesté chez Homère, pour un objet en
cuir au sens d’« aminci » : Achille atteint Énée à l’endroit du bouclier « où court le
bronze le plus mince, où le cuir de bœuf est le plus mince aussi », ᾗ λεπτότατος θέε
χαλκός, | λεπτοπτάτη δ’ἐπέην ῥινὸς βοός (Il. 20, 275-276). Voir aussi Reekmans 1993,
p. 32 : l’adjectif signifie « lisse, fin » (plus de précisions infra n. 141).
129La restitution de μόσχειον est assurée par PCZ I, 59061, l. 3-4, le papyrus étant un
duplicata de la seconde partie de PCZ I, 59060 : (σπούδασον ἀποστεῖλαι) [ἐγλου]- |
στρίδα, καὶ μάλιστα μὲν ἔστω τὸ δέρμα αἴγειον, εἰ δὲ μή, μόσχειονλεπτόν. Par ailleurs, le
veau est bien attesté parmi les espèces préférées de boucherie dans les archives de
Zénon, avec l’agneau, le chevreau et le porcelet : voir Reekmans 1996, p. 23.
131THEOP. Paides (fr. 38 K.-A., vol. VII, p. 727 = fr. 743.37 K.) : « enfilant une peau
de brebis comme caleçon de bain… », τὴν δὲ περιζωσάμενος ᾤαν λουτρίδα… POLL.
X, 181, cite aussi Phérécrate, Le sommeil (fr. 68 K.-A., vol. VII, p. 134 = fr. 169/62 K.)
qui énumère les instruments du pédotribe : ἤδη μὲν ᾤαν λουμένωι προζώννυτε. Pollux
empruntant l’expression à Théopompe, il est difficile de déterminer s’il définit ici deux
noms distincts (auquel cas il nous conduit à traduire « il est permis de le nommer ôa,
loutris », ou si les deux mots sont compris comme une seule expression (« il nous est
permis de le nommer une ôaloutris », un « maillot <en> peau de brebis »), mais le
renvoi à Phérécrate, isolant ôa, nous fait choisir ici la première solution.
132Le bain commun et mixte peut s’expliquer du fait que le chauffage de l’eau était
coûteux. Cf. Reekmans 1992, p. 67, pour une telle pratique du temps de Zénon.
133Voir le type statuaire d’Aphrodite nue, vêtue du seul ceste. Nous donnons dans les
notes suivantes les occurrences de soutien-gorges de l’Anthologie Palatine. Signalons
ici, pour le commentaire de certains passages comiques et représentations sur vases,
Stafford 2005, où l’auteur examine l’usage, les représentations (quatre images de vases
exécutés entre 470 et 420 av. J.-C.) et les connotations érotiques du soutien-gorge dans
l’Antiquité grecque et latine.
135A.P. VI, 201, 4 (de Marcus Argentarius, début du Ier siècle) : offrande d’Euphrantè à
Artémis de sandales, d’un bandeau, d’une boucle de cheveux, d’une ceinture portée
sous la tunique, et de « l’élégant soutien-gorge qui enveloppait sa poitrine », τὰ περὶ
στέρνοις ἀγλαὰ μαστόδετα.
137A.P. VI, 211, 3 (de Léonidas de Tarente, iiie siècle av. J.-C.) : Kallikleia consacre à
Cypris un Éros d’argent, une bande de cheville brodée, une boucle de cheveux, un
« soutien gorge couleur de verre », μηλοῦχον ὑαλόχροα (n. 6 : il faut comprendre d’un
bleu verdâtre, et non transparent), un miroir de bronze, un peigne de buis.
138A.P. VI, 88, 1-2 (d’Antiphanès de Macédoine, sous Tibère et Caligula) : Cythérée
« a détaché de ses seins son ceste qui fait naître le désir » et l’a donné à Ino, τὸν
ἱμερόεντ’ ἀπὸ μαστῶν, |... λυσαμένη κεστόν ; A.P. II, 100-101 (= Description de
Christodoros, VIe siècle) : description d’une statue d’Aphrodite exposée dans le
gymnase public appelé Zeuxippos : « sur sa poitrine seulement, en s’y répandant depuis
le haut de la gorge, s’enroulait le ceste », ἐπὶ στέρνων δὲ θεαίνης | αὐχένος ἐξ ὑπάτοιο
χυθεὶς ἐλελίζετο κεστός.
139PHER. fr. 106 K.-A., vol. VII, p. 153 = fr. 100 K. : μίτραν ἁλουργῆ, στρόφιον,
ὄχθοιβον, κτένα, « un bandeau pourpre, une bande (à poitrine ?), une tunique à franges,
un peigne » ; IG II2, 1388, l. 19 (de 398/397) ; AR. Lys. 931 (sens incertain),
AR. Thesm. 139, 255 (le strophion, attribut féminin, est porté maladroitement au-dessus
de l’himation par un homme se déguisant en femme), 638, et fr. 664 K.-A., vol. III. 2,
p. 344 = fr. 647 K. (glosé par POLL. VII, 67, cf. note suivante). Tous ces passages
d’Aristophane sont repris (sans le texte grec) et commentés par Stafford 2005, p. 101-
102. Cf. le latin strophium (CATU., CIC.).
140Le terme ne se trouve par ailleurs sous cette forme que chez Galien et Phlegon
Trallianus (IIe siècle) ou dans la Bible (Je 2.32). On trouve le masculin ὁ στηθόδεσμος
au sens de « bandage » chez POLL. VII, 66 (τὸ νῦν καλούμενον ὑπὸ τῶν γυναικῶν
στηθόδεσμον), alors qu’il cite un fragment d’Aristophane (AR. fr. 328 K.-A., vol. III. 2,
p. 191 = fr. 325 K.) où l’on peut lire le composé ὁ ἀπόδεσμος, qui retient les seins
(τιθθίδια), et la forme ἡ στηθοδεσμία chez Soranus (IIe siècle). Enfin, Pollux donne les
noms suivants : ἡ ταινία ou τὸ ταινίδιον (POLL. VII, 65) comme « ceinture pour les
seins des femmes », et τὸ στρόφιον (POLL. VII, 67), évoqué dans la note précédente.
141Sur l’emploi des adjectifs μαλακός, « souple, mou » et λεπτός, « lisse, fin » en
rapport avec l’idée de satisfaire un désir de confort par une sensation agréable au
toucher, voir Reekmans 1996, p. 31-32 (avec référence à ce passage), qui précise que
ces adjectifs ne sont pas appliqués aux objets réalisés à partir de peaux qui ont conservé
leurs poils, comme les carpettes ψιλαί ou ψιλοτάπιδες, « qui ont du poil d’un côté »
(infra p. 139-141).
142D’autres supposent que ces bandes de poitrine sont en lin : Criscuolo 1998, p. 16-20,
« fasce di tessuto sottile e soffice (di lino ?) ».
143Sur les sens possibles de ποδεῖα et ses emplois dans les textes littéraires et les
papyrus de Zénon, cf. Russo 2004a, p. 140-143 ; voir aussi Criscuolo 1998, p. 15-16.
145Pour exemples : chaussures réalisées tout ou partie en chanvre, Russo 2004a, p. 167
(καννάβιον, VIe siècle apr. J.-C. ; κανναβίσκα, dans HER. infra p. 92-94) ; en corde,
p. 120-123 (κορδίκιον, IIIe-IVe siècle) ; en lin, p. 45 et n. 64. Voir également, pour
d’autres périodes, Montembault 2000, passim, et Wipszycka 1965, p. 18. Seuls les
dieux en leur perfection portent des chaussures et sandales en or : par exemple,
Hermès/Athéna « attacha à ses pieds ses belles sandales immortelles en or », ὑπὸ ποσσὶν
ἐδήσατο καλὰ πέδιλα | ἀμβρόσια, χρύσεια (Il. 24, 340-341 = Od. 1, 96-97 ; 5, 44-45) ;
chez Hésiode, Héra est « chaussée de sandales d’or », χρυσέοισι πεδίλοις ἐμβεβαυῖαν
(HES. Th. 12) ; Dionysos porte, chez Lucien, une robe de pourpre et une « chaussure
d’or », χρυσῇ ἐμβάδι (LUC. Dion. 2) ; etc.
146CRAT. fr. 139 K.-A., vol. IV, p. 191 = 131 K. = POLL. VII, 86. Elles sont décrites
par POLL. VII, 92 en ces termes : « tyrrhéniennes : à la semelle de bois de quatre
doigts ; pour d’autres, lanières dorées », Τυρρηνικά· τὸ κάττυμα ξύλινον
τετραδάκτυλον, οἱ δὲ ἱμάντες ἐπίχρυσοι. C’est le modèle que portait la statue d’Athéna
Parthénos de Phidias (Morrow 1985, p. 62). Voir encore Touloupa 1973, qui explique
que le terme est erroné et qu’il s’agit bien de crépides attiques. Le fait que ce soit le
poète comique du Ve siècle Cratinos qui le mentionne convainc K. D. Morrow que c’est
une forme étrusque (Morrow 1985, p. 201, n. 31).
148Au contraire de peaux fraîches utilisées par nécessité sans avoir subi de traitement
leur attribuant les qualités du cuir : voir XEN. An. IV, 5, 14 (supra p. 34).
149Rappels : peau de chèvre avec sa toison portée par Eumée (Od. 14, 530), coiffe en
peau de chèvre de Laërte (Od. 24, 231), voire peaux d’animaux chassés, comme la peau
de cerf qu’Athéna jette sur le dos d’Ulysse pour le déguiser en mendiant (Od. 13, 436),
etc.
151Les emplois du mot sont bien trop nombreux pour tous les reprendre ici. Bon aperçu
dans Russo 2004a, p. 83-104.
153Russo 2004a, p. 7 : le terme n’apparaît pas dans la langue quotidienne des papyrus,
mais dans deux papyrus magiques (PGM VII, 919 = P. Lond. I, 121, et PGM VI, 14
= P. Lond. I, 47) ; il était donc utilisé par les locuteurs grecs d’Égypte.
154Les exemples homériques sont cités supra n. 145. Chez Hésiode, le terme désigne
encore les « sandales ailées », πτερόεντα πέδιλα, que porte Persée tel que le représente
Héphaïstos sur le bouclier d’Héraklès (HES. Boucl. 220), motif que l’on retrouve sur le
bouclier d’Achille en EUR. El. 460-461 : Persée « avec ses sandales ailées », ποτανοῖσι
πεδί-|λοισι.
156Par exemple, AR. Gr. 405 : à force de danser à cause de Iacchos, le Chœur dit avoir
mis en pièces ses sandalettes (τόνδε τὸν σανδαλίσκον) et ses guenilles ; HER. VII, 124-
126 : « Mesdames, si vous avez besoin d’autre chose, comme de petites sandales ou de
ce que vous avez l’habitude de traîner à la maison... », γυναῖκες, ἢν ἔχητε κἡτέρων
χρείην | ἢ σαμβαλίσκων ἢ ἃ κατ’οἰκίην ἕλκειν | εἴθιστε.
157La suite du texte précise, par la voix d’Apollon qui rapporte la ruse à Zeus : « il
foulait le sentier en y laissant des traces étranges – comme si on marchait sur de petits
arbres », διέτριβε κέλευθα | τοῖα πέλωρ’, ὡς εἴ τις ἀραιῇσι δρυσὶ βαίνοι (H. Herm. I,
348-349).
164DELG s.v. Nous modifions « sandale » par « chaussure ». Cf. LUC. M. Rh. 15 : ἡ
κρηπὶς Ἀττικὴ καὶ γυναικεῖα. Voir encore Russo 2004a, p. 22-25, plus juste : le mot
κρηπίς correspond à « diverses formes, de la chaussure recouvrant une partie du pied à
la sandale à peu de courroies », si bien que le terme reçoit diverses traductions :
« sandale », « brodequin », « bottine ».
165Daremberg, Saglio, Pottier 1877 s.v. crepida, p. 1557. On s’y référera aussi pour les
nombreuses représentations figurées.
169A. Reinach, en helléniste, rappelle dans son commentaire du texte que « la crépide
est l’épaisse semelle aux bords de laquelle était fixée une pièce de cuir qui emboîtait le
talon et que des brides croisées ou lacets maintenaient sur le devant » (Rec. Milliet,
no 419, p. 329, n. 6), ce que M. Wallace nomme « type composite » (i.e. entre une
chaussure et une sandale), un modèle qui serait apparu à l’époque hellénistique
(Wallace 1940, p. 214, 218). Le commentateur de l’édition Budé signale en note, à juste
titre, que les éléments du texte permettent tout aussi bien ici l’identification de cette
chaussure à une simple sandale à lacets et boucles (ansas).
170Nous modifions la traduction de la CUF qui rend teretibus habenis par « lacets
ronds », conformément à Leguilloux 2009, p. 182 : le terme est à prendre ici au sens
figuré. Des lacets en cuir de section ronde n’ont jamais été retrouvés en fouille.
171Fr. 11, Peter2. Sur Sempronius Asellio, cf. AUL. GEL N. Att. I, 13, 9, p. 50, n. 3
(CUF) : il servit sous les ordres de Scipion Émilien devant Numance (134/133) et fut
l’auteur de Res gestae allant de la deuxième guerre punique à l’époque des Gracques.
174Voir supra p. 75-76 et 81-82 : PLAT. Banq. 220b ; POLL. VII, 171. Martial
évoque, sans les décrire, des « sandales doublées de laine », soleae
lanatae (MART. Ep. XIV, 65).
177Fragments édités par K.-A., vol. VII, p. 364-366 ; voir aussi Revermann 2013, p. 37.
178Voir Moretti 2001, p. 146 : « Les acteurs, comme les choreutes [de tragédie et de
drame satyrique], pouvaient être pieds-nus ou chaussés ; ils portaient alors diverses
sortes de bottes et de bottines, dont certaines recevaient le nom de kothornoi. Certaines
étaient de formes très simples, avec des bouts pointus ; d’autres, comme il s’en trouve
sur le cratère de Pronomos [voir Planche 13], étaient décorées et pourvues de lacets.
Aucune n’avait de hautes semelles, contrairement à ce que l’on a parfois prétendu. »
Voir toutefois Moretti 1994, p. 73-74 : « Sans connaître ces techniques [d’amélioration
de la réception du spectacle par les spectateurs, comme les jumelles, la projection sur
écran géant], l’antiquité avait développé la même industrie en plaçant des vases sous
l’estrade ou, aux dires de Vitruve, V, 5, sous les gradins, et en vêtant certains acteurs de
hautes chaussures, d’habits rembourrés et de masques, qui les grandissaient. »
180Le nombre varie en effet en fonction de la ponctuation que l’on établit : nous
donnons ici le texte de la CUF (18 noms), mais Russo 2004a, p. 158 et n. 15, aboutit au
total de seize dénominations différentes, deux termes étant parfois mis en relation (nous
plaçons alors entre parenthèses les virgules du texte de la CUF). Cette liste a donné lieu
à de nombreux commentaires dont nous ferons ici la synthèse, tout en redonnant les
gloses des lexicographes anciens : voir Brancolini 1978 ; Neri 1994. Plus globalement
sur les Mimes d’Hérondas comme source textuelle concernant les chaussures, voir
Russo 2004a, p. 155-170.
181Pollux (VII, 94) dresse aussi une liste de modèles féminins, parmi lesquels on
retrouve un certain nombre de ceux que propose Cerdon à ses clientes : αἱ δὲ βαυκίδες
καὶ βαυκίδια ἐλέγοντο· πολυτελὲς δ’ ἦν ὑπόδημα κροκοειδές. γυναικεῖα δὲ καὶ τὰ
ἄφρακτα, ὀπισθοκρηπῖδες, καννάβια, γυμνοπόδια, περίβαρα, νυκτιπήδηκες,
μεσοπερσικαί, φιττάκια, Σελευκίδες, νοσσίδες, Ἀμβρακίδες, ἀμφίσφυρα, ἀκροσφύρια.
189Voir Russo 2004a, p. 83, et Bryant 1899, p. 81, sur ce même passage.
190Glasgow, Art Gallery, 1903.70f (Trendall 1967, no 78), premier ou troisième quart
du IVe siècle av. J.-C. (sur les critères de datation, voir Piqueux 2013, p. 76-77, n. 74).
191Lycastos, ville du sud de la Crète, devait être spécialisée dans cette fabrication
(p. 176, n. 1 de la CUF).
192Cf. Garlan 1974, p. 399, n. D44b : « Selon Polyen, Strat. I, 39, 2, sur un terrain
jonché de τρίβολοι destinés aux cavaliers, Nicias, pendant le siège de Syracuse, fit
évoluer des peltastes chaussés de στερεὰ ὑποδήματα [« chaussures robustes », trad.
perso.]. »
193Le sens apparaît clairement dans la paraphrase de Galien : εἰς ὑποδήματος ἥξει
λόγον τὸ θεραπευόμενον παιδίον (Littré, IV, p. 268, n. 13).
194On trouve le même adjectif (βαθέα) chez Pollux pour désigner des chaussures
montantes : « chaussures creusées, profondes » signifie « montant jusqu’à mi-jambe » :
ὑποδήματα κοῖλα, βαθέα εἰς μέσην τὴν κνήμην ἀνήκοντα (POLL. VII, 84).
201Cf. Pritchett 1956, p. 204, l. 230 et n. 6, avec une proposition de date différente (327
av. J.-C.). Briant-Levêque 1995, p. 400, propose d’autres références pour démontrer une
augmentation sur quatre ans des frais de cordonnerie, mais les exemples pris comportent
une inversion chronologique, IG II2 1673, l. 50 (datée de 327/326 dans l’édition de
référence) étant donnée comme antérieure à IG II2 1672, l. 190 (de 329/328).
203Russo 2004a, p. 152-153. Par ailleurs, une paire de podeia (« bas », « chaussettes »
(?), plutôt qu’un type de chaussures), coûte de 1 drachme et 1 obole à 4 drachmes
(PCZ IV, 59778 et III, 59319). Voir supra p. 84.
204Sur les prix des chaussures et les équivalences monétaires complexes, voir la « Note
sur les monnaies dans Hérondas » de l’édition de la CUF, p. 112-113, no 7, non dénuée
d’erreurs quant au nombre total de paires vendues par Cerdon. Cunningham 1971,
p. 175-176, est bien plus prudent sur les équivalences et l’identification des unités
monétaires utilisées dans le texte.
205Il ne peut s’agir de statères d’or, puisque 5 statères vaudraient alors 100 drachmes,
alors que la somme est censée faire ici moins de 80 drachmes, seuil sous lequel ne
descendrait pas Cerdon. Cf. CUF, p. 113 ; Cunningham 1971, p. 175 : il s’agirait de 5
statères ptolémaïques d’argent (= 20 drachmes), qui vaudraient donc quatre fois moins
que 4 dariques (= 80 drachmes).
207Aristophane décrit une ville en temps de prospérité, prise d’une agitation frénétique,
« pleine d’outres » (ἡ πόλις πλέα [...]ἀσκῶν, AR. Ach. 549), c’est-à-dire, sûrement, de
vendeurs de denrées liquides [pour une autre interprétation, voir infra p. 119-120].
L’« archive de Dryton », du milieu du IIe siècle av. J.-C., désigne l’outre par une
périphrase lorsqu’elle mentionne, parmi les ustensiles qu’emporte un cavalier en
campagne, une « peau porteuse de vin », δέρμα οἰνοφόρον (Vandorpe 2002, no 38, l.
22). Dans le merveilleux littéraire, l’outre sert à transporter les vents d’Éole (Od. 10, 19-
20), mais aussi du sang humain : ainsi, Tomyris, la reine des Massagètes, plongea la tête
de Cyrus mort dans une « outre remplie de sang humain », ἀσκὸν πλήσασα αἵματος
ἀνθρωπηίου, pour l’outrager parce qu’il était avide de sang, selon elle (HDT I, 214).
209Voir l’article ethnographique de Gouin 1998, p. 157, fig. 1, p. 163, fig. 5, p. 165,
167, 170.
211AR. A.F. 306 : le Chœur regrette le temps où chaque citoyen arrivait à l’assemblée
avec du pain sec, deux oignons et trois olives et « portant de quoi boire dans une petite
outre », ἕκαστος ἐν ἀσκιδίῳ φέρων | πιεῖν. Pollux donne le terme ἀσκοπυτίνη (POLL.
X, 73), peut-être pour une « bouteille en cuir » de soldat (πυτίνη désignant une bouteille
couverte d’osier chez Cratinos, qui en a fait le titre d’une de ses comédies, cf. K.-
A. vol. IV, p. 219), dans une liste de contenants à vin, à côté d’ἀσκοί. Il cite Méléagre
(Ier siècle av. J.-C., fr. 150 K.) : ἀσκοπυτίνην τινὰ δίψους ἀρωγόν, et atteste l’emploi du
mot dans le Karchêdonios de Ménandre, mais sans citation (fr. 266 K.
cf. Menander, vol. II, p. 105), dans l’édition de W. G. Arnott (Loeb) : « la bouteille
(flask) a pu être mentionnée comme un des ustensiles du soldat ».
212Ces grandes outres pouvaient être utilisées pour le jeu de l’askoliasmos, par
exemple. Voir Labat 1998, p. 34-35 et infra p. 104-106. Pollux mentionne, aux côtés
d’ἀσκός et d’ἀσκίδιον, le terme μολγός, « qui désigne dans la langue tarantine une outre
en peau de bœuf », ὅς ἐστι κατὰ τὴν τῶν Ταραντίνων γλῶτταν βόειος ἀσκός (POLL. X,
187), puis cite des vers de Théodoricas dans lesquels ces molgoi servent de soufflets
dans la forge d’Héphaïstos. Voir infra p. 110-111 et Annexe 4.
215Aristote rapporte l’expérience d’Anaxagore et de ses disciples qui, pour prouver que
l’air est une réalité, « pressent en les tordant des outres, montrant ainsi que l’air
résiste », στρεβλοῦντες τοὺς ἀσκοὺς δεικνύντες ὡς ἰσχυρὸς ὁ ἀήρ (ARIST. Phys. IV, 6,
213a).
216L’outre d’Éole est bien une outre d’exception : réalisée avec la peau d’un vieux
bœuf, elle est épaisse et solide car elle doit contenir les vents déchaînés. Par ailleurs, le
choix d’un bœuf représente un sacrifice de valeur qu’Éole fait en l’honneur de son hôte.
Voir Marlière 2002, p. 15-16, pour les outres dans l’Odyssée.
219Cet usage est attesté dès l’Iliade : en vue d’un pacte loyal entre Troyens et Achéens
précédant le combat de Pâris et Ménélas, des hérauts « apportent une outre en peau de
chèvre contenant du vin », φέρον...|... οἶνον...| ἀσκῷ ἐν αἰγείῳ (Il. 3, 245-247), vin qui
est ensuite versé et mélangé dans un cratère. On retrouve d’ailleurs l’outre au banquet à
l’époque classique (AR. Ach. 1225, 1230 et 1234).
221Voir l’étude de Wills, Watts 2014, sur le transport des outres à vin en peau de
chèvre en Méditerranée au XIXe siècle et les conséquences de l’usage d’un tel matériau
sur le goût du vin.
222Les exemples se trouvent dans le Nouveau Testament : l’outre, dit-on, est utilisée
pour accélérer le processus de vieillissement du vin. Comme, lors de ce processus, la
peau devait se flétrir et se dessécher, elle devient sous la plume des Évangélistes la
métaphore du psalmiste dans les épreuves. Luc 5, 37-38 : οὐδεὶς βάλλει οἶνον νέον εἰς
ἀσκοὺς παλαιούς· εἰ δὲ μή γε, ῥήξει ὁ οἶνος ὁ νέος τοὺς ἀσκοὺς, καί αὐτὸς ἐκχυθήσεται
καὶ οἱ ἀσκοὶ ἀπολοῦνται; ἀλλὰ οἶνον νέον εἰς ἀσκοὺς καινοὺς βλητέον ; Marc 2, 22 :
οὐδεὶς βάλλει οἶνον νέον εἰς ἀσκοὺς παλαιούς· εἰ δὲ μή, ῥήξει ὁ οἶνος τοὺς ἀσκοὺς, καί
ὁ οἶνος ἀπόλλυται καὶ οἱ ἀσκοί ; Matth. 9, 17 : οὐδὲ βάλλουσιν οἶνον νέον εἰς ἀσκοὺς
παλαιούς· εἰ δὲ μή γε, ῥήγνυνται οἱ ἀσκοί, καὶ ὁ οἶνος ἐκχεῖται καὶ οἱ ἀσκοὶ ἀπόλλυνται·
ἀλλὰ βάλλουσιν οἶνον νέον εἰς ἀσκοὺς καινοὺς, καὶ ἀμφότεροι συντηροῦνται.
223C’est ce principe d’évaporation qui permet au contenu de l’outre de rester frais. Cf.
Labat 1998, p. 32-33.
225La métaphore filée se trouve dans le dialogue entre Ulysse et le Cyclope dans la
pièce d’Euripide : « CYCL. — Comment se plaît un dieu à loger dans une outre ? UL.
— Partout où on le met, lui, il s’en accommode. CYCL. — Les dieux ne doivent pas
s’enfermer dans des peaux. UL. — Qu’importe, s’il te plaît ? La peau t’irrite-t-elle ?
CYCL. — J’ai l’outre en aversion ; mais la liqueur, je l’aime », ΚΥ. — Θεὸς δ’ ἐν
ἀσκῷ πῶς γέγηθ’ οἴκους ἔχων; | ΟΔ. — Ὅπου τιθῇ τις, ἐνθάδ’ ἐστὶν εὐπετής. | ΚΥ. —
Οὐ τοὺς θεοὺς χρὴ σῶμ’ ἔχειν ἐν δέρμασιν. | ΟΔ. — Τί δ’ εἴ σε τέρπει γ’; ἢ τὸ δέρμα
σοι πικρόν; | ΚΥ. — Μισῶ τὸν ἀσκόν· τὸ δὲ ποτὸν φιλῶ τόδε (EUR. Cycl. 525-529). Il
faut y voir un trait d’esprit de la part d’Ulysse, qui transforme ici la peau de panthère
portée habituellement par Dionysos en peau d’outre, afin de tromper Polyphème. On
notera également le jeu de mot sur le sens de πικρός, qui signifie « dur, irritable » mais
peut prendre ici un sens gustatif, « piquant, âcre ». Cf. Seaford 1984.
226Labat 1998, p. 37-42 et illustrations : outre sans poignée, p. 38, fig. 6, dessin d’après
« Les deux Papposilènes de Délos », et p. 42, fig. 9, photographie ; outre à une poignée
(queue) : p. 34, fig. 3, dessin d’après une coupe du Louvre et p. 40 fig. 7, dessin d’après
une amphore et trois coupes ; outre à plusieurs poignées : p. 41, fig. 8, dessin d’après
deux vases attiques.
227De là vient l’image que l’on trouve dans un fragment d’Aristophane (fr. 745 K.-
A. vol. III. 2, p. 373 = fr. 725 K.), cité par Hésychius : « outres, cadavres serrés par le
cou », μεσαύχενας νέκυας ἀσκούς. Cf. Taillardat 1965, p. 140, § 274.
228On ne doit pas en conclure pour autant, d’après ce passage (Od. 10, 45 : « Quelle
quantité d’or et d’argent est contenue dans cette outre ! », ὅσσός τις χρυσός τε καὶ
ἄργυρος ἀσκῷ ἔνεστιν), qu’une outre est un sac fait pour contenir tout type d’objets ; il
faut précisément comprendre que les compagnons d’Ulysse pensent que leur chef, dont
la ruse est bien connue, camoufle un trésor dans un contenant qui est d’ordinaire utilisé
pour transporter du vin afin de les tromper.
229Le terme se rencontre avec le même sens chez HIPPO. Aff. 21, où l’on adapte au
« col » d’une petite outre un tuyau (voir infra p. 139). Sur le vase repris par Labat 1998,
p. 36, fig. 5, on voit un satyre versant le contenu d’une outre vinaire dans un cratère par
l’une des pattes qui sert d’embouchure. Il n’y a en revanche aucune certitude sur le sens
à donner à ce mot dans l’épigramme votive d’Antiphilos (A.P. VI, 95, époque
d’Auguste), où un laboureur consacre ses outils, sa sacoche (πήρα) et des τρητοὺς
ποδεῶνας (v. 5) : « bottes en peau de mouton », comme propose P. Waltz (CUF),
« chaussures en peau » (LSJ) ? Cependant, par métonymie et du fait de l’emploi du
pluriel, il s’agit vraisemblablement d’objets réalisés en peau d’ovin.
231Sch. Pl. 1129b [rec] : ἀσκώλια ἦν ἑορτὴ τοῦ Διονύσιου (α) ἀσκὸν γὰρ οἴνου
πληροῦντες, ἑνὶ ποδὶ τοῦτον ἐπήδων, καὶ ὁ πηδήσας ἆθλον εἶχε τὸν οἶνον. (β) ἐν ᾗ
ἀσκοὺς διαφυσῶντες ἐρρίπτουν καὶ ἄνωθεν ἥλλοντο ἐπάνω αὐτῶν ἑνὶ ποδί. ἐκίνουν δὲ
γέλωτα καταπίπτοντες. ὁ μέντοι μὴ καταπεσὼν ἐλάμβανεν αὐτὸν οἲνου πλήρη.
233Le sens de « sauter sur un pied » – que Chantraine estime être sûrement le sens
véritable du mot – se retrouve chez Platon où il est dit que Zeus envisage de couper par
deux fois les hommes, initialement de forme ronde, pour les affaiblir : « Ils marcheront
droit sur deux jambes, mais s’ils se montrent encore insolents et ne veulent pas rester
tranquilles, je les couperai en deux une fois de plus, et dès lors ils marcheront sur une
seule jambe, à cloche-pied », ὥστ’ ἐφ’ἑνὸς πορεύσονται σκέλους ἀσκωλιάζοντες
(PLAT. Banq. 190d) ; chez Lucien, le personnage de Lexiphanès raconte un voyage en
mule depuis lequel il a mal au coccyx : « le muletier me pressait, tout en s’amusant à
sauter sur un pied [= à mimer une démarche pénible ?] », ὁ γὰρ ἀστραβηλάτης
ἐπέσπερχε καίτοι ἀσκωλιάζων (LUC. Lex. 10).
234EUB., fr. 7 K.-A., vol. V, p. 192 = fr. 8 K. Le titre de la pièce n’est certainement
pas Damalia mais plutôt Amaltheia, Daidalos ou Damasia.
235Cf. encore HESYCH. s.v. ἀσκωλίαζειν· κυρίως μὲν τὸ ἐπὶ τοὺς ἀσκοὺς ἅλλεσθαι,
ἐφ’οὓς ἀληλιμμένους ἐπήδων γελοίου ἕνεκεν, et POLL. IX, 121 : ὁ ἀσκωλιασμὸς τοῦ
ἑτέρου ποδὸς αἰωρουμένου κατὰ μόνου τοῦ ἑτέρου πηδᾶν ἐποίει, ὅπερ ἀσκωλιάζειν
ὠνόμαζον.
237Knox 1966.
240Voir Mitchell 2009, pour un recensement critique des scènes figurées sur vases.
Selon lui, la face B de la coupe attique à figures rouges du Louvre (G70) du Peintre de
Scheurleer, réalisée vers 500-490, et dont le dessin est reproduit dans Labat 1998, p. 34,
fig. 3, n’est pas une scène d’askoliasmos mais une scène parodique établissant un lien
entre le guerrier et le buveur, un jeune homme nu chevauchant une outre et soufflant
dans une corne à boire. Au contraire, la coupe de Cambridge 37.17 montre des satyres
chevauchant des outres, jouant probablement à l’askoliasmos. Voir aussi la coupe
attique à figures rouges de Tübingen (Archäologische Institut, S101525, ARV2 94.104,
du Peintre d’Evergidès, 515-500) ; le tondo de la coupe de Bruxelles attique à figures
rouges (musées royaux d’Art et d’Histoire, A723, d’Onésimos, 505-480).
241Hérodote écrit « du puits », avec l’article défini, mais n’apporte aucune précision
hormis la description qui s’ensuit.
242Cf. Od. 17, 197-198 : Eumée et Ulysse se mettent en route vers la ville, ce dernier
endossant sa besace décrite à l’identique.
245Il ne faut voir dans l’exemple du philosophe Thrasyclès, qui veut remplir d’or sa
besace « contenant à peine deux médimnes éginétiques », soit plus de 100 litres, qu’un
simple procédé d’exagération grotesque (LUC. Tim. 57).
246Éros, jouant au bouvier, tient en main un aiguillon « et port[e] sur ses épaules une
besace », πήρην δ’ εἶχε κατωμαδίην (MOSC. Ep. 4). Voir aussi les exemples ci-
dessous, empruntés à Alciphron : la besace accrochée à la ceinture (ἐξηρτημένος) est,
dans un cas (ALCIPH. II, 38), de petite taille (diminutif πηρίδιον) ; dans l’autre
(ALCIPH. II, 19), « totalement vide » (διάκενον).
247On notera que, dans ces portraits caricaturaux, le bâton est toujours très
rudimentaire : « gourdin en poirier sauvage », simple « morceau de bois » ou encore
« pilon en guise de bâton », ἀντὶ δὲ τῆς βακτηρίας ὕπερον (LUC. Dém. 48).
248Voir par exemple les gloses circulaires de la Souda, qui renvoient les termes les uns
aux autres : πήρα· μάρσιππος, θήκη (Souda, s.v.) ; μάρσιππος· σάκκος, θυλάκιον,
σακέλλιον (Souda, s.v.).
249En français, en revanche, les termes « besace » et « bissac » (d’emploi vieilli), issus
du même étymon bissacium, désignent au sens propre un sac double, « ouvert par le
milieu et dont les extrémités forment deux poches » ; on désigne donc plutôt ainsi un
sac de bonne contenance. Le terme « havresac » s’emploie dans le domaine militaire
pour un sac à bretelles porté sur le dos ; la « gibecière », portée en bandoulière, sert à
transporter la prise ou la récolte des chasseurs, pêcheurs et paysans, mais le mot est
aussi synonyme de « cartable d’écolier à bretelles ». Une « sacoche » se porte au moyen
d’une lanière (Robert 2014, s.v.).
251POLL. X, 160 : ἀσκοπήρα, ὡς ἐν ταῖς Ὥραις Ἀριστοφάνους (fr. 587 K.-A., vol. III.
2, p. 302 = fr. 577 K.) ; Diphile de Sinope (IVe/IIIe siècle), fr. 55, 2 K.-A., vol. V, p. 83 =
fr. 55 K., dans une liste d’articles que l’on peut trouver sur l’agora : ἀσκοπήραν,
θύλακον.
253Le mot a parfois, par métaphore, le sens de « braies de cuir », peut-être emprunté à
l’argot des soldats, comme en AR. Gu. 1087, où le Premier demi-chœur fait le récit de
la bataille de Salamine : « nous les poursuivîmes [les Perses], les dardant comme des
thons à travers leurs braies », εἶτα δ’ εἱπόμεσθα θυννάζοντες εἰς τοὺς θυλάκους. Voir
aussi EUR. Cycl. 182.
254Texte et traduction pris à Chantry 2009, p. 398. C’est encore l’étymologie proposée
aujourd’hui.
258E. Delebecque (n. 1 ad loc. dans l’édition de la CUF) voit dans cette définition une
confusion de la part de Pollux : pour lui, à la lecture de Xénophon, le kynouchos n’est
qu’une gibecière et non un sac de rangement pour le filet. Pour l’inscription de ce sac au
nombre des ustensiles de chasse, voir encore POLL. V, 19 (τὰ δὲ πρὸς κυνηγέσιον
ἐργαλεῖα [...] κυνοῦχος) et POLL. X, 141 (τὰ δὲ κυνηγέτου σκεύη [...] κυνοῦχοι).
263Whitehead 2010.
270Prêtre 2012, p. 202 ; on trouve aussi le diminutif ῥιπίδιον dans une inscription de
l’Aphrodision – 1442B (34). Un relief funéraire de Délos représente une jeune esclave
tenant un éventail en forme de feuille triangulaire (Jardé 1906, p. 651, fig. 4) et W.
Deonna a recensé les manches en ivoire, onyx et os qui pourraient être ceux d’éventails
ou de chasse-mouches de diverses époques (Deonna 1938, p. 247). Ces deux objets et
les mots les désignant (μυ(ι) οσόβη et ῥιπίς) étant d’ailleurs souvent confondus dès la
fin du IVe siècle dans les textes, bien que le chasse-mouche fût un « instrument assez peu
raffiné » (Prêtre 2012, p. 168-169). Nous écartons volontairement de notre corpus le
témoignage d’un chasse-mouche de cuir qu’Aristophane donne pour instrument au
Paphlagonien afin qu’il écarte les orateurs de son maître Démos, dans la mesure où le
terme qui le désigne, βυρσίνη (AR. Cav. 58), constitue un jeu de mots forgé à partir de
μυρσίνη, la branche de myrte connue pour écarter les insectes, sur βύρσα, dans le but de
railler une fois encore l’activité de tanneur de Cléon (Cf. Sch. Cav. 59b [vet] : « <le
poète> a joué sur le fait que Cléon soit tanneur : on attendait mursinê, branche de
myrte [...]. On chasse les mouches au moyen de branches de myrte », ἔπαιξε δὲ παρὰ τὸ
βυρσοδέψην εἶναι τὸν Κλέωνα· ἔδει γὰρ εἰπεῖν μυρσίνην [...]. ταῖς γὰρ μυρσίναις
ἀποσοβοποῦσι τὰς μυίας).
271Voir Vigneron 1968, notamment les chapitres « le harnais de tête » (p. 51-79),
« l’attelage et le bât » (p. 108-137). On se référera également à Delebecque 1970
(lexique et appendice). Nous donnons ici une synthèse de ces ouvrages et mettons en
avant certains points de désaccord dans les interprétations.
272XEN. Art Eq. VI, 8 ; VII, 1 ; X, 6 ; XI. Il peut être doux, rigide, dur, flexible
(voir Art Eq. IX et X notamment). Xénophone utilise les déverbaux χαλινῶ, « brider »
(XEN. Art Eq. V, 1 ; VI, 11) et ὑποχαλινῶ, « débrider » (XI, 7), et le nom χαλίνωσις,
« action de brider » (III, 11).
274La raison en est que les scènes représentées montrent des chevaux de prestige
(montures de personnages illustres, chevaux de course) et que, comme au cirque de nos
jours, les harnais de parade comportent de multiples courroies secondaires inutiles au
bon maintien du harnais (Vigneron 1968, p. 55 et n. 6).
275Vandorpe 2002, p. 312, no 38, l. 7-8. Nous traduisons le pluriel χαλιν[ὰ] par
« courroies du mors », dans un emploi métonymique du mot, tant il paraît difficile d’y
voir le « mors » lui-même, normalement en métal – à moins qu’il ne s’agisse d’un
morceau de cuir de taureau durci ?
276Par exemple, lors des jeux en l’honneur de Patrocle, des cochers « frappent <les
chevaux> avec des courroies », πέπληγόν θ’ ἱμᾶσιν (Il. 23, 363, traduction modifiée).
Le latin lora a aussi un sens générique et désigne toute sorte de lanière de cuir. Voir
certains emplois et difficultés de traduction dans Vigneron 1968, p. 56. Globalement, les
termes μάστιξ (XEN, Art Eq. VIII, 4 ; verbe μαστιγῶ : X, 1 ; XI, 6), ἱμάς, μάσθλη,
ἱμάσθλη, σκῦτος, μάραγνα désignent des lanières qu’on utilise pour corriger hommes et
chevaux. Le terme βακτήριον renvoie quant à lui à une baguette rigide, la « badine »
(XEN Art Eq. XI, 4). Le ῥάβδος de XEN. Art Eq. VIII, 4 et XI, 4 serait une cravache
(Vigneron 1968, p. 85 ; Delebecque 1970, s.v.). Voir encore Vigneron 1968, p. 86 :
« Les mots ἱμάς, μάσθλη, ἱμάσθλη, σκῦτος, μάραγνα, corrigia s’appliquent à toutes
sortes de lanières qu’on peut utiliser occasionnellement pour corriger un cheval. »
277D’après le schéma qu’en propose Delebecque 1970, p. 89, fig. 4, il n’y a qu’une
seule rêne accrochée à la bride du cheval.
27828 occurrences dans l’Iliade, 2 dans l’Odyssée. XEN, Art Eq. VI, 7 ; VI, 9 (au
singulier) ; VII, 8 ; VII, 9 ; XII, 5 ; SOPH. El. 743 ; Aj. 847 ; EUR. Hipp. 1188 ;
EN. Pol. XXXI, 9, etc. Voir le latin habenae. Xénophon utilise un certain nombre de
formules qui précisent le maniement des rênes : τὰς ἡνίας περιβάλλειν, « passer les
rênes par-dessus l’encolure » (XEN. Art Eq. VI, 7) ; - καθιέναι, « poser les rênes sur le
garrot » (VI, 7) ; - λαμβάνειν, « prendre les rênes en main » (VII, 1) ; - ἰσοῦσθαι,
« ajuster les rênes » (VII, 8 et ἡνίαι ἴσαι, « rênes ajustées », VII, 9 et XII, 5) ; il utilise
aussi le verbe ἡνιοχῶ ἀνώ/κατώ, « tenir les rênes la main haute ou basse » (VII, 10).
Hésiode parle de « cochers montés sur des chars en bois tressé, lançant leurs chevaux
rapides en rendant les rênes », ces derniers étant désignés par le neutre pluriel
substantivé τὰ ῥυτά, « ce que l’on tire » (HES. Boucl. 308).
281Faut-il comprendre ici qu’il s’agit de cordes teintes en rouge comme les « licous de
pourpre » des auteurs latins (MART. Ep. I, 105, 7 et OV. Mét. X, 125), selon Vigneron
1968, n. 59 ?
282On voit aussi en Il. 4, 142 un « ivoire qui doit devenir bossette de mors, teint en
pourpre » par des femmes (ἐλέφαντα... φοίνικι μιήνῃ... | παρήιον ἔμμεναι ἵππων) qui est
probablement enfilé dans une des courroies latérales du harnais de tête comme
décoration (Vigneron 1968, p. 78). Cf Il. 5, 583 : ἡνία λεύκ’ ἐλέφαντι, « rênes luisantes
d’ivoire ». Pour les rênes dorées, voir Il. 5, 226 : ἡνία σιγαλόεντα, « rênes brillantes »,
et l’épiclèse χρυσήνιος, « aux rênes d’or » (Il. 6, 205 : épiclèse d’Artémis ; Od. 8, 285 :
épiclèse d’Arès ; SOPH. Œd. C. 693 : épiclèse d’Aphrodite). On retiendra
particulièrement l’expression χρυσόνωτον ἡνίαν « recouvert ou plaqué d’or »
(littéralement « doré au verso », SOPH. Aj. 847).
283Voir aussi Il. 8, 544 : les Troyens « attachent [les chevaux détachés du joug] avec
des courroies, chacun près de son char », δῆσαν δ’ἱμάντεσσι παρ’ἅρμασιν οἷσιν
ἕκσατος.
284Ulysse détache les chevaux du char, « les lie ensemble avec des courroies » et les
pousse loin de la masse des combattants, ἵππους | σύν δ’ ἤειρεν ἱμᾶσι. Cf. Vigneron
1968, p. 56, n. 2.
290POLL. I, 140 ; II, 53 ; X, 54 ; Souda s.v. παρώπια καὶ ἀντήλια· τὰ παρὰ τὰς ὄψεις
τῶν ἵππων δερμάτια, « parôpia et antêlia : objets couvrant latéralement les yeux des
chevaux, en cuir ».
292XEN. Art Eq. V, 3 : « il faut mettre la muselière au cheval », χρὴ [...] τὸν κημὸν
περιτιθέναι τῷ ἵππῳ κημοῦν δεῖ ; « la muselière, sans l’empêcher de respirer, lui interdit
de mordre ; et une fois mise autour de la bouche, elle enlève davantage aux chevaux
leurs mauvaises intentions », Ὁ γὰρ κημὸς ἀναπνεῖν μὲν οὐ κωλύει, δάκνειν δὲ οὐκ ἐᾷ·
καὶ τὸ ἐπιβουλεύειν δὲ περικείμενος μᾶλλον ἐξαιρεῖ τῶν ἵππων.
293Vigneron 1968, pl. 28f (= Anderson 1961, pl. 22B) et p. 78 pour la description.
294Par exemple, Automédon et Alkimos préparent les chevaux d’Achille : « ils leur
passent les belles courroies ; ils leur mettent le mors aux mâchoires ; ils tirent les rênes
en arrière », ἀμφὶ δὲ καλὰ λέπαδν’ ἕσαν, ἐν δὲ χαλινοὺς | γαμφηλῇς ἔβαλον, κατὰ
δ’ἡνία τεῖναν ὀπίσσω (Il. 19, 393-394). Voir Il. 5, 730 ; ESCHL. Pers. 191 (chevaux
qu’on attelle au char) ; AR. Cav. 768.
295Traduction de P. Mazon, ad loc., qui commente : « Les deux pièces, timon et joug,
sont fixées l’une à l’autre par un anneau et une courroie qui fait plusieurs fois le tour du
renflement central du joug. »
296Pluriel de μέσαβον, que Bailly définit comme « le joug et le timon d’un attelage de
bœufs ». Cf. P. Mazon, ad loc., traduit « la clé du joug » en expliquant : « il s’agit d’une
petite cheville qui traverse le joug et le timon » sur laquelle « porte l’effort des bœufs
lorsqu’ils tirent la charrue ».
298Ibid., p. 79 : la selle a peut-être été peinte sur le marbre (voir bibliographie), sans
jamais toutefois avoir connu de traduction sculpturale.
299Ainsi celles que les Perses entassent, pliées ou superposées, sur le dos de leurs
montures, comme il est dit, dans la perspective de critiquer la nonchalance efféminée de
ce peuple, en XEN. Cyr. VIII, 8, 19 : « les Perses ont aujourd’hui sur leur cheval plus
de couvertures que sur leur lit, car ils ne s’inquiètent pas tant de la position à cheval que
de la mollesse du siège », νῦν δὲ στρώματα πλείω ἔχουσιν ἐπὶ τῶν ἵππων ἢ ἐπὶ τῶν
εὐνῶν· οὐ γὰρ τῆς ἱππείας οὕτως ὥσπερ τοῦ μαλακῶς καθῆσθαι ἐπιμέλονται.
300Mais cela n’exclut pas la reprise de termes génériques dans ce traité, puisque
précisément le contexte en éclaire le sens. Voir XEN. Art ch. VII, 6, infra.
301Le nom δέραιον vient de δέρη, le « cou », la « gorge » d’usage poétique (EDG s.v.).
Voir POLL. V, 55 : « les colliers sont un équipement pour les chiens, une courroie large
<disposée> autour du cou, solide, qui a pour autres noms perideraion, perideris »,
κόσμος δὲ κυνῶν δέραια μέν, ἱμᾶς πλατὺς περὶ τῷ τραχήλῳ, στερεός, ὃς καὶ
περιδέραιον καὶ περιδερὶς ὀνομάζεται.
302Mot d’origine pré-grecque, ou à rattacher à κλεΐς, la « clé » (EDG s.v. κλοιός). Par
ailleurs, Reekmans 1996, p. 69, voit dans le terme ἁλύσιον de PCZ IV, 59782a, l. 48
(Ἀττά[λωι] τῶι κυνηγῶι ὥστε τοῖς κυ[σ] ὶν | ἁλύσιον) un collier de chien, mais il s’agit
plutôt d’une chaîne.
304Souda s.v. : « kynouchos : lien qui retient le chien », κυνοῦχος· ὁ τὸν κύνα κρατῶν
δεσμός. « κὤλπαν ἀστλέγιστον ἀχάλκωτόν τε κυνοῦχον ». La confusion s’installe tant
et si bien que même le DELG retient la traduction de « laisse ».
306A.P. VI, 107, 6-7 : épigramme votive de Philippe : un vieux chasseur, Gélon, a
consacré divers objets liés à son activité au dieu Pan : un épieu émoussé, des pans de
filet usé, des collets, « des colliers qui tiennent les chiens (en laisse) en maîtrisant leur
cou », τραχηλοδεσπότας | κλοιοὺς κυνούχους.
308Stèle funéraire : athlète accompagné d’un serviteur et de ses chiens, Athènes, v. 360-
350, musée du Louvre Ma 3114.
309À deux reprises, Hérondas emploie dans un sens inédit le mot μῦς pour désigner un
ustensile destiné à l’homme. Qu’il s’agisse d’un objet qui permet de faire taire
quelqu’un est très clair dans un cas : un maître d’école menace son mauvais élève qui ne
cesse de le supplier de lui épargner les châtiments corporels : « Je vais te mettre la
muselière, si tu continues à grogner », πρός σοι βαλέω τὸν μῦν τάχ’, ἢν πλέω γρύξῃς
(HER. III, 85). Il demeure en revanche incertain dans le deuxième passage, où il
apparaît dans une locution de sens inconnu dans la bouche d’une certaine Bitinna, qui,
négligée par son esclave Gastron, l’a fait mener dans une maison de correction et
déclare : « Qu’on le pende par la muselière, c’est tout ce que mérite un Daos [nom d’un
peuple] », κατηρτήσθω | οὕτω κατὰ μυὸς ὥσπερ ἡ Δάου τιμή (HER. V, 68). Les
lexicogaphes ne relèvent pas cet usage du mot et il n’est pas sûr que la menace soit à
prendre comme le témoignage d’un objet ayant réellement existé.
310Le terme ἰλλάς (de εἰλεῖν), relatif à l’idée de « s’enrouler » (EDG s.v. εἰλέω 2), peut
toutefois désigner ici tout aussi bien une corde qu’une courroie. Dans ce passage,
l’élément comparé aux mouvements convulsifs du bœuf est le corps d’un homme qui,
transpercé par une lance, palpite.
311Il. 22, 396-398 : « à l’arrière des deux pieds, il lui perce les tendons entre cheville et
talon ; il y passe des courroies en cuir de bœuf, et il les attache à son char », ἀμφοτέρων
μετόπισθε ποδῶν τέτρηνε τένοντε | ἐς σφυρὸν ἐκ πτέρνης, βοέους δ’ ἐξῆπτεν ἱμάντας, |
ἐκ δίφροιο δ’ ἔδησε.
313Les gouffes de la Mésopotamie actuelle, décrites dans Gansser 1951, p. 1173, sont
des embarcations, utilisées aussi comme bacs ou pontons, en forme de grandes
corbeilles rondes dont l’armature est faite de roseaux, de branches de saule ou de
noisetier, puis recouverte de peaux souvent imperméabilisées par un enduit de goudron :
« On descend l’Euphrate ou le Tigre pour se rendre au marché. On vend parfois les
peaux des gouffes dont on ne remporte que les carcasses pour éviter de tout
transporter. »
315Asso 2010, ad loc., reconnaît dans ces embarcations les coracles du Pays de Galles
et renvoie à ISID. Orig. 19, 1, 6 (carabus, parua scapha, ex uimine facta, quae contexta
crudo corio genus nauigii praebet, « carabus, petite embarcation, faite à partir d’osier
qui, assemblé à des peaux fraîches, offre une sorte de bateau », trad. perso.) ;
ces carabi étaient encore utilisés en Italie au VIIe siècle apr. J.-C. Voir également
Leguilloux 2004a, p. 165-166, pour l’évolution de ce type d’embarcation ; Cullin-
Mingaud 2010, p. 221-223, avec fig. 243 (reproduction d’un coracle), qui renvoie à tous
ces textes.
316Gansser 1951, p. 1173 : les keleks consistent en des radeaux d’outres gonflées,
assemblées, puis « surmontées de traverses pour former un plancher afin de franchir les
eaux fluviales en période sèche, donc peu profondes ».
318Ces peaux (de caprins plutôt que de bovins) peuvent être celles des tentes ou celles
qu’une armée prévoit dans son équipement pour tous les besoins que nous recensons
dans ce chapitre, particulièrement dans la partie « armement ».
319Voir Kassab 1986, p. 309-315 : diverses interprétations ont été données : le satyre
planerait dans les airs ; il s’appuierait sur l’outre pour en faire jaillir du vin ; il jouerait à
l’askoliasmos et viendrait de glisser (pour ce jeu, voir supra p. 104-106). Mais c’est
l’hypothèse que nous reprenons ici qui paraît la plus vraisemblable, et l’auteur renvoie à
un passage des Dionysiaques de Nonnos de Panopolis composées entre 450 et 470
(NON. Dion. XXIII, 147-150) où les troupes de Dionysos traversent l’Hydaspe sur des
embarcations de fortune, notamment des outres remplies d’air : « Et une armée de
belliqueux fantassins, faute d’embarcations, gonflèrent des outres en y insufflant un
vent factice afin de passer l’Hydaspe indien sur ces peaux rebondies : les outres
voguent, grossies des souffles enfermés en leur sein », ἀσκοῖς οἰδαλέοισι χέων ποιητὸν
ἀήτην,| δέρματι φυσαλέῳ διεμέτρεεν Ἰνδὸν Ὑδάσπην,| ἐνδομύχων δ’ἀνέμων ἐγκύμονες
ἔπλεον ἀσκοί.
320Une tête en terre cuite d’Alexandrie, trouvée dans la nécropole d’Hadra, est sortie
du même moule que celle du Satyre à l’outre du Musée du Caire (terre cuite avec traces
de polychromie, provenant des environs de Rosette : Le Caire, Musée égyptien, CG
26752-JE 6102). Voir Grimal et al. 1998, p. 268, no 211 (M.-F. Boussac).
321Louvre G92 (S 1606), Beazley ARV2, p. 134. Reproduite dans Kassab 1986, p. 312,
fig. 7.
322Le tolet est la tige en fer ou en bois, le taquet que l’on enfonce de la moitié de sa
longueur sur le plat-bord d’une embarcation, destiné à retenir un aviron pendant sa
nage.
323C’est ce qui arrive aux compagnons d’Ulysse, saisis de peur en entendant un bruit
sourd sur les flots à l’approche de Scylla : « La peur saisit mes gens : envolées de leurs
mains, les rames en claquant tombent au fil de l’eau ; le vaisseau reste en place, les bras
ne tirant plus sur les rames polies » (Od. 12, 203-205) ; Ulysse parvient à les réconforter
mais évite de parler explicitement de Scylla, car « [s] es gens saisis de peur pouvaient
lâcher les rames pour se blottir en tas dans le fond du vaisseau » (Od. 12, 224-225 ; trad.
V. Bérard).
324Voir la rubrique suivante. Cf. Casson 1971, p. 87, n. 52. On notera que le scholiaste
avait déjà formulé une telle remarque sur l’emploi ici inapproprié du terme : Sch.
Ach. 97a (I) [vet], ἄσκωμα δὲ, ὁ ἱμὰς ὁ συνέχων τὴν κώπην πρὸς τῷ σκαλμῷ,
« l’askoma est la courroie qui maintient la rame au tolet ».
331Cette relation est rappelée sur le cartel du musée, trop endommagé toutefois pour
fournir un numéro d’inventaire. Le bloc a été trouvé dans la région d’Agiôn Apostolôn à
Mytilène.
332Sur les lanières pour le pugilat et cet épisode, voir infra p. 123-126.
335Ce qui revient, si l’on compte 52 askomata (deux fois 26 avirons de thalamites), à 5
oboles l’unité (Morrisson, Coates, Rankov 2000, ad loc.).
336« Since there were only some 18 inches or so above the waterline, a leather bag
(askoma) fitted snugly about the oar and its opening to keep out the sea ; in any sort of
chop, the thalamite oars were no doubt secured ans the bags sealed », lit-on encore
dans Casson 1971, p. 83.
338IG II2 1604, 68 (377/376 av. J.-C.) : ἀντὶ τ] ούτο ἀκάτειός ἐστιν· ὀφθαλμὸς
κατέαγεν· ἀδόκιμοι κῶπαι. Pour le commentaire sur ces listes, voir Morrisson, Williams
1968, p. 286-288.
339Le même texte connaît des lacunes variables selon les lignes. Les références
données par Morrisson, Williams 1968, p. 286-288, sont erronées : il faut
lire IG II2 1606 (de 374/373 av. J.-C.) et non 1607.
340Bibliographie sur l’œil de la proue et, plus globalement, sur les navires grecs par
Carlson 2009, notamment p. 363-365.
341Ruvo, palazzo Jatta, inv. 1501 ; Beazley ARV 1338/I. Reproduit dans Morrisson,
Williams 1968, pl. 26a ; avec restitution des rames et du sabord gainé dans Casson
1994, fig. 53.
342Le singulier ὅπλον renvoie plus précisément à une corde : cela est évident
en Od. 21, 390, où « un cordage de papyrus <tressé>, amarre de navire » (ὅπλον νεὸς
[...] βύβλινον) permet à Eumée de fermer les deux barres du portail de la cour ; il doit en
être de même lorsqu’Ulysse, dans son récit mensonger, prétend s’être fait attacher
solidement de plusieurs tours de corde par les marins malintentionnés (Od. 14, 346 : ἐμὲ
κατέδησαν [...] | ὅπλῳ εὐστρεφέι στερεῶς).
343Les marins s’exécutent : « ils détachèrent les courroies et carguèrent les voiles »,
ἱστία μὲν κάθεσαν, λῦσαν δὲ βοείας (Hymn. Ap. I, 503).
344Le terme ἀγκύλη mentionné plus haut pour désigner la « courroie d’un javelot » se
rencontre dans un vers d’Iphigénie en Tauride pour désigner des « amarres », des
« nœuds coulants » qui doivent servir à retenir une embarcation. Le Messager fait le
récit à Thoas de la fuite d’Oreste, qui emporte sa sœur et le Palladion à bord d’un navire
et que Poséidon repousse vers la côte : « parmi nous, les uns s’élançaient dans la mer, et
d’autres essayaient d’accrocher des lacets », ἄλλος δὲ πλεκτὰς ἐξανῆπτεν ἀγκύλας
(EUR. Iph. T. 1408). Rien ne permet d’affirmer qu’il s’agit ici de cuir, comme cela est
parfois traduit.
346Sur ce passage relatif à l’utilisation des himantes et de ceintures dans des scènes de
pugilat et de lutte chez Homère, voir Visa-Ondarçuhu 1999, p. 29-31.
347Sur cette ceinture (zoma) qu’Ulysse, dans le défique lui lance le mendiant Iros,
improvise en roulant ses guenilles en haut de ses cuisses (Od. 18, 30-114, notamment
v. 67 : ζώσατο μὲν ῥάκεσιν περὶ μήδεα), voir Visa-Ondarçuhu 1999, p. 29-30,
particulièrement les rappels bibliographiques sur l’interprétation de la fonction d’une
telle ceinture, p. 29, n. 1. L’auteur, qui propose d’y voir une ceinture qui facilite les
prises (avec cette restriction que cela est valable pour la lutte mais pas pour le pugilat),
conclut qu’il s’agit peut-être d’un équivalent du suspensoir qui protège les organes
génitaux.
348Ulysse, dans son combat contre Iros (voir n. précéd.), ne s’en équipe pas car il ne
dispose pas alors de courroie.
349Outre la gestuelle du combat très remarquable, où les pugilistes tantôt lèvent les
mains pour se protéger, tantôt se dressent pour attaquer en frappant le visage de l’autre.
Parmi les nombreuses images représentant ces himantes pugilistiques, nous renvoyons à
Visa-Ondarçuhu 1999, le fragment de stèle funéraire en marbre P 1054 (v. 50) du musée
du Céramique d’Athènes reproduit dans son ouvrage, p. 95, pl. IV.
350Scanlon 1983 (avec insistance sur le terme μύρμηξ, plus tardif ; voir infra p. 126).
351Eustathe (1324, 17) commentant notre passage de l’Iliade explique que « les
courroies des pugilistes participent en quelque chose aux blessures » (trad. perso.), οἱ δὲ
τῶν πυγμάχων ἱμάντες [...] συνεργαζόμενοί τι ταῖς πληγαῖς.
354Le verbe λέπω signifie ici « enlever la peau » à force de coups de la part des
boxeurs, avec une équivoque obscène. Cf. les sens figurés de δέρειν signalés en
Annexe 4.
355Athénée cite des vers des Boxeurs de Timoclès (IVe siècle av. J.-C.).
358Outre le passage déjà cité, on lit en Rég. III, 78, 3 que les patients qui ont la chair
ferme sécrètent abondamment et finissent par étouffer et vomir, et qu’ils doivent faire
entre autres exercices « un peu de lutte et de la lutte à la main (cette dernière et la lutte
au ballon sont plus utiles) », πάλῃ ὀλίγῃ, ἀκροχειρισμοῖσιν (ἀκροχείρισις καὶ
κωρυκομαχίη συμφορώτερον) ; en Rég. III, 81, 3, pour les patients qui perdent l’appétit,
ont le ventre ulcéré, entre autres exercices, « la lutte à la main, les mouvements des bras,
la lutte au ballon et la lutte au sol conviennent, mais il n’en faut pas beaucoup »,
ἀκροχειρισμός δὲ καὶ χειρονομίη καὶ κωρυκομαχίη καὶ ἀλίνδησις ἐπιτηδείη μὴ πολλή.
361Lissarrague 1987.
362Voir Henderson 1991, p. 127, no 88, qui renvoie à la définition de E.M. 549.27 :
κύων· τὸ κάτω τῆς πόσθης συμπεφυκὸς τῷ δέρματι, « kuôn : la partie supérieure du
prépuce qui s’unit avec la peau » (le frein), et cite le fragment de Platon le Comique
174.16 K., κυνί τε καὶ κυνηγέταιν, « chien et meneurs de chien [au duel] », pour
désigner le phallus et les testicules.
363Ἡ πόσθη est définie juste auparavant comme « la peau qui recouvre l’urêtre ».
365Autres exemples dans Lissarrague 1987, avec illustrations. L’auteur précise que « le
plus souvent, les peintres se contentent d’indiquer par une spirale que le sexe est ainsi
maintenu ».
368Hodges 2001, p. 378-379. Même remarque chez Lissarrague 1987, p. 71, qui
renvoie à Dingwall 1925, p. 74-76.
370Kapetanaki 1973, p. 277 (contexte), 281 (notice), 282, fig. 11β (cliché).
371Le papyrus, provenant d’une momie de crocodile, est endommagé et le texte qu’on y
lit très abrégé.
376Mot intraduisible.
378LUC. Dial. Dieux 223-224 et PHILOST. J. Gal. I, 10 (Amphion). Ces deux textes
ne parlent à aucun moment d’une peau tendue sur la carapace. Hésychius mentionne le
terme ἀστέλεφος pour désigner la « peau qui entoure la lyre », τὸ περὶ τὴν κιθάραν
δέρμα, mais on peut tout aussi bien y voir un étui pour l’instrument (HESYCH. s.v. ;
nous traduisons κιθάρα par « lyre » plutôt que par « cithare », dont la caisse est en bois).
Voir aussi le non moins obscur ἀστελοφοῦν, « <tendre> la peau vers les extrémités »,
δέρμα τὸ εἰς τὰ ἄκρα (HESYCH. s.v.).
381Voir Bélis 1985, p. 217-219, pour cette évolution ; notamment p. 218, fig. 7, schéma
des kollopes d’après le lécythe à figures noires du Peintre d’Athéna (fin du VIe siècle) du
British Museum, B 651, où l’on voit une Sirène tenir une lyre à six cordes enroulées sur
des « tampons en forme de boules ». Voir aussi Monbrun 2006, p. 334, fig. 5a (pélikè
attique à figures rouges, v. 475, Bâle, Münzen und Medallien) : « un concurrent
d’épreuve de citharodie fait tourner certains kollopes sur le joug, entre le pouce et les
trois premiers doigts de la main droite pour amener les cordes à la tension désirée » ;
p. 335, fig. 5b (pélikè apulienne à figures rouges, v. 350-330, Genève, collection
Chamay, 16-57) : Apollon « accomplit le même geste tout en vérifiant la justesse de la
corde en la pinçant » (d’après Paquette 1984, p. 127, fig. C49).
382Bélis 1985, p. 219 et fig. 18-19 : « la corde est enroulée en croix ou en 8 autour de la
pièce de bois ou de métal ».
384Autre exemple avec l’amphore attique à figures rouges (face A) du Museum of Fine
Arts de Boston, 26.61, du Peintre de Byrgos, v. 490-470.
388Aristophane fournit la seule attestation d’un aulète portant une phorbeia, exerçant
son art dans un tribunal, mais cette intervention demeure anecdotique : « Un joueur de
flûte [ayant gagné sa cause] met sa phorbeia [pour récompense] et joue une sortie » aux
dicastes au moment où ils se retirent, αὐληστής... | ἐν φορβειᾷ... ἔξοδον ηὔλησ<ε>
(AR. Gu. 581-582).
389Voir Bélis 1986, dont nous résumons ici la teneur et qui fournit un grand nombre de
représentations figurées ainsi que l’ensemble des textes et leurs traductions que nous
reprenons ici (mais avec notre système de référençage pour les scholies).
391Bélis 1986, fig. 8 : détail de la phorbeia tenue en main par un aulète, sur un cratère
à volutes du Musée national de Tarente (IG 8263), v. 425.
393PLUT. Cont. Col. 456B : « Marsyas, à ce qu’il semble, par le moyen de la phorbeia
et de sa muselière réfréna la violence de son soufle et tâcha de remédier à la
déformation de son visage et de la dissimuler », ὁ Μαρσύας, ὡς ἔοικε, φορβειᾷ τινι καὶ
περιστομίοις τοῦ πνεύματος τὸ ῥαγδαῖον ἐγκαθεῖρξε καὶ τοῦ προσώπου κατεκόσμησε
καὶ ἀπέκρυψε τὴν ἀνωμαλίαν. Sur la déformation du visage et, conséquemment, le rejet
de l’aulos par Alcibiade ou Athéna, voir PLUT. Alc. 2, 5 (« quand un homme soufle
dans une lûte avec sa bouche, ses familiers eux-mêmes ont grand’peine à reconnaître ses
traits », αὐλοὺς φυσῶντος ἀνθρώπου στόματι καὶ τοὺς συνήθεις ἂν πάνυ μόλις
διαγνῶναι τὸ πρόσωπον) ; OV. A.A. III, 505-506 et Fast. VI, 699-700 (« alors que mon
visage se relétait dans une eau limpide, j’ai vu se gonler mes joues de jeune
fille », virgineas intumuisse genas). Pour une comparaison entre les philosophes
enlammés et les aulètes, voir LUC. Double Acc. 11. Cf. Bélis 1986, p. 210-211.
394Sch. (D) Gu. 582b : « Les phorbeiai sont des bandes de cuir qui s’attachent autour
de la bouche des aulètes ain que le soufle soit émis de façon régulière et rende plus
agréable la sonorité de l’aulos », φορβειαί εἰσι τὰ δέρματα τὰ περὶ τὸ στόμα τῶν
αὐλητῶν προσδεσμευόμενα, ὅπως ἂν σύμμετρον τὸ πνεῦμα πεμπόμενον ἡδεῖαν τὴν
φωνὴν τοῦ αὐλοῦ ποιήσῃ.
395Bélis 1986, p. 211 : les lèvres de l’aulète serrent fortement les anches qui sont
enfoncées dans sa bouche, ce qui l’empêche de respirer par cet endroit. De plus, les
instruments à vent munis d’une anche « demandent une dépense de soufle
considérable » (p. 209).
397Autres exemples : tondo de coupe à figures rouges (Boston, Museum of Fine Arts,
95.27, v. 500-480) ; tondo de coupe attique à figures rouges (Boston, Museum of Fine
Arts, 01.801, v. 510-500) ; etc.
398Cf. Sch. (R) Thesm. 1197 : τὸ συβίνη· τὴν τοξοθήκην; συβήνη ἡ αὐλοθήκη· λέγουσι
δὲ καὶ τὸν φαρετρεῶνα συβήνην, « sybinê : étui pour l’arc ; sybênê <désigne> l’étui à
aulos ; mais on appelle aussi sybênê le carquois ».
399CIA 1, 170, 19 = Syll.2 586, 75 (422-419 av. J.-C) : ἐν ἑτέρωι κιβωτίωι· συβήνη
ἐλεφαντίνη κατάχρυσος « dans un autre coffre, une sybênê en ivoire plaquée d’or ». De
nombreuses sybênai, boîtes en ivoire, avec ou sans placage d’or, sont répertoriées dans
les offrandes du corpus IG II2, sans qu’on puisse toujours déterminer s’il s’agit d’un étui
à aulos ou d’un carquois, même si ce dernier sens semble préférable (par ex. : συβήνη
ἄχρυσος ἐλεφαντίνη ἄχρηστος, « en ivoire, sans or, non utilisée » dans IG II2 1447 et
1451 (consacrées à Artémis Brauronia, donc des carquois) ; 1450 ; συβήνη ἐλεφαντίνη
ἐπίχρυσος, « en ivoire recouvert d’or » dans IG II2 1377 et 1394 (à Artémis Brauronia) ;
1421 ; 1424a ; etc.).
401συρβηνεύς· Κρατῖνος ἐν Θρᾴτταις (fr. 89 K.-A., vol. IV, p. 166 = fr. 84 K.). ἤτοι
(α)ὐλητής· σύρβη γὰρ ἡ αὐλοθήκη. ἢ ταραχώδης, « Syrbêneus : <utilisé par> Cratinos
dans Les femmes thraces. Ou encore <avec le sens d’>“aulète”. En
effet, syrbê <désigne> l’étui à aulos. Ou encore <a le sens de> “désordonné” » (trad.
perso).
402À la base de ce terme, Perpillou 1973, § 80, pose un adjectif συβηρνός dérivé de
σύρβη (τύρβη), qui qualiie un jeu discordant ou arythmique. L’adjectif se trouve dans
l’expression proverbiale συρβηνὸς χορός, qualifiant un chœur mal réglé ; voir ATH.
XV, 669b, 671c, 697f pour ὁ τῶν συρβηνέων χορός : « le chœur de bafouilleurs
braillards ».
405« Comme dans ARIST. Probl. XIX, 18, 39, le verbe magadizein signifie “jouer à
l’octave” : lorsque la main droite jouait un air sur cet instrument, la gauche marquait la
mesure à l’octave inférieur » (note de la CUF, p. 142).
408Sur la façon dont sont placées ces baguettes (une paire en dedans, l’autre en dehors
des malléoles, soit l’une au-dessus et l’autre en dessous si l’on considère le membre
allongé, de l’avis de Pétrequin, ou les unes au-dessus des autres au-dessous de chaque
malléole pour Littré), voir Caussain-Damas 2012, p. 200-201, avec discussion.
409Littré donne un schéma de cet appareil dans son édition, vol. III, p. 519.
Actuellement, cette traction continue sur attelle de Boppe n’est plus utilisée que comme
traitement d’attente du traitement définitif. Voir Caussain-Damas 2012, p. 200-201.
410Voir Caussain-Damas 2012, p. 232. Nous modifions ici quelque peu le texte et la
traduction de Littré (εὐμενέστερον γὰρ κόλλῃ, « plus doux à la peau et avec de la
colle »), et adoptons la leçon retenue dans l’édition Loeb (1927).
411Le terme λοπός désigne une fine couche de peau (une pelure de fruit, une peau
d’animal qui mue, une peau qui pèle suite à une maladie).
413Par ex., HIPPO. III, 475 (Litt.) = Fract. 16 : « Le membre sera posé sur quelque
chose d’égal et de mou, de manière qu’il ne s’infléchisse [...]. Ce qui convient le mieux,
c’est de mettre sous la jambe un coussin de lin ou de laine, non dur, où l’on fera un
creux longitudinal dans le milieu », καταθεῖναι ἐφ’ ὁμαλοῦ τινος καὶ μαλθακοῦ, ὥστε
μὴ διεστράφθαι [...] μάλιστα δὲ ξυμφέρει προσκεφάλαιον, ἢ λίνεον, ἢ ἐρίνεον, μὴ
σληρόν, λαπαρὸν μέσον κατὰ μῆκος ποιήσαντα.
417Il semble que pour des invités de prestige les peaux soient systématiquement
remplacées par des couvertures et des tapis ouvrés par les gens de la maison : ainsi,
Achille fait préparer une couche pour Priam et ordonne à ses compagnons et ses
captives de mettre un lit (δέμνι<α>) sous le porche, « d’y déposer de beaux draps teints
en pourpre (ῥήγεα καλὰ πορφύρε<α>), d’étendre des tapis (τάπητας) dessus et de mettre
sur le tout des manteaux de laine (χλαίνας οὔλας) dont il puisse s’envelopper » (Il. 24,
644-646) ; de la même façon, Hélène fait préparer le lit de Télémaque et Arété celui
d’Ulysse (Od. 4, 297-299 = 7, 336-338).
418La couche rudimentaire du pauvre, de l’esclave, voire du soldat, est un tas de foin,
de branches ou de feuillage (AR. Pl. 541-542 : « en guise de lit, une litière de joncs
pleine de punaises », ἀντὶ δὲ κλίνης | στιβάδα σχοίνων κόρεων μεστήν ; 663 : στιβάδα).
419Voir encore Od. 20, 95 : Ulysse, entendant Pénélope pleurer, s’imagine qu’elle se
tient près de lui, l’ayant reconnu, « rassemblant le manteau et toutes les toisons de sa
couche », χλαῖναν μὲν συνελὼν καὶ κώεα, τοῖσιν ἐνεῦδεν ; Od. 20, 141-143 : Euryclée
évoque comment l’hôte misérable a passé la nuit précédente : « pour dormir il n’a voulu
ni lit ni couvertures, rien qu’une fraîche peau de bœuf et des peaux de moutons, là, dans
l’entrée, et nous l’avons recouvert d’une cape », οὐκ ἔθελ’ἐν λέκτροισι καὶ ἐν ῥήγεσσι
καθεύδειν,| ἀλλ’ ἐν ἀδεψήτῳ βοέῃ καὶ κώεσιν οἰῶν | ἔδραθ’ ἐνὶ προδόμῳ· χλαῖναν δ’
ἐπιέσσαμεν ἡμεῖς.
421Il faut ainsi comprendre l’allusion du Chœur qui insulte Cléon de la sorte : « Si je ne
te hais, que je devienne toison chez Cratinos » (i.e. « s’il n’est pas vrai que je te hais, je
consens à recevoir l’outrage d’être mouillé par l’urine de cet ivrogne de Cratinos »), εἴ
σε μὴ μισῶ, γενοίμην ἐν Κρατίνου κῴδιον.
422Reekmans 1996, p. 32 : achetées pour un médecin (PCZ IV, 59571, l. 7-12), mises
en gage (P.Lond. VII, 2006, l. 17-27), elles apparaissent surtout dans des listes de
provisions (PCZ IV, 59777, l. 3 ; PSI IV, 391b, l. 32 ; PSI VII, 858, l. 2).
423Par exemple, sur un cratère lucanien à figures rouges (Paris, musée du Louvre,
K518, v. 350-300), Hermès et Nikè entourent Héraklès assis sur un tabouret recouvert
de la léontê, utilisée ici à une autre fin que celle de le protéger. Le peintre fait en sorte
de dissimuler les pieds du siège que les pattes du lion viennent épouser.
425V. Bérard traduit par le pluriel ce qu’il considère comme un singulier collectif. Voir
aussi Van Effenterre 1941 : l’auteur trouve un parallèle non dans l’iconographie, où les
sommiers sont occultés par les représentations de tapis et de coussins qui recouvrent le
lit, mais dans deux larnakes (sarcophages rectangulaires en terre cuite) trouvés à Olonte
en 1937 (sépultures 4 et 9 de la nécropole du XIIe siècle av. J.-C. dans l’isthme de
Spinalonga, constituée d’une soixantaine de tombes dans des creux de rochers), qui
présentent, à 30 cm du fond de la cuve quadrangulaire et dans le sens de la largeur,
quatre bandes de terre cuite parallèles, d’une vingtaine de centimètres de large. S’il
s’agit pour l’auteur d’un dispositif symbolique, permettant de coucher « comme sur les
sangles d’un lit funèbre » le mort, et pragmatique, permettant de ralentir la putréfaction
du corps en l’isolant du fond de la cuve, leur disposition doit aussi être conforme au
sommier utilisé alors dans la vie quotidienne. On peut cependant tout aussi bien voir
dans les bandes de terre cuite l’imitation de lattes de bois, si ces éléments sont bel et
bien réalistes.
426Pour l’usage du mot concernant les couches dans les « Stèles attiques », cf.
Andrianou 2009, p. 32 : οἱ τόνοι : « interlacing, cords ».
427Notons déjà, dans cette occurrence, une allusion à la couleur rouge du membre de
cuir.
430Voir Piqueux 2005. Deux positions s’affrontent en réalité : pour Taplin 1993, ces
vases reflètent en majorité des comédies attiques et pour certains des comédies
anciennes ; selon Trendall 1967, ces vases sont le reflet des comédies italiotes
influencées par le théâtre attique.
433Voir, par exemple, Piqueux 2013, p. 59 et fig. 3 (Héraclès), fig. 4 (un voyageur), fig.
10 (un homme libre), fig. 11 (un kinaidos, « débauché »), fig. 12 (un esclave)...
434SAP. 99, 1, 5 dans Lobel, Page 1955, p. 82-83, donné ALC. fr. 303A Voigt, 1971,
p. 281 ; AR. fr. 332, 13 K.-A., vol. III. 2, p. 187 = fr. 320.13 K. ; SOPHR. fr. 23 K.-
A., vol. I, p. 205 = fr. 24 K. ; EPICH. fr. 226 K.-A., vol. I, p. 132 = fr. 235 K. ; CRAT.
fr. 354 K.-A., vol. IV, p. 294 (μισηταὶ δὲ γυναῖκες ὀλίσβοισι χρήσονται) = fr. 316 K.
435Par exemple, AR. Thesm. 478-489, 493-496, 499-501 : une femme, mariée depuis
trois jours, trompe son époux avec un amant de jeunesse ; AR. Paix 978-986 :
contrairement aux femmes honnêtes qui restent cachées, certaines recherchent des
amants qu’elles aguichent en se penchant par la fenêtre du logis.
436LUC. Dial. Court. 5, 4 : Megilla persuade Leaena de se laisser aimer par elle, car si
elle est née femme, elle possède, dit-elle, l’esprit et les désirs d’un homme, et ajoute :
« j’ai là un substitut de l’homme », ἔχω γάρ τι ἀντὶ τοῦ ἀνδρείου.
444Hérodote rapporte cette provenance – qu’il met au nombre des choses surprenantes
– du lêdanon dont les Arabes se servent dans la confection de parfums à brûler :
« Quant au ladanum, que les Arabes appellent ladanon, [...] c’est dans la barbe des
boucs qu’on le trouve ; il s’attache, venant de la broussaille, comme de la glu », τὸ δὲ δὴ
λήδανον, τὸ καλέουσι Ἀράβιοι λάδανον [...] τῶν γὰρ αἰγῶν τῶν τράγων ἐν τοῖσι πώγωσι
εὑρίσκεται ἐγγινόμενον, οἷον γλοιός, ἀπὸ τῆς ὕλης (HDT III, 112).
450Nous traduisons par « crochet » le terme κορώνη, qui désigne une « partie recourbée
et en saillie » (Dictionnaire Bailly).
452Prêtre 2012, p. 225-227 : une autre interprétation possible consiste à y voir une
lanière pour attacher la boîte à une spatule (στυλίσκος), mentionnée dans l’inscription et
localisée près d’elle. Deux courroies de cuir sont par ailleurs mentionnées dans un
inventaire du mobilier du temple d’Éleusis (IG I3 386 (121) et IG I3 387 (III) (135) :
hιμάντε ἐσκυτομένο), sans qu’on en connaisse la destination exacte (Prêtre 2012,
p. 141).
455Par ex., le médecin d’un patient atteint de folie s’est fait « battre avec une courroie
la paume des mains », παίειν σκῦτος ἔχοντα ἐς ὑπτίας τὰς χεῖρας. Il raconte cela à des
amis et « [leur] faisait voir les marques de coups et quelques égratignures sur son
visage », ἐδείκνυε δὲ καὶ σημεῖα τῶν πληγῶν καὶ ἀμυχάς τινας ἐπὶ τοῦ προσώπου
(LUC. Banq. 20).
457Leçon retenue dans l’édition de Cunningham 1971 (l’édition CUF donne σκῦλος).
La réaction de Cottalos, le fils, ne se fait pas attendre : « Non, je t’en supplie [...] pas le
dur ! Prends l’autre pour me battre ! », μὴ τῷ με δριμεῖ, τῷ ἑτέρῳ δὲ λώβησαι (HER. III,
73).
462Le participe parfait passif κεχρυσωμένος, « recouvert d’une couche d’or », équivaut
ici, bien qu’étant une forme plus rare, à περίχρυσος, « autour duquel on a appliqué de
l’or, plaqué d’or », devenu synonyme dans les offrandes déliennes de ἐπίχρυσος,
« recouvert d’or sur le dessus », « doré à la feuille d’or » ; χρυσοῦς, « en or », et
ὁλόχρυσος, « en or massif » ; διάχρυσος, « incrusté d’or » (Prêtre 2012, p. 24-26).
466On ne peut guère tirer d’information, en revanche, d’une mention, deux fois
présente dans les comptes d’Éleusis des années 408/407 et 407/406, de deux objets
(emploi du duel) indéterminés qui sont « revêtus de cuir »,…]ντε ἐσκυτωμένω
(IG I2 313, l. 121 et 314, l. 135). Par ailleurs, on a vu supra p. 123 l’utilisation de cuir
pour recouvrir, peut-être, des cerclages de métal consolidant le mât et les rames des
navires.
467Navarre 1924, p. 35, établit une liste de nombreuses hypothèses, toutes invérifiables,
sur les jeux inconnus de nous d’ἀσκός et de πέλεκυς, d’« outre » et de « hache ».
468Pour un aperçu sur l’iconographie et les règles des jeux de balles aux époques
égyptienne, grecque et romaine, voir Durand 1991.
474Irigoin 2001a, p. 16-17, développé dans Irigoin 2001b. PLAT. Hipp. 228b ne fait
que mentionner l’arrivée des textes d’Homère à Athènes à la demande d’Hipparque, fils
aîné de Pisistrate, sans préciser la nature du support utilisé pour leur mise à l’écrit.
479Van Healst 1989, p. 18-21 (qui reprend la datation de Roberts et Skeat) ; Dorandi
2000, p. 16.
481Voir la synthèse de Van Haelst 1989, notamment p. 21, où il critique cette formule
de Roberts, Skeat 1983.
482Hypothèse défendue par Legras 2002, p. 85, qui parle toutefois de « codex de
parchemin » à l’époque de Martial (alors que le poète n’utilise jamais ce terme pour
nommer des livres en parchemin) et prend appui sur le fait que le plus ancien « codex »
(sic) retrouvé provient de la vallée du Nil (Pap. Oxy. I, no 30 = P. Lit. Lond. 121). Il
s’agit d’un De bellis Macedonicis anonyme, daté de 100 environ d’après l’écriture.
Au IIIe siècle, du fait de l’abondance et du coût moins élevé du matériau, on observe une
substitution du papyrus au parchemin ; au IVe siècle, les deux matériaux sont à égalité et
au Ve siècle, le papyrus disparaît presque complètement. Cf. Legras 2002, p. 93. Voir
aussi Van Healst 1989, p. 22-23, pour les codices en parchemin en grec et en latin
du IIe siècle trouvés en Égypte.
484On retiendra les datations suivantes, d’après l’édition des PGM et M. De Haro
Sanchez, Catalogue des papyrus iatromagiques grecs, Centre de documentation de
papyrologie de Liège (en ligne) : PGM VII (= P. Lond. I, 121 : formulaire comprenant
13 formules iatromagiques) : IIIe-IVe siècle ; IV (= Bibl. Nat. Suppl. gr. 574, Paris, date
non précisée) ; XXXVI (= P.Oslo I, 1 : formulaire d’inspiration chrétienne contenant
une formule iatromagique) : IVe siècle. Voir aussi Muñoz Delgado 2001. Pour les
commentaires, Betz 1986.
485Voir Betz 1986, p. 42, n. 59 : l’association de Seth/Typhon est déjà connue à
l’époque classique et devient commune à l’époque gréco-romaine.
487Ibid., p. 50 et 55.
491DIOSC. II, 107 ; PLIN. XXII, 127 ; PLIN. XIII, 82 : dans la fabrication du papyrus,
on emploie la colle ordinaire (glutinum uolgare), faite de farine délayée dans l’eau
bouillante additionnée d’un peu de vinaigre.
493Lucas 1948, p. 8-9. Aristote déjà met en avant, sans le dénommer, le « principe
actif » qui donne sa vertu à la colle : « On trouve dans toutes les peaux une mucosité
visqueuse, moins abondante dans les unes et plus dans les autres, par exemple dans les
peaux de bœufs : c’est de cette substance qu’on fait la colle », Ἔνεστι δ’ἐν τοῖς δέρμασι
πᾶσι γλισχρότης μυξώδης, ἐν μὲν τοῖς ἐλάττων ἐν δὲ τοῖς πλείων, οἷον ἐν τοῖς τῶν
βοῶν, ἐξ ἧς ποιοῦσι τὴν κόλλαν (ARIST. H.A. III, 11, 517b 28-30).
Précédent
--- Chapitre 2. Realia : l’utilisation des peaux et du cuir en Grèce ancienne