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242 Sûretés et garanties du crédit

314. Nature des recours. – La caution qui a payé dispose de deux recours

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contre les cofidéjusseurs.
Le premier est expressément reconnu par l’article 2033 du Code civil : la
caution qui a acquitté la dette a un recours contre les autres cautions, chacune
pour sa part et portion. Il s’agit d’un recours personnel, car la caution exerce
alors un droit qui lui est propre.
La caution dispose également d’un recours subrogatoire comme toute per-
sonne qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette,
avait intérêt de l’acquitter (art. 1251, 3º). Dans l’exercice de son recours, la cau-
tion bénéficie alors de toutes les sûretés que le créancier pouvait avoir contre les
autres garants. Le recours subrogatoire présente par exemple un intérêt lorsque
le ou les autres garants sont des cautions réelles ou lorsque leurs engagements
sont contre-garantis. Dans l’exercice de son recours, la caution solvens n’a alors
pas à craindre le concours avec d’autres créanciers du cofidéjusseur. La caution
poursuivie peut cependant opposer à la caution poursuivante les exceptions
opposables aux créanciers originaires (nullité ou extinction du cautionnement,
nullité de l’obligation principale garantie)18. Le créancier qui exerce le recours
subrogatoire est cependant privé du bénéfice de la solidarité.
Le cofidéjusseur ne dispose pas comme la caution d’un recours avant paie-
ment contre un autre cofidéjusseur. Cependant, lorsqu’il est poursuivi, le cofi-
déjusseur peut appeler les autres en garantie19.
315. Conditions requises. – La rédaction de l’article 2310 du Code civil a
permis de reconnaître un recours personnel à l’ensemble des cautions, person-
nelles ou réelles.
La caution ne peut cependant exercer son recours qu’après avoir payé le
créancier dans l’un des cas visés par l’article 2309 du Code civil. Le paiement
n’a pas à être intégral. Il suffit que la caution solvens ait désintéressé le créan-
cier au-delà de sa part contributive dans la dette20. Il importe peu que la caution
ait payé une dette devenue exigible ou qu’elle ait payé une dette non exigible en
application de l’article 2309, 3º et 5º. Avant de payer, la caution poursuivie peut
appeler en garantie ses cofidéjusseurs21.
Le recours de la caution solvens contre son cofidéjusseur prend naissance à
la date de l’engagement de caution22.
Il importe également peu que la caution ait renoncé à agir contre le débiteur
principal23.

18. Cass. 1re civ., 18 octobre 2005, Defrénois 2005, p. 2016, note E. SAVAUX ; JCP E 2006, 1753,
nº 10, obs. Ph. SIMLER.
19. Cass. 1re civ., 15 juin 2004, JCP E 2005, 179, nº 7, obs. Ph. SIMLER ; Banque et droit
septembre-octobre 2004, p. 77 obs. F. J.
20. Cass. 1re civ., 1er janvier 1995 et CA Paris, 13 janvier 1995, D. 1995, 573, note A. FOURNIER ;
JCP E 1995, I, 515, nº 9, obs. Ph. SIMLER. La caution poursuivie en paiement peut appeler en garantie
ses cofidéjusseurs : Cass. 1re civ., 15 juin 2004, arrêt nº 999.
21. Cass. 1re civ., 15 juin 2004, arrêt nº 999.
22. Cass. com., 16 juin 2004, RD bancaire et fin. septembre-octobre 2004, comm. 200, obs. D. L. ;
Banque et droit, septembre-octobre 2004, p. 77, obs. F. J.
23. La caution qui a payé la dette garantie aux termes d’une transaction pour solde de tout compte
avec le créancier dispose du recours de l’article 2310 du Code civil : Cass. 1re civ., 12 juillet 2007, RD
bancaire et fin. septembre-octobre 2007, comm. 185, obs. A. CERLES.
Les recours de la caution 243

La caution ne doit pas avoir renoncé au bénéfice de ce recours. L’article 2310

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du Code civil n’est pas d’ordre public et la renonciation peut donc intervenir au
profit de l’ensemble des cofidéjusseurs ou de certains d’entre eux24.
Le recours de la caution qui a payé contre un cofidéjusseur peut cependant
être paralysé si ce dernier peut se prévaloir du bénéfice de subrogation. Il faut
que la caution ait payé alors que les conditions d’application de ces textes
étaient pourtant réunies25. La créance de la caution contre son cofidéjusseur
prend naissance à la date de l’engagement de la caution26.
316. Montant du recours. – Les recours entre cofidéjusseurs sont souvent
complexes. Il faut en effet tenir compte du fait que tous les cautionnements concer-
nés n’ont pas nécessairement la même étendue. Il faut donc opérer une distinction.
Lorsque toutes les cautions se sont portées garantes de manière identique, l’ar-
ticle 2310 du Code civil pose le principe d’une répartition entre les cautions par
parts civiles. Chaque caution supporte alors une part égale de la dette. La caution
qui a payé doit diviser ses poursuites. L’insolvabilité des cautions insolvables est
supportée égalitairement par les cautions solvables. Pour l’application de ce prin-
cipe, il n’est pas tenu compte des intérêts respectifs des cautions dans l’opération
principale27. Le cofidéjusseur solvens ne peut réclamer à la caution tenue solidai-
rement avec lui que le paiement de sa part et les intérêts au taux légal de la dette
acquittée28. La caution a un recours alors même qu’elle paie une dette éteinte29.
Lorsque les cautions ont souscrit des engagements de portées différentes, la
fraction de la dette devant être supportée par chacune des cautions doit être
déterminée en proportion de leur engagement initial30. La détermination du
montant des recours offerts à la caution solvens est alors nécessairement le
résultat de plusieurs opérations.
Il convient tout d’abord d’additionner le montant des cautionnements. La
valeur du cautionnement consenti sans limitation de montant est égale à la
valeur de la dette garantie. L’étendue de l’engagement de la caution réelle est
égale à la valeur du bien hypothéqué ou donné en gage.
Dans un deuxième temps, il faut déterminer le pourcentage représenté par
chaque cautionnement par rapport au montant total des engagements.
Enfin, le pourcentage obtenu pour chaque cautionnement est appliqué au
montant de la dette. Si l’un des cofidéjusseurs est insolvable, le montant de
son cautionnement n’est pas pris en compte.
En raison de ces difficultés, il est fortement conseillé aux cautions d’organi-
ser par avance leurs recours dans une convention.

24. CA Riom, 2 octobre 1996, JCP E 1997, I, 670, nº 9, obs. Ph. SIMLER.
25. Cass. com., 27 novembre 2001, JCP G 2002, I, 120, nº 3, obs. Ph. SIMLER ; Cass. com.,
11 décembre 2007 ; JCP E 2008, 2013, obs. Ph. SIMLER.
26. Cass. com., 16 juin 2004, arrêt nº 979.
27. Cass. com., 28 juin 1994, JCP G 1994, I, 3807, nº 9, obs. Ph. SIMLER et Ph. DELEBECQUE ;
Defrénois 1994, art. 35897, obs. L. AYNÈS.
28. Cass. 1re civ., 29 octobre 2002, RD bancaire et fin. janvier-février 2003, comm. 15, obs. D. L. ;
JCP E 2003, 852, obs. Ph. SIMLER.
29. Cass. com., 5 février 2002, JCP E 2003, 1424, obs. Ph. SIMLER.
30. Cass. civ., 2 février 1982, op. cit ; Cass. com., 2 janvier 2006, JCP E 2006, 2824, obs.
Ph. SIMLER.
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Sous-partie II

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Les alternatives au cautionnement

317. Avènement des garanties de substitution. – Aujourd’hui, le caution-


nement ne subit plus la seule concurrence des garanties réelles. D’autres garan-
ties personnelles sont apparues depuis quelques années.
Les raisons d’un tel développement doivent être trouvées dans le régime du
cautionnement, trop favorable aux cautions et parfois trop contraignant pour les
créanciers (v. supra, nº 125)1.
Il existe un grand nombre de substituts possibles à cette sûreté. En premier
lieu, des garanties confèrent au créancier un droit d’agir directement contre le
garant en se prévalant de la règle de l’inopposabilité des exceptions. Ces garan-
ties sont dites indépendantes. Dans cette catégorie figurent la solidarité, la délé-
gation imparfaite, le constitut et la garantie à première demande. Le créancier
peut en second lieu rechercher des mécanismes lui permettant d’obtenir des
dommages et intérêts du garant s’il ne respecte pas son engagement. Les garan-
ties ont alors un caractère indemnitaire. Il en existe deux : la promesse de
porte-fort et la lettre d’intention2.
318. Bien-fondé des garanties de substitution. – Toutes ces garanties sus-
citent une même question de principe : est-il admissible que les créanciers puis-
sent d’une manière ou d’une autre écarter les règles du cautionnement ?
Une réponse positive s’impose au nom du principe de l’autonomie de la
volonté. Mais une nuance doit immédiatement être apportée. Le choix d’une
garantie de substitution ne doit pas mettre en péril la protection des garants pro-
fanes. Il ne doit pas non plus permettre d’écarter des règles énoncées dans l’in-
térêt des tiers.
319. Distinctions. – Les garanties de substitution au cautionnement se dis-
tinguent par leur origine. Certaines d’entre elles sont des mécanismes tradition-
nels du droit civil (chapitre 1). La technique utilisée est donc en elle-même par-
faitement valable. C’est seulement son utilisation à des fins de garantie qui peut
être contestée dans la mesure où elle peut imposer des adaptations contre-nature
ou artificielles.
D’autres garanties sont de pures créations de la pratique contractuelle qui
viennent d’être consacrées par l’ordonnance en date du 26 mars 2006 (chapitre 2).

1. J. TERRAY, « Le cautionnement, une institution en danger », JCP G 1987, I, 3295.


2. Ph. SIMLER, « Les solutions de substitution au cautionnement », JCP E 1990, I, 15659.
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Chapitre 1

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L’adaptation des mécanismes de droit commun

320. Richesse du droit civil. – Le droit des obligations constitue un réser-


voir d’une richesse inépuisable. Son adaptabilité aux exigences actuelles du
commerce a été maintes fois soulignée. Le droit des garanties en offre une nou-
velle illustration. Un nombre insoupçonné de mécanismes peuvent faire naître
un droit au profit d’un créancier susceptible d’être exercé contre une personne
autre que le débiteur principal et non tenue à la dette. La promesse de porte-fort,
la solidarité, la délégation imparfaite, l’engagement de payer la dette d’autrui ou
constitut sont ainsi des substituts possibles du cautionnement1.
Dans tous ces cas, le garant va pouvoir être tenu plus rigoureusement qu’une
simple caution.
La pratique hésite pourtant à en faire un large usage. Une première raison peut
être trouvée dans la relative méconnaissance de ces mécanismes par ceux qui ont
vocation à s’engager. Un deuxième obstacle est lié aux incertitudes doctrinales et
jurisprudentielles qui concernent aussi bien les critères de qualification que le régime
de ces garanties. Le sort de ces sûretés en cas d’ouverture d’une procédure collective
est incertain. La loi du 10 décembre 2008 réformant le droit des procédures collec-
tives aligne le régime de toutes les sûretés personnelles sur celui du cautionnement.
Mais les garanties de substitution doivent-elles être considérées comme des sûretés ?
Une réponse affirmative permettrait de donner des solutions cohérentes.
On peut donc penser que l’avenir du droit des garanties personnelles ne
passe pas par le développement de ce premier groupe de mécanismes de substi-
tution, qu’il s’agisse de promesse de porte-fort (section 1), d’engagement soli-
daire (section 2), de délégation imparfaite (section 3) ou de constitut (section4).

Section 1
La promesse de porte-fort
321. Fonction de garantie de la promesse. – La promesse de porte-fort est
l’engagement pris par une personne, le porte-fort, de faire souscrire une convention
ou de faire exécuter une prestation par un tiers2. Le porte-fort est tenu d’indemniser

1. Le mandat peut aussi avoir une fonction de garantie. V. J. STOUFFLET, « Le mandat irrévo-
cable », Mélanges Colomer, 477. Il peut en aller de même de la stipulation pour autrui. Pour une illus-
tration : Cass. 1re civ., 19 décembre 2000, D. 2001, p. 3482, note I. ARDEEF.
2. P. ANCEL, Les sûretés personnelles non accessoires en droit français et en droit comparé, Thèse
Dijon, 1981, nº 52 ; A. JONVILLE, « Pratique de la promesse de porte-fort », Dr. et patr. février 1998,
p. 28 ; I. RIASSETTO, « Le porte-fort exécution », Lamy droit des sûretés, Étude, 150 et, « Le porte-fort
248 Sûretés et garanties du crédit

la victime de l’inexécution si le tiers refuse de s’engager. Le porte-fort est ainsi

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engagé directement à l’égard du bénéficiaire de la promesse.
La promesse de porte-fort peut être utilisée à des fins de garantie person-
nelle. Le porte-fort est alors le garant. Cette fonction nouvelle de la promesse
n’est pas contre-nature. Ainsi, en droit suisse, la promesse de porte-fort a consti-
tué une solution de remplacement du cautionnement lorsque ce dernier a été
délaissé3. L’article 111 du Code suisse est ainsi rédigé : « Celui qui promet à
autrui le fait d’un tiers est tenu à des dommages et intérêts pour cause d’inexé-
cution de la part de ce tiers ».
Ce rôle nouveau attribué à la promesse de porte-fort est encore peu exploité
malgré le renouveau de cette institution et ses nombreux usages. La rédaction de
l’article 1120 du Code civil a pu constituer un frein. Le porte-fort est en
effet selon ce texte celui qui promet le fait d’un tiers. Il peut s’agir de la ratifi-
cation d’un acte imparfait ou de l’exécution d’un engagement par ailleurs vala-
blement pris. La jurisprudence paraît admettre cette interprétation large de l’ar-
ticle 1120 du Code civil4.
En se portant fort de l’exécution de l’engagement souscrit par un tiers, une
personne peut donc faire fonction de caution. L’engagement souscrit par le
porte-fort est cependant d’une autre nature que celui souscrit par la caution5.
L’engagement pris à l’égard du créancier appartient à la catégorie des garanties
indemnitaires6.
La Cour de cassation ne retient pas cette analyse et elle semble divisée. Pour
la première Chambre civile, l’engagement du promettant a un caractère auto-
nome7. La Chambre commerciale opère une distinction. Celui qui se porte fort
pour un tiers en promettant la ratification par ce dernier d’un engagement est
tenu d’une obligation autonome dont il se trouve déchargé dès la ratification
par le tiers tandis que celui qui se porte fort de l’exécution d’un engagement
par un tiers s’engage accessoirement à l’engagement principal souscrit par le
tiers à y satisfaire si le tiers ne l’exécute pas lui-même8.

d’exécution, une garantie à la recherche de son caractère », RLDC avril 2006, p. 26 ; J.-F. SAGAUT,
« Variations autour d’une sûreté personnelle sui generis : la promesse de porte-fort de l’exécution »,
RDC 2004, p. 840 ; D. ARLIE, « Pour une juste conception du porte-fort d’exécution », D. 2006, chr.
244 ; R. LIBCHABER, « La vaine recherche de sûretés personnelles nouvelles, l’insaisissable porte-fort
de l’exécution », RJDA 8/06, p. 787 ; C. AUBERT DE VINCELLES, Rép. Dalloz, Vº Porte-fort.
3. Ph. SIMLER, op. cit., p. 7.
4. CA Paris, 21 avril 1992, JCP E 1993, I, 268, nº 9, obs. Ph. SIMLER.
5. Contra Ph. DUPICHOT favorable à l’assimilation. V. aussi J. FRANÇOIS qui distingue les obli-
gations de faire pour lesquelles la promesse de porte-fort est admissible des obligations pécuniaires
pour lesquelles le porte-fort exécution n’existerait pas.
6. Ph. SIMLER, op. cit., p. 7.
7. Cass. 1re civ., 15 janvier 2005 ; JCP E 2005, 1860, nº 12, obs. Ph. SIMLER ; RD bancaire et fin.
mai-juin 2005, nº 92, obs. A. C. ; Defrénois 2005, art. 38166, p. 908, note HONORAT ; Contrats, conc.
consom. 2005, comm. 81, obs. L. LEVENEUR ; RTD civ. 2005, p. 391, obs. J. MESTRE et B. FAGES ;
Banque et droit mars-avril 2005, p. 41, obs. N. RONTCHEVSKY ; Dr. et patr. octobre 2005, p. 104,
obs. Ph. STOFFEL-MUNCK ; P. CROCQ, D. 2006, 2857.
8. Cass. com., 15 décembre 2005 ; JCP G 2006, II, 10 021 note Ph. SIMLER et E. 1342, note
P. GROSSER ; RD bancaire et fin. janvier-février 2006, comm., obs. D. L. ; Banque et droit
mars-avril 2006, p. 60, obs. N. R ; Cass. com., 18 décembre 2007, Banque et droit mars-avril 2008,
p. 43, obs. N. R.
L’adaptation des mécanismes de droit commun 249

Cette analyse est critiquable car elle conduit à nier la spécificité de cette

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garantie par rapport au cautionnement. Peut-être faut-il y voir une volonté de
la chambre commerciale de contrarier le développement de substituts aux sûre-
tés classiques9 ? Une décision en date du 18 juin 2013 semble opérer un revire-
ment de jurisprudence. La Cour de cassation énonce que l’engagement de
porte-fort constitue un engagement de faire, de sorte que l’article 1326 ne lui
est pas applicable10.
Sans être qualifiées de promesse de porte-fort, plusieurs institutions ont des
liens de parenté évidents avec elle11.
Tel est tout d’abord le cas de la convention de ducroire12. Celui qui se porte
ducroire garantit le défaut de paiement à l’échéance par un tiers. Il ne se porte
pas garant de la solvabilité de celui-ci13. La clause de ducroire est fréquente
dans les contrats de distribution. Un agent commercial peut ainsi se porter
ducroire du paiement des marchandises commandées par son intermédiaire14.
La qualification de promesse de porte-fort pourrait ensuite s’appliquer sans trop
de difficultés aux garanties de bonne fin ou garanties extrinsèques d’achèvement15.
Enfin, les lettres d’intention donnant naissance à une obligation de résultat
satisfont assez bien à la définition de la promesse de porte-fort.

Section 2
L’engagement solidaire
322. Distinction entre les codébiteurs solidaires. – La solidarité passive
est une garantie personnelle16. Les codébiteurs solidaires sont tous deux tenus
à l’égard du créancier et ce dernier peut réclamer le paiement de l’intégralité de
sa créance à l’un d’entre eux. Le créancier n’a donc pas à diviser ses poursuites.
La stipulation d’une clause d’indivisibilité renforce la portée de la garantie. Elle
tient en effet en échec la règle formulée à l’article 1220 du Code civil selon
laquelle les dettes se divisent de plein droit entre les héritiers. L’indivisibilité
met donc le créancier à l’abri des risques liés au décès de l’un des codébiteurs.
L’indivisibilité est régie par les articles 122 à 1225 du Code civil.
Lorsque l’engagement est solidaire, les codébiteurs sont généralement tous
deux intéressés à la dette et ont donc la qualité de débiteur principal. Chacun est
garant de l’autre pour la partie qui excède sa part dans la dette commune. Cette

9. En ces sens, N. R., op. cit.


10. Cass. com., 18 juin 2013, D. 2013, 1621.
11. Ph. SIMLER, « Peut-on substituer la promesse de porte-fort à certaines lettres d’intention ? », RD
bancaire et bourse 1997, 223.
12. I. RIASSETTO, « Du caractère indemnitaire du ducroire de banque et de bourse », Mélanges
AEDBF France, III, p. 247.
13. Cass. com., 22 octobre 1996, JCP E 1997, I, 670, nº 12, obs. Ph. SIMLER.
14. La cause de l’engagement du ducroire est l’intérêt à soutenir le courant d’affaires entre les parties
au contrat principal : Cass. com., 27 octobre 2009, JCP G 2010, note 90, obs. N. DISSAUX et 708,
nº 11, obs. Ph. SIMLER.
15. Cass. 1re civ., 12 mars 1997, JCP E 1998 p. 177 ; obs. Ph. SIMLER ; Ph. SIMLER op. cit. note 6.
16. M. MIGNOT, « Méfaits durables de la stipulation et l’obligation solidaire », D. 2006, chr. 2696.
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forme de solidarité est fréquente car elle peut avoir différentes sources : elle

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peut résulter d’une stipulation expresse, de la qualité de commerçant des débi-
teurs, de la loi ou d’un jugement de condamnation.
Le régime de cette solidarité est bien connu puisque de nombreuses dispo-
sitions du Code civil lui sont consacrées (art. 1200 et s.). Le codébiteur soli-
daire est tenu plus sévèrement qu’une caution à l’égard du créancier. Il lui est
en effet interdit d’opposer au créancier des exceptions personnelles à l’autre
codébiteur. La notion d’exception personnelle est plus largement comprise
qu’en matière de cautionnement. Il a ainsi été jugé que le codébiteur solidaire
ne pouvait se prévaloir de l’extinction de la créance résultant de l’absence de
déclaration par le créancier de sa créance en cas d’ouverture d’une procédure
collective. À la différence d’une caution, le codébiteur ne peut non plus oppo-
ser l’exception de compensation ou de nullité relative de l’obligation dont
pourrait se prévaloir le débiteur principal. L’engagement solidaire est un enga-
gement indépendant17.
Ainsi comprise, la solidarité ne pourrait cependant pas constituer une véri-
table alternative au cautionnement. Un garant par définition n’est pas lui-même
tenu, ne serait-ce que pour partie, à titre principal. Les créanciers ont donc ima-
giné de faire souscrire des engagements solidaires à des personnes non intéres-
sées à la dette18. Le garant occuperait alors une position intermédiaire entre
celle de la caution et celle du souscripteur d’une garantie à première demande19.
Une telle utilisation de la solidarité peut-elle être admise ? Son régime est-il
identique à celui de la solidarité de droit commun ?
L’avenir de la solidarité en tant que substitut du cautionnement est lié à la
réponse donnée à ces deux interrogations.
323. Validité du mécanisme. – La pratique tendant à faire souscrire des
engagements solidaires à des personnes non intéressées à la dette est-elle, en
elle-même, contestable ? Deux obstacles théoriques sont envisageables.
D’une part, n’est-il pas de l’essence de la solidarité que les codébiteurs
soient tous deux intéressés à la dette ? Cette analyse peut être contestée car
notre droit offre déjà des exemples de coobligés non intéressés à la dette20.
D’autre part, n’y a-t-il pas fraude à la loi ? En faisant souscrire un tel engage-
ment le créancier ne cherche-t-il pas uniquement à écarter toutes les règles pro-
tectrices de la caution ? Le principe de la liberté des conventions permet d’écar-
ter cette seconde objection. L’engagement d’un codébiteur solidaire non
intéressé à la dette se conçoit donc21.

17. M. CABRILLAC et Ch. MOULY, nos 38 et s. ; Cass. com., 23 octobre 2001, JCP E 2002, 1165,
note L. DE GENTIL-PICARD.
18. D.-R. MARTIN, « L’engagement de codébiteur solidaire adjoint », RTD civ. 1994, 49 ;
Ph. SIMLER, op. cit., p. 5.
19. V. le tableau comparatif de D.-R. MARTIN.
20. Le cédant de créances professionnelles est ainsi déclaré garant solidaire du paiement des créan-
ces cédées par la voie du bordereau Dailly (art. 1-1, al. 2, L. 2 janvier 1981).
21. Pour une qualification au demeurant peut-être contestable d’un tel engagement : Cass. 1re civ.,
17 novembre 1999, Banque et droit mars-avril 2000, p. 42, obs. N. R. ; D. 2000, p. 407, note
P. ANCEL ; JCP E 2000, 415, obs. Ph. SIMLER et 2001, 180, note Y. PICOD ; RD bancaire et fin.
janvier-février 2000, comm. 15, obs. D. L.
L’adaptation des mécanismes de droit commun 251

324. Régime juridique applicable à la garantie. – La stipulation de soli-

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darité ne présente un intérêt pour les créanciers que si le régime applicable à la
garantie diffère de celui du cautionnement. Ce sont les règles de la solidarité qui
doivent être appliquées22. Pourtant, il est à craindre, que par contagion, les juri-
dictions fassent bénéficier le codébiteur solidaire non intéressé à la dette des
protections dont bénéficient aujourd’hui les cautions.
Plusieurs risques ne doivent pas non plus être sous-estimés : celui d’une
requalification de l’engagement en cautionnement si les différences entre les
deux garanties n’apparaissent pas clairement ; celui d’une annulation de la
convention pour dol ou manquement du créancier à son obligation de contracter
de bonne foi.

Section 3
La délégation imparfaite

325. Notion. – La délégation est avant tout un mécanisme d’extinction des


obligations23. C’est une opération qui met en présence trois personnes : le délé-
gant, le délégué et le délégataire. Le délégant est le débiteur du délégataire. Le
délégué s’engage directement à payer le délégataire24.

326. Deux cas doivent alors être distingués.


Le délégataire peut déclarer qu’il décharge son débiteur initial le délégant.
La délégation opère alors une novation par changement de débiteur25. Cette pre-
mière forme de délégation dite parfaite n’a aucune fonction de garantie. Un
débiteur est remplacé par un autre.
Mais le délégataire peut très bien ne pas libérer le délégant. La délégation est
alors imparfaite. Elle est constitutive de garantie car le créancier peut poursuivre
deux personnes au lieu d’une initialement.

22. D.-R. MARTIN, op. cit., p. 55.


23. M. BILLIAU, La délégation de créance, Essai d’une théorie juridique de la délégation en droit
français, LGDJ, 1989 ; J. FRANÇOIS, Les opérations juridiques triangulaires attributives, Thèse Paris,
II, 1992.
24. À défaut d’engagement du délégué de payer la dette du délégant, il ne saurait y avoir délégation
au sens de l’article 1275 du Code civil : Cass. 1re civ., 10 mai 2000, RD bancaire et financier,
septembre-octobre 2001, p. 288, obs. A. C.
25. En l’absence de déclaration expresse de la part du créancier, l’acceptation de la part du créancier
d’un nouveau débiteur n’emporte pas décharge du délégant qui reste tenu, avec le délégué à l’égard du
créancier délégataire : Cass. 3e civ., 12 décembre 2001, RD bancaire et fin. mars-avril 2002, comm. 55,
obs. A. C. ; Defrénois 2001, art. 37558, p. 775, obs. R. LIBCHABER.
252 Sûretés et garanties du crédit

L’utilisation à des fins de garantie d’une institution qui n’a pas été conçue à

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cette fin est cependant à l’origine de difficultés théoriques et pratiques26. Elles
sont aggravées par le fait que le régime même de la délégation est mal fixé
(§ 2). Malgré ces incertitudes, le renouveau de l’institution est manifeste (§ 1).

§ 1. Renouveau de l’institution
327. Utilisation dans les relations internes. – Dans les relations internes, la
délégation imparfaite peut constituer un substitut possible au cautionnement.
Tel est par exemple le cas lorsqu’un locataire s’engage à verser le montant des
loyers au créancier de son bailleur. Le législateur lui-même encourage l’utilisa-
tion de la délégation à des fins de garantie27.
La loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance offre ainsi une option
à l’entrepreneur principal qui emploie des sous-traitants. Pour garantir le paie-
ment de ce qui leur est dû, il peut soit fournir un cautionnement, soit obtenir du
maître d’ouvrage qu’il s’engage en qualité de délégué à leur égard28.
328. Le financement de projet. – La délégation joue un rôle important dans
les relations commerciales internationales. Elle est la pièce centrale d’un mon-
tage contractuel connu sous le nom de « financement de projet »29. Le montage
permet le financement d’une usine construite dans un pays en voie de dévelop-
pement avec des capitaux étrangers. Les investisseurs souhaitent une garantie
du remboursement de leurs prêts. À cette fin, il est convenu que les principaux
clients de l’usine verseront le montant des sommes correspondant à leurs achats
directement entre les mains des investisseurs.

§ 2. Régime de la délégation imparfaite


329. Interrogations. – La possibilité d’utiliser la délégation à des fins de
garantie est aujourd’hui consacrée par la Cour de cassation qui a levé les obsta-
cles théoriques admissibles30.
Lorsque la délégation joue son rôle traditionnel, le délégué est lui-même
débiteur du délégant. Il exécute donc son obligation en payant le délégataire.
Mais la délégation imparfaite ne peut constituer une garantie personnelle que

26. Ch. LACHIEZE, « La délégation-sûreté », D. 2006, chr. p. 234 ; L. GODON, « Délégation de paie-
ment et risque du banquier », RD bancaire et fin. mars-avril 2006, p. 59.
27. La délégation peut être utilisée pour mettre en place une garantie portant sur une assurance-vie.
A. GOURIO, JCP E 2001, 1464 ; Cass. 1re civ., 4 décembre 2001, JCP E 2002, 494, note A. GOURIO.
28. Ph. SIMLER, « La délégation du maître de l’ouvrage », RDI 1996, 150.
29. M. VASSEUR, « Les garanties indirectes du banquier », RJC 1982, nº spécial, 116 ; C. ECK, « Le
financement de projet », RJC 1985, nº spécial, 57 et s. ; I. TOLEDO et P. LIGNIÈRES, Le financement de
projet, Joly 2002 ; A.-M. TOLEDO, « Cautionnement et financement de projet », Dr. et patr. 2003, p. 64.
30. La faveur actuelle pour la délégation résulte également de la jurisprudence selon laquelle, elle ne
doit pas nécessairement résulter d’un usage pour constituer un moyen normal de paiement : Cass. com.,
23 janvier 2001, JCP E 2001, p. 485 et 753, obs. M. C. ; D. 2001, p. 2509, note S. BIRMES-ARBUS ;
RD bancaire et fin. 2001, p. 89, obs. A. C. et 166, obs. F.-X. L.
L’adaptation des mécanismes de droit commun 253

si le délégué s’engage alors même qu’il n’est pas débiteur du délégant31. Cette

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faculté a été contestée par un courant doctrinal mais la Cour de cassation a
énoncé que l’existence d’une dette du délégué envers le délégant n’était pas
une condition de validité de la délégation32.
Lorsqu’elle est consentie par une SA, la délégation, dès lors qu’elle est
constitutive d’une garantie, doit être soumise aux formalités d’autorisation
requise par l’article L. 225-35 du Code de commerce. La société doit cependant
prendre l’engagement de payer la dette d’un tiers pour que la délégation soit
constitutive de garantie. Dès lors que l’engagement contracté par le délégué ne
constitue qu’un mode d’extinction de sa propre dette envers le délégant, la délé-
gation n’est pas soumise à l’exigence d’autorisation33.
330. Droits du délégataire. – Pour un créancier délégataire, l’intérêt de la
délégation réside dans la force de l’engagement souscrit par le délégué envers
lui. Traditionnellement, il est énoncé que le délégataire bénéficie du principe de
l’inopposabilité des exceptions. Mais la portée exacte de la règle est incertaine.
Le délégué ne peut opposer au délégataire les exceptions trouvant leur
source dans ses rapports avec le délégant.
Le débat est plus ouvert s’agissant des exceptions qui trouvent leur source
dans les relations entre le débiteur principal délégant et le créancier délégataire.
Deux analyses s’opposent.
Selon une première thèse, le délégataire ne saurait avoir plus de droits à
l’égard du délégué qu’à l’égard du délégant.
Selon une seconde thèse, un lien nouveau se noue entre le délégué et le
délégataire. Il faut donc conférer toute sa portée au principe de l’inopposabilité
des exceptions.
La Cour de cassation est divisée. La Chambre civile se prononce en faveur
de la première analyse34, la Chambre commerciale en faveur de la seconde35,
énonçant ainsi que l’obligation du délégué est une obligation personnelle indé-
pendante de l’obligation du délégant, de sorte que l’extinction de la créance du
délégataire contre le délégant pour défaut de déclaration au passif de sa liquida-
tion judiciaire laisse subsister l’obligation distincte du délégué36.
Pour un courant de la doctrine, les parties disposeraient d’une option. La
délégation serait incertaine lorsque le délégué est en droit d’opposer certaines
exceptions nées dans les rapports délégant/délégataire. Elle serait certaine dans

31. Le consentement du délégué peut être tacite : Cass. com., 15 mai 2007, RD bancaire et fin.
juillet-août 2007, comm. 152, obs. D. L.
32. Cass. com., 21 juin 1994, JCP 1994, I, 3803, nº 10, obs. M. BILLIAU ; RTD civ. 1995, 113, obs.
J. MESTRE. La Cour de cassation a alors jugé que le délégué pouvait opposer au délégataire l’extinc-
tion par prescription de la dette du délégant envers le délégataire.
33. Cass. com., 15 janvier 2013, D. 2013, 1183, note A. HONTEBEYRIE ; Rev. Sociétés 2013, 291,
note D. LEGEAIS ; RTD civ. 2013, 116, obs. B. FAGES ; RTD com. 2013, 87, obs. B. DONDERO et
P. LE CANNU ; JCP 2013, II, 345, note A. BASCOULERGUE ; Gaz. Pal. 2013, nº 59, p. 9, note
M. MIGNOT ; Bull. Joly 2013, 186, note J.-F. BARBIERI.
34. Cass. 1re civ., 17 mars 1992, JCP G 1992, II, 21922, note M. BILLIAU ; RTD civ. 1992, 765, obs.
J. MESTRE.
35. Cass. com., 25 février 1992, JCP 1992, II, 21922, obs. M. BILLIAU.
36. Cass. com., 7 décembre 2004, Banque et droit mars-avril 2005, p. 39, obs. F. J. ; D. aff. 2005,
p. 79 ; RD bancaire et fin. mars-avril 2005, comm. 47, obs. A. C.
254 Sûretés et garanties du crédit

l’autre cas. Il n’est cependant pas évident qu’une délégation incertaine soit

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encore une délégation. Il s’agit plus d’une reprise de dette37.
Le créancier bénéficiaire de la délégation peut à son choix poursuivre le
délégant ou le délégué.
Les conséquences d’une procédure collective ouverte au nom du délégant
sont controversées. Il était traditionnellement admis que le délégataire n’avait
pas à craindre le concours avec des créanciers du délégant qui chercheraient à
procéder à une saisie-attribution de la créance du délégant contre le délégué38.
Procédant à un revirement, la Cour de cassation a énoncé que la délégation
imparfaite laissait subsister la créance du délégant, laquelle créance ne sortait
pas de son patrimoine, ce qui permettait au liquidateur de ce délégant de reven-
diquer les sommes dues par le délégué39. Cette décision mettait en péril la délé-
gation utilisée comme pièce centrale des financements immobiliers. Une évolu-
tion plus favorable à la délégation semble se dessiner. La Cour de cassation
donne en effet désormais plein effet aux transmissions de créances lorsque s’ou-
vre une procédure collective. Il a ainsi été jugé qu’une délégation de loyers
consentie par un débiteur à son créancier n’est pas soumise à l’interdiction
exprimée par l’article 33 de la loi du 25 janvier 1985 (art. L. 621-24 C. com.),
laquelle ne s’applique qu’aux paiements faits par le débiteur et non par un
tiers40. La Cour a pu en déduire dans un arrêt postérieur que la délégation de
loyers consentie par le délégant avant le jugement d’ouverture d’une procédure
collective à son encontre ne fait pas obstacle aux droits du délégataire sur les
créances nées de la poursuite d’un contrat à exécution successive postérieure-
ment à ce jugement41.
La délégation peut aussi être sujette à nullité obligatoire ou facultative lors-
qu’elle est consentie en période suspecte. Cependant, la Cour de cassation
semble désormais considérer qu’il s’agit d’un mode normal de paiement. De
plus, la nullité de la délégation ne peut être prononcée en application de l’arti-
cle L. 621-107, I, 4 º du Code de commerce devenu l’article L. 632 I, 4º, lorsque
l’engagement pris par le délégué envers le délégataire qui réalise l’opération est
antérieur à la date de cessation des paiements du délégant42.

37. Ph. SIMLER, op. cit.


38. Cass. com., 16 avril 1996, D. 1996, J. 571, note Ch. LARROUMET ; JCP G 1996, II, 22689, note
M. BILLIAU ; RTD civ. 1997, 132, obs. J. MESTRE ; D. 1996, somm. 334, obs. L. AYNÈS ; Cass. com.
14 février 2006, D. 2006, AJ 650, obs. X. DELPECH, Banque et droit mai-juin 2006, 74, obs. N. R. ;
JCP G 2006, II, 10145, note M. ROUSSILLE ; D. 2006, 2862, obs. P. CROCQ ; JCP E 2006, 1819, note
Ch. LACHIEZE ; Ph. SIMLER, « L’énigmatique sort de l’obligation du délégué envers le délégant tant
que l’opération de délégation n’est pas dénoncée », Mélanges J.-L. Aubert, Dalloz, 2005, p. 295 ; RD
bancaire et fin. mai-juin 2006, p. 23, obs. A. C ; D. HOUTCIEFF, « De la paralysie de la créance du
délégant petite métaphysique d’une pragmatique sanction », Liber amicorum Ch. Larroumet, Econo-
mica, 2010,227.
39. Cass. com., 29 avril 2002, JCP G 2003, 10154, note A. S. BARTHEZ ; D. 2002, p. 2673, note
D. HOUTCIEFF ; Banque et droit juillet-août 2002, p. 41, obs. N. R ; Defrénois 2002, p. 1239, obs.
R. LIBCHABER.
40. Cass. com., 26 novembre 2002, RD bancaire et fin. mars-avril 2003, p. 103, obs. F.-X. LUCAS.
41. Cass. com., 30 mars 2005, Banque et droit juillet-août 2005, p. 64, obs. N. R. ; RD bancaire et
fin. 2005, n º 94.
42. Cass. com., 4 octobre 2005, Banque et droit novembre-décembre 2005, p. 79, obs. N. R. ; JCP E
2006, 1347 note S. ALBRIEUX.
L’adaptation des mécanismes de droit commun 255

331. Distinction de la délégation et des garanties voisines. – La délégation

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s’oppose fondamentalement au cautionnement. L’engagement du délégué n’a
aucun caractère accessoire à la différence de celui d’une caution.
La délégation se distingue plus difficilement de la garantie indépendante. La
seconde n’est même peut-être qu’une variété nouvelle de la première.
Dans les deux cas, le bénéficiaire de la garantie bénéficie d’un engagement
direct et autonome du garant. Plusieurs différences ont cependant été relevées.
D’une part, la délégation demeure une convention qui exige la rencontre des
consentements des trois personnes en cause alors que la garantie indépendante
est souvent émise sous forme unilatérale. D’autre part, le délégué dispose d’un
plus grand nombre de moyens de défense que le garant à première demande
pour s’opposer au paiement. Il pourrait mettre en œuvre des mesures conserva-
toires, faculté qui est refusée au garant.

Section 4
Le constitut
332. Définition. – Le constitut ou engagement de payer la dette d’autrui est
une institution romaine. Le tiers qui s’engage est traité comme un débiteur prin-
cipal43. Il ne peut opposer aux créanciers les exceptions susceptibles d’être invo-
quées par ce dernier ou du moins certaines d’entre elles. Le créancier bénéfi-
ciaire du constitut peut ainsi agir contre le souscripteur de l’engagement alors
même qu’il n’a pas déclaré sa créance au représentant des créanciers44.
Le souscripteur du constitut peut être poursuivi par le créancier alors même
que la créance du débiteur principal n’est pas exigible. Il ne saurait se prévaloir
du bénéfice de discussion ou du bénéfice de division.
Le constitut doit donc être rattaché à la catégorie des garanties indépendantes.
Le pacte de constitut se distingue cependant de la garantie à première
demande, notamment par le fait que le constituant n’est pas nécessairement
tenu de payer une somme déterminée forfaitairement et par avance, et ne saurait
de toute manière être engagé pour un montant supérieur à celui de la dette prin-
cipale45.
Le constitut apparaît ainsi comme une sûreté intermédiaire entre le cautionne-
ment et la garantie indépendante. Il s’agirait d’une sûreté équilibrée. Le créancier a
plus de droits contre un constituant que contre une caution. Inversement, le consti-
tuant est plus protégé qu’un garant à première demande dans la mesure où la
dépendance entre son engagement et celui du débiteur principal est plus affirmée.

43. F. JACOB, note sous Cass. com., 3 novembre 1992, JCP E 1993, II, 454 ; Ph. SIMLER, « Cau-
tionnement et garanties autonomes », n º 27 ; F. JACOB, Le constitut ou l’engagement autonome de
payer la dette d’autrui à titre de garantie, LGDJ, 1998, préface Ph. SIMLER.
44. Cass. com., 3 janvier 1995, RTD civ. 1995, 888, obs. J. MESTRE.
45. F. JACOB, op. cit. ; V. CA Paris, 19 mars 1987, RD bancaire et bourse 1987, 96, obs.
M. CONTAMINE-RAYNAUD. T. com. Paris, 23 mars 1992, D. 1993, somm. 95, obs. M. VASSEUR.
256 Sûretés et garanties du crédit

La pratique ne paraît pas faire un large usage du constitut. L’institution est

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sans doute trop mal connue pour qu’elle puisse jouer un rôle important. Elle est
également difficile à distinguer d’autres figures contractuelles. Un arrêt présenté
comme ayant consacré cette institution semble en réalité avoir eu à connaître
d’une lettre d’intention46.

46. Cass. com., 7 octobre 1997, JCP E 1998, p. 810 note D. LEGEAIS. Inversement, la Cour de
cassation semble avoir écarté cette qualification dans une hypothèse, dans laquelle, pour un courant
de la doctrine, elle aurait pu l’être, Cass. 1re civ., 23 février 1999, Banque et droit mai 1999, p. 40,
obs. F. JACOB.
Chapitre 2

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Les créations de la pratique contractuelle

333. Problématique. – Profitant de la liberté que leur confère le principe de


l’autonomie de la volonté1, les praticiens n’ont pas hésité à imaginer de nouvel-
les garanties personnelles : les garanties indépendantes et les lettres d’intention.
Ces mécanismes sont aujourd’hui expressément qualifiés de sûreté personnelle
par L’article 2287-1 du Code civil.
Leur succès est un puissant facteur de renouvellement du droit des garanties.
Il est aussi source d’incertitudes, ce qui est beaucoup plus regrettable2.
L’apparition de ces garanties a inévitablement suscité des interrogations
auxquelles il n’est pas aisé de donner une réponse satisfaisante. La définition
qui est donnée de ces garanties dans le Code civil depuis la réforme réalisée
par l’ordonnance en date du 23 mars 2006 ne permet pas de les lever en totalité.
La question s’est tout d’abord posée de savoir si ces garanties se distin-
guaient véritablement du cautionnement. Leur particularisme n’a été consacré
que lorsque des critères distinctifs ont pu être dégagés.
Ensuite, il est apparu nécessaire de se prononcer sur la validité de ces stipu-
lations contractuelles qui révèlent à l’évidence une volonté des créanciers
d’écarter l’application des règles du cautionnement.
Enfin, la jurisprudence a dû préciser sur de nombreux points le régime juri-
dique de ces garanties.
La pratique de ces garanties de substitution depuis vingt-cinq ans autorise un
premier bilan. Leur validité n’est pas contestée mais leur développement est
entravé. D’une part, les requalifications de ces garanties en cautionnement
sont fort nombreuses. D’autre part, beaucoup de règles du cautionnement sont
appliquées par analogie, ce qui fait perdre à ces solutions de substitution, une
grande part de leur intérêt.
Dans les relations internes, tout au moins, les garanties indépendantes (sec-
tion 1) et les lettres d’intention (section 2) ne remplaceront donc pas les caution-
nements.

1. Ch. MOULY, « Pour la liberté des garanties personnelles », Banque et droit 1967, 1166.
2. J. DEVEZE, « Aux frontières du cautionnement : lettres d’intention et garanties indépendantes »,
Cah. dr. entr. 1992/2, 26 et s. ; J.-J. DAIGRE, « Les substituts du cautionnement – De la lettre à la
garantie, la revanche de la liberté », Cah. dr. entr. 6/1992.
258 Sûretés et garanties du crédit

Section 1

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Les garanties indépendantes

334. Essor de l’institution. – Les garanties indépendantes sont une création


de la pratique bancaire internationale. Elles sont aussi désignées sous le nom de
garantie autonome ou de garantie à première demande3. Un garant s’engage
alors à payer un créancier, à première demande de sa part, sans pouvoir lui
opposer d’exceptions.
Dans les rapports internationaux, cette garantie est considérée comme un
substitut à la pratique de la consignation d’une somme d’argent. Mais les créan-
ciers utilisent aujourd’hui cette garantie dans les relations internes en tant que
substitut au cautionnement, ce qui suscite des difficultés, tout particulièrement
lorsqu’elle est souscrite par des particuliers ou des profanes.
Il est permis de se demander si, à l’exemple du droit allemand, un compro-
mis ne sera pas trouvé. Il pourrait prendre la forme d’une sûreté empruntant ses
caractères au cautionnement et à la garantie indépendante. Le cautionnement à
première demande pourrait ainsi faire son apparition dans notre système juri-
dique.
Ce n’est donc qu’après avoir étudié la garantie indépendante utilisée dans
les relations internationales (§ 1), qu’il sera possible d’apprécier le rôle qui lui
est dévolu dans les relations internes (§ 2). Le cautionnement à première
demande, s’il venait à être consacré, pourrait prévenir le développement de
cette utilisation détournée de la garantie à première demande (§ 3).

§ 1. La garantie indépendante internationale

335. La garantie indépendante modèle. – La garantie indépendante est


une création de la pratique bancaire internationale. Elle s’est véritablement
développée en France dans les années 19704. Par ses caractères fondamentaux
(A) et par son régime juridique (B), elle se distingue fondamentalement du cau-
tionnement.

A Caractères fondamentaux

336. L’originalité du mécanisme (1) a rendu délicat son analyse juri-


dique (2).

3. A. PRÜM, La garantie à première demande, Litec, 1994 ; J.-P. MATTOUT, « Droit bancaire
international », Banque et droit 1996 ; F. CRÉDOT, « L’actualité des garanties autonomes », LPA,
17 juin 1998, p. 68 ; J. DJOUDI, « La garantie à première demande et les risques du banquier garant »,
RD bancaire et financier, mars-avril 2006, p. 71 ; J.-P. MATTOUT, Droit bancaire international,
Banque édition, 2004, p. 199 ; Traité de droit du commerce international, sous la direction
de J. BEGUIN et M. MENJUCK, Litec, 2005, p. 545.
4. Les garanties ont pris la suite des lettres de crédit stand by.
Les créations de la pratique contractuelle 259

1. Originalité du mécanisme

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337. Définition. – La Cour de cassation a donné de la garantie indépendante
la définition suivante5 : « C’est le contrat par lequel une banque s’engage à
effectuer, sur la demande d’un donneur d’ordre, le paiement d’une somme à
concurrence d’un montant convenu, sans que l’établissement financier puisse
différer le paiement ou soulever une contestation quelconque pour quelque
cause que ce soit ». À la différence de la caution, le garant ne peut donc invo-
quer les exceptions qui appartiennent au débiteur principal. Le garant doit payer
la somme convenue avant toute contestation.
338. Montages contractuels. – Dans les relations internationales, deux
montages contractuels sont utilisés6.
Un premier montage met en présence trois personnes : une entreprise expor-
tatrice désignée sous le nom de donneur d’ordre ; son client acheteur désigné
sous le nom de tiers bénéficiaire ; un établissement de crédit, le garant. À la
demande du donneur d’ordre le garant s’engage à verser une somme donnée
au profit du bénéficiaire.

339. Cette première figure est devenue inhabituelle. Le donneur d’ordre et le


bénéficiaire ont la préférence pour un montage qui met en présence leurs ban-
quiers respectifs. Le banquier du bénéficiaire de la garantie est la banque
garante, celui du donneur d’ordre est le contre-garant. Dans ce montage, deux
garanties sont alors émises : le banquier garant prend un engagement direct à
l’égard du bénéficiaire ; le banquier contre-garant s’engage envers le garant.
Lorsqu’il met en œuvre sa garantie, le bénéficiaire demande donc le paiement
au garant. Ce dernier a un recours immédiat contre le contre-garant. Celui-ci
lorsqu’il a payé se fait rembourser par son donneur d’ordre.

5. Cass. com., 20 décembre 1982, D. 1983, 365, note M. VASSEUR ; RTD com. 1983, 446, obs.
M. CABRILLAC et B. TEYSSIÉ.
6. A. BERNUT-POUILLET, « Garanties internationales : les aspects pratiques de leur constitution et
de leur mise en jour », Banque et droit mai-juin 2000, p. 12.
260 Sûretés et garanties du crédit

340. Typologie. – La garantie indépendante est une garantie qui profite à un

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acheteur. Elle est émise à l’occasion de la réalisation de grands travaux ou de la
fourniture de marchés importants.
Il convient en premier lieu de classer ces garanties en fonction de leur objet.
Les garanties doivent protéger le bénéficiaire contre trois risques.
La garantie de soumission protège l’acheteur du risque de voir des entrepri-
ses soumissionner à un marché sans vouloir s’engager véritablement.
La garantie de restitution d’acompte vise le cas dans lequel l’entreprise rete-
nue pour la réalisation du marché ne l’exécute pas. Le bénéficiaire doit alors
avoir l’assurance que les acomptes versés lors de signature du marché lui seront
restitués.
La garantie de bonne fin protège enfin le bénéficiaire contre le risque d’une
mauvaise exécution du marché ou d’une exécution tardive.
Les garanties se distinguent en second lieu par leurs conditions de mise en jeu.
En principe, le bénéficiaire de la garantie n’a pas à justifier son appel de la
garantie. Cette garantie est la plus usuelle car c’est elle qui protège le mieux les
intérêts de son bénéficiaire.
La pratique a cependant développé deux autres formes de garantie. Les
garanties à première demande justifiée et les garanties documentaires. Dans
le premier cas, le bénéficiaire doit indiquer les raisons de son appel. Dans le
second, il doit produire des documents prouvant que son appel est légitime.
341. Rôle de la garantie indépendante. – La garantie indépendante est en
réalité une technique de remplacement. Avant que la garantie ne soit imaginée,
les acheteurs imposaient aux entreprises le versement d’une somme d’argent qui
était consignée. À tout moment et sans justification, les bénéficiaires pouvaient
donc appréhender ces dépôts. Cette pratique n’était pas satisfaisante pour les
entreprises car elle imposait l’immobilisation de sommes importantes. Mais
toute technique de remplacement, pour pouvoir s’imposer, devait procurer la
même garantie au bénéficiaire. Or les partenaires contractuels, dans les relations
internationales, se connaissent mal et n’ont pas toujours confiance entre eux. Le
succès de la garantie indépendante repose dès lors sur deux données.
En premier lieu, l’engagement souscrit par les garants étant indépendant ces
derniers ne peuvent se soustraire au paiement lorsque la garantie est appelée.
En second lieu, tout établissement de crédit honore sa signature. Ce respect
est plus important pour lui que la défense des intérêts de son client. Le bénéfi-
ciaire de la garantie a donc l’assurance que les stipulations contractuelles conve-
nues seront bien respectées.
La garantie indépendante n’a donc pu s’imposer que parce qu’elle met le
donneur d’ordre à la merci de l’acheteur. Mais dans la phase de négociation
contractuelle, c’est l’acheteur qui est en position d’imposer ses conditions. La
fourniture d’une garantie est l’une d’entre elles.
342. Sources de la garantie indépendante. – La garantie est une création
de la pratique. Des usages bancaires ont fini par s’imposer. La Chambre de
commerce internationale a souhaité uniformiser les pratiques. Un corps de
règles appelées règles uniformes fut publié en 1978. Les parties refusèrent de
s’y référer. La garantie dont le régime était proposé ne correspondait pas alors à
Les créations de la pratique contractuelle 261

la pratique suivie. L’engagement du garant n’était pas véritablement indépen-

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dant. La garantie ne protégeait donc pas assez le bénéficiaire.
De nouvelles règles uniformes ont été publiées le 3 décembre 19917 puis en
2010, les RUGD 7588. Les parties se voient proposer un choix entre plusieurs
garanties. La première d’entre elles correspond à la pratique internationale.
C’est celle qui est la plus favorable aux bénéficiaires. Mais la Chambre de com-
merce tente de favoriser le développement de garanties indépendantes plus
équilibrées. L’appel de la garantie n’est alors plus totalement discrétionnaire.
Le bénéficiaire peut être tenu de faire connaître le motif pour lequel il appelle
la garantie. La garantie est alors justifiée. Le bénéficiaire peut aussi être tenu de
fournir des documents à l’appui de sa demande de paiement (un rapport d’ex-
pertise par exemple). La garantie stipulée a alors un caractère documentaire.
Les règles uniformes ne s’appliquent cependant que si les garanties stipulées
y font référence. Elles ont donc un caractère supplétif.
Une autre tentative d’uniformisation des garanties indépendantes émane des
Nations Unies. Il s’agit cette fois d’unifier les pratiques européennes et améri-
caines. Un rapprochement est tenté entre les garanties indépendantes et les let-
tres de crédit stand by9.
343. Lettres de crédit stand by. – La lettre de crédit stand by se définit
comme l’engagement pris par une personne l’émetteur, en général un établisse-
ment de crédit, de payer sur instruction d’un autre, le donneur d’ordre, une cer-
taine somme d’argent contre remise par le bénéficiaire de documents conformes
en apparence aux stipulations de la lettre de crédit10. La garantie s’apparente au
crédit documentaire et à la garantie indépendante. C’est une création de la pra-
tique américaine. La pratique est née de l’interdiction générale faite alors aux
banques américaines d’émettre des cautionnements sauf pour les opérations
dans lesquelles elles avaient un intérêt direct. Elle est régie au plan international
par la Convention des Nations Unies sur les garanties sur demande et les lettres
de crédit stand by11.
Il existe également des règles et pratiques internationales relatives aux stand
by établies par la Chambre de commerce internationale, les International Stand

7. S. PIEDELIÈVRE, « Remarques sur les règles uniformes de la Chambre de commerce internatio-


nale relatives aux garanties sur demande », RTD com. 1993, 615 et s. ; M. VASSEUR, « Les nouvelles
règles de la Chambre de commerce internationale pour “les garanties sur demande” », RDAI 1992,
239 ; J.-P. MATTOUT et A. PRÜM, « Les règles uniformes de la CCI pour les garanties sur demande »,
Banque et droit nº 30, 3.
8. J. P. MATTOUT, « La révision des Règles uniformes relatives aux garanties sur demande »,
D.2010, 1296 ; G. AFFAKI et J. STOUFFLET, « Les nouvelles Règles uniformes relatives aux garanties
sur demande », Banque et droit mars-avril 2010, 37.
9. J. STOUFFLET, « La Convention des Nations Unies sur les garanties indépendantes et des lettres
de crédit », RD bancaire et bourse 1995, 132. S. PIEDELIÈVRE, « Le projet de convention de la Com-
mission des Nations Unies », RTD com. 1996, 633.
10. J.-L. ANGLADE, Droit et pratique de la lettre de crédit stand by, Litec, 2000. H. MARTINI,
D. DEPREE et J. KLEIN-CORNEDE, Crédits documentaires, lettres de crédit, stand buy, cautions et
garantie, Guide pratique, Banque édition, 2007.
11. J. STOUFFLET, « La Convention des Nations Unies sur les garanties indépendantes et les lettres
de crédit stand by », RD bancaire et bourse juillet-août 1995, p. 132 ; RD bancaire et fin.
janvier-février 2000, comm. 16 et 17, obs. J.-P. MATTOUT.
262 Sûretés et garanties du crédit

by Practices ISP 9812. Deux différences opposent la lettre de crédit stand by et

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la garantie indépendante. La lettre de crédit est un instrument financier tout
usage. La lettre de crédit peut également avoir une fonction d’instrument de
paiement, ce qui n’est pas le cas de la garantie à première demande.

2. Caractères juridiques de la garantie


344. Une institution originale. – Même si elle a une parenté évidente avec la
délégation, la garantie indépendante est une institution profondément originale.
Son particularisme est lié au caractère autonome de l’engagement du garant. La
garantie indépendante s’oppose ainsi au cautionnement.
L’autonomie de la garantie a été à l’origine de controverses. Deux questions
ont été particulièrement discutées : la garantie est-elle valable ? A-t-elle une
cause ? Une réponse affirmative devait être apportée à ces deux interrogations
lorsque la spécificité de la garantie fut reconnue.
345. Qualification de l’engagement souscrit. – Le garant s’engage à payer
une somme donnée à première demande du bénéficiaire. Les rapports entre le
garant et le bénéficiaire sont donc totalement distincts de ceux unissant les deux
parties au contrat principal, le donneur d’ordre et le bénéficiaire. Le garant ne
peut s’opposer au paiement en se prévalant d’exceptions appartenant au don-
neur d’ordre. À la différence d’une caution, il ne peut par exemple se prévaloir
de la nullité du contrat principal.
346. Distinction de la garantie indépendante et du cautionnement. – En
théorie, la distinction entre les deux sûretés est aisée. L’engagement de la cau-
tion a un caractère accessoire alors que celui du garant est indépendant. En pra-
tique, il est souvent difficile de qualifier la garantie souscrite13.
Les juges n’ont pas à tenir compte de la qualification donnée par les parties à
la convention14. Pour distinguer la garantie indépendante du cautionnement ils
se fondent sur deux éléments qui révèlent la nature véritable de l’engagement
souscrit. Comme l’énonce la Cour de cassation, un engagement ne peut être
qualifié de garantie autonome que s’il n’implique pas une appréciation des
modalités d’exécution du contrat de base pour l’évaluation des montants garan-
tis ou pour la détermination des durées de validité et s’il comporte une stipula-
tion de l’inopposabilité des exceptions15.

12. J.-P. MATTOUT, « De nouvelles règles de la CCI pour les lettres de crédit stand by », Mélanges
Vasseur, Banque, 2000, p. 99.
13. Cass. com., 3 novembre 1992, RD bancaire et bourse 1993, 95 ; D. 1993, somm. 96,
M. VASSEUR ; M.-H. MALEVILLE, « Le point sur la confusion entre cautionnement et garanties auto-
nomes », JCP E 2002, 1117.
14. Cass. com., 13 décembre 1994, JCP E 1995, I, 482, nº 11, obs. Ph. SIMLER. Cass. com.,
23 février 1999, JCP E 1999, 1584, obs. Ph. SIMLER ; JCP 1999, 10189, note C. GINESTET ;
Cass. com., 9 juin 2004, Rev. Sociétés 4/2004, p. 894, note M. PARIENTE.
15. Cass. com., 27 février 2000, RD bancaire et fin. 2000, p. 335, obs. J.-P. MATTOUT. Cass. com.,
14 juin 2000, RD bancaire et fin. novembre-décembre 2000, comm. 226 ; Dr. et patr. 2001, p. 92, note
B. SAINT-ALARY. Cass. com., 27 juin 2000, Contrats, conc., consom., novembre 2000, comm. 155,
obs. L. LEVENEUR ; RD bancaire et fin. novembre-décembre 2000, comm. 225, obs. J.-P. MATTOUT.
Cass. com., 18 mai 1999, JCP G 1999, II, 101999, note J. STOUFFLET ; D. Aff. 2000, J. 112, note
Les créations de la pratique contractuelle 263

La garantie ne doit pas avoir pour objet la propre dette du débiteur16.

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Toute garantie indépendante contient deux stipulations. Par la première, le
garant s’engage à première demande à verser une somme donnée au bénéfi-
ciaire. Cette formule démontre bien l’autonomie de l’engagement du garant.
L’objet de l’engagement du garant n’est pas de régler la dette d’autrui, mais
de payer ce que lui demandera le bénéficiaire de la garantie. Par la seconde, il
renonce à se prévaloir des exceptions trouvant leur source dans le contrat
de base.
Inversement, une garantie est un cautionnement lorsque les parties font réfé-
rence au contrat principal pour déterminer l’engagement du garant17. Un garant
s’engage donc par avance au versement d’une somme donnée alors qu’une cau-
tion garantit le paiement des sommes qui pourront être dues par le débiteur prin-
cipal. La garantie indépendante se distingue donc du cautionnement par son
objet.
En pratique, il n’est cependant pas toujours facile de distinguer les deux ins-
titutions. Le risque de confusion peut exister car il est admis que les parties à
une garantie à première demande puissent se référer au contrat de base. Pour
que la qualification de garantie à première demande puisse être maintenue
dans une telle hypothèse il est cependant essentiel que la référence au contrat
principal ne serve pas à la détermination des sommes pouvant être dues par le
garant18.
347. Validité de la garantie. – La reconnaissance de la garantie autonome
par le droit français ne s’est pas opérée sans difficultés. L’engagement du garant
qui renonçait à invoquer toute exception n’était-il pas dépourvu de cause ?
La garantie ne constituait-elle pas une fraude à la loi dès lors que le caution-
nement était jusqu’alors la seule véritable sûreté personnelle consacrée par le
Code civil ?
Très vite pourtant la validité même de la garantie ne fut plus contestée19. En
raison du principe de l’autonomie de la volonté, les parties sont libres de fixer le
contenu de leur obligation. L’objet de l’obligation du garant peut ainsi différer
de celui d’une caution.
La convention ne pouvait pas non plus être considérée comme frauduleuse,
les parties ne cherchant nullement à se soustraire à une règle obligatoire. Tout

Y. PICOD. Cass. com., 30 janvier 2001, JCP E 2001, 568, note D. LEGEAIS et 851, note
J.-P. REMÉRY.
16. Cass. com., 14 juin 2005, Juris-Data nº 028992 ; CE 6 juin 2007, JCP E 2008, 1036, obs.
Ph. SIMLER.
17. Cass. com., 8 octobre 2003, RD bancaire et fin. janvier-février 2004, comm. 15, obs. A. C.
18. Cass. com., 7 octobre 1997, JCP E 1998, p. 324, obs. J. STOUFFLET et 226, note D. LEGEAIS ;
RD bancaire et bourse 1998, 17, obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD. Cass. com., 18 mai 1999, D. Aff.
1999, 1038 ; RTD com. 1999, 734, note M. CABRILLAC ; JCP G 1999, II, 10199, note J. STOUFFLET.
Les garanties ne sont pas privées d’autonomie, énonce la Cour de cassation par de simples références
au contrat de base, références qui n’impliquaient pas appréciation des modalités d’exécution de celui-ci
pour l’évaluation des montants garantis ou pour la détermination des durées de validité. Cass. com.,
23 février 1999, JCP E 2000, 1584, obs. Ph. SIMLER. Voir cep. plus nuancée, Cass. 1re civ., 12 décem-
bre 2000, JCP E 22001, 1042, nº 8, obs. Ph. SIMLER.
19. A. PRÜM, La garantie à première demande, op. cit.
264 Sûretés et garanties du crédit

doute quant à la validité de la garantie fût même écarté lorsqu’il fût démontré

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par le courant dominant de la doctrine que la garantie avait bien une cause20.
348. Cause de la garantie à première demande. – La garantie à première
demande est un contrat unilatéral. Le garant s’engage à payer une somme d’ar-
gent à un bénéficiaire. La cause de l’engagement doit donc être recherchée en
dehors du contrat lui-même. Mais deux doctrines s’opposent alors.
Pour un courant doctrinal, la cause de l’engagement du garant trouve sa
source dans les rapports entre le garant et le donneur d’ordre. Le garant
s’oblige en considération de la rémunération stipulée et de l’engagement du
donneur d’ordre de rembourser le montant des sommes versées par le garant.
Une telle considération peut certes constituer une cause de l’engagement dans
les rapports entre le donneur d’ordre et le garant, mais ce motif est sans intérêt
pour le bénéficiaire.
Pour la majorité des auteurs, la garantie autonome est une sûreté et il faut
donc rechercher la cause de la garantie dans le contrat de base. Le garant
s’oblige en effet envers le bénéficiaire pour que celui-ci consente au donneur
d’ordre l’avantage subordonné à la constitution de la garantie : l’acceptation
de la soumission, le paiement d’un acompte par exemple. Dans un arrêt de prin-
cipe, la Cour de cassation s’est prononcée : « L’engagement d’un garant à pre-
mière demande est causé dès lors que le donneur d’ordre a un intérêt écono-
mique à la conclusion du contrat de base, peu importe qu’il n’y soit pas
partie »21.
En préférant la garantie autonome au cautionnement, les parties choisissent
d’isoler la garantie de sa cause.
Cette analyse est en conformité avec la définition classique de la cause de
l’obligation : il s’agit du but immédiat, objectif et identique pour tout engage-
ment de même nature.
Elle a le mérite de montrer que la garantie à première demande peut parfai-
tement s’intégrer dans notre système juridique causaliste.

B Le régime juridique de la garantie indépendante


349. L’ordre d’émission de la garantie. – La fourniture d’une garantie
indépendante est souvent l’une des conditions imposées à une entreprise pour
qu’elle puisse soumissionner à une procédure d’appel d’offres.
Le donneur d’ordre va donc demander à son banquier de s’engager à verser
une somme déterminée à première demande du bénéficiaire ou de sa banque. Le
garant consent ainsi un crédit au donneur d’ordre en acceptant de souscrire une
garantie à première demande pour son compte. Le donneur d’ordre renonce par
avance à contester le bien-fondé des paiements que le garant serait amené à

20. Contra, M. CABRILLAC et Ch. MOULY, nº 427.


21. Cass. com., 19 avril 2005, JCP E 2005, 916, note J. STOUFFLET et 1860, nº 9, obs. Ph. SIMLER ;
JCP G 2005, II, 10075, note S. PIEDELIÈVRE ; Banque et droit mai-juin 2005, p. 63, obs. F. JACOB ;
RD bancaire et fin. août-septembre 2005, comm. 133, obs. A. C. RJDA 18 mai 2005, Rapport
M. COHEN-BRANCHE ; D. 2005, p. 2214, obs. X. DELPECH ; Dr. et patr. février 2006, p. 131, obs.
Ph. DUPICHOT.
Les créations de la pratique contractuelle 265

effectuer. La banque est semble-t-il tenue d’un devoir d’information à l’égard

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du donneur d’ordre. Elle doit le mettre en garde contre le risque encouru22. La
banque est dispensée de cette obligation si le donneur d’ordre est parfaitement
conscient des risques encourus23.
350. La délivrance de la garantie. – Un engagement de garantie à première
demande doit être exprès24. L’établissement garant doit s’engager à première
demande conformément aux ordres reçus. La volonté du garant de s’engager à
première demande ne doit pas faire de doute. L’indépendance de la garantie se
déduit le plus souvent de la présence d’une clause de paiement à première
demande25. Le garant doit également renoncer au bénéfice des exceptions trou-
vant leur source dans le contrat principal. La garantie est souscrite pour un mon-
tant et une période donnés.
L’erreur commise par le garant quant au périmètre de la garantie est suscep-
tible d’entraîner la nullité de son engagement26.
Il doit être précisé dans quelles conditions la garantie peut être appelée par le
bénéficiaire. Il existe en effet des degrés dans l’engagement du garant (v. supra,
nº 340).
La garantie peut également être stipulée glissante27. Il peut alors être prévu
que la garantie sera réduite au fur et à mesure de l’avancement des travaux ou
de l’exécution du marché. Il peut aussi être stipulé que le même engagement
garantira successivement la soumission, la restitution des acomptes et la bonne
fin des travaux.
L’engagement du contre-garant envers le garant est généralement calqué sur
celui du garant à l’égard du bénéficiaire mais ce n’est pas toujours le cas. La
contre-garantie est en effet indépendante de la garantie28. La contre-garantie
peut ainsi être d’un montant et d’une durée différents de la garantie. L’engage-
ment du contre-garant peut même être d’une nature différente de celui du
garant. Le contre-garant peut ainsi se contenter de cautionner le garant. Inverse-
ment, l’engagement de premier rang peut être un cautionnement29.
351. Appel de la garantie par le bénéficiaire. – La garantie est appelée par
le bénéficiaire. Concrètement, celui-ci exige du garant qu’il lui verse le montant
de la somme stipulé dans la lettre d’émission.

22. Cass. com., 26 janvier 1995, D. 1995, somm. 14, obs. M. VASSEUR.
23. Cass. com., 3 mai. D. 2000, AJ 286, JCP E 2000, 1014 ; Banque et droit juillet-août 2000, p. 55,
A. P. ; RD bancaire et fin. 2000, p. 231, note J.-P. MATTOUT.
24. Cass. com., 26 janvier 1995, D. 1995, somm. 13 obs. M. VASSEUR.
25. Dans les relations internationales, la stipulation de la clause à première demande peut constituer
un indice suffisant en faveur de la qualification de garantie autonome, car le mécanisme est connu de
tous les établissements de crédit. Il n’en va pas de même dans les relations internes (Cass. com.,
2 décembre 1997, Quot. jur., 3 février 1998).
26. Cass. com., 14 mai 2008, Banque et droit septembre-octobre 2008, p. 81, obs. N. R., RD ban-
caire et fin. juillet-août 2008, p. 58, obs. D. L.
27. CA Bruxelles, 30 juin 1992, D. 1995, somm. 16, obs. M. VASSEUR.
28. A. PRÜM, « De l’autonomie des contre-garanties à première demande », Mélanges AEDBF,
1997, p. 261. L’autonomie de la garantie a pour corollaire que la loi applicable et la juridiction com-
pétente ne peuvent être tributaires du régime du contrat de base : Cass. 1re civ., 27 juin 2000, JCP E
2001, 1042, nº 7, obs. Ph. SIMLER.
29. CA Paris, 3 avril 2002, Banque et droit janvier-février 2003, p. 55, obs. A. P.
266 Sûretés et garanties du crédit

En principe, l’appel du bénéficiaire est discrétionnaire. Cependant, les don-

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neurs d’ordre tentent d’imposer des garanties qui préservent mieux leurs inté-
rêts. Lorsque la garantie est justifiée, le bénéficiaire doit motiver son appel en
garantie. La garantie doit être appelée dans les formes prévues au contrat avant
sa date d’expiration30. Le bénéficiaire n’est cependant pas tenu de démontrer
l’exactitude des motifs invoqués31. Cette forme de garantie peut prévenir des
appels abusifs. Elle peut aussi faciliter l’exercice d’un recours après paiement.
Lorsque la garantie est documentaire, le bénéficiaire doit présenter certains
documents à l’appui de sa demande. Ces documents doivent correspondre exac-
tement à ceux désignés dans la lettre de garantie. Leur production a pour but de
prévenir des appels en garantie injustifiés32.
L’appel n’est valable que lorsqu’il est formulé pendant la période de validité
de la garantie et dans le délai prévu33. Or toutes les garanties prennent fin à une
date déterminée lors de l’émission de la garantie. Une pratique permet pourtant
de prolonger la durée de vie des garanties. Peu de temps avant la date d’expira-
tion initialement fixée, le bénéficiaire propose au garant une alternative : proro-
gez la garantie ou payez-en le montant. La portée d’une telle demande a été
discutée. Il semble aujourd’hui admis qu’une telle demande vaut appel de la
garantie. Si la demande de prorogation est refusée, le garant doit donc s’exé-
cuter34.
Les conséquences d’un embargo sur les garanties ont dû également être pré-
cisées. La garantie ne peut être appelée par l’État ou les ressortissants de l’État
contre lequel l’embargo a été prononcé. L’embargo ne s’analyse pas non plus
en un terme suspensif. Dès lors, la garantie ne peut plus être appelée si sa durée
de validité expire pendant la durée de l’embargo35.
352. Obligation du garant. – Le garant doit satisfaire immédiatement à la
demande du bénéficiaire dès lors que l’appel de la garantie est régulier36.
Son engagement étant autonome, le garant ne peut invoquer aucune excep-
tion. Il ne peut donc se prévaloir de la nullité du contrat de base, d’une faute du
bénéficiaire de la garantie, d’une compensation intervenue entre les parties au
contrat de base.
La garantie doit être exécutée dans la monnaie de paiement stipulée37.

30. Cass. com., 12 juillet 2005, JCP E 2005, 1860, nº 10, obs. Ph. SIMLER ; Dr. et patr. décembre
2005, p. 102, obs. A. PRÜM et J.-P. MATTOUT ; RD bancaire et fin. septembre-octobre 2005, p. 22,
obs. A. C. ; Dr. et patr. février 2006, p. 131, obs. Ph. DUPICHOT.
31. Cass. com., 19 février 1991, JCP 1991, II, 21670, M. VASSEUR.
32. Le document requis peut être un rapport d’expertise, une attestation, une sentence arbitrale.
Cass. com., 16 mai 1995, JCP E 1995, II, 734, note L. LEVENEUR ; RD bancaire et bourse 1996,
obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD.
33. Pour un exemple de garantie appelée au-delà du terme, sans respect de la forme : Cass. com.,
12 juillet 2005 préc.
34. CA Paris, 9 janvier 1991, D. 1991, somm. 196. Contra, CA Paris, 23 juin 1995, JCP E 1995, II,
735, note AFFAKI.
35. Cass. 1re civ., 24 février 1998, JCP E 1998, p. 1597, obs. Ph. SIMLER. M. VASSEUR, « Les
conséquences du règlement communautaire du 7 décembre 1992 sur les garanties indépendantes
consenties à l’Irak avant la crise du Golf », D. 1995, chron., p. 43.
36. J. DJOUDI, « La garantie à première demande et les risques du banquier garant », RD bancaire et
fin. mars-avril 2006, 75.
37. Cass. com., 5 octobre 2004, RD bancaire et fin. janvier-février 2005, comm. 13, obs. A. C.
Les créations de la pratique contractuelle 267

Le garant doit cependant s’abstenir de payer lorsque l’appel est frauduleux

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ou manifestement abusif38. Tel est le cas lorsque le bénéficiaire appelle la
garantie alors que manifestement il n’est pas créancier du donneur d’ordre.
L’absence de droit du bénéficiaire doit être évidente. Pour se rendre compte
de l’abus, le garant ne doit pas avoir à se livrer à des investigations particuliè-
res39. Ce tempérament à l’obligation de payer du garant a été introduit pour
éviter que les donneurs d’ordre ne soient totalement à la merci de bénéficiaires
de mauvaise foi. Il a été admis pour la première fois lorsque, suite au renver-
sement de l’empereur d’Iran par les islamistes, des entreprises iraniennes ont
appelé des garanties après avoir expulsé les personnes chargées de réaliser les
travaux commandés40.
La garantie indépendante ne peut cependant conserver son intérêt que si
l’abus ou la fraude n’est admis qu’à titre exceptionnel41. La Cour de cassation
contrôle la qualification de la fraude. Les décisions des juridictions du fond trop
favorables aux donneurs d’ordre sont souvent censurées42. Un arrêt de la Cour
de cassation a été présenté comme annonçant un infléchissement mais une telle
déduction est peut-être prématurée43. En l’espèce, le caractère abusif de l’appel
est retenu au motif qu’il émanait du bénéficiaire d’une garantie de soumission
qui avait tenté d’imposer unilatéralement au soumissionnaire des conditions
nouvelles très différentes de celles prévues à l’appel d’offres, et inacceptables
pour le candidat au marché.
L’appel de la garantie est considéré comme abusif s’il est formulé en réfé-
rence à l’inexécution d’un autre crédit que celui visé dans la lettre d’enga-
gement44.

38. Cass. com., 25 mars 2003, JCP E 2004, nº 11, obs. Ph. SIMLER.
39. La connaissance de l’existence de litiges entre les parties au contrat de base ne suffit pas à établir
la fraude, Cass. com., 6 avril 1993, RJDA 1993, 11/93, p. 803.
40. Cass. com., 11 décembre 1985, D. 1986, 213, note M. VASSEUR Cass. com., 10 juin 1986, D.
1987, 17, note M. VASSEUR. La fraude a également été retenue dans une affaire dans laquelle la cour
d’appel a relevé que, lors de l’appel de la garantie à première demande, consentie en liaison avec le
mandat de vendre les billets d’un spectacle, le bénéficiaire savait que le paiement garanti devrait néces-
sairement être remboursé, l’annulation du spectacle étant notoirement imminente et lui-même ayant
omis de mettre en place le dispositif prévu pour garantir le remboursement du prix des
billets. Cass. com., 12 janvier 1993, D. 1985, 24, note M. VASSEUR. Cass. com., 4 juillet 1995 ;
JCP E 1996, I, 525, nº 17, obs. C. GAVALDA. Cass. com., 28 novembre 1995, JCP E 1996, I, 99.
41. Elle ne saurait par exemple se déduire de la seule identité de nationalité du bénéficiaire et du
garant à première demande : CA Paris, pôle 5, 1er mars 2012, JCP E 2012, 1748, obs. Ph. SIMLER.
42. Cass. com., 11 décembre 1985, op. cit. ; Cass. com., 12 décembre 1995, D. Aff. 1996, 202 ;
JCP E 1996, I, 99.
43. Cass. com., 2 décembre 1997, JCP E 1998, p. 1597, note Ph. SIMLER et G, II, 10166, note
S. HANNA ; Quot. jur., 3 février 1998.
44. Cass. com., 18 avril 2000, RD bancaire et fin. juillet-août 2000, comm. 156, obs.
J.-P. MATTOUT.
268 Sûretés et garanties du crédit

353. Mise en jeu de la contre-garantie. – Le plus souvent, la banque

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garante se fait contre-garantir45. L’appel du contre-garant par le garant intervient
immédiatement après l’appel de la garantie par le bénéficiaire46.
Son engagement étant doublement indépendant, le contre-garant ne peut
opposer aucune exception au garant47. Il doit seulement s’abstenir de payer
lorsque l’appel du garant est frauduleux ou manifestement abusif. Cela suppose
qu’une collusion frauduleuse existe entre garant et bénéficiaire ou qu’une
fraude du garant soit établie48. Le garant doit demander au contre-garant l’exé-
cution de la garantie alors qu’il sait que l’appel du bénéficiaire est lui-même
sans fondement49. Cette connivence de la banque de premier rang est rarement
retenue50. C’est ainsi que l’appel d’une contre-garantie n’est pas abusif du seul
fait qu’il intervient avant un appel de la garantie de premier rang51. L’appel de la
contre-garantie par le garant de premier rang ne saurait être qualifié de manifes-
tement abusif ou frauduleux dès lors que le garant n’avait aucun doute sur la
réalité de ce caractère manifestement abusif ou frauduleux à la date où il a
appelé la contre garantie52.
Le contre-garant qui a réglé le montant de la garantie dispose d’un recours
en remboursement contre le donneur d’ordre. La date de souscription de la
garantie constitue la date de naissance de la créance de remboursement.
Du caractère indépendant de la contre-garantie, la Cour de cassation a cru
devoir déduire une impossibilité pour la banque contre-garante de se prévaloir
d’une compensation fondée sur la connexité dans ses rapports avec le donneur
d’ordre53. Or, à partir du paiement le garant dispose bien d’un recours personnel
contre le donneur d’ordre. La solution retenue est donc critiquable.

45. Il peut même y avoir cumul de deux contre-garanties, CA Paris, 12 mai 2000, RD bancaire et fin.
2000, p. 197, obs. J.-P. MATTOUT ; C. HOUIN-BESSAND, Les contre-garanties, préface H. SYNVET,
Dalloz, 2006.
46. Exceptionnellement le contre-garant peut être appelé directement, Cass. com., 9 octobre 2001,
RTD com. 2002, p. 144, obs. M. C. ; Banque et droit janvier-février 2002, p. 40, obs. A. P.
47. A. PRÜM, « De l’autonomie des contre-garanties à première demande », Mélanges AEDBF,
1997, p. 261.
48. Cass. com., 9 octobre 2001, D. 2001, AJ, p. 3193 ; JCP E 2001, 1981 ; Banque et droit
janvier-février 2002, 40, obs. F. J : CA Paris, 26 avril 2007, Banque et droit novembre-décembre
2007, p. 49, obs. J. STOUFFLET.
49. Cass. com., 7 juin 1994, D. 1995, somm. 20.
50. Cass. com., 4 juillet, 28 novembre et 12 décembre 1995, JCP E 1997, I, 633, obs. Ph. SIMLER ;
D. 1996 p. 249 note S. PIEDELIÈVRE ; RTD com. 1996, 102, obs. M. CABRILLAC. Il n’y a pas abus
lorsque la banque de premier rang ne décèle pas la falsification de chèques, lorsqu’elle paie alors même
qu’elle est informée qu’une attestation fournie par le bénéficiaire en vue d’obtenir le paiement n’était
pas exacte.
51. Cass. com., 15 juin 1999, RTD com. 1999, p. 941, obs. M. CABRILLAC ; JCP E 2000, 1089,
nº 18, obs. J. STOUFFLET.
52. Cass. com., 26 novembre 2003, RD bancaire et fin. mars-avril 2004, obs. A. C. ; Banque et droit
janvier-février 2004, p. 66, obs. G. AFFAKI et J. STOUFFLET et p. 51, obs. F. J.
53. Cass. com., 6 mars 2001, RTD com. 2001, 752, obs. M. C. ; RD bancaire et fin. mai-juin 2001,
comm. 115, obs. A. C. ; Banque et droit mai-juin 2001, p. 51, obs. A. PRÜM ; RTD civ. 2001, 925, obs.
P. CROCQ ; Cass. com., 19 décembre 2006, Banque et droit janvier-février 2007, 51, obs. F. J. ; PA
28 décembre 2007, p. 14, note S. DELRIEU.
Les créations de la pratique contractuelle 269

Une décision semble atténuer l’autonomie de la contre-garantie dans la

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mesure où elle admet un recours du donneur d’ordre contre le garant de premier
rang54.
354. Moyens de défense du donneur d’ordre. – Le donneur d’ordre est le
plus souvent informé par la banque contre-garante de l’appel de la garantie.
Cependant ses intérêts ne sont pas ceux de sa banque. Celle-ci veut absolument
honorer sa signature et donc payer le garant.
Le donneur d’ordre n’est en droit de s’opposer au paiement que s’il y a
fraude ou appel manifestement abusif.
Pour cette raison, la jurisprudence a rejeté toutes les demandes des donneurs
d’ordre tendant à faire obstacle au paiement, qu’il s’agisse de demande de mise
sous séquestre ou de mesure conservatoire55.
Lorsqu’il prétend que l’appel du bénéficiaire est abusif ou frauduleux, le
donneur d’ordre peut saisir le juge des référés qui peut faire interdiction à la
banque de payer. Cependant, la banque reste tenue de payer même après la sai-
sine du juge des référés. Une autre voie peut être utilisée et combinée avec la
première. Le donneur d’ordre peut alors saisir une juridiction par voie de
requête. La procédure est alors non contradictoire. La banque ne peut plus
payer dès lors que cette ordonnance lui a été signifiée56.
355. Recours du donneur d’ordre. – Le donneur d’ordre dispose de deux
séries de recours.
Il peut agir contre le bénéficiaire en démontrant que ce dernier a reçu un
paiement indu. Il peut alors se prévaloir de toutes les exceptions trouvant leur
source dans le contrat de base57. Le bénéficiaire n’a pas alors à justifier d’une
fraude ou d’un abus manifeste58. L’autonomie de la garantie n’existe donc
qu’entre les rapports entre garant et bénéficiaire.
Ce recours est en réalité très difficile à mettre en œuvre. Il est difficile d’ob-
tenir un jugement de condamnation ou une sentence arbitrale condamnant le
bénéficiaire et de la faire exécuter.
Le donneur d’ordre dispose aussi d’un recours contre le garant ou le
contre-garant qui a payé au vu d’un appel irrégulier ou manifestement abusif59.
Pour admettre le recours du donneur d’ordre contre le garant de premier rang

54. Cass. com., 30 mars 2010, D. 2010, 2275, note C. HOUIN-BRESSAND ; JCP 2010, 567, note
O. GOUT et 708, nº 9, obs. Ph. SIMLER ; JCP E 2010, 1523, nº 28, obs. J. STOUFFLET ; Banque et
droit mai-juin 2010, 42, obs. N. RONTCHEVSKY.
55. Cass. com., 26 novembre 2003, JCP E 2004, 1246. Un sursis à statuer en cas d’instance pénale
en cours peut être sollicité : Cass. com. 7 juin 2007, JCP E 2006, 1036, obs. Ph. SIMLER. La solution
est remise en cause par l’article 4 du Code de procédure pénale.
56. Mais la banque peut payer tant que la décision ne lui est pas opposable, Cass. com., 10 juin
1997, RD bancaire et bourse 1998, 18, obs. M. CONTAMINE-RAYNAUD.
57. Cass. com., 15 juin 1999, JCP E 2000, 1088, nº 18, obs. J. STOUFFLET ; Cass. com., 4 juillet
2006, Banque et droit septembre-octobre 2006, p. 68, obs. F. J.
58. Cass. com., 7 juin 1994, JCP E 1995, I, 465, nº 19, obs. Ch. GAVALDA et J. STOUFFLET ; D.
1995, somm. 19, obs. M. VASSEUR ; JCP G 1994, I, 3807, nº 15, obs. Ph. SIMLER. Pour une justifi-
cation de ce recours par la convention existant entre donneur d’ordre et bénéficiaire, v. Ph. MALAURIE
et L. AYNÈS nº 345.
59. Cass. com., 7 juin 1994, op. cit.
270 Sûretés et garanties du crédit

avec lequel il n’est pas en relation contractuelle60, la Cour de cassation a fait appli-

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cation de la jurisprudence selon laquelle le tiers à un contrat peut invoquer un man-
quement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage61.

§ 2. Les garanties indépendantes de droit interne

356. Fonctions de la garantie. – Aujourd’hui, la garantie indépendante


n’est plus seulement utilisée dans les relations internationales. Elle se développe
progressivement dans les relations internes. Elle n’est alors plus nécessairement
consentie par un établissement de crédit. Elle peut l’être par une entreprise ou
une personne physique. La motivation des créanciers est alors claire. La garan-
tie autonome étant la garantie la plus efficace qui puisse se concevoir, la tenta-
tion est forte d’en généraliser son domaine. La consécration de la pratique par
l’introduction de la définition de la garantie autonome à l’article 2321 du Code
civil devrait favoriser cette évolution à une réserve près62. La garantie autonome
est interdite pour garantir des crédits à la consommation (art. L. 313-10-1,
C. consom.). Son domaine est aussi restreint lorsqu’elle est souscrite pour
garantir le paiement de loyers d’un bail soumis à la loi du 6 juillet 1969
(art. 22-1-1)63.
La garantie autonome est toujours une garantie de substitution. Dans les
relations internes comme dans les relations internationales elle peut remplacer
une consignation (A). Dans les relations internes, la garantie autonome est
cependant le plus souvent utilisée comme un substitut du cautionnement (B).
Ce détournement de la garantie de sa finalité première est source de contro-
verses64.

A La garantie indépendante, substitut de la consignation


357. Validité de la garantie. – Dans les relations internes, la garantie à pre-
mière demande peut jouer un rôle identique à celui de son modèle, la garantie
internationale. Les parties conviennent alors de remplacer l’exigence d’un dépôt
de somme d’argent par la fourniture d’une garantie indépendante.

60. Cass. com. 30 mars 2010 op. cit.


61. Cass. Ass. plén., 6 octobre 2006, D. 2006, 2825, note G. VINEY.
62. F. JACOB, « L’avenir de la garantie autonome en droit interne », Études offertes au Doyen Sim-
ler, Dalloz-Litec, 2006, p. 341 ; J. STOUFFLET, « La reconnaissance par l’ordonnance du 23 mars 2006
de deux types de garanties issues de la pratique : la garantie autonome et la lettre d’intention », Rev.
sociétés 2006, p. 473 ; P. PUIG, « Les garanties autonomes », LPA 27 mars 2008, p. 9.
63. V. ZALEWSKI, « Le nouvel article 22-1-1 de la loi du 6 juillet 1989 », Rev. loyers 2006, p. 271.
64. Ch. MOULY, « Pour la liberté des garanties personnelles », Banque et droit 1987, 1166 ; « L’ave-
nir de la garantie indépendante en droit français », Mélanges A. Breton et F. Derrida, 267 ;
Ph. SIMLER, « À propos des garanties autonomes de droit interne souscrites par des personnes physi-
ques », JCP E, N 1991, I, 343 ; Ph. DELEBECQUE, « Les garanties autonomes en droit interne »,
Bull. Joly 1992, 374 et 606 ; Ch. LEGUEVAQUES, « Garanties autonomes en droit interne, La recherche
de l’autonomie », Dr. et patr. avril 1997, p. 34 ; A. CERLES, « Garanties bancaires, Contre le mélange
des genres », D. Aff. 1998, p. 746 ; E. RAWACH, « La licéité des garanties à première demande à la
lumière du droit de la consommation », RD bancaire et fin. janvier-février 2000, p. 57.
Les créations de la pratique contractuelle 271

Toute immobilisation inutile de somme d’argent est ainsi évitée. Les deux

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parties trouvent donc un intérêt à l’opération. Nul ne conteste cette première
utilisation de la garantie à première demande.
358. Applications. – Le législateur lui-même donne l’exemple de garanties
à première demande utilisées comme substitut à un dépôt de somme d’argent.
Un arrêté du 5 décembre 2002 fournit ainsi un modèle de garantie à première
demande susceptible de remplacer la retenue de garantie imposée par le Code
des marchés publics65.
La garantie à première demande peut remplacer avantageusement la pratique
du versement d’une indemnité d’immobilisation par le bénéficiaire d’une pro-
messe de vente66. L’indemnité est acquise au promettant pour l’indemniser du
préjudice résultant de l’immobilisation de son bien dans le cas où le bénéficiaire
n’entendrait pas donner suite à la promesse. Le versement exigé est de l’ordre
de 10 % du montant du prix. Pour éviter le versement de cette somme, la pra-
tique avait eu recours au cautionnement mais celui-ci ne conférait plus toute la
sécurité exigée du promettant.

B La garantie indépendante, substitut du cautionnement


359. Une utilisation controversée. – Même si elle n’a pas été conçue à
cette fin, la garantie indépendante peut être un substitut du cautionnement. La
convention a alors des caractères qui la distinguent de son modèle. Tout
d’abord, les parties à la convention ne sont plus les mêmes. Les garanties sont
alors souvent souscrites par les garants eux-mêmes. Ce ne sont donc plus des
établissements de crédit qui s’engagent. Par là même, la portée de la garantie
diminue. Dans la phase de mise en jeu de la garantie, le garant n’aura pas le
même souci du respect de sa signature.
Ensuite, ce garant, qu’il s’agisse d’une entreprise ou d’un particulier, n’a
pas, non plus, dans la majorité des cas, véritablement conscience de la portée
de son engagement. Le mécanisme de la garantie autonome est encore mal
connu à la différence du cautionnement. La question de la protection du garant
se pose donc inévitablement.
Enfin, les parties cherchent à calquer l’engagement du garant sur celui de la
caution. Il n’est pas rare de voir des actes de cautionnement rebaptisés en garan-
tie indépendante. Mais les parties oublient alors souvent la différence fonda-
mentale existant entre le cautionnement et la garantie autonome. L’engagement
de la caution est accessoire alors que celui du garant est indépendant. Le garant
ne peut donc prendre l’engagement de payer à première demande ce que doit le
débiteur principal. La rédaction de la garantie est donc particulièrement délicate
et le risque de requalification important.
Par un simple jeu d’écriture, la garantie à première demande ne peut donc
être utilisée à la place du cautionnement. L’utilisation de la garantie autonome

65. Art. 100. V. supra nº 91.


66. Ch. BASTARD DE CRISNAY, « Brèves remarques sur l’application du cautionnement et de la
garantie à première demande en matière de promesse unilatérale de vente », Defrénois 1992, 1393,
art. 35389.
272 Sûretés et garanties du crédit

comme solution de substitution au cautionnement peut même apparaître contre

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nature. Ainsi s’explique l’hostilité de la doctrine et de la jurisprudence envers
cette garantie. En raison du principe de l’autonomie de la volonté, il est difficile
d’interdire leur souscription. Mais les juridictions n’hésitent pas à annuler les
conventions ou à les requalifier en cautionnement. La jurisprudence contribue
également à rendre le régime applicable à la garantie le moins attrayant possible
pour les créanciers.
360. Validité de la garantie. – Le développement de la garantie autonome
comme substitut du cautionnement a pu être jugé inopportun car il a pour effet
de réduire à néant toute la construction légale et jurisprudentielle favorable aux
cautions. Cette appréciation n’est cependant pas à elle seule de nature à remettre
en cause la validité même de cette utilisation de la garantie à première demande.
D’une part, la souscription d’une garantie à première demande n’est pas
réservée à des établissements de crédit.
D’autre part, en raison du principe de l’autonomie de la volonté, les parties
sont libres de fixer l’objet de leurs obligations67. Et il semble difficile d’admet-
tre qu’il y a véritablement fraude à la loi. Tout au plus, la qualité de profane du
souscripteur est-elle de nature à justifier plus de rigueur dans la qualification de
la garantie68.
L’introduction de la définition de la garantie autonome dans le Code civil
met fin à ces hésitations69.
361. Requalification des fausses garanties autonomes. – En droit interne
comme dans les relations internationales, une garantie ne peut être autonome
que si deux conditions sont réunies. D’une part, l’objet de l’obligation du
garant doit être autonome. D’autre part, et peut-être même aujourd’hui princi-
palement, la renonciation du garant à se prévaloir des exceptions découlant de
l’obligation principale doit être explicite. C’est la première de ces deux exigen-
ces qui est particulièrement délicate à satisfaire lorsque la garantie à première
demande sert de substitut au cautionnement. Elle l’est d’autant plus qu’une sim-
ple référence au contrat de base ne saurait exclure la qualification de garantie
autonome70. Même si ce point est discuté, il semble cependant bien que le
garant doive s’engager à payer à première demande une somme convenue à
l’avance71. Or, le plus souvent, il est stipulé que le garant s’engage à première
demande à payer les sommes dues par le débiteur principal72. Dans les relations
internes aucun garant clairement informé ne souhaite en effet s’engager à payer

67. Cass. com., 13 décembre 1994, D. 1995, 209.


68. Cass. 1re civ., 23 février 1999, JCP E 1999, 1831, note C. GINESTET.
69. D. HOUTCIEFF, « Les sûretés personnelles », JCP nº spécial 17 mai 2006, 3.
70. Cass. com., 5 décembre 2000, RD bancaire et fin. mars-avril 2001, p. 88, obs. A. C. ; Cass. com.,
30 janvier 2001, Bull. Joly, mai 2001, 484, note H. LENABASQUE ; JCP E 2001, 568, note
D. LEGEAIS et 851, note J.-P. REMÉRY ; Cass. com. 2 octobre 2012, RD bancaire et fin. 2012,
comm. 185, obs. DL ; GAZ. Pal. 13 décembre 2012, p. 19, obs. MP DUMONT-LEFRAND ;
A. RACHET, « La garantie à première demande : une garantie autonome mais pas trop », RD bancaire
et fin. juillet-août 2001, p. 254.
71. Cass. com., 10 janvier 1995, D. 1995, 202, note L. AYNÈS.
72. Cass. com., 11 juin 2002 et 25 juin 2002, D. 2002, p. 3332, obs. L. AYNÈS ; Cass. com., 6 mai
2003, JCP E 2004, 515, note F. GUERCHON.
Les créations de la pratique contractuelle 273

à première demande une somme donnée alors même que la dette du débiteur

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principal ne serait qu’éventuelle ou n’existerait pas.
Dans la très grande majorité des cas, des garanties sont donc faussement
qualifiées par les parties de garantie autonome73. Les juridictions requalifient
ainsi en cautionnement les conventions qui contiennent seulement une clause
de paiement à première demande74 et celles dans lesquelles l’objet de l’obliga-
tion du garant n’est pas véritablement distinct de celui de l’obligation du débi-
teur principal75.
L’engagement du garant ne doit pas avoir pour objet la dette du débiteur
principal. Il ne doit pas s’engager à payer les sommes dues par ce dernier76.
Seules échappent donc à la requalification les conventions par laquelle les par-
ties s’engagent à verser une somme déterminée à l’avance, en l’absence de tout
constat préalable de la défaillance du débiteur principal77.
Les garanties autonomes sont fréquemment associées à des garanties de pas-
sif dont elles renforcent l’efficacité. La banque s’engage alors au profit du ces-
sionnaire des parts à verser le montant de la garantie. La clause doit être bien
rédigée afin que la banque ne s’engage pas à payer les sommes dues. La banque
doit bien prendre un engagement de payer une somme donnée. Simplement, la
garantie peut être documentaire ou justifiée. La garantie peut aussi être glis-
sante, c’est-à-dire être réductible en fonction d’un calendrier ou de l’état

73. M.-H. MALEVILLE, « Le point sur la confusion entre cautionnement et garantie autonome »,
JCP E 2002, 1117 ; N. RONTCHEVSKY, « Pour l’application du principe de cohérence aux garanties
“à première demande” souscrites par des établissements de crédit », Mélanges B. Bouloc, p. 987. L’au-
teur propose l’interdiction des requalifications dès lors que la garantie est souscrite par un établisse-
ment de crédit.
74. V. Cass. com., 10 mai 1994, JCP E 1994, I, 468, nº 14, obs. Ph. SIMLER. Une clause à première
demande avait été stipulée mais il ne résultait pas des constatations que la banque avait convenu que la
garantie litigieuse devait être autonome par rapport au contrat de vente et qu’en conséquence la banque
pouvait opposer au bénéficiaire de ladite garantie l’exception tirée de la nullité du contrat de
vente. Cass. com., 5 novembre 2002, Bull. Joly 2003, p. 30, obs. A. COURET ; CA Paris, 28 juin
2002, RD bancaire et fin. mars-avril 2003, comm. 72, obs. A. C. ; Cass. com., 6 mai 2003, JCP G
2003, II, 10186, note F. GUERCHOUN.
75. La qualification de garantie a ainsi été écartée dans l’espèce suivante : le garant s’était engagé à
payer toutes sommes pouvant être dues par la société débitrice dans les limites de cinq cent mille francs
en principal ; Cass. com., 8 juin 1993, D. 1993, somm. 313, obs. L. AYNÈS, et 1995, somm. 110, obs.
M. VASSEUR ; JCP E 1993, I, 300, n º 10, obs. Ph. SIMLER. Cass. com., 13 décembre 1994, D. 1994,
p. 209, rapp. H. LE DAUPHIN, note L. AYNÈS ; JCP E 1995, I, 482, n º 11, obs. Ph. SIMLER ; RD
bancaire et bourse 1995, 151 ; Cass. 1re civ., 6 juillet 2004, Juris-Data n º 02 4532.
76. Cass. com., 11 mars 1997, Quot. jur., 15 mai 1997, p. 4 ; RD bancaire et bourse 1997, 123, obs.
M. CONTAMINE-RAYNAUD. Cass. 1re civ., 13 mars 1996, JCP E 1997, I, 633, obs.
Ph. SIMLER. Cass. 1re civ., 23 février 1999, D. Aff. 1999, p. 593 ; Banque et droit mai 1999, p. 40,
obs. F. J ; JCP E 1999, p. 693, et 1584, obs. Ph. SIMLER. Cass. com., 14 juin 2000, RD bancaire et
fin. 2000, p. 355, obs. J.-P. MATTOUT. Cass. com., 12 décembre 2000, JCP E 2001, 1042, obs.
Ph. SIMLER ; CA Paris, 6 juillet 2001, D. 2001, 2820.
77. Pour un exemple, Cass. com., 1er février 1994, D. 1995, somm. 11, note M. VASSEUR. La
banque s’était engagée à payer à un concédant à sa première demande et sans qu’il ait à justifier du
bien-fondé de sa créance toutes sommes à concurrence d’un montant déterminé dues à compter d’une
date précise par un concessionnaire. La somme que le bénéficiaire de la garantie était en droit de récla-
mer était définie par la seule convention conclue entre eux. Voir ég. CA Paris, 28 avril 2000, JCP E
2000, 1449. Requalification en garantie autonome d’un acte qualifié de cautionnement. Il s’agissait en
l’espèce d’une garantie en garantie d’une clause de garantie d’actif et de passif souscrite par le cédant
des actions d’une société.
274 Sûretés et garanties du crédit

d’avancement de travaux78. La garantie conserve son caractère autonome dès

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lors que le donneur d’ordre ne peut différer le paiement79.
362. Régime de la garantie. – La véritable garantie autonome de droit
interne est soumise au même régime juridique que son modèle. La définition nou-
velle en rappelle les caractères essentiels : « C’est l’engagement par lequel le
garant s’oblige en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser
une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues ».
L’article 2321 du Code civil déduit les conséquences essentielles du carac-
tère autonome de la garantie. Le garant ne peut opposer aucune exception tenant
à l’obligation garantie80. Une garantie autonome peut cependant être annulée
pour dol si elle a été émise en considération d’un contrat dissimulé au garant81.
Le garant doit donc payer le bénéficiaire de la garantie dès lors que ce der-
nier en fait la demande. Il faut cependant réserver le cas de la fraude, de l’abus
manifeste et celui de la collusion frauduleuse entre le bénéficiaire et le donneur
d’ordre82. Ce dernier cas est une innovation de l’ordonnance en date du
23 mars 2006.
Le droit des procédures collectives apporte cependant un tempérament impor-
tant à la règle du caractère autonome de la garantie en assimilant cette sûreté au
cautionnement dès lors qu’il s’agit de préciser les règles de poursuite du garant
personne physique. Même bénéficiaire d’une garantie autonome, le créancier ne
peut ainsi poursuivre le garant dirigeant lorsque s’ouvre une procédure de sauve-
garde ou de redressement (art. L. 622-28 et art. L. 626-11, C. com.)83.
Le garant qui a payé le bénéficiaire ne peut bénéficier de la subrogation légale.
Il peut cependant exercer un recours de droit commun contre le bénéficiaire84.
Garantissant une créance, la garantie autonome doit pouvoir se transmettre
en même temps qu’elle85. Pourtant, L’article 2321 alinéa 3 écarte cette solution
tout en réservant la possibilité d’une convention contraire.
La garantie autonome de droit interne est cependant soumise à des règles qui
en limitent la portée.

78. Cass. com., 2 octobre 2012, RD bancaire et fin. 2012, comm. 185, obs. DL ; contra Cass. com.,
8 octobre 2003 JCP G 2004, I, 141, obs. Ph. SIMLER.
79. Cass. com., 12 juillet 2005, RD bancaire et fin. septembre-octobre 2005, p. 22, obs. A. C. ;
Cass. com., 30 octobre 2007, RD bancaire et fin. 2007, comm. 223, obs. D. L. ; JCP E 2008, 2013,
n º 11, obs. Ph. SIMLER ; Cass. com., 28 avril 2009, RD bancaire et fin. juillet-août 2009, comm. obs. D. L.
80. Le garant ne peut par exemple se prévaloir de l’extinction de la dette principale en raison d’une
absence de déclaration de la créance pour cause d’ouverture d’une procédure collective, Cass. com.,
30 janvier 2001, JCP E 2001, 850, note J.-P. REMÉRY et 569, note D. L. ; Cass. com., 9 juin 2004,
LPA 10 mai 2005, p. 8. L’appel n’est pas manifestement abusif dès lors qu’un différend oppose les
parties, Cass. com., 5 décembre 2000, JCP E 2001, p. 1042, obs. Ph. SIMLER.
81. Cass. com., 14 mai 2008, RD bancaire et fin. juillet-août 2008, comm. 111, obs. D. L.
82. La Cour de cassation retient cependant une conception stricte de l’appel abusif. V. pour un
exemple dans lequel la Cour a refusé de considérer comme un appel abusif un appel qui ne respectait
pas les termes de la garantie dès lors qu’il pouvait être de bonne foi : Cass. com., 30 octobre 2007, RD
bancaire et fin. novembre-décembre 2007, obs. D. L.
83. D. HOUTCIEFF, « La garantie autonome souscrite par une personne physique : une sûreté en
quête d’identité », RLDC 2006, n º 29, p. 31 ; A. PRÜM, « L’autonomie des garanties à première
demande », RD bancaire et fin. mai-juin 2006, p. 13.
84. Cass. com., 15 novembre2011, JCP G 2012, 626, obs. DL
85. Cass. 2e civ., 21 octobre 2004, Defrénois 2005, 1226, note A. S. BARTHEZ.
Les créations de la pratique contractuelle 275

Lorsque la garantie est souscrite par un particulier, la protection du garant

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résulte de l’application de plusieurs principes.
Tout d’abord, des juridictions n’hésitent pas à annuler la garantie en raison
d’un dol commis par le créancier86, d’un manquement à son devoir de contracter
de bonne foi ou même d’un devoir d’information87.
Ensuite, la preuve de l’engagement du garant est rapportée comme en
matière de cautionnement. Lorsque l’engagement est souscrit par un particulier,
il est donc important qu’une mention manuscrite précise soit apposée au bas de
la garantie à première demande88.
Enfin, l’article 1415 du Code civil est applicable. Un engagement à première
demande souscrit par un seul des conjoints ne lui permet que d’engager ses
biens propres89.
Lorsque la garantie est souscrite par une entreprise et plus particulièrement
par une société anonyme, elle est soumise à la procédure d’autorisation de l’ar-
ticle L. 225-35 du Code de commerce (ex-art. 98 de la loi de 1966)90. Comme
un cautionnement, la garantie doit également faire l’objet d’une publicité au
titre des engagements hors bilan de l’entreprise.
363. Avenir de la garantie indépendante. – La garantie indépendante uti-
lisée comme substitut au cautionnement n’a peut-être pas un avenir aussi pro-
metteur que celui espéré par les créanciers.
Tout d’abord, en raison du risque de requalification de bon nombre de ces
garanties et du régime qui leur est appliqué, il est permis d’espérer qu’elles ne
se généraliseront pas. Il n’est pas souhaitable que de tels engagements puissent
être souscrits par des particuliers.

86. Cass. com., 18 décembre 1990, D. 1991, somm. 193, obs. M. VASSEUR.
87. CA Paris, 16 avril 1996, JCP E 1997, I, 633, obs. Ph. SIMLER ; CA Aix, 2 septembre 1999, RD
bancaire et bourse 2000, p. 85, obs. J.-P. MATTOUT. Il n’existe pas de devoir d’information si le
donneur d’ordre est averti, Cass. com., 3 mai 2000, Banque et droit juillet-août 2000, p. 55, obs.
A. P ; RJDA 10/96 n º 1239 qui consacre une véritable obligation de conseil du banquier.
88. Cass. com., 10 janvier 1995, D. 1995, p. 201, note L. AYNÈS ; JCP E 1995, II, 691, note BIL-
LIAU ; JCP E 1995, I, 482, n º 12, obs. Ph. SIMLER ; Bull. Joly 1995, 247, note Ph. DELEBECQUE. La
Cour de cassation affirme en l’espèce, que la preuve d’un engagement autonome peut résulter de la
souscription d’un acte écrit, même imparfait au regard des exigences de l’article 1326 du Code civil,
dès lors qu’en tant que commencement de preuve par écrit, il est complété par un élément extrinsèque
établissant que la personne engagée avait une exacte connaissance de la nature et de la portée de
l’obligation. Cass. com., 22 novembre 1996, D. Aff. 1996, 1412 ; RTD civ. 1997, 183, obs.
M. BANDRAC ; JCP E 1997, I, 670 n º 10, obs. Ph. SIMLER. Cass. com., 10 décembre 2002, JCP E
2004, n º 10, obs. Ph. SIMLER.
89. CA Paris, 3 novembre 1994, D. 1995, 532, note M. LECENE-MARINVAUD et somm. 326, obs.
M. GRIMALDI ; Cass. 1re civ., 20 juin 2006, RD bancaire et fin. juillet-août 2006, obs. D. L. ; Banque
et Droit juillet-août 2006, p. 56, obs. F. J. ; RTD civ. 2006, 593, obs. P. CROCQ ; JCP E 2006, 2425,
note O. GOUT et 2824, obs. Ph. SIMLER ; et G 2006, 10141, note S. PIEDELIÈVRE ; D. 2006, 2539,
note A. S. COURDIER-CUISINIER.
90. Cass. com., 26 janvier 1993, D. 1995, somm. 17, obs. M. VASSEUR ; Bull. Joly 1993, 569, note
Ph. DELEBECQUE. T. com. Nancy, 1er juillet 1996, RD bancaire et bourse 1996, 204, obs.
M. CONTAMINE-RAYNAUD. Le pouvoir d’émettre un cautionnement ne vaut pas celui d’émettre une
garantie indépendante (Cass. 1re civ., 10 octobre 1996, RD bancaire et bourse 1996, 239, obs.
M. CONTAMINE-RAYNAUD). Seul l’engagement valant garantie est soumis à autorisation. N’est
donc pas concernée la lettre d’ordre émise par le donneur d’ordre (CA Paris, 5 avril 1996, JCP E
1997, I, 670, obs. Ph. SIMLER).
276 Sûretés et garanties du crédit

Ensuite, ces garanties sont assimilées au cautionnement en cas d’ouverture

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d’une procédure collective.
Enfin, un compromis avantageux pourrait être trouvé si la jurisprudence
française reconnaissait le cautionnement à première demande.

§ 3. Les cautionnements à première demande

364. Existence de cette garantie. – Y a-t-il place en droit français pour une
garantie dont le régime serait pour une part emprunté au cautionnement et pour
l’autre à la garantie à première demande91 ? Aujourd’hui, la réponse semble être
négative.
Lorsqu’une clause de paiement à première demande figure dans une conven-
tion, la Cour de cassation ne retient qu’une alternative92. La clause produit ses
effets si la convention souscrite est une véritable garantie autonome93. Elle est
dépourvue de toute portée si la garantie souscrite est un cautionnement94. Le
cautionnement à première demande a ainsi pu être qualifié de monstre juri-
dique95.
Cette analyse est peut-être trop radicale96. D’une part, en droit français il
existe déjà des conventions qui, bien que qualifiées de cautionnement, s’en dis-
tinguent assez fondamentalement et qui sont donc déjà des garanties bâtardes.
On peut voir dans ces garanties les prémices d’une reconnaissance du caution-
nement à première demande (A). D’autre part, le droit allemand admet bien la
validité de cette garantie alors que les principes en jeu sont les mêmes qu’en
droit français (B).

A Prémices d’une éventuelle reconnaissance


365. Faux cautionnements. – Dans des cas de plus en plus nombreux, le
législateur impose la fourniture de garanties personnelles dont il propose sou-
vent un modèle. Bien que la qualification de cautionnement soit souvent rete-
nue, le régime applicable rapproche plus ces garanties de la garantie indépen-
dante. En réalité c’est un régime mixte qui est proposé.
Des garanties personnelles consenties au profit de l’administration, pourtant
qualifiées de cautionnement, méconnaissent fortement le principe du caractère
accessoire et contiennent des clauses difficilement compatibles avec celui-ci. Il

91. Le constitut est une première alternative à cette exigence d’une garantie intermédiaire. Le cau-
tionnement à première pourrait en être une seconde. V. les observations de M. CONTAMINE-RAY-
NAUD sous Cass. com., 11 mars 1997 et Cass. 1re civ., 8 mars 1997, RD bancaire et bourse 1998, 123.
92. Contra, CA Lyon, 12 septembre 2002, RD bancaire et fin. mai-juin 2003, comm. 110, obs. D. L.
93. Le cautionnement à première demande peut constituer une véritable garantie autonome "glis-
sante : Cass. com., 2 octobre 2012, JCP E 2012, 1748, nº 12, obs. Ph. SIMLER.
94. Cass. com., 8 octobre 2003, JCP G 2004, I, 141, nº 8 et II, 10069, note S. GUTTERIEZ-LACOUR,
A.-S. BARTHES, « Cautionnement ou garantie autonome ? N’y aurait-il pas une place pour une garan-
tie hybride ? », LPA, 17 mai 2004, p. 8.
95. Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, op. cit., nº 123.
96. D. LEGEAIS, « Le cautionnement à première demande », Mélanges M. Vasseur, Banque, 2000.
Les créations de la pratique contractuelle 277

faut citer les cautionnements de marchés publics, les cautionnements souscrits

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en faveur des administrations douanières et fiscales, les garanties d’achèvement.
Dans le cadre de la conclusion d’un marché public, le Code des marchés
publics dispose que le titulaire du marché peut remplacer la retenue de garantie
sur acomptes par une caution personnelle et solidaire émanant d’un profession-
nel agréé par le ministère des Finances et souscrivant un cautionnement
conforme à un modèle donné97.
Des avances peuvent aussi être consenties au titulaire du marché dès lors
qu’un cautionnement ou qu’une garantie à première demande est délivré à l’Ad-
ministration. La formule imposée par celle-ci rapproche ce cautionnement d’une
garantie autonome. La caution s’engage en effet à effectuer sur ordre de l’admi-
nistration sans pouvoir différer le paiement ou soulever de contestations pour
quelque motif que ce soit jusqu’à concurrence de la somme garantie ci-dessus,
le versement dont le titulaire serait débiteur.
Les cautionnements souscrits en faveur des administrations douanières et
fiscales présentent des caractéristiques similaires98. Un redevable est en droit
d’obtenir des délais de paiement à la condition de fournir un cautionnement
contenant une clause de paiement à première demande.
La garantie d’achèvement définie par l’article R. 261-21 du Code de la cons-
truction et de l’habitation est un cautionnement aux termes duquel la caution
s’oblige envers l’acquéreur, solidairement avec le vendeur, à payer les sommes
nécessaires à l’achèvement de l’immeuble. Le régime appliqué à cette garantie
n’est pas celui du cautionnement sans pour autant être exactement celui de la
garantie à première demande99.
Ces différentes garanties sont comme les garanties autonomes internationa-
les nécessairement souscrites par des établissements de crédit et elles rempla-
cent des dépôts de sommes d’argent. Ces garanties ne méritent pourtant pas
cette qualification. D’une part le garant ne s’engage pas à payer une somme
prédéterminée à l’avance. D’autre part elles sont en partie soumises au régime
du cautionnement. La nature de ces garanties et la portée de la clause de paie-
ment à première demande stipulée demeurent controversées100.
Un raisonnement similaire peut être développé pour les garanties financières
professionnelles (v. supra, nº 88)101.

B L’exemple allemand
366. Intérêt du cautionnement à première demande. – En Allemagne, il a
paru opportun de reconnaître la spécificité du cautionnement à première
demande alors même que coexistaient déjà le cautionnement et la garantie

97. G. POURRET, « Les cautions de marchés réglementés en droit français : Cautions ou garanties à
première demande », LPA 1992, nº 74, p. 10.
98. Cass. civ., 3 mai 2001, RD bancaire et fin. 2001, p. 289, obs. A. C.
99. Cass. 3e civ., 12 mars 1997, RD bancaire et bourse 1998, 124, obs. M. CONTAMINE-RAY-
NAUD.
100. M. CABRILLAC et C. L. MOULY, nº 215.
101. V. obs. F. JACOB, Banque et Droit septembre-octobre 2006.
278 Sûretés et garanties du crédit

autonome102. Il est vrai que la reconnaissance de cette garantie peut être un

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moyen de réconcilier les créanciers avec le cautionnement et d’éviter la généra-
lisation de la garantie à première demande. Le garant est en effet tenu plus sévè-
rement que la caution, mais il a plus de droits que le garant à première demande.
367. Caractères fondamentaux de la garantie. – Le cautionnement à pre-
mière demande est une garantie qui est soumise jusqu’au paiement par le garant
au régime de la garantie à première demande et qui dans un second temps est
soumise aux principes gouvernant le cautionnement.
Comme un garant à première demande, celui qui souscrit un cautionnement
à première demande ne peut s’opposer au paiement en invoquant des exceptions
inhérentes à la dette. Le droit du bénéficiaire de la garantie au paiement immé-
diat ne se heurte qu’à la seule limite de l’abus de droit.
Lorsque le garant a payé, il dispose des mêmes droits qu’une caution. À la
différence d’un garant à première demande, il peut donc exercer un recours
contre le bénéficiaire s’il apparaît que ce dernier a exigé le paiement alors
qu’il n’était nullement créancier du débiteur principal. Cette action est fondée
sur l’enrichissement sans cause.
368. Validité du mécanisme. – La consécration du cautionnement à pre-
mière demande en Allemagne a donné lieu à de vives controverses. Un courant
important de la doctrine a souligné que cette garantie méconnaissait le caractère
accessoire du cautionnement qui participe de la nature même de cette garantie.
Pourtant la Cour suprême a écarté l’argument. Le cautionnement à première
demande conserve son caractère accessoire. Une fois qu’elle a payé le créancier,
la caution conserve en effet le droit de se prévaloir de toutes les exceptions
inhérentes à la dette. Le lien entre le contrat de base et l’engagement de la cau-
tion n’est donc que provisoirement distendu et le principe de l’accessoire
retrouve ainsi sa portée après le paiement.
Une limite à la validité est cependant introduite par la jurisprudence récente.
Le cautionnement à première demande émis en application d’une obligation
imposée par le créancier dans ses conditions générales d’affaires rompt l’équi-
libre des droits et obligations entre les parties en donnant au bénéficiaire un
accès facile à des fonds liquides avec, en corollaire, une possibilité d’abus103.
En droit français, une analyse similaire pourrait être consacrée. Le caractère
accessoire est peut-être de l’essence du cautionnement mais force est de cons-
tater que la règle a subi de nombreuses atteintes, principalement en cas de sur-
venance d’une procédure collective.

102. A. ROHMERT, « Le cautionnement à première demande en droit allemand », RD bancaire et


bourse 1994, 122 ; BGH, 31 janvier 1985, WM 1985, 511 : « Les questions de droit ou de fait liées à
la dette principale ne peuvent être soulevées qu’après le paiement à première demande par la caution et
ce lors du procès en remboursement intenté contre le bénéficiaire. De cette manière, le litige relatif à la
justification matérielle de la demande du créancier qui peut être assez long est reporté à une date ulté-
rieure ». Pour une comparaison de la portée de la règle de l’accessoire en droit français et en droit
allemand, V. D. EUSTERHUS, Die Akzessorietät im Bürgschaftsrecht, Eine Untersuchung zum deut-
schen und franzosischen Recht, Herbert Utz Verlag, 2002.
103. BGH, 18 avril et 7 juillet 2002, Banque et droit mars-avril 2004, p. 72, obs. G. AFFAKI et
J. STOUFFLET.
Les créations de la pratique contractuelle 279

Il est également paradoxal de refuser le cautionnement à première demande

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alors que la validité de la garantie à première demande a été admise sans trop de
difficultés au nom du principe de l’autonomie de la volonté104. Seule la désigna-
tion de la garantie sous le nom de cautionnement à première demande peut être
contestable. Mais est-ce suffisant pour en nier l’existence ?
369. Régime juridique applicable. – Comme la garantie à première
demande utilisée dans les relations internes, le cautionnement à première
demande, s’il venait à être consacré, susciterait trois séries de difficultés.
La première concerne son domaine. Il apparaît nécessaire de réserver l’utili-
sation de cette garantie aux établissements de crédit. La deuxième difficulté a
trait à la recherche des critères distinctifs de cette garantie. La qualification don-
née par les parties peut constituer un premier indice. Il faut aussi qu’une clause
fasse bien apparaître que la caution retrouve le droit d’opposer toutes les excep-
tions inhérentes à la dette une fois le paiement effectué.
Enfin, il reviendra aux juridictions de déterminer s’il revient au garant ou au
créancier de démontrer que les sommes payées par le garant ont été perçues
indûment. Le garant est bien le demandeur à l’action mais dans le droit du cau-
tionnement il revient au créancier de prouver que les sommes dont il réclame le
paiement sont bien dues par le débiteur principal.

Section 2
Les lettres d’intention
370. Définition. – Les lettres d’intention, parfois désignées sous le nom de
lettres de confort ou de patronage105 sont des engagements de portée variable106
souscrits le plus souvent par des sociétés-mères pour le compte de leurs filiales
afin de leur faciliter l’obtention de crédits107. La lettre d’intention est une créa-
tion de la pratique mais les rédacteurs de l’ordonnance du 23 mars 2006 ont
choisi de la codifier et d’en donner une définition. L’article 2322 du Code

104. L’admission libérale de la garantie glissante conforte cette analyse : Cass. com., 2 octobre 2012,
Dr. et patr. février 2013, p. 87, obs. Ph. DUPICHOT et L. AYNÈS.
105. Ces termes sont considérés comme synonymes. L’expression de lettre d’intention peut cependant
prêter à confusion. Une lettre d’intention peut en effet être un document établi à l’issue de pourparlers
contractuels. V. I. NAJJAR, « L’autonomie et la lettre de confort », D. 1989, chr. 217.
106. Dans un arrêt de principe, la Cour de cassation a ainsi considéré que « malgré son caractère unila-
téral, une lettre d’intention peut, selon ses termes, lorsqu’elle a été acceptée par son destinataire et eu
égard à la commune intention des parties, constituer à la charge de celui qui l’a souscrite un engagement
contractuel de faire ou de ne pas faire pouvant aller jusqu’à l’obligation d’assurer un résultat si même elle
ne constitue pas un cautionnement » ; Cass. com., 21 décembre 1987, D. 1989, 112, note J.-P. BRILL ;
Rev. sociétés 1988, 403, note H. SYNVET ; JCP G 1988, II, 2113, concl. MONTANIER.
107. A. VIGNON-BARRAULT, « L’avenir des lettres d’intention », RRJ 2002-2, p. 821 ; E. ANCEL,
« Les lettres de confort en DIP », Dr. et patr. juillet-août 2002, p. 61 ; Y. PIETTE, « Mystères et para-
doxes des lettres de confort », Bull. Joly, mai 2003, p. 528 ; M.-E. MATHIEU-BOUYSSOU, « Contribu-
tion à l’étude de la lettre de confort, engagement de faire le nécessaire », RD bancaire et fin.
janvier-février 2003, p. 60 ; Ch. WATRIGANT, « Régime des lettres d’intention », Actes prat. 2003,
nº 69.
280 Sûretés et garanties du crédit

civil énonce ainsi que « la lettre d’intention est l’engagement de faire ou de ne

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pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l’exécution de
son obligation envers son créancier »108.
Le signataire de la lettre exprime ainsi son intention de soutenir un débiteur
et de faire en sorte que celui-ci soit en mesure de remplir ses engagements.
Cette codification fait l’objet d’appréciations diverses. Plusieurs critiques
sont formulées.
L’intérêt de la lettre est sa souplesse. Ne risque-t-on pas de freiner son déve-
loppement ?
La définition proposée ne correspond pas à l’ensemble des lettres d’in-
tention.
Enfin, en qualifiant l’ensemble des lettres de sûretés, le législateur les sou-
met à un régime contraignant au regard de la législation relative aux sociétés
anonymes.
L’impératif de lisibilité du Code civil imposait-il de telles contraintes109 ?
371. Finalité des lettres d’intention. – Les motivations des rédacteurs de
lettre d’intention sont variées.
Tout d’abord, celui qui souscrit un tel engagement peut souhaiter s’engager
dans des termes volontairement flous. Une société-mère entend par exemple
susciter un sentiment de confiance au profit de l’une de ses filiales sans pour
autant véritablement s’engager. Les lettres d’intention de la première généra-
tion, simples engagements d’honneur, traduisaient cette première exigence110.
Ces lettres n’étaient pas destinées à être produites et la garantie reposait donc
principalement sur le respect de la parole donnée. La valeur de la garantie était
donc essentiellement liée à la qualité et à la surface financière du signataire.
La lettre d’intention peut ensuite être utilisée comme substitut au cautionne-
ment. Les parties tentent alors d’écarter l’application de règles considérées
comme trop contraignantes comme la nécessité pour le dirigeant d’une SA de
se faire autoriser par son conseil ou l’obligation de faire apparaître la garantie
parmi les engagements hors bilan.
Enfin, d’autres lettres, les plus nombreuses, donnent naissance à des enga-
gements juridiques sans pour autant revêtir totalement les caractères du caution-
nement. Le signataire peut alors prendre soit l’engagement de rembourser la
dette de la filiale, soit un engagement de nature différente. La diversité des let-
tres impose dès lors que soit établi un classement (§ 1). Cette distinction est
cependant délicate à mettre en œuvre111. Elle semble pour cette raison être en
passe d’être abandonnée dès lors qu’il s’agit de déterminer les lettres d’intention
constitutives de garantie (§ 2).

108. D. HOUTCIEFF, « La garantie autonome et les lettres d’intention », JCP 2006, nº spécial 17 mai
2006 ; N. RONTCHEVSKY, « Les dispositions relatives au droit des sûretés personnelles », D. 2006,
p. 1303.
109. S. JAMBORT, « À propos de l’ordonnance du 23 mars 2006, Les lettres d’intention sont-elles
mortes ? », Bull. Joly 2007, p. 669.
110. B. OPPETIT, « L’engagement d’honneur », D. 1979, chr. 107.
111. D. LEGEAIS, Travaux dirigés de droit des sûretés, Litec, 2002, 159.
Les créations de la pratique contractuelle 281

§ 1. Classement des lettres d’intention

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372. Diversité des lettres. – Le classement des lettres est essentiel car elles
ne confèrent pas toutes à leurs bénéficiaires les mêmes droits. Certaines sont
assimilables à des cautionnements. D’autres n’ont aucune portée juridique.
Entre ces deux extrêmes, il y a la place pour des lettres dans lesquelles le signa-
taire prend des engagements de nature et d’intensité variable. Lorsque le béné-
ficiaire de la lettre entend s’en prévaloir, il engage le plus souvent la responsa-
bilité du signataire. Il est alors important de déterminer si la lettre donne
naissance à une obligation de moyen ou à une obligation de résultat. Des consé-
quences sont en effet attachées à cette distinction classique. Cependant, comme
souvent, celle-ci se révèle délicate à mettre en œuvre. Pour cette raison, il est
proposé de faire appel à une autre distinction opposant promesse comportemen-
tale et satisfactoire112. La première est celle dans laquelle le garant s’engage à
infléchir son propre comportement en supposant que cela améliorera par contre-
coup la probabilité que le contrat principal soit bien exécuté. L’obligation satis-
factoire consiste à promettre au créancier qu’il recevra ce qu’il attendait. Seules
les premières sont des obligations de faire, alors que les secondes couvrent un
risque de crédit. Quatre types de lettres d’intention peuvent ainsi être distingués,
même si en pratique, il est souvent difficile d’appliquer les critères de distinc-
tion retenus. Il faut ainsi opposer les lettres dépourvues de portée juridique (A)
celles constitutives de cautionnement (B), celles donnant naissance à des obli-
gations de résultat (C) et celles donnant naissance à des obligations de
moyen (D).

A Lettres sans portée juridique


373. Critère de qualification. – À l’origine, la lettre d’intention constituait
le parfait exemple de l’engagement d’honneur. Le document signé a alors sim-
plement une valeur morale. Elle ne donne naissance à aucune obligation. En
aucun cas, son bénéficiaire ne peut en obtenir l’exécution forcée.
Les termes de la lettre doivent très généraux. Il est ainsi demandé à celui qui
recevra la lettre de faire bon accueil à la personne qu’il recevra. De même, le
président d’un groupe peut faire part de sa politique de soutien de sa filiale113.
De telles lettres ont longtemps suffi. Le respect de la parole était alors en
usage dans la pratique des affaires. Le déclin de l’éthique des affaires a conduit
à faire évoluer la pratique des lettres. Ceux qui les réclament exigent alors des
engagements juridiques de la part des signataires.

B Lettres constitutives de cautionnement


374. Critère de qualification. – Le cautionnement n’est soumis à aucune
forme. Dans une lettre le signataire peut donc très bien préciser que la société

112. E. NETTER, Les sûretés personnelles reposant sur une obligation de faire, Le crédit, Dalloz,
2012, p. 91.
113. CA Paris, 4 mai 1993, Bull. Joly 1993, 729, note Ph. DELEBECQUE.
282 Sûretés et garanties du crédit

qu’il dirige s’engage à se substituer à sa filiale si cette dernière est défaillante.

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Dès lors qu’il s’agit d’un engagement ferme la requalification de la lettre en
cautionnement paraît s’imposer. De telles lettres sont fréquentes et pourtant les
requalifications en cautionnement sont rares. La Cour de cassation entend
semble-t-il préserver la spécificité des lettres en laissant la place pour les lettres
qui ont tous les caractères du cautionnement sans pour autant recevoir une telle
qualification. C’est un grave facteur de confusion.

C Lettres donnant naissance à des obligations de résultat


375. Distinction. – Une personne souscrit une obligation de résultat lors-
qu’elle promet ce résultat. La responsabilité de celui qui s’oblige est retenue si
le résultat promis n’est pas obtenu, sauf cas de force majeure.
Il existe deux catégories de lettres d’intention pouvant donner naissance à
de tels engagements.
En premier lieu, le signataire peut souscrire une obligation de faire, diffé-
rente d’une obligation de payer. Il en existe de nombreux exemples. Le signa-
taire peut s’engager à maintenir le montant de sa participation dans sa filiale à
un certain pourcentage. Il peut s’engager à conserver un compte-courant d’as-
socié à concurrence d’une somme fixée114. Une société-mère peut prendre l’en-
gagement d’assurer l’intégralité des besoins financiers de sa filiale par apport en
compte courant115. Il peut souscrire une obligation d’information, s’engageant
par exemple à avertir le créancier d’un changement de contrôle.
En second lieu, le signataire peut prendre un engagement de se substituer à
la filiale défaillante116. L’engagement est alors souvent qualifié d’obligation de
résultat117 et non de cautionnement ce qui présente deux inconvénients majeurs.
D’une part, il est très difficile de distinguer cet engagement du cautionnement.
D’autre part, le critère de qualification de cette obligation de résultat est
lui-même tout à fait incertain.
Pour remédier aux incertitudes jurisprudentielles, deux propositions doctri-
nales ont été défendues.
Selon une première thèse, il conviendrait de requalifier systématiquement les
engagements de remboursement des dettes de la filiale en cautionnement. Selon
une seconde thèse118, les obligations de résultat seraient en réalité des promesses
de porte-fort. C’est donc le régime de ces dernières et non plus celui du caution-
nement qui doit leur être appliqué. La promesse de porte-fort étant analysée en

114. Cass. com. 25 octobre 2011, JCP G 2012, 626, obs. Ph. SIMLER.
115. Cass. com., 24 octobre 2000, JCP E 2001, 1043, obs. Ph. SIMLER.
116. Cass. com., 12 décembre 2002, JCP E 2004, nº 13, obs. Ph. SIMLER.
117. Cass. com., 26 février 2002, JCP E 2002, 918, note D. LEGEAIS ; Bull. Joly, mai 2002, p. 608,
note J.-F. BARBIERI ; Banque et droit mai-juin 2002, p. 42, obs. N. R. ; D. 2002, p. 3331, obs.
L. AYNÈS ; JCP E 2003, 852, obs. Ph. SIMLER ; JCP E 2002, 234, note G. FERREIRA ; Bull. Joly,
novembre 2002, 1176, note J.-F. BARBIERI ; Defrénois 2002, 1614, note R. LIBCHABER ;
Cass. com., 17 mai 2011, JCP 2011, 1279, obs. Ph. SIMLER ; Banque et droit juillet 2011, 36, obs.
N. RONTCHEVSKY ; Contrats, conc. consom. août 2011, p. 13, obs. L. LEVENEUR.
118. Ph. SIMLER, « Peut-on substituer la promesse de porte-fort à certaines lettres d’intention comme
technique de garantie ? », RD bancaire et bourse 1997, p. 223.
Les créations de la pratique contractuelle 283

une garantie indemnitaire, son souscripteur doit réparer le préjudice causé119.

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Celui-ci n’est pas nécessairement égal au montant des impayés. Le souscripteur
d’une promesse de porte-fort, à la différence du créancier d’une obligation de
résultat, peut se libérer en prouvant l’existence d’une cause étrangère.
La Cour de cassation après avoir attaché une importance essentielle à la dis-
tinction classique opposant les obligations de résultat aux obligations de moyens,
semble évoluer. Elle s’attache aujourd’hui à une autre distinction opposant les
lettres constitutives de garantie et celles qui n’en sont pas (v. infra, nº 349).
376. Critère de qualification. – Il n’est pas toujours facile de déceler l’exis-
tence d’un engagement devant être qualifié d’obligation de résultat. La termino-
logie utilisée dans la lettre doit traduire la fermeté de l’engagement pris. La
rédaction de la lettre doit montrer que son auteur n’entend pas se ménager une
faculté d’appréciation. Pour cette raison, la formule « faire tout le nécessaire
pour » est généralement considérée comme le révélateur de l’existence d’une
obligation de résultat120. Il en va de même des expressions « prendre toutes les
dispositions pour que », « faire en sorte que », « assurer la couverture des
besoins financiers de la filiale », « en toute hypothèse assurer la bonne fin
d’une opération »121.
377. Régime de la lettre donnant naissance à une obligation de
résultat. – Dès lors que la qualification d’obligation de résultat est retenue, plu-
sieurs solutions s’imposent122.
Le souscripteur de l’engagement engage sa responsabilité dès lors que le
résultat promis n’est pas atteint. Il ne peut se dégager qu’en invoquant la force
majeure ou le cas fortuit. Il incombe au signataire de démontrer que les condi-
tions de l’exonération de responsabilité sont réunies123.

D Lettres donnant naissance à des obligations de moyens


378. Critère de qualification. – La qualification d’obligation de moyens
s’impose dès lors que le souscripteur ne promet pas un résultat donné. Il s’en-
gage tout au plus à essayer de parvenir au résultat promis. L’engagement sous-
crit n’a donc plus la même fermeté. Les termes « faire son possible », « s’effor-
cer de » révèlent ainsi l’existence d’une obligation de moyens.
379. Régime de l’obligation de moyens. – Le bénéficiaire d’une lettre com-
portant un engagement de cette nature ne peut plus se contenter de démontrer
que le résultat promis n’a pas été atteint. Il doit aussi rapporter la preuve de la

119. G. FERREIRA, Les garanties indemnitaires, Thèse Versailles, 2002.


120. Cass. com., 11 janvier 2005, JCP E 2005, 1860, nº 11, obs. Ph. SIMLER ; Dr. sociétés 2005,
comm. 5, obs. F.-G. TREBULLE.
121. Cass. com., 16 novembre 2004, JCP E 2005, 915, nº 11, obs. Ph. SIMLER ; Cass. com. 20 février
2007, JCP E 2008, 1036, obs. Ph. SIMLER.
122. L’article 1326 ne s’applique pas, Cass. com., 17 décembre 2002, RD bancaire et fin. mars-avril
2003, comm. 73, obs. A. C.
123. Cass. com., 19 avril 2005, JCP E 2005, 915, nº 11, obs. Ph. SIMLER ; RD bancaire et fin.
juillet-août 2005, p. 21, obs. A. C. ; Dr. et patr. février 2006, p. 130, obs. Ph. DUPICHOT.
284 Sûretés et garanties du crédit

faute de celui qui s’est engagé124. Ce dernier quant à lui peut s’exonérer en

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démontrant qu’il n’a commis aucune faute. Alors même que le résultat promis
n’a pas été atteint, il n’engage donc pas nécessairement sa responsabilité.

§ 2. Lettres constitutives de garantie


380. Critère. – Dès lors qu’elle est constitutive d’une garantie au sens de
l’article L. 225-35 du Code de commerce (ex-art. 98 de la loi du 24 juillet
1966), la lettre d’intention doit faire l’objet d’une autorisation préalable du
conseil d’administration. Si tel n’est pas le cas, la lettre comme le cautionne-
ment est inopposable à la société. Le bénéficiaire de la lettre ne peut alors
faire jouer sa garantie.
Il n’est pas facile de déterminer quelles sont les lettres constitutives de
garantie, cette notion étant elle-même source de controverses. La doctrine a pro-
posé plusieurs grilles de lecture des lettres d’intention.
Selon une première thèse, il conviendrait de retenir une conception large de
la garantie. Toutes les lettres comportant un engagement de payer devraient
ainsi recevoir cette qualification. Il importe alors peu que l’engagement souscrit
soit de résultat ou de moyens.
Selon une deuxième thèse, plus restrictive, seules les lettres d’intention
constitutives de cautionnement ou donnant naissance à des obligations de résul-
tat méritent la qualification de garantie.
La Cour de cassation a consacré cette analyse125 mais elle la formule aujour-
d’hui autrement, ce qui démontre peut-être sa volonté d’opposer purement
et simplement les lettres constitutives de garanties et celles qui ne le sont
pas126. Pour la Chambre commerciale, la lettre d’intention est une garantie
dès lors qu’elle comporte un engagement ferme de la part du signataire de
rembourser la dette de la filiale. Un tel engagement ferme existe lorsque la let-
tre est requalifiée en cautionnement et lorsque la lettre donne naissance à une
obligation de se substituer à la filiale qualifiée d’obligation de résultat127. Inver-
sement, la lettre n’est pas constitutive d’une garantie lorsque le signataire ne
prend aucun engagement de se substituer purement et simplement à ceux de sa
filiale, qu’il n’est donc tenu que d’une obligation de moyens128.

124. Cass. com., 18 mai 2005, RD bancaire et fin. septembre-octobre 2005, comm. 173, obs. A. C. :
Dr. et patr. février 2006, p. 131, obs. Ph. DUPICHOT.
125. Cass. com., 26 janvier 1999, JCP G 1999, II, 1007, note D. LEGEAIS et G, I, 1556, nº 7, obs.
Ph. SIMLER ; Bull. Joly 1999, p. 540, note J.-F. BARBIÉRI ; D. 1999, J 577, note L. AYNÈS ; Defrénois
1999, art. 37008, p. 740, obs. D. MAZEAUD ; RTD civ. 11999, p. 833, obs. J. MESTRE ; RTD com.
1999, p. 424, obs. Cl. CHAMPAUD et Y. DANET ; Banque et droit mai-juin 1999, 43, obs. N. R.
CA Paris, 21 juin 2000 et 16 juin 2001, RD bancaire et fin. mars-avril 2002, comm. 57, obs. A. C.
126. V. aussi CA Paris, 16 janvier 2001, Banque et droit mai-juin 2001, p. 49, obs. N. R. ; Bull. Joly,
avril 2001, p. 374, note H. LE NABASQUE.
127. Cass. com., 18 avril 2000, JCP E 2000, 2007, note L. LEVENEUR et 1043, obs. Ph. SIMLER ;
Bull. Joly, juillet-août 2000, 801, note J.-F. BARBIERI ; D. 2001, somm. 700, obs. L. AYNÈS ; Rev.
sociétés 2000, 520, note A. CONSTANTIN ; RD bancaire et fin. 2000, 230, obs. J.-P. MATTOUT ;
Banque et droit juillet-août 2000, p. 53, obs. N. R.
128. Cass. com., 18 avril 2000, D. 2001, somm. 700, obs. L. AYNÈS ; Rev. sociétés 2000, 520, note
A. CONSTANTIN. CA Paris, 16 janvier 2001, Bull. Joly, avril 2001, p. 374, note H. LE NABASQUE.
Les créations de la pratique contractuelle 285

La jurisprudence fluctuante n’est pas d’une limpidité absolue et des interro-

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gations subsistent.
D’une part il est difficile de définir une lettre d’intention comportant un
engagement ferme de remboursement des dettes de la filiale qui n’est pas un
cautionnement.
D’autre part, la Cour de cassation semble elle-même hésiter. Ainsi à un an
d’intervalle, la Chambre commerciale a-t-elle donné de la même formule « faire
tout le nécessaire » deux interprétations différentes. Par plusieurs décisions129,
elle a refusé la qualification de garantie au motif que l’obligation souscrite
n’était que de moyens. Dans une décision130, elle a approuvé une cour d’appel
d’avoir considéré que le souscripteur d’une lettre contenant l’engagement ferme
de la société-mère de faire tout le nécessaire pour que la filiale dispose d’une
trésorerie suffisante lui permettant de faire face à ses engagements, avait bien
garanti au créancier le remboursement de la dette. La cour d’appel avait retenu
la qualification d’obligation de résultat.
La Cour de cassation, dans cette dernière décision, pose cependant une
exigence. La juridiction saisie ne doit pas se fonder sur l’existence de l’auto-
risation du conseil pour qualifier la lettre. Une lettre peut ainsi avoir fait l’ob-
jet d’une autorisation préalable et ne donner naissance qu’à une obligation de
moyens. Inversement, une lettre n’ayant pas fait l’objet d’autorisation peut
être qualifiée de garantie et être en conséquence déclarée inopposable à la
société. Par plusieurs autres décisions, la Cour de cassation a confirmé cette
analyse et réaffirmé que l’engagement de faire tout le nécessaire est bien une
obligation de résultat131.
Ces solutions peuvent être remises en cause en raison de l’introduction de la
définition de la lettre d’intention dans le Code civil. Toutes les lettres d’inten-
tion sont désormais considérées comme de véritables sûretés (art. 2287-1). Elles
doivent donc quelle que soit leur portée être soumises à l’approbation préalable
des conseils d’administration et du conseil de surveillance des sociétés anony-
mes (art. L. 22-35 et L. 225-68, C. com.). Elles doivent aussi être publiées au
bilan conformément à l’article L. 232-1 du Code de commerce. Si cette analyse
est consacrée132, c’est la mort prévisible des lettres d’intention. Une autre cause
de désaffection de la lettre est son assimilation au cautionnement en cas d’ou-
verture d’une procédure collective. C’est la conséquence de la qualification de
sûreté conférée à toutes les lettres.

129. Cass. com., 26 janvier 1999, JCP E 1999, 674, note D. LEGEAIS ; Banque et droit mai 1999,
p. 43, obs. N. R.
130. Cass. com., 26 février 2002, op. cit., note 75.
131. Cass. com., 11 janvier 2005, Dr. sociétés 2005, comm. 5, obs. G. TREBULLE ; Cass. com.,
19 avril 2005, JCP G 2005, I, 185, obs. Ph. SIMLER.
132. V. cep. les réserves de P. LE CANNU, RTD com. 2006, 421.
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Deuxième partie

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Les garanties réelles

381. Un droit réformé en profondeur. – La sûreté réelle confère à son


bénéficiaire un droit sur un ou plusieurs biens appartenant à son débiteur ou à
un tiers. Elle se distingue donc fondamentalement de la sûreté personnelle. Le
créancier a alors un droit personnel contre une personne autre que le débiteur
principal. Le droit des sûretés réelles est dans l’orbite du droit des biens. Il en
résulte une plus grande stabilité et même une plus grande rigidité du droit des
sûretés réelles par rapport au droit des sûretés personnelles. Les parties n’ont
pas la possibilité de créer librement de nouvelles sûretés réelles.
Le droit des sûretés réelles a été profondément modifié par l’ordonnance en
date du 23 mars 2006 réformant les sûretés, la loi du 19 février 2007 introduisant
la fiducie1, la loi du 3 août 2008 de modernisation de l’économie, l’ordonnance
du 18 décembre 2008 réformant le droit des procédures collectives, l’ordonnance
du 30 janvier 2009 relative à la fiducie sûreté et la loi de simplification du droit
du 12 mai 2009. Les modifications sont profondes et concernent aussi bien la
terminologie que les caractères essentiels des différentes sûretés. Il est permis de
regretter que la réforme n’ait pas permis de construire un véritable droit commun
des sûretés réelles2. Beaucoup de propositions du groupe de travail chargé de la
réforme n’ont pas été reprises dans l’ordonnance. Il existe pourtant des principes
communs à l’ensemble des sûretés réelles qui doivent être présentés en introduc-
tion (chapitre 1).
La réforme, dans un souci de clarification, distingue les sûretés mobilières et
les sûretés immobilières. Cependant, s’il apparaît que certaines sûretés sont
nécessairement mobilières tels le gage mobilier et le nantissement, et d’autres
nécessairement immobilières telles l’hypothèque et le gage immobilier, d’autres
peuvent être mobilières ou immobilières. C’est le cas du cautionnement réel,
des privilèges et des sûretés conférant à leurs bénéficiaires une situation d’ex-
clusivité : le droit de rétention et la propriété-garantie. Les garanties conférant
une situation d’exclusivité s’opposent ainsi aujourd’hui aux sûretés conférant
un droit de préférence. L’opposition entre les deux catégories de garanties
aurait pu constituer la nouvelle summa divisio du droit des sûretés. Cependant

1. P. CROCQ, « La réforme des sûretés mobilières », in Le droit des sûretés à l’épreuve des réfor-
mes, sous la direction de P. CROCQ et Y. PICOD, Éditions juridiques et techniques, 2006, p. 17. L’or-
donnance ratifiée par une loi du 20 février 2007 a déjà fait l’objet de modifications : Lois 21 décembre
2006 ; art. 10 L. 20 février 2007 ; Ph. DUPICHOT, « L’efficience économique du droit des sûretés réel-
les », LPA 16 avril 2010, p. 7.
2. Ph. STOFFEL-MUNCK, « Premier bilan de la réforme des sûretés en droit français », Dr. et patr.
avril 2012, p. 56.
288 Sûretés et garanties du crédit

cette présentation aurait eu pour principal mérite de faire apparaître l’incohé-

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rence de notre législateur qui consacre un certain nombre de sûretés tout en
conférant sa préférence à des mécanismes de nature à les rendre sans effets.
L’introduction de la fiducie par l’ordonnance en date du 20 février 2007 et
celle du 30 janvier 2009 conduit à adopter une nouvelle présentation du droit
des sûretés réelles. La fiducie-sûreté n’est pas une sûreté comme les autres. Elle
a nécessairement une place à part. En premier lieu, elle bouleverse les concepts
fondamentaux de notre droit des biens et des sûretés. En second lieu, cette
sûreté n’est pas soumise aux contraintes imposées aux sûretés classiques. La
liberté conférée aux parties pour aménager la sûreté est étendue. L’efficacité
conférée à la garantie est meilleure que celle offerte aux sûretés traditionnelles.
On peut dès lors comparer la fiducie à la SAS en droit des sociétés. Dans les
deux cas, il existe de nombreux modèles soumis à un régime impératif et un
modèle qui permet de s’affranchir de la plupart des contraintes. Il est dès lors
légitime de penser que dans un avenir plus ou moins proche, la propriété garan-
tie prenne une place de plus en plus considérable. L’expérience du droit alle-
mand montre que ce type de garantie, par son caractère général et son efficacité,
ne laisse guère de place pour les autres. Si les parties en font un large usage et
utilisent toutes les possibilités offertes, elle peut devenir la reine des sûretés. Le
droit français des sûretés n’en sortira pas forcément gagnant dans la mesure où
l’exemple allemand montre que le choix de la propriété garantie généralisée
n’est pas forcément celui de la simplicité.
En généralisant la propriété garantie, le législateur a pris ainsi un risque
important. Tout d’abord, il compromet l’équilibre voulu en 2006 entre les dif-
férentes garanties. Alors qu’il est concevable d’opérer un choix entre plusieurs
systèmes de garanties, le droit français se caractérise aujourd’hui précisément
par son absence de choix. Tous les types de sûretés sont consacrés, alors que
dans le même temps, les distinctions entre elles s‘estompent largement. Ensuite,
il va à contre-courant de l’évolution internationale qui favorise le modèle hypo-
thécaire. Enfin, il met en scène une sûreté dont les effets ne peuvent être exac-
tement mesurés et dont le régime demeure incertain. Son effet de parasitage des
sûretés classiques résulte cependant de son assiette illimitée et de son caractère
occulte inévitablement source de conflits.
Pour tenir compte de cette évolution récente, il faut donc présenter, dans un
premier temps, les sûretés traditionnelles du droit français modernisées lors de
la réforme réalisée en 2006 (Titre I). Dans un second temps, il convient de faire
apparaître la spécificité de la propriété garantie qui constitue une véritable rup-
ture avec notre tradition et qui est susceptible de parasiter les sûretés classiques
(Titre II). Dans un chapitre préliminaire, il convient de présenter les caractéris-
tiques fondamentales des sûretés réelles.
Chapitre 1

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Présentation des sûretés réelles

382. Diversité des sûretés réelles. – Plusieurs sûretés réelles ont toujours
été consacrées par notre système juridique, même si, selon les époques, leur
appellation et leur régime ont pu évoluer.
Depuis la réforme réalisée par l’ordonnance du 23 mars 2006, le gage est
par essence une sûreté ayant pour assiette un bien meuble corporel. Le nantis-
sement est une sûreté qui porte sur un bien incorporel. L’hypothèque est une
sûreté sans dépossession portant sur un immeuble. Le gage immobilier
(ex-antichrèse) est une sûreté avec dépossession portant sur un immeuble. Tou-
tes ces sûretés ont pour caractéristique commune de conférer un droit de préfé-
rence à leurs bénéficiaires. D’autres sûretés réelles sont plus efficaces dans la
mesure où elles confèrent à leurs bénéficiaires une situation d’exclusivité. Il
faut citer le droit de propriété utilisée à des fins de garantie et le droit de réten-
tion qui permet au rétenteur d’une chose de la conserver dans l’attente du paie-
ment des sommes qui lui sont dues par le propriétaire. Les sûretés réelles sont
ainsi d’une grande diversité mais elles ont en commun des caractères essentiels
(section 1). Le droit français des garanties réelles, résultat d’une longue histoire,
n’avait jamais fait l’objet d’une réforme en profondeur. Celle-ci vient d’être
entreprise. Les grandes orientations retenues par les rédacteurs du texte doivent
être présentées (section 2). Les créanciers disposent aujourd’hui d’un large
éventail de garanties. Les critères de choix doivent être éclairés (section 3).

Section 1
Caractères essentiels des différentes sûretés réelles
383. Absence de définition légale. – La sûreté réelle se reconnaît à ses
caractères essentiels qui la distinguent de la sûreté personnelle. La définition
s’applique à plusieurs mécanismes (§ 1). La diversité des sûretés réelles impose
des classifications (§ 2).

§ 1. Définition de la sûreté réelle

384. Jusqu’à la réforme, la définition de la sûreté réelle était doctrinale et


donc en partie incertaine. La réforme pouvait être une occasion de clarification.
290 Sûretés et garanties du crédit

Il avait en effet été envisagé la rédaction d’un article reprenant les deux critères

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dégagés par la doctrine pour définir cette sûreté. La sûreté réelle est l’affectation
d’un bien au profit du créancier. Elle permet un paiement préférentiel ou exclu-
sif. Finalement, cette définition n’a pas été reprise dans l’ordonnance. Même
s’ils ne sont pas inclus dans la définition, d’autres éléments sont importants
car ils éclairent le régime de la sûreté réelle. Celle-ci, comme toute sûreté, a
un caractère accessoire. Elle confère à son bénéficiaire, selon la doctrine clas-
sique1, un droit réel.
385. L’affectation d’un bien au paiement préférentiel du créancier. – La
sûreté réelle repose sur la technique de l’affectation d’un bien au profit du
créancier. Ce dernier se voit ainsi conférer un droit particulier, le plus souvent
réel, sur un ou plusieurs biens composant le patrimoine du constituant. Cette
affectation doit permettre d’assurer un paiement préférentiel du créancier.
Ainsi, le créancier bénéficiaire d’une sûreté réelle va-t-il pouvoir échapper à la
loi du concours. Il va avoir la possibilité d’être payé avant les créanciers chiro-
graphaires.
Le paiement préférentiel implique cependant que le créancier se trouve en
concurrence avec d’autres créanciers. Le paiement préférentiel n’assure donc
pas nécessairement au créancier la certitude d’être payé. Le plus souvent, le
créancier va exercer un droit de préférence sur le prix de vente du bien affecté
en garantie. Sur ce prix, les différents créanciers ayant une sûreté réelle viennent
en concurrence et sont classés en fonction du rang de leur sûreté.
Parfois, cependant, la sûreté réelle confère plus qu’un droit au paiement pré-
férentiel à son bénéficiaire. Tel est le cas lorsque le créancier va bénéficier
d’une situation d’exclusivité. Il ne craint ainsi aucune concurrence si la sûreté
l’investit d’un droit de propriété sur le bien.
Cette définition de la sûreté s’applique sans difficulté aux sûretés classiques.
L’ordonnance a même une fonction de clarification en qualifiant expressément
la propriété garantie de sûreté. Le droit de rétention, même s’il a une place à
part, semble aussi devoir être qualifié de sûreté. L’hésitation demeure permise
pour des mécanismes tels le crédit-bail. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une
forme de propriété garantie. Mais les propriétés garanties sont consacrées en
nombre limité.
386. Caractère accessoire de la sûreté réelle. – En droit français, les sûre-
tés réelles sont accessoires. La sûreté réelle va donc suivre la créance garantie,
se transmettre et s’éteindre avec elle.
Cette affirmation est importante car elle ne va pas de soi. Dans certains sys-
tèmes juridiques, la sûreté réelle n’est pas accessoire. Elle ne suit pas nécessai-
rement la créance garantie.

1. Contra l’analyse de Ch. GIJSBERS, Sûretés réelles et droit des biens, thèse Paris II, 2012, sous la
direction de M. GRIMALDI. Pour l’auteur, il existe une différence de nature qui oppose les sûretés
réelles et les droits réels. Contrairement au droit réel, l’objet de la sûreté réelle n’est pas de permettre
à son titulaire de s’approprier tout ou partie de la richesse représentée par le bien remis en garantie. Il
s’agit d’éviter au créancier une perte patrimoniale en cas de défaillance du débiteur, résultat qui ne peut
être atteint qu’en « taillant » dans les droits acquis sur le bien grevé par les tiers sur le patrimoine
desquels la sûreté reporte le poids de l’insolvabilité du débiteur (p. 645).
Présentation des sûretés réelles 291

L’ordonnance apporte cependant des tempéraments au caractère accessoire

international.scholarvox.com:UCAO Côte d'Ivoire:1072683038:88814800:160.120.150.211:1573567321


de la sûreté, principalement s’agissant de l’hypothèque ou de la fiducie rechar-
geable.
387. Nature de droit réel. – La sûreté réelle fait en principe naître au profit
de son bénéficiaire un droit réel2. La doctrine classique classe les sûretés réelles
parmi les droits réels accessoires. Il en résulte qu’elle bénéficie du régime appli-
cable au droit réel. Ce dernier confère un droit de préférence et un droit de
suite. Il a un caractère indivisible. Il existe une indivisibilité quant à l’assiette
qui signifie que chacun des biens grevés et chaque portion du bien répondent de
l’intégralité de la dette garantie. L’indivisibilité quant à l’obligation garantie
signifie que la sûreté est maintenue en totalité alors même que l’obligation
garantie viendrait à être divisée3. Les raisons de remise en cause de l’affirmation
existent pourtant.
Le droit réel doit en principe porter sur un bien individualisé. Or, dans cer-
tains cas, la sûreté réelle va avoir pour assiette un ensemble de biens. Tel est le
cas des privilèges. Parfois également le bien ne sera pas identifié. L’hypothèse
envisagée est alors celle des biens fongibles.
Une autre difficulté théorique peut tenir à l’assiette de la sûreté réelle.
Peut-on considérer que la sûreté réelle donne naissance à un droit réel dès lors-
qu’elle porte sur un bien incorporel ? La doctrine classique conteste qu’un droit
réel puisse porter sur un droit incorporel. La doctrine contemporaine est plus
favorable à une telle reconnaissance.
La définition de la sûreté réelle est ainsi liée à l’évolution de la doctrine
relative à la notion de droit réel. Les débats affectant les critères de distinction
du droit personnel et du droit réel ne peuvent ainsi être ignorés même s’ils ont
peu d’incidences sur le régime applicable à la garantie4.

§ 2. Classification

388. Critères de distinctions. – Alors qu’elle aurait dû permettre une réduc-


tion du nombre de garanties, la réforme réalisée a en réalité augmenté le choix
offert aux créanciers. Une typologie des sûretés réelles peut cependant être dres-
sée à partir de plusieurs critères. La réforme réalisée prend pour critère de dis-
tinction majeure, l’assiette des garanties. D’autres éléments distinctifs sont
pourtant importants.

A Assiette de la garantie
389. Distinction des sûretés mobilières et immobilières. – La distinction
des sûretés mobilières et des sûretés immobilières est la summa divisio des

2. Pour une analyse détaillée : R. PERRIER, Le droit réel de garantie, contribution à la notion de
droit réel sur la chose d’autrui, Thèse Paris V, 2005.
3. J. SOUHAMI, « Retour sur le principe d’indivisibilité des sûretés réelles », RTD civ 2008, 27.
4. Pour une contestation plus radicale de la qualification de droit réel, v. Ch. GIJSBERS, op. cit.

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