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Fasc. 786 : FIDUCIE.

– Effets et extinction
JurisClasseur Droit bancaire et financier

Date du fascicule : 6 Juillet 2023


Date de la dernière mise à jour : 6 Juillet 2023

Fasc. 786 : Fiducie


. – Effets et extinction

Claude Witz - Agrégé des facultés de droit - Professeur émérite de l'université de la Sarre

André Prüm - Agrégé des facultés de droit - Professeur à l'université du Luxembourg

Points-clés

Le contrat de fiducie fait naître sur la tête de chaque acteur un faisceau de droits, de prérogatives et d'obligations. Le constituant a l'obligation de
transférer les biens au fiduciaire et, en principe, de lui verser une rémunération. Il bénéficie de diverses prérogatives destinées à préserver ses intérêts.
Il peut librement révoquer la fiducie s'il en est l'unique bénéficiaire (V. n° 1 à 12 ).

Acteur clef dont dépend le bon déroulement de la fiducie, le fiduciaire doit tenir le patrimoine fiduciaire séparé de son patrimoine propre, rendre compte
de sa mission qu'il est tenu d'exercer personnellement, agir avec diligence et loyauté sous peine d'engager sa responsabilité civile, voire pénale. Dans
ses relations avec les tiers, le fiduciaire est tenu d'indiquer sa qualité. Il est présumé disposer des pouvoirs les plus étendus à moins que le tiers n'en
connaisse les limites, auquel cas les actes irréguliers sont annulables (V. n° 13 à 33 ).

Le bénéficiaire se voit reconnaître diverses prérogatives spécifiques, auxquelles s'ajoutent les règles de la stipulation pour autrui lorsqu'il est tiers au
contrat. Ses droits ont une nature personnelle et non réelle, même si sa position est renforcée par rapport à celle du titulaire d'un simple droit de créance
(V. n° 34 à 40 ).

Acteur facultatif pouvant être nommé par le constituant, le tiers protecteur bénéficie de diverses prérogatives, auxquelles s'ajoutent le cas échéant celles
que le constituant aura pu lui confier (V. n° 41 et 42 ).

Clef de voûte de la fiducie, le patrimoine fiduciaire est composé d'un actif et d'un passif propre, constitué par les créances nées de la gestion. Toutefois,
en cas d'insuffisance du patrimoine fiduciaire, le constituant ou le fiduciaire répondent en principe du passif fiduciaire, en vertu d'une réglementation
complexe (V. n° 43 à 53 ).

Le pouvoir d'intervention du juge dans le fonctionnement de la fiducie est limité : nomination d'un fiduciaire provisoire ou remplacement du fiduciaire
dans des situations de crise ; levée de l'obstacle lié au refus du bénéficiaire d'accéder à une demande de modification ou de révocation de la fiducie (V.
n° 54 à 62 ).

La plupart des causes d'extinction de la fiducie opèrent de plein droit, les unes tenant à l'opération fiduciaire elle-même (réalisation du but, survenance
du terme), les autres découlant d'événements propres à la personne des contractants. La fiducie est également susceptible de s'éteindre par l'effet de la
volonté individuelle (révocation par le constituant, renonciation des bénéficiaires) et, exceptionnellement, par décision de justice (V. n° 63 à 74 ).

La dévolution du patrimoine fiduciaire soulève de nombreuses questions, notamment quant à la liquidation du passif subsistant et aux modes de
dévolution, automatiques ou non, des éléments d'actifs (V. n° 75 à 82 ).

Des formalités particulières accompagnent le dénouement de la fiducie (enregistrement, formalités propres à la mutation des immeubles et autres biens
assujettis à une publicité) (V. n° 83 à 85 ).

Introduction

1. – Présentation –
Les articles 2021 à 2030 du Code civil traitent des effets du contrat de fiducie, ainsi que de son extinction.

I. - Effets du contrat de fiducie

2. – Effets personnels et réels de la fiducie sous le contrôle limité du juge –


Au confluent du droit des obligations et du droit des biens, le contrat de fiducie fait naître, au profit et à la charge des parties, une série de droits, d'obligations et
de prérogatives, ainsi qu'un patrimoine fiduciaire. Les possibilités d'intervention judiciaire au cours du déroulement de la fiducie demeurent limitées.

A. - Droits, obligations et prérogatives des parties

1° Constituant

a) Obligations du constituant

3. – Obligation de transférer des biens, des droits ou des sûretés –


La loi ne met à la charge du constituant qu'une seule obligation, celle de transférer au fiduciaire les biens, droits ou sûretés (C. civ., art. 2011), constitutifs du
patrimoine fiduciaire (sur le rejet de la qualification de contrat réel, V. Cl. Witz et A. Prüm, JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 10 ou Notarial Répertoire, V°
Fiducie, fasc. 10 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 785).
Les règles régissant le transfert de propriété sont celles du droit commun auxquelles les articles 2011 et suivants du Code civil s'abstiennent de déroger. Lorsque
la fiducie porte sur des corps certains, le transfert de propriété s'opère de plein droit, dès la conclusion du contrat (C. civ., art. 1196, al. 1er ; art. 1138 ancien). Le
constituant ne reste tenu que d'une obligation de délivrance, à moins que les stipulations contractuelles ne lui permettent de garder la détention des biens,
comme c'est fréquemment le cas en matière de fiducie-sûreté. Lorsque le contrat de fiducie porte sur des choses de genre, le transfert de propriété implique leur
nécessaire individualisation. Le contrat de fiducie précisera utilement les modalités afférentes au transfert de propriété (terme éventuel, époque et lieu de
délivrance, etc.).

Les règles régissant la cession de créance sont également celles de droit commun, sous réserve des règles spécifiques régissant leur opposabilité (C. civ.,
art. 2018-2. – V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 10 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 10 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 785).

4. – Transfert des risques –


Alors que la proposition de loi initiale prévoyait que « le transfert des droits au fiduciaire n'en met pas les risques à sa charge » (C. civ., art. 2066, al. 2), cette
dérogation au droit commun a été abandonnée, à juste titre, à l'initiative de la Commission des lois du Sénat (Rapp. H. de Richemont, annexé au procès-verbal
de la séance du 11 octobre 2006, p. 45 : « votre commission vous propose […] de laisser s'appliquer les dispositions législatives préexistantes »). Ainsi, les
risques sont transférés au fiduciaire et ce, dès le transfert de propriété, même si la tradition a lieu ultérieurement (C. civ., art. 1196, al. 3 ; art. 1138, al. 2 ancien,
consacrant le principe res perit domino). Puisque les biens transférés entrent, non pas dans le patrimoine propre du fiduciaire, mais dans le patrimoine fiduciaire,
la règle n'est, en principe, nullement gênante (V., toutefois les réserves de F. Barrière, Rép. civ. Dalloz, V° Fiducie, n° 69). En effet, la disparition fortuite de tout
ou partie des biens supprimera ou diminuera l'assiette du patrimoine fiduciaire et, par là même, l'avoir ou la propriété économique du constituant ou du tiers
bénéficiaire, ce qui est équitable. Dans l'hypothèse d'une fiducie-sûreté, il est toutefois souhaitable de prévoir, dans l'intérêt du créancier garanti, que la disparition
ou la diminution de l'assiette de la sûreté devra être compensée par un complément de garantie.

5. – Obligation de verser une rémunération –


La loi reste silencieuse sur le caractère onéreux ou gratuit du contrat de fiducie. L'absence de renvoi par le législateur aux règles du mandat – celui-ci est
présumé gratuit (C. civ., art. 1986) –, tout comme la qualité de professionnel que doit avoir tout fiduciaire, plaident puissamment en faveur de la nature onéreuse
du contrat de fiducie. Dès lors, le constituant devra verser une rémunération au fiduciaire pour la gestion du patrimoine fiduciaire, sauf dispense conventionnelle.

Les parties ont intérêt à prévoir les modalités de la rémunération du fiduciaire dans leur contrat, quant à son montant et aux modes de paiement. À défaut
d'accord des parties sur le montant, il appartiendra au fiduciaire de saisir le juge afin qu'il fixe la rémunération, celle-ci étant fonction des activités de gestion
déployées par le fiduciaire, qui varieront d'un contrat de fiducie à l'autre. En cas de fiducie-sûreté portant sur des biens laissés entre les mains du constituant, la
gestion du créancier-fiduciaire sera souvent minime. Il est utile également que les parties précisent si la rémunération sera versée par le constituant ou prélevée
sur le patrimoine fiduciaire. Dans le silence de la convention, il y a lieu d'admettre que la rémunération est due, à titre personnel, par le constituant, en sa qualité
de cocontractant.

b) Droits et prérogatives du constituant

6. – Présentation d'ensemble –
Une fois le patrimoine fiduciaire constitué, le fiduciant perd tout pouvoir de conclure en nom propre des actes se rapportant à ces biens. Seuls des actes
conservatoires sont admissibles. La position du constituant se distingue ainsi nettement de celle du mandant qui conserve le pouvoir d'accomplir lui-même l'acte
juridique dont il a chargé le mandataire, même en cas de mandat irrévocable (V. not., Cass. 1re civ., 5 févr. 2002, n° 99-20.895 : JurisData n° 2002-012945 ; Bull.
civ. I, n° 40 ; JCP G 2003, II, 10029, note D.-R. Martin. – V. aussi, dans le cadre général de la représentation contractuelle, C. civ., art. 1159, al. 2). De manière
plus générale, il ne peut s'immiscer dans la gestion du patrimoine fiduciaire. Le fiduciaire serait en droit de s'y opposer. Toutefois, le contrat de fiducie peut
prévoir au profit du constituant le droit de donner des instructions au fiduciaire ou de subordonner l'accomplissement par celui-ci de tel ou tel acte de gestion à
l'accord préalable du constituant. Dans une fiducie-gestion, les parties se garderont d'aménager au profit du constituant des pouvoirs trop étendus, au risque
d'une disqualification de la fiducie en mandat.

Le plus souvent, le constituant sera en même temps bénéficiaire de la fiducie. Tel sera le cas, en règle générale, en matière de fiducie-gestion, eu égard à la
prohibition de la fiducie-libéralité. En tant que bénéficiaire d'une fiducie-gestion, le constituant a droit à l'intégralité de l'utilité économique du patrimoine fiduciaire
(V. n° 31 ). Dans l'hypothèse d'une fiducie-sûreté, le ou les créanciers au profit desquels la sûreté a été constituée auront la qualité de bénéficiaires (V. C. civ.,
art. 2372-4 et 2488-4, désignant le créancier à juste titre comme « bénéficiaire de la fiducie »). Néanmoins, le constituant est titulaire d'une créance de restitution
des biens transférés en cas de paiement de la dette garantie. Dans l'hypothèse d'une défaillance du débiteur, le constituant sera, le cas échéant, titulaire d'une
créance monétaire, selon que la valeur des biens transférés ou le produit de leur réalisation excèdent le montant de la dette garantie (sur le dénouement de la
fiducie-sûreté, V. n° 79 ).

Même s'il n'est pas bénéficiaire de la fiducie, le constituant a tout intérêt au bon déroulement de l'opération fiduciaire, qu'il s'agisse d'une fiducie-gestion au profit
d'un tiers ou d'une fiducie-sûreté. Aussi se voit-il accorder diverses prérogatives destinées à protéger ses intérêts, en cours de fiducie. Une mesure plus radicale
est la révocation du contrat de fiducie, qui lui est largement ouverte.

1) Protection des intérêts du constituant

7. – Désignation facultative d'un tiers protecteur –


Rappelons que, selon l'article 2017 du Code civil, le constituant peut, à tout moment, désigner un tiers chargé de s'assurer de la préservation de ses intérêts dans
le cadre de l'exécution du contrat et qui peut disposer des pouvoirs que la loi accorde au constituant (C. civ., art. 2017, al. 1er). Lorsque le constituant est une
personne physique, cette prérogative est d'ordre public (C. civ., art. 2017, al. 2. – Sur tous ces points, V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 10 ou Notarial
Répertoire, V° Fiducie, fasc. 10 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 785).
8. – Compte rendu au profit du constituant –
La loi met à la charge du fiduciaire l'obligation de rendre compte de sa mission au constituant, tout en laissant au contrat le soin de préciser les modalités de cette
information (C. civ., art. 2022, al. 1er). Le constituant a droit à cette information, même s'il n'est pas le bénéficiaire de la fiducie. La loi aménage le même droit au
profit du bénéficiaire et du tiers protecteur (C. civ., art. 2022, al. 3).

9. – Nomination judiciaire d'un fiduciaire provisoire ou remplacement du fiduciaire –


Le constituant, mais aussi le bénéficiaire ou le tiers protecteur, peuvent demander en justice la nomination d'un fiduciaire provisoire ou solliciter le remplacement
du fiduciaire, lorsque celui-ci manque à ses devoirs ou met en péril les intérêts qui lui sont confiés ou encore s'il fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ou de
redressement judiciaire (C. civ., art. 2027. – V. n° 53 à 57 ).

2) Révocation

10. – Différence avec le mandat –


Le législateur s'est gardé d'étendre à la fiducie la règle selon laquelle le mandant peut librement révoquer le mandat, même à durée déterminée (C. civ., art. 2004)
. La stabilisation souhaitable du patrimoine fiduciaire, tout comme la protection d'un éventuel tiers-bénéficiaire, justifient une réglementation de la révocation
propre à la fiducie. Celle-ci a son siège dans l'article 2028 du Code civil, lequel soulève, de manière regrettable, une série d'interrogations.

11. – Révocation avant l'acceptation du bénéficiaire –


Selon l'article 2028, alinéa 1er du Code civil « le contrat de fiducie peut être révoqué par le constituant tant qu'il n'a pas été accepté par le bénéficiaire ». En tant
qu'il vise l'acceptation du bénéficiaire, la norme ne peut s'appliquer logiquement qu'aux contrats de fiducie prévoyant un bénéficiaire autre que le constituant ou le
fiduciaire, bien que ces derniers puissent être, eux aussi « le bénéficiaire ou l'un des bénéficiaires du contrat de fiducie » (C. civ., art. 2018). En effet, le
constituant et le fiduciaire, nécessairement signataires du contrat de fiducie auront, sauf hypothèse rarissime, manifesté leur accord pour bénéficier de la fiducie
lors de la conclusion du contrat de fiducie. On regrettera à nouveau l'acception trop large du terme de bénéficiaire utilisé par le législateur (V. JCl. Civil Code,
Art. 2011 à 2030, fasc. 10 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 10 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 785). Sur le fond, il est compréhensible que dans
l'hypothèse où le tiers appelé à bénéficier de la fiducie n'a pas encore donné son acceptation, la fiducie soit librement révocable, même si les règles de la
stipulation pour autrui qui sous-tendent la fiducie au profit d'un tiers auraient appelé la révocabilité de la seule désignation du tiers-bénéficiaire, et non celle du
contrat lui-même. En effet « le but déterminé » pour lequel la fiducie a été constituée est en suspens tant que le tiers-bénéficiaire n'a pas donné son
consentement (Rappr., le jeu de C. civ., art. 2030, prévoyant le retour de plein droit des biens au constituant lorsque le contrat de fiducie prend fin en l'absence de
bénéficiaire, V. n° 68 et 69 ). Observons enfin que la logique commande d'assimiler à l'absence d'acceptation visée par l'article 2028, alinéa 1er du Code civil le
rejet par le bénéficiaire de la stipulation faite à son profit.

12. – Révocation après l'acceptation du bénéficiaire –


En vertu de l'article 2028, alinéa 2 du Code civil « après acceptation par le bénéficiaire, le contrat ne peut être modifié ou révoqué qu'avec son accord ou par
décision de justice ». À nouveau, l'acceptation envisagée par le texte est celle, en première ligne, d'un tiers-bénéficiaire. Le consentement de ce dernier est
nécessaire pour que le contrat puisse être révoqué, ce qui se comprend puisque la révocation lui fait perdre ses droits nés du contrat de fiducie (V. H. de
Richemont : « il est important que le bénéficiaire, qui aura fourni, par hypothèse, une contrepartie, soit assuré que le constituant ne révoquera pas sans motif le
contrat de fiducie », Rapp. H. de Richemont, Sénat, Session 2006-2007, n° 11, Ann. au procès-verbal, séance 11 oct. 2006, p. 66). Toutefois, il peut être passé
outre au refus du tiers-bénéficiaire par une décision de justice, comme le prévoit la norme. Il est dommage que le texte n'en dise pas plus sur une telle
autorisation judiciaire. Sans doute, des circonstances nouvelles seront de nature à justifier auprès du juge une révocation par le constituant de la fiducie, surtout
dans le cadre d'une fiducie de longue durée (V. n° 59 ).

L'article 2028, alinéa 2 du Code civil ouvrirait-il la voie à la libre révocabilité de la fiducie par le constituant en cas de fiducie-gestion convenue à son profit ? La
lettre de l'article 2028, alinéa 2 le permet, puisque le constituant est, dans ce cas, le bénéficiaire de la fiducie et que la révocation qu'il opère en tant que
constituant est nécessairement faite avec l'accord qu'il a pu donner en sa qualité de bénéficiaire (en ce sens P. Crocq, Le cœur du dispositif fiduciaire : Rev.
Lamy dr. civ. juill.-août 2007, n° 40, p. 61 s., spéc. p. 63). De plus, les travaux préparatoires vont en ce sens (V. H. de Richemont : « il doit être permis au
bénéficiaire, dans le cadre d'une fiducie-gestion dans laquelle il est également constituant, de révoquer la fiducie pour avoir accès au patrimoine fiduciaire, par
exemple pour faire face à un imprévu » : Rapp. Sénat, Session 2006-2007, n° 11, Ann. au procès-verbal, séance 11 oct. 2006, p. 66). À supposer que la
jurisprudence se prononce différemment, en interprétant le terme « bénéficiaire » de l'article 2028, alinéa 2 du Code civil, par « tiers bénéficiaire », pour préserver
la règle de principe de l'irrévocabilité du contrat de fiducie, la révocation de la fiducie-gestion par le constituant nécessiterait alors l'accord du fiduciaire (mutuus
dissensus) ou une autorisation judiciaire (C. civ., art. 2028, al. 2). Mais si l'on suivait cette interprétation, le résultat qui ne pourrait être atteint par le moyen d'une
révocation, faute d'accord du fiduciaire ou d'une autorisation judiciaire, pourrait l'être, paradoxalement, par voie de renonciation (C. civ., art. 2029, al. 2. – V. n° 69
).

Il importe que les opérateurs soient conscients du risque d'une extinction anticipée du contrat de fiducie par voie de révocation unilatérale du constituant-
bénéficiaire ou de renonciation, en insérant des clauses d'irrévocabilité ou de renonciation du constituant-bénéficiaire à son droit de renoncer à la fiducie.

2° Fiduciaire

a) Relations entre les parties

13. – Acteur central : obligations et droits –


En cours de fiducie, le fiduciaire apparaît comme l'acteur clef dont dépend le bon déroulement de l'opération fiduciaire. Ayant acquis la propriété de biens en vue
d'agir dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires, le fiduciaire est soumis à une série d'obligations et de devoirs encadrant « la mission » du
fiduciaire, selon l'expression utilisée à diverses reprises par le législateur (C. civ., art. 2018, 2022 et 2026). Le poids des obligations qui pèsent sur lui ne doit
toutefois pas occulter les droits que le contrat de fiducie fait naître à son profit : délivrance des biens, droit à une rémunération (sur ces deux droits, V. n° 3 et 5 )
et, le cas échéant, accomplissement des actes de coopération que le contrat de fiducie peut mettre à la charge du constituant. On peut concevoir, en effet, que le
contrat de fiducie subordonne l'accomplissement d'actes juridiques lourds de portée pour la fiducie, tels l'aliénation d'un immeuble ou la modification du mode de
gestion du patrimoine fiduciaire, à l'autorisation préalable du constituant.

Un faisceau d'obligations pèse sur le fiduciaire. Elles sont de nature à déclencher, en cas de manquements, l'application de mesures de protection particulières,
ainsi que la mise en jeu de la responsabilité du fiduciaire.

1) Obligations du fiduciaire

14. – Le législateur ne définit que sommairement les obligations du fiduciaire. Aux obligations expresses s'ajoutent une série d'obligations implicites inhérentes à
la mission du fiduciaire.

15. – Obligations expresses –


Trois obligations fondamentales se dégagent des articles 2011 et suivants du Code civil.

16. – Obligation de tenir le patrimoine fiduciaire séparé du patrimoine propre –


L'article 2011 du Code civil portant définition légale de la fiducie fait d'abord ressortir l'obligation du ou des fiduciaires de tenir les biens, droits ou sûretés
transférés par le constituant « séparés de leur patrimoine propre ». Cette obligation s'explique aisément, car tout mélange des biens composant le patrimoine
fiduciaire avec le patrimoine propre du fiduciaire compromet gravement les intérêts du constituant ou du tiers bénéficiaire, en cours de fiducie, mais aussi et
surtout lors du dénouement de l'opération fiduciaire, la restitution du patrimoine fiduciaire risquant d'être sérieusement compromise.

Cette obligation est complétée par les mesures comptables prévues par l'article 12 de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 (JO 21 févr. 2007, texte n° 3) et
précisées par le règlement du Comité de la réglementation comptable n° 2008-01 du 3 avril 2008 (sur les obligations comptables, V. Dossiers pratiques Francis
Lefebvre, avec la collaboration de B. Gouthière, La fiducie : mode d'emploi, 2e éd., 2009, n° 2700 s.). Le fiduciaire doit établir une comptabilité autonome relatant
les opérations affectant le patrimoine fiduciaire (L. n° 2007-211, 19 févr. 2007, art. 12, al. 1er). Par ailleurs, le fiduciaire doit établir, au titre de la fiducie, des
comptes annuels comportant un bilan, un compte de résultat et une annexe dans les conditions prescrites aux articles L. 123-12 à L. 123-15 du Code de
commerce. Le contrôle de la comptabilité autonome est exercé par un ou plusieurs commissaires aux comptes nommés par le fiduciaire lorsque le ou les
constituants sont eux-mêmes tenus d'en désigner un (L. n° 2007-211, 19 févr. 2007, art. 12, al. 3).

17. – Obligation d'exercer la mission fiduciaire dans les limites des pouvoirs précisés par le contrat –
En énonçant que le contrat de fiducie doit déterminer « la mission du ou des fiduciaires et l'étendue de leurs pouvoirs d'administration et de disposition » (C. civ.,
art. 2018, 6°), le législateur consacre indirectement l'obligation du fiduciaire d'exercer la mission contractuelle qui lui a été impartie et de respecter les limites des
pouvoirs d'administration et de disposition posés par le contrat de fiducie.

Le législateur s'est abstenu de préciser les obligations de loyauté et le degré de diligence avec lequel le fiduciaire doit exercer sa mission. Toutefois, le fiduciaire
se voit expressément interdire par le législateur de se rendre adjudicataire, par lui-même ou par personne imposée, des biens ou droits composant le patrimoine
fiduciaire, en complément de la solution consacrée notamment à propos des mandataires (V. C. civ., art. 1596 in fine, tel que complété par L. n° 2007-211,
19 févr. 2007, art. 17). Bien que le libellé de l'article 1596 vise uniquement les adjudications, la prohibition de l'article 1596 du Code civil, s'applique à toutes les
ventes, selon l'opinion dominante (V. R. Le Guidec et G. Chabot, JCl. Civil Code, Art. 1594 à 1597 ou Notarial Répertoire, V° Vente, fasc. 120, spéc. n° 8).

18. – Obligation de rendre compte de sa mission –


Le fiduciaire doit rendre compte de sa mission au constituant et au bénéficiaire, selon les conditions précisées dans le contrat (V. C. civ., art. 2022. – Pour un
examen de cette obligation, V. n° 8 et 33 ).

19. – Obligations implicites –


Le législateur s'est abstenu d'encadrer davantage les relations entre le constituant et le fiduciaire, en renvoyant par exemple, à titre de règle de principe, aux
règles régissant le mandat en tant que celles-ci ne reposent pas sur la représentation. Une telle option eût été concevable, comme l'enseignent les solutions
jurisprudentielles ou légales retenues dans plusieurs pays voisins de la France (V. not., loi luxembourgeoise, 27 juill. 2003, art. 7, al. 1er : « Les règles du mandat,
à l'exclusion de celles reposant sur la représentation, sont applicables aux relations entre le fiduciant et le fiduciaire dans la mesure où il n'y est pas dérogé par le
présent titre ou par la volonté des parties »). Diverses obligations implicites peuvent néanmoins être dégagées de la loi.

20. – Exercice personnel –


À la différence de la proposition Marini, le législateur s'est gardé de préciser que le fiduciaire doit exercer sa mission personnellement sous réserve, comme le
prévoyait la proposition de loi, de la possibilité pour ce dernier « de confier […] l'accomplissement de certaines tâches matérielles ou de certains actes juridiques
à une ou plusieurs personnes restant sous son contrôle et sa responsabilité » (C. civ., projet d'art. 2070, al. 1er). Même si elle n'est pas formulée par le
législateur, la règle selon laquelle le fiduciaire doit exercer sa mission personnellement n'en est pas moins certaine. Nul doute en effet que le contrat de fiducie
présente un caractère intuitu personae, ce qui devrait interdire au fiduciaire de se décharger de sa mission sur autrui, sous peine d'une mise en jeu de sa
responsabilité. Par ailleurs, si le fiduciaire s'en remettait largement à un tiers pour gérer le patrimoine fiduciaire, s'ajouterait une difficulté particulière si ce dernier
n'avait pas la qualité légale requise pour exercer les fonctions de fiduciaire, l'opération pouvant alors être suspectée de frauduleuse. En revanche, la conclusion
de contrats de mandat donnés à titre spécial pour seconder le fiduciaire dans sa mission devrait demeurer compatible avec le caractère intuitu personae de la
fiducie, comme le prévoyait la proposition Marini. Pour éviter tout risque de contentieux, les parties au contrat de fiducie ont tout intérêt à fixer l'étendue des
pouvoirs du fiduciaire de recourir à des mandataires dans le cadre de sa mission (V. P. Crocq, Le cœur du dispositif fiduciaire : Rev. Lamy dr. civ. juill.-août 2007,
n° 40, p. 61 s., spéc. p. 63).

Le fiduciaire serait-il habilité, à l'instar d'un mandataire, à se substituer un sous-fiduciaire ? (V. pour le mandat, C. civ., art. 1994. – M. Mekki, JCl. Civil Code,
Art. 1991 à 2002, fasc. 10 ou Notarial Répertoire, V° Mandat, fasc. 40, spéc. n° 47). La réponse devrait être négative (contra, sous l'empire du projet de 1992,
C. Kuhn, Le patrimoine fiduciaire, Contribution à l'étude de l'universalité : Thèse Paris I, 2003, n° 475). Outre l'argument tiré du caractère intuitu personae de la
fiducie, on peut faire valoir que le recours par le fiduciaire à un autre fiduciaire pour exercer sa mission impliquerait qu'il transfère tout ou partie du patrimoine
fiduciaire à ce dernier. En raison des effets réels de la fiducie, un sous-fiduciaire serait davantage qu'un sous-mandataire. En recourant à une fiducie, le fiduciaire
serait lui-même constituant et ravirait de facto la place du constituant d'origine. Ainsi, l'analogie avec le mandat et la règle de l'article 1994 du Code civil est
trompeuse. Libre toutefois aux parties d'autoriser le fiduciaire, dans leur contrat ou ultérieurement, de conclure une fiducie en sous-ordre.

21. – Obligation d'agir avec diligence et loyauté –


Alors que la proposition Marini contenait une disposition selon laquelle « le fiduciaire exerce ses prérogatives avec diligence et loyauté » (C. civ., art. 2070), le
législateur ne l'a pas reprise. Ces deux obligations ou devoirs sont inhérents à la fiducie. Elles sont couvertes par l'article 2026 du Code civil selon lequel le
fiduciaire répond, sur son patrimoine personnel, « des fautes qu'il commet dans l'exercice de sa mission » et visées par l'article 2027 du Code civil, qui envisage
le cas où « le fiduciaire manque à ses devoirs ou met en péril les intérêts qui lui sont confiés ». Eu égard à la summa divisio entre les obligations de moyens et
celles de résultat, non énoncée par la réforme du droit des contrats (2016/2018), sans pour autant avoir été condamnée, nul doute que la jurisprudence y aura
recours pour déterminer l'intensité des obligations pesant sur le fiduciaire, en vue notamment de la répartition de la charge de la preuve dans le cadre d'une
action en responsabilité du constituant ou du bénéficiaire. Un certain nombre d'obligations du fiduciaire sont de résultat. Il en est ainsi de l'obligation de faire
mention de la fiducie lorsqu'il agit en tant que fiduciaire (C. civ., art. 2021, al. 1er), de l'obligation de verser les revenus de la fiducie en cours de fiducie, celle de
rendre compte de sa mission (C. civ., art. 2022), celle de restituer les actifs fiduciaires à l'issue de la fiducie ou du reliquat du produit de réalisation d'une fiducie-
sûreté. D'autres obligations du fiduciaire devraient être de moyens, comme celles se rapportant, dans le cadre d'une fiducie-gestion, au choix des placements des
fonds ou des valeurs figurant dans le patrimoine fiduciaire. La jurisprudence s'inspirera sans doute, à propos de l'obligation du fiduciaire d'exercer sa mission
avec diligence, de l'abondante jurisprudence relative aux obligations du mandataire (sur cette jurisprudence, V. M. Mekki, JCl. Civil Code, Art. 1991 à 2002,
fasc. 10 ou Notarial Répertoire, V° Mandat, fasc. 40, spéc. n° 8. – Sur le droit du mandat comme modèle de portée limitée, V. Ph. Delebecque, La responsabilité
du fiduciaire : Dr. & patr. nov. 2009, n° 186, p. 42 s., spéc. p. 42).

La loyauté est un devoir essentiel du fiduciaire, à l'image de l'importance qu'elle revêt en matière de mandat. À défaut d'avoir consacré ce devoir de manière
expresse, comme le prévoyait la proposition Marini, le législateur en a fait une application particulière, en rajoutant les fiduciaires dans la liste de ceux auxquels il
est interdit de se porter contrepartie (C. civ., art. 1596 in fine, tel que complété par la L. n° 2007-211, 19 févr. 2007, art. 17. – V. n° 15 ).

D'une manière générale, le devoir de loyauté impose au fiduciaire de ne pas se placer dans une situation de conflit d'intérêts avec ses propres devoirs, comme
entend l'éviter la prohibition posée par l'article 1596 du Code civil. En conséquence, le fiduciaire devra s'abstenir de conclure à son profit des actes relatifs au
patrimoine fiduciaire (vente, prêt, location, etc.). Le conflit d'intérêts peut également surgir de la gestion de plusieurs patrimoines fiduciaires. La perspective de
tels conflits ne devrait pas empêcher les fiduciaires d'accepter de gérer plusieurs ou une série de patrimoines fiduciaires, sous peine de condamner de facto le
développement de la fiducie comme activités de services déployés par les établissements financiers. La proposition Marini avait utilement énoncé que « le conflit
d'intérêts entre bénéficiaires d'une fiducie ou entre plusieurs fiducies n'empêche pas le fiduciaire d'exercer ses prérogatives, à condition qu'il agisse en bon père
de famille » (C. civ., projet art. 2070, al. 2, in fine. – Dans un sens voisin, F. Barrière : Rép. civ. Dalloz, V° Fiducie, n° 87, et la proposition de mise en place de
procédures déontologiques du type « murailles de Chine », Ph. Delebecque, La responsabilité du fiduciaire : Dr. & patr. nov. 2009, n° 186, p. 43).

22. – Instructions du constituant –


Le fiduciaire doit être assuré de pouvoir accomplir sa mission dans les conditions fixées dans le contrat, eu égard notamment à la responsabilité qui pèse sur lui
et à l'impossibilité de renoncer unilatéralement à la fiducie en cours de contrat (V. n° 20 ). Par ailleurs, la sophistication de certaines opérations fiduciaires
implique que la mission du fiduciaire soit prévue avec précision et de manière invariable. Ce faisant, la règle du mandat selon laquelle le mandataire doit suivre
les instructions du mandant, principe éclairé par la libre révocabilité du mandat et le droit du mandataire de renoncer au mandat, n'est pas transposable à la
fiducie (Comp. L. luxembourgeoise, 27 juill. 2003 qui, après avoir posé le principe de l'applicabilité des règles du mandat aux relations entre le fiduciant et le
fiduciaire, énonce que « le fiduciant peut renoncer à son droit de donner des instructions au fiduciaire » [art. 7, al. 4]). Libre toutefois aux parties d'aménager
contractuellement le pouvoir du constituant de donner des instructions au fiduciaire. Les parties seront toutefois avisées à ne pas restreindre trop les pouvoirs du
fiduciaire, sous peine d'une requalification possible de la fiducie en mandat (sur ce risque, V. F. Zenati-Castaing et Th. Revet, Les biens, n° 271 in fine. – P. Puig,
La fiducie et les contrats nommés : Dr. & patr. juin 2008, n° 171, p. 80).

23. – Absence de faculté de renonciation à la fiducie –


La règle de faveur permettant au mandataire de renoncer au mandat, à charge pour celui-ci d'indemniser le mandant si cette renonciation lui porte préjudice « à
moins que celui-ci ne se trouve dans l'impossibilité de continuer le mandat sans en éprouver lui-même un préjudice considérable » (C. civ., art. 2007), n'est pas
transposable à la fiducie. Le contrat de prestation de services à titre onéreux qu'est la fiducie oblige le fiduciaire jusqu'à l'extinction du contrat, sans qu'il puisse
bénéficier d'un quelconque tempérament à la force obligatoire du contrat. Une cessation anticipée du contrat à l'initiative du fiduciaire implique l'accord du
constituant et, le cas échéant, celui du tiers bénéficiaire ayant accepté la stipulation faite à son profit (C. civ., art. 2028, al. 2. – V. aussi, sur une éventuelle
intervention judiciaire, V. n° 59 ). Des prévisions contractuelles permettant au fiduciaire de se décharger de sa mission avant le terme seront particulièrement
utiles en cas de fiducie de longue durée, notamment lorsque le fiduciaire est une personne physique qui ne peut être, à ce jour, qu'un avocat (V. JCl. Civil Code,
Art. 2011 à 2030, fasc. 10 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 10 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 785).

2) Mesures de protection en cas de manquements contractuels ou d'autres menaces

24. – Nomination d'un nouveau fiduciaire ou d'un fiduciaire provisoire –


Dans les hypothèses où le fiduciaire manque à ses devoirs, la loi a opportunément prévu des mesures de protection destinées à préserver les intérêts du
constituant ou du bénéficiaire. L'article 2027 du Code civil assimile à ce cas d'ouverture la mise en péril des intérêts confiés au fiduciaire ainsi que, depuis la
réforme du 4 août 2008 (L. n° 2008-776, 4 août 2008 : JO 5 août, rect. 4 oct. 2008), l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. L'
article 2027 du Code civil, tel que modifié également sur ce point par la loi du 4 août 2008, renvoie d'abord et à juste titre aux éventuelles stipulations
contractuelles qui prévoiraient les conditions de remplacement du fiduciaire en cas de survenance de tels événements. À défaut de stipulations contractuelles, le
constituant, le bénéficiaire ou le tiers protecteur peut demander en justice « la nomination d'un fiduciaire provisoire ou solliciter le remplacement du fiduciaire » (C.
civ., art. 2027. – Sur cette intervention judiciaire, V. n° 53 à 57 ).

3) Mise en jeu de la responsabilité du fiduciaire

25. – Responsabilité civile –


Selon l'article 2026 du Code civil « le fiduciaire est responsable, sur son patrimoine propre, des fautes qu'il commet dans l'exercice de sa mission ». Ce faisant,
cette norme reprend, sous une formulation modernisée, la règle de base présidant à la responsabilité du mandataire (« le mandataire répond non seulement du
dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion », C. civ., art. 1992, al. 1er). Il n'y avait pas lieu, eu égard à la nature onéreuse de la fiducie, de prévoir,
comme en matière de mandat, que la responsabilité s'apprécie « moins rigoureusement » à l'égard de celui qui exerce sa mission à titre gratuit (C. civ., art. 1992,
al. 2. – Contra toutefois, Marini, Sénat, prop. de loi n° 178, 2005, Session 2004-2005, Ann. au procès-verbal, séance 8 févr. 2005, art. 2070-1, al. 2).

La norme ne précise pas envers qui le fiduciaire engage ainsi sa responsabilité sur son patrimoine propre. Sans contexte, le fiduciaire doit répondre envers le
constituant et le tiers bénéficiaire des manquements aux obligations issues du contrat de fiducie sur son patrimoine propre, et non sur le patrimoine fiduciaire (sur
ces obligations, V. n° 14 à 19 ). La règle inverse permettrait au fiduciaire d'échapper, de manière paradoxale, aux conséquences de sa responsabilité (V. H. de
Richemont, Sénat, Session 2006-2007, n° 11, Ann. au procès-verbal, séance 11 oct. 2006, p. 64-65 et X. de Roux, n° 52, qui envisagent également, pour éclairer
le projet d'article 2026 du Code civil, les actions du constituant et du bénéficiaire intentées contre le fiduciaire).

En revanche, la réponse doit être nuancée à propos des actions en responsabilité qu'intenteraient les tiers victimes de manquements contractuels aux contrats se
rapportant à la conservation ou à la gestion du patrimoine fiduciaire. En effet, l'assiette des saisies qu'opéreraient « les titulaires de créances nées de la
conservation ou de la gestion de ce patrimoine » est en première ligne le patrimoine fiduciaire (C. civ., art. 2025, al. 1er), sans qu'il y ait lieu de réserver un sort
particulier aux créances qui auraient pour origine une faute commise par le fiduciaire dans l'exercice de sa mission. Au demeurant, l'introduction d'une telle
distinction serait source de complications, comme l'illustrerait l'exemple d'inexécutions contractuelles issue à la fois de faits objectifs et de manquements
contractuels imputables au fiduciaire (en ce sens aussi, en faveur de l'inapplicabilité de l'article 2026, sauf toutefois en cas de faute détachable de la fonction de
fiduciaire, C. Berger-Tarare, Le fiduciaire défaillant, Regards croisés en droit des biens et droit des obligations, préf. B. Mallet-Bricout : LGDJ 2015, n° 942 s. –
Contra la position d'un important courant doctrinal estimant que les créances ne seraient pas issues de la conservation ou de la gestion du patrimoine fiduciaire :
Ph. Delebecque, La responsabilité du fiduciaire, in La fiducie dans tous ses états : Dr. & patr. nov. 2009, p. 29, spéc., p. 35 s. – Du même auteur, La
responsabilité du fiduciaire : Dr. & patr. nov. 2009, n° 186, p. 42. – V. aussi en ce sens, N. Borga, Le fiduciaire responsable (exégèse de l'article 2026 du Code
civil) : RLDA 2010, n° 47, p. 83, spéc. n° 20 s. – C. Kuhn, La mission du fiduciaire : Dr. & patr. 2008, n° 171, p. 52, spéc., p. 57). Quant aux actions en
responsabilité délictuelle qu'introduiraient des tiers pour des fautes ou des faits objectifs de responsabilité, en rapport avec la conservation ou la gestion du
patrimoine fiduciaire, elles devraient également échapper à l'article 2026 (contra, Rapp. H. de Richemont, Sénat, Session 2006-2007, n° 11, Ann. au procès-
verbal, séance 11 oct. 2006, p. 65 et Rapp. X. de Roux, p. 52, qui font relever les actions en responsabilité délictuelle du projet d'article 2026 du Code civil).

Néanmoins, il faut se garder de confondre l'obligation à la dette avec la contribution à celle-ci. Les manquements aux contrats conclus avec les tiers seront
souvent le reflet de violations d'obligations issues du contrat de fiducie, notamment celles d'agir avec loyauté et de diligence, de sorte que le constituant ou le
tiers bénéficiaire seront en mesure d'engager la responsabilité personnelle du fiduciaire, dont celui-ci devra bien évidemment répondre sur son patrimoine propre.
Au surplus, le fiduciaire qui « commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions » (formule
utilisée par la Cour de cassation pour caractériser une faute détachable des fonctions d'un dirigeant de société. – V. Cass. com., 20 mai 2003 : Bull. civ. IV, n° 84
; D. 2003, p. 2623, note B. Dondero) devrait, à l'instar du dirigeant de société, en répondre sur son patrimoine personnel vis-à-vis des tiers auxquels il a causé un
préjudice (C. Berger-Tarare, Le fiduciaire défaillant, Regards croisés en droit des biens et droit des obligations, préf. B. Mallet-Bricout : LGDJ 2015, n° 938-940).

La difficile articulation de l'article 2026 avec l'article 2025 est sans doute l'une des principales faiblesses des règles légales régissant la fiducie (V. en faveur d'une
réforme de l'article 2026, C. Berger-Tarare, Le fiduciaire défaillant, Regards croisés en droit des biens et droit des obligations, préf. B. Mallet-Bricout : LGDJ 2015,
n° 959).

26. – Aménagement de la responsabilité civile –


La nature de la responsabilité encourue à l'égard du constituant ou du tiers bénéficiaire ayant accepté le bénéfice de la fiducie étant contractuelle, celle-ci peut
faire l'objet d'aménagements conventionnels, dont les limites sont celles du droit commun. Il en résulte que les clauses exonératoires ou limitatives de
responsabilité ne sauraient couvrir les fautes intentionnelles ni les fautes lourdes, ni vider de leur substance les obligations essentielles du fiduciaire (C. civ.,
art. 1170) ou s'analyser en clauses abusives lorsque le contrat de fiducie est d'adhésion (C. civ., art. 1171). Rappelons que l'avocat doit souscrire à titre individuel
une assurance spéciale pour garantir sa responsabilité en tant que fiduciaire (V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 10 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie,
fasc. 10 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 785).

27. – Responsabilité pénale –


Le fiduciaire qui détournerait à son profit des biens du patrimoine fiduciaire commet un abus de confiance (C. pén., art. 314-1. – En ce sens, V. not., F. Barrière :
Rép. civ. Dalloz, V° Fiducie, n° 90. – Fr. Bénédicte : Rép. sociétés Dalloz, V° Fiducie, n° 58. – R. Ollard, La fiducie : aspects de droit pénal : Rev. sc. crim. 2009,
p. 545 s.). Le projet de 1992 avait pris le soin de rajouter le contrat de fiducie dans la liste des contrats au titre desquels un détournement ou une dissipation
pouvait être constitutif d'un abus de confiance (C. pén., projet d'art. 408-1). Le Code pénal de 1992 ayant abandonné le système de l'énumération limitative de
contrats qui peuvent donner lieu à cette infraction, tous les contrats sont susceptibles d'entrer désormais dans le champ du délit dès lors qu'ils impliquent
l'obligation de rendre, de représenter ou de faire un usage déterminé des biens remis. Il peut s'agir notamment de contrats opérant transfert de propriété toutes
les fois que ce transfert est grevé d'une charge impliquant l'une des obligations visées à l'article 314-1 du Code pénal (en ce sens, V. not. W. Jeandidier, JCl.
Pénal Code, Art. 314-1 à 314-4, fasc. 20, Abus de confiance, 2020), y compris le contrat de fiducie (V. R. Ollard, La fiducie : aspects de droit pénal : Rev. sc. crim.
2009, p. 545 s., n° 10), même si la Cour de cassation a pu affirmer que « l'abus de confiance ne peut porter que sur des biens remis à titre précaire » (Cass.
crim., 14 févr. 2007, n° 06-82.283 : JurisData n° 2007-038056 ; Bull. crim., n° 47 ; AJ pénal 2007, p. 275, note Y. Muller. – Cass. crim., 19 sept. 2007, n° 06-
86.343 : JurisData n° 2007-041293 ; D. 2008, p. 958, note D. Rebut. – Sur la relativisation de la portée de ce motif au regard de la fiducie, R. Ollard, La fiducie :
aspects de droit pénal : Rev. sc. crim. 2009, p. 545 s., n° 10).

28. – Responsabilité disciplinaire –


L'avocat fiduciaire qui, en contrevenant à ses obligations contractuelles, viole les règles professionnelles des avocats, s'expose aux sanctions disciplinaires
propres à la profession d'avocat (D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 183 s. : JO 28 nov. 1991).

b) Relations avec les tiers

29. – Information des tiers par le fiduciaire –


À défaut d'un système généralisé de publicité, les tiers avec lesquels le fiduciaire est appelé à contracter sont informés, de manière prioritaire, par le fiduciaire lui-
même. Selon l'article 2021, alinéa 1er du Code civil « lorsque le fiduciaire agit pour le compte de la fiducie, il doit en faire expressément mention ». En d'autres
termes, il est interdit au fiduciaire de taire sa qualité, ce qui susciterait auprès des tiers l'impression qu'il agit en nom propre, ou de déclarer qu'il agit au nom du
constituant, créant ainsi l'illusion d'être un mandataire. À cette information reposant sur le fiduciaire lui-même s'ajoute, le cas échéant, celle donnée par les
systèmes d'immatriculation ou d'inscription auxquels sont assujettis certains biens, notamment les immeubles, que les tiers sont appelés à consulter lors
d'opérations juridiques liées à ces biens (V. C. civ., art. 2021, al. 2, selon lequel, « lorsque le patrimoine fiduciaire comprend des biens ou des droits dont la
mutation est soumise à publicité, celle-ci doit mentionner le nom du fiduciaire ès qualités »).

30. – Effets des actes juridiques conclus avec les tiers –


Le fiduciaire n'étant pas un mandataire qui agirait au nom du constituant, les règles de la représentation (V. C. civ., art. 1153 s. issus Ord. n° 2016-131, 10 févr.
2016) sont inapplicables. Il en résulte qu'aucun lien direct ne s'établit entre le constituant et le tiers, même si le tiers a connaissance du contrat fiduciaire, ce qui
constitue la règle générale eu égard à l'obligation du fiduciaire de faire expressément mention de sa qualité de fiduciaire lorsqu'il agit pour le compte de la fiducie (
C. civ., art. 2021, al. 1er). Il y a lieu d'en déduire également qu'en cas d'inexécution par le fiduciaire des contrats conclus par celui-ci pour les besoins de la
fiducie, le cocontractant devra assigner le fiduciaire, et non le constituant. Il est dès lors logique que les dettes en nature ou par équivalent issues de ces contrats
grèvent le patrimoine fiduciaire (V. C. civ., art. 2025, al. 1er, n° 44). Toutefois, le législateur a prévu qu'en cas d'insuffisance du patrimoine fiduciaire, les
créanciers pourront saisir le patrimoine du constituant « sauf stipulation contraire du contrat de fiducie mettant tout ou partie du passif à la charge du fiduciaire » (
C. civ., art. 2025, al. 2. – V. n° 46 à 50 ). Ainsi, le patrimoine propre du fiduciaire n'est appelé à répondre des dettes de la fiducie que si le contrat de fiducie le
prévoit.

31. – Présomption de pouvoir –


L'affectation du patrimoine fiduciaire à un but s'accompagne souvent de restrictions aux pouvoirs de disposition ou d'administration du fiduciaire, leur étendue
dépendant de la finalité du contrat et de la nature des biens qui composent le patrimoine fiduciaire. Une fiducie portant sur un immeuble ou des biens corporels
précieux contiendra fréquemment une clause d'inaliénabilité. On peut également concevoir qu'un contrat de fiducie-gestion contienne, par exemple, une
disposition limitant le choix des investissements ou encadrant le pouvoir de conclure des emprunts pour le compte du patrimoine fiduciaire. Dans le double souci
de dispenser les tiers de vérifier l'étendue des pouvoirs du fiduciaire et de faciliter la conclusion des contrats afférents au patrimoine fiduciaire, le législateur a
consacré une présomption de pouvoir au profit du fiduciaire. Selon l'article 2023 du Code civil, le fiduciaire est réputé, dans ses rapports avec les tiers « disposer
des pouvoirs les plus étendus sur le patrimoine fiduciaire, à moins qu'il ne soit démontré que les tiers avaient connaissance de la limitation de ses pouvoirs ». Le
terme de pouvoir est inspiré des régimes d'administration des biens d'autrui et du droit des sociétés (F. Zenati-Castaing et Th. Revet, Les biens, n° 275, qui la
jugent malheureuse). On comprend néanmoins son utilisation par le législateur car le fiduciaire, en exerçant ses prérogatives de propriétaire, accomplit des actes
juridiques sur l'avoir économique d'autrui, ce qui rapproche la situation du fiduciaire de celle d'un administrateur des biens d'autrui.

La présomption de pouvoir dont bénéficie le fiduciaire à l'égard des tiers est très étendue. Elle couvre tant les actes d'administration que ceux de disposition. La
présomption posée par l'article 2023 du Code civil est simple. Elle tombe s'il est « démontré que les tiers avaient connaissance de la limitation » des pouvoirs du
fiduciaire (C. civ., art. 2023), lors de la conclusion des actes, convient-il d'ajouter, puisque l'appréciation de la validité d'un acte juridique s'apprécie au moment de
sa passation. Il ressort clairement du texte que la connaissance de la seule existence du contrat de fiducie ne suffirait pas, le tiers devant avoir eu connaissance
de la limitation des pouvoirs du fiduciaire. À défaut d'un système généralisé de publicité (sur le rôle restreint du registre des fiducies, V. JCl. Civil Code, Art. 2011
à 2030, fasc. 10 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 10 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 785), la preuve de la connaissance positive par le tiers de la
limitation des pouvoirs du fiduciaire sera fonction des circonstances de fait ayant entouré la conclusion de l'acte. L'existence de systèmes de publicité propres à
certains biens dispensera, le cas échéant, de la preuve de la mauvaise foi du tiers. C'est ainsi que l'inaliénabilité conventionnelle est assujettie, en matière
immobilière, aux formalités de la publicité foncière (D. n° 55-22, 4 janv. 1955, art. 28, 2° : JO 7 rect. 27 janv. 1955).

32. – Actes conclus par le fiduciaire en violation de la fiducie –


Dans l'hypothèse où le fiduciaire enfreint les restrictions aux pouvoirs de disposition ou d'administration du fiduciaire, se pose la question du sort des actes
irréguliers que le législateur a laissé en suspens. Il n'est pas douteux que les actes accomplis avec des tiers agissant de manière frauduleuse ou de mauvaise foi
pourront être remis en cause. Si l'on excepte le cas de la fraude, sanctionnée par l'inopposabilité de l'acte (V. W. Dross, JCl. Civil Code, Art. 1341-2 ou Notarial
Répertoire, V° Contrats et obligations, fasc. 39), le fondement précis de l'anéantissement des actes irréguliers n'en demeure pas moins incertain.

Une partie de la doctrine entend s'inspirer des solutions applicables en cas de dépassement de l'objet social par les dirigeants de sociétés commerciales. En
effet, l'article 2023 du Code civil selon lequel le fiduciaire est réputé disposer, dans ses rapports avec les tiers, des pouvoirs les plus étendus sur le patrimoine
fiduciaire « à moins qu'il ne soit démontré que les tiers avaient connaissance de la limitation de ses pouvoirs » (C. civ., art. 2023) rappelle par son contenu les
règles légales qui prévoient, à propos des sociétés commerciales, des présomptions comparables en cas de dépassement de l'objet social, ces normes
assimilant toutefois aux tiers de mauvaise foi ceux qui ne pouvaient ignorer le dépassement (V. notamment C. com., art. L. 225-35, al. 2. – Sur ce rapprochement,
C. Kuhn, Une fiducie française : Dr. & patr. avr. 2007, n° 158, p. 32 s., spéc. p. 43. – C. de Lajarte, La nature juridique des droits du bénéficiaire d'un contrat de
fiducie : Rev. Lamy dr. civ. 2009, n° 60, p. 71 s., spéc. n° 40. – V. déjà sous l'empire de l'avant-projet de 1991 et du projet de loi de 1992, M. Grimaldi, La fiducie :
réflexions sur l'institution et sur l'avant-projet de loi qui la consacre : Defrénois 1991, art. 35094, n° 58. – F. Barrière, La réception du trust au travers de la fiducie :
Litec 2004, p. 628). Selon la jurisprudence, les actes dépassant l'objet social et conclus dans ces circonstances sont entachés de nullité (V. not. R. Besnard-
Goudet, JCl. Sociétés Traité, fasc. 9-20). Il devrait en être de même en cas de dépassement par le fiduciaire de ses pouvoirs dès lors que le tiers est de
mauvaise foi (en ce sens, C. de Lajarte, La nature juridique des droits du bénéficiaire d'un contrat de fiducie : Rev. Lamy dr. civ. 2009, n° 40. – Rappr., sous
l'empire du projet de loi de 1992, F. Barrière, La réception du trust au travers de la fiducie : Litec 2004, n° 624). Ce rapprochement avec le droit des sociétés n'est
pas totalement convaincant. En effet, la nullité en matière de dépassement de l'objet social découle de la loi, l'excès de pouvoir étant une violation d'une
disposition légale impérative, entraînant à ce titre la nullité de l'acte en application de l'article L. 235-1, alinéa 2 du Code de commerce. Pareil fondement textuel
fait défaut en matière de fiducie.

Il convient dès lors de s'en tenir aux règles de droit commun. C'est ainsi qu'en cas de violation d'une clause d'inaliénabilité, il y a lieu d'appliquer les solutions
jurisprudentielles permettant aux personnes protégées par la clause d'inaliénabilité d'agir en nullité à l'encontre du tiers de mauvaise foi, étant précisé qu'en
matière immobilière la clause d'inaliénabilité est soumise à publicité (V. par ex., F. Zenati-Castaing et Th. Revet, Les biens : PUF, 3e éd., 2008, n° 275, qui
invoquent les principes acquis en matière d'inaliénabilité au soutien de la nullité des actes irréguliers du fiduciaire. – Sur les sanctions de l'inaliénabilité,
V. F. Terré et Ph. Simler, Les biens : 10e éd., 2018, n° 136). En cas de violation de l'obligation de restitution des éléments d'actifs, il est permis de s'inspirer des
sanctions applicables en cas d'aliénation faite en contravention d'une promesse unilatérale de vente (V., C. civ., art. 1124, al. 3, issu de l'ordonnance n° 2016-131
du 10 févr. 2016 : « Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l'existence est nul ». – Rappr. Ph. Delebecque, La
responsabilité du fiduciaire », in La fiducie dans tous ses états : Dr. & patr. nov. 2009, p. 44, l'auteur se référant à la jurisprudence relative à la violation des
pactes de préférence et la substitution du bénéficiaire dans les droits du tiers acquéreur, comme sanction en nature). Dans l'hypothèse d'un « dépassement de
pouvoir » en matière d'actes d'administration, le tiers de mauvaise foi verra en principe sa responsabilité délictuelle engagée, le juge pouvant alors prononcer la
nullité de l'acte à titre de réparation en nature (Rappr., à propos de la violation d'un pacte de préférence, Cass. 1re civ., 12 juin 1954 : Bull. civ. I, n° 190).

33. – Cas particulier de l'action de concert –


Lorsque le patrimoine fiduciaire comporte des titres de sociétés cotées en Bourse, assortis du droit de vote (actions pourvues d'un droit de vote, certificats de
droit de vote), il y a lieu de veiller à la présomption d'action de concert posée par la loi de 2007, qui a complété à cet effet la liste des cas (C. com., art. L. 233-10,
II) dans lesquels est présumé exister « un accord en vue d'acquérir, de céder ou d'exercer des droits de vote, pour mettre en œuvre une politique commune vis-à-
vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société » (C. com., art. L. 233-10, I). Désormais, un tel accord est également présumé exister « entre le
fiduciaire et le bénéficiaire d'un contrat de fiducie, si ce bénéficiaire est le constituant » (C. com., art. L. 233-10, II, 5°). Le sens de cette disposition est de
présumer que le fiduciaire et le constituant ont conclu un accord pour mettre en œuvre « une politique commune vis-à-vis de la société » (C. com., art. L. 233-10,
I. – La finalité alternative d'obtention du contrôle de la société a été rajouté ultérieurement par L. n° 2010-1249, 22 oct. 2010, art. 48), sachant que le fiduciaire,
n'ayant aucun intérêt personnel à voter dans telle ou telle direction, suivra probablement les instructions du constituant bénéficiaire de la fiducie (V. C. Goyet,
Action de concert, Dictionnaire Joly Bourse : EA 025, nov. 2021, n° 264).

Pour que la présomption s'applique, il est nécessaire que le constituant soit le bénéficiaire de la fiducie. Qu'en est-il si le constituant n'est que l'un des
bénéficiaires de la fiducie ? Il en sera ainsi, même si l'hypothèse devrait être peu fréquente en raison de la prohibition de la fiducie-libéralité, d'une fiducie-gestion
exercée à la fois pour le compte du constituant et d'un tiers-bénéficiaire. La présomption appelle, semble-t-il, une interprétation restrictive. Elle ne devrait jouer
que si le constituant est le bénéficiaire exclusif de la fiducie (en ce sens, F. Barrière, Rép. civ. Dalloz, V° Fiducie, n° 98). Tel devrait être d'autant plus le cas qu'en
l'absence de présomption, le contrat de fiducie pourra néanmoins être qualifié d'action de concert si la preuve en est positivement rapportée (C. com., art. L. 233-
10, I).

La présomption édictée par le texte est réfragable (en ce sens, V. not. D. Schmidt et N. Rontchevsky, Action de concert, Dictionnaire Joly Sociétés ; S EA 20,
1er mars 2022, n° 58. – Contra, C. Goyet, Action de concert, Dictionnaire Joly Bourse : EA 025, nov. 2021, n° 246 et 250). La preuve de l'absence d'action de
concert pourrait résulter des termes du contrat de fiducie prévoyant que le constituant s'interdit de donner toute instruction au fiduciaire en cours de fiducie.

Si la présomption s'applique, « les personnes agissant de concert sont tenues solidairement aux obligations qui leur sont faites par les lois et règlements » (C.
com., art. L. 233-10, III), telles les déclarations de franchissement de seuils ou le lancement obligatoire d'une offre publique d'acquisition. En sa qualité de
professionnel, nul doute que le fiduciaire est tenu d'informer le constituant sur les obligations légales qui pèsent sur ce dernier solidairement avec lui, au jour du
contrat de fiducie ou ultérieurement lors de l'entrée de titres de sociétés cotées dans le patrimoine fiduciaire.

3° Bénéficiaire

34. – Vue d'ensemble –


C'est au profit du bénéficiaire que le patrimoine fiduciaire est constitué, puis géré pendant le déroulement de la fiducie, avant de lui être dévolu à l'expiration du
contrat. Dépourvu de prérogatives juridiques sur le patrimoine fiduciaire, lequel appartient au fiduciaire, il apparaît, sous un angle économique, riche des avoirs du
patrimoine fiduciaire. La loi n'exprime que partiellement la position du bénéficiaire en énonçant que c'est à son profit que le fiduciaire, auquel ont été transférés
des biens, droits ou sûretés, doit agir dans un but déterminé (C. civ., art. 2011). À cette présentation incomplète de la position du bénéficiaire, s'ajoutent diverses
difficultés liées au cumul fréquent de la qualité de bénéficiaire avec celle de constituant ou de fiduciaire, le bénéficiaire étant rarement un tiers en raison de la
prohibition de la fiducie-libéralité.

Le législateur n'a reconnu au bénéficiaire que quelques prérogatives spécifiques, qui s'ajoutent à la protection découlant du droit commun des obligations. La
nature, personnelle ou réelle, des droits du bénéficiaire est source de controverses, alors que sa nature cessible et saisissable n'est pas douteuse.

a) Prérogatives du bénéficiaire

35. – Présentation –
La mission du fiduciaire étant exercée au profit du bénéficiaire (C. civ., art. 2011), celui-ci se voit accorder diverses prérogatives en vue de lui permettre de
préserver ses droits. Ces derniers convergent largement avec ceux du constituant, sous une réserve : le droit de nommer un tiers-protecteur est réservé au
constituant (C. civ., art. 2017), alors qu'une telle mesure peut également être utile au bénéficiaire. Mais libre à ce dernier de nommer, le cas échéant, un
mandataire de droit commun pour exercer en son nom les prérogatives qui lui sont attribuées par la loi.

36. – Compte rendu au profit du bénéficiaire –


Selon l'article 2022, alinéa 3 du Code civil « le fiduciaire rend compte de sa mission au bénéficiaire et au tiers désigné en application de l'article 2017, à leur
demande, selon la périodicité fixée par le contrat ». Il importe que le bénéficiaire soit informé de la manière dont le fiduciaire s'acquitte de sa mission, afin de
pouvoir prendre, le cas échéant, les mesures qui s'imposent pour préserver ses droits (V. n° 34 et 53 à 57 ). L'obligation du fiduciaire de rendre compte au
bénéficiaire de sa mission rejoint celle dont le fiduciaire est redevable à l'égard du constituant (V. C. civ., art. 2022, al. 1er), sans toutefois en être l'exacte
réplique. En effet « le contrat de fiducie définit les conditions dans lesquelles le fiduciaire rend compte de sa mission au constituant » (C. civ., art. 2022, al. 1er),
alors que selon l'article 2022, alinéa 2 du Code civil, le fiduciaire n'est tenu de rendre compte au bénéficiaire qu'à la demande de celui-ci. En visant le bénéficiaire,
le législateur n'a eu en vue, de toute évidence, que le tiers-bénéficiaire, et non le constituant, et encore moins le fiduciaire lui-même, qui serait bénéficiaire d'une
fiducie-sûreté, sous peine d'instaurer une information au profit de soi-même !

Cette divergence de traitement selon le destinataire de l'information – constituant ou tiers bénéficiaire – est motivée par le grand nombre possible de bénéficiaires
et le souci d'alléger les obligations du fiduciaire (V. Rapp. H. de Richemont, Sénat, Session 2006-2007, n° 11, Ann. au procès-verbal, séance 11 oct. 2006, p. 60 :
« Dans la mesure où certains contrats de fiducie pourraient désigner plusieurs centaines ou plusieurs milliers de personnes comme bénéficiaires, il serait
contraignant et coûteux d'imposer au fiduciaire un compte rendu périodique alors même que le bénéficiaire ne le requiert pas expressément », le rapporteur
donnant l'exemple d'actionnaires bénéficiaires d'une fiducie dont la société serait elle-même le constituant). Mais il va de soi que les modalités de l'information au
profit du tiers-bénéficiaire peuvent être alignées, conventionnellement, sur celle due au constituant.

37. – Nomination judiciaire d'un fiduciaire provisoire ou remplacement du fiduciaire –


Le pouvoir de solliciter la nomination d'un fiduciaire provisoire ou le remplacement du fiduciaire est libellé dans les mêmes termes, qu'il émane du « constituant »,
du « bénéficiaire » ou du tiers protecteur (C. civ., art. 2027. – V. n° 9 et 38 ). Les événements mettant en danger la fiducie justifient des mesures judiciaires
pouvant être déclenchées indifféremment par le constituant, le tiers-bénéficiaire ou encore le tiers protecteur (V. n° 53 à 57 ). Cette mesure de protection profitera
avant tout au tiers bénéficiaire. D'une part, le constituant bénéficiaire d'une fiducie-gestion se voit déjà accorder cette action en tant que constituant. D'autre part,
dans l'hypothèse d'une fiducie-sûreté sans entiercement, il sera rarissime que le créancier fiduciaire demande en justice, en sa qualité de bénéficiaire, son propre
remplacement ou la nomination d'un fiduciaire provisoire, lorsqu'il manque à ses devoirs ou qu'il met en péril les intérêts qui lui sont confiés ! Voilà encore un effet
négatif de l'acception trop large du terme de bénéficiaire employé par le législateur.

b) Droit commun

38. – Stipulation pour autrui –


Lorsque le bénéficiaire de la fiducie n'est ni le constituant, ni le fiduciaire, l'opération fiduciaire est nécessairement triangulaire. Ce cas de figure couvre deux
hypothèses, à savoir la fiducie-gestion conclue au profit d'un tiers, sans qu'il puisse s'agir d'une fiducie-libéralité, et la fiducie-sûreté avec entiercement, le
fiduciaire détenant la sûreté au profit du créancier. Le bénéficiaire étant ainsi un tiers par rapport aux contractants, ce sont les règles générales de la stipulation
pour autrui qui ont vocation à s'appliquer lorsqu'il s'agit de déterminer les droits du tiers à l'égard du constituant et du fiduciaire-promettant (C. civ., art. 1205 à
1209). Ce trait traditionnel de la fiducie (V. Cl. Witz, La fiducie en droit privé français, préf. D. Schmidt, thèse Strasbourg 1979 : Economica 1980, n° 283 s.
– F. Barrière, La réception du trust au travers de la fiducie : Litec 2004, n° 500 s.) a été rappelé au cours des travaux préparatoires (V. Marini, Sénat, prop. de loi
n° 178, 2005, Session 2004-2005, Ann. au procès-verbal, séance 8 févr. 2005, art. 2070-1, al. 2, p. 5).

Il résulte du droit commun de la stipulation pour autrui que le tiers-bénéficiaire est titulaire d'un droit direct contre le fiduciaire-promettant (C. civ., art. 1206, al. 1er)
sans que ce droit naisse d'abord dans le patrimoine du constituant. Il en résulte aussi qu'il pourra poursuivre l'exécution forcée (C. civ., art. 1209), en agissant
contre le fiduciaire récalcitrant ou négligent qui, par exemple, s'abstiendrait de lui verser les fruits en cours de fiducie ou entraverait la dévolution des biens lors de
l'extinction de la fiducie. De même, le tiers bénéficiaire pourra mettre en jeu la responsabilité contractuelle du fiduciaire, sans pour autant pouvoir agir en
résolution du contrat (sur ces différents aspects, V. not., M. Mignot, JCl. Civil Code, Art. 1205 à 1209 ou Notarial Répertoire, V° Contrats et obligations, fasc. 7-3,
spéc., n° 196 s. A). Nul doute que le tiers-bénéficiaire a également qualité, selon les règles de la stipulation pour autrui, pour agir en nullité des actes irréguliers
accomplis par le fiduciaire. Il importe toutefois de relever que l'anéantissement ou la neutralisation des actes irréguliers profiteront au patrimoine fiduciaire, et non,
directement au bénéficiaire. Celui-ci, tout comme le constituant, en tireront les bénéfices à l'extinction de la fiducie, qui aura souvent lieu de manière anticipée, eu
égard aux circonstances, par voie de révocation de la fiducie par le constituant ou de la résolution du contrat pour inexécution contractuelle.

Par ailleurs, le législateur a précisé le droit commun de la stipulation pour autrui en énonçant que le contrat de fiducie ne peut être modifié après l'acceptation du
bénéficiaire, sauf décision de justice (C. civ., art. 2028, al. 2) et en envisageant l'hypothèse d'une renonciation du bénéficiaire, laquelle est lourde de portée pour
l'opération fiduciaire (V. n° 69 ).

c) Nature réelle ou personnelle des droits du bénéficiaire sur les biens fiduciaires

39. – Silence du législateur et analyses doctrinales –


Le législateur s'est abstenu de se prononcer sur la nature des droits du bénéficiaire relatifs aux biens composant le patrimoine fiduciaire, qu'il s'agisse d'un tiers-
bénéficiaire ou du constituant lui-même. Selon l'analyse doctrinale classique, qui avait été développée pour permettre à la fiducie d'éclore en droit français en
vertu de la liberté contractuelle sans heurter le principe traditionnel du numerus clausus des droits réels, affirmé par l'opinion dominante nonobstant l'arrêt
Caquelard (Cass. req. 13 févr. 1834 : GAJ civ. n° 66 ), les droits du bénéficiaire sur les biens fiduciaires s'analysent en droits de créance (V. Cl. Witz, La fiducie
en droit privé français, préf. D. Schmidt, thèse Strasbourg 1979 : Economica, 1980, n° 246 et 286. – P. Crocq, Propriété et garantie : LGDJ 1995, préf. M. Gobert,
n° 173 s. – V. depuis, l'abandon sans équivoque du principe du numerus clausus des droits réels, Cass. 3e civ., 31 oct. 2012, n° 11-16.304 : JurisData n° 2012-
024285 ; Bull. civ. III, n° 159 ; D. 2013, p. 53, note L. d'Avout et A. Mallet-Bricout ; JCP G 2012, 2352, note F.-X. Testu ; GAJ civ. n° 66. – Contra, R. Libchaber,
Une fiducie française, inutile et incertaine…, Mél. en l'honneur de P. Malaurie : Defrénois 2005, p. 303 s., spéc. n° 12 s.).

La question de la nature juridique des droits du bénéficiaire n'a pas manqué de rebondir depuis la consécration de la fiducie par la loi n° 2007-211 du 19 février
2007. Mettant l'accent sur les droits du bénéficiaire à jouir des biens fiduciaires par l'intermédiaire du fiduciaire ainsi qu'à acquérir la propriété lors du dénouement
de la fiducie (Jus ad rem), une partie de la doctrine reconnaît au bénéficiaire un droit réel sui generis qui aurait été implicitement consacré par le législateur
(V. F. Danos, La qualification des droits des différentes parties à une opération de fiducie, in Mél. en l'honneur de Philippe Merle : Dalloz 2012, p. 137. – V. aussi,
C. Berger-Tarare, Le fiduciaire défaillant, Regards croisés en droit des biens et droit des obligations, Préf. B. Mallet-Bricout : LGDJ, 2015, n° 252 s. –
Ph. Dupichot, Opération fiducie sur le sol français : JCP N 2007, 1130 s., spéc. n° 4. – Rappr., sous l'empire de l'avant-projet, M. Grimaldi, La fiducie : réflexions
sur l'institution et sur l'avant-projet de loi qui la consacre : Defrénois 1991, art. 35094, n° 58). Eu égard à la nature réelle de ce droit, le bénéficiaire se verrait
reconnaître une action réelle pétitoire, en l'occurrence une action confessoire, à l'encontre d'un acquéreur de mauvaise foi (V. sur cette action, C. Berger-Tarare,
Le fiduciaire défaillant, Regards croisés en droit des biens et droit des obligations, Préf. B. Mallet-Bricout : LGDJ, 2015, n° 804 s.).

De solides raisons plaident néanmoins en faveur du caractère personnel de la créance du bénéficiaire de la fiducie. Alors qu'il avait partiellement en point de mire
le trust, le législateur s'est pourtant abstenu d'accorder au bénéficiaire un droit de préférence dans l'hypothèse où le fiduciaire a mélangé les actifs fiduciaires
avec ses biens propres sans qu'on puisse les individualiser. Pas davantage ne lui a-t-il accordé un droit de suite qui lui aurait permis de revendiquer directement
le bien entre les mains d'un tiers acquéreur de mauvaise foi (sur ces aspects du trust, V., M.-F. Papandréou-Deterville, Le droit anglais des biens : LGDJ 2004,
n° 799 s.), en lieu et place de la voie détournée conduisant le bénéficiaire à poursuivre l'anéantissement de l'acte de disposition irrégulier, suivi de la réintégration
du bien dans le patrimoine fiduciaire. À juste titre, un fort courant doctrinal s'en tient à la nature personnelle des droits du bénéficiaire (V. not. P. Crocq, Propriété
fiduciaire, propriété unitaire, in La fiducie dans tous ses états, Journées nationales, t. XV : Dalloz 2011, p. 9, spéc. p. 11 s. – C. de Lajarte, La nature juridique des
droits de bénéficiaire d'un contrat de fiducie : RLDC 2009, n° 60, p. 71 s.). Dans le contexte, il est vrai, particulier d'une saisie pénale de biens apportés à un
fiduciaire et suspectés d'être l'objet d'un blanchiment, la Cour de cassation a jugé que le constituant-bénéficiaire ne pouvait pas être considéré comme ayant des
droits sur les biens en question, au sens de l'article 706-153 du Code de procédure pénale, pour en déduire qu'il ne pouvait, nonobstant le fait que cette saisie lui
ait été notifiée, s'opposer à la décision du juge d'instruction ordonnant la saisie (Cass. crim., 9 juin 2022, n° 21-85.805. – L. Saenko, Le trust, la fiducie et le délit
de blanchiment : JCP N 2022, n° 45, 1265, p. 47). Le droit de créance du bénéficiaire apparaît néanmoins renforcé en substance par rapport au droit commun,
grâce à la consécration du patrimoine d'affectation (comp. J. de Guillenchmidt, évoquant un droit de créance « teinté de réalité » : La France sans la fiducie : RJC
1991, p. 49 s.). Le patrimoine fiduciaire étant hors d'atteinte des créanciers personnels du fiduciaire (V., à propos des procédures collectives ouvertes à l'encontre
du fiduciaire, C. civ., art. 2024. – V. n° 43 ), la position du bénéficiaire est meilleure que celle du titulaire d'un simple droit de créance, dépourvu de droit de
préférence, ce qui l'aurait mis en concours avec les créanciers personnels du fiduciaire (sur l'importance du choix législatif en faveur du patrimoine d'affectation
pour éclairer les droits des parties à l'opération fiduciaire, V. P. Crocq, Propriété fiduciaire, propriété unitaire, in La fiducie dans tous ses états, Journées
nationales, t. XV : Dalloz, 2011, p. 9, spéc. p. 11 s. – Rappr. C. Gouret, L’administration fiduciaire, Contribution à l’étude de la fiducie, avant-propos M.-L. Mathieu,
préf. Ch. Albiges et Fr. Pérochon : Defrénois, 2022, spéc. n° 359 s.).

Dans une configuration particulière, le bénéficiaire se voit investi de la propriété des biens composant le patrimoine fiduciaire. Tel est le cas lorsqu'il cumule les
qualités de bénéficiaire et de fiduciaire dans le cadre d'une fiducie-sûreté sans entiercement. Le droit réel de propriété du fiduciaire – bénéficiaire est néanmoins
limité dans sa portée par un droit de créance dont le constituant est titulaire (droit à la restitution du patrimoine si la sûreté n'a pas lieu d'être mise en œuvre, droit
au reliquat du produit de réalisation dépassant le montant de la créance garantie, V. n° 79 ).

d) Droits de créance cessibles et saisissables

40. – Caractère cessible et saisissable –


Les droits de créance du bénéficiaire de la fiducie sont cessibles et saisissables. Conformément au droit commun, le cessionnaire et le saisissant ne pourront
acquérir à l'encontre du fiduciaire plus de droits que le bénéficiaire initial. Une clause d'incessibilité aura pu être convenue par les parties au contrat de fiducie,
même si le terrain d'élection de pareilles clauses aurait été la fiducie-libéralité, laquelle est prohibée par la loi.

4° Tiers protecteur

41. – Mission et pouvoirs du tiers protecteur –


Rappelons que, selon l'article 2017, alinéa 1er du Code civil « le constituant peut, à tout moment, désigner un tiers chargé de s'assurer de la préservation de ses
intérêts dans le cadre de l'exécution du contrat et qui peut disposer des pouvoirs que la loi accorde au constituant », prérogative dont le contrat de fiducie ne peut
le priver si le constituant est une personne physique (C. civ., art. 2017, al. 2). Sa mission est celle de préserver les intérêts du constituant dans le cadre de
l'exécution du contrat de fiducie. Ainsi, le législateur s'abstient de viser les intérêts du bénéficiaire (V. F. Barrière, Rép. civ. Dalloz, V° Fiducie, n° 79, qui souligne
la divergence possible entre les intérêts du constituant et ceux du tiers bénéficiaire). La prohibition de la fiducie-libéralité limite toutefois la portée pratique de la
restriction.

La formule selon laquelle le tiers protecteur « peut disposer des pouvoirs que la loi accorde au constituant » n'est pas des plus heureuses. D'une part, elle occulte
les pouvoirs spécifiques que le législateur attribue de plein droit au tiers protecteur. En premier lieu, le fiduciaire doit rendre compte de sa mission au tiers
protecteur (C. civ., art. 2022), à la demande de celui-ci, l'information étant donc quérable, selon un régime analogue à celui de l'information due au bénéficiaire, et
non portable, comme c'est le cas de l'information due au constituant. L'explication de cette différence de traitement s'explique sans doute par l'état d'ignorance
dans lequel le fiduciaire peut se trouver quant à l'existence d'un tiers protecteur (en ce sens, F. Barrière, Rép. civ. Dalloz, V° Fiducie, n° 93). En second lieu, l'
article 2027 du Code civil accorde au tiers protecteur le droit d'agir en justice en vue de la nomination d'un fiduciaire provisoire ou du remplacement du fiduciaire
en cas de péril (V. aussi, à propos du constituant, n° 9).

D'autre part et surtout, les termes « peut disposer » est source d'ambiguïté. Selon une première analyse, le protecteur « disposera, sauf stipulation contraire du
contrat de fiducie, des différentes prérogatives reconnues au constituant » (Rapp. H. de Richemont, Sénat, Session 2006-2007, n° 11, Ann. au procès-verbal,
séance 11 oct. 2006, p. 56), ce qui laisse entendre qu'en cas de nomination d'un tiers protecteur, celui-ci disposerait de plein droit des prérogatives du
constituant, lesquelles couvriraient le droit de révoquer le contrat de fiducie, lourd de portée (C. civ., art. 2028). Selon une seconde analyse, l'octroi au tiers
protecteur des pouvoirs du constituant implique que le contrat de fiducie contienne une stipulation en ce sens (Dossiers pratiques Francis Lefebvre, avec la
collaboration de B. Gouthière, La fiducie : mode d'emploi, 2e éd., 2009, n° 802). Une troisième analyse nous semble préférable. Les pouvoirs étendus peuvent
être accordés au tiers protecteur, même en cas de silence du contrat de fiducie, dès lors que le constituant les lui octroie, lors de sa nomination ou
ultérieurement, à moins que le contrat de fiducie s'y oppose. À défaut de mentions expresses, le tiers protecteur n'aurait, selon nous, que les pouvoirs spécifiques
qui lui sont attribués par le législateur (C. civ., art. 2022 et 2027), à l'exception du pouvoir de révocation unilatérale (C. civ., art. 2028) ou de celui d'amender le
contrat en accord avec le fiduciaire.

Il va de soi qu'en concluant le contrat de fiducie, les parties ont intérêt à se prononcer sur l'étendue des pouvoirs susceptibles d'être conférés au tiers protecteur,
le cas échéant en énonçant à son profit des prérogatives déterminées (consultation de la comptabilité, contrôle de la conservation des actifs, contrôle des
contrats conclus par le fiduciaire, etc., V. Dossiers pratiques Francis Lefebvre, avec la collaboration de B. Gouthière, La fiducie : mode d'emploi, 2e éd., 2009,
n° 802). On peut également imaginer que le contrat de fiducie subordonne à l'autorisation préalable du tiers protecteur la passation de tel ou tel type d'acte lourd
de portée ou la modification des modes de gestion qui serait rendue nécessaire à la suite d'un changement de circonstances envisagé par le contrat.

42. – Révocabilité, responsabilité, fin de la mission –


La loi ne précise pas la nature juridique des liens unissant le constituant au tiers-protecteur. Il est permis d'y voir une variété de mandat. En tant qu'il est en
charge de la préservation des intérêts du constituant, le tiers-protecteur devrait, dans l'hypothèse d'une fiducie constituée au profit d'un tiers bénéficiaire, pouvoir
être librement révoqué, même après l'acceptation de celui-ci. Tout comme le mandataire de droit commun, il doit répondre « non seulement du dol, mais encore
des fautes qu'il commet dans sa gestion » (C. civ., art. 1992, al. 2). En l'absence de prévisions légales particulières, la mission du tiers protecteur prend fin par les
mêmes causes que celles entraînant la cessation du contrat de fiducie (C. civ., art. 2029), et notamment par le décès du constituant. Les contractants seront bien
avisés de nommer le tiers protecteur exécuteur testamentaire, en charge de la surveillance des inévitables opérations de dénouement consécutives au décès du
constituant.

B. - Patrimoine fiduciaire

43. – Clef de voûte de la fiducie –


S'il est de l'essence de la fiducie que le fiduciaire acquière la propriété des biens qui lui sont confiés, et non une propriété simulée, les systèmes juridiques
nationaux accueillant la fiducie ne consacrent pas tous l'existence d'un authentique patrimoine fiduciaire, qui soit à la fois hors d'atteinte des créanciers
personnels du fiduciaire et doté d'un actif et d'un passif propres (V. par ex., les expériences allemande et suisse, Cl. Witz, Les caractères distinctifs de la fiducie,
in Trust & fiducie : concurrents ou complémentaires : Academy & Finance SA, Genève 2008, p. 63 s., spéc., p. 68 s.). Les consécrations législatives de la fiducie
dans les systèmes de tradition civiliste tendent toutes vers ce modèle, qui traduit le mieux la caractéristique première de la propriété fiduciaire, celle d'être une
propriété finalisée (V. Règlement grand-ducal luxembourgeois 1983. – Loi luxembourgeoise, 27 juill. 2003. – C. civ. québécois, art. 1261, le patrimoine fiduciaire
étant toutefois érigé, dans ce dernier pays, en patrimoine autonome et distinct de celui du constituant, du fiduciaire ou du bénéficiaire. – V. aussi, de lege ferenda,
l'avant-projet suisse visant à introduire le trust dans le code des obligations, spéc. projet d'article 529, Document officiel de la Confédération suisse, consultable
en ligne).

Les articles 2011 et suivants du Code civil répondent au régime d'une fiducie modernisée, sous l'angle du droit des biens, même si ce régime ne transparaît pas
aussi clairement qu'on aurait pu le souhaiter. C'est ainsi qu'en définissant la fiducie à l'article 2011 du Code civil, le législateur s'est abstenu d'utiliser le concept
de patrimoine fiduciaire à propos des biens, droits ou sûretés ou de l'ensemble de biens, droits ou sûretés, présents ou futurs, transférés au fiduciaire, devant être
tenus séparés du patrimoine propre du fiduciaire. Ce silence est compensé par les nombreuses références faites au patrimoine fiduciaire – pas moins de 17 fois –
par les articles subséquents du Titre quatorzième. Le concept de patrimoine d'affectation n'apparaît, quant à lui, que dans le cadre des dispositions comptables (
L. n° 2007-211, 19 févr. 2007, art. 12. – Règl. CRC n° 2008-01, 3 avr. 2008), alors pourtant qu'il est parfaitement approprié pour refléter les traits essentiels du
régime du patrimoine fiduciaire : les biens transférés au fiduciaire doivent être tenus séparés du patrimoine propre du fiduciaire (C. civ., art. 2011) ; le patrimoine
fiduciaire ne peut être saisi que par les titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion de ce patrimoine (C. civ., art. 2025, al. 1er), sans que
l'ouverture d'une procédure collective ouverte à l'encontre du fiduciaire n'affecte le patrimoine fiduciaire (C. civ., art. 2024). L'article 12 de la loi n° 2007-211 du
19 février 2007 reflète bien l'autonomie du patrimoine fiduciaire en énonçant que « les éléments d'actif et de passif transférés dans le cadre de l'opération
mentionnée à l'article 2011 du Code civil forment un patrimoine d'affectation. Les opérations affectant ce dernier font l'objet d'une comptabilité autonome chez le
fiduciaire ».

D'avant-garde en 2007, la technique du patrimoine d'affectation qui déroge au sacro-saint principe de l'unicité du patrimoine, s'est banalisée sur le plan législatif.
Elle a été en effet reprise par le législateur dans le cadre de la protection de l'entrepreneur individuel, en permettant à celui-ci d'opter pour le régime de
l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). Tel fut l'apport de la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité
limitée. Avec la loi n° 2022-172 du 14 février 2022, tout entrepreneur individuel est désormais doté légalement de deux patrimoines, un patrimoine professionnel
correspondant à son activité professionnelle indépendante et son patrimoine personnel réunissant tous ses autres biens. L'innovation est majeure puisque la
division est automatique, sans démarche administrative ou information des créanciers. Qui plus est, ce dernier texte permet et organise la circulation du
patrimoine professionnel, selon une avancée notable par rapport à la réglementation légale du patrimoine fiduciaire (sur la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en
faveur de l'activité professionnelle indépendante, V. not. T. Revet, La désubjectivation du patrimoine : D. 2022, p. 469).

1° Actif fiduciaire

44. – Biens originaires et subséquents –


Figurent dans le patrimoine fiduciaire, en premier lieu, les biens transférés initialement au fiduciaire – les biens présents visés par l'article 2011 du Code civil –,
ainsi que les biens que celui-ci était chargé d'acquérir, selon le contrat de fiducie, en d'autres termes les biens futurs envisagés par la même norme. Les éléments
initiaux de l'actif sont appelés à se renouveler ou à demeurer dans le patrimoine fiduciaire, selon l'extrême variété des emplois possibles de la fiducie et des
stipulations contractuelles. Ainsi, l'assiette d'une fiducie-sûreté demeurera souvent inchangée jusqu'au dénouement de l'opération fiduciaire, tout comme celle
d'une fiducie-gestion convenue à des fins conservatoires ou de séquestre. À l'opposé, lorsque la fiducie est l'instrument d'une gestion de fortune, les éléments de
l'actif sont appelés à se renouveler selon le rythme dicté par le type de gestion convenu par les parties.

Les biens acquis en cours de fiducie prendront la place des éléments initiaux, par le jeu éprouvé de la subrogation réelle qui s'opère de plein droit, même si le
fiduciaire n'était pas autorisé à aliéner ces biens (F. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens : PUF, 3e éd., 2008, n° 278). Les entraves au fonctionnement de la
subrogation réelle pourront provenir des malversations du fiduciaire ou d'un comportement négligent du fiduciaire, qui n'aurait pas veillé à maintenir les biens
séparés de son patrimoine propre ou d'un autre patrimoine fiduciaire.

45. – Fruits –
En tant que propriétaire, le fiduciaire est assurément habilité à percevoir les fruits des éléments d'actif du patrimoine fiduciaire (intérêts, dividendes, loyers, etc.).
Bien plus, sa mission de fiduciaire l'oblige, tout comme n'importe quel administrateur diligent, à engranger les fruits, lesquels devront être versés dans le
patrimoine fiduciaire. Libre toutefois aux parties de prévoir que les fruits seront affectés, dans une proportion déterminée, à la rémunération du fiduciaire. En
matière de fiducie-sûreté, les contractants pourront convenir que les fruits s'imputeront sur les intérêts ou le capital de la créance garantie. À défaut d'une pareille
clause, une telle imputation ne semble pas pouvoir être de droit, eu égard à l'existence du patrimoine fiduciaire, réceptacle naturel des fruits perçus (pour une
position différente, V. F. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens : PUF, 3e éd., 2008, n° 279). Le régime de la fiducie-sûreté devrait se distinguer ainsi de celui
applicable en matière de gage de meubles corporels (C. civ., art. 2345) et de gage immobilier (C. civ., art. 2389).

2° Passif fiduciaire

46. – Architecture générale –


Tout logiquement, le législateur a consacré la règle selon laquelle le patrimoine fiduciaire répond des seules dettes nées à l'occasion de ce patrimoine, à
l'exclusion des dettes personnelles du fiduciaire. Toutefois, le législateur a cru bon de prévoir des patrimoines qui répondent, en renfort, du passif fiduciaire, en
cas d'insuffisance du patrimoine fiduciaire. Il en résulte une réglementation complexe, critiquable sur le fond et la forme (V., sur la médiocre qualité rédactionnelle
de l'article 2025 du Code civil et les objections de fond, M. Mignot, Droit des sûretés : Montchrestien 2010, n° 3097 s.).

47. – Affectation des éléments d'actif au passif fiduciaire –


Selon la règle de principe posée par l'article 2025, alinéa 1er du Code civil « le patrimoine fiduciaire ne peut être saisi que par les titulaires de créances nées de la
conservation ou de la gestion de ce patrimoine » (V., pour une formule comparable, C. civ., art. 815-17, relatif à l'indivision. – C. mon. fin., art. L. 214-6, relatif à
l'actif d'une SICAV ou d'un fonds commun de placement). L'actif du patrimoine fiduciaire répond ainsi exclusivement du passif se rapportant à ce patrimoine,
selon une caractéristique commune des patrimoines d'affectation, comme le reconnaît le législateur à l'article 12 de la loi de 2007 (V. n° 40 ). Observons au
passage que la formulation de l'article 2025 fait ressortir toutes les ambiguïtés du concept classique de patrimoine, conçu comme l'assiette du droit de gage
général ou de saisie des créanciers : ce sont les éléments d'actif, et non le patrimoine en tant que tel, comprenant l'actif et le passif, qui sont susceptibles d'être
saisis (V. Cl. Witz, Droit de gage général : JCl. Civil Code, Art. 2284 et 2285 ou Notarial Répertoire, V° Gage, fasc. 10).

Si le patrimoine fiduciaire ou, de manière plus exacte, les éléments d'actif qui le composent, sont l'assiette exclusive des recours des créanciers dont les droits
sont nés à l'occasion de la conservation ou de la gestion des biens fiduciaires, il en résulte que ces derniers sont hors d'atteinte des créanciers personnels du
fiduciaire ou des créanciers d'un patrimoine fiduciaire distinct. Le législateur n'a dégagé cette conséquence protectrice du constituant ou du tiers bénéficiaire qu'à
propos des procédures collectives pouvant frapper le fiduciaire (V. C. civ., art. 2024 : « L'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou
de liquidation judiciaire au profit du fiduciaire n'affecte pas le patrimoine fiduciaire »). Ce qui vaut pour les procédures collectives s'applique aussi aux voies
d'exécution diligentées contre le fiduciaire en raison de dettes étrangères à la fiducie. Le projet de 1992 avait déduit de l'affectation de l'actif au passif fiduciaire
deux autres conséquences (C. civ., art. 2070-2). D'une part, en cas de décès du fiduciaire, lequel ne peut être qu'un avocat (V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030,
fasc. 10 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 10 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 785), les biens du patrimoine fiduciaire ne font pas partie de sa
succession. D'autre part, en cas de dissolution d'une personne morale fiduciaire, ceux-ci ne font pas partie de l'actif partageable ou transmissible à titre universel.
Sans doute le législateur a-t-il renoncé à prévoir ces conséquences, en raison de l'extinction de la fiducie dans ces deux cas (V. n° 66 et 67 ).

La nature des dettes composant le passif fiduciaire peut être variée. Le passif fiduciaire sera constitué, le plus souvent, par des dettes issues de contrats conclus
par le fiduciaire à l'occasion du patrimoine fiduciaire. Encore faut-il que les contractants du fiduciaire aient été fondés à penser que celui-ci n'agissait pas en son
nom personnel ou au nom du constituant (V. n° 26 ). Le passif fiduciaire peut également comprendre des dettes d'origine délictuelle nées à l'occasion de la
conservation ou de la gestion du patrimoine fiduciaire (action en concurrence déloyale, parasitisme, responsabilité du fait des bâtiments, etc.). En revanche, le
fiduciaire répond sur son patrimoine propre des fautes ainsi commises, lorsqu'il est assigné en responsabilité par le constituant ou le tiers bénéficiaire (C. civ.,
art. 2026. – V. n° 22 ).

48. – Emprise exceptionnelle d'autres créanciers sur le patrimoine fiduciaire –


La règle selon laquelle les éléments d'actif du patrimoine fiduciaire sont le gage exclusif des créances nées à l'occasion du patrimoine fiduciaire comporte deux
exceptions, aisément compréhensibles, posées par l'article 2025 du Code civil (V. déjà en ce sens, projet de loi de 1992, art. 2069, al. 2). D'une part « les
créanciers du constituant titulaires d'un droit de suite attaché à une sûreté publiée antérieurement au contrat de fiducie » (C. civ., art. 2025), tel un créancier
hypothécaire, pourront saisir les biens entrés ultérieurement dans le patrimoine fiduciaire, et ce grâce à leur droit de suite, dans les mêmes conditions que celles
d'un transfert dans le patrimoine d'un tiers. D'autre part, la norme réserve « les cas de fraude aux droits des créanciers du constituant », renvoyant ainsi
implicitement à l'action paulienne (C. civ., art. 1167, auj., art. 1341-2), sanctionnée par l'inopposabilité de l'acte frauduleux. En conséquence, si les conditions de
l'action paulienne sont réunies, le créancier ayant introduit avec succès l'action paulienne pourra saisir le ou les biens entrés frauduleusement dans le patrimoine
fiduciaire. Par ailleurs, le législateur a pris le soin d'ajouter dans la liste des actes nuls intervenus pendant la période suspecte « °10° tout transfert de biens ou de
droits dans un patrimoine fiduciaire, à moins que ce transfert ne soit intervenu à titre de garantie d'une dette concomitamment contractée », ainsi que « 11° tout
avenant à un contrat de fiducie affectant des droits ou biens déjà transférés dans un patrimoine fiduciaire à la garantie de dettes contractées antérieurement à cet
avenant » (C. com., art. L. 632-1). Rappelons que l'exception au profit des transferts en garantie de dettes concomitantes ou futures a été rajoutée, de manière
salutaire, par la loi du 4 août 2008, alignant ainsi le régime de la fiducie aux autres sûretés.

49. – Garantie subsidiaire du patrimoine du constituant, vue d'ensemble –


Le législateur de 2007 n'est pas allé jusqu'au bout de la logique du patrimoine d'affectation, laquelle aurait commandé que le patrimoine fiduciaire répondît seul
des dettes nées à l'occasion du patrimoine fiduciaire. Selon l'article 2025, alinéa 2 « en cas d'insuffisance du patrimoine fiduciaire, le patrimoine du constituant
constitue le gage commun » des titulaires des créances nées de la conservation ou de la gestion du patrimoine fiduciaire, sous réserve de deux exceptions. L'une
vise le cas où le contrat de fiducie contient une stipulation mettant tout ou partie du passif à la charge du fiduciaire (C. civ., art. 2025, al. 2). L'autre exception est
celle d'une clause limitant le passif fiduciaire au seul patrimoine fiduciaire, opposable uniquement aux créanciers l'ayant expressément acceptée (C. civ.,
art. 2025, al. 3).

La garantie subsidiaire du patrimoine du constituant innove par rapport au projet de 1992 et à la proposition Marini. Elle a été introduite, de manière contestable,
par la Commission des lois du Sénat (Rapp. H. de Richemont, Sénat, Session 2006-2007, n° 11, Ann. au procès-verbal, séance 11 oct. 2006, p. 63 s.). Aucune
des codifications étrangères récentes de la fiducie ne prévoit la responsabilité subsidiaire du constituant, qu'il s'agisse du droit luxembourgeois, du droit libanais
ou du droit québécois. La responsabilité subsidiaire du constituant apparaît critiquable pour plusieurs raisons. D'une part, il peut paraître injuste que le constituant
puisse être tenu de dettes qu'il n'a pas contractées (V. A. Prüm, L'arrivée de la fiducie : RD bancaire et fin. 2007, alerte 1, n° 1, p. 1 s., spéc. p. 2 in fine) pour un
patrimoine « dont il n'est pas titulaire et qu'il ne gère pas » (S. Piedelièvre, La timide consécration de la fiducie par la loi du 19 février 2007 : Gaz. Pal. 2007, II,
1526 s., n° 38). D'autre part, il peut être difficile pour les tiers contractants d'apprécier la solvabilité du constituant, alors qu'il leur serait plus aisé de vérifier celle
de leur cocontractant, qui est nécessairement un professionnel. Quant à l'idée que le constituant, riche des avoirs de la fiducie, doive répondre à ce titre des
dettes de la fiducie (comp., M. Grimaldi, Théorie du patrimoine et fiducie : Rev. Lamy dr. civ. 2010, n° 77, p. 73 s.), elle n'éclaire que partiellement le régime légal,
et ce dans les cas où le constituant est le bénéficiaire exclusif de la fiducie, ce qui écarte ce fondement dans l'hypothèse d'une fiducie-sûreté ou d'une fiducie-
gestion au profit d'un tiers bénéficiaire. La responsabilité subsidiaire du constituant est également contestable en pratique, car elle risque d'entraver des
applications potentielles de la fiducie (V. séminaire, 25 avr. 2007 : Rev. Lamy dr. civ. 2007, n° 40, p. 75). Mieux aurait valu s'en tenir aux règles inhérentes au
régime du patrimoine d'affectation (F. Barrière, La loi instituant la fiducie : entre équilibre et incohérence : JCP E 2007, 2053, n° 24. – C. Larroumet, La loi du
19 février 2007 sur la fiducie, Propos critiques : D. 2007, p. 1350 s. – V. n° 16 ).

50. – Insuffisance du patrimoine fiduciaire, condition d'ouverture du recours contre le constituant –


La garantie offerte de manière subsidiaire par le patrimoine du constituant est subordonnée à une condition objective, l'insuffisance des éléments d'actifs du
patrimoine. La position du constituant est meilleure que celle de la caution simple qui doit soulever l'exception de discussion pour pouvoir en bénéficier (V. C. civ.,
art. 2305 ; art. 2299 ancien). Pour que le recours contre le constituant puisse être exercé, il incombe au créancier poursuivant de prouver l'insuffisance du
patrimoine fiduciaire, sans que le législateur n'ait établi un critère de l'insuffisance du patrimoine fiduciaire, ce qu'il est permis de regretter (comp. C. civ., art. 1858
, relatif à la société civile, faisant référence aux poursuites préalables et vaines de la personne morale. – C. com., art. L. 221-1, al. 2, relatif à la société en nom
collectif, se référant à une mise en demeure vaine de la société par acte extrajudiciaire). La preuve de l'insuffisance du patrimoine fiduciaire résultera de la
comparaison entre les éléments d'actif et le passif, laquelle peut être une source de contestation entre le créancier poursuivant et le constituant.

51. – Prévisions contractuelles excluant le recours contre le constituant –


Le recours subsidiaire contre le constituant n'est pas d'ordre public. Deux types de clauses contenues dans le contrat de fiducie peuvent l'écarter. L'article 2025,
alinéa 2 vise tout d'abord l'hypothèse d'une stipulation du contrat de fiducie mettant tout ou partie du passif à la charge du fiduciaire. Dans un tel cas, le fiduciaire
répond de la dette fiduciaire sur son patrimoine propre, en lieu et place du constituant (V. n° 49 ). En second lieu, le contrat de fiducie peut restreindre l'obligation
au seul patrimoine fiduciaire, sans recours possible contre un patrimoine subsidiaire. Mais une telle clause n'est opposable qu'aux créanciers l'ayant
expressément acceptée (C. civ., art. 2025, al. 3). La restauration par les parties contractantes d'un trait caractéristique du patrimoine d'affectation suppose ainsi
l'acceptation expresse des créanciers. Une telle acceptation n'est guère concevable que pour les dettes d'origine contractuelle. On peut imaginer qu'un créancier
puisse accepter une telle limitation s'il se voit accorder, en contrepartie, une sûreté réelle portant sur un bien du patrimoine fiduciaire et garantissant efficacement
sa créance.

52. – Garantie subsidiaire du patrimoine propre du fiduciaire –


Rappelons que le contrat de fiducie peut prévoir qu'en cas d'insuffisance du patrimoine fiduciaire, tout ou partie du passif sera supporté par le patrimoine propre
du fiduciaire, ce qui met le constituant à l'abri de toute poursuite (C. civ., art. 2025, al. 2). La perspective de l'acceptation par le fiduciaire d'un tel engagement, a
pu être jugée d'irréaliste (V. C. Larroumet, La loi du 19 février 2007 sur la fiducie, Propos critiques : D. 2007, p. 1350 s.. – Dans un sens comparable, M. Lefort, Le
passif fiduciaire : Dr. & patr. juin 2008, p. 58 s., spéc. p. 62). On peut toutefois imaginer qu'un fiduciaire accepte d'endosser cet engagement sur son patrimoine
propre, après une évaluation des risques faite à la lumière de la composition du patrimoine fiduciaire, du type de gestion inhérente à sa mission et du montant de
sa rémunération. La prise en charge d'une telle garantie pourra également apparaître comme un « plus » offert par des fiduciaires soucieux de se démarquer de
leurs concurrents, lorsque le secteur des services fiduciaires sera suffisamment développé.

L'engagement du fiduciaire peut donner lieu à un large éventail de clauses contractuelles. Le cas le plus simple est celui où le fiduciaire accepte de prendre en
charge la totalité du passif, ce qui met le constituant à l'abri de toute poursuite. Mais comme le prévoit le législateur, la prise en charge par le fiduciaire prévue par
le contrat peut n'être que partielle (« …tout ou partie du passif à la charge du fiduciaire », C. civ., art. 2025, al. 2), auquel cas la décharge du constituant ne
devrait être que partielle, même si le législateur ne l'a pas précisé, et ce, à hauteur de la responsabilité que le fiduciaire a accepté d'endosser personnellement.
On peut également concevoir que le fiduciaire s'oblige à la dette, sans vouloir y contribuer, en s'aménageant à cet effet un recours contre le constituant, afin que
celui-ci supporte la charge définitive de la dette. Dans le cadre de ce recours, le constituant sera en mesure, le cas échéant, d'opposer une créance de
responsabilité du fiduciaire au titre de l'article 2026 du Code civil, et de faire jouer la compensation entre les deux créances.
53. – Prévisions contractuelles protectrices du constituant répondant du passif fiduciaire –
Dans l'hypothèse où le constituant a vocation à répondre du passif fiduciaire, diverses stipulations contractuelles peuvent réduire le risque d'une poursuite des
créanciers fiduciaires sur le patrimoine du constituant. Il en est ainsi d'une clause subordonnant la conclusion d'actes déterminés à l'accord préalable du
constituant ou de celle fixant un seuil au-delà duquel le fiduciaire ne pourrait augmenter le passif fiduciaire sans l'autorisation préalable du constituant (sur cette
dernière clause, Dossiers pratiques Francis Lefebvre, avec la collaboration de B. Gouthière, La fiducie : mode d'emploi, 2e éd., 2009, n° 3620). On peut encore
imaginer une stipulation du contrat de fiducie interdisant au fiduciaire de conclure un contrat avec un tiers sans que celui-ci n'ait préalablement accepté de limiter
ses recours aux seuls éléments d'actif du patrimoine fiduciaire (F. Barrière, La loi instituant la fiducie : entre équilibre et incohérence : JCP E 2007, 2053, n° 25).

C. - Rôle du juge

54. – Dualité –
À la fonction traditionnelle du juge en matière contractuelle, s'ajoutent des fonctions spécifiques prévues par les articles 2027 et 2028 du Code civil.

1° Rôle traditionnel du juge

55. – Droit commun –


Les articles 2011 et suivants du Code civil, laissent intact le rôle que joue traditionnellement le juge en matière contractuelle. C'est ainsi qu'il pourra être saisi de
demandes de résolution judiciaire du contrat pour inexécution contractuelle, d'actions en exécution forcée contre un fiduciaire récalcitrant (compte rendu de sa
mission, versements des fruits, remise des éléments d'actifs, etc.) et de mise en jeu de la responsabilité contractuelle de celui-ci.

2° Rôle spécifique du juge

a) Nomination d'un fiduciaire provisoire ou remplacement du fiduciaire

56. – Situations de crise –


La loi a opportunément prévu, à l'article 2027 du Code civil, des mesures de protection destinées à préserver les intérêts du constituant ou du bénéficiaire dans
trois séries de cas : manquement du fiduciaire à ses devoirs, mise en péril par lui des intérêts qui lui sont confiés et, depuis la réforme du 4 août 2008, ouverture
d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire à son encontre. L'article 2027 du Code civil, tel que modifié également sur ce point par la loi du
4 août 2008, renvoie d'abord et à juste titre aux éventuelles stipulations contractuelles qui prévoiraient les conditions de remplacement du fiduciaire en cas de
survenance de tels événements.

57. – Mesures et effets –


À défaut de stipulations contractuelles, le constituant, le bénéficiaire ou le tiers protecteur peut demander en justice « la nomination d'un fiduciaire provisoire ou
solliciter le remplacement du fiduciaire » (C. civ., art. 2027). On peut imaginer qu'à des fins de célérité la nomination d'un fiduciaire provisoire soit sollicitée dans
un premier temps, avant que le juge soit appelé à statuer sur le remplacement définitif du fiduciaire. Quant aux effets de la décision judiciaire, l'article 2027 du
Code civil se contentait d'énoncer, dans sa version initiale, qu'elle « emporte de plein droit dessaisissement du fiduciaire ». La loi du 4 août 2008 a complété la
norme légale en rajoutant, comme second effet, le « transfert du patrimoine fiduciaire en faveur de son remplaçant », et ce afin d'éviter, selon les travaux
préparatoires que « le manquement ou la défaillance du fiduciaire ne soit source de complications et de formalités supplémentaires » (Rapp. M.-L. Béteille,
E. Lamure et M.-P. Marini au nom de la Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi, Sénat, session 2007-2008, doc. n° 413, Ann. au procès-verbal,
séance 24 juin 2008, p. 115).

L'article 2027 du Code civil n'est pas à l'abri de la critique. Mieux aurait valu, à la suite du projet de 1992 et de la proposition Marini, envisager la nomination d'un
administrateur provisoire ou le remplacement définitif du fiduciaire. La norme prévoit la nomination d'un fiduciaire provisoire – et non d'un simple administrateur
provisoire – qui se voit transférer de plein droit le patrimoine fiduciaire. On imagine les nombreuses difficultés de mise en œuvre d'un tel transfert provisoire
notamment au regard des mesures de publicité applicables aux biens dont le transfert de propriété requiert une publication ou une inscription. Mieux aurait valu
assortir la nomination d'un fiduciaire provisoire du seul dessaisissement du fiduciaire originaire et réserver le transfert du patrimoine fiduciaire au seul cas du
remplaçant définitif du fiduciaire.

58. – Marge d'appréciation –


Le juge bénéficie, en prononçant ces mesures, d'une marge d'appréciation. Notamment, les manquements reprochés devraient être significatifs pour pouvoir
déboucher sur le remplacement définitif du fiduciaire, même si le texte se contente d'un manquement aux devoirs du fiduciaire, à la différence du projet de 1992 (
C. civ., art. 2070-1, al. 2) et de la proposition Marini (C. civ., art. 2070-1, al. 3) qui visaient un manquement grave, tout comme, de manière paradoxale, le rapport
présenté au nom de la Commission des lois du Sénat (V. Rapp. H. de Richemont, Sénat, Session 2006-2007, n° 11, Ann. au procès-verbal, séance 11 oct. 2006,
selon lequel « seule une méconnaissance grave devrait donner lieu au remplacement du fiduciaire », p. 65, sans pour autant que cette condition figure dans le
texte proposé et adopté par le Parlement tel quel). Si la mise en péril des intérêts confiés au fiduciaire apparaît comme un cas d'ouverture autonome, il est fort
probable que l'appréciation par le juge du poids des violations contractuelles de nature à justifier ces mesures se fasse, en pratique, également à la lumière de la
menace pesant sur les intérêts confiés au fiduciaire.

59. – Portée –
Les effets attachés au remplacement du fiduciaire par un autre sont remarquables en droit des obligations et en droit des biens : le remplacement opère une
substitution, par voie judiciaire, d'un contractant à un autre ; il produit, en droit des biens, le transfert à titre universel du patrimoine fiduciaire, y compris les
contrats en cours et éléments de passif. Vis-à-vis du fiduciaire dessaisi, il s'agit d'« une véritable expropriation » à finalité privée.
60. – Silence sur l'extinction anticipée de la fiducie –
Il est permis de regretter que le texte ne consacre pas la possibilité de solliciter du juge la cessation anticipée du contrat fiduciaire (V. en ce sens le projet de
1992, art. 2070-1, al. 2 et L. luxembourgeoise, 27 juill. 2003, art. 7, al. 6). La seule voie d'une cessation anticipée est celle, très étroite, ouverte par l'article 2028
du Code civil (V. n° 62 ).

b) Révision judiciaire du contrat

61. – Rejet de la révision dans les conditions des articles 900-1 et suivants du Code civil –
Dans le droit fil du projet de loi de 1992 (V. C. civ., art. 2070-9), la proposition de loi Marini entendait accorder au fiduciaire le droit de demander la résiliation ou la
révision du contrat de fiducie dans les conditions des articles 900-1 et suivants du Code civil (C. civ., art. 2070-3). En d'autres termes, la proposition de loi avait
envisagé la levée judiciaire de l'inaliénabilité de biens composant le patrimoine fiduciaire (C. civ., art. 900-1), tout comme la révision du contrat dont l'exécution
serait devenue extrêmement difficile ou sérieusement dommageable 10 ans après la conclusion du contrat (C. civ., art. 900-2 s.). La Commission des lois du
Sénat devait maintenir pour l'essentiel cette disposition, mais en la limitant au seul « cas de disparition du constituant en cours d'exécution du contrat de fiducie » (
C. civ., art. 2022) et ce, dans la volonté de restaurer l'exigence du consentement mutuel des contractants pour toute révision du contrat. Au cours des débats au
Sénat, cette disposition a toutefois été retirée comme suite logique de la limitation de la fiducie aux constituants personnes morales : les professionnels « n'ont
pas besoin des règles protectrices des articles 900-2 à 900-7 du Code civil, surtout que celles-ci pourraient être utilisées pour remettre en cause indûment des
fiducies-sûretés » (Amendement n° 1 du Gouvernement, annexé à la séance du Sénat, 16 oct. 2006). En élargissant la fiducie aux constituants personnes
physiques (L. n° 2008-776, 4 août 2008. – V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 10 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 10 ou Banque – Crédit – Bourse,
fasc. 785), le législateur n'a pas saisi l'occasion de restaurer cette disposition.

62. – La soupape de l'article 2028 –


La loi du 19 février 2007 instituant la fiducie permet la révision judiciaire du contrat, dans le contexte particulier d'un refus du bénéficiaire qui, après avoir donné
son acceptation à la fiducie, s'opposerait à une modification ou à une révocation du contrat (C. civ., art. 2028, al. 2). Cet obstacle pourra être levé par une
décision de justice (« Après acceptation par le bénéficiaire, le contrat ne peut être modifié ou révoqué qu'avec son accord ou par décision de justice »). Il est
dommage que le texte ne précise pas les éléments sur lesquels le juge devra s'appuyer pour accéder à une telle demande. Nul doute que la demande en justice
devrait être rejetée si la modification ou la révocation sont sollicitées en vue de réduire les droits du bénéficiaire, sans justes motifs. En revanche, la demande
devrait être accueillie au cas où l'exécution du contrat de fiducie aux conditions initiales est devenue très difficile voire impossible à la suite d'un changement de
circonstances, alors que le bénéficiaire s'accroche aux termes initiaux du contrat. Il est permis de voir, dans ce texte, l'accueil implicite de la théorie de
l'imprévision, avant sa consécration éclatante en droit commun des contrats par le nouvel article 1195 issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Mais surtout, l'article 2028, alinéa 2 ne limite pas, expressis verbis, son champ d'application à l'hypothèse d'une relation triangulaire. On a pu légitimement en
déduire que la porte est ainsi ouverte à l'application éventuelle de la théorie de l'imprévision, même aux contrats de fiducie dans lesquels le constituant est lui-
même bénéficiaire. La saisine du tribunal n'étant pas réservée au constituant (V. F. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens : PUF, 3e éd., 2008, n° 285), le juge
devrait pouvoir être saisi par un fiduciaire qui, confronté à de graves difficultés d'exécution du contrat, se heurterait à un refus du constituant d'accéder à sa
demande de révision ou d'extinction anticipée du contrat. Une interprétation en ce sens de l'article 2028 a perdu de son intérêt depuis la réforme du droit des
contrats de 2016 (C. civ., art. 1195), sauf à admettre que l'article 2028 constitue une lex specialis évinçant le droit commun. Quelles que soient les perspectives
offertes par l'article 2028, alinéa 2 et de l'article 1195, les contractants ont tout intérêt à insérer dans le contrat de fiducie des clauses de renégociation, en cas
d'événements entravant la bonne exécution du contrat, surtout s'il est de longue durée.

II. - Extinction de la fiducie

63. – Plan –
Toute fiducie est appelée à s'éteindre, par diverses causes. L'extinction a pour effet d'entraîner la dévolution des éléments composant le patrimoine fiduciaire ou,
plus exceptionnellement, celle du patrimoine fiduciaire lui-même. Elle appelle une ou plusieurs formalités particulières.

A. - Causes d'extinction

64. – Extinction de plein droit ou judiciaire –


La plupart des causes d'extinction de la fiducie opèrent de plein droit. L'extinction judiciaire ne joue qu'un rôle résiduel.

1° Extinction de plein droit

a) Facteurs objectifs

65. – Diversité –
L'article 2029 du Code civil portant sur les causes d'extinction de la fiducie, énumère divers événements déclenchant automatiquement l'extinction de la fiducie.
Les uns tiennent à l'opération fiduciaire elle-même : réalisation du but de la fiducie et survenance du terme. Les autres ont trait à la personne des contractants,
qu'il s'agisse du constituant (décès) ou du fiduciaire (liquidation judiciaire, dissolution ou disparition à la suite d'une cession ou d'une absorption de la personne
morale, interdiction temporaire, radiation ou omission du tableau de l'avocat fiduciaire).

66. – Réalisation du but –


Selon l'article 2029 du Code civil, le contrat de fiducie prend fin par « la réalisation du but poursuivi lorsque celle-ci a lieu avant le terme » (C. civ., art. 2029, al. 1er
). La fiducie se caractérisant par un transfert de biens à un ou plusieurs fiduciaires qui « agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires »
(C. civ., art. 2011), la réalisation de ce but doit tout naturellement entraîner l'extinction de la fiducie. Pour éviter toute fin prématurée de la fiducie ou la nécessité
de rédiger un avenant au contrat destiné à prolonger la fiducie, les contractants veilleront à déterminer avec soin les conditions dans lesquelles la mission du
fiduciaire pourra être considérée comme achevée (V., à propos de la défaillance du débiteur dans le cadre d'une fiducie-sûreté, M. Mignot, Droit des sûretés :
Montchrestien 2010, n° 3109). Les contractants devront également veiller à prévoir une durée suffisamment longue du contrat de fiducie, celui-ci prenant
nécessairement fin à cette date (V. n° 64 ), alors même que le but assigné à la fiducie n'aurait pas été atteint.

67. – Survenance du terme –


Selon l'article 2029 du Code civil, le contrat de fiducie prend fin « par la survenance du terme » (C. civ., art. 2029, al. 1er). Rappelons que le contrat de fiducie doit
déterminer, à peine de nullité, la durée du transfert des biens, droits et sûretés, qui ne peut excéder 99 ans à compter de la signature du contrat (C. civ., art. 2018,
2°. – V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 10 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 10 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 785). Cette durée peut être
déterminée de diverses manières (durée de tant d'années, date précise ou référence à un événement, tel le remboursement d'un prêt garanti par une fiducie-
sûreté). Le terme prévu dans le contrat peut être prorogé par les parties, sous réserve de ne pas dépasser la durée totale à plus de 99 ans (Fr. Zenati-Castaing et
T. Revet, Les biens : PUF, 3e éd., 2008, n° 284), et ce par un avenant, lequel devra respecter les conditions de forme et d'enregistrement du contrat initial (V. JCl.
Civil Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 10 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 10 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 785).

68. – Décès du constituant –


En introduisant la possibilité pour une personne physique d'être le constituant d'une fiducie (loi LME, L. n° 2008-776, 4 août 2008), le législateur a accompagné
cette mesure par la consécration d'un nouveau cas de cessation automatique de la fiducie, le décès du constituant (C. civ., art. 2029, al. 1er) et ce, dans le but
d'éviter toute inférence de la fiducie avec le droit des successions. Cette cause de cessation du contrat de fiducie est d'ordre public, le législateur n'ayant pas
prévu la possibilité pour les parties d'y déroger, comme il l'a fait à propos des causes de cessation de la fiducie relatives à la situation du fiduciaire (V. n° 66 ). Au
lendemain de la réforme, une partie de la doctrine n'a pas manqué de relever que cette cause de cessation constituait une grave menace pour la fiducie-sûreté,
le créancier perdant sa garantie en cas de décès du constituant (P. Crocq, La nouvelle fiducie-sûreté : une porte ouverte sur une prochaine crise des subprimes
en France ? : La Lettre Omnidroit 42, 18 mars 2009, p. 2 s.). Le législateur a pris soin de corriger rapidement cette maladresse, en écartant cette cause de
cessation de la fiducie en matière de fiducie-sûreté (V. C. civ., art. 2372-1, al. 2 et 2488-1, 2, Ord. n° 2009-112, 30 janv. 2009, art. 5 et 7 : JO 31 janv. 2009).

69. – Événements affectant le fiduciaire, sauf convention contraire –


En vertu de l'article 2029, alinéa 2, le contrat de fiducie prend fin « lorsque le fiduciaire fait l'objet d'une liquidation judiciaire ou d'une dissolution ou disparaît par
suite d'une cession ou d'une absorption ». Par « cession », envisagée sans précision, il faut certainement entendre celle susceptible d'intervenir dans le cadre
d'un redressement judiciaire, laquelle n'entraîne pas la dissolution de la société fiduciaire (V. proposition Marini qui visait « une cession prononcée dans le cadre
d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire » ; Dossiers pratiques Francis Lefebvre, avec la collaboration de B. Gouthière, La fiducie : mode d'emploi,
2e éd., 2009, n° 7032) et, s'agissant des établissements de crédit, celle susceptible d'être décidée à l'occasion d'une résolution impliquant une cession d'activités,
une séparation des actifs ou la création d'un établissement-relais (V. mon. fin., art. L. 613-51 s.).

L'extinction du contrat de fiducie intervient de plein droit « sauf stipulations du contrat prévoyant les conditions dans lesquelles il se poursuit » (C. civ., art. 2029,
al. 2). Ainsi, le contrat peut prévoir une survie de la fiducie en cas de disparition du fiduciaire de la scène juridique. Les contractants gagneront à user de la liberté
contractuelle qui leur est ouverte, alors que celle-ci leur est fermée dans les cas précédents (V. n° 63 à 65 ). En effet, les événements affectant le fiduciaire
surgiront, en tant que causes d'extinction du contrat, à un moment où la réalisation du but poursuivi n'a pas encore été atteinte. Ils sont particulièrement graves
en matière de fiducie-sûreté, puisqu'ils entraînent la disparition de la garantie (F. Barrière, Rép. civ. Dalloz, V° Fiducie, n° 64). C'est dire que des prévisions
contractuelles s'imposent, telle la poursuite du contrat avec la société absorbante ou le recours à un fiduciaire de remplacement.

70. – Cas particulier de l'avocat fiduciaire –


Lorsque le fiduciaire est un avocat, le contrat de fiducie prend fin « en cas d'interdiction temporaire, de radiation ou d'omission du tableau » (C. civ., art. 2029, al. 2
). Il eût été utile de prévoir également, semble-t-il, le décès de l'avocat fiduciaire, en raison du laps de temps entre cet événement et la radiation du tableau.
Comme dans les hypothèses des événements frappant le fiduciaire – personne morale, les parties peuvent aménager la poursuite du contrat de fiducie, ce
qu'elles ont intérêt à faire pour les raisons exposées précédemment (V. n° 66 ).

b) Facteurs découlant de la volonté individuelle

71. – Révocation –
Rappelons que la loi aménage au profit du constituant le droit de révoquer le contrat de fiducie tant qu'il n'a pas été accepté par le bénéficiaire. En cas
d'acceptation du bénéficiaire, la révocation est subordonnée à l'accord de ce dernier ou à une décision judiciaire (C. civ., art. 2028, al. 2. – Pour un examen
détaillé, V. n° 73 ).

72. – Renonciation du ou des bénéficiaires –


En érigeant la renonciation du ou des bénéficiaires en cause d'extinction anticipée de la fiducie, le législateur de 2007 s'est inspiré, dans le prolongement du
projet de loi de 1992, du trust, où la règle s'applique principalement dans le domaine des libéralités (sur la règle Saunders c/ Vautier, connue sous le nom du litige
dont elle est issue, V. J.-P. Béraudo et J.-M. Tirard, Les trusts anglo-saxons et les pays de droit civil : Academy & Finance, Genève 2006, n° 149 s.). À la suite du
projet de loi de 1992 qui prévoyait que « la fiducie prend fin […] par une décision de justice lorsque, en l'absence de dispositions contractuelles, se produit l'un
des événements ci-après […] : la renonciation de la totalité des bénéficiaires » (C. civ., art. 2070-2), l'article 2029, alinéa 2 du Code civil, issu de la loi de 2007,
devait utiliser une formule moins claire : le contrat de fiducie prend fin « de plein droit si le contrat le prévoit ou, à défaut, par une décision de justice, si, en
l'absence de stipulations prévoyant les conditions dans lesquelles le contrat se poursuit, la totalité des bénéficiaires renonce à la fiducie ». Pour éviter toute
difficulté d'interprétation de la norme quant à la nécessité d'une intervention judiciaire, la loi LME du 4 août 2008 a réformé l'article 2029, alinéa 2, qui énonce
désormais : « lorsque la totalité des bénéficiaires renonce à la fiducie, il prend également fin de plein droit, sauf stipulations du contrat prévoyant les conditions
dans lesquelles il se poursuit » (C. civ., art. 2029, al. 2). Ainsi, en cas de renonciation de la totalité des bénéficiaires, l'extinction de la fiducie opère de plein droit.
Celle-ci ne peut être évitée que par des prévisions contractuelles, auxquelles la survie de la fiducie se voit donc subordonnée.

Il va de soi que les parties ont intérêt à aménager conventionnellement les conséquences d'une telle renonciation, pour éviter les effets radicaux d'une cessation
anticipée du contrat. Mieux aurait valu, en l'absence de telles prévisions, subordonner l'extinction de la fiducie à une intervention judiciaire (comp. l'intervention
judiciaire en matière de trust, dans les systèmes juridiques ayant écarté la règle Saunders c/ Vautier, en raison de ses inconvénients, J.-P. Béraudo et J.-
M. Tirard, Les trusts anglo-saxons et les pays de droit civil : Academy & Finance Genève, 2006, n° 153). Par ailleurs, le législateur ne semble pas avoir réalisé
que dans l'hypothèse d'une fiducie-gestion au profit du constituant, la règle permet à celui-ci de mettre fin, à tout instant, au contrat de fiducie, même à durée
déterminée. On retrouve ainsi, sous une formule différente, la révocabilité ad nutum du mandataire (C. civ., art. 2004). Il est impérieux que le fiduciaire, qui serait
soucieux d'effectuer sa mission dans le cadre d'une relation stabilisée, subordonne la conclusion du contrat à l'insertion d'une clause neutralisant totalement ou
partiellement les effets d'une éventuelle renonciation du bénéficiaire.

2° Extinction judiciaire

73. – Jeu exceptionnel de l'extinction judiciaire –


La place réservée par le législateur à la cessation anticipée de la fiducie par voie judiciaire est très limitée. La possibilité pour le juge de mettre fin à un contrat de
fiducie en cours est consacrée, de manière discrète, à l'occasion de la révocation du contrat de fiducie par le constituant. Après avoir énoncé que le contrat de
fiducie peut être révoqué par le constituant tant qu'il n'a pas été accepté par le bénéficiaire, l'article 2028 énonce qu'« après acceptation par le bénéficiaire, le
contrat ne peut être modifié ou révoqué qu'avec son accord ou par décision de justice » (C. civ., art. 2028, al. 2). Rappelons que dans le contexte ainsi visé, la
décision de justice a pour principal but de passer outre au refus du tiers-bénéficiaire de donner son accord pour qu'il soit mis fin à la fiducie (V. n° 59. – Sur
l'inutilité d'une décision de justice lorsque le constituant est le bénéficiaire de la fiducie, V. n° 69 ). Mais la lettre de la norme permet également à un fiduciaire de
saisir le juge pour qu'il prononce l'extinction anticipée de la fiducie, en cas de refus du constituant, qui est son cocontractant, ou du tiers qui aurait accepté le
bénéfice de la fiducie. Une telle saisine du juge par le fiduciaire serait particulièrement utile si celui-ci se heurte à de graves difficultés d'exécution à la suite d'un
changement de circonstances, eu égard notamment à la durée potentiellement longue de la fiducie. L'article 2028, alinéa 2 du Code civil visant aussi la
modification du contrat, la cessation anticipée est l'une des deux mesures susceptibles d'être prononcée par le juge. On peut regretter que le législateur n'ait pas
été plus explicite. Quoi qu'il en soit, la voie de la cessation anticipée du contrat sur le fondement du droit commun des contrats (C. civ., art. 1195, al. 2) devrait
également être ouverte au fiduciaire (V. n° 71 ).

74. – Droit commun de la résolution –


Les articles 2011 à 2031 du Code civil ne préjudicient pas au droit commun des sanctions des inexécutions contractuelles. Il y a ainsi place, en cas d'inexécution
suffisamment grave, pour la résolution judiciaire (C. civ., art. 1224, 1227 et 1228), laquelle sera particulièrement utile au fiduciaire confronté à un constituant qui
violerait ses obligations, notamment celle de verser la rémunération convenue, ainsi qu'à la résolution par voie de notification, aux risques et périls du fiduciaire (
C. civ., art. 1224 et 1226. – V. F. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens : PUF, 3e éd., 2008, n° 285).

B. - Dévolution des éléments composant le patrimoine fiduciaire

75. – Divers aspects –


La cessation du contrat de fiducie entraîne la dévolution des éléments composant le patrimoine fiduciaire, et non, sauf exception, celle du patrimoine fiduciaire lui-
même. En règle générale, la détermination des destinataires de la dévolution ne suscite pas de difficultés particulières. Il en va différemment en revanche du
règlement du passif du patrimoine fiduciaire. Les modes de dévolution des éléments d'actif qui le composent appellent diverses précisions. Happée par sa finalité
de garantie, la fiducie-sûreté connaît des modes de dénouement particulier.

1° Objet de la dévolution

76. – Transfert des biens ou du patrimoine ? –


Dans son titre consacré à la fiducie, le Code civil ne précise l'objet de la dévolution que dans deux cas particuliers. D'une part « lorsque le contrat de fiducie prend
fin en l'absence de bénéficiaire, les droits, biens ou sûretés présents dans le patrimoine fiduciaire font de plein droit retour au constituant » (C. civ., art. 2030,
al. 1er). D’autre part, lorsque le contrat de fiducie prend fin en cas de décès du constituant « le patrimoine fiduciaire », qui est cette fois-ci visé, fait de plein droit
retour à la succession (C. civ., art. 2030, al. 2). Cette seconde règle se comprend aisément, les normes régissant l'administration et la répartition étant désormais
celles du droit successoral. L'article 2372-3 du Code civil ajoute, au sujet de la fiducie-sûreté qu'« à défaut de paiement de la dette, et sauf stipulation contraire du
contrat de fiducie, le fiduciaire, lorsqu'il est créancier, acquiert la libre disposition du bien ou du droit cédé à titre de garantie. » et, pour l'hypothèse où le fiduciaire
n'est pas le créancier, une option pour lui « d'exiger la remise du bien » (V. n° 80 ).

À titre de règle de principe, la dévolution porte ainsi directement sur les éléments qui composent le patrimoine fiduciaire, et non sur le patrimoine fiduciaire lui-
même qui s'éteint (V. aussi, F. Barrière, Rép. civ. Dalloz, V° Fiducie, n° 97. – Contra, J.-D. Pellier, JCl. Contrats – Distribution, fasc. 3300 ; Rép. civ. Dalloz, V°
Fiducie, n° 72. – Rappr. Fr. Zénati-Castaing et Th. Revet, Les biens : PUF, 3e éd., 2008, n° 286, selon lesquels les parties ont le choix entre la liquidation du
patrimoine avant sa transmission nette ou sa transmission universelle). À l'extinction de la fiducie, la propriété finalisée est en effet appelée à se transformer en
propriété pleine et entière au profit du bénéficiaire ou, le cas échéant, au profit du constituant (V. M.-P. Dumont-Lefrand, Le dénouement de l'opération de fiducie :
Dr. & patr. juin 2008, n° 171, p. 63 s., spéc. p. 65. – Sur le retour au constituant, V. n° 74 ). Le dénouement de la fiducie-gestion se traduira par le transfert des
éléments d'actif du patrimoine fiduciaire dans le patrimoine du bénéficiaire, libéré de toute finalité particulière. Ils se fondent dans son patrimoine et accroissent
l'assiette du droit de gage général de ses créanciers. Il pourra indifféremment s'agir des éléments d'actifs transférés initialement ou de ceux acquis par le
fiduciaire en cours de fiducie. Le cas échéant, le contrat pourra prévoir une attribution progressive des éléments d'actif au bénéficiaire, de sorte qu'à l'issue de la
fiducie le patrimoine fiduciaire aura été vidé de son contenu.

Au demeurant, la transmission avec maintien du patrimoine fiduciaire au bénéficiaire, même limitée aux fins de liquidation, se heurterait à deux types d'obstacles.
D'une part, la fonction de fiduciaire est réservée à une série d'opérateurs déterminés. D'autre part, une survie, même temporaire, du patrimoine fiduciaire
permettrait au bénéficiaire, qu'il soit un tiers ou le constituant, de prolonger, la division du patrimoine, au détriment de ses créanciers. À l'instar du transfert à titre
universel du patrimoine d'une société absorbée lors d'une fusion, on pourrait bien entendu aussi imaginer que l'ensemble des éléments d'actif et de passif se
trouvent fondus dans le patrimoine du bénéficiaire, comme ils le sont dans celui de la société absorbante, emportant la dissolution instantanée du patrimoine
fiduciaire. Mais hormis le cas du remplacement du fiduciaire et celui, évoqué ci-dessus, du décès du constituant, la loi ne prévoit pas une telle transmission à titre
universel et, surtout, n'organise pas les protections des créanciers qui l'accompagnent là où elle l'instaure. Lors de l'extinction du contrat fiduciaire, il faut donc
penser que le patrimoine est vidé de ses éléments d'actifs au profit du bénéficiaire, après l'apurement des dettes, pour disparaître. Il appartient aux parties, si
elles souhaitent la solution d'une transmission universelle de tous les éléments du patrimoine fiduciaire au bénéficiaire, de la prévoir dans leur contrat. La solution
pourrait se recommander notamment en présence d'une fiducie portant sur un ensemble complexe de droits et de contrats, tel un portefeuille de titres et
d'instruments financiers, y compris des contrats de dérivés. Une transmission universelle convenue entre parties et, le cas échéant, avec les cocontractants du
fiduciaire, permettrait alors d'éviter de perdre le bénéfice des contrats en cours adjoints aux biens transmis.

2° Destinataires du patrimoine fiduciaire

77. – Retour au constituant ou dévolution à un tiers-bénéficiaire –


La règle générale selon laquelle les éléments d'actif composant le patrimoine fiduciaire ont vocation à intégrer, lors de l'extinction de la fiducie, le patrimoine du
bénéficiaire de la fiducie appelle quelques précisions. En cas de fiducie-gestion, le destinataire final des biens sera rarement un tiers bénéficiaire, eu égard à la
prohibition de la fiducie-libéralité, de sorte que les biens feront, le plus souvent, retour au constituant. En cas de fiducie-sûreté, le destinataire du patrimoine
fiduciaire sera, dans l'hypothèse d'une défaillance du débiteur, le créancier garanti, celui-ci étant le fiduciaire lui-même sauf dans l'hypothèse d'une fiducie-sûreté
avec entiercement (V. n° 79 ). Rappelons en outre que le législateur a envisagé deux cas spécifiques d'extinction de la fiducie : l'absence de bénéficiaire, quelle
qu'en soit la raison (renonciation et autre raison, Rapp. H. de Richemont, Sénat, Session 2006-2007, n° 11, Ann. au procès-verbal, séance 11 oct. 2006, p. 68),
auquel cas les biens font de plein droit retour au constituant (C. civ., art. 2030, al. 1er) et le décès du constituant, le patrimoine fiduciaire faisant alors retour à la
succession (C. civ., art. 2030, al. 2, sauf dans les cas de fiducie à titre de garantie, V. C. civ., art. 2372-1, al. 3. – V. n° 82 ).

La proposition de loi Marini avait de surcroît envisagé une difficulté particulière, celle de l'extinction de la fiducie avant la survenance du terme ou la réalisation du
but poursuivi pour une cause autre que la renonciation du bénéficiaire ; dans ce cas, les biens et droits devraient faire retour au constituant, sauf stipulation
conventionnelle prévoyant leur transmission au bénéficiaire (proposition d'art. 2070-7, al. 1er). En suivant les recommandations du rapport de la Commission des
lois du Sénat, le législateur a préféré renoncer à toute règle particulière sur ce point. Selon le rapport de la Commission, il est « préférable de laisser les parties
au contrat de fiducie organiser librement les conditions dans lesquelles le patrimoine fait ou non retour au constituant lorsque le contrat de fiducie prend fin avant
la réalisation de l'objet de la fiducie ou la survenance du terme, sans prévoir de règle supplétive » (Rapp. H. de Richemont, Sénat, Session 2006-2007, n° 11,
Ann. au procès-verbal, séance 11 oct. 2006, p. 68). L'hypothèse principale d'extinction de la fiducie ainsi visée est celle de la révocation de la fiducie par le
constituant. Soit celle-ci intervient avant l'acceptation par le bénéficiaire, auquel cas on ne peut imaginer une autre solution que le retour des biens dans le
patrimoine du constituant. Soit la révocation intervient après l'acceptation du bénéficiaire, mais avec l'accord de celui-ci, une règle supplétive aurait été utile pour
pallier l'absence de prévision contractuelle sur ce point. Un contentieux risque ainsi d'opposer le constituant au bénéficiaire sur le sort des biens. Quant à
l'hypothèse de l'extinction de la fiducie par décision de justice, celle-ci ne manquera pas de se prononcer sur l'attribution des biens au constituant ou au
bénéficiaire, à la lumière de l'économie du contrat.

3° Sort du passif subsistant

78. – Silence regrettable du législateur –


Lorsque des dettes nées de la conservation ou de la gestion du patrimoine fiduciaire subsistent lors de l'extinction du contrat de fiducie, le dénouement de la
fiducie appelle l'apurement du passif, que le législateur s'est toutefois abstenu de réglementer. Faute de transmission du patrimoine fiduciaire en tant que tel, à
l'issue de la fiducie (sur le principe et l'exception en cas de décès du constituant, V. n° 74 ), le passif subsistant nécessite un règlement particulier, indépendant
du transfert des éléments d'actifs.

79. – Apurement préalable du passif –


Il est sans doute dans la logique du patrimoine d'affectation que le passif soit apuré avant le transfert d'actifs au bénéficiaire qui marque le dénouement de la
fiducie (F. Barrière, Rép. civ. Dalloz, V° Fiducie, n° 97. – F. Barrière, La fiducie française et le réveil chaotique d'une « belle au bois dormant », Rev. De droit de
Mc Gill, 58 (4), 847-868. – M.-P. Dumont-Lefrand, Le dénouement de l'opération de fiducie : Dr. & patr. juin 2008, n° 171, p. 63 s., spéc., p. 67). L'option reconnue
au créancier lors de l'exécution d'une fiducie-sûreté avec entiercement, entre la remise du bien et son prix de vente conforte cette solution. Il serait difficile
d'imaginer que la première voie permette au créancier d'échapper au passif grevant le patrimoine affecté à sa garantie alors que dans la seconde, les liquidités
provenant de la vente se compensent d'office avec les dettes échues non encore réglées. L'absence de mécanismes de protection des créanciers, hormis un
possible recours contre le constituant (V. ci-dessous), tels qu'ils existent lorsqu'un entrepreneur individuel renonce à la séparation de son patrimoine
professionnel de son patrimoine propre ou lorsqu'une société absorbe une autre, plaide également pour le règlement préalable du passif. Par ailleurs, il est
généralement dans l'intérêt du bénéficiaire d'être à l'abri des contraintes liées au désintéressement des créanciers du patrimoine fiduciaire. En raison du silence
de la loi, il est conseillé aux contractants de prévoir à la charge du fiduciaire l'obligation d'apurer in fine le passif, le transfert au bénéficiaire ne portant alors que
sur l'actif net. Au titre de son obligation générale de rendre compte de sa mission (C. civ., art. 2022), le fiduciaire sera appelé, au moment où cessent ses
fonctions, à établir des comptes définitifs faisant ressortir le passif encore dû.

Des difficultés particulières ne se poseront pas moins à propos des contrats en cours lors de l'extinction du contrat de fiducie. Celle-ci n'entraînant pas la
déchéance légale du terme, il sera utile de prévoir, dans les contrats conclus au titre de la conservation ou de la gestion du patrimoine fiduciaire, des clauses de
résiliation en cas d'extinction du contrat de fiducie ou de cession automatique des contrats au bénéficiaire. On peut également concevoir que le contrat de fiducie
prévoie que dans l'hypothèse d'un passif subsistant, une partie de l'actif demeurera entre les mains du fiduciaire aux seules fins de désintéressement de ces
créanciers.

En l'absence de clauses particulières permettant d'apurer le passif d'origine contractuel, se pose inévitablement la question de l'assiette des recours des
créanciers. La même difficulté apparaît en cas d'apparition ultérieure d'un passif de nature délictuelle.

Face au silence de la loi, il nous semble opportun d'appliquer par analogie la disposition légale prévoyant qu'« en cas d'insuffisance du patrimoine fiduciaire, le
patrimoine du constituant constitue le gage commun de ces créanciers, sauf stipulation du contrat de fiducie mettant tout ou partie du passif à la charge du
fiduciaire » (C. civ., art. 2025, al. 2), en d'autres termes, d'assimiler l'extinction du patrimoine fiduciaire à l'hypothèse de l'insuffisance du patrimoine. Tel devrait
être le cas, à tout le moins, lorsque les biens reviennent au constituant lui-même. En particulier, lorsque le constituant récupère des biens donnés en garantie au
moyen d'une fiducie, il paraît difficile d'imaginer que le fiduciaire, qu'il s'agisse du créancier ou d'un tiers, doive continuer à porter la charge des dettes résultant de
la fiducie. Selon le type de dettes ou de contrats en cours, leur prise en charge par le constituant pourrait s'appuyer aussi sur leur lien indissociable avec les biens
transmis (par ex. contrat de couverture du risque de change lié à une créance en devise transmise au constituant). Ainsi, les créanciers en cours devraient avoir
vocation à s'adresser au constituant, sauf si le contrat met le passif à la charge du fiduciaire, auquel cas ils pourront s'adresser au fiduciaire. La même règle
devrait valoir pour le passif d'origine délictuel.

Demeure l'hypothèse dans laquelle le passif fiduciaire est limité au seul patrimoine fiduciaire, ce qui suppose l'acceptation expresse des créanciers (C. civ.,
art. 2025, al. 3). Aucun recours subsidiaire n'est alors envisageable contre le constituant ou le fiduciaire à titre personnel. De plus, le législateur n'a prévu aucun
droit de suite sur les éléments d'actif transférés, à l'issue de la fiducie, dans le patrimoine du bénéficiaire. Dans ce cas de figure, il est permis de penser que la loi
consacre implicitement l'obligation d'apurer le passif avant le transfert des éléments d'actif au bénéficiaire. Lorsque les créanciers acceptent de limiter
expressément leur recours, ils ont tout intérêt, en renfort, à subordonner leur accord à des clauses contractuelles obligeant le fiduciaire à apurer le passif avant le
transfert des éléments d'actif au bénéficiaire, ou encore à prévoir à leur profit une sûreté réelle dotée d'un droit de suite.

4° Modes de dévolution des éléments d'actifs

80. – Application du droit commun régissant le transfert de propriété –


Le législateur n'a pas entendu déroger aux règles de droit commun régissant le transfert de propriété à propos de la dévolution des éléments d'actif dans le
patrimoine du bénéficiaire, que celui-ci soit constituant ou tiers-bénéficiaire. C'est ainsi que la loi admet le retour de plein droit au constituant des droits, biens ou
sûretés présents dans le patrimoine fiduciaire, lorsque le contrat prend fin en l'absence de bénéficiaire (C. civ., art. 2030, al. 1er). Le transfert final de propriété ne
nécessite nullement un second acte juridique, impliquant une volonté conjointe du fiduciaire et du destinataire des éléments d'actifs, à laquelle s'ajouterait, le cas
échéant, la nécessaire tradition des biens, selon le modèle des systèmes juridiques étrangers, tel le droit allemand, qui subordonnent le transfert de propriété à
un acte juridique spécifique.

Le transfert de plein droit des éléments d'actif dans le patrimoine du bénéficiaire joue même si celui-ci est un tiers-bénéficiaire, dès lors que celui-ci a accepté le
bénéfice de la fiducie. Trois types de raisons plaident en faveur de cette solution. D'une part, le fiduciaire a donné son accord nécessaire au transfert de propriété
final dès la conclusion du contrat, même si ce transfert est subordonné à des mesures préparatoires d'individualisation, correspondant à des obligations de faire
(contra, en faveur d'une dérogation à la rétrocession de plein droit en cas de fiducie-transmission, eu égard à la nécessité d'une manifestation de volonté du
fiduciaire, Fr. Zenati-Castaing et Th. Revet, Les biens : PUF, 3e éd., 2008, n° 287). D'autre part, l'acceptation du tiers-bénéficiaire n'est pas seulement destinée à
faire obstacle à une révocation ou à une modification du contrat de fiducie qui interviendraient sans son accord (C. civ., art. 2028), mais s'étend aussi à
l'attribution finale des éléments d'actif à son profit (contra, C. de Lajarte, La nature juridique des droits du bénéficiaire d'un contrat de fiducie : Rev. Lamy dr. civ.
2009, n° 61). Enfin, la soumission obligatoire de la transmission des droits résultant du contrat de fiducie à un écrit devant être enregistré, à peine de nullité, dans
un délai d'un mois (C. civ., art. 2019, al. 3), ne rejaillit pas sur le mode et le moment du transfert de propriété (contra, C. de Lajarte, La nature juridique des droits
du bénéficiaire d'un contrat de fiducie : Rev. Lamy dr. civ. 2009, n° 57 s.). Il s'agit d'une formalité dont l'inexécution dans un délai d'un mois est sanctionnable, a
posteriori, par l'annulation de la transmission.

Il n'en existe pas moins trois types de tempéraments à la dévolution de plein droit des éléments d'actif dans le patrimoine du bénéficiaire. En premier lieu, le
contrat peut contenir des dispositions subordonnant le transfert des éléments d'actif à une manifestation de volonté du bénéficiaire. En second lieu, le transfert de
propriété ne peut s'effectuer automatiquement lorsque le bénéficiaire a l'option de recueillir ou non les éléments d'actif tels quels dans son patrimoine à l'issue de
la fiducie. Une telle option est accordée par la loi dans l'hypothèse d'une fiducie-sûreté avec entiercement, le créancier pouvant, à défaut de paiement de la dette
garantie, exiger du fiduciaire la remise du bien ou, si la convention le prévoit, la vente du bien et la remise de tout ou partie du prix (C. civ., art. 2372-3, al. 2
et 2488-3, 2. – Sur la nécessité d'un acte de volonté unilatérale du bénéficiaire notifié au fiduciaire, V. M. Mignot, Droit des sûretés : Montchrestien 2010, n° 3109)
. En troisième lieu, le transfert final des éléments d'actif ne peut s'effectuer si ceux-ci ne sont pas individualisés. En cas de détournement des biens ou de
négligence du fiduciaire, qui aurait mélangé l'actif fiduciaire avec ses biens personnels ou avec les actifs d'un autre patrimoine fiduciaire, le retour dans le
patrimoine du bénéficiaire sera nécessairement paralysé. Observons enfin que la transmission finale, qu'elle soit automatique ou non, est fragile, puisqu'elle
encourt la nullité si la formalité de l'enregistrement n'est pas respectée dans un délai d'un mois (V. n° 83 ).

81. – Conditions d'opposabilité du transfert d'une créance –


Il faut regretter que le législateur n'ait pas étendu les solutions d'opposabilité des transferts de créances aux tiers et aux débiteurs cédés que prévoit l'article 2018-
2 du Code civil pour l'entrée des créances dans un patrimoine fiduciaire à leur sortie au moment de l'extinction de la fiducie. La Cour de cassation a cependant
admis que lorsqu'une créance est cédée à titre de garantie par un bordereau Dailly, le cédant « peut retrouver la propriété de la créance cédée sans formalité
particulière dans la mesure où la garantie prend fin lorsque son bénéficiaire n'a plus de créance à faire valoir ou lorsqu'il y renonce » (Cass. 1re civ., 19 sept.
2007, n° 04-18.372 : JurisData n° 2007-040380 ; J.-P. Matout et A. Prüm, Juillet-décembre 2007 : subprime… but the show must go on ! : Chronique droit
bancaire, Dr. & patr. mars 2008, n°168, p. 79 s.). La même solution devrait prévaloir en présence d'un transfert fiduciaire d'une créance à titre de garantie
(V. contra A. Arsac, La propriété fiduciaire : nature et régime : LGDJ, 2015, n° 492 s.).

5° Dénouement de la fiducie-sûreté

82. – Exécution de la fiducie-sûreté ou extinction par paiement de la dette garantie –


Le dénouement de la fiducie-sûreté appelle des règles particulières, précisées désormais par la loi (Ord. n° 2009-112, 30 janv. 2009, art. 5 et 7). Une distinction
doit être opérée selon que la sûreté a vocation à jouer ou non. Soit la dette a été payée, auquel cas le constituant redevient propriétaire du bien affecté en
garantie. Soit le débiteur est défaillant, auquel cas la propriété fiduciaire est mise au service du remboursement du créancier. Si le fiduciaire est lui-même
créancier, celui-ci « acquiert la libre disposition du bien cédé à titre de garantie » (C. civ., art. 2372-3, al. 1er, en matière mobilière. – C. civ., art. 2488-3, al. 1er,
en matière immobilière). Dans ce cas, le bien change de régime, sans changer de titulaire. Lorsque le fiduciaire n'est pas le créancier « celui-ci peut exiger la
remise du bien, dont il peut alors librement disposer, ou, si la convention le prévoit, la vente du bien et la remise de tout ou partie du prix » (C. civ., art. 2372-3,
al. 2, en matière mobilière. – C. civ., art. 2488-3, al. 2, en matière immobilière).
Pour éviter toute spoliation du constituant, le législateur impose une évaluation par un expert du bien immobilier (C. civ., art. 2488-3, al. 3) ou du bien mobilier, à
moins qu'il s'agisse d'une somme d'argent ou d'un meuble faisant l'objet d'une cotation officielle sur un marché organisé au sens du Code monétaire et financier (
C. civ., art. 2372-3, al. 3). Tout logiquement, si la valeur excède le montant de la dette garantie, le bénéficiaire de la fiducie-sûreté est redevable du surplus au
constituant, quel que soit le mode de dénouement de la sûreté (acquisition de la libre disposition du bien par le créancier, C. civ., art. 2372-4, al. 1er et 2488-4, 1er
ou vente du bien par le fiduciaire. – C. civ., art. 2372-4, al. 2 et 2488-4, 2).

En cas d'exécution d'une fiducie-sûreté au profit du créancier garanti, celui-ci ne devrait pouvoir récupérer que l'actif net du patrimoine affecté à sa garantie.
Lorsque les biens sont restitués au constituant, qui a réglé la dette garantie, il n'y a, en principe, pas d'inconvénient qu'il les reprenne avec les dettes du
patrimoine fiduciaire.

C. - Formalités particulières

83. – Enregistrement dans un délai d'un mois –


Selon l'article 2019, alinéa 3 du Code civil, la transmission des droits résultant du contrat de fiducie, doit, à peine de nullité, donner lieu à un écrit enregistré dans
les mêmes conditions que celles applicables au contrat de fiducie, énoncées par les alinéas précédents de la norme. Il en résulte tout d'abord que la transmission
finale doit être enregistrée dans le délai d'un mois à compter de sa date au service des impôts du fiduciaire ou au service des impôts des non-résidents si le
fiduciaire n'est pas domicilié en France (C. civ., art. 2019, al. 1er). Cette formalité soulève trois séries de questions. Tout d'abord, quant à son utilité. En effet, le
contrat de fiducie, qui indique nécessairement la durée du transfert et la composition du patrimoine fiduciaire, a dû faire l'objet d'un enregistrement préalable.
Néanmoins, ce second enregistrement présente une utilité propre principalement en raison de la date de la transmission finale, laquelle peut être différente de
celle prévue dans le contrat initial (par ex., à la suite d'une révocation du constituant ou d'une renonciation du bénéficiaire), ou de la composition nouvelle du
patrimoine fiduciaire. La seconde question a trait à l'auteur ou aux auteurs de l'écrit constatant la transmission. Dès lors que la formalité initiale de
l'enregistrement incombe au fiduciaire (V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 10 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 10 ou Banque – Crédit – Bourse,
fasc. 785), la même règle doit valoir pour l'enregistrement de la transmission finale. C'est donc également au fiduciaire de dresser l'acte de transmission. Celle-ci
n'impliquant pas la réitération d'un accord de volonté entre le fiduciaire et le bénéficiaire ou le constituant (V. n° 77 ), il pourra s'agir d'un acte rédigé
unilatéralement par le fiduciaire. La troisième question a trait au domaine d'application de la formalité. Celle-ci est applicable quel que soit le destinataire de la
transmission, qu'il s'agisse du constituant, du tiers-bénéficiaire ou du fiduciaire lui-même. C'est ainsi qu'en matière de fiducie-sûreté sans entiercement, le
créancier étant lui-même le fiduciaire, la transmission des droits du patrimoine fiduciaire au patrimoine propre du fiduciaire justifie également cette mesure (V.
M. Mignot, Droit des sûretés : Montchrestien 2010, n° 3110).

84. – Immeubles et autres biens assujettis à un formalisme particulier –


Le formalisme spécifique de droit privé régissant le transfert initial de certains biens qui composeraient le patrimoine fiduciaire est applicable, par un effet de
miroir, à la dévolution finale des biens. C'est ainsi que le retransfert d'immeubles nécessitera le respect des règles de la publicité foncière. Doivent également être
observées les règles propres à la mutation des navires, des bateaux, des aéronefs et des véhicules automobiles, tout comme les règles régissant le transfert des
actions et des parts sociales (sur ces différents aspects, V. A. Arsac, La propriété fiduciaire : nature et régime, n° 495).

85. – Registre national des fiducies –


Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose une démarche auprès de l'autorité en charge du registre national des fiducies, lors de l'extinction du
contrat de fiducie. Une telle information sur la cessation de la fiducie aurait été utile dans les différents cas d'extinction anticipée du contrat, l'extinction étant
également le point de départ de la durée de 10 ans pendant laquelle les informations sont conservées (V. D. n° 2010-219, 2 mars 2010, art. 3 : JO 4 mars 2010,
texte n° 40. – JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 10 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 10 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 785).

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