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2022
Le crédit est une obligation dont l’exécution est différée, c’est une catégorie d’obligation à
terme. Précisément, si le crédit nécessite, d’une manière générique, la confiance que l’on peut
accorder à une personne, il est employé, par extension pour viser une opération permettant de
procurer à une personne un bien ou une valeur en lui faisant supporter la charge de manière
différée. La notion de crédit implique donc une certaine durée qui correspond au décalage
entre la naissance de l’obligation du bénéficiaire et son exigibilité. Le prêteur des fonds a
donc besoin de s’assurer qu’il sera payé à l’échéance convenue. C’est ainsi qu’il a été soutenu
qu’« une personne physique ou un organisme de crédit, n’accepte de consentir des prêts que
si, en cas de défaillance de l’emprunteur, un remboursement certain et rapide lui est assuré
par la loi » (Jean Vincent et Jacques Prévault, Voies d’exécution et procédures de
distribution, 19è éd., Paris, Dalloz, 1999, p. 1, n° 3). Le prêteur a en réalité besoin de
garantie pour s’assurer qu’il pourra rentrer dans ses fonds. Or, la disponibilité du crédit est un
levier du développement de l’activité économique. Il faut trouver des moyens pour encourager
le créancier à libérer les fonds. En effet, le fournisseur de crédit ne peut se contenter de la
confiance qu’il accorde à la personne de l’emprunteur. Il a besoin de garanties qui le
protègent contre les risques importants qui sont liés à l’immobilisation de la créance ou à
l’insolvabilité du débiteur.
C’est l’objet du cours de droit des sûretés dans le cadre duquel sont étudiées certaines
garanties de paiement de la créance.
Le droit des sûretés fait l’objet d’une réglementation uniformisée au sein de l’organisation
pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA). Treize ans après l’adoption
du premier acte uniforme portant organisation des sûretés le 17 avril 1997, une réforme de la
matière est intervenue le 15 décembre 2010. L’objectif de la réforme était de consacrer une
véritable amélioration du droit des sûretés conformément aux exigences du droit des affaires
dans le cadre de l’OHADA (V. P. CROCQ, Les grandes orientations du projet de réforme
de l’Acte Uniforme portant organisation des sûretés, Droit et patrimoine, n° 197, novembre
2010, p. 52).
D’une manière générique, la sûreté est perçue comme une institution qui rend sûrs les rapports
d’obligation. Il s’agit en réalité d’une garantie. La sûreté est précisément définie par l’article
1er de l’AUS comme « l’affectation, au bénéfice d’un créancier, d’un bien, d’un ensemble de
biens ou d’un patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble
d’obligations, quelle que soit la nature de celles-ci et notamment qu’elles soient présentes ou
futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur
montant soit fixe ou fluctuant ».
En principe, la sureté est l’accessoire de l’obligation garantie (art. 2 AUS) mais une exception
est prévue par l’AUS avec la garantie autonome et la contre-garantie autonome (v. art. 39 s.).
Les sûretés garantissent alors l’exécution future d’une obligation et à ce titre, elles facilitent le
crédit qui suppose temps et confiance. Le droit des sûretés entretient un lien très étroit avec le
développement du crédit du fait que le créancier qui s’aménage une sûreté ou à qui la loi
reconnaît une sûreté est très souvent une personne ayant fait un crédit à un débiteur. Le
créancier bénéficie, conformément aux dispositions de l’article 1er AUS, de l’affectation
d’un patrimoine, d’un bien ou d’un ensemble de biens devant lui garantir de meilleures
chances d’obtenir paiement, spontanément ou par la voie forcée. Mais le droit des sûretés
poursuit aussi les intérêts du débiteur. L’un des objectifs de la réforme des sûretés est
d’accroître la sécurité juridique des différents acteurs économiques.
Ainsi, les sûretés sont indispensables au commerce juridique, particulièrement au milieu des
affaires parce que sans sûretés, les créanciers n’auraient comme gage que le patrimoine de
leurs débiteurs. Ce sont les créanciers chirographaires qui n’ont aucun droit de préférence sur
le patrimoine de leurs débiteurs et ils risquent de subir non seulement l’insolvabilité de leurs
débiteurs mais aussi le concours d’autres créanciers. Il existe certes des mécanismes
juridiques protecteurs de ces créanciers chirographaires prévus par le droit commun des
obligations (l’action oblique, l’action paulienne, l’exception d’inexécution). Mais ces
garanties n’offrent qu’une sécurité limitée. Pour renforcer sa protection, le créancier doit
adjoindre à sa créance une garantie, telles sont les sûretés.
En réformant le droit des sûretés en 2010, le législateur OHADA a été sensible aux besoins
accrus du crédit et aux exigences du commerce (besoin de rapidité et d’efficacité). Les
créanciers sont désormais dotés d’instruments juridiques efficaces, ce qui résulte à la fois d’un
assouplissement des modalités de constitution ou de réalisation des sûretés existantes (par
exemple réalisation par la vente forcée, par l’attribution conventionnelle ou par l’attribution
judiciaire pour certaines sûretés), de l’élargissement du domaine de ces sûretés (notamment
les caractéristiques de l’obligation garantie ne sont plus un obstacle à la qualification de
sûreté. Peu importe désormais que l’affectation soit destinée à garantir une obligation ou un
ensemble d’obligations. Aussi, le caractère présent ou futur, déterminé ou déterminable,
conditionnel ou inconditionnel de l’obligation importe peu) et d’innovations (diversification
des sûretés réelles, concernant les sûretés personnelles, la garantie autonome et la contre-
garantie autonome sont réglementées à côté du cautionnement). Une innovation de taille se
manifeste à travers la création d’une nouvelle institution, celle de l’agent des sûretés inspirée
du Code civil français. Voir à ce titre :
Guy-Auguste LIKILLIMBA, « L’agent des sûretés OHADA », Revue de l’ERSUMA ::
Droit des affaires - Pratique Professionnelle, N° Spécial - Nov-Déc 2011, Pratique
Professionnelle.
URL: http://revue.ersuma.org/numero-special-novembre-decembre/etudes-et-pratiques/L-
agent-des-suretes-OHADA
L’agent des sûretés est réglementé dans les articles 5 à 11 de l’AUS et sa définition peut être
tirée des dispositions de l’article 5. Aux termes de cet article : « toute sûreté et autres
garanties de l’exécution d’une obligation peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée par
une institution financière ou un établissement de crédit, national ou étranger, agissant en son
nom et en qualité d’agent des sûretés, au profit des créanciers de la ou des obligations
garanties l’ayant désigné à cette fin. »
A travers cette définition, il apparaît que l’Agent des sûretés est une personne morale, plus
précisément, une institution financière ou un établissement de crédit (exemple une banque). Il
est désigné par les créanciers qu’il représente, au moyen d’un acte juridique rigoureusement
réglementé sous peine de nullité (l’article 6 AUS précise les mentions obligatoires qui
doivent figurer dans l’acte de désignation de l’agent des sûretés) en sa qualité d’agent des
sûretés. L’acte est alors un contrat intuitu personae conclu en considération de la personne de
l’Agent des sûretés. Le domaine d’intervention de l’Agent des sûretés est très large. Ainsi,
l’Agent des sûretés peut assurer la constitution, l’inscription, la gestion, la réalisation de
toutes sûretés réelles ou personnelles et même les garanties de l’exécution des obligations (là
où en droit français, son domaine d’intervention est limité aux seules sûretés réelles par le
biais de l’article 2328-1 du Code civil – V. D. LEGEAIS, RTD com. 2007. 583).
En tant que représentant des créanciers, l’Agent des sûretés est doté de pouvoirs dont
l’exercice malveillant peut engager sa responsabilité à leur égard mais aussi à l’égard des
tiers. Ainsi, en cas de manquement à ses obligations, l’article 10 de l’AUS prévoit le
remplacement de l’Agent des sûretés. En effet, les créanciers de l’obligation garantie peuvent
demander à la juridiction compétente la nomination d’un Agent des sûretés provisoire ou
solliciter son remplacement en l’absence de dispositions contractuelles dans ce sens.
Avant l’avènement du droit OHADA, le droit des sûretés était organisé par le COCC. De nos
jours avec l’harmonisation du droit des affaires, Le droit des sûretés est organisé par l’AUS de
2010 (après la réforme de l’AUS de 1997). Ce texte en constitue alors la source par excellence
au Sénégal (Cependant, il ne faudrait pas négliger les dispositions du droit interne qui
réglementent les créances qui constituent les supports des sûretés (le droit des obligations).
Par ailleurs, la matière des sûretés étant transversale, les réglementations des différents
domaines incidents y exercent une influence certaine : droit des obligations
fondamentalement, droit des biens, voies d’exécution, droit foncier, droit des successions,
régimes matrimoniaux, droit bancaire, droit minier, droit commercial dans son ensemble, droit
des personnes, droit administratif…).
Mais, il convient de se demander si les parties peuvent, dans l’espace OHADA, prévoir une
sûreté non réglementée par l’AUS. Les dispositions de l’article 4, al. 2 de l’acte uniforme
semblent donner une réponse négative en ce qui concerne les sûretés réelles du fait de
l’énumération restrictive que cet article fait des sûretés réelles existantes. L’absence d’une
formule aussi radicale en ce qui concerne les sûretés personnelles peut conduire à admettre la
solution contraire pour ces sûretés. Les termes de l’article 4, al. 1er « les sûretés personnelles,
au sens du présent acte uniforme… », laissent sous-entendre la possibilité de créer d’autres
sûretés personnelles que celles régies par le nouvel acte uniforme ; ce qui est une fausse route.
Les sûretés réglementées par l’AUS peuvent alors être subdivisées en deux grandes familles.
La référence que l’article 1er AUS fait à l’affectation d’un patrimoine comme garantie d’une
obligation renvoie à l’idée de sûreté personnelle. Par contre, l’affectation d’un bien ou d’un
ensemble de biens à la garantie de l’obligation du débiteur renvoie à la catégorie de sûreté
réelle. Dans le cadre de cette étude, les sûretés personnelles feront l’objet d’un titre Ier alors
que les sûretés réelles seront envisagées dans un titre II.
Bibliographie indicative
Ouvrages généraux et codes
- Ph. Simler, Ph. Delebecque, Droit civil. Les sûretés, la publicité foncière, 5 ème éd.,
Précis Dalloz, 2008
- H. L. et J. Mazeaud, F. Chabas et Y. Picod, Leçons de droit civil, t.3, 1 er vol.,
Sûretés. Publicité foncière, 7ème éd., LGDJ, 1999
- L. Aynès, P. Crocq, Droit civil. Les sûretés, la publicité foncière, 4ème éd., Défrénois,
2009
- P. Crocq (dir.), Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés. La réforme
du droit des sûretés de l’OHADA, Lamy, 2012
- Acte uniforme portant organisation des sûretés version 2010 (le texte peut être
téléchargé sur internet)
- COCC
Revues
Revue du droit uniforme, Revue de l’Ersuma, RTD civ, RTD com, Revue droit et patrimoine,
JCP, Gazette du palais, Revue Lextenso, Droit Africain des Affaires…
- www.Ohada.com
- www.legifrance.org
- www.juricaf.org
Titre I : LES SURETES PERSONNELLES
Les sûretés personnelles1, comme toutes sûretés, ont pour objet la garantie du crédit accordé
par le créancier au débiteur. Elles permettent précisément d’adjoindre – à portée variable
selon les cas - un second débiteur au débiteur principal afin de garantir l’exécution de
l’engagement de ce dernier.
Les sûretés personnelles sont définies par l’article 4 al. 1er de l’acte uniforme portant
organisation des sûretés comme celles consistant en l’engagement d’une personne de
répondre de l’obligation du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci ou à première
demande du bénéficiaire de la garantie. Il découle de cette définition, et comme le précise
l’article 12 de l’acte uniforme que les sûretés personnelles prévues sont de deux ordres, à
savoir le cautionnement (Chapitre I) et la garantie autonome et la contre-garantie autonome
(Chapitre II).
Le cautionnement est l’engagement de payer l’obligation dont le débiteur principal est tenu et
qu’il n’a pas exécutée (Cass. Com. 21-12-1987, D. 1989. 112, note Brill).
Le cautionnement présente certains caractères. Ainsi, c’est un contrat accessoire2 (il est
l’accessoire d’une créance), unilatéral3 (seule la caution est tenue) et dans sa conception
classique, un contrat gratuit4. Le cautionnement peut revêtir par ailleurs un caractère civil ou
commercial5.
La formation du contrat de cautionnement obéit à des conditions légales (§1). Mais les parties
peuvent aménager certaines modalités de leur accord (§2).
Les parties au contrat de cautionnement sont la caution, c’est-à-dire la personne qui s’engage
à supporter la défaillance du débiteur principal et le créancier de ce débiteur. Le débiteur
principal n’est pas partie au contrat de cautionnement. Il n’est pas pour autant tiers absolu au
cautionnement car il propose souvent la caution au créancier qui l’accepte ou non. Cependant,
la caution peut s’engager sans avoir reçu d’ordre du débiteur mais les parties sont tenues
d’informer ce dernier de l’existence du contrat (avant l’avènement du nouvel acte uniforme, le
cautionnement à l’insu du débiteur était admis).
Comme dans tout contrat, les parties au cautionnement doivent consentir. Le consentement de
la caution, comme celui du créancier doivent exister et être exempts de vices (erreur, dol et
violence).
L’erreur, en tant que vice du consentement, peut être invoquée par les cautions. Or, le contrat
de cautionnement présente plusieurs particularités qui impliquent que soient nécessairement
limités les cas d’erreur susceptibles d’être soulevées par une caution.
En tant que contrat unilatéral, il ne peut y avoir d’erreur sur la prestation promise par le
créancier (nature ou existence).
Pour ne pas admettre trop librement la remise en cause de contrats de cautionnement sur le
fondement de l’erreur, les erreurs relevées en jurisprudence sont souvent l’erreur sur la nature
de l’engagement6 et l’erreur sur la solvabilité du débiteur, interprétée comme une erreur sur la
qualité substantielle7 de ce dernier. Sont aussi admises l’erreur sur l’existence d’autres
garanties8 ou l’erreur sur l’affectation du crédit.
Pour ce qui concerne le dol, Il s’agit d’un fondement juridique plus fréquemment invoqué par
les cautions dès lors que les conditions sont réunies, notamment l’existence de manœuvres
ayant induit la caution en erreur 9. Mais le dol peut aussi consister en un silence du créancier
6
Un tel fondement est parfois invoqué par des cautions soutenant a posteriori qu’elles n’ont pas compris la
portée de leur engagement qu’elles croyaient être un engagement moral sans aucune valeur juridique
(toujours le cas de cautions civiles et souvent analphabètes). Bien que cet argument puisse correspondre à la
réalité, les juges n’ont que très rarement retenu ce fondement invoqué par une personne qui ignorerait ce
qu’est un contrat de cautionnement pour éviter que quelqu’un ne se porte caution de manière inconsidérée.
Désormais, l’exigence de la mention manuscrite avec la formalité de substitution prévue à savoir la présence
des témoins pour les cautions analphabètes devrait réduire les hypothèses où ce vice pourrait être soulevé
7
La qualité substantielle en cause est généralement la solvabilité du débiteur. Bien qu’elle se soit engagée à
couvrir l’insolvabilité du débiteur, la caution peut soulever son erreur sur l’état financier du débiteur. Il ne peut
s’agir que la solvabilité du débiteur au moment de la conclusion du contrat. Par contre, si le débiteur était
solvable au moment de l’engagement et que par la suite sa situation financière s’est progressivement
dégradée, la caution ne pourrait reçue à invoquer la nullité du contrat. Cependant, la jurisprudence admet
cette hypothèse si la caution démontre qu’elle avait fait de la circonstance de la solvabilité de son débiteur la
condition de son consentement. Autrement dit, il s’agit de l’hypothèse où la solvabilité du débiteur constitue
un motif déterminant de l’engagement de la caution (civ. 1 ère, 19 mars 1985, JCP, 1986.II.20659, note
Bouteiller).
Cour de cassation, Chambre commerciale, 1er Octobre 2002 (civ., 1 er octobre 2002, D. 2003,
1617, note Y. Picod) : tempère à nouveau la jurisprudence en reconnaissant que la caution pouvait désormais
obtenir l’annulation de son engagement lorsqu’elle a cru que le débiteur était solvable alors même qu’elle
n’avait pas fait expressément de cette solvabilité une condition de son engagement.
8
L’erreur commise par la caution peut résulter de la croyance erronée en l’existence de garanties
complémentaires fournies au créancier, dès lors que ces garanties se révèlent inexistantes lorsque la caution
est appelée. C’est le cas lorsqu’une caution s’engage alors qu’elle pense légitimement que le créancier dispose
d’une hypothèque préalablement convenue or l’efficacité d’une hypothèque dépend d’une inscription qui peut
ne pas être accomplie.
9
Conformément au droit commun, les manœuvres dolosives ne sont une cause de nullité que si
elles émanent du cocontractant (le créancier), ce qui induit 3 particularités / difficultés :
D’abord, L’auteur du dol est le plus souvent le débiteur car ayant intérêt à ce que son
engagement soit garanti, use de manœuvres déloyales, dissimulant ainsi sa situation financière pour amener la
caution à s’engager. Pourtant, le dol du débiteur, non partie au contrat de cautionnement, ne peut être opposé
au créancier dès lors que ce dernier n’en a guère été le complice (exple, le banquier, sachant la situation
financière du débiteur n’en informe pas la caution. Malheureusement, il ne pèse pas sur le créancier une
obligation générale d’information sur le créancier qui aurait eu pour effet de contrecarrer la réticence observée
mais dans certains cas précis, l’obligation d’information est prévue. Insuffisance de l’AUS car l’obligation
d’information prévue par l’art. 25 n’est envisagée qu’après la formation du contrat). Ce principe se justifie en
considération du contrat de cautionnement comme critère prépondérant.
NB : La doctrine (certains auteurs…) sur le fondement du caractère essentiel de la relation triangulaire a
contesté le rejet du dol émanant du débiteur.
Cour de cassation, chambre commerciale, 13 novembre 2002, D. 2003. 684, note Roman :
retient une interprétation stricte en matière d’auteur du dol, qui ne peut être invoqué que dans le cas où les
manœuvres émanent de l’une des parties contractantes.
Ensuite, le dol commis par le créancier doit affecter directement la caution. Il importe peu
que le créancier ait commis un dol affectant le débiteur.
sur un élément déterminant de l’engagement de la caution (Malheureusement pour les
cautions, il ne pèse pas d’obligation d’information sur le créancier au moment de la
formation du contrat).
Le vice de violence n’affecte qu’exceptionnellement les contrats de cautionnement.
La principale particularité de ce vice concerne la détermination de l’auteur des contraintes
physiques ou morales subies par la caution : contrairement au dol, il peut s’agir non seulement
du créancier mais aussi du débiteur principal.
Il faudrait enfin souligner l’exigence de la bonne foi du créancier en matière de
cautionnement10. Ainsi, la dissimulation par le créancier de l’état financier du débiteur peut
être sanctionnée sur le fondement de la mauvaise foi11. Par ailleurs, le cautionnement
Cour de cassation, chambre mixte, 8 juin 2007 : précise cet élément. En l’espèce le dol du
créancier avait été invoqué et retenu par le débiteur et le contrat principal avait été affecté.
En dépit du caractère accessoire de son engagement, la caution ne peut opposer des exceptions qui sont
purement personnelles au débiteur.
Enfin, Une incertitude a pu concerner le cas particulier du dol commis par un cofidéjusseur:-
une telle annulation de l’engagement en cas de pluralité de cautions pourrait se justifier au bénéfice des
cautions victimes du dol d'une des autres cautions. Or le recours à une telle sanction se révèlerait défavorable
au créancier qui perdrait une faculté de recours contre les cautions victimes du dol.
Cour de cassation, com. 29 mai en 2001, D. 2002, 1741, note Luciani : un tel comportement
dolosif entre cofidéjusseurs n’a d’effet que dans la relation entre cautions et plus précisément dans le cadre
des recours exercés entre elles. Ce dol n’est pas pris en considération à l’égard du créancier.
Le dol doit avoir un caractère déterminant
Cette exigence a pu être retenue à l’encontre de créanciers (tels les établissements de crédit)
qui n’avaient pas informé la caution au sujet de la situation délicate dans laquelle se trouvait le débiteur. Le
silence du créancier relatif à ladite situation et à sa délicatesse aurait dissuadé la caution de s’engager.
La jurisprudence se révèle alors favorable aux cautions, généralement profanes (non
professionnels du crédit), qui n’ont pas pu avoir connaissance de la situation compromise du débiteur.
10
La bonne foi a toujours eu son importance en matière contractuelle. Elle a toujours innervé la matière
contractuelle par une expression générique selon laquelle, les contrats doivent être exécutés de bonne foi.
Avec la réforme du droit des contrats en 2016 par l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la place de la
bonne foi est accentuée car celle-ci est érigée en règle. L’article 1104 du code civil français dispose que les
contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public
11
La jurisprudence française a eu recours à différents fondements pour sanctionner le
comportement de certains créanciers : ce comportement répréhensible doit être constaté lors de la conclusion
du contrat de cautionnement.
NB : cela est à distinguer de l’obligation d’information au stade de l’exécution dudit contrat.
Tout d’abord, la Cour de cassation s’est fondée sur le dol (réticence dolosive plus exactement)
complété par le constat d’une mauvaise foi du créancier (qui n’avait pas communiqué des informations aux
cautions).
Ex : il en fut ainsi lorsque le banquier obtenait l’engagement d’une caution tout en sachant
que la situation du débiteur était « irrémédiablement compromise » ou « lourdement obérée ».
Dans un second temps, les juges ont retenu le non-respect de l’obligation d’information
imputable au créancier indifféremment de toute référence à la notion de dol.
Enfin et plus récemment, la Cour de cassation se plaçant toujours au stade de la formation du
contrat a parfois imposer une obligation de mise en garde incombant aux établissements de crédit, ces derniers
étant alors tenus d’avertir les cautions des conséquences de leur engagement.
NB : Le droit de la responsabilité civile est alors invoqué pour contester le contrat de
cautionnement conclu, singulièrement au bénéfice des cautions profanes victimes du comportement
répréhensible du créancier et, au-delà, n’ayant pas mis ces dernières en garde (sévérité de la Cour vis-à-vis du
créancier professionnel).
manifestement disproportionné souscrit par une caution profane a fait l’objet de sanction par
une réduction de la dette12. Le cautionnement conserve tous ses effets mais l’engagement de la
caution est ramené à un montant compatible avec ses facultés financières 13.
Les parties doivent aussi être capables. Par principe, la capacité juridique suppose la faculté
pour une personne déterminée d’être titulaire de droits (« capacité de jouissance ») et de les
exercer (« capacité d’exercice »).
12
La disproportion est un thème essentiel, en droit du cautionnement notamment.
La jurisprudence française dans un premier temps et le législateur français ensuite ont pris en considération ce
critère pour contester l’engagement souscrit par certaines cautions.
Elle intervient lorsque la caution s’engage au paiement d’une dette souscrite par un débiteur et manifestement
excessive par rapport à son patrimoine et à ses revenus.
Il s’agissait d’une disproportion appréciée au moment de la formation du contrat
alors que les textes issus du Code de la consommation sanctionnent cette même disproportion en la constatant
au moment de l’exécution du contrat.
La Cour de cassation a précisé par le biais de deux arrêts les différentes solutions à retenir,
jurisprudence ayant plus récemment fortement évolué.
Cour de cassation, Chambre commerciale, le 17 juin 1997 : condamnation d’un établissement
de crédit considéré de mauvaise foi après avoir conclu un contrat de cautionnement manifestement
disproportionné par rapport aux revenus et au patrimoine de la caution.
En l’espèce, un créancier de la dette souscrite par une société avait obtenu le cautionnement de dirigeants de
ladite société pour un montant de 20.000.000 de francs. Cette décision était donc favorable aux cautions
dirigeantes en raison de la mauvaise foi du créancier et au nom d’un principe de proportionnalité qui existait
ponctuellement
La Cour de cassation s’est alors fondée sur le droit de la responsabilité civile pour justifier sa solution favorable
aux cautions.
Après 1997, la Cour de cassation a confirmé sa solution à de nombreuses reprises, au bénéfice
de cautions, profanes ou non.
Cour de cassation, chambre commerciale, le 8 octobre 2002 : tempérament apporté à la
jurisprudence précédente. Il appartient désormais aux cautions de démontrer que la banque aurait eu des
informations qu’elles même ignoraient sur leurs revenus / leur patrimoine et leur faculté de remboursement
raisonnablement prévisibles.
En l’espèce, des dirigeants d’une entreprises promoteurs immobiliers s’étaient portés
cautions solidaires pour un prêt d’un montant très important et sans commune mesure avec leurs revenus. En
raison de la crise immobilière, les opérations ainsi sponsorisées se révèlent très décevantes et les cautions sont
appelées. Elles invoquent l’argument de la disproportion, suite à quoi la Cour retient un nouveau principe, plus
rigoureux à l’égard des cautions et en l’occurrence des dirigeants.
Pour sanctionner un engagement disproportionné, il faut impérativement que soit avéré que la
banque détenait des informations que les cautions ignoraient au moment de la conclusion du contrat.
Finalité de cet arrêt est de limiter les facultés d’actions des cautions lorsqu’elles cherchent à
engager la responsabilité des banquiers et de restaurer l’efficacité du cautionnement en évitant certains effets
pervers des recours au droit de la responsabilité en matière du droit du cautionnement.
- Dans un premier temps, les cautions dirigeants doivent prouver que le banquier détenait des informations
(relatives à la situation financière du débiteur notamment, ce qui n’arrive jamais)
- Dans un second temps, elles doivent démontrer le caractère disproportionné.
A partir de 2002, la Cour de cassation adopte une nouvelle distinction essentielle en matière de disproportion
appliquée à l’engagement d’une caution. Elle distingue « caution profane » et « non profane ».
Seules les cautions profanes peuvent bénéficier d’un régime de faveur (né en
1997) leur permettant de demander la mise en œuvre de la responsabilité civile du créancier en cas
d’engagement manifestement disproportionné par rapport à leurs revenus.
Ex : l’épouse d’une caution dirigeante a pu profiter d’une telle solution, au même titre que sa concubine ou que
ses enfants.
Comme pour tout contrat, les parties à un contrat de cautionnement doivent avoir la capacité
de contracter (exigence indirectement prévue en matière de cautionnement en droit français à
l’article 2295 du Code civil. En droit OHADA, il n’y a aucun article exprès dans ce sens mais
en vertu des exigences du droit commun des contrats). Cette règle s’impose et écarte la
possibilité pour un incapable de s’engager en qualité de caution ; ce qui exclut l’engagement
de cautionnement souscrit par un mineur (incapacité mineur art. 276 s CF) ou un majeur
incapable14 (réglementation de la protection des majeurs par les articles 340 à 367 CF).
L’exigence de la capacité se pose dans des termes particuliers en droit commercial (pouvoirs
du dirigeant social d’engager la société commerciale15 – art. 449 de l’AUDSCGIE pour les
La solution a par ailleurs été retenue à l’égard de cautions non dirigeantes mais associées
de la société.
La Cour de cassation considère les dirigeants comme des cautions non
profanes, dès lors exclues de la solution et inaptes à engager la responsabilité civile des créanciers sur le
fondement en cause.
La Cour de cassation a précisé ce que devaient être ces sanctions à l’égard d’un créancier
obtenant un cautionnement manifestement disproportionné.
Les tribunaux ont ainsi recours au droit de la responsabilité civile, permettant de sanctionner
les juges du fond prononçant l’annulation du contrat.
Cour de cassation, 1ère chambre civile, 9 juillet 2003 : en cas de cautionnement
manifestement disproportionné souscrit par une caution profane, le juge opère simplement une réduction de
la dette. Le cautionnement conserve tous ses effets mais l’engagement de la caution est ramené à un montant
compatible avec ses facultés financières.
Il appartient au juge d’évaluer la quotité de l’excès pour déterminer le préjudice subi par la caution, préjudice
correspondant à la fraction excessive de la somme prévue dans le contrat de cautionnement.
Les juges compensent ce que doit la caution par l’octroi de dommages et intérêts, laquelle caution reste tenue
à hauteur du montant perçu comme n’étant pas excessif (en fonction de sa solvabilité).
Ex : la caution s’engage pour 10 000 000 F mais elle ne peut payer que 4 0000 000 F
(cautionnement disproportionné). Le préjudice est donc de 6 000 000 F, préjudice compensé par la juge via la
condamnation du débiteur à versé 6 000 000 F de dommages et intérêts (la somme due s’annule avec lesdits
dommages et intérêts) et la caution en doit plus que 4 000 000 F ! ! !
Certains juges du fond avaient considéré qu’un tel contrat de cautionnement devait être annulé, ce qui est dur
pour le créancier et ce qui méconnaît le principe de la force obligatoire des conventions.
L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, entrée en vigueur le 1er janvier 2022 a adopté une
disposition unique intégrée dans le Code civil qui maintient l’exigence de proportionnalité du cautionnement
lors de sa conclusion entre une personne physique et un créancier professionnel (C. civ. art. 2300 nouveau).
Avec ce texte, le créancier ne perdra pas toute possibilité de se prévaloir d’un cautionnement manifestement
disproportionné : ce dernier sera réduit au montant à hauteur duquel la caution pouvait s’engager à la date où
elle s’est engagée (art. précité). Disparaîtra aussi l’exception de retour à meilleure fortune de la caution. Il y a
donc un rééquilibrage entre les intérêts du créancier (le cautionnement n’est pas totalement inefficace) et ceux
de la caution (elle ne pourra pas être poursuivie pour le tout, même en cas de retour à meilleure fortune).
13
Cour de cassation, 1ère chambre civile, 9 juillet 2003, D. 2004. 204, note Picod.
14
En droit français, Dans un premier temps, la jurisprudence a considéré que le tuteur / administrateur ne
pouvait souscrire un cautionnement au nom du mineur (en raison de la dangerosité et du caractère unilatéral
de l’opération).
S’en suivirent diverses critiques doctrinales ayant induit un tempérament de la solution de la
Cour de cassation en admettant la conclusion d’un contrat de cautionnement par le tuteur / administrateur dès
lors que le juge des tutelles s’est prononcé.
15
Lorsqu’un contrat de cautionnement est conclu par une personne morale, seule cette personnalité morale
est engagée et non la personne physique qui a conclu l’acte.
sociétés anonymes…….) et des régimes matrimoniaux 16 (pouvoirs de l’époux d’engager les
biens de la communauté).
NB : Il est important de souligner la question du mandat de se porter caution. En effet,
L’engagement d’une caution peut intervenir non directement et personnellement mais par
l’intermédiaire d’une tierce personne consentant à intervenir en concluant au préalable un
mandat de se porter caution.
La caution, en sa qualité de mandant, se fait représenter par un mandataire ayant reçu un
mandat spécial et exprès. La procuration ainsi donnée doit respecter les exigences formelles
qui s’imposent en matière de contrat de cautionnement.
Le contrat de cautionnement doit aussi avoir un objet. Conformément au droit commun,
une double approche est proposée pour analyser la notion d’objet. Il s’agit de l’objet du
contrat17 (l’opération juridique envisagée dans sa globalité) et de l’objet de l’obligation 18 (la
prestation fournie par la caution au bénéfice du créancier). En raison du caractère accessoire
Pour qu’un tel acte soit valable, il faut que le principe de spécialité soit respecté, principe impliquant que le
cautionnement soit conforme à l’objet social de la personne morale et qu’il présente un intérêt pour la société.
- La conformité du cautionnement à l’objet social.
Par principe, la validité du contrat de cautionnement dépend du type de société et en fonction
de la nature de la société, le pouvoir de son représentant est plus ou moins réglementé pour engager la société
par un contrat de cautionnement.
Il existe des règles plus souples pour les SARL car la société est engagée par tous les actes de ses représentants,
peu importe les limites de l’objet social.
Pour une SA les limites de l’objet social sont également inopposables aux tiers et en
particulier au créancier concluant le contrat de cautionnement. Toutefois ! Le législateur a prévu une exigence
supplémentaire : le contrat de cautionnement doit faire l’objet d’une autorisation spéciale (conseil
d’administration art. 449 AUSCGIE 2014 art. 506 pour les sociétés anonymes avec administrateur général). La
sanction d’un défaut d’autorisation n’est pas la nullité mais l’inopposabilité de la garantie à la société (qui ne
sera ainsi pas engagée). Pour toutes les autres sociétés, commerciales ou civiles, le principe de
spécialité doit être respecté.
La Cour de cassation française a parfois assoupli cette exigence en considérant comme valable
un cautionnement étranger à l’objet social dès lors qu’existait une communauté d’intérêts entre la société
caution et le débiteur cautionné.
- La conformité du cautionnement à l’intérêt social.
Le contrat de cautionnement consenti par le représentant d’une société doit être conforme à l’intérêt de la
société.
Tout cautionnement conclu dans l’intérêt exclusif de quelqu’un d’autre (dirigeant, associé,
tiers, ...) ne pourrait être valable.
Des règles protectrices spéciales sont prévues : les SA et les SARL ne peuvent
s’engager en qualité de caution pour garantir des dettes souscrites par tout administrateur (dirigeant, associé
ou ses proches).
16
Dans les relations entre époux, les règles des régimes matrimoniaux permettent parfois de limiter les biens
susceptibles d’être engagés par l’époux dans un acte juridique.
En matière de cautionnement, l’époux se portant caution n’engage les biens de la communauté que s’il a au
préalable obtenu le consentement exprès de son conjoint.
Si un cautionnement est accordé par l’un des époux et expressément autorisé par l’autre, le
créancier pourra alors exercer ses poursuites non seulement sur les biens propres de l’époux caution mais aussi
sur les biens communs (seuls les biens propres de l’époux de la catin seront exclus des poursuites).En l’absence
d’un tel consentement exprès, l’époux caution n’engage que ses biens propres, ce qui va automatiquement
réduire le gage du créancier.
du contrat de cautionnement, l’objet de l’obligation de la caution dépend directement de la
dette principale préexistante. La caution est tenue en fonction de ce qui a été stipulé dans le
cadre du contrat. L’objet de l’obligation doit être déterminée 19 ou déterminable pour les dettes
futures20.
La cause du contrat de cautionnement
17
Elle correspond à l’opération juridique envisagée dans sa globalité : il s’agit d’une sûreté
personnelle apportée en supposant l’engagement d’une caution ... Il appartient alors au juge de constater que
les parties ont réellement voulu conclure une telle sûreté, nécessairement accessoire à une obligation
principale (contrat qui contient une obligation de payer à la charge de la caution).
18
Elle concerne la prestation fournie par la caution au bénéfice du créancier. L’objet de l’obligation doit être
déterminé ou au moins déterminable dans le cadre du contrat de cautionnement.
En raison du caractère accessoire du contrat de cautionnement, l’objet de l’obligation de
la caution dépend directement de la dette principale préexistante.
Le cautionnement ne peut exister que sur une opération valable. L’annulation d’un contrat principal libère
automatiquement la caution.
19
Il s’agit des dettes présentes. Conformément au principe de l’accessoire, la caution est tenue en fonction de
ce qui a été stipulé dans le cadre du contrat principal. La caution a dès lors une connaissance parfaite de la
dette du débiteur.
La seule incertitude réside dans l’étendue de la garantie souscrite, pouvant concerner tout ou partie de la dette
et ne pas être circonscrite au montant de la dette mais être étendue à ses accessoires (intérêts de retard,
stipulation d’une clause pénale, ...).
Par principe et en pratique, la caution n’est tenue qu’au principal de la dette et non pour les
accessoires des lors qu’il n’est pas établi que cette caution a entendu s’obliger au paiement de ces accessoires.
Par exemple: la caution s’engage conformément à un montant chiffré, à un plafond qui ne pourrait
être dépassé.
20
Une caution peut s’engager auprès d’un créancier pour des dettes futures susceptibles d’être
souscrites par un même débiteur. L’existence même de la dette du débiteur (somme due par la caution)
dépend alors d’évènements ultérieurs incertains. Le recours à un tel cautionnement est alors qualifié de «
cautionnement omnibus ».
Il peut parfois être dangereux de s’engager à payer la dette d’autrui dès lors qu’a fortiori
elle se révèle inconnue.
En pratique, le cautionnement omnibus est fréquemment utilisé dans les relations d’affaires
(cas particulier de la caution dirigeant social s’engageant à cautionner les dettes futures contractées par la
société).
Sur le plan du droit commun des obligations, de tels cautionnements sont valables dès
lors que l’objet de l’obligation est certain (déterminé ou déterminable). L’unique exigence des juges réside dans
le contenu du contrat principal et du contrat de cautionnement, contenus devant permettre de définir les
futures dettes cautionnées.
Ex : cautionnement d’un compte courant (dettes futures non déterminées et dont l’existence
même n’est pas assurée).
C’est cette catégorie de contrat de cautionnement qui a été à l’origine d’une distinction doctrinale essentielle
consacrée par la Cour de cassation française entre les obligations de couverture et de règlement.
De tels cautionnements vont en pratique devenir de plus en plus rares en raison de
l’exigence de la mention de manière précise du montant de l’engagement de la caution.
indépendamment de sa cause. La doctrine majoritaire aborde toutefois la notion de cause en
distinguant la cause objective21 de la cause subjective.
Par principe, le but de la caution ne doit pas être illicite ou contraire aux bonnes mœurs
(cautionnement de la dette d’un compagnon homosexuel). Conformément au caractère
accessoire du contrat de cautionnement, une telle exigence n’est respectée que si le contrat
principal est lui-même valable.
En principe, la cause s’apprécie au moment de la formation du contrat mais si les parties ont
considéré cette cause comme motif déterminant de leur engagement, sa disparition
ultérieure anéantie l’engagement de la caution (les engagements qui n’étaient pas nés au
moment de la disparition de la cause.
Vu les articles 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance
du 10 février 2016, et 2289 du même code ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 16 mai 2008, M. X… s’est rendu, dans une certaine
21
En matière de contrats synallagmatiques, la cause correspond à l’obligation d’une partie directement liée à
l’obligation de l’autre partie.
En raison du caractère unilatéral du contrat de cautionnement, la cause de l’engagement de la
caution ne peut correspondre à une obligation corrélative.
Ceci suppose que soient dès lors prises en considération la présence et les obligations du
débiteur puisque la caution intervient afin de permettre à ce dernier d’obtenir un avantage auprès du créancier
or ces éléments ne concernent pas directement le contrat de cautionnement.
La Cour de cassation française en 1972 relève que la cause de l’obligation de la caution est la considération de
l’obligation prise corrélativement par le créancier (en l’espèce l’ouverture de crédit au débiteur).
NB : cette interprétation fut critiquée car la Cour adapte ainsi au contrat de cautionnement un
raisonnement retenu et cohérent pour un contrat synallagmatique.
Cass. com. 17 mai 2017
limite, caution personnelle et solidaire des engagements de la société Alain Barrière au profit
de la société Banque populaire Centre Atlantique, devenue Banque populaire Aquitaine
Centre Atlantique (la banque) ; que le 3 juillet 2009, la société Alain Barrière a été mise en
redressement judiciaire, lequel a été converti le 21 juillet suivant en liquidation judiciaire ;
que la banque a déclaré sa créance, puis mis la caution en demeure de payer ; que le 12
décembre 2009, M. X… s’est, dans une certaine limite, rendu caution solidaire au profit de la
banque ; qu’assigné en paiement, M. X… a demandé que soit prononcée, pour absence de
cause, la nullité de son engagement du 12 décembre 2009 ; que le fonds commun de
titrisation « Hugo créance 3 », représenté par la société de gestion GTI Asset management,
est venu aux droits de la banque en vertu d’une cession de créances ;
Qu’en se déterminant par ces motifs, impropres à caractériser, en l’absence d’un avantage
consenti par le créancier, la cause de l’engagement souscrit par M. X… après le prononcé de
la liquidation judiciaire du débiteur principal en garantie d’une dette antérieure à l’ouverture
de la procédure collective, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
Cass. com. 17 mai 2017
PAR CES MOTIFS :
Le cautionnement répond par ailleurs à des conditions qui lui sont particulières.
- Ainsi, la caution doit être domiciliée dans le ressort de la juridiction où elle est
fournie.
La caution garantie une dette principale, celle du débiteur principal sur le créancier. Son
engagement est alors accessoire. Par conséquent, il n’est valable que si l’engagement
principal est lui-même valable. La nullité de l’engagement principal pour n’importe quelle
cause dont un objet illicite, une cause illicite ou contraire aux bonnes mœurs rend nul
l’engagement de la caution. Il en va de même lorsque l’engagement principal est nul pour
vices du consentement ou incapacité mais celui qui cautionne, en connaissance de cause, les
engagements d’un incapable ne peut soulever cette cause de nullité.
L’acte uniforme sur les suretés de 2010 lève une ambiguïté qui avait divisé la doctrine. Cette
ambiguïté résidait dans la vocation probatoire ou solennelle de l’exigence d’un écrit pour le
cautionnement22.
22
V. pour les tenants de la nullité du cautionnement en l’absence d’écrit, J. I. SAYEGH, commentaire sous
OHADA, traité et actes uniformes commentés et annotés, éd., JURISCOPE, 2002, p. 626, F. ANOUKAHA, Le droit
des suretés dans l’acte uniforme OHADA, PUA, 1998, p. 35. V. Pour une opinion contraire, I. Y. NDIAYE,
Cautionnement, in OHADA SURETES, Juriscope, 2002, p. 14, du même auteur, « Le cautionnement dans l’acte
uniforme : un contrat défiguré ou revigoré ? », Revue sénégalaise de droit des affaires, n° 1, janvier-Juin 2003,
p. 5.
prévision d’un écrit est posée comme instrument de preuve et que l’écrit dépourvu de la
mention de la somme garantie vaut comme commencement de preuve par écrit23.
En droit OHADA, la Cour commune de justice et d’arbitrage avait tenté de mettre fin à la
controverse en retenant que l’écrit est exigé ad validitatem. Ainsi, selon la Cour, doivent être
annulés pour violation de l’article 4 de l’AUS les actes de cautionnement ne comportant ni la
signature du bénéficiaire ni la mention écrite de la main de la caution, de la somme maximale
garantie24.
23
Com. 1er juin 1993, JCP 1993, II, n° 488.
24
V. CCJA, arrêt n° 18-2003 du 19 octobre 2003, Sté AFROCOM/Caisse de stabilisation et de soutien des prix des
productions agricoles, Le juris-OHADA, n° 4/2003, p. 10, Recueil de jurisprudence CCJA, n° 2 juillet-décembre
2003, p. 3.
25
L’ordonnance française n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 a réformé l’exigence de la mention manuscrite.
Ainsi, le cautionnement est encadré par le nouvel article 2297, al. 1er du Code civil qui dispose : « À peine de
nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu’elle s’engage en
qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite
d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres (…) ». Le nouvel article 2297
du Code civil comporte certaines innovations. La première, la plus évidente, est l’abandon d’un modèle légal.
Désormais, la mention apposée par la caution, et toujours requise à peine de nullité, doit simplement énoncer
qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de
celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. Il n’y a
donc plus à craindre des débats judiciaires inutiles sur le point de savoir si une faute d’orthographe doit mener
à l’annulation du cautionnement ou non. La caution pourra rédiger la mention comme bon lui semble, avec ses
mots. Sa compréhension sera sans doute meilleure. La deuxième nouveauté est que la mention n’a plus à être
manuscrite. Cette idée est à rapprocher de la nouvelle rédaction de l’article 1175 (Il est fait exception aux
dispositions de l'article précédent [Lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un contrat, il peut être établi et
conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 et, lorsqu'un acte
authentique est requis, au deuxième alinéa de l'article 1369.
Lorsqu'est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s'oblige, ce dernier peut l'apposer sous
forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu'elle ne peut être effectuée
que par lui-même.]
Pour les actes sous signature privée relatifs au droit de la famille et des successions, sauf les conventions sous
signature privée contresignées par avocats en présence des parties et déposées au rang des minutes d'un
notaire selon les modalités prévues aux articles 229-1 à 229-4 ou à l'article 298.), qui vise à permettre la
conclusion des sûretés par voie électronique. La troisième nouveauté concerne le domaine du formalisme. Le
nouvel article 2297 ne vise en effet que le créancier, sans plus de précision. La mention sera donc requise dans
tous les cautionnements signés par une personne physique, que le créancier soit un professionnel ou non.
L’impact pratique de cette dernière nouveauté devrait néanmoins être limité, car les cautionnements sont
généralement signés au profit de créanciers professionnels. Le formalisme portera donc sur deux points : la
mention manuscrite doit être rédigée par la caution pourra être réalisée sur le clavier d’ordinateur ; l’acte de
cautionnement devra être signé et datée (si la signature est électronique, elle devra intervenir immédiatement
après la mention obligatoire).
verbal mais en cas de contestation de son existence, sa preuve devra être établie par écrit 26.
Ces exigences de preuve ont pour finalité la protection du consentement de la caution.
§2- L’aménagement des modalités du cautionnement par les parties
Les parties peuvent choisir entre plusieurs formes de cautionnement. Certaines sont plus
courantes (A) que d’autres (B).
Le contrat de cautionnement peut porter sur toutes sortes d’obligations (obligation de faire, de
ne pas faire ou de donner). Peu importe par ailleurs que l’obligation soit d’origine
contractuelle ou légale, présente ou future (exemple risque de saisie ou poursuite). La caution
peut limiter son engagement à une partie de la dette seulement ou la garantir dans sa totalité.
Sauf clause contraire, le cautionnement s’étend aux accessoires de la dette ainsi qu’aux frais
de recouvrement.
La caution peut aussi souscrire un cautionnement général des dettes du débiteur (c’est le
cautionnement omnibus) à condition de fixer une somme maximale déterminée d’un commun
accord avec le créancier. Cette dernière forme de cautionnement ne s’applique qu’aux dettes
contractuelles directes (la dette est indirecte si elle est héritée. Dans ce cas si la caution décède
les héritiers n’auront à cautionner que les dettes existantes du débiteurs avant la mort de la
caution) et futures . Le cautionnement général (par opposition au cautionnement déterminé)
peut être révoqué à tout moment par la caution mais la révocation ne joue qu’à l’égard des
dettes futures du débiteur cautionné.
Par ailleurs, le cautionnement peut être simple ou solidaire. Dans l’ambition d’une meilleure
protection du créancier, l’AUS de 2010 institue une présomption de solidarité 27. Mais cette
présomption n’est pas une règle absolue. En effet, aux termes de l’article 20 de l’AUS, le
26
Mais, le cautionnement portant une mention manuscrite incomplète vaut comme commencement de preuve
par écrit (Cass. com. 11 janv. 1994, RTD civ. 1994. 899, obs. Brandac). Il appartient au demandeur qui a
rapporté un commencement de preuve par écrit de le parfaire par d’autres éléments tels que les témoignages
ou indices ou présomptions et les juges du fond apprécient souverainement si ce complément de preuve a été
fourni. Aussi, à défaut d’écrit répondant aux conditions légales, le cautionnement est prouvé par l’aveu
judiciaire (Cass. civ. 1re, 15 juin 2005, n°02-10700).
Cependant, il a été jugé qu’un notaire chargé par les parties de vérifier la régularité d’un acte de
cautionnement sous seing privé, engage sa responsabilité s’il omet d’attirer leur attention, dès avant la
signature de l’acte, sur la nécessité d’y porter les mentions manuscrites exigées par l’art. 1326 C. civ.
27
V. Anville NGoran, du cautionnement solidaire dans l’acte uniforme portant organisation des sûretés, penant,
n° 857, p. 401.
cautionnement devient simple si un Etat décide qu’il en soit ainsi sur son territoire ou si les
parties l’ont expressément prévu dans le contrat de cautionnement. Ainsi le législateur
OHADA fait du cautionnement solidaire le droit commun du cautionnement.
La solidarité fait perdre à la caution les droits d’une caution simple, à savoir le bénéfice de
discussion et le bénéfice de division. La solidarité peut jouer entre la caution et le débiteur ou
entre plusieurs cautions. Précisément, lorsque la caution est solidaire avec le débiteur, elle ne
pourra pas invoquer le bénéfice de discussion (c’est-à-dire, qu’elle ne pourra pas orienter les
poursuites du créancier vers le débiteur principal). Lorsqu’il y a solidarité entre plusieurs
cautions, ces dernières ne pourraient pas invoquer le bénéfice de division (division de la dette
entre les différentes cautions).
Il convient d’étudier le cautionnement réel d’une part et d’autre part, le certificat de caution et
le sous-cautionnement.
L’AUS prévoit le cautionnement réel 28 en son article 22. Cette variété de cautionnement est
une pratique bien connue dans le monde des affaires. En effet, en cas de cautionnement, la
garantie du créancier est constituée par le patrimoine de la caution. Le risque le plus encouru
par ce dernier est de constater l’insolvabilité de la caution au moment où elle doit payer. La
désignation d’un ou de plusieurs biens de la caution pour garantir l’engagement de
cautionnement permet au créancier d’éviter ce risque d’insolvabilité en profitant de
l’indisponibilité des biens donnés en sûreté ainsi que des droits de suite et de préférence. Si le
cautionnement réel constitue un avantage supplémentaire pour le créancier de la dette
cautionnée, il faut cependant remarquer que l’acte uniforme permet à la caution de réduire cet
avantage car elle « peut également limiter son engagement à la valeur de réalisation du ou des
biens sur lesquels elle a consenti une telle sûreté ». Lorsque la caution aménage ainsi le
cautionnement réel, la garantie du créancier ne porte plus sur l’ensemble de son patrimoine
mais seulement sur les biens désignés contractuellement.
28
Retour sur la nature réelle du cautionnement hypothécaire consacrée par la CCJA : CCJA arrêt n°156/2016, 27
octobre 2016, M.A.H. CISSE C/ SOMAPRE SARL, BCS SA & ME B. SOW (2019),
http://biblio.ohada.org/pmb/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=6786, consulté le 10.04.2022.
La sûreté réelle n’est qu’un accessoire de la sûreté principale qu’est le cautionnement. On en
tire comme conséquence qu’elle n’est valable que si l’engagement de la caution est lui-même
valable.
Le certificat de caution est une modalité du cautionnement prévue par l’art. 21 de l’AUS.
Aux termes de cet article « la caution peut elle-même se faire cautionner par un
certificateur désigné comme tel dans le contrat ». Le certificateur de caution s’engage à
l’égard du créancier à garantir l’engagement de la caution lorsque celle-ci ne s’exécute pas.
Le certificat de caution se définit ainsi comme le cautionnement de la caution au profit
du créancier qui se prémunit d’une seconde garantie.
Il convient d’étudier les conditions de l’appel à la caution (A) et les modalités de paiement de
la caution (B). Par ailleurs, la caution qui désintéresse le créancier dispose de recours contre le
débiteur (C).
Le créancier n’est autorisé à faire appel à la caution que lorsque la dette du débiteur est
devenue exigible (la dette est exigible lorsqu’elle est arrivée à terme. La caution ne pourrait
être poursuivie lorsque l’obligation est assortie d’une condition suspensive ou d’un terme
suspensif, La déchéance du terme prononcée contre le débiteur n’atteint pas la caution) et que
le créancier ne reçoive pas paiement après avoir mis en demeure le débiteur (c’est le rappel
fait au débiteur qu’il doit payer). En effet, le cautionnement est un accessoire du contrat de
base qui lie le débiteur et le créancier.
La caution désintéresse le créancier selon diverses modalités. Cependant, elle n’a pas payé
une dette personnelle. Elle dispose ainsi de recours contre le débiteur et contre les autres
cautions au cas échéant.
C’est à ce niveau que les modalités du cautionnement négociées par les parties produisent
leurs effets, principalement, le caractère simple ou solidaire du cautionnement. La caution
simple est autorisée à opposer le bénéfice de division ou de discussion.
Le bénéfice de discussion, prévue par l’art. 27, al. 2 AUS, permet à la caution d’exiger du
créancier de se faire payer d’abord sur les biens du débiteur. C’est seulement après la
discussion que le créancier est admis à reprendre ses poursuites contre la caution, il lui
réclame ce qu’il n’a pas pu obtenir du débiteur principal.
Le bénéfice de division, prévue par l’art. 28 AUS, permet à la caution, en cas de pluralité de
cautions, d’exiger du créancier de diviser la dette entre les cautions solvables au jour où
l’exception de division est soulevée. Lorsque l’exception de division est invoquée par une
caution, le créancier ne peut lui faire supporter l’insolvabilité des autres cautions.
La caution n’est tenue de payer que la partie de la dette qui lui incombe lorsqu’elle ne s’était
engagée que partiellement. Aussi, le paiement des accessoires de la dette dépend des
prévisions contractuelles. En tout état de cause, la caution n’est pas autorisée à payer sans
avertir le débiteur principal.
Il s’agit de voir les recours contre le débiteur principal et les recours contre les autres cautions
La caution qui a désintéressé le créancier ne s’est pas acquittée d’une dette personnelle. Ainsi,
elle dispose de deux types de recours contre le débiteur principal.
D’abord, la caution qui a payé dispose d’un recours personnel contre le débiteur pour tout ce
qu’elle a payé en principal, en intérêt de la somme principale et frais engagés. Elle peut
réclamer en outre des dommages et intérêts pour la réparation du préjudice subi du fait des
poursuites du créancier (par exemple la perte d’un bien).
Ensuite, lorsque la caution a utilement payé, c’est-à-dire sans commettre de faute, elle hérite
de tous les droits d’un véritable subrogeant à savoir les sûretés et privilèges dont disposait le
créancier contre le débiteur principal.
Par ailleurs, en cas de cautionnements multiples, la caution qui a payé dispose également de
recours contre les autres cautions (ses cofidéjusseurs), simples ou solidaires. Comme pour le
recours contre le débiteur, la caution n’est autorisée à attaquer ses cofidéjusseurs que
lorsqu’elle a payé utilement c’est-à-dire en respectant toutes les précautions et lorsque le
paiement est libératoire (période suspecte ?). Les autres cautions ne sont tenues de payer que
pour leur part de la dette car le recours de la caution qui a payé est un recours en contribution.
- Lorsque le débiteur est en état de cessation des paiements (une interprétation stricte de
la notion de cessation des paiements comme l’impossibilité pour un débiteur de faire
face à son passif exigible avec son actif disponible, conduit à limiter le recours aux cas
d’ouverture de redressement judiciaire ou de liquidation des biens contre le débiteur
personne physique commerçante ou personne morale. La mesure ne devrait donc pas
être étendue au cas où seul un règlement préventif a été prononcé)
- Lorsque la caution est poursuivie en paiement, dans ce cas, la caution poursuivie par le
créancier va appeler en garantie le débiteur principal (sauf si celui-ci est poursuivi en
règlement judiciaire ou en liquidation des biens puisque dans ces cas, le débiteur
bénéficie de la suspension des poursuites individuelles)
- Lorsque le débiteur est obligé de lui rapporter sa décharge dans un certain temps (c’est
une hypothèse suffisamment rare dans la pratique qui signifie que le débiteur s’est
engagé à libérer la caution de son engagement au bout d’un certain délai
indépendamment du paiement ou non de la dette. Si à l’expiration de ce délai la
caution reste tenue, elle peut demander un paiement anticipé au débiteur)
- Lorsque la dette est devenue exigible par l’échéance du terme (on suppose ici que
malgré l’arrivée du terme de la dette, le créancier n’a pas engagé les poursuites contre
le débiteur principal et la caution ne souhaite pas continuer à assumer le risque
d’insolvabilité du débiteur).
La procédure la plus rapide est celle de l’injonction de payer réglementée par les articles 1 er et
suivant de l’AUPSRVE (acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d’exécution). Il s’agit d’une procédure simplifiée de recouvrement
permettant à un créancier dont la créance présente certains caractères 29 de demander le
paiement de son dû par une voie plus abrégée que celle de droit commun (d’ailleurs, le rejet
de la demande lui ouvre la possibilité d’engager les voies de droit commun). Parallèlement,
elle permet au débiteur de régulariser sa situation, en réglant sa dette, si la demande s’avère
fondée.
29
La créance doit avoir une cause contractuelle ou avoir pour origine un effet de commerce ou un chèque. La
créance doit par ailleurs être certaine, liquide et exigible.
Le tribunal est saisi d’une requête du créancier justifiant de documents établissant la réalité de
la créance (origine contractuelle ou effet de commerce). La signification (c’est l’acte
d’huissier par lequel on porte à la connaissance du destinataire qu’une procédure a été lancée
à son encontre) à la caution de la décision portant injonction de payer (dans les 3 mois de sa
date) lui ouvre droit, dans un délai de quinze jours à compter de cette signification, à faire
opposition. L’acte d’opposition doit comporter, sous peine de nullité, la signification de
l’opposition à toutes les parties et servir assignation à comparaître devant la juridiction
compétente (à un délai ne pouvant excéder 30 jours). L’absence d’opposition durant ce délai
permet au créancier de mettre en œuvre une voie d’exécution, principalement une procédure
de saisie. Le créancier retombe ainsi dans les travers de la saisie mobilière ou immobilière
qu’il tentait d’éviter par le choix d’une sûreté personnelle. La situation du créancier est plus
enviable en cas de cautionnement réel du fait du droit de suite et de préférence dont il dispose
sur les biens désignés pour garantir l’engagement de cautionnement.
L’article 13 AUPSRVE dispose que « celui qui a demandé la décision d’injonction de payer
supporte la charge de la preuve de sa créance ». Précisément, la charge de la preuve de
l’engagement de la caution, du contrat de cautionnement et de la défaillance du débiteur
incombe au créancier.
30
En droit français, le nouvel article 2298 est novateur. Il retient que la caution peut opposer toutes les
exceptions, qu'elles soient personnelles au débiteur ou inhérentes à la dette. Ainsi, la difficulté de qualification
des diverses exceptions est neutralisée. Seuls deux types d’exceptions ne peuvent être opposés au créancier
par la caution. D’une part, cette dernière ne peut invoquer l’incapacité du débiteur principal, en application de
l’article 2293, alinéa 2. Puisqu’il est possible de cautionner en connaissance de cause la dette d’un incapable, ce
n’est pas pour que la caution entende ensuite anéantir le contrat sur ce fondement. D’autre part, l’alinéa 2 de
l’article 2298 interdit à la caution de se prévaloir des mesures légales ou judiciaires accordées au débiteur en
cas d'insolvabilité de sa part, sauf disposition spéciale contraire. Ceci restaure la véritable nature de sûreté du
cautionnement. L’incapacité et l’insolvabilité sont donc les deux seules exceptions inopposables par la caution.
Indépendamment de l’obligation principale, l’obligation de la caution est éteinte lorsqu’elle
justifie de l’existence d’une compensation de la créance de son cocontractant avec une
créance personnelle, lorsque le créancier lui a consenti une remise de dette, en cas de
confusion entre la personne du créancier et celle de la caution ou lorsque son engagement nul.
Chapitre 2 : La garantie autonome et la contre-garantie autonome
- V. P. Crocq, Les sûretés fondées sur une situation d’exclusivité et le projet de réforme
de l’acte uniforme portant organisation des sûretés, Droit et patrimoine, n° 197,
novembre 2010, p. 78 s.
La garantie autonome est définie comme l’engagement par lequel le garant s’oblige, en
considération d’une obligation souscrite par le donneur d’ordre et sur instructions de ce
donneur d’ordre, à payer une somme déterminée au bénéficiaire, soit sur première demande
de la part de ce dernier, soit selon des modalités convenues. (Sur la qualification de garantie
autonome, V. CA Abidjan, n° 184, 21-2-2003, SIB c/Sté CORECA, Ohadata J-03-230,
obs. J. Issa-Sayegh).
Contrairement au cautionnement, l’acte uniforme de 2010 n’a pas voulu faire de la garantie
autonome un contrat mais plutôt un engagement unilatéral, ce qui renforce les intérêts du
créancier.
Il arrive que le garant, voulant éviter l’insolvabilité du débiteur après avoir désintéressé le
créancier, exige de ce débiteur une contre-garantie. La contre-garantie autonome est
l’engagement par lequel le contre-garant s’oblige, en considération d’une obligation
souscrite par le donneur d’ordre et sur instructions de ce donneur d’ordre, à payer une
somme déterminée au garant, soit sur première demande de la part de ce dernier, soit
selon des modalités convenues.
L’objectif majeur du législateur OHADA est de faire de la garantie autonome une sûreté plus
efficace et plus rapide que le cautionnement. Cet objectif produit un certain nombre de
conséquences aussi bien dans la constitution de la garantie autonome (section 1) que dans ses
effets (section 2).
Il existe dans la pratique des affaires, des formes usuelles de garantie autonome (§2). Mais
quelle que soit la modalité usitée par les parties, des conditions de fond et de forme sont
exigées par la loi en vue de sa validité (§1er).
Au-delà des conditions de fond exigées pour tout acte juridique (consentement, capacité,
objet et cause), l’art. 40 AUS exclut les personnes physiques des sujets de droit pouvant
souscrire à une garantie autonome ou à une contre-garantie autonome. Par contre la
jurisprudence française admet que la garantie autonome puisse être souscrite par des
personnes physiques (cass. com, 13 décembre 1994, D. 1995, Jur., p. 209).
L’exclusion se justifie par la sévérité des effets de cette sûreté. Cette disposition est d’ordre
public et sa violation est sanctionnée par la nullité de la garantie. La somme garantie est
déterminée d’accord parties. Cependant, ces dernières peuvent prévoir qu’elle sera
dégressive à des dates précises.
70 millions de francs CFA toutes taxes comprises pour les marchés de fournitures
et de services autres que les prestations intellectuelles
100 millions de francs CFA toutes taxes comprises pour les marchés de travaux et
de prestations intellectuelles
Art. 1er arrêté pris en application de l’art. 115 du code des marchés publics (issu
du décret n° 2014-1212 du 22 septembre 2014 portant code des marchés publics)
fixant les seuils à partir desquels il est requis une garantie de bonne exécution
Ces modalités particulières de la garantie autonome, bien qu’étant les plus usuelles, n’épuisent
pas les formes de cette garantie qui sont laissées à la discrétion des parties. Cependant, quelle
que soit la forme utilisée, les parties sont tenues de faire apparaître la mention « garantie
autonome » ou « contre-garantie autonome ». En l’absence de telles mentions, ces
qualifications ne sauraient être retenues.
L’objectif du législateur de faire de la garantie autonome une sûreté rapide et efficace ne l’a
pas empêché de soumettre l’appel au garant ou au contre-garant à certaines formalités (§1 er).
Lorsque l’appel au garant ou au contre-garant aboutit au paiement, ces derniers disposent,
comme la caution, d’une action contre le débiteur principal (§2).
En effet, l’article 45 AUS prévoit que l’écrit doit indiquer le manquement reproché au
donneur d’ordre. L’appel à garantie n’est valable que s’il est justifié et la justification
consiste dans l’affirmation faite par le créancier du manquement par le débiteur à ses
obligations et en quoi consiste ce manquement (non-paiement du prêt, inexécution des
travaux, malfaçons, non-paiement des droits de douane…). Cependant, les parties peuvent
convenir que l’appel à garantie devra être accompagné de documents justificatifs de la
survenance du fait objet de la garantie (rapport d’expertise, constat huissier…). Dans cette
dernière hypothèse, la demande, en plus d’être justifiée, doit être documentée.
Comme la caution, le garant ou le contre-garant n’est pas autorisé à payer sans avoir transmis
au préalable, la demande accompagnée de tous les documents au donneur d’ordre (art. 46 al.
2. Le garant doit transmettre une copie de la demande du bénéficiaire et tous documents
accompagnant celle-ci au donneur d’ordre ou, en cas de contre-garantie, au contre-
garant, à charge pour ce dernier de les transmettre au donneur d’ordre). Ce dernier peut lui
faire défense de payer (ce pouvoir du donneur d’ordre découle de la définition de la garantie
autonome : « sur instruction ou ordres »). C’est pourtant à ce niveau qu’apparaît la différence
fondamentale d’avec le cautionnement. De manière expresse, l’acte uniforme, par son article
47, n’ouvre au donneur d’ordre cette possibilité de s’opposer au paiement que lorsque la
demande est manifestement abusive ou frauduleuse. Il en va ainsi lorsque la demande n’est
pas justifiée ou n’est pas accompagnée des documents prévus par les parties. En toutes
hypothèses, la survenance du fait objet de la garantie implique l’obligation du garant à payer
et le donneur d’ordre ne peut, non plus, lui faire défense de payer en se fondant sur une
exception tirée du contrat de base. Cette règle est logique car l’engagement du garant est
autonome, indépendant de celui du donneur d’ordre.
Sur le recours enregistré au greffe de cette cour le 11 février 2011 sous le numéro
020/2011/PC, formé par la Bank of Africa-Côte d’Ivoire, dite BOA-CI, société anonyme
ayant son siège à Abidjan-Plateau, Avenue Terrasson de Fougère angle Gourgas,
immeuble SERMED/BOA, 01 BP : 4132 Abidjan 01, ayant pour conseil Maître Jean
François CHAUVEAU, avocat à la Cour à Abidjan, 01 B.P : 3586 Abidjan 01, dans
l’affaire qui l’oppose à la Société Aminou Moussibaye Industrie-Côte d’Ivoire, dite AMI-
CI, société à responsabilité limitée ayant son siège à Abidjan II plateaux la Djibi, lot
n°80, 04 B.P : 1264
Abidjan 04, en cassation de l’arrêt n°450 rendu le 03 juillet 2009 par la Cour d’appel
d’Abidjan,
dont le dispositif est le suivant:
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et civile et en
dernier ressort ;
Reçoit la BOA-CI en son appel relevé du jugement n°032 rendu le 09 janvier 2008 par
le Tribunal de Première Instance d’Abidjan –Plateau ;
L’y dit mal fondée ;
L’en déboute ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne la BOA-CI aux dépens » ;
La demanderesse invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il
figure à sa requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Mamadou DEME, 2nd Vice-Président ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que suivant correspondances n°s 289/2011/G2 du 03 août 2011 et 0373/2016/GC du
08 avril 2016, le Greffier en chef de cette cour a tenté en vain de signifier le pourvoi à la
société AMI-CI à son adresse indiquée aussi bien dans la requête introductive que dans le
jugement et l’arrêt entrepris ; que ces correspondances lui ont été retournées par la Poste avec
la mention « non réclamée » ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il échet de
statuer sur le recours ;
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué et des productions que la société
AMI-CI a sollicité et obtenu de la BOA-CI l’émission d’une garantie bancaire à première
demande d’un montant de 38.000 Euros au profit de son fournisseur suisse, la société VOCO
DRAHT AG ; qu’à la suite de cet accord, la BOA-CI a sollicité et obtenu auprès de la
NATEXIS BANQUES POPULAIRES, sous sa contre-garantie, l’émission d’une garantie
bancaire à première demande pour le même montant, au profit de la société VOCO
DRAHT AV, via la banque NEUE AARGAUER BANK, dite NAB ; qu’ultérieurement, les
garanties et contre-garanties ont été mises et jeu, au motif que la Société AMI-CI n’a pas tenu
ses engagements contractuels auprès de la société VOCO DRAHT, et la BOA-CI a dû payer
la somme garantie ; qu’elle a ensuite assigné la société AMI-CI devant le Tribunal de
Première Instance d’Abidjan pour réclamer le remboursement de ses débours ; que suivant
jugement n°32 du 9 janvier 2008, le Tribunal l’a déboutée de cette prétention ; que statuant
sur l’appel formé contre ce jugement, la Cour d’appel d’Abidjan a rendu l’arrêt confirmatif
frappé du pourvoi ;
Attendu que la BOA-CI reproche à la Cour d’appel d’avoir retenu que le paiement
qu’elle a effectué n’est pas libératoire, pour être intervenu après l’expiration de la garantie et
sans l’avis préalable de la société AMI-CI, alors que, s'agissant d'une garantie à première
demande, elle n'avait pas à se référer au donneur d'ordre avant de s'exécuter, que le paiement a
été fait au vu de l'attestation du bénéficiaire affirmant que la société AMI-CI n’a pas respecté
ses engagements, conformément aux stipulations de la lettre de garantie, et que l’appel de la
garantie a été fait par la société VOCO DRAHT bien avant la date limite prévue par le lettre
de garantie ;
Attendu qu'il résulte des motifs de l'arrêt attaqué que pour confirmer le jugement et
rejeter la demande en paiement de la BOA-CI, la Cour d'appel a retenu contre celle-ci une
faute d'imprudence et de négligence, en ce qu'elle a donné suite à l'appel de la garantie sans
avoir pris l'avis préalable de la société AMI-CI, alors que la demande en paiement «n'a pas été
authentifiée » par cette dernière, et qu'à la date du paiement, la période de validité de lettre de
garantie lui servant de fondement avait expiré;
Sur l’évocation :
Attendu que par exploit en date du 16 avril 2008, la BOA-CI a formé appel contre le
jugement n°032/08 rendu le 09 janvier 2008 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan,
dont le dispositif est ainsi conçu :
Dans les hypothèses où le garant n’a pas fait un paiement utile, il peut se retourner contre le
bénéficiaire en vue de la répétition de l’indu.
L’hypothèque est définie par l’article 190 AUS comme l’affectation d’un immeuble déterminé
ou déterminable appartenant au constituant en garantie d’une ou de plusieurs créances,
présentes ou futures à condition qu’elles soient déterminées ou déterminables.
Il s’agit d’une nouvelle définition plus heureuse de l’hypothèque donnée par l’AUS de 2010
contrairement à l’article 117 de l’AUS de 1997, qui se bornait à définir l’hypothèque comme
«une sûreté réelle immobilière conventionnelle ou forcée »
Aussi, l’article 209 de l’AUS reprend l’article 132 de l’AUS de 1997, en supprimant l’alinéa 2
sur l’exigence du caractère déterminé des immeubles objets d’hypothèque forcée. Cet alinéa
devenait d’ailleurs incompatible avec l’article 190 de l’AUS de 2010 qui admet l’hypothèque
des immeubles déterminables.
Art. 209 AUS de 2010 : L'hypothèque forcée est celle qui est conférée, sans le consentement
du débiteur, soit par la loi, soit par une décision de justice.
Les hypothèques forcées autres que celles prévues par le présent Acte uniforme sont régies
par les dispositions particulières de la loi nationale de chaque Etat Partie.
Cette suppression participe, sans nul doute, de la volonté du législateur de rendre moins rigide
et plus attractif le régime des hypothèques. Cette attractivité est, de surcroît, renforcée par la
possibilité de consentir une hypothèque pour une créance qui n’est pas encore née, à condition
que celle-ci soit déterminée ou déterminable.
Une telle option est orientée vers le développement du recours à l’hypothèque, comme un
outil de garantie du crédit.
NB : L’hypothèque a un caractère spécial (un bien immeuble garantie une créance mais cette
spécialité est à relativisée du fait de l’existence de l’hypothèque biens à venir). L’hypothèque
a aussi un caractère indivisible (la divisibilité de la dette et de la créance n’affecte pas la
garantie).
A- LA CONSTITUTION DE L’HYPOTHEQUE
Le contrat d’hypothèque met en présence deux parties que sont le créancier hypothécaire et le
constituant.
Le créancier c’est celui qui est titulaire d’une créance à l’égard du débiteur. Dans le cadre
d’un contrat de prêt, Le créancier, par exemple la banque (prêteur), remet les fonds au
débiteur (emprunteur) dont le remboursement est garanti par une hypothèque.
Tout créancier peut bénéficier d’une hypothèque conventionnelle. Cependant, il faut réserver
la situation où le débiteur est en difficulté. Dans cette hypothèse, le créancier ne pourra pas
demander la constitution d’une hypothèque.
b°)- Le constituant
L’art. 190 AUS dispose que « L'hypothèque est l'affectation d'un immeuble déterminé ou
déterminable appartenant au constituant… ».
La notion de constituant à laquelle a recours le nouvel AUS est très significative. En effet,
traditionnellement, la sûreté réelle est définie comme l’affectation, par le débiteur, d’un bien
meuble ou immeuble en garantie de sa dette. Cette conception n’est plus foncièrement de
rigueur puisqu’un tiers peut mettre son bien à la garantie de la dette d’autrui. Précisément, le
constituant c’est la personne qui met, en guise d’hypothèque, le bien à la disposition du
créancier. Le constituant n’est alors pas forcément le débiteur. Il peut s’agir d’un tiers, dans
cette hypothèse. L’art. 4 al. 4 dispose que « Les sûretés réelles peuvent être constituées par le
débiteur lui-même ou un tiers en de l’obligation sous réserve des dispositions particulières
du présent Acte uniforme ».
Par ailleurs, l’art. 203 al. 1 AUS s’intéresse à la situation juridique du constituant lorsqu’elle
dispose que « L'hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par celui qui est
titulaire du droit réel immobilier régulièrement inscrit et capable d'en disposer ».
Au-delà des règles relatives à la capacité, le constituant doit aussi avoir le pouvoir de donner
le bien en garantie. En effet, il faut savoir si l’existence d’un mandat général suffit pour mettre
un bien en garantie d’hypothèque ?
L’hypothèque est une sûreté qui obéit à des formalités rigoureuses diverses selon leur objet
(validité et efficacité).
- ou par acte sous seing privé dressé suivant un modèle agréé par la conservation de la
propriété foncière.
La procuration donnée à un tiers pour constituer une hypothèque en la forme notariée doit
être établie en la même forme ».
En droit sénégalais, c’est la forme authentique (précisément un acte notarié) qui est
exigée en application de l’art. 47 de la loi n° 2011-07 du 30 mars 2011 portant régime de
la propriété foncière.
« Tous faits, conventions ou sentences ayant pour objet de constituer, transmettre, déclarer,
modifier ou éteindre un droit réel immobilier, d’en changer le titulaire ou les conditions
d’existence, tous baux d’immeubles excédant trois années, toute quittance ou cession d’une
somme équivalente à plus d’une année de loyer ou fermages non échus doivent, en vue de
l’inscription, être constatés par acte authentique sauf dérogation législative.
Les règles de forme édictées à l’alinéa précédent ne s’appliquent pas, à la condition que
lesdits faits, conventions ou sentences soient constatés par écrit dans les formes déterminées
par la loi, aux actes passés par l’Etat et les autres personnes publiques ».
L’écrit doit comporter au moins les mentions relatives aux parties, à la créance garantie, et à
l’assiette de la garantie.
La garantie d’hypothèque, pour être efficace, doit faire l’objet d’une publicité. Cette formalité
est prévue par l’art. 195 AUS aux termes duquel :
Tout acte conventionnel ou judiciaire constitutif d'hypothèque doit être inscrit conformément
aux règles de publicité édictées par l’Etat Partie où est situé le bien grevé et prévues à cet
effet.
Au Sénégal, la publication est assurée par la formalité de l’inscription au livre foncier (art. 46.
Loi de 2011). A partir de la publication, le droit du créancier hypothécaire est opposable aux
tiers (art. 20 de la Loi de 2011).
La constitution de l’hypothèque n’est parfaite qu’une fois la garantie inscrite au livre foncier.
Cette exigence est requise que l’hypothèque soit de nature conventionnelle ou forcée.
L’inscription a pour principale finalité de sécuriser les transactions immobilières en
renseignant les tiers acquéreurs de l’immeuble. Les établissements financiers et autres
créanciers du titulaire des droits sur l’immeuble doivent être suffisamment informés sur l’état
des droits réels sur l’immeuble.
Comme l’indiquent les dispositions de l’art. 195, al. 3 AUS de 2010, lorsque l’hypothèque
porte sur un démembrement du droit de propriété tel que l’usufruit, le droit de superficie, le
bail emphytéotique ou le bail à construction, l’inscription doit également être notifiée, par acte
extrajudiciaire, au propriétaire, au tréfoncier ou au bailleur.
Aux termes de l’art. 207, al. 1 er AUS de 2010, lorsque l’hypothèque a été consentie à
l’occasion d’un prêt à court terme, le prêteur dispose d’un délai de 90 jours pour procéder à
l’inscription sans perdre son rang fixé au jour de la conclusion du contrat.
3°)- L’objet de l’hypothèque
L’hypothèque, dans son principe ne peut porter que sur des immeubles immatriculés.
S’agissant des terres, on vise précisément celles ayant un propriétaire identifié. Au Sénégal,
on exclut des terres immatriculées, celles du domaine national.
Aux termes de l’art. 192 AUS, il s’agit d’abord des fonds bâtis ou non bâtis et leurs
améliorations ou constructions.
La catégorie des immeubles susceptibles d’être donnés en hypothèque exclut les immeubles
par destination (biens meubles servant à l’exploitation de l’immeuble ou attachés à
perpétuelle demeure).
Peuvent également faire l’objet d’hypothèque les droits réels démembrés régulièrement
inscrits au livre foncier. Ce sont précisément des prérogatives dont on peut disposer sur
l’immeuble par nature d’autrui. Il s’agit de:
- L’usufruit immobilier (droit de jouir et de tirer les fruits d’un immeuble par nature
d’autrui)
- Le bail emphytéotique (bail de longue durée, 18 à 99 ans, consenti par une personne
publique)
Le titulaire d’un droit réel immobilier peut consentir l’hypothèque sur le droit démembré de la
propriété en question mais aussi sur les impenses c’est-à-dire les constructions et
améliorations apportées au fonds et qualifiées dans la pratique de « peines et soins ».
Cependant, il faudrait que le droit réel en question puisse faire l’objet d’une immatriculation
ce qui n’est pas le cas des droits détenus sur les terres du domaine national ou des titres
précaires détenus sur les terres du domaine de l’Etat (permis d’occuper).
Lorsque la garantie porte sur des droits non susceptibles d’une immatriculation, la
qualification d’hypothèque devient impossible, les parties qualifiant alors souvent leur contrat
de « nantissement des peines et soins ». Cette qualification de nantissement ne peut plus
prospérer du fait que l’Acte uniforme cite de façon limitative les biens susceptibles de faire
l’objet de nantissement. Faudrait-il recourir au gage sans dépossession (par exemple gages de
stocks de produits agricoles ou gages simples consistant en l’affectation en garantie de biens
meubles fongibles. Dans cette hypothèse, l’assurances est moins consistante : il y a seulement
une obligation d’assurance contre les risques de perte ou de détérioration totale ou partielle là
où pour le gage de stock il y a en plus une obligations d’assurance contre les risques de vol et
d’incendie).
Dans le but de faciliter l’accès au crédit, l’assiette de l’hypothèque a été élargie aux
immeubles futurs. Ainsi, l’article 203, al. 2 de l’AUS de 2010 a prévu la possibilité
exceptionnelle d’hypothéquer un immeuble sur le modèle de l’art. 2420 du code civil
français.
L’article 203 précité prévoit trois hypothèses dans lesquelles une hypothèque sur un immeuble
à venir pourra être consentie. Peut ainsi hypothéquer un immeuble futur:
- celui qui ne possède pas d’immeubles présents et libres ou qui n’en possède
pas en quantité suffisante pour la sûreté de la créance; il pourra être prévu que chacun
des immeubles acquis par la suite sera hypothéqué ;
- celui dont l’immeuble présent hypothéqué a péri ou subi des dégradations telles
qu’il est devenu insuffisant pour constituer la sûreté de la créance; il pourra être
également prévu que chacun des immeubles acquis par la suite sera affecté au
paiement de créance, sans préjudice du droit pour le créancier de poursuivre dès à
présent son remboursement (la déchéance du terme);
- celui qui possède un droit actuel lui permettant de construire à son profit sur le
fonds d’autrui des bâtiments dont la construction est commencée ou simplement
projetée; en cas de destruction de ceux-ci, l’hypothèque est reportée de plein droit sur
les nouvelles constructions édifiées au même emplacement.
L’article 194 du projet de réforme a modifié l’article 121 de l’AUS de 1997, afin de permettre
à un co-ïndivisaire de consentir une hypothèque sur un bien indivis.
En effet, l’article 121 précité disposait que: « Ceux qui n’ont sur l’immeuble qu’un droit
soumis à condition, résolution, ou rescision régulièrement publiées ne peuvent consentir
qu’une hypothèque soumise aux mêmes conditions, résolutions ou rescisions.
Toutefois, l’hypothèque consentie par tous les copropriétaires d’un immeuble indivis conserve
son effet quel que soit, ultérieurement, le résultat de la licitation ou du partage ».
Si l’alinéa premier relatif à la situation juridique des droits sur l’immeuble est resté inchangé,
l’article 194 de l’AUS de 2010 vient amender l’alinéa 2 de l’article 121 précité et ajouter un
nouvel alinéa: « L’hypothèque d’un immeuble indivis conserve son effet quel que soit le
résultat du partage, si elle a été consentie par tous les indivisaires. Dans le cas contraire, elle
ne conserve son effet que dans la mesure où l’indivisaire qui l’a consentie est, lors du
partage, alloti de l’immeuble indivis ou, lorsque l’immeuble est licité à un tiers, si cet
indivisaire est alloti du prix de la licitation » (al. 2).
Cette consécration de l’hypothèque d’un immeuble indivis est bénéfique à la fois pour le
créancier et les propriétaires.
Pour le créancier, la faculté reconnue à un seul indivisaire de consentir une hypothèque sur sa
quote-part de l’immeuble indivis constitue une avancée notable dans la sécurisation de la
situation du créancier d’un héritier co-indivisaire.
Elle est également et surtout un début de réponse à la longueur généralement déplorée, tant
par les praticiens que par les acteurs, des procédures de partage en matière de succession. En
effet, avec les nouvelles dispositions, le cohéritier propriétaire d’un bien indivis n’est plus
contraint d’attendre la décision de partage avant de fournir une garantie hypothécaire à un
créancier.
Il s’agit d’étudier les prérogatives du créancier dans ses rapports avec le constituant et celles
qui lui sont reconnues par l’art. 197 al. 1er AUS.
Dans ses relations avec le constituant, le créancier hypothécaire bénéficie d’une certaine
protection contre les actes du constituant de nature à porter atteinte à la valeur de l’immeuble.
L’immeuble demeure en la possession du constituant qui peut exercer toutes les prérogatives
découlant de son droit sur l’immeuble. Par exemple s’il et propriétaire, il peut exercer l’usus
(droit d’usage par exemple habiter la maison), le fructus (par exemple donne la maison en
bail) et l’abusus (par exemple vendre la maison). Cependant son pouvoir d’abusus est limité
par l’obligation de conserver la valeur de l’immeuble.
Le créancier peut surveiller les actes matériels du constituant et solliciter toutes les mesures
conservatoires lui permettant d’éviter que les fractions des immeubles ne disparaissent ou que
leur prix ne soit versé au constituant.
A ce niveau, l’AUS de 2010 offre au créancier non payé de véritables moyens, moins
contraignants que la saisie immobilière, pour procéder à la réalisation de la garantie. En effet,
à côté de la saisie immobilière, sont prévues l’attribution conventionnelle de l’immeuble et
l’attribution judiciaire.
Ainsi, si les parties choisissent ce mode de réalisation, elles doivent respecter les règles de la
saisie immobilière telles que prévues par les arts. 246 s. de l’AUPSRVE. Ainsi est interdite la
clause de voie parée, clause par laquelle la vente sera réalisée selon les conditions déterminées
par les parties
Il apparaît ainsi expressément que ce mode de réalisation est possible à condition que le
débiteur soit une personne morale ou une personne physique immatriculée au RCCM.
Ainsi à l’expiration d’un délai de 30 jours suivant la mise en demeure de payer restée sans
effet, le créancier pourra faire constater le transfert de propriété dans un acte authentique.
Ce texte constitue une avancée majeure par rapport au texte antérieur, selon lequel le créancier
non payé pouvait mettre en œuvre la sûreté dont il bénéficie par voie de saisie immobilière,
sous réserve cependant de l’interdiction du pacte commissoire et de la clause de voie parée.
- l’attribution judiciaire de l’immeuble : prévue par l’art. 198 AUS de 2010, aux termes
duquel : « le créancier hypothécaire impayé peut demander en justice que l'immeuble
lui demeure en paiement.
Cette faculté ne lui est toutefois pas offerte si l'immeuble constitue la résidence
principale du constituant ».
La valeur de l’immeuble doit être évaluée par un expert désigné par les parties
(créancier et constituant) ou par le juge saisi par l’une des parties (art. 200 AUS).
L’immeuble est attribué au créancier à concurrence de sa créance. C’est la raison pour laquelle
le créancier hypothécaire est débiteur de la soulte si la valeur de l’immeuble excède le
montant de la créance (art. 200 al. 2 de l’AUS de 2010).
Entre créanciers hypothécaires, c’est la date d’inscription qui prévaut (les créanciers inscrits le
même jour sont réputés être inscrits en même temps).
Aux termes de l’art. 197 AUS de 2010, le droit de préférence s’exerce sur le prix de vente de
l’immeuble, sur toute somme représentant la valeur de l’immeuble (indemnité d’assurance ou
d’expropriation),
Le droit de préférence garantit le principal, les frais et trois ans d’intérêts au même rang
Pour les intérêts non couverts, le créancier peut prendre des inscriptions particulières portant
hypothèques à compter de leurs dates.
Le droit de suite est prévu par l’art. 223 AUS de 2010 aux termes duquel « Le droit de suite
s'exerce contre tout tiers détenteur de l'immeuble dont le titre est publié postérieurement à
l'hypothèque ».
La mise en œuvre du droit de suite prend la forme d’une saisie immobilière mais le tiers
acquéreur bénéficie d’une certaine protection. Il a ainsi quatres possibilités :
- Il peut rejeter la poursuite (par les exceptions et moyens de défense liés à la dette, par
l’exception de garantie, par le bénéfice de discussion)
- Délaisser l’immeuble
- Désintéresser le créancier et rester avec le débiteur (art. 223 al. 2 de l’AUS de 2010)
C- LA TRANSMISSION ET L’EXTINCTION DE L’HYPOTHEQUE
L’hypothèque peut aussi être transmise à titre principal, il s’agit des hypothèses de cession
d’antériorité et de subrogation dans la sûreté (il s’agit d’une substitution dans le bénéfice de la
sûreté.
Sur le fondement de l’art. 201 de l’AUS de 2010, l’hypothèque s’éteint soit à titre accessoire,
soit à titre principal.
Aux termes de l’art. 191 AUS, « sauf disposition contraire, les règles qui s’appliquent aux
hypothèques conventionnelles s’appliquent également aux hypothèques forcées ». Sont donc
prévues, à côté de l’hypothèque conventionnelle, les hypothèques légales et judiciaires.
L’hypothèque forcée prend la forme d’une hypothèque judiciaire ou légale. Ainsi, dans les
deux cas, le consentement du débiteur titulaire du droit sur l’immeuble donné en garantie
n’est pas nécessaire.
Les hypothèques légales sont conférées d’office par la loi à certains créanciers. L’AUS en cite
trois (prévus par les arts 210, 211 et 212 AUS de 2010) même si les droits nationaux des
Etats parties peuvent en prévoir d’autres. Il s’agit de :
L’hypothèque légale n’a pas un caractère automatique pour son bénéficiaire qui doit
requérir sa constitution par décision judiciaire.
L’hypothèque peut aussi avoir un caractère judiciaire. Dans ce cas, la constitution d’une
hypothèque sur un ou plusieurs immeubles du débiteur est autorisée par décision judiciaire sur
demande du créancier. S’agissant d’une mesure conservatoire, sa constitution ne peut être
autorisée que si deux conditions sont réunies : l’existence d’une créance paraissant fondée
dans son principe d’une part et la présence de circonstances de nature à en menacer
l’exécution d’autre part.
Ainsi sont prévus des régimes spéciaux de gage : il s’agit du gage de matériel professionnel
(outillage et matériel professionnel), du gage de véhicule automobile (véhicule terrestre à
moteur) et du gage de stock (matière première, stock de produits agricoles, stock de produits
industriels, marchandise à vendre – bordereau de stock).
Ces biens faisaient l’objet de nantissements avant la réforme mais avec l’AUS de 2010, seuls
les meubles incorporels pouvant faire l’objet de nantissement, il fallait aménager des règles
spéciales pour ces gages. Pour la même raison, le gage de créances a disparu pour faire place
au nantissement de créances. Les changements introduits concernent aussi bien la définition
du gage (§ 1), les règles relatives à la constitution (§2) et celles relatives à la réalisation des
garanties (§3).
§1 : La définition du gage
Avec l’admission du gage sur des biens à venir, la capacité de crédit du constituant
s’étend considérablement, ce qui contribue au développement de la croissance
économique conformément à l’un des objectifs de la réforme des sûretés.
§2 : La constitution du gage
D’une manière générale, le gage est un contrat et comme tout contrat, il doit répondre aux
conditions classiques de validité d’un acte juridique (consentement des parties pour le gage,
capacité, objet et cause licite).
Par ailleurs, l’AUS de 2010 a apporté des innovations relatives à la créance garantie et à
l’objet du gage.
L’adjectif «présentes» vient ainsi remplacer le terme «antérieures» pour éviter qu’un
gage puisse être constitué en garantie d’une dette antérieure qui ne serait plus exigible.
Il en est ainsi par exemple en cas de prescription. Alors, avec l’AUS DE 2010, la
paralysie du gage est liée non seulement à la nullité de l’obligation garantie (d’ailleurs
cette hypothèse est une conséquence logique du contrat de gage qui est un accessoire
de la créance), mais aussi, sur le fondement de l’art. 93, aux cas dans lesquels
l’obligation a cessé d’être exigible (ce sont tous les modes d’extinction de
l’obligation). La précision de l’ancien art. 45 AUS selon laquelle «l’annulation de la
créance garantie entraîne l’annulation du gage » est superfétatoire.
Une créance future est une créance qui naîtra ou qui pourrait naître dans le futur (par
opposition à une créance déjà existante mais dont l’exécution est due dans le futur). Par
exemple, les créances qu’une banque pourrait détenir à l’encontre d’un client auquel elle
pourrait à l’avenir concéder une nouvelle ligne de crédit, ou les créances qu’une entreprise
détiendrait à l’encontre d’une autre entreprise sur la base d’un contrat qui pourrait être conclu
dans le futur.
La créance future doit être « déterminée ou déterminable », cela veut dire, selon une
jurisprudence établie (civ. 20 mars 2001, D. 2001, p. 3110) qu’il faut que la créance existe au
moins en germe dans son principe et qu’elle soit suffisamment identifiée.
- Pour ce qui concerne l’objet du gage, cette garantie est désormais limitée aux
biens corporels.
Le gage ainsi défini s’oppose au nantissement qui est défini par l’art. 125 AUS 2010 comme
« l’affectation d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels,
présents ou futurs, en garantie d’une ou plusieurs créances, présentes ou futures, à condition
qu’elles soient déterminées ou déterminables
Avec la réforme des sûretés, le critère de distinction des deux sûretés est alors la nature
corporelle ou incorporelle du bien et non plus le critère de la dépossession. La remise de
la chose gagée caractérisait le contrat avec l’AUS de 1997 dans son art. 44.
Par ailleurs, il est précisé aux termes de l’article 94 alinéa 2 de l’AUS de 2010 que « le gage
peut également porter sur des sommes ou des valeurs déposées à titre de consignation par les
fonctionnaires, les officiers ministériels ou toute autre personne pour garantir les abus dont
ils pourraient être responsables et les prêts consentis pour la constitution de cette
consignation.»
Cette nouvelle écriture permet la mise en gage de sommes ou de valeurs pour garantir les abus
que pourraient commettre les fonctionnaires ou officiers ministériels, mais le terme
« cautionnement », utilisé dans la version de 1997 de l’AUS, a été remplacé par le terme
« consignation », qui est apparu plus conforme à l’objet du dépôt envisagé. La notion de
cautionnement était certainement utilisée par la référence à la caution qui peut être le dépôt
d’une somme entre les mains d’un tiers en guise de garantie. Il en est ainsi par exemple de la
caution judiciaire. Mais il faut convenir que le terme « consignation » est plus approprié.
Sur la forme, le contrat de gage reste un contrat solennel non plus du fait de l’obligation de
dépossession mais du fait de la nécessité de la rédaction d’un écrit. Par ailleurs, est exigé un
formalisme d’opposabilité du gage.
1- L’écrit, seul formalisme exigé ad validitatem
Avec l’AUS de 2010 l’écrit est exigé à titre de validité du contrat de gage. Aux termes l’art 96,
« A peine de nullité, le contrat de gage doit être constaté dans un écrit contenant la
désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce
ou leur nature ». Aucune dérogation n’est prévue à ce titre.
Il s’agit de l’une des innovations majeures de l’acte uniforme en matière de gage. En effet,
l’écrit n’était pas une condition de validité du gage avec l’AUS de 1997. Il était conçu comme
une simple condition d’opposabilité, la rédaction d’un « écrit contenant la désignation de la
dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce et leur nature ».
Aux termes de l’article 97 AUS de 2010 « Le contrat de gage est opposable aux tiers, soit
par l'inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, soit par la remise du bien
gagé entre les mains du créancier gagiste ou d'un tiers convenu entre les parties.
Lorsque le gage a été régulièrement publié, les ayants cause à titre particulier du constituant
ne peuvent être regardés comme des possesseurs de bonne foi et le créancier gagiste peut
exercer son droit de suite à leur encontre ».
Ainsi, cet article assouplit les conditions d’opposabilité du gage aux tiers en prévoyant deux
modalités alternatives : la remise de la chose ou l’inscription au RCCM par la même occasion.
Si le bien reste entre les mains du constituant, le gage sera rendu opposable par une inscription
au RCCM. En revanche, un gage avec dépossession deviendra opposable aux tiers dès la
remise de la chose au créancier. Cette formalité n’exclut pas la possibilité d’une inscription au
RCCM.
Lorsque le bien gagé reste aux mains du constituant et que le gage a été régulièrement inscrit,
l’article 97, al. 2 AUS de 2010 protège le créancier gagiste contre tout risque de distraction du
bien, en interdisant aux ayants cause à titre particulier du constituant de se prévaloir d’une
possession de bonne foi. L’acquéreur du bien sera réputé connaître l’existence du gage du fait
de la publication. Le créancier gagiste pourra alors exercer son droit de suite entre les mains
de l’acquéreur. Du reste, le créancier gagiste est également protégé lorsque le bien est dévolu
par voie de succession puisque les ayants cause à titre universel sont tenus par les obligations
de leur auteur à l’égard du créancier gagiste.
Ils sont relatifs aux prérogatives du créancier, aux obligations des parties, à la réalisation du
gage et à ses effets.
Le créancier gagiste bénéficie du droit de rétention en cas de gage avec dépossession, du droit
de suite et du droit de préférence.
L’article 99 de l’AUS de 2010 confère un droit de rétention sur le bien gagé au seul créancier
titulaire d’un gage avec dépossession, à l’exclusion du créancier titulaire d’un gage sans
dépossession. En droit OHADA, le droit de rétention repose sur la détention matérielle du
bien par le créancier.
Mais cette disparité entre le gage avec ou sans dépossession est nuancée par l’article 107, al. 2
de l’AUS de 2010, qui rend ce droit de rétention inopposable au créancier gagiste sans
dépossession, lorsque son droit est antérieur. En d’autres termes, en cas de gages successifs
sur un même bien, le créancier gagiste antérieur qui aura laissé le bien gagé entre les mains du
constituant n’aura pas à subir les effets du droit de rétention d’un éventuel créancier
postérieur, s’il a régulièrement fait inscrire son droit avant la remise de la chose au second
créancier gagiste. Il n’en demeure pas moins que les créanciers devront conserver cette
disparité de traitement à l’esprit au moment de choisir le moyen de rendre leur gage opposable
aux tiers.
Dans les hypothèses de gage avec dépossession, l’article 100 AUS de 2010 permet au
créancier gagiste de « revendiquer la chose gagée comme un possesseur de bonne foi »
lorsqu’il en «a été dessaisi contre sa volonté ».
« Lorsqu'un même bien fait l'objet de plusieurs gages successifs sans dépossession, le rang
des créanciers est déterminé par l'ordre de leur inscription.
Lorsqu'un bien donné en gage sans dépossession fait ultérieurement l'objet d'un gage avec
dépossession, le droit de préférence du créancier gagiste antérieur est opposable au
créancier gagiste postérieur lorsqu'il a été régulièrement publié et nonobstant le droit de
rétention de ce dernier.
Lorsqu'un bien donné en gage avec dépossession fait ultérieurement l'objet d'un gage sans
dépossession, le droit de rétention du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier
postérieur qui ne pourra prétendre exercer ses droits sur le bien, tant que le créancier
antérieur n'aura pas été entièrement payé ».
Cet article 107 de l’AUS de 2010 distingue trois hypothèses. En premier lieu, lorsque la chose
fait l’objet de plusieurs gages successifs sans dépossession, l’ordre des créanciers est
déterminé par l’ordre d’inscription de leur droit au RCCM. En deuxième lieu, lorsque la chose
fait d’abord l’objet d’un gage sans dépossession, puis d’un gage avec dépossession, le
créancier gagiste antérieur, qui ne bénéficie pas de la dépossession, est préféré au créancier
gagiste postérieur à qui le bien a été remis et le droit de rétention de ce dernier est inopposable
au premier créancier. Enfin, lorsque la chose fait l’objet d’un gage avec dépossession, elle ne
peut plus guère être gagée que sans dépossession. Le droit de rétention du créancier gagiste
antérieur, à qui la chose a été remise, peut alors être opposé au créancier gagiste postérieur, ce
qui a pour effet de paralyser les droits de ce dernier.
Cette possibilité offerte au constituant de consentir des gages de rangs successifs concourt à
l’optimisation de sa capacité de crédit et ce, d’autant plus que cette possibilité n’est pas
limitée à la valeur du bien, les droits des créanciers postérieurs étant, en tout état de cause,
paralysés jusqu’au complet paiement du créancier le plus ancien.
Le créancier gagiste est protégé par son inscription ou son droit de rétention.
L’art. 106 de l’AUS prévoit d’autres hypothèses où le créancier gagiste peut faire prévaloir
son droit de préférence. Il s’agit des cas de perte et de détérioration de la chose gagée. Cet
article dispose qu’ « en cas de perte ou de détérioration totale ou partielle de la chose gagée
qui ne serait pas de son fait, le créancier gagiste exerce son droit de préférence sur
l'indemnité d'assurance, s'il y a lieu, pour le montant de la créance garantie en principal,
intérêts et autres accessoires ».
Lorsque le bien gagé est resté entre ses mains, c’est au constituant qu’il appartient de veiller
sur la chose et le créancier gagiste devra s’assurer qu’il respecte l’obligation qui lui est faite
par l’article 108, alinéa 2, d’assurer la chose gagée.
Celui qui a le bien, objet du gage entre ses mains est assujetti à plusieurs sortes d’obligations
L’article 108 de l’AUS de 2010 reprend les dispositions de l’article 58, 2°, alinéa 1er, de
l’AUS, en énonçant que «lorsque le gage est constitué avec dépossession, le créancier
gagiste ou le tiers convenu doit veiller sur la chose et en assurer la conservation comme le
doit un dépositaire rémunéré ». Pour tenir compte du gage sans dépossession, l’art. 108
contient un second alinéa qui précise: «De même, lorsque le constituant est resté en
possession du bien gagé, il doit le conserver en bon père de famille et, notamment, l’assurer
contre les risques de perte et de détérioration totale ou partielle ».
Lorsque le bien a été remis au créancier gagiste (ou à un tiers convenu), l’article 109 de
l’AUS de 2010 sanctionne tout manquement à cette obligation de conservation par la
restitution du bien gagé au constituant.
En revanche, lorsque le bien est resté entre les mains du constituant et que celui-ci a manqué à
son obligation de conservation, le créancier gagiste dispose d’une alternative: il peut soit se
prévaloir de la déchéance du terme, soit solliciter un complément de gage de la part du
constituant. Il lui est loisible au demeurant de solliciter d’abord un complément de gage et, en
cas de refus ou d’impossibilité pour le constituant, de se prévaloir de la déchéance du terme.
Le recours à une procédure sur simple requête tient compte de l’urgence liée à la menace de
péril qui pèse sur le bien et permet au créancier gagiste ou au tiers convenu de débloquer
rapidement une situation qui pourrait conduire, à défaut d’intervention de sa part, à la mise en
œuvre de sa responsabilité au titre de l’article 108 de l’AUS de 2010. Par ailleurs, le fait que
cette vente intervienne sous la responsabilité du créancier gagiste ou du tiers convenu est de
nature à prémunir le constituant contre toute manœuvre consistant, pour le créancier, à vendre
ou à faire vendre le bien pour un montant inférieur à sa valeur réelle mais suffisant néanmoins
pour le désintéresser. De telles dispositions sont alors également protectrices du constituant.
2°)- Le non-usage
Lorsqu’il s’agit d’un gage avec dépossession, le créancier gagiste ne peut user de la chose
donnée en gage ni en percevoir les fruits.
Ainsi, en cas de gage avec dépossession, l’article 101, alinéa 1 er de l’AUS de 2010 met, par
principe, à la charge du créancier gagiste l’obligation de séparer les biens fongibles remis en
gage des choses de même nature qui sont détenues par lui ou par le tiers convenu.
L’inexécution de cette obligation autorise le constituant à réclamer la restitution des biens
gagés. Seul le créancier est garant de cette obligation même en cas d’entiercement.
Cependant, l’obligation de non-usage n’est pas une règle d’ordre public. Les parties peuvent
alors l’écarter et autoriser le créancier à confondre les biens gagés avec ses autres biens de
même nature. Pour tenir compte de la nature fongible des biens gagés, le créancier gagiste en
acquiert alors la propriété (propriété qu’il pourra exercer, en cas d’entiercement, sur « des
biens de même qualité et de même espèce détenus par le tiers convenu »), à charge de restituer
au constituant la même quantité de choses équivalentes s’il exécute convenablement
l’obligation garantie par le gage.
De même, lorsque le gage de choses fongibles s’opère sans dépossession, le créancier gagiste
peut autoriser le constituant à disposer des choses gagées, à charge de les remplacer par la
même quantité de choses équivalentes. Ce faisant, le créancier renonce à exercer son droit de
suite à l’encontre des tiers acquéreurs des biens aliénés par le constituant.
L’obligation de non-usage s’étend aux fruits de la chose gagée. L’article 103 de l’AUS de
2010 maintient le principe de l’interdiction faite au créancier de percevoir les fruits de la
chose gagée, mais précise que, lorsqu’il y est autorisé par exception, il doit les imputer en
priorité sur ce qui lui est dû en intérêts et, à défaut seulement, en capital.
Cette disposition a vocation à s’appliquer quelle que soit la modalité du gage (avec ou sans
dépossession). En effet, les parties pourraient tout à fait convenir d’un gage sans dépossession
dont les fruits seraient versés directement au créancier gagiste, quoique le bien gagé lui-même
soit demeuré entre les mains du constituant.
Cette obligation pèse sur le constituant. Selon les termes de l’article 110 de l’AUS de 2010,
lorsque le gage (avec ou sans dépossession) a pour objet des choses fongibles (dont le
constituant peut être autorisé à disposer, conformément à l’article 102 de l’AUS de 2010), « le
créancier peut exiger du constituant, à peine de déchéance du terme, qu’il en maintienne la
valeur », car, dans cette hypothèse, le gage porte plus sur la valeur de la chose que sur la
chose elle-même (qui peut être remplacée par des biens de même nature et de même qualité).
À cette fin, le créancier (et, le cas échéant, l’établissement domiciliataire du bordereau) peut
exiger un état des biens gagés ainsi que la comptabilité des opérations qui les concernent.
C- La réalisation du gage
L’article 104 de l’AUS de 2010 expose, dans ses trois alinéas, les trois différents modes de
réalisation du gage :
La vente forcée et l’attribution judiciaire ont été prévues par l’AUS de 1997.
Ainsi, pour encadrer le pacte commissoire, L’Acte uniforme de 2010 limite le recours à cette
convention de manière différente, selon que «le débiteur de la dette garantie » est un
particulier ou un débiteur professionnel (lequel est défini par l’article 3 de l’AUS de 2010
comme le «débiteur dont la dette est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en
rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas
principale »). Lorsque le débiteur est un particulier, le pacte commissoire n’est admis que
si le bien gagé est «une somme d’argent ou un bien dont la valeur fait l’objet d’une
cotation officielle », ce qui exclut tout risque de spoliation de la part du créancier
gagiste, puisque la valeur du bien gagé est connue avec certitude. Lorsqu’il s’agit d’un
débiteur professionnel, parce qu’il est présumé averti, le pacte commissoire est admis
quelle que soit la nature des biens gagés, mais ceux-ci devront être estimés par expert au
jour du transfert, sans que les parties puissent déroger à cette estimation.
Les droits du constituant se trouvent ainsi également protégés dans cette hypothèse.
Les droits du constituant ou des éventuels autres créanciers gagistes sont enfin garantis par
l’article 105 de l’AUS de 2010. En cas d’attribution conventionnelle ou judiciaire et lorsque la
valeur du bien excède le montant de la créance garantie par le gage, cette disposition oblige en
effet le créancier gagiste, soit à consigner une somme équivalente au solde, au profit des
autres créanciers gagistes, soit à verser directement cette somme au constituant en l’absence
de tels créanciers.
D- L’extinction du gage
Le gage est un accessoire du contrat qui lie le créancier et le débiteur. Ainsi, l’art. 116 de
l’AUS de 2010 prévoit que l’extinction de l’obligation garantie entraîne l’extinction du gage.
Par ailleurs, l’article 117 prévoit une autre cause d’extinction qui n’était pas prévue avant la
réforme, il s’agit du cas d’extinction du gage lorsque la chose gagée « est perdue par le fait du
créancier gagiste ». Dans cette hypothèse qui englobe aussi bien la perte involontaire que celle
qui est causée par la négligence du créancier, celui-ci perd totalement le bénéfice du gage et
son droit de préférence ne saurait s’exercer sur l’éventuelle indemnité d’assurance
garantissant le bien perdu. Il en serait autrement que si la perte est le fait d’un cas fortuit.
D’autres causes d’extinction par voie principale sont aussi prévues c’est lorsque le créancier
remet volontairement la chose gagée au constituant et lorsque le juge ordonne la restitution de
la chose pour faute du créancier gagiste à moins qu’un séquestre ait été désigné.
Dans ces hypothèses, le créancier gagiste perd sa garantie, la dette n’étant pas encore éteinte,
il devient alors un simple créancier chirographaire.
Aux termes de l’article 118, al. 1er, de l’AUS de 2010 « le matériel professionnel et les
véhicules automobiles, assujettis ou non à une déclaration de mise en circulation et à
immatriculation administrative, peuvent faire l'objet d'un gage en application des dispositions
des articles 92 à 117 du présent Acte uniforme »
Ainsi, ce texte précise que le gage du matériel professionnel et des véhicules automobiles
obéit au droit commun du gage. Cependant, il existe parallèlement des dispositions
spécifiques à ce type de gage.
La spécificité du gage du matériel professionnel peut être décelée à la lecture de l’art. 118, al.
2 AUS de 2010. Cette disposition énonce que « le matériel professionnel faisant partie d’un
fonds de commerce » peut faire l’objet d’un nantissement de fonds de commerce, dans les
conditions des articles 162 à 165 de l’AUS de 2010, qui régissent désormais cette sûreté. Le
nantissement de fonds de commerce étant opposable par inscription (art. 165 AUS de 2010)
comme peut l’être le gage, l’ordre d’inscription entre les créanciers a vocation à régler tout
conflit qui pourrait survenir entre un créancier titulaire d’un droit de gage sur le matériel
professionnel et un créancier bénéficiaire d’un nantissement sur le fonds de commerce dans
lequel serait compris le matériel professionnel gagé.
Il est prévu par l’art. 119 de l’AUS de 2010 aux termes duquel « En ce qui concerne les
véhicules automobiles assujettis à une déclaration de mise en circulation et à immatriculation
administrative, le gage doit être mentionné sur le titre administratif portant autorisation de
circuler et immatriculation. L'absence de cette mention ne remet pas en cause la validité ou
l'opposabilité du gage dûment inscrit au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ».
Comme pour les autres gages, l’inscription au RCCM suffit donc à rendre le gage des
véhicules automobiles opposable aux tiers.
La possibilité de l’émission d’un bordereau de stock est prévue par l’art. 121 AUS. Ce texte
dispose que « La constitution d'un gage de stocks sans dépossession peut donner lieu à
l'émission par le greffier, ou par le responsable de l'organe compétent dans l'Etat Partie, d'un
bordereau de gage de stocks.
Dans ce cas, l'acte constitutif du gage doit comporter, à peine de nullité, outre les mentions
prévues par l'article 96 du présent Acte uniforme, le nom de l'assureur qui couvre les stocks
gagés contre les risques de vol, d'incendie et de détérioration totale ou partielle ainsi que la
désignation de l’établissement domiciliataire du bordereau de gage de stocks ».
L’article 121 de l’AUS précise que, lorsque le gage de stocks donne lieu à l’émission d’un
bordereau, celui-ci doit être établi par le greffier. L’acte constitutif doit dans ce cas comporter,
en plus des mentions exigées pour n’importe quel gage, le nom de l’assureur et de
l’établissement domiciliataire du bordereau de gage de stocks.
Par ailleurs, l’article 122 de l’AUS de 2010 porte à cinq ans la durée de validité du bordereau
de gage de stocks (contre trois ans sous le régime de l’ancien AUS dans son article 103), à
moins que les parties n’aient expressément convenu d’une durée de validité différente.
La réglementation du bordereau de stock est spécifiée dans ce même art. 122 à travers ses
trois premiers alinéas. Ainsi, Le bordereau remis au débiteur après inscription porte, de façon
apparente : la mention "gage de stocks", la date de sa délivrance qui correspond à celle de
l'inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, le numéro d'inscription au
registre chronologique des dépôts, la signature du débiteur.
Il est remis par le débiteur au créancier par voie d'endossement signé et daté.
Le bordereau peut être endossé et avalisé dans les mêmes conditions qu'un billet à ordre avec
les mêmes effets.
L’article 123 de l’AUS précise enfin que tout porteur du bordereau de gage de stocks est
investi des droits du créancier gagiste, ce qui suppose le bénéfice des règles de droit commun
du gage et des règles spécifiques du gage de stocks.
Aux termes de l’art. 121, al. 2 de l’AUS de 2010, le constituant est tenu d’assurer le stock
gagé contre les risques de vol et de «détérioration totale ou partielle » du stock gagé et non
simplement sa «destruction ». Cette nouvelle formule permet d’étendre le champ de
l’obligation existante (car l’ancien AUS dans son art. 101 3° ne prévoyait que l’assurance du
stock gagé (et l’immeuble où il est entreposé) contre les risques d’incendie et de destruction).
Désormais, la police d’assurance doit couvrir à la fois la destruction du bien (sa détérioration
totale) et sa détérioration partielle.
On observera en outre que l’obligation d’assurance est plus étendue pour un gage de stocks
que pour un gage de droit commun. Les parties qui ne souhaiteraient pas se voir appliquer
les règles spécifiques du gage de stocks pourraient en effet se soumettre au seul droit
commun du gage, qui permet l’affectation en garantie de meubles corporels fongibles.
Au moment du choix, le créancier devra cependant garder à l’esprit que le droit commun
n’oblige le constituant à assurer les biens gagés que « contre les risques de perte et de
détérioration totale ou partielle », tandis que l’art. 121 de l’AUS de 2010 y ajoute les risques
de vol et d’incendie.
Aux termes de l’art. 124 AUS de 2010, « le débiteur émetteur du bordereau de gage de stocks
conserve le droit de vendre les stocks gagés.
Il ne peut livrer les biens vendus qu'après consignation du prix auprès de l’établissement
domiciliataire ».
En termes claires, l’art. 124 AUS de 2010 autorise le débiteur émetteur du bordereau de gage
de stocks, de vendre les stocks gagés, à condition de consigner le prix de cette vente auprès de
l’établissement domiciliataire.
Cela dit, conformément aux dispositions de droit du gage, à travers les arts. 108, al. 2 et 110
de l’AUS de 2010, le constituant doit conserver le stock, maintenir sa valeur et tenir un état de
ce stock à la disposition du créancier et de la banque domiciliataire du bordereau.
Chapitre 2 : Les sûretés réelles mobilières incorporelles
Elles sont limitativement énumérées par l’art 50 de l’AUS. Il s’agit du droit de rétention, de la
propriété retenue ou cédée à titre de garantie, du gage de meubles corporels, du nantissement
de meubles incorporels et des privilèges.
L’article 125 AUS définit le nantissement comme « l’affectation d’un meuble incorporel ou
d’un ensemble de meubles incorporels présents ou futurs à la garantie d’une ou plusieurs
créances présentes ou futures à condition que celles-ci soient déterminées ou déterminables ».
Le nantissement est donc une sûreté mobilière incorporelle contrairement au gage qui est une
sûreté mobilière corporelle. Il peut être constitué soit conventionnellement, soit
judiciairement.
Le législateur n’a pas organisé un régime général du nantissement. L’article 126 énumère
plutôt les différents biens pouvant l’objet de nantissement à savoir les créances, le compte
bancaire, les droits d’associés et valeurs mobilières, les comptes de titres financiers, les droits
de propriété intellectuelle et le fonds de commerce. Cette énumération n’est toutefois faite
qu’à titre indicatif ce qui signifie que d’autres biens pourraient également faire l’objet de
nantissement.
X a une créance sur Y (par exemple, X a vendu un bien d’occasion à Y, qui lui en doit le
prix). X emprunte une certaine somme à Z. En garantie du remboursement de cet
emprunt, X nantit au profit de Z sa créance contre Y. Si X rembourse l’emprunt, le
nantissement disparaît et X se fera payer par Y ce qui lui est dû ; si X ne rembourse pas
l’emprunt, c’est Z qui se fera payer ce que Y doit à X
1°)- L’objet
Le nantissement met en présence deux types de créances : Il convient de faire des précisions
sur la créance garantie et sur la créance donnée en nantissement. Pour ce qui est de la créance
nantie, il peut s’agir d’une créance présente ou future. Le nantissement peut même porter sur
une fraction seulement de la créance sauf si elle est indivisible. Il s’étend aux accessoires de
cette créance.
Au-delà des conditions de fond exigées pour tout contrat, le nantissement de créances est
soumis à une triple formalité : l’écrit, l’inscription au RCCM, la notification au débiteur de la
créance garantie.
Le nantissement de compte bancaire suit quasiment le même régime que tous les
nantissements de créance. Les articles 137 à 139 apportent toutefois quelques dérogations.
L’objet de la garantie s’entend du solde créditeur provisoire (arrêté provisoire) ou définitif
(en cas de clôture du compte) au jour de la réalisation de la sûreté ou au jour de l’ouverture
d’une procédure collective contre le débiteur sous réserve des opérations en cours (chèque
émis, virement). L’article 138 permet aux parties de déterminer les conditions dans lesquelles
le débiteur (constituant) pourra continuer à disposer des sommes inscrites sur le compte
nanti.
Enfin, il y a lieu de préciser que la réalisation du nantissement ne met pas fin au nantissement.
En effet, la créance nantie étant constituée par le solde du compte au jour de la réalisation du
nantissement demeure valable tant que la clôture du compte n’est pas intervenue et que la
créance garantie n’est pas intégralement payée 30. Art. 139
L’AUS dans sa version antérieure, organisait déjà le nantissement des titres sociaux à travers
le nantissement des droits d’associés et valeurs mobilières. La réforme intervenue y a ajouté
le nantissement de comptes de titres financiers. Bien qu’ils soient traités sous la même
section, ils relèvent de régimes relativement différents.
Les titres sociaux peuvent faire l’objet de diverses opérations telles que la cession, la saisie
ou le nantissement réglementé par les art. 140 à 145. L’article 140 dispose à cet effet que «
les droits d’associés et valeurs mobilières des sociétés commerciales et ceux cessibles des
personnes morales assujetties à l’immatriculation au RCCM peuvent faire l’objet d’un
nantissement conventionnel ou judiciaire ». Le nantissement des droits d’associés et valeurs
mobilières peut être conventionnel ou judiciaire. Lorsqu’il est judiciaire, il ne présente pas de
différences notables avec le nantissement conventionnel pour ce qui est des formalités et des
effets, sauf qu’il comporte deux phases : une phase provisoire qui aboutit à l’inscription
provisoire et une phase définitive qui conduit à l’inscription définitive du nantissement au vu
de la décision définitive qui valide l’inscription provisoire.
1. L’objet
Ces valeurs comprennent les actions qui représentent les droits d’associés et les obligations
représentant les droits des créances. Ces titres de sociétés anonymes peuvent être des titres
nominatifs ou au porteur ; - les titres participatifs, les certificats d’investissement, dès lors
qu’ils sont émis par les sociétés commerciales et qu’ils sont cessibles ; - les titres émis par les
GIE
(groupements d’intérêt économique), puisque la loi parle de personnes morales soumises à
immatriculation.
2°)- La constitution
Le nantissement doit ensuite être inscrit au RCCM aux fins d’opposabilité aux tiers et
satisfaire aux exigences particulières prévues par l’AUSCGIE pour les transactions relatives
aux droits sociaux (art. 77, 319 (cession de parts, 322 AUSCGIE).
3. Les effets
Le nantissement de titres sociaux confère des prérogatives au créancier nanti. Ainsi, ce dernier
dispose d’un droit de suite et d’un droit de préférence. En effet, les prérogatives du créancier
nanti s’analysent à celles du créancier gagiste. Pour le droit de suite, le créancier peut donc
suivre le titre s’il passe en d’autres mains, par exemple en cas de cession, pour le saisir, le
faire vendre et se payer sur le prix dans les mêmes conditions qu’en matière de gage.
Les parties peuvent convenir aussi que le créancier nanti dispose du droit de percevoir les
fruits des droits sociaux et des valeurs mobilières nanties.
Au-delà des prérogatives reconnues au créancier nanti, comme toute sûreté, l’inexécution par
le débiteur de ses obligations emporte la réalisation du nantissement.
Pour ce qui est de la réalisation, à défaut de paiement de la dette, le créancier peut, soit faire
procéder à la vente forcée, soit demander l’attribution judiciaire du titre jusqu’à due
concurrence et d’après estimation faite par expert ou suivant les cours. Pour les sociétés dont
les titres sont cotés en bourse, l’art. 145 prévoit que le créancier peut les faire exécuter en
bourse. Ainsi, le cours des titres sur le marché permet de déterminer leur valeur.
Les parties peuvent aussi convenir d’un pacte commissoire conformément aux dispositions de
l’art. 104 al. 3
ARTICLE 104 AL 3
Si le bien gagé est une somme d'argent ou un bien dont la valeur fait l'objet d'une cotation
officielle, les parties peuvent convenir que la propriété du bien gagé sera attribuée au
créancier gagiste en cas de défaut de paiement. Il en va de même pour les autres meubles
corporels lorsque le débiteur de la dette garantie est un débiteur professionnel. En ce cas, le
bien gagé doit être estimé au jour du transfert par un expert désigné à l'amiable ou
judiciairement, toute clause contraire étant réputée non écrite.
Article 144
- le droit de percevoir les fruits des droits sociaux et des valeurs mobilières nanties si les
parties en sont convenues.
Le nantissement de comptes de titres financiers est prévu aux art. 146 à 155 AUS
C'est « la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d’une obligation, des
valeurs mobilières et autres titres financiers figurant dans un compte spécial ouvert au nom du
titulaire et tenu par la personne morale émettrice ou l’intermédiaire financier ». Le
nantissement de compte de titres financiers porte sur un ou plusieurs titres ou instruments
financiers inscrits dans un compte et qui peuvent être de natures diverses. L’article 146 cite
les valeurs mobilières (actions, obligations) mais il peut y avoir d’autres titres. Le compte
peut même comporter des sommes d’argent qui représentent en général le produit ou les fruits
(dividendes) des titres inscrits en compte -
S'agissant des formalités, ce nantissement est constitué tant entre les parties qu’à l’égard de la
personne morale émettrice et des tiers par une déclaration datée et signée par le titulaire du
compte. Art. 147 AUS. Cette déclaration contient, à peine de nullité, certaines mentions
énumérées à l’art. 147 1°) la désignation du créancier, du débiteur et du constituant du
nantissement ; 2°) le nombre et la nature des titres financiers formant l'assiette initiale du
nantissement ; 3°) les éléments permettant l'individualisation de la créance garantie tels que
son mon- tant ou son évaluation, sa durée et son échéance ; 4°) les éléments d'identification
du compte spécial nanti.
L’inscription au RCCM n’est pas une formalité obligatoire. Le créancier nanti peut
obtenir du teneur de compte, une attestation de nantissement comportant l’indication des titres
financiers et des sommes inscrites (cette attestation va déterminer l’ordre des différents
créanciers inscrits). Il peut aussi obtenir du teneur de compte spécial une attestation
d’inventaire des sommes inscrites au crédit de ce compte (art. 150). Le titulaire des sommes
et titres nantis peut continuer à en disposer dans les conditions définies d’accord parties avec
le créancier. Le teneur de compte lorsqu’il n’est pas créancier nanti doit être informé des
conditions de disposition et il est tenu de les respecter. Le créancier nanti bénéficie d’un droit
de rétention fictif sur les titres et sommes. La violation de ce droit de rétention a pour
conséquence l’inopposabilité des actes conclus. Ce droit de rétention est également utile en
cas d’ouverture d’une procédure collective contre le constituant. La réalisation du
nantissement apparaît être nettement simplifiée du fait de l’absence de l’intervention
judiciaire. Toutefois, elle doit être obligatoirement précédée d’une mise en demeure préalable
adressée par le créancier nanti au débiteur. La réalisation proprement dite se fait suivant
différents modes de réalisation prévus par l’article 154 AUS à savoir:
- la vente des titres inscrits dans le compte au besoin sur le marché financier
pour les titres des sociétés cotées en bourse par le créancier nanti ou le teneur de
compte (s’il est différent);
Aux termes de l’article 156 AUS le nantissement des droits de propriété intellectuelle est la
convention par laquelle le constituant affecte en garantie d'une obligation tout ou partie de ses
droits de propriété intellectuelle existants ou futurs.
Ce nantissement porte sur les droits de propriété intellectuelle. Ces droits sont composés des
droits d’auteurs et des droits de propriété industrielle, il s’agit notamment des brevets
d’invention, des marques de fabrique et de commerce, des dessins et modèles. En principe, le
nantissement ne s’étend pas aux accessoires et fruits résultant de l’exploitation du droit.
Cependant, les parties peuvent convenir de cette extension
*La constitution:
A peine de nullité, le nantissement des droits de propriété intellectuelle doit être constaté dans
un écrit contenant les mentions prévues à l’art. 157:
Pour ce qui est des prérogatives, le nantissement confère au créancier le droit de suite et le
droit de préférence comme en matière de gage. La réalisation du nantissement se fait suivant
les conditions de droit commun c’est-à-dire comme en matière de gage.
Le nantissement du fonds de commerce est prévu par les articles 162 à 165 de l’AUS
A- Le domaine
Aux termes de l’art. 162 al. 1er AUS, « Le nantissement du fonds de commerce est la
convention par laquelle le constituant affecte en garantie d'une obligation, les éléments
incorporels constitutifs du fonds de commerce à savoir la clientèle et l'enseigne ou le nom
commercial ». Le nantissement du fonds de commerce porte alors nécessairement sur ces
éléments qui sont les éléments incorporels principaux du fonds de commerce. Mais, si les
parties le souhaitent, le nantissement pourra porter sur les autres éléments incorporels (droit
au bail, brevets d’invention, marques de fabrique, de service et de commerce, dessins et
modèles et tous les droits de propriété industrielle attachés au fonds). L’art. 162 al. 2 in fine
prévoit aussi une possible extension du nantissement au matériel professionnel (il s’agit là
d’une dérogation à la soumission au régime du gage des biens meubles corporels. La
possibilité donner en nantissement le matériel professionnel dans le cadre du nantissement du
fonds de commerce s’explique certainement par l’indivisibilité de l’opération). Cette
extension doit faire l’objet d’une clause spéciale désignant les biens nantis et elle doit être
soumise à des mesures de publicité au RCCM. Le nantissement ne peut pas porter sur les
marchandises ou sur les créances. Tous les éléments grevés du nantissement garantissent de
manière indivisible la totalité de la créance sans distinguer entre la part de la créance affectée
aux éléments incorporels et celle affectée au matériel.
B- Les formalités
Le nantissement est constaté par un écrit (art. 163). Cet acte doit comporter obligatoirement
certaines mentions : noms et domicile des parties (créancier, débiteur ou tiers constituant),
numéro d’immatriculation du débiteur au RCCM, désignation précise du fonds ( siège et
succursales), désignation des éléments nantis, montant de la créance en précisant les
conditions d’exigibilité et les intérêts, élection de domicile du créancier. Le nantissement doit
être inscrit au RCCM (art. 165) et est valable pour la durée de l’inscription.
C- La protection du créancier
Le fonds de commerce nanti continue à être administré par le commerçant qui peut même en
disposer. Ceci contribue à exposer le créancier bénéficiaire à certains risques tels que la perte
de valeur du fonds. C’est pourquoi la loi a pris des mesures pour parer à ces dangers. Le
créancier est protégé en cas de vente du fonds ou d’éléments séparés du fonds. De même, le
créancier inscrit, s’il ne peut s’opposer à la vente peut, conformément à l’article 177 AUS
former une surenchère au 1/10e du prix global figurant dans l’acte de vente c’est- à-dire
proposer de rattacher au prix proposé majoré de 10%. En outre, si le commerçant a l’intention
de déplacer le fonds, il doit en informer le créancier à l’avance en indiquant le nouvel
emplacement. S’il ne respecte pas cette obligation, il y a déchéance du terme. Par ailleurs, il
peut arriver que le propriétaire des locaux abritant le fonds envisage de résilier le bail, par
exemple pour défaut de payement des loyers. Dans ce cas, il lui est fait obligation de notifier
sa demande au créancier inscrit et la résiliation ne produit effet qu’à l’expiration d’un délai
de 2 mois suivant la notification. Pendant ce délai, les créanciers peuvent échapper aux
conséquences de la résiliation en payant le propriétaire à la place du locataire. En l’absence de
notification, la résiliation est inopposable au créancier.
C- La réalisation du nantissement
Le créancier nanti bénéficie, comme les autres créanciers, du droit de suite, du droit de
préférence et du droit de réalisation. A travers le droit de suite, le créancier dispose, lorsque
le débiteur manque de payer sa créance à l’échéance, du droit saisir le bien, de procéder à la
vente forcée des éléments du fonds de commerce et d’en recevoir le payement pour le
principal de la créance et les intérêts. Dans la pratique, le droit de suite est rarement mis en
œuvre, car l’acquéreur du fonds peut s’affranchir des sûretés inscrites par une procédure de
purge, comme en matière d’hypothèque. Il faut aussi souligner que le droit de suite ne
s’exerce que sur la vente du fonds en entier et non sur celle de ses différents éléments. Le
droit de préférence est reconnu quant à lui au créancier nanti dans les mêmes conditions
que les autres créanciers.
Le droit de rétention est une sûreté en vertu de laquelle, un créancier détenant un bien ou un
ensemble de biens qui lui est remis par son débiteur peut le retenir jusqu’au complet
paiement de la dette. Il est régi par les articles 67 à 70 de l’acte uniforme portant organisation
des suretés.
Le droit de rétention s’entend comme une sureté indépendante dont la préoccupation d’ordre
éthique vise à faire pression de façon légitime sur le débiteur pour qu’il s’exécute ; à refuser
d’obliger un créancier à exécuter son obligation de délivrance et de restituer une chose à son
débiteur alors que celui-ci n’a pas encore exécuté ses obligations envers lui. Ainsi face à cette
situation, il serait légitime et opportun de s’intéresser sur le régime juridique du droit de
rétention dans la nouvelle réforme de l’acte uniforme portant organisation des sûretés.
Avant l’adoption de l’AUS de 2010 un débat s’était posé sur la reconnaissance du droit de
rétention comme une sureté parfaite et achevée.
La doctrine était divisée sur cette question. Pour certains auteurs, le droit de rétention n’est
pas une sûreté comme les autres puisqu’il n’entraine pas à proprement parler ni droit de
préférence encore moins de droit de suite (Jean René Gomez, analyse critique de l’avant
projet de l’AUS dans les Etats membres de l’OHADA, penant n°825 septembre 1997 p 262).
Pour d’autres, " le droit de rétention est qualifié de sûreté sans ambiguïté au lieu d’être
considéré... comme une simple exception d’inexécution ou une saisie-arrêt improvisée ou une
compensation ; ses conditions d’exercice , son assiette et sa réalisation sont nettement définies
et en font une sûreté active et achevée assimilée à un gage à cet effet au lieu d’être
considérée comme une sûreté passive et inachevée ainsi que le fait le droit français " (Joseph
ISSA-
SAYEGH, " Présentation du projet d’acte uniforme de l’OHADA portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, du droit des sûretés et des
procédures collectives d’apurement du passif ", Penant, n° 827, mai-aout 1998, p 212).
Le législateur de l’OHADA, a érigé ce droit en sûreté (le cocc l’avait aussi réglementée),
tranchant nettement et définitivement en ce sens le débat interminable sur sa nature juridique
L’AUS de 2010 a prévu la sûreté. Aux termes de son article 50 : " les sûretés mobilières
comprennent : le droit de rétention, le gage, les nantissements sans dépossession et les
privilèges ".
Etudier les conditions de mise en œuvre du droit de rétention reviendrait à mettre l’accent sur
les conditions relatives à la créance (A) et sur les conditions relatives à la détention du bien
(B).
IL sera question dans ce paragraphe de voir aussi bien les caractères de la créance (1°) que la
connexité de la créance (2°)
Le législateur OHADA s’est distingué du droit français en ajoutant aux deux conditions de
certitude et d’exigibilité une troisième celle de la liquidité. En effet le droit de rétention ne
peut s’exercer que si la créance est certaine, exigible et liquide (article 68 AUS)
S’agissant de la certitude, la créance ne doit pas être contestée. Le créancier qui entend se
prévaloir d’un droit de rétention doit justifier d’un titre de créance vis-à-vis du débiteur. Cette
certitude peut résulter notamment de la production des factures signées par le débiteur, d’une
reconnaissance de dette notariée, de l’exécution et de la réception des travaux convenus entre
les parties.
Pour ce qui est de l’exigibilité, il est admis qu’une créance est exigible lorsque le débiteur ne
peut se prévaloir d’aucun délai ou condition susceptible de retarder ou d’empêcher
l’exécution. En tout état de cause la créance litigieuse sera exigible dès lors que le débiteur ne
se prévaut ni d’un terme conventionnel ni d’un moratoire. Précisons que n’est pas exigible la
créance des dommages-intérêts alloués par un tribunal dont la décision est frappée d’appel en
raison de l’effet suspensif de l’appel.
Enfin
relativement à la liquidité, il a été décidé qu’une créance est liquide lorsque le montant est
déterminable en argent ou que le quantum est déterminé dans sa quantité, chiffré (CCJA n°
21,
17- 06-2004, SDV COTE D’IVOIRE / société REAL TRADING).
La liquidité d’une créance peut aussi être déterminée à partir du chiffre d’affaire dégagé sur
l’exercice comptable.
Aux termes de la loi, le droit de rétention ne peut s’exercer qu’entre autre, s’il existe un lien
de connexité entre la naissance de la créance et la détention de la chose (article 68 AUS).
L’acte uniforme a prévu une présomption de connexité établie dans trois cas (article 69
AUS) :
Il y a connexité juridique entre la créance et la détention d’une chose lorsque toutes les deux
sont nées d’un même contrat. Ainsi par exemple la créance du garagiste, en raison des
réparations effectuées, procède du même contrat que la détention du véhicule et il est en droit
à ce titre de retenir le véhicule jusqu’à complet paiement.
Enfin la connexité peut être conventionnelle en vertu de la liberté contractuelle qui autorise un
débiteur à conférer en pleine connaissance de cause, un moyen de pression garantissant son
paiement.
Dans cette partie, l’accent sera particulièrement mis sur les modalités de la rétention (1°) et
sur la nature de la chose retenue (2°) et l’inexistence d’une saisie antérieure (3°).
Le créancier ne peut exercer la rétention que sur un bien qu’il détient légitimement (article
67 AUS) et licitement. La détention d’un bien corporel implique la mainmise physique sur la
chose, donc un pouvoir de fait. Le corpus c’est-à-dire la simple détention à titre précaire
suffit. Le rétenteur sait qu’il est tenu de restituer le bien, mais il refuse de le faire. La
détention peut provenir d’un dessaisissement volontaire (dépôt de la chose) ou accidentel
(envoi d’un ballon qui atterrit dans la maison du rétenteur en y causant des dégâts). Il suffit
que la chose soit détenue légitimement c’est-à-dire que la détention ne résulte pas d’un acte
illicite, fraude ou violence du créancier mais d’un contrat ou d’un quasi-contrat (SCAPEL, le
droit de rétention en droit positif, RTD civ, 1981, p 539 n° 15 ; J. C OTTOUMOU, le droit de
rétention en droit OHADA, penant n° 838 p 77). L’article 70 al. 1 er AUS fait peser sur le
créancier rétenteur une obligation de conservation du bien retenu en disposant que « le
créancier à l’obligation de conserver le bien retenu en bon état », ce qui veut dire le créancier
doit prendre toutes les dispositions afin de garder le bien à l’état où il était lors de sa remise
par le débiteur.
2°)- La nature de la chose retenue
Aujourd’hui, avec la nouvelle rédaction de l’article 67 AUS, l’hésitation n’est plus permise
sur la question de la nature de la chose détenue. En effet, l’article 67 AUS précise que le «
créancier qui détient légitimement un bien mobilier », alors que la rédaction ancienne de
l’article 41 AUS pouvait prêter à confusion. Le droit de rétention s’exerce essentiellement sur
les biens meubles corporels.
Il faut bien préciser que le bien détenu par le détenteur ne doit pas avoir fait l’objet de
saisie antérieure et si le bien n'a pas été saisi avant d'être détenu par le rétenteur.
Parler des effets du droit de rétention reviendrait à voir les effets principaux du droit rétention
(A) et les effets secondaires ou opposabilité du droit de rétention (B).
Le droit de rétention à comme principal effet, une prérogative purement passive, c’est-à-dire
le pouvoir reconnu au créancier de retenir le bien « jusqu’au complet paiement » (article 67
AUS).
Le créancier peut ainsi opposer une exception incitant le débiteur au paiement. Il apparait
ainsi comme un gêneur disposant d’une position privilégiée.
Le droit de rétention porte sur l’objet retenu dans sa totalité. Il durera tant que le
paiement ne sera pas complètement effectué. Dans l’hypothèse où le bien est périssable, le
créancier peut sur autorisation de la juridiction compétente statuant à bref délai, procéder à la
vente de ce bien si l’état ou la nature périssable de ce dernier le justifie ou si les frais
occasionnés par sa garde sont hors de proportion avec sa valeur (article 70 al 2 AUS).
L’autre effet principal à soulever dans cette sureté c’est l’absence du droit de préférence et
du droit de suite. En réalité, le créancier n’a ni droit de préférence ni droit de suite sur la
valeur du bien retenu. C’est ainsi que s’sil poursuit la vente forcée, il ne sera pas payé par
préférence mais prendra rang comme un simple créancier chirographaire, à moins qu’à un
autre titre, il bénéficie d’un privilège sur le bien retenu.
NB : Pour les procédures de distribution V. 224 225 226 AUS
Il s’ensuit qu’en bonne logique, lorsqu’un créancier entend saisir et faire vendre le bien, le
rétenteur peut s’y opposer. Il reviendra alors au créancier saisissant de le désintéresser avant
de pouvoir exercer son droit.
Même si l’acte uniforme ne cite aucune cause d’extinction du droit de rétention, il faut noter
qu’il existe des causes d’extinctions du droit de rétention. Ainsi, le droit de rétention peut
s’éteindre par voie principale et par voie accessoire.
Le droit de rétention suppose que le bien soit retenu par le créancier. Ainsi la dépossession du
créancier emporte directement extinction du droit de rétention. Il en est ainsi lorsque le
créancier remet matériellement le bien à son débiteur en renonçant ainsi à son droit. C’est
ainsi qu’il est admis qu’en cas de destruction matérielle de la chose, objet du droit de
rétention, le droit disparait
Au titre des sûretés nouvelles introduites par l’AUS de 2010, l’on mentionnera : outre, le
transfert fiduciaire de sommes d’argent, le nantissement de compte bancaire et le
nantissement de compte de titres financiers, la réserve de propriété, la cession de créance à
titre de garantie.
Il convient d’étudier la propriété retenue (§ 1er) et la propriété cédée à titre de garantie (§2).
L’on définira d’abord cette notion (A), ensuite on en précisera le régime juridique (B).
C’est une convention par laquelle les parties à une vente commerciale conviennent de
reporter, du vendeur à l’acquéreur, la propriété du bien acquis au jour du paiement complet du
prix, la réserve de propriété constitue dorénavant une sûreté régie par les articles 72 à 78 de
l’Acte Uniforme de 2010, qui en précise le régime juridique.
Aux termes de l’Article 72 AUS « la propriété d’un bien mobilier peut être retenue en garantie
par l’effet d’une clause de réserve de propriété qui suspend l’effet translatif d’un contrat
jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie ».
A peine de nullité, la réserve de propriété est convenue par écrit au plus tard au jour de
la livraison du bien et n’est opposable aux tiers que si elle a été régulièrement publiée au
Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) territorialement compétent (Articles 73
et 74 Acte Uniforme sur les sûretés).
Le renouvellement d’une inscription s’effectue dans les mêmes conditions que l’inscription
initiale et s’il intervient avant l’expiration du délai pour lequel l’inscription initiale avait été
prise, ce renouvellement permet au requérant de conserver le bénéfice de l’inscription initiale.
Lorsque le bien objet de la sûreté est fongible, en cas de réalisation, la réserve se reporte sur le
stock à concurrence de la créance (Article 75 AUS).
Par ailleurs, lorsque le bien objet de la réserve de propriété a été incorporé à un autre bien,
l’incorporation ne fait pas obstacle à la revendication du créancier si le retrait peut être réalisé
sans dommage pour les biens en présence. Au cas contraire, le tout (bien initial et bien
incorporé) devient la propriété de celui qui en a la partie principale, à charge pour lui de
désintéresser le créancier titulaire de la réserve de propriété. La valeur du désintéressement de
la chose incorporée est estimée à la date du paiement (Article 76 AUS).
Enfin, lorsque le bien objet de la réserve de propriété est vendu ou détruit, le droit de propriété
du créancier se reporte, selon le cas, sur la créance du débiteur à l’égard du sous- acquéreur ou
sur l’indemnité d’assurance subrogée au bien (Article 78 AUS).
A- La cession de créance
Elle est régie par les art. 79 à 86 de l’AUS et vise la propriété d’un bien actuel ou futur.
A cet égard, l’art. 79 AUS dispose que, « la propriété d’un bien, actuel ou futur, ou d’un
ensemble de biens, peut être cédée en garantie du paiement d’une dette, actuelle ou future, ou
d’un ensemble de dettes… ».
Le souci de développer la pratique du crédit dans l’espace OHADA afin de mieux contribuer
au financement de l’économie, et donc au développement des Etats Parties, a conduit le
législateur OHADA à autoriser la constitution à titre de sûreté de la cession des créances
futures, à la condition que l’acte de cession permette leur individualisation ou contienne des
éléments facilitant cette individualisation, tels que par exemple l’indication du débiteur, le lieu
de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s’il y a lieu, leur échéance.
(Article 81 AUS).
Ainsi, une créance détenue sur un tiers peut être cédée à titre de garantie de tout crédit
consenti par une personne morale nationale ou étrangère, faisant à titre de profession
habituelle et pour son compte des opérations de banques ou de crédit.
En outre, l’incessibilité de la créance ne peut être opposée au cessionnaire par le débiteur cédé
lorsqu’elle est de source conventionnelle et que la créance est née en raison de l’exercice de la
profession du débiteur cédé ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités
professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale (Article 80 AUS).
S’agissant des effets de la cession, l’article 82 AUS énonce que la cession de créance prend
immédiatement effet et est opposable aux tiers dès son inscription au RCCM, tandis que
l’article
83 AUS précise qu’à moins que les parties n’en conviennent autrement, la cession s’étend aux
accessoires de la créance et entraîne de plein droit leur transfert et son opposabilité aux tiers.
Il en résulte qu’une créance cédée l’est, de plein droit, avec sa sûreté au cas où elle en est
affectée ; ce qui constitue une garantie supplémentaire pour le créancier.
Enfin, les sommes payées au cessionnaire au titre de la créance cédée s’imputent sur la
créance garantie lorsqu’elle est échue. Ainsi se trouve affirmé le principe de la réalisation par
compensation de la sûreté ; le surplus, s’il en existe, est restitué au cédant (Article 86 AUS).
Réglementée par les Articles 87 à 91 de l’AUS, cette sûreté est définie comme une «
convention par laquelle un constituant cède des fonds en garantie de l’exécution d’une
obligation ».
Il s’agit donc de la sûreté sur somme d’argent et l’utilisation du mot « constituant » à la place
de celui de débiteur ouvre la possibilité pour un tiers de se substituer au débiteur pour
transférer une somme d’argent en garantie de la dette de ce dernier.
La propriété des fonds cédés étant transférée au créancier de l’obligation garantie, ces fonds
doivent être inscrits sur un compte ouvert au nom dudit créancier dans les livres d’un
établissement de crédit habilité à les recevoir ; mais pour protéger ce constituant, le compte
ouvert au nom du créancier est bloqué (Article 87 alinéa 2 AUS).
La convention détermine la ou les créances garanties, de même que le montant des fonds
cédés à titre de garantie, puis identifie le compte bloqué. Le transfert fiduciaire devient
opposable aux tiers à la date de sa notification à l’établissement de crédit qui tient le compte
et à condition que les fonds cédés soient inscrits sur le compte bloqué. Par ailleurs, si les
fonds cédés produisent des intérêts, ceux-ci sont portés au crédit du compte (Articles 88 à 90
AUS).
Sauf convention contraire des parties, cette capitalisation des intérêts profitera au débiteur à
qui les sommes bloquées seront restituées à l’échéance, au cas où il paye complètement la
créance garantie. En cas de défaillance du débiteur et 8 jours après que le constituant en ait été
informé, le créancier peut se faire remettre les fonds cédés, dans la limite du montant des
créances garanties demeurant impayées. Toute clause contraire est réputée non écrite (Article
91 AUS).
3°) aux créanciers titulaires d'une hypothèque conventionnelle ou forcée et aux créanciers
séparatistes inscrits dans le délai légal, chacun selon le rang de son inscription au registre de
la publicité immobilière ;
4°) aux créanciers munis d'un privilège général soumis à publicité chacun selon le rang de
son inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ;
5°) aux créanciers munis d'un privilège général non soumis à publicité selon l'ordre établi par
l'article 180 du présent Acte uniforme ;
6°) aux créanciers chirographaires munis d'un titre exécutoire lorsqu'ils sont intervenus par
voie de saisie ou d'opposition à la procédure.
En cas d'insuffisance de deniers pour désintéresser les créanciers désignés aux 1°), 2°), 5°) et
6°) du présent article venant à rang égal, ceux-ci concourent à la distribution dans la
proportion de leurs créances totales, au marc le franc.
Article 226
Sans préjudice de l'exercice d'un éventuel droit de rétention ou d'un droit exclusif au
paiement, les deniers provenant de la réalisation des meubles sont distribués dans l'ordre
suivant : 1°) aux créanciers des frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien
vendu et à la distribution elle-même du prix ;
2°) aux créanciers de frais engagés pour la conservation du bien du débiteur dans l'intérêt des
créanciers dont le titre est antérieur en date ; 3°) aux créanciers de salaires superprivilégiés ;
4°) aux créanciers garantis par un privilège général soumis à publicité, un gage, ou un
nantissement, chacun à la date de son opposabilité aux tiers ;
5°) aux créanciers munis d'un privilège spécial, chacun suivant le meuble sur lequel porte le
privilège ; en cas de conflit entre créances assorties d'un privilège spécial sur le même
meuble, la préférence est donnée au premier saisissant ;
6°) aux créanciers munis d'un privilège général non soumis à publicité selon l'ordre établi par
l'article 180 du présent Acte uniforme;
7°) aux créanciers chirographaires munis d'un titre exécutoire lorsqu'ils sont intervenus par
voie de saisie ou d'opposition à la procédure de distribution.
En cas d'insuffisance de deniers pour désintéresser les créanciers désignés aux 1°), 2°), 3°),
6°) et 7°) du présent article venant à rang égal, ceux-ci concourent à la distribution dans la
proportion de leurs créances totales, au marc le franc.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
La Présidente
Le Greffier