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Fasc. 785 : FIDUCIE.

– Introduction et constitution
JurisClasseur Droit bancaire et financier

Date du fascicule : 3 Février 2023


Date de la dernière mise à jour : 3 Février 2023

Fasc. 785 : Fiducie


. – Introduction et constitution

Claude Witz - Agrégé des facultés de droit, professeur émérite de l'université de la Sarre

André Prüm - Agrégé des facultés de droit, professeur à l'université du Luxembourg

Points-clés

La loi n° 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie est l'aboutissement d'un long processus marqué par le regain d'intérêt de la doctrine
contemporaine pour la fiducie, les consécrations législatives de diverses cessions fiduciaires à titre de garantie et l'influence des expériences étrangères
en matière de trust et de fiducie (V. n° 1 à 5 ).

Issue d'une proposition sénatoriale de 2005, amendée par la Commission des lois du Sénat, la loi a été rapidement adoptée, grâce au soutien du
Gouvernement qui imposa diverses restrictions quant au champ d'application de la fiducie. La loi de 2007 a été modifiée six fois (V. n° 6 à 15 ).

La constitution de la fiducie obéit à diverses conditions de fond. Elle naît d'un contrat ou de la loi et implique un transfert de biens, de droits ou de
sûretés, présents ou futurs, opéré par le constituant au profit d'un fiduciaire qui en devient propriétaire, sans pour autant que le contrat ait une nature
réelle. Les biens transférés forment entre les mains du fiduciaire un patrimoine distinct de son patrimoine propre (V. n° 18 à 28 ).

Même si la loi s'est abstenue de consacrer la distinction entre la fiducie-gestion et la fiducie-sûreté, c'est néanmoins autour de ces deux finalités que
s'ordonnent les applications actuelles et potentielles de la fiducie. On attend de la fiducie-gestion qu'elle rende de nombreux services dans la vie des
affaires, les applications civiles étant freinées par la prohibition de la fiducie-libéralité (V. n° 29 à 42 ).

L'entrée de la fiducie-sûreté dans le Code civil est le couronnement d'une évolution jalonnée par de nombreuses applications particulières de la propriété
utilisée comme garantie. La fiducie-sûreté du Code civil, caractérisée par de lourdes conditions de constitution débouchant sur un patrimoine fiduciaire,
est entourée de fiducie-sûretés satellites restées intactes (V. n° 43 à 51 ).

La fiducie fait intervenir trois acteurs (constituant, fiduciaire, bénéficiaire), auxquels s'ajoute, le cas échéant, un tiers protecteur. Le constituant ou le
fiduciaire pouvant avoir la qualité de bénéficiaire, la fiducie ne réunira souvent que deux acteurs. Alors que la fiducie peut être constituée désormais par
toute personne, physique ou morale, le fiduciaire est nécessairement un organisme du secteur financier ou des assurances ou encore, depuis la loi du
4 août 2008, un avocat (V. n° 52 et 64 ).

Lorsque le contrat de fiducie porte sur un fonds de commerce ou un immeuble à usage professionnel dont le constituant conserve l'usage ou la
jouissance, la loi fait échapper la convention de mise à disposition à la législation sur la location-gérance et à celle régissant le bail commercial. En dépit
du silence de la loi, les transferts d'immeubles par le constituant au fiduciaire devraient échapper aux droits légaux de préemption (V. n° 65 à 67 ).

La constitution de la fiducie est soumise à un lourd formalisme (mentions requises à des fins de validité, enregistrement sous peine de nullité,
déclaration d'existence, inscription au registre national des fiducies). Le législateur a assoupli néanmoins les conditions d'opposabilité des cessions de
créances (V. n° 68 à 84 ).

I. - Introduction

1. – Fides, fiducia, fiducie –


Le terme « fiducie » est issu du mot latin fides, la confiance, et désigne une pratique qui a de tout temps existé, sous une forme ou une autre : une personne se
voit confier des biens, en toute propriété, non pour en user et en tirer les fruits dans un intérêt personnel, mais pour qu'elle les mette au service d'une affectation
précise d'ordre privé ou répondant à un but altruiste. Étant pleinement propriétaire, cette personne risque d'abuser de son droit de propriété et compromettre par
là même la finalité impartie à ces biens. Il faut donc que le remettant ait une confiance particulière en ce propriétaire qui doit agir pour le compte d'autrui ou au
service d'une cause d'intérêt général. Plus que toute autre institution, la fiducie repose sur la confiance.

A. - Grandes étapes historiques

1° Droit romain

2. – Fiducia cum amico et fiducia cum creditore –


La fiducie est avant tout une institution romaine, sans pour autant qu'elle ait été l'apanage du droit romain. On rencontre des figures comparables à d'autres
époques et dans d'autres contrées, que ce soit dans l'Égypte des pharaons, dans la Grèce antique, dans le vieux droit musulman, ou encore au Japon 500 ans
avant Jésus-Christ (H.-M. Roth, Der Trust in seinem Entwicklungsgang vom Feoffe to Uses zur amerikanischen Trust Company : Elwert 1928, p. 10). La
distinction faite par Gaius entre, d'une part, la fiducia cum amico, qui permettait notamment, dans des périodes de trouble politique, à ceux menacés d'une
confiscation de mettre leurs biens à l'abri en les transférant à des amis sûrs et, d'autre part, la fiducia cum creditore est demeurée célèbre. En matière de
dispositions à cause de mort, prospérait le fidéicommis. À l'instar du fiduciaire, le grevé de fidéicommis acquérait un bien dont il était chargé de retransférer la
propriété. À la fin du Bas Empire, la fiducie disparaît, supplantée par des figures juridiques nouvelles, notamment le dépôt et le gage. Les compilations de
Justinien devaient confirmer la disparition des diverses applications de la fiducie dans le dernier état du droit romain, tout en préservant le fidéicommis. Les textes
des jurisconsultes qui mentionnaient la fiducie furent systématiquement exclus ou interpolés, selon des découvertes faites par des romanistes du XIXe siècle (sur
la fiducie en droit romain, V. J.-Ph. Dunand, Le transfert fiduciaire : « donner pour reprendre » : mancipio dare ut remancipetur ; analyse historique et
comparatiste de la fiducie-gestion : Helbing Lichtenhahn 2000. – A. Mages, La fiducie-gestion : aspects historiques, in La fiducie-gestion : état des lieux et
perspectives, coll. Dijon, 17 mai 2018 ; RLDC, n° 168, mars 2019, p. 33. – Cl. Witz, La fiducie en droit privé français, thèse Strasbourg 1979 : Economica 1980,
préf. D. Schmidt, n° 21 s.).

2° Ancien droit

3. – L'héritier de pure forme –


On retrouve des traces de la fiducie dans l'ancien droit français au travers principalement de l'héritier fiduciaire, héritier de pure forme qui ne fait que prêter son
nom au véritable héritier. Une belle illustration nous en est donnée par Molière, témoin d'une pratique qui avait cours à son époque, lequel met en jeu, dans le
Malade imaginaire, Argan, désireux de gratifier sa femme alors que la Coutume de Paris prohibait les libéralités entre époux ; Maître de Bonnefoy de conseiller à
Argan « de choisir doucement un ami intime de votre femme, auquel vous donnerez en bonne forme par testament tout ce que vous pouvez et cet ami ensuite lui
rendra tout » (Acte I, scène VII). L'institution étriquée de la fiducie, souvent frauduleuse, faisait pâle figure par rapport aux florissantes substitutions
fidéicommissaires (sur la fiducie et le fidéicommis de l'Ancien Droit, V. A. Mages, La fiducie-gestion : aspects historiques, in La fiducie-gestion : état des lieux et
perspectives, coll. Dijon, 17 mai 2018 ; RLDC, n° 168, mars 2019, p. 35 s. – Cl. Witz, La fiducie en droit privé français, thèse Strasbourg 1979 : Economica 1980,
préf. D. Schmidt, n° 29 s.).

3° Code civil

4. – Emprise de la simulation –
Le Code civil garde le silence sur la fiducie, encadrant par ailleurs les substitutions fidéicommissaires (aujourd'hui libéralités graduelles) de manière étroite (C.
civ., art. 896 et 1048 s.) et consacrant une conception de la propriété (C. civ., art. 544), dont le caractère absolutiste se concilie a priori mal avec la fiducie.
Néanmoins, l'héritier fiduciaire de l'ancien droit perdure en doctrine et en jurisprudence. Ainsi, Aubry et Rau définissent la fiducie comme étant « la disposition par
laquelle une personne instituée légataire pour la forme seulement a été chargée de tenir en dépôt la succession ou les biens légués et de les administrer jusqu'au
moment où elle devra en faire la remise au véritable légataire » (Ch. Aubry et C. Rau, Droit civil français, t. 11 : Librairies techniques Paris, 6e éd. 1956, par
P. Esmein, n° 694). L'emprise de la simulation sur la fiducie, illustrée par l'héritier légataire de pure forme, devait se prolonger durablement, comme le révèle le
Vocabulaire juridique de Capitant de 1936 qui définissait encore la fiducie comme « le contrat par lequel l'acquéreur apparent d'un bien s'engage à le restituer à
l'aliénateur quand celui-ci aura rempli les obligations qu'il a envers lui » (H. Capitant, Vocabulaire juridique : PUF 1936). À la même époque, les travaux menés
dans le cadre de la Semaine internationale de droit autour du thème général de la « fiducie en droit interne » à la lumière de diverses expériences étrangères
n'ont pas éveillé un regain d'intérêt pour une fiducie fondée sur un authentique transfert de propriété au fiduciaire, face au scepticisme de René Demogue et de
René Savatier (Association des juristes de langue française, Travaux de la Semaine internationale de droit, Paris, 1937, T. V, « La fiducie en droit moderne » ;
sur ces travaux, V. A. Mages, La fiducie-gestion : aspects historiques, in La fiducie-gestion : état des lieux et perspectives, coll. Dijon, 17 mai 2018 ; RLDC,
n° 168, mars 2019, p. 37. – Cl. Witz, La fiducie en droit privé français, thèse Strasbourg 1979 : Economica 1980, préf. D. Schmidt, n° 15).

B. - Renouveau doctrinal de la fiducie

5. – Thèses, manuels et articles doctrinaux –


Deux thèses soutenues en 1979 illustrent le regain d'intérêt en France pour la fiducie. L'une envisage la fiducie sous l'angle du droit comparé, propose une
conception large de la fiducie coiffant le trust anglo-américain et la fiducie de plusieurs pays de l'Europe continentale, et s'attache à résoudre les difficultés de
droit international privé que suscite cette institution auprès des juridictions françaises (E. Seel-Viandon, La fiducie en droit comparé et en droit international privé
français : Thèse dactyl. Paris II, 1979). La seconde consacrée à la fiducie en droit privé français pose les jalons d'une fiducie française renouvelée, dans le
prolongement de la tradition romano germanique et des expériences des pays voisins de la France (Allemagne, Suisse) (V. Cl. Witz, La fiducie en droit privé
français, thèse Strasbourg 1979 : Economica 1980, préf. D. Schmidt, n° 15). L'auteur distingue la fiducie-gestion, dont la fiducie-libéralité n'est qu'une application
particulière, et la fiducie-sûreté, dans le prolongement de plusieurs applications spécifiques, telles le crédit de mobilisation des créances commerciales garanti par
les factures protestables ou les opérations bancaires de pension. La fiducie se distingue de la simulation, le fiduciaire n'étant nullement un prête-nom, mais un
propriétaire effectif, même s'il doit exercer ses prérogatives au profit d'autrui. Les divers arguments opposés aux applications concrètes de la fiducie sont réfutés.
Ainsi, la fiducie-sûreté, qu'il y a lieu de distinguer de la vente à des fins de garantie, ne heurte pas, en principe, la prohibition du pacte commissoire, en raison des
modes de dénouement de la fiducie. La doctrine française, dans son ensemble, relaie ces propositions. La fiducie-gestion et la fiducie-sûreté font rapidement leur
entrée dans les manuels (Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit civil. Les contrats spéciaux : Cujas, 1re éd., 1986, n° 753 ; Droit civil. Les sûretés (droit du crédit) : Cujas
1986, n° 543). Le renouveau de la fiducie en doctrine se manifeste également par une série de thèses reprenant et approfondissant le sujet, notamment à la
lumière de nouvelles illustrations ponctuelles de la fiducie, principalement en matière de sûretés (L. n° 81-1, 2 janv. 1981, dite loi Dailly : JO 3 janv. 1981), de la
pratique contractuelle, comme les opérations de portage, et des premières tentatives législatives d'accueillir la fiducie au sein du Code civil (Fr. Barrière, La
réception du trust au travers de la fiducie, préf. M. Grimaldi : Litec 2004. – P. Crocq, Propriété et garantie, préf. M. Gobert : LGDJ 1995. – R. Family, L'acte de
fiducie (étude de droit interne et de droit international privé) : Thèse Paris II, 2000. – C. Kuhn, Le patrimoine fiduciaire, Contribution à l'étude de l'universalité :
Thèse Paris I, 2003. – F.-X. Lucas, Les transferts temporaires de valeurs mobilières – Pour une fiducie de valeurs mobilières, préf. L. Lorvellec : LGDJ 1997.
– F. Mettetal-Fresnel, La fiducie comme technique de protection des majeurs en difficultés : Thèse Paris II, 1995). Par ailleurs, l'intérêt doctrinal pour la fiducie
s'accompagne d'un engouement pour le trust des pays de Common law placé sous les feux des projecteurs par de célèbres opérations financières de
délocalisation, par la confrontation croissante des juridictions françaises au trust et par l'adoption de la convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi
applicable au trust et à sa reconnaissance (Fr. Barrière, La réception du trust au travers de la fiducie, préf. M. Grimaldi : Litec 2004. – S. Godechot, L'articulation
du trust et du droit des successions, préf. Y. Lequette : Éd. Panthéon-Assas, Paris II, 2004). De nombreuses études de droit comparé voient le jour
(V. Bibliographie). L'institution est vue avec faveur par la doctrine et les praticiens. Rares sont les notes discordantes (V. R. Libchaber, Une fiducie française,
inutile et incertaine…, Mél. en l'honneur de P. Malaurie : Defrénois 2005, p. 303 s. – À propos de la fiducie-sûreté, V. D. Legeais, Les garanties conventionnelles
sur créances : Economica 1986). L'intérêt de la doctrine pour la fiducie ne fléchit pas comme en témoignent de récentes thèses de doctorat (par ex., V. n° 26 )
tout comme maints colloques organisés par des praticiens et des universitaires et de nombreux articles doctrinaux (par ex., V. n° 48 et la bibliographie).

C. - Vers l'adoption d'un texte de loi sur la fiducie


6. – Avant-projet de loi relatif à la fiducie de 1990 –
Le ministère de la Justice dévoila, en décembre 1989, un avant-projet de loi relatif à la fiducie, assez rapidement modifié en 1990. Le chapitre 1er de l'avant-
projet de 1990 (« Dispositions générales ») se présente sous la forme d'un titre XVI bis du Code civil (C. civ., art. 2062 à 2070-1 : reproduits in RD bancaire et
bourse 1990, p. 122 s. ; LPA 1990, n° 76, p. 11), accompagné de dispositions complémentaires et d'un important volet fiscal. La volonté de doter le droit français
d'un instrument susceptible de remplir les fonctions de la fiducie des pays voisins de la France et du trust anglo-américain, notamment dans la perspective de la
ratification de la convention de La Haye de 1985, incita les pouvoirs publics à préparer un texte de loi sur la fiducie. L'avant-projet a donné lieu aussitôt à de
nombreuses analyses (V. not. Colloque « La fiducie », Pour quoi faire ?, dir. B. Sousi : Lyon 1990, et Rapp. J. de Guillenchmidt, A. Pezard, J. Charlin, A. de
Foucaud, A. Cerles, Cl. Witz : RD bancaire et bourse 1990, p. 105 s. – M. Grimaldi, La fiducie : réflexions sur l'institution et sur l'avant-projet de loi qui la
consacre : Defrénois 1991, art. 35085 et 35094. – J. de Guillenchmidt, La France sans la fiducie ? : Rev. jur. com. 1991, p. 49 s. – J. de Guillenchmidt et
A. Chapelle, Trusts, business trusts et fiducie : LPA 1990, n° 76, p. 4 s.).

7. – Projet de loi de 1992 –


L'avant-projet devait aboutir, en 1992, à un projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 20 février 1992 (Projet de loi n° 2583, Assemblée
nationale, IXe législature). L'article 2062 définit la fiducie comme « un contrat par lequel un constituant transfère tout ou partie de ses biens et droits à un
fiduciaire qui, tenant ces biens et droits séparés de son patrimoine personnel, agit dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires conformément
aux stipulations du contrat ». Le texte accueille la fiducie « conclue à des fins de garantie » (V. C. civ., art. 2062, al. 3), tout comme celle ayant « pour objet la
transmission de biens et droits à un ou des bénéficiaires autres que le constituant » (V. C. civ., art. 2064) y compris à titre gratuit (V. C. civ., art. 2070-6). Seule la
fiducie testamentaire est prohibée. Tout sujet de droit peut être fiduciant ou fiduciaire. Sans qu'il soit expressément énoncé que la fiducie débouche sur un
patrimoine fiduciaire, tel est bien le cas puisque « les biens transférés au fiduciaire ne peuvent être saisis que par les titulaires de créances nées de la
conservation ou de la gestion de ces biens par le fiduciaire », sans préjudice toutefois des droits des créanciers du constituant titulaire d'un droit de suite attaché
à une sûreté publiée antérieurement au contrat de fiducie et hors le cas de fraude au droit des créanciers du constituant (V. C. civ., art. 2069, al. 2). Par son large
champ d'application et la consécration d'un patrimoine fiduciaire répondant seul des dettes de la fiducie, le projet de loi de 1992 se distingue des actuels
articles 2011 et suivants. Mais en raison de crainte d'évasions fiscales et de l'absence d'une volonté politique suffisante, le projet de loi ne fut jamais mis en
discussion.

8. – Réactualisation du projet –
Fin 1994, le Premier ministre a entendu réactualiser le projet de 1992. Pour couper court à toutes les difficultés de droit civil et de droit fiscal liées à l'emploi de la
fiducie dans le domaine des libéralités, les services compétents ont remanié le texte initial. Dans un premier temps, l'emploi de la fiducie devait être réservé aux
personnes morales : seules celles-ci pourraient transférer des biens à un fiduciaire, car en principe les personnes morales ne font pas de libéralités (P. Marini,
Enfin la fiducie à la française : D. 2007, p. 1347 s., spéc. p. 1348). Puis l'on a abandonné cette voie, soucieux que l'on était de permettre également aux
personnes physiques de recourir à la fiducie, tout en interdisant les clauses prévoyant le transfert du patrimoine fiduciaire à titre gratuit à des tiers. Le projet qui
aurait dû être adopté par le dernier Conseil des ministres du Gouvernement de M. Édouard Balladur avant les élections présidentielles d'avril-mai 1995, a été
finalement retiré de l'ordre du jour du conseil.

D. - Loi du 19 février 2007

9. – Grandes étapes –
L'idée d'un texte de loi sur la fiducie fut relancée par les pouvoirs publics une dizaine d'années plus tard, comme le révèlent une réponse ministérielle (Rép. min. :
JOAN 20 avr. 2004, p. 3064) et surtout le plan d'action arrêté à l'issue du séminaire gouvernemental sur l'attractivité du 7 février 2005. Parmi les mesures
annoncées figurait la « préparation d'un projet de loi visant à introduire la fiducie en droit français », afin « de créer un instrument juridique transparent qui
facilitera le développement et la relocalisation d'activités en France et l'amélioration des conditions de financement des entreprises » (F. Barrière, La fiducie.
Commentaire de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 : Bull. Joly 2007, p. 440 s., (1re partie), spéc. n° 1). Parallèlement, le sénateur Philippe Marini avait préparé
une proposition de loi instituant la fiducie, déposée au Sénat le 8 février 2005 (Proposition de loi n° 178, session 2004-2005, Sénat, annexe au procès-verbal de
la séance, 8 févr. 2005). En mars 2005, le ministère de la Justice et celui du budget mirent en place un groupe de travail sur la fiducie dont les travaux aboutirent
à un avant-projet non publié. À l'issue du séminaire gouvernemental sur l'attractivité du 22 mars 2006, le Premier ministre affirma la volonté de voir adopter un
« outil connu des anglo-américains » (V. F. Barrière, La fiducie. Commentaire de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 : Bull. Joly 2007, p. 440 s., (1re partie), n° 1)
. Puis les ministères de la Justice et du Budget approuvèrent un avant-projet dont la teneur fut partiellement incorporée par la commission des lois du Sénat dans
son rapport sur la proposition de loi du 8 février 2005 (V. F. Barrière, La fiducie. Commentaire de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 : Bull. Joly 2007, p. 440 s.,
(1re partie), n° 1). Les modifications essentielles voulues par le Gouvernement furent la restriction de la qualité des fiduciaires à une série de professionnels,
avant tout les établissements de crédit et les entreprises d'assurance, et de celle de constituant aux personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés. La
commission des lois du Sénat rejeta la restriction relative aux constituants. Le Gouvernement a pu la réintroduire lors des débats au Sénat par la voie d'un
amendement, en s'engageant, si la Chambre haute adoptait l'amendement, à ce que l'Assemblée nationale examine la proposition de loi dans les meilleurs
délais, alors que la fin de la 12e législature était proche (Sénat, séance, 17 oct. 2006, échanges entre M. H. de Richemont, rapporteur de la commission des lois
et M. P. Clément, garde des Sceaux : JO Sénat 18 oct. 2006, p. 6694). La pression du Gouvernement devait placer l'Assemblée nationale dans la même
« position embarrassante » que celle du Sénat (X. de Roux, Rapport au nom de la commission des lois : Doc. n° 3655, séance 1er févr. 2007, p. 23). Elle vota
sans modification le texte adopté en première lecture par le Sénat, consciente qu'une telle adoption conforme était « le plus sûr moyen de permettre à la fiducie
de voir enfin le jour » (X. de Roux, Rapport au nom de la commission des lois : Doc. n° 3655, séance 1er févr. 2007, p. 23).

Les débats parlementaires furent, de prime abord, étonnamment brefs pour un texte de portée « considérable dans l'évolution du droit commun » (F. Zenati-
Castaing, Th. Revet, Les biens : PUF, 3e éd., 2008, n° 253). Mais la réforme avait mûri pendant une vingtaine d'années. De plus, les parlementaires étaient
conscients que la loi connaîtrait de nécessaires aménagements (V. not. X. de Roux, Rapport au nom de la commission des lois : Doc. n° 3655, séance 1er févr.
2007, p. 23. – H. Novelli, Assemblée nationale, 7 févr. 2007 : JOAN 8 févr. 2007, p. 1025). D'emblée, l'étroit champ d'application de la fiducie non ouverte aux
personnes physiques est apparu en décalage par rapport à son ancrage dans le Code civil. Quant à l'emplacement de la réforme dans le code, il a été inspiré par
celui du projet de 1992, sans qu'il ait pu lui être totalement fidèle en raison des secousses provoquées dans le plan du Code civil par la réforme du droit des
sûretés (Ord. n° 2006-346, 23 mars 2006 [JO 24 mars 2006, texte n° 29], ratifiée par L. n° 2007-212, 20 févr. 2007, art. 10, I [JO 21 févr. 2007, texte n° 4]). Les
dispositions de la loi relatives aux aspects civils de la fiducie ont intégré le titre XIV du livre III du Code civil, dont les articles 2011 à 2031 avaient été abrogés par
l'ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés. La fiducie figure ainsi entre le mandat et la transaction, au sein du livre III « Des différentes manières dont on
acquiert la propriété », dont l'intitulé s'avère particulièrement adapté pour accueillir la fiducie, qui se caractérise par un transfert initial de propriété.

La loi comporte un volet comptable (L. n° 2007-212, 20 févr. 2007, art. 12) qui renvoie, pour le surplus, à un règlement du Comité de la réglementation comptable
(V. Règl. CRC n° 2008-01, 3 avr. 2008, homologué par arrêté ministériel du 11 déc. 2008. – Sur les dispositions comptables, V. Dossiers pratiques Francis
Lefebvre, La fiducie, mode d'emploi : 2e éd., 2009, n° 2700 s.). Les dispositions fiscales sont placées sous le signe de la transparence et de la neutralité fiscale,
le constituant étant « en quelque sorte toujours réputé fiscalement titulaire des droits mis en fiducie » et redevable de l'impôt à ce titre (exposé des motifs de la
proposition de loi, Rapport de la Commission des lois du Sénat, séance 11 oct. 2006, p. 25. – Sur le volet fiscal, V. Dossiers pratiques Francis Lefebvre, Dossiers
pratiques Francis Lefebvre, La fiducie, mode d'emploi : 2e éd., 2009, n° 1000 s.).

La loi est dépourvue de disposition transitoire. Son entrée en vigueur n'a pas été subordonnée à la création du Registre national des fiducies qui a vu tardivement
le jour (D. n° 2010-219, 2 mars 2010 : JO 4 mars 2010, texte n° 40. – V. n° 80. – Sur les premières applications de la loi, antérieures à la parution du décret, V.
n° 50 ).

E. - Réformes ultérieures

10. – Six réformes –


Perçue davantage comme un ballon d'essai qu'un texte gravé dans le marbre, la loi de 2007 a été modifiée pas moins de 6 fois, les 4 premières ayant eu lieu en
moins de 2 ans.

11. – Loi LME du 4 août 2008 –


La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 portant diverses mesures de modernisation de l'économie (JO 5 août 2008, p. 12741), élargit le domaine d'application de la
fiducie ratione personae (L. n° 2008-776, 4 août 2008, art. 18). Désormais, toute personne, physique comme morale, peut constituer une fiducie (abrogation de C.
civ., art. 2014), sans pour autant que le verrou de l'interdiction de la fiducie-libéralité ait été levé. Par cet élargissement, l'ancrage de la loi de 2007 dans le Code
civil se trouve a posteriori justifié. L'ouverture de la fiducie aux personnes physiques a été accompagnée d'un dispositif de protection visant les mineurs (C. civ.,
art. 408-1), les majeurs protégés (C. civ., art. 445, 468 et 509) et les personnes mariées sous le régime de la communauté (C. civ., art. 1424). Par ailleurs, le
cercle des personnes habilitées à agir comme fiduciaire est élargi aux membres de la profession d'avocat (C. civ., art. 2015, al. 2).

Quant au régime légal de la fiducie, il se voit notablement assoupli par l'extension de la durée maximale, initialement de 33 ans, à 99 ans (C. civ., art. 2018, 2°),
par l'affirmation du droit des parties de régler conventionnellement les conditions et modalités de remplacement d'un fiduciaire manquant à ses devoirs ou mettant
en péril les intérêts qui lui sont confiés (C. civ., art. 2027) et par l'extension aux cessions de créances réalisées dans le cadre d'une fiducie des conditions
d'opposabilité simplifiées sur le modèle de la loi Dailly (C. civ., art. 2018-2). Enfin, d'utiles précisions sont apportées au texte initial lorsque le contrat de fiducie
prévoit que le constituant conserve l'usage ou la jouissance d'un fonds de commerce ou d'un immeuble à usage professionnel transféré dans le patrimoine
fiduciaire (C. civ., art. 2018-1) et lorsque le constituant fait l'objet d'une mesure de tutelle ou de curatelle en cours d'exécution du contrat (C. civ., art. 2022, al. 2).

Cette première réforme d'envergure était annonciatrice d'autres aménagements, la loi du 4 août 2008 ayant habilité le Gouvernement à légiférer par voie
d'ordonnance aux fins de l'adoption de mesures complémentaires de nature à permettre aux avocats d'être fiduciaires et aux constituants personnes physiques
d'avoir recours à la fiducie (L. n° 2008-776, 4 août 2008, art. 18, V, 1°. – Sur la réforme de la fiducie par la loi LME, V. not. Fr. Barrière, La fiducie : brèves
observations sur sa refonte et sa retouche par la loi de modernisation de l'économie : JCP E 2008, act. 385. – L. Leveneur, D'étonnants cavaliers législatifs civils
dans la loi de modernisation de l'économie : Contrats, conc. consom. 2008, comm. 11, p. 9). La même loi autorise le Gouvernement à prendre les mesures
fiscales nécessaires à l'extension du régime de la fiducie aux personnes physiques, en rappelant le principe de la neutralité fiscale (L. n° 2008-776, 4 août 2008,
art. 18, V, 2°).

Les dispositions de la loi LME du 4 août 2008 sont entrées en vigueur le 1er février 2009 (V. L. n° 2008-776, 4 août 2008, art. 18, IV), sous réserve des
modifications de l'article 2018, 2° relatif à la durée et de l'article 2027, ainsi que de l'adjonction des articles 2018-1 et 2018-2, applicables immédiatement.

12. – Ordonnance du 18 décembre 2008 –


Dotée d'une redoutable efficacité en cas de défaillance du débiteur, la fiducie-sûreté ignore les exigences de sauvetage des entreprises. Aussi l'ordonnance du
18 décembre 2008 (Ord. n° 2008-1345, 18 déc. 2008 : JO 19 déc. 2008, p. 19462), entrée en vigueur le 15 février 2009 (V. Ord. n° 2008-1345, 18 déc. 2008,
art. 173), eut pour principal objectif d'établir un point d'équilibre entre la protection des créanciers bénéficiaires d'une fiducie-sûreté et la finalité des procédures
collectives, par diverses mesures : inopposabilité de la fiducie pendant la période d'observation et le plan de sauvegarde lorsque le débiteur constituant est
autorisé conventionnellement à conserver l'usage ou la jouissance du ou des biens transférés à titre de garantie (C. com., art. L. 622-23-1), pareils biens étant
présumés nécessaires ou utiles pour la poursuite de l'activité de l'entreprise ; efficacité de la fiducie-sûreté en cas d'échec des plans de sauvetage, de liquidation
judiciaire ou de plan de cession (C. com., art. L. 626-27, al. 4 ; L. 641-12-1 et L. 642-7) ; alignement de la fiducie-sûreté sur le droit commun des sûretés réelles
au regard des nullités de la période suspecte (C. com., art. L. 632-1, 9° et 10°) ; non-inclusion dans le comité des créanciers (C. com., art. L. 626-30-2) ;
revendicabilité des biens meubles placés en fiducie (C. com., art. L. 624-16. – Sur la réforme de la fiducie par l'ordonnance du 18 décembre 2008, V. E. Le Corre-
Broly, Les modifications apportées par l'ordonnance du 18 décembre 2008 en matière de revendication et de restitutions : Gaz. Pal. Rec. 2009, n° 832 s., spéc.
n° 12).

13. – Ordonnance du 30 janvier 2009 –


L'ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009 (JO 31 janv. 2009, texte n° 15) arrête les mesures d'accompagnement que le Gouvernement était habilité à
prendre en vertu de la loi du 4 août 2008 (L. n° 2008-776, 4 août 2008, art. 18, V), à la suite de l'élargissement de la fiducie aux constituants personnes physiques
(V. n° 11 ). Outre les dispositions relatives à la profession d'avocat pris en la qualité de fiduciaire, l'ordonnance réforme la fiducie tout d'abord par des dispositions
de portée générale : nécessité d'un acte authentique lorsque la fiducie porte sur des biens dépendants d'une communauté conjugale ou sur des biens indivis (C.
civ., art. 2012, al. 2) ; interdiction de la renonciation du constituant personne physique de désigner un tiers chargé de la préservation de ses intérêts dans le cadre
de l'exécution du contrat de fiducie (C. civ., art. 2017, al. 2). En second lieu, la réforme dote la fiducie-sûreté de dispositions spécifiques réparties sur deux volets
conformément à l'ordonnancement établi par la réforme générale des sûretés opérée par l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, formant deux subdivisions
nouvelles, intitulées toutes deux « De la propriété cédée à titre de garantie ». Les unes sont relatives à la fiducie-sûreté sur meubles, plus précisément, selon la
terminologie légale, à la propriété d'un bien mobilier ou d'un droit cédé à titre de garantie (C. civ., art. 2372-1 à 2372-5), alors que les autres ont trait à la fiducie-
sûreté sur immeubles (C. civ., art. 2488-1 à 2488-5, relatifs à la propriété d'un bien immobilier cédée à titre de garantie), ces dernières apparaissant largement
comme un doublon des règles régissant la fiducie-sûreté sur meubles. Les traits essentiels de l'encadrement de la fiducie-sûreté portent sur les mentions
obligatoires dans le contrat constitutif de la sûreté (indication de la dette garantie, et de manière inhabituelle par rapport aux autres sûretés réelles, évaluation du
bien), sur les modes de dénouement de la sûreté tendant à éviter toute spoliation du débiteur, et enfin, sur la consécration des fiducie-sûretés rechargeables.
Toutefois, le régime spécifique de la fiducie-sûreté est déclaré inapplicable lorsque le constituant est une personne morale, eu égard aux limites de l'habilitation
gouvernementale (C. civ., art. 2376-6 et 2488-6). L'ordonnance est entrée en vigueur le 1er février 2009 (V. Ord. n° 2009-112, 30 janv. 2009, art. 12, al. 1er),
sous réserve des modifications apportées au Code de commerce, entrées en vigueur le 15 février 2009 (V. Ord. n° 2009-112, 30 janv. 2009, art. 12, al. 2. – Sur la
réforme de la fiducie opérée par l'ordonnance du 30 janvier 2009, V. not. A. M. Leroyer, Ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009 portant diverses mesures
relatives à la fiducie (JO 31 janv. 2009, p. 1854) : RTD civ. 2009, p. 381 s. – Ph. Dupichot, La fiducie-sûreté en pleine lumière. À propos de l'ordonnance du
30 janvier 2009 : JCP G 2009, I, 132).

14. – Loi du 12 mai 2009 –


La loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 dite de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures ne se contente pas de ratifier l'ordonnance
précitée (L. n° 2009-526, 12 mai 2009, art. 138, I, 38° : JO 13 mai 2009, p. 7920). Elle constitue également la quatrième réforme de la loi de 2007. D'une part, la
loi du 12 mai 2009 met fin, de manière heureuse, à l'extinction automatique de la fiducie constituée à titre de garantie à la suite du décès du constituant, règle
ruinant l'efficacité de la sûreté dans cette hypothèse (V. C. civ., art. 2372-1, al. 2 et 2488-1, al. 3. – Sur ce risque, P. Crocq, La nouvelle fiducie-sûreté : une porte
ouverte sur une prochaine crise des subprimes en France : La Lettre Omnidroit 42, 2009, p. 2 s.). D'autre part, les dispositions spécifiques régissant la fiducie-
sûreté s'étendent désormais aux fiducies constituées par les personnes morales (C. civ., art. 2372-6 et 2488-6 abrogés. – V. n° 13 ). Enfin, la limitation de
l'affectation de la propriété en garantie d'une nouvelle dette à la seule hauteur de la valeur de l'actif estimé au jour de la recharge n'affecte que les fiducies
constituées par des personnes physiques (V. C. civ., art. 2372-5 et 2488-5. – Sur la réforme de la fiducie par la loi du 12 mai 2009, V. L. Aynès, P. Crocq,
C. Lefort, Février 2009-octobre 2009, une période riche d'actualités pour le notariat : Dr. & patr. déc. 2009, p. 96 s.). Les dispositions de la loi ayant trait à la
fiducie sont entrées en vigueur immédiatement.

15. – Une réforme avortée –


La fiducie aurait connu en 2009 une énième réforme de taille, qui aurait ébranlé les fondements mêmes de la fiducie, sans la censure providentielle du Conseil
constitutionnel. Le texte de loi tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises, tel qu'il avait été adopté par le Parlement le 17 septembre
2009, comprenait un article 16, introduit à l'initiative de la commission des finances du Sénat par la voix du sénateur Philippe Marini. Cette disposition complétait
l'article 2011 par un deuxième alinéa énonçant : « Le fiduciaire exerce la propriété fiduciaire des actifs figurant dans le patrimoine fiduciaire, au profit du ou des
bénéficiaires, selon les stipulations du contrat de fiducie ». Cette réforme visait à permettre l'utilisation de la fiducie dans le cadre de l'émission de sukuks, l'un des
instruments de la finance islamique, sur la place financière de Paris (V. J. Charlin, Fiducie, sukuk et autres murabaha ou ijara. À propos de la finance islamique :
JCP N 2009, 1270). La charia impliquant que les porteurs de sukuks aient un droit réel sur les actifs, il fallait, selon les promoteurs de la réforme, adapter la
fiducie à cette exigence, à l'image du trust qui accueille les sukuks au Royaume-Uni. Une telle innovation aurait considérablement obscurci la fiducie, puisque
l'alinéa 1er de l'article 2011 caractérise la fiducie par un transfert de biens au profit du fiduciaire dont il est logique de déduire qu'il en devient propriétaire, alors
que l'alinéa 2 projeté ne semble lui accorder que de simples pouvoirs ou un droit réel innommé lui permettant « d'exercer la propriété fiduciaire » au profit d'autrui.
On se serait perdu en conjectures sur la nature respective des droits du fiduciaire et du constituant et mis à douter de la réalité du transfert de propriété, ce qui
aurait fragilisé considérablement la fiducie, notamment la fiducie-sûreté. La légèreté avec laquelle cette réforme d'ampleur du droit d'emprunt de la fiducie a été
adoptée pour répondre à un objectif limité laisse songeuse. Il est heureux que le Conseil constitutionnel ait censuré l'article 16, parallèlement à une autre
disposition visant les experts-comptables (art. 14), au titre des cavaliers législatifs : « Ces dispositions, qui ne présentent aucun lien, même indirect, avec celles
qui figuraient dans la proposition de loi tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises, ont été adoptées selon une procédure contraire
à la constitution » (Cons. const., 14 oct. 2009, n° 2009-589 DC. – V. A. Raynouard, Lorsque le Conseil constitutionnel sauve le Code civil d'un alinéa inutile et
inefficace… tout en mettant la fiducie (encore) sous les feux de la rampe : JCP N 2010, 1014. – Sur les critiques de l'article 16, V. aussi Fr. Barrière, Propriété,
fiducie et sukuk : JCP E 2011, études et commentaires 1203, l'auteur mettant en doute qu'un dédoublement de la propriété soit réellement nécessaire pour
répondre aux exigences de la charia. – F.-X. Lucas, La fiducie au Pays de l'or noir : Bull. Joly Sociétés 2009, p. 825, n° 10. – L. Aynès, et P. Crocq, La fiducie
préservée des audaces du législateur : D. 2009, p. 2559. – Rappr., la discussion au Liban, A. El-Dayé, La fiducie en droit privé libanais, préf. Cl. Witz : PU
Strasbourg 2008, n° 281 s.).

16. – Ordonnance du 12 février 2020 –


Prises sur le fondement de l'habilitation donnée au Gouvernement par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des
entreprises (loi PACTE, art. 203), dans le cadre de la transposition de la cinquième directive anti-blanchiment 2018/843, deux modifications de portée mineure ont
été apportées par l'ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme (L. Saenko, Le trust, la fiducie et le délit de blanchiment : JCP N 2022, n° 45, 1265). L'une a trait au tiers que le constituant peut désigner en vue de
veiller à la préservation de ses intérêts. Selon l'article 2017, alinéa 3 nouveau, « le constituant doit informer le fiduciaire de la désignation de ce tiers ». Par
ailleurs, il incombe au fiduciaire d'établir à cette occasion un écrit soumis à enregistrement. À cette formalité est associée une seconde de même nature se
rapportant aux bénéficiaires effectifs de la fiducie (C. civ., art. 2019, al. 3 nouveau).

17. – Ordonnance du 15 septembre 2021 –


L'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés affecte la fiducie-sûreté sous deux principaux aspects. En premier lieu,
elle apporte diverses retouches aux articles 2372-1 à 2372-5 formant désormais, dans le cadre de la section 2 « De la propriété cédée à titre de garantie », une
sous-section 1 « De la fiducie à titre de garantie », cette dénomination étant réservée à la fiducie conclue en application des articles 2011 à 2030. Ces
modifications répondent au souci légitime de préciser et d'assouplir le régime juridique de la sûreté. D'une part, une nouvelle disposition (C. civ., art. 2372-1, al. 2)
énonce que « l'obligation garantie peut être présente ou future ; dans ce dernier cas, elle doit être déterminable », alignant ainsi le régime de la fiducie sur celui
des autres sûretés réelles, qu'il s'agisse du gage (C. civ., art. 2333), du nantissement (C. civ., art. 2356) ou de l'hypothèque (C. civ., art. 2421) (V. Ph. Simler, La
réforme du droit des sûretés, Commentaire article par article : LexisNexis Actualité, 2022, p. 89). D'autre part et surtout, la réforme supprime à l'article 2372-2
l'exigence de l'indication de la valeur du bien ou du droit transféré dans le patrimoine fiduciaire. Ce faisant, elle met fin à une spécificité empreinte de suspicion
par rapport aux autres sûretés réelles. Enfin, la réforme ouvre au fiduciaire, en cas de défaillance du débiteur, la faculté de vendre le bien ou le droit au prix qu'il
estime, sous sa responsabilité, correspondre à sa valeur, au cas où il ne trouverait pas d'acquéreur au prix fixé par expert (C. civ., art. 2372-3, al. 4) (sur ces
différents aspects, V. not. S. Farhi, La fiducie-sûreté dans l'ordonnance de réforme du droit des sûretés du 15 septembre 2021 : RLDC n° 199, janv. 2022, p. 23).

En second lieu, la réforme consacre, à côté de la fiducie débouchant sur un patrimoine d'affectation, deux « fiducies-sûretés simplifiées », selon une expression
doctrinale (M. Grimaldi, Présentation de la réforme : D. 2022, p. 226, spéc., p. 229). Il s'agit de la cession à titre de garantie, forgée sur le modèle de la cession
Dailly (sous-section 2. – De la cession de créance à titre de garantie, de la section 2 préc., art. 2373 à 2373-3) et de la cession de somme d'argent à titre de
garantie, connue de longue date sous le nom équivoque de gage-espèces (sous-section 3-De la cession de somme d'argent à titre de garantie, art. 2374 à 2374-
6). Même si elles ne peuvent pas se parer de l'appellation légale « fiducie », les cessions de créance et de somme d'argent ne sont autres que des illustrations
ancestrales de la fiducie-sûreté (sur ces deux aspects de la réforme, V. C. Gijsbers, Le gage et les sûretés sur créances : RDC 2021/4, p. 74 s., spéc., p. 78 s. –
M. Julienne, Les sûretés sur la monnaie au lendemain de l'ordonnance du 15 septembre 2021 : RDC 2021/4, p. 101, p. 103 s.).

II. - Constitution de la fiducie

18. – Plan –
La fiducie est soumise à de nombreuses conditions de fond et de lourdes conditions de forme, donnant l'impression d'une institution d'exception, en dépit de son
intégration dans le Code civil.

A. - Conditions de fond

19. – Quatre types de conditions –


La fiducie a pour source exclusive le contrat ou la loi. Elle implique un transfert de biens, de droits ou de sûretés, sans pour autant que le contrat ait une nature
réelle. La fiducie répond à une finalité de gestion ou de sûreté, sans pouvoir être le support d'une libéralité. Enfin, elle implique des intervenants, dont l'un, le
fiduciaire, obéit à des conditions restrictives.

1° Contrat ou loi

20. – Rôle résiduel de la fiducie légale –


Selon l'article 2012, alinéa 1er, du Code civil, « la fiducie est établie par la loi ou par contrat ». Aussi la fiducie est-elle définie, à l'article 2011, comme une
« opération », dont on a pu dire, à juste titre qu'elle « ne correspond pas à une catégorie juridique précisément définie par le Code civil » (V. amendement
présenté par M. Badinter et a., en vue de remplacer ce terme par celui de contrat, puis retiré en raison de la référence à la fiducie légale dont la suppression
n'avait pas été sollicitée : Sénat, séance 17 oct. 2006 : JO Sénat 18 oct. 2006, p. 6694). La mention contestable de la fiducie légale est issue de la Commission
des lois du Sénat, au motif que des « mécanismes fiduciaires spécifiques » peuvent être institués, à l'avenir, par la loi, et non en vertu d'un contrat (Rapp. H. de
Richemont, annexé au procès-verbal, séance 11 oct. 2006, p. 47). Le rapport cite à ce propos l'exemple de l'affectation obligatoire de biens par les exploitants
d'installations nucléaires aux fins du financement futur de leur démantèlement, en vertu de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative aux installations nucléaires (
JO 14 juin 2006, texte n° 2). Mais comme on a pu l'observer à propos de cet exemple, les actifs affectés « s'analysent davantage comme une provision pour une
charge prévisible de moyen à long terme et non comme un transfert à un tiers, en vue d'une gestion ou d'une garantie concernant le démantèlement desdites
installations » (X. de Roux, Rapport au nom de la commission des lois : Doc. n° 3655, séance 1er févr. 2007, p. 35). À ce jour, l'éventualité d'une fiducie légale ne
s'est pas réalisée.

21. – Recours obligé au contrat et ses conséquences –


Hors l'hypothèse d'une improbable fiducie trouvant sa seule source dans la loi, la fiducie implique toujours un contrat (V., C. civ., art. 2011, al. 1er : « La fiducie
est établie par la loi ou par contrat » ; en ce sens déjà, projet de 1992, art. 2062). Deux conséquences en découlent. La fiducie des articles 2011 et suivants ne
saurait être établie directement par voie testamentaire, contrairement au trust et à la fiducie allemande ou suisse. Par ailleurs, une fiducie entre vifs ne peut pas
être créée unilatéralement par le constituant, à la différence du trust. En conséquence, le constituant ne peut pas se déclarer unilatéralement propriétaire
fiduciaire de tout ou partie de ses biens, en vue de les gérer personnellement en tant que fiduciaire ou de les isoler dans l'attente d'un transfert ultérieur à un
fiduciaire tiers. Pas davantage ne pourrait-il conclure un contrat translatif en sa double qualité de constituant et de fiduciaire. Un courant doctrinal se prononce
néanmoins en faveur d'un cumul possible des qualités de constituant et de fiduciaire, ce qui impliquerait l'admission d'un transfert de biens entre un patrimoine
personnel et un patrimoine fiduciaire dont une même personne serait titulaire (V. M. Dubertret, Les parties au contrat de fiducie : D. 2022, p. 716, spéc., n° 16-19).
Mais une telle opération contreviendrait à la prohibition du contrat avec soi-même (à rappr., en matière de représentation de personnes physiques, C. civ.,
art. 1161). De surcroît, elle permettrait aisément la sanctuarisation d'actifs d'un constituant (personne morale ou avocat), sans que celui-ci ne soit privé en tant
que fiduciaire de ses pouvoirs de gestion de son patrimoine anciennement personnel, et ce à son seul profit, le constituant pouvant être bénéficiaire exclusif de la
fiducie (sur ce dernier point, V. n° 61 ). À titre de comparaison, le Code civil québécois prévoit que « le constituant ou le bénéficiaire peut être fiduciaire, mais il
doit agir conjointement avec un fiduciaire qui n'est ni constituant ni bénéficiaire » (C. civ., art. 1275. – Sur cette norme destinée à assurer la réalité du transfert
des biens et leur administration indépendante, V. M. Cantin Cumyn, « La fiducie du Québec, un modèle imitable ? », in Step France, Trust & fiducie : concurrents
ou compléments ?, Actes du colloque tenu à Paris les 13 et 14 juin 2007 : Academy & Finance, Genève 2008, p. 85, spéc. p. 95 et s. – Pour des limites
comparables en matière de trust, V. M.-F. Papandréou – Deterville, Le droit anglais des biens : LGDJ 2004, n° 706).

2° Transfert de biens, de droits ou de sûretés

a) Condition d'un transfert initial


22. – Dans le prolongement de la fiducie romaine, la fiducie française des articles 2011 et suivants implique un « transfert » par le constituant au fiduciaire. La
définition légale de la fiducie ne reflète donc pas une conception élargie de la fiducie, qui aurait permis d'englober sans conteste les opérations par lesquelles le
gestionnaire est chargé d'acquérir des actifs auprès de tiers en préfinançant cette acquisition. La loi de 2007 est fidèle, ce faisant, à l'avant-projet de 1992, dans
la préparation duquel une conception élargie de la fiducie avait été débattue, mais en vain, en raison de l'opposition du ministère des Finances motivée par des
craintes d'évasion fiscale. La fiducie nommée française s'écarte ainsi de la définition qu'en donne le législateur luxembourgeois (« Un contrat fiduciaire au sens du
présent titre est un contrat par lequel une personne, le fiduciant, convient avec une autre personne, le fiduciaire, que celui-ci, sous les obligations déterminées par
les parties, devient propriétaire de biens formant un patrimoine fiduciaire » : L. luxembourgeoise, 27 juill. 2003, relative au trust et aux contrats fiduciaires, art. 5. –
Dans un sens voisin, C. Witz, La fiducie en droit privé français, thèse Strasbourg 1979 : Economica 1980, préf. D. Schmidt, n° 16). La définition légale française
risque d'entraver certaines opérations de portage de titres (V., sur ces opérations, D. Schmidt, Les opérations de portage de titres de sociétés, in C. Witz (dir.),
Les opérations fiduciaires, Colloque de Luxembourg, Feduci et LGDJ, 1985, p. 29. – F. Lucas, Les transferts temporaires de valeurs mobilières. Pour une fiducie
de valeurs mobilières, préf. L. Lorvellec : LGDJ 1997, n° 103 s. – S. Le Normand-Caillère, Droit et fiscalité du transfert temporaire de valeurs mobilières, 2015).
L'article 2011 ne semble toutefois pas fermer la voie à l'emploi de la fiducie en cas de remise de fonds par le constituant au gestionnaire chargé d'acquérir les
titres (en ce sens aussi, F. Barrière, La fiducie, Commentaire de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007, 1re partie : Bull. Joly Sociétés 2007, p. 440 s., spéc., n° 11)
. Tel apparaît d'autant plus le cas que l'article 2011 vise aussi, pour servir d'assiette à la fiducie, un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou
« futurs » (V. n° 24 ).

b) Objet du transfert

23. – Biens, droits ou sûretés –


La redondance des termes à laquelle le législateur a eu recours est critiquable (V. R. Libchaber, Les aspects civils de la fiducie dans la loi du 19 février 2007
(1re partie) : Defrénois 2007, art. 38631, n° 8. – Fr. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens : PUF, 3e éd., 2008, n° 255). Le Code civil considère les droits
incorporels comme des biens (C. civ., art. 526 et 529). La mention expresse des sûretés, également redondante puisque toutes les sûretés sont des droits, est
due à une initiative de la Commission des lois du Sénat. Elle traduit la volonté de « rassurer les milieux économiques qui […] ont fortement insisté pour une telle
utilisation de la fiducie » (rapp. H. de Richemont préc., p. 45, sans qu'il soit clair si les milieux d'affaires avaient plaidé pour l'intégration dans le patrimoine
fiduciaire de sûretés ou, plus probablement, pour la consécration de la fiducie-sûreté).

24. – Le plus souvent, le contrat portera sur des biens présents figurant, lors de la conclusion du contrat, dans le patrimoine du constituant. Mais le contrat peut
également avoir pour objet, à titre subsidiaire ou principal, des biens futurs appelés à entrer dans le patrimoine du fiduciaire. En visant les biens futurs, l'
article 2011 du Code civil apparaît comme une application particulière de l'article 1130, alinéa 1er du Code civil (« les choses futures peuvent être l'objet d'une
convention »), dont les ventes de choses futures sont une illustration notable. Ainsi, un constituant pourra transférer à titre de garantie des marchandises en
cours de fabrication ou des choses de genre devant être acquises préalablement auprès de tiers. Un transfert fiduciaire de corps certains appartenant à autrui au
jour de la conclusion du contrat est également parfaitement admissible, leur entrée dans le patrimoine fiduciaire étant toutefois nécessairement reportée dans le
temps, sans que l'efficacité juridique du transfert puisse être menacée d'une quelconque manière par le principe de la prohibition de la vente de la chose d'autrui
posée par l'article 1599 du Code civil.

25. – Exclusion des dettes –


L'article 2011 vise uniquement un transfert de biens, de droits ou de sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, sans mentionner un éventuel
transfert de dettes. S'il n'est pas douteux que le patrimoine fiduciaire puisse être grevé de dettes contractées par le fiduciaire en cours de fiducie (V. C. civ.,
art. 2025, al. 1er), la question se pose de savoir si les transferts opérés par le constituant au fiduciaire peuvent porter sur des dettes, notamment dans le cadre
d'opérations de défaisance. Eu égard au libellé de l'article 2011, une partie de la doctrine l'exclut. D'autres auteurs estiment au contraire que le transfert opéré par
le constituant au fiduciaire puisse porter sur des dettes (V. n° 33 ). Cette seconde position mérite d'être approuvée. En effet, on s'interrogerait en vain sur la ratio
legis d'une interdiction légale puisqu'un transfert fiduciaire de dettes ne fragiliserait en rien la position des créanciers, la cession de dette impliquant l'accord du
créancier (C. civ., art. 1327). Par ailleurs, si l'« ensemble de biens » (C. civ., art. 2011) transféré au fiduciaire constitue une universalité de droit, tel un patrimoine
fiduciaire préexistant, le transfert du patrimoine entraînera le transfert des dettes qui y sont incluses, à supposer que l'on admette, dans cet exemple, la possibilité
d'une cession du patrimoine fiduciaire sans que soit requise une cession individualisée des actifs qui le composent.

c) Transfert de propriété

26. – Il ne fait guère de doute que le contrat de fiducie emporte transfert de propriété des biens corporels ou cession des créances par le constituant au fiduciaire.
En d'autres termes, les biens objets de la fiducie sortent du patrimoine du constituant pour entrer dans celui du fiduciaire. Celui-ci est désormais titulaire d'un ou
de plusieurs patrimoines fiduciaires, qui voisinent avec son « patrimoine propre » (C. civ., art. 2011).

En reposant ainsi sur un transfert de propriété, la nouvelle fiducie reflète la conception traditionnelle de l'institution, tel que le projet de loi de 1992 l'avait déjà
consacrée. Une doctrine minoritaire estime néanmoins que la fiducie des articles 2011 et suivants du Code civil n'est pas translative de propriété : de l'ensemble
des dispositions de la loi, « il n'est jamais dit que le fiduciaire est devenu propriétaire ; tout au contraire, la loi semble bâtie sur l'idée d'une propriété, mais tenue
entre les mains du constituant » (R. Libchaber, Les aspects civils de la fiducie dans la loi du 19 février 2007 (1re partie) : Defrénois 2007, art. 38631, n° 19).
Depuis lors, ce courant doctrinal s'est renforcé (V., not., B. Mallet-Bricout, « Fiducie et propriété », in Liber amicorum Christian Larroumet : Economica, 2010,
p. 297 ; Le fiduciaire propriétaire ? : JCP E 2010, 1191. – M. Nicolle, La fiducie sans transfert de propriété au fiduciaire : D. 2014, p. 2071. – I. Tosi-Dupriet, « La
fiducie-gestion, un cas de pouvoir sans propriété », in Études en l'honneur du professeur Marie-Laure Mathieu : Bruylant 2019, p. 819, le fiduciaire ne se voyant
allouer qu'un droit réel sui generis. – C. Gouret, L'administration fiduciaire, Contribution à l'étude de la fiducie, avant-propos M.-L. Mathieu, préf. Ch. Albiges et Fr.
Pérochon : Defrénois, 2022, en faveur d'une évolution souhaitable de l'institution face aux difficultés que susciterait l'analyse « propriétariste » de la fiducie, le
fiduciaire n'étant qu'un administrateur doté de pouvoirs. – À rappr., C. Gijsbers, Sûretés réelles et droit des biens, préf. M. Grimaldi : Economica, 2016, dénonçant
l'inadaptation du régime de la propriété à la fonction de sûreté, spéc. n° 317-385. – Et A. Raynouard, L'affectation d'actifs entre réalité et personnalité : le droit de
propriété « instrumentalisé » (trust, fiducie, fondation)… ou « opérationalisé » : JCP N 2022, n° 45, 1260 qui estime que la fiducie consacre un nouveau droit réel
« compris comme un droit sur la chose d'autrui ». – P. Bouathong, Fiducie et trust : le droit français est-il à la hauteur ? Perspective (s) de la fiducie « à la
française » : JCP N 2022, n° 44, 1251, qui parle d'une « figure inédite »). À juste titre, la doctrine majoritaire ne remet pas en cause la conception traditionnelle de
la fiducie fondée sur un transfert de propriété au fiduciaire (outre les positions exprimées dans les manuels et traités, V., not. Fr. Barrière, Rép. civ. Dalloz, V°
Fiducie, n° 67 s. – C. Berger-Tarare, Le fiduciaire défaillant, Regards croisés en droit des biens et droit des obligations, préf. B. Mallet-Bricout : LGDJ 2015, spéc.,
n° 132 s. – P. Crocq, « Propriété fiduciaire, propriété unitaire », in Association Capitant (dir.), La fiducie dans tous ses états, Journée nationale, T. XV : Dalloz,
2011, p. 9. – F. Estienny, La fiducie : aspects juridiques et fiscaux, Contribution à l'étude du patrimoine fiduciaire, préf. A. de Bissy, t. 60 : Defrénois, 2018, spéc.,
n° 65 s.).

Il est peu probable que la jurisprudence accueille un jour la thèse d'une fiducie non translative de propriété. En effet, la volonté du législateur de consacrer une
fiducie translative de propriété ne fait pas de doute. Rien ne permet d'affirmer qu'il faille interpréter les termes de transférer ou de transfert (C. civ., art. 2011 et
2018) ou celui de mutation (C. civ., art. 2021, al. 2) dans un sens différent de leur signification première. Si la fiducie n'était pas translative de propriété, nul besoin
de mettre les biens à l'abri des créanciers personnels du fiduciaire (C. civ., art. 2025. – V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 20 ou Notarial Répertoire, V°
Fiducie, fasc. 20 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 786). La fiducie pouvant également servir de mécanisme de garantie, une fiducie-sûreté non translative de
propriété créerait uniquement un droit réel accessoire, à la fois voisin et distinct de celui du gage et de l'hypothèque, ce qui serait source de complication.
Observons enfin que la volonté du législateur de bâtir la fiducie sur un transfert de propriété a été confirmée, en matière de fiducie-sûreté, par les nouvelles
dispositions du Code civil consacrées à « la propriété cédée à titre de garantie » (C. civ., art. 2372-1 à 2372-5 et 2488-1 à 2488-5), issues de l'ordonnance
n° 2009-112 du 30 janvier 2009 (V. n° 13 ), cette consécration s'étant vue renforcée par l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 (V. n° 17 ). Le vote par
le Parlement de l'article 16 du texte de loi du 17 septembre 2009, censuré par le Conseil constitutionnel (V. n° 15 ), disposition qui entendait reconnaître au
fiduciaire un simple droit « d'exercice du patrimoine fiduciaire » dont le constituant serait demeuré titulaire montre, en renfort, que le schéma initial, préservé à ce
jour, est bien celui d'une attribution au fiduciaire de la propriété des biens composant le patrimoine fiduciaire, solution dont l'article 16 du texte de loi précitée
voulait s'écarter.

d) Traits caractéristiques de la propriété fiduciaire

27. – La propriété du fiduciaire se distingue, sur un plan substantiel, mais non formel, de la propriété classique au service exclusif de son titulaire. En effet, le
fiduciaire se voit privé, par les obligations pesant sur lui, des avantages économiques attachés aux biens dont il est propriétaire. D'où le florilège d'expressions
utilisées pour désigner la propriété du fiduciaire, propriété affectée ou finalisée, selon une désignation fréquente en doctrine, ou encore, de manière moins
heureuse, propriété dégradée (H. de Richemont, Rapport de la Commission des lois du Sénat, séance 11 oct. 2006, p. 12. – Ph. Marini, La fiducie, enfin ! : JCP E
2007, 2050 s., spéc. n° 4) ou modelée (exposé des motifs de la proposition de loi, Rapport de la Commission des lois du Sénat, séance 11 oct. 2006, p. 5). En
dépit des obligations pesant sur lui, le fiduciaire n'en est pas moins pleinement propriétaire des biens qui lui sont transférés. Il a l'exclusivité des prérogatives qui
sont attachées à la propriété. C'est ainsi qu'il est le seul qualifié pour exercer les actions en revendication contre les tiers. Par ailleurs, la fiducie ne porte pas
atteinte à la perpétuité de la propriété, même si le fiduciaire n'est que temporairement titulaire du droit de propriété (V. M. Mignot, Droit des sûretés et de la
publicité foncière : LGDJ, 3e éd., n° 1465), ce qui n'a rien d'exceptionnel (V., par ex., les ventes avec pacte de rachat). Quant au fructus, seul le fiduciaire a
qualité pour percevoir les fruits, même s'il lui est prohibé, contractuellement, de les consommer. L'abusus juridique du fiduciaire reste souvent intact, en matière
mobilière, quoique tempéré par l'obligation de remploi. L'inaliénabilité frappant généralement les biens immobiliers transférés au fiduciaire, n'a-t-elle aussi rien
d'inhabituel (sur les clauses d'inaliénabilité, V. Fr. Terré et Ph. Simler, Droit civil. Les biens : Dalloz, 10e éd., 2018, n° 131 s.). Même affectée ou finalisée, la
propriété du fiduciaire demeure une propriété, indépendamment de ses applications, comme mode de gestion ou de sûreté. Il ne saurait toutefois être nié, à
propos de la fiducie-sûreté, que celle-ci subit particulièrement l'attraction de diverses règles régissant les sûretés réelles (V. not. le formalisme, le caractère
rechargeable sur le modèle de l'hypothèque ainsi que diverses règles du droit des procédures collectives, n° 48). Le droit de propriété classique de l'article 544 du
Code civil fléchit, mais ne rompt pas.

Sans doute peut-on adopter, pour la fiducie, un schéma reposant sur un dédoublement de la propriété, comme c'est le cas traditionnellement du trust anglo-
saxon, eu égard à la dichotomie entre le legal ownership et l'equitable ownership, (G. Helleringer, Le trust de droit anglais : JCP N 2022, n° 44, 1256) ou encore
sur l'octroi au fiduciaire d'un droit réel sui generis comme l'illustre le Bewind hollandais le fiduciant demeurant propriétaire. Mais le modèle français est différent De
lege ferenda, il devrait en être de même sous l'empire du droit suisse : l'avant-projet visant à introduire le trust dans le code des obligations rend le trustee
propriétaire des biens du trust (V. Projet d’article 529 l C.O.S, Avant-projet, 22 janv. 2022, site officiel de la Confédération suisse).

3° Nature réelle du contrat de fiducie

28. – En énonçant que la fiducie est l'opération par laquelle « un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés », l'article 2011 pourrait
accréditer la thèse selon laquelle le contrat de fiducie, à l'image du contrat de dépôt ou du contrat de prêt – sous réserve du prêt consenti par un professionnel du
crédit – est un contrat réel, à savoir un contrat supposant, pour sa formation même, la remise des biens fiduciés au fiduciaire (V. la définition légale du contrat réel
par C. civ., art. 1109, al. 3 et 1172, al. 3 nouveaux). En d'autres termes, le contrat de fiducie ne serait pas formé tant que le fiduciaire n'aurait pas été mis en
possession des biens à gérer ou à tenir en garantie d'une créance.

La thèse de la nature réelle du contrat de fiducie mérite d'être rejetée. Outre les arguments traditionnels susceptibles d'être invoqués à l'encontre de la catégorie
des contrats réels, (V., sur les débats suscités par les contrats réels, V. F. Terré, Ph. Simler, et Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil, Les Obligations : Dalloz, 12
éd., 2019, n° 211 s.), on peut objecter que la fiducie peut porter sur les biens les plus divers, tels des créances ou des biens. Or, le législateur a consacré la règle
selon laquelle la cession de créances est opposable aux tiers dès la date du contrat de fiducie (C. civ., art. 2018-2. – V. n° 84 ). Quant aux biens futurs, rien ne
permet de penser, à la lecture de l'article 2011, que leur nature fasse obstacle à la formation du contrat au jour de la rédaction du contrat de fiducie : seuls les
effets du contrat de fiducie, en tant qu'ils se rapportent aux biens futurs, seront nécessairement reportés dans le temps. Au demeurant, l'intérêt pratique attaché à
la nature réelle ou non du contrat de fiducie est limité. Bien qu'il n'ait pas la nature de contrat réel, le contrat de fiducie n'en est pas moins subordonné à une
formalité, celle de la confection d'un écrit requis à des fins de validité (V. n° 69 ). Dès lors, l'intérêt essentiel de la discussion se limite au cas où le constituant se
raviserait, après la conclusion du contrat non accompagné d'un transfert d'actifs, à transférer ces derniers au fiduciaire (adde, comme autre intérêt tangible, le
moment du transfert des risques). Si le contrat de fiducie s'analysait en un contrat réel, seule une condamnation à des dommages et intérêts pour violation
d'obligations nées d'un avant-contrat serait en principe envisageable, à l'exclusion d'une exécution forcée en nature (V. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F.
Chénedé, Droit civil, Les Obligations : Dalloz, 12 éd., 2019, n° 212).
4° Finalités de la fiducie

a) Typologie des fiducies

29. – Fiducie-gestion et fiducie-sûreté –


Le « but déterminé » pour lequel le ou les fiduciaires « agissent au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires » (C. civ., art. 2011) imprime au contrat de fiducie sa
physionomie particulière, en traduisant la finalité du transfert de propriété opéré par le constituant au fiduciaire. Celle-ci n'est pas précisée par le texte. Dans le
prolongement de la fiducia cum amico et la fiducia cum creditore du droit romain, il est d'usage de distinguer, en France, à l'image des expériences de la fiducie
dans les pays voisins (Allemagne et Suisse notamment), la fiducie-gestion de la fiducie-sûreté, la fiducie-libéralité apparaissant comme une simple variété de la
fiducie-gestion (Cl. Witz, La fiducie en droit privé français, thèse Strasbourg 1979 : Economica 1980, préf. D. Schmidt, n° 56). Cette terminologie s'est très vite
imposée en doctrine, en dépit de certains doutes qui ont pu être exprimés en faveur d'expressions moins ramassées, comme la fiducie à fins de gestion ou la
fiducie à fins de garantie (V. en ce sens, G. Cornu : RTD civ. 1982, p. 363). Il est intéressant d'observer que la dénomination « fiducie-sûreté » a fait une timide
apparition dans la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE (art. 16.I, autorisant le
gouvernement à réformer par voie d'ordonnance le droit des sûretés, 10°), alors que les subdivisions au sein du Code civil consacrées à la fiducie-sûreté
recourent aux dénominations « Fiducie à titre de garantie » (V. C. civ., art. 2372-1 à 2372-5 pour les biens mobiliers ; art. 2488-1 à 2488-5 pour les biens
immobiliers).

À propos de l'avant-projet de 1990, divers auteurs avaient ajouté à la panoplie existante la fiducie-transmission, qualifiée parfois de fiducie-mutation, applicable
au cas où le fiduciaire est chargé de transférer les biens à un tiers, ajout influencé par le droit fiscal. Il est permis d'être réservé à l'égard de ce troisième type de
fiducie, qui a perduré sous la plume de quelques auteurs (V. not., G. Blanluet et Y. Le Gall, La fiducie, une œuvre inachevée (1re partie) : Dr. sociétés 2007, n° 7,
étude 9, n° 2. – V. aussi la proposition Marini, art. 2062 visant des finalités « de gestion, de garantie ou de transmission à titre onéreux »). En effet, même la
fiducie-gestion à deux personnes se dénoue normalement par un transfert (« une transmission ») dans le patrimoine du constituant. Ainsi, la « transmission » des
biens composant le patrimoine fiduciaire, à l'issue de l'opération, n'est pas l'apanage de la fiducie-transmission. Peu importe, à cet égard, la qualité du
destinataire du transfert final. Par ailleurs, la mission du fiduciaire en cours de fiducie est largement comparable, qu'elle soit exercée au profit du constituant ou
d'un tiers bénéficiaire. Il semble donc inutile d'ériger la fiducie-transmission en un troisième type de fiducie.

La loi de 2007 n'a pas repris la typologie fiducie-gestion et fiducie-sûreté, pour des raisons peu convaincantes. Une telle distinction a été jugée « préjudiciable à
l'utilisation de l'institution fiduciaire par des acteurs économiques ou financiers qui pourraient souhaiter, par exemple, qu'un même contrat remplisse à la fois une
fonction de garantie et une fonction de gestion » (H. de Richemont, Rapport de la Commission des lois du Sénat, séance 11 oct. 2006, p. 29. – V. aussi X. de
Roux, qui se réfère à un but non encore découvert à ce jour, fruit probable de l'ingéniosité des professionnels de la finance, Rapport au nom de la commission
des lois : Doc. n° 3655, séance 1er févr. 2007, p. 33). Les divers participants aux débats parlementaires n'en ont pas moins utilisé fréquemment cette typologie
(V. par ex., les interventions de M. P. Clément, garde des Sceaux, séance Sénat, 17 oct. 2006 : JO Sénat 18 oct. 2006, p. 6694, et de M. T. Breton, ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie, séance Assemblée nationale, 7 févr. 2007 : JOAN 8 févr. 2007, p. 1025. – Adde Règl. Comité de la réglementation
comptable n° 2008-01, 3 avr. 2008, qui consacre cette typologie).

Plus récemment, la distinction de la fiducie-gestion de la fiducie-sûreté a été jugée en doctrine « un peu réductrice », car les parties peuvent, sous l'empire du
texte de loi, « imaginer toute forme d'utilité qu'elles pourront retirer du fait de confier à autrui la propriété d'un bien dans un but déterminé » (Fr. Zenati-Castaing et
T. Revet, Les biens : PUF, 3e éd., 2008, n° 263. – V., dans un sens comparable, P. Puig, La fiducie et les contrats nommés : Dr. & patr. juin 2008, n° 171,
p. 68 s., spéc. p. 70), selon lequel s'ajouteraient aux fiducies-gestion et aux fiducies-sûreté, les fiducies-dépôt, les fiducies-séquestre, les fiducies-mutation à titre
onéreux. Cette objection pose plus fondamentalement la question de la pertinence du terme de gestion apposé à l'une des formes de fiducie. Ce terme nous
semble pleinement justifié. Utilisé par le législateur dans des domaines les plus divers (gestion d'affaires, gestion des biens des mineurs, de l'indivision, de la
communauté conjugale, gestion de portefeuilles de valeurs mobilières, gestion de fonds de commerce, gestion des sociétés, etc.), il a l'avantage d'être
suffisamment souple pour couvrir les formes les plus diverses de gestion, aussi bien la gestion dynamique, dans une perspective d'optimisation du patrimoine,
que la gestion statique ou conservatoire. Par ailleurs, le terme rappelle une caractéristique commune des gestions pour autrui, à savoir l'interdiction d'agir dans
un intérêt personnel et préfigure le régime applicable à la responsabilité du fiduciaire (faute de gestion). Enfin, la fiducie à des fins de garantie, qui est une sûreté
au plein sens du terme, appelle une expression qui soit de nature à lui permettre d'être distinguée d'emblée des fiducies exercées dans d'autres finalités. Par
ricochet, ces dernières nécessitent une dénomination qui puisse les distinguer des fiducies-sûretés. Aussi, il y a lieu de maintenir, sous l'empire de la loi, la
typologie traditionnelle, tout en précisant qu'une même opération peut répondre aux deux finalités. Tel sera le cas d'une opération de portage de titres financés
par le fiduciaire porteur, dans le cadre de laquelle le transfert des titres au constituant à l'issue de la gestion est subordonné au remboursement par le constituant
des fonds nécessaires à l'acquisition des titres. Tel pourra également être le cas d'une gestion de sûretés par un fiduciaire au profit d'un groupe de créanciers
dont il fait lui-même partie. Ces précisions terminologiques étant faites, c'est à l'aune de la fiducie-gestion, de la fiducie-libéralité (prohibée) et de la fiducie-sûreté
que les applications potentielles de la fiducie seront déclinées.

b) Fiducie-gestion

1) Vie des affaires

30. – Alors que la fiducie-gestion était rarement utilisée dans les premières années d'application de la loi du 19 février 2007, il semblerait que son usage
commence à se développer (V., B. Robin et R. Lantourne, La pratique de la fiducie-gestion : Actes prat. ing. immobilière 2020, p. 32. – Comp. A. Prüm, Les
applications pratiques de la fiducie en droit des affaires luxembourgeois : JCP N 2022, n° 45, 1262). Il demeure toutefois difficile de se faire une idée précise de
son essor en raison de la confidentialité des affaires et de l'absence de contentieux judiciaire. De temps à autre, le voile sur certaines opérations fiduciaires est
opportunément levé (V. R. Dammann et D. Valdman, Sauvetage d'un groupe de sociétés grâce à une double fiducie : Gaz. Pal. 28 juill. 2011, n° 209, p. 5, étude
16453).

Selon une réponse ministérielle du 17 novembre 2020, le registre national des fiducies recensait au début de l'année 2020 seulement 208 actes relatifs à des
fiducies. Sachant que ces actes peuvent concerner d'autres événements que la constitution, le nombre des fiducies resterait donc plus que modeste (Rép. min.
n° 28723 : JOAN 17 nov. 2020, p. 8192, Grau R.) Le chiffre est sans doute à prendre avec précaution, puisque des praticiens font état d'un nombre de fiducies
sensiblement plus important (interview D. Kotzeva, Banque, juill.-août 2021, n° 858, p. 65). Nul doute cependant que le lourd formalisme auquel est soumis le
contrat de fiducie (V. n° 68 ) ainsi que plausiblement le coût du service d'un fiduciaire professionnel limitent de facto le recours à la fiducie aux opérations haut de
gamme.

31. – Pactes d'actionnaires, portage, garantie de passif –


La fiducie permet d'assurer l'efficacité des pactes d'actionnaires. La réforme du droit des contrats par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 a certes
diminué les risques de révocation de la promesse de vente ou de préférence que contiennent habituellement ces pactes (V. G. Agbodjan, La force obligatoire des
pactes d'actionnaires depuis la réforme du droit des contrats : RD & A 2017, p. 158). En transférant les titres concernés à un fiduciaire, les actionnaires se
trouvent cependant indubitablement mieux protégés contre un éventuel refus de l'un d'eux d'honorer de telles promesses. Le fiduciaire veillera d'exécuter
fidèlement les dispositions du pacte d'actionnaires, notamment celui d'effectuer le transfert des titres au bénéficiaire en cas d'exercice de l'option exercée par ce
dernier. Par ailleurs, les titres étant sortis du patrimoine du constituant, ils sont hors d'atteinte des créanciers du constituant (sur ces avantages R. Dammann,
G. Podeur, Fiducie-gestion et pacte d'actionnaires : Bull. Joly Sociétés 2008, p. 652 s., spéc. p. 653. – P. Morel, La fiducie, outil idéal pour sécuriser l'exécution
des pactes d'actionnaires : Banque mag. 2009, n° 716, p. 55 s. – S. Schiller, La fiducie, un excellent moyen de sécuriser les pactes d'actionnaires : Dr. &
patr. mars 2012, n° 212, p. 71-78. – D. Martin, L'effectivité des clauses relatives au transfert de titres : Bull. Joly Sociétés 2011, n° 07, p. 617. – E. Schlumberger,
Les contrats préparatoires à l'acquisition de droits sociaux : thèse, Dalloz, 2013, n° 537. – F. Estienny, La fiducie : aspects juridiques et fiscaux Contribution à
l'étude du patrimoine fiduciaire, t. 60 : Defrénois Doctorat & Notariat 2018, p. 82 s. – J.-M. Garinot, Pactes d'associés : préférez la fiducie ! : RLDC, n° 168,
1er mars 2019. – G. Le Noach, Le statutaire et l'extrastatutaire en droit des sociétés, vol. 194 : Dalloz, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2020, n° 661. – Y.-
M. Ravet, M. Andreani, Fiducie – 3 Questions – Actualité de la fiducie : JCP E 2018, n° 30, 607). Grâce à l'ouverture de la fiducie aux constituants personnes
physiques par la loi LME du 4 août 2008 (V. n° 11 ), la fiducie pourra jouer un plus grand rôle en ce domaine. Néanmoins, l'efficacité du mécanisme est
susceptible d'être affectée par le décès de l'actionnaire constituant (V. C. civ., art. 2029 et 2030. – Sur ce risque, V. P. Morel, La fiducie, outil idéal pour sécuriser
l'exécution des pactes d'actionnaires : Banque mag. 2009, n° 716, p. 56).

Les parties auront intérêt à régler l'exercice du droit de vote et permettre au constituant, si telle est leur intention, de donner des instructions de vote au fiduciaire
pour éviter que l'acquisition par lui de la qualité d'associé ne prive le constituant de cette prérogative. Lorsque le constituant est une société mère, il risquerait par
la même occasion de perdre le bénéfice du régime d'intégration fiscale ainsi que le régime mère-fille (A. Delhaye, A. Bordenave, L'exercice du droit de vote
attaché à des parts ou actions transférées dans un patrimoine fiduciaire : Option fin. 25 mars 2019. – M. Collet, La fiducie, le traitement fiscal est-il réellement
neutre ? in Fiducie sur titres. Les nouvelles perspectives, Actes du colloque organisé le 22 octobre 2015 par l'Association française des fiduciaires : LGDJ, coll.
Grands colloques, 2017, p. 33. – V. Thomas, Fiducie sur titres sociaux : la qualité d'associé d'un constituant : RLDC, n° 168, 1er mars 2019. – F.-X. Lucas, Peut-
on reconnaître la qualité d'associé au fiduciaire en présence d'une fiducie sur titres sociaux ? in Fiducie sur titres. Les nouvelles perspectives, Fiducie sur titres.
Les nouvelles perspectives, Actes du colloque organisé le 22 octobre 2015 par l'Association française des fiduciaires : LGDJ, coll. Grands colloques, 2017, p. 3.
– F. Barrière, L'exercice des prérogatives d'associé, in Fiducie sur titres. Les nouvelles perspectives, Fiducie sur titres. Les nouvelles perspectives, Actes du
colloque organisé le 22 octobre 2015 par l'Association française des fiduciaires : LGDJ, coll. Grands colloques, 2017, p. 8). La responsabilité que comporte la
mission du fiduciaire qui se voit transférer des titres de sociétés pour lesquels il devrait exercer le droit de vote risquerait d'ailleurs de dissuader certains
professionnels (Ph. Dubois, La responsabilité attachée à la qualité d'associé, enjeux pour le fiduciaire ? in Fiducie sur titres. Les nouvelles perspectives, Fiducie
sur titres. Les nouvelles perspectives, Actes du colloque organisé le 22 octobre 2015 par l'Association française des fiduciaires : LGDJ, coll. Grands colloques,
2017, p. 13. – S. Le Normand-Caillère, Le fiduciaire de droits sociaux : RJ com. 2019, p. 1, n° 5).

Le contrat de fiducie offre également un cadre approprié aux opérations de portage, la fiducie présentant divers avantages par rapport à la technique classique de
la vente assortie d'un pacte de rétrocession (sur le portage, V. F.-X. Lucas, Les transferts temporaires de valeurs mobilières. Pour une fiducie de valeurs
mobilières, préf. L. Lorvellec : LGDJ 1997, n° 491-495, 627 et 657. – F.-X. Lucas, Retour sur le caractère (non) léonin des promesses d'achat d'actions à prix
minimum garanti : Bull. Joly Sociétés 2009, n° 6, p. 583. – D. Schmidt, Les opérations de portage de titres de sociétés, in Les opérations fiduciaires : Feduci et
LGDJ 1985, p. 29 s.). Elle permettrait notamment de « régler définitivement l'irritante question du pacte léonin » (F.-X. Lucas, obs. ss Cass. com., 23 janv. 2007 :
Bull. Joly Sociétés 2007, p. 610 s., spéc. p. 614) et de protéger efficacement le donneur d'ordre en cas de défaillance du porteur (F.-X. Lucas, loc. cit., p. 614. –
Sur les avantages de la fiducie pour réaliser les opérations de portage, V. aussi H. de Vauplane, La fiducie avant la fiducie : le cas du droit bancaire et financier :
JCP E 2007, 2051, n° 14. – F. Estienny, La fiducie : aspects juridiques et fiscaux Contribution à l'étude du patrimoine fiduciaire, t. 60 : Defrénois Doctorat &
Notariat 2018, p. 82 s.). La définition de la fiducie résultant de l'article 2011 du Code civil ne semble pas faire barrage à cette application particulière. En effet,
même si la fiducie implique un transfert de biens, elle peut porter sur des biens futurs devant être acquis par le fiduciaire auprès de tiers, en l'occurrence les titres
portés (V. n° 24 ). Par ailleurs, une avance partielle des fonds destinés à l'acquisition des titres par le donneur d'ordre suffirait à caractériser un transfert de biens
existants, sans que le texte fasse obstacle au jeu de la subrogation si les titres sont financés en grande partie par le fiduciaire. Mais le nécessaire dévoilement
des contrats fiduciaires (V. n° 77 ) peut être un obstacle à celles des opérations de portage appelées à se dérouler dans la discrétion même si l'accès au registre
des fiducies reste réservé à un cercle restreint d'autorités publiques (V. n° 80 ).

Une autre utilisation de la fiducie est envisageable dans le domaine des garanties de passif. Un fiduciaire jouant le rôle d'un tiers objectif et impartial se voit
remettre une partie du prix de vente, qu'il débloquera au profit de l'acheteur si la garantie doit jouer, sans que les créanciers du vendeur puissent saisir ces fonds
(V. R. Dammann et G. Podeur, Fiducie-sûreté – fiducie-gestion, Les applications pratiques : Revue Banque 2009, n° 713, p. 59 s., spéc. p. 61. – G. Blanluet et
Y. Le Gall, La fiducie, une œuvre inachevée (1re partie) : Dr. sociétés 2007, n° 7, étude 9, n° 6. – A.-S. Noury, La fiducie : RLDA, n° 154, 1er déc. 2019).

32. – Cession ou acquisition temporaires d'actifs, affectation de trésorerie, arme anti-OPA –


La fiducie est également utile lorsqu'un constituant doit se défaire temporairement d'actifs, en raison, par exemple, de contraintes résultant du droit de la
concurrence. Elle peut aussi rendre service dans la situation inverse où une entreprise serait désireuse d'acquérir des actifs industriels ou commerciaux, dont
l'acquisition est soumise à l'autorisation des autorités de concurrence : un fiduciaire peut porter ces actifs le temps de l'obtention de l'autorisation, le rejet de la
demande conduisant le fiduciaire à céder les actifs selon des modalités convenues (V. H. de Vauplane, La fiducie avant la fiducie : le cas du droit bancaire et
financier : JCP E 2007, 2051, n° 15). La fiducie est aussi évoquée comme une arme de prévention contre une éventuelle offre publique d'achat, bien que le risque
de responsabilité du fiduciaire puisse ici encore être dissuasif. (V. P. Servan-Schreiber, La fiducie : d'un moyen de gestion à une arme anti-OPA ? Comparatif
fiducie/stitching : JCP E 2007, 2055) ou comme technique pour éviter un franchissement de seuil (S. Pallotto, S. Catoire, Fiducie-gestion et franchissement de
seuil : Option fin. 14 janv. 2013, p. 31). Elle permet de gérer des situations de conflits d'intérêts en confiant l'exercice du droit de vote attaché à des titres à un
fiduciaire (V. S. Catoire, Cas pratiques fiduciaires : Dr. & patr. 2013, n° 223. – F. Estienny, La fiducie : aspects juridiques et fiscaux op. cit., p. 86).

La fiducie peut également être utile lorsqu'il s'agit d'assurer, dans le cadre du sauvetage d'un groupe, qu'une partie de la trésorerie générée par le groupe soit
affectée au soutien de filiales en difficultés, ce qui met le banquier dispensateur de crédit à l'abri de la suspicion d'immixtion dans la gestion du débiteur (V.
R. Dammann et D. Valdman, Sauvetage d'un groupe de sociétés grâce à une double fiducie : Gaz. Pal. 28 juill. 2011, n° 209, p. 5, étude 16453). Son utilisation
est encore envisagée à propos d'opérations de Leveraged Buy-Outs (LBO) (M. Bourgeois-Bertrel, De l'opportunité de recourir aux techniques dépourvues de la
personnalité morale dans la perspective d'une LBO : Dr. sociétés 2015, étude 16, n° 10. – J.-C. Benois, A. Bordenave, Fiducie dans les financements structurés :
des commentaires administratifs sur la bonne voie : Option fin. 26 mai 2015, p. 24, n° 1319).

Un avis de l'Autorité de contrôle prudentiel des banques du 24 avril 2012 (aujourd'hui l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)) indique que la
centralisation de trésorerie intragroupe peut être confiée à un fiduciaire, à la condition qu'il s'agisse d'un établissement de crédit ou qu'il se trouve sous le contrôle
du groupe (J.-F. Adelle, Les conditions de la fiducie bancaire se précisent : Revue Banque n° 749, juin 2012, p. 50).

Ces diverses utilisations en matière de restructuration et de financement des sociétés ont conduit certains à comparer la fiducie, d'un point de vue fonctionnel, à
une société (P. Dupichot, Si la fiducie était une société… : Bull. Joly Sociétés 2017, p. 157).

33. – Gestion de passif et gestion de sûretés –


La gestion de passif est un autre champ d'application potentiel de la fiducie, sous diverses formes : liquidation des biens d'un débiteur insolvable au profit d'un
groupe de créanciers, mise en place d'opérations d'in substance defeasance, une entreprise se défaisant d'une dette en la transférant à un fiduciaire ainsi que les
actifs qui lui permettent de l'acquitter (sur l'aptitude de la fiducie à réaliser des opérations de défaisance, en dépit de l'absence de mention des dettes par l'
article 2011 du Code civil, V. n° 25. – Adde, M. Leroy, Le passif fiduciaire : Dr. & patr. juin 2008, p. 58 s. – Ph. Marini, La fiducie, enfin ! : JCP E 2007, 2050,
n° 18. – H. de Richemont, Rapport de la Commission des lois du Sénat, séance 11 oct. 2006, p. 45. – X. de Roux, Rapport au nom de la commission des lois :
Doc. n° 3655, séance 1er févr. 2007, p. 33. – V. toutefois les réserves de divers auteurs, fondées sur la lettre de l'article 2011 du Code civil, cette norme ne visant
pas le transfert de dettes, V. G. Blanluet et J.-P. Le Gall, La fiducie, une œuvre inachevée (1re partie) : Dr. sociétés 2007, n° 7, étude 9, n° 4. – R. Libchaber, Les
aspects civils de la fiducie dans la loi du 19 février 2007, 1re partie : Defrénois 2007, art. 38631, n° 8 ; 2e partie : Defrénois 2007, art. 38639, n° 34. – H. de
Vauplane, La fiducie avant la fiducie : le cas du droit bancaire et financier : JCP E 2007, 2051, n° 15. – P. Crocq, La nouvelle réglementation de la fiducie : Lamy
dr. exécution forcée, sept. 2008, act. 31. – Sur l'usage de la fiducie pour gérer le remboursement des dettes d'une société cotée : S. Tétard, C. Deniaud,
C. Coquard, La fiducie-gestion : une solution innovante pour désendetter les sociétés côtées : Option fin. 19 oct. 2020, p. 41. – N. Borga, Le contrat de fiducie, in
Les contrats spéciaux et la réforme du droit des obligations, dir. L. Andreu et M. Mignot : Institut Universitaire de Varenne, 2017, p. 403, n° 19-23. – F. Barrière,
Fiducie et restructuration : JCP N 2022, n° 45, 1263). La fiducie offre encore une solution innovante et efficace à la disposition des sociétés cotées pour organiser
une conversion graduelle de leurs dettes en capital (A. Bertin, La fiducie au service de la restructuration de la dette des sociétés cotées : daf-Mag.fr, 28 févr.
2022, qui la dénomme « fiducie-equitization »).

La fiducie peut également être mise au service de la gestion de sûretés ou de garanties au profit d'une pluralité de créanciers, notamment d'un pool bancaire, le
fiduciaire étant chargé de constituer, de gérer et, en cas de défaillance du débiteur, de réaliser les sûretés au profit des créanciers, à l'image du security trustee.
La loi de 2007 instituant la fiducie, utilement complétée par la loi LME du 4 août 2008, avait consacré une disposition propre à la gestion de sûretés réelles (C.
civ., art. 2328-1), sans toutefois se prononcer sur la qualification juridique de l'opération et en laissant dans l'ombre maints aspects du régime juridique de
l'institution. Cette lacune a été comblée par l'ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 relative à l'agent des sûretés prise en application de la loi d'habilitation
n° 2016-1691, dite « Sapin 2 » (art. 117). À cet effet, un corps de règles formant un titre troisième « De l'agent des sûretés » a été inséré dans le livre IV – Des
sûretés (C. civ., art. 2488-6 à 2488-12) du Code civil (V. aussi, n° 47 ). L'agent de sûreté se voit reconnaître la titularité des sûretés et garanties prises, inscrites,
gérées et réalisées par lui, les biens acquis dans l'exercice de sa mission formant « un patrimoine affecté […], distinct de son patrimoine propre » (C. civ.,
art. 2488-6. – V. P. Crocq, L'agent des sûretés et la dissociation des qualités de titulaire de la sûreté et de titulaire de la créance garantie, in Mél. en l'honneur du
professeur Laurent Aynès : LGDJ 2019, p. 113). Divers traits du régime juridique applicable à l'agent de sûretés ont été empruntés à ceux de la fiducie relevant
des articles 2011 et suivants du Code civil. L'agent de sûretés apparaît comme un « fiduciaire spécial, soumis à des dispositions spécifiques » (rapp. au président
de la République : JO 5 mai 2017), ou comme un « fiduciaire sui generis » (L. Aynès, P. Crocq, A. Aynès, Droit des sûretés : LGDJ, 14e éd., 2020), échappant
notamment aux lourdes conditions qui président à la constitution de la fiducie issue de la loi du 19 février 2007 (D. Legeais, Publication de l'ordonnance relative à
l'agent des sûretés : JCP E 2017, n° 21-22, act. 391).

34. – Dépôts d'argent et comptes bancaires fiduciaires –


Pour les clients institutionnels de banques, tels que les fonds d'investissements, le recours à la fiducie constitue une solution pour se prémunir contre le risque
que les actifs déposés entre les mains de la banque fiduciaire fassent partie de la masse de la faillite de la banque ou des actifs soumis à un « bail-in » dans le
cadre d'une résolution (M. Dubertret, La fiducie-gestion de sommes d'argent ou la garantie illimitée des dépôts : Revue Banque, n° 742-743, déc. 2011, p. 94) .

Mentionnons encore l'ouverture de comptes bancaires fiduciaires susceptibles de recueillir des fonds litigieux ou affectés à une destination précise, sous le
contrôle d'un tiers indépendant et hors d'atteinte des créanciers du constituant et du fiduciaire (V. Cl. Witz, Les divers comptes bancaires utilisés dans les
opérations de compensation internationale (comptes « trustee », « escrow », fiduciaire et séquestre) : Revue Banque juin 1988, suppl. Banque et Droit, p. 18 s.).

35. – Gestion collective, titrisation, Initial Coin Offerings –


Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) peuvent uniquement revêtir la forme juridique d'une société d'investissement à capital
variable (SICAV) ou d'un fonds commun de placement qui, lorsque celui-ci n'est pas doté de la personnalité morale, relève du régime de la copropriété. Le
recours à la fiducie est donc inenvisageable. Il en va de même quant aux fonds d'investissement alternatifs (FIA), tels qu'ils sont énumérés par l'article L. 214-24,
II du Code monétaire et financier. Par contre, les fonds alternatifs qui ne relèvent pas de cette liste, dénommés par la loi « Autres FIA », peuvent épouser une
structure fiduciaire, dès lors que les actifs sont inférieurs aux seuils définis par l'article L. 214-24, III du Code monétaire et financier (V., not. J.-F. Adelle, Quels
avantages à constituer un fonds d'investissement alternatif en fiducie ? : Revue Banque, avr. 2014, n° 771, p. 54. – I. Riassetto et M. Storck, La fiducie et la
structuration des fonds d'investissement de droit français, in Mél. en l'honneur de Claude Witz : LexisNexis, 2018, p. 794). De légères adaptations du Code
monétaire et financier suffiraient pour que la fiducie puisse être utilisée à une plus large échelle comme structure d'un fonds d'investissement (V., I. Riassetto et
M. Storck, La fiducie et la structuration des fonds d'investissement de droit français, in Mél. en l'honneur de Claude Witz : LexisNexis, 2018, p. 810 s.).

Le recours à la fiducie pour des opérations de titrisation reste, en revanche encore débattu (C. Berger-Tarare, La fiducie-titrisation : c'est possible ! : RD bancaire
et fin. 2016, études, p. 1. – L. Papaïs, Titrisation et fiducie : thèse Toulouse, 2012, p. 161 s. – M. Dubertret, La fiducie bancaire dans les montages de droit du
financement et de droit des sociétés, in La fiducie : assise théorique et applications pratiques, Coll. 29 sept. 2017 : LexisNexis, coll. FDNE 2018, p. 131 ; du
même auteur, Les parties au contrat de fiducie : D. 2022, p. 716, V. spéc., note 22 : « depuis 2017, une fiducie peut constituer un véhicule de titrisation, à
condition que le fiduciaire soit un établissement de crédit (Règl. UE 2017/2402 du 12 déc. 2017) »). La loi luxembourgeoise du 22 mars 2004 relative à la
titrisation (Mémorial A n° 46 – 29 mars 2004) offre, en revanche, aux fonds de titrisation, dénués de la personnalité juridique, l'option de se constituer sous une
forme fiduciaire comme alternative à la copropriété. Elle introduit aussi un nouveau type de représentant-fiduciaire auxquels les investisseurs d'un organisme de
titrisation peuvent confier la gestion de leurs intérêts et, en particulier, d'exercer les sûretés dont ils bénéficient, à l'instar du « security trustee » en common law.

Avec le développement récent d'actifs virtuels, la fiducie est aussi évoquée comme outil au service d'émissions de jetons représentatifs de tels actifs (Initial Coin
Offering ou ICO). Le fiduciaire, constatant à une date déterminée que l'objectif de levée des fonds est atteint, versera les sommes au porteur de projet (T.
Deloitte, La fiducie, un outil de sécurisation des levées de fonds en cryptomonnaie ? : Option fin. 18 oct. 2021). Les auteurs le plus audacieux imaginent même
que le contrat de fiducie pourrait lui-même s'appuyer sur la technologie de la blockchain pour assurer son exécution programmée et automatique sous la forme
d'un smart contract (S. Fahri, Fiducie, Blockchain et smart contracts : RLDC, 1er sept. 2021, n° 195, p. 2).

36. – Protection de l'environnement –


La fiducie présenterait aussi des atouts certains pour organiser une meilleure prise en charge des risques liés à la pollution d'un fonds. Elle offre à l'exploitant
responsable de la pollution une possibilité pour transférer la charge de la dépollution à une entreprise spécialisée (associée le cas échéant en joint-venture avec
un professionnel du secteur financier pouvant intervenir comme fiduciaire) tout en sortant de son bilan les dettes contractées pour la remise en état du site. Si ce
transfert s'accompagne d'un transfert d'actifs destinés à couvrir la dette de dépollution, l'opération pourra prendre l'allure d'une opération de defeasance (B.
Wertenschlag, B. Bacrit et J. Moreau, La fiducie en matière environnementale : AJDI 2015, p. 748).

2) Applications civiles

37. – Illustrations –
Dans le droit fil des applications potentielles de la fiducie dans la vie des affaires, la fiducie peut être utile lorsque le versement des fonds marquant le
dénouement d'une opération contractuelle est subordonné à une condition dont un tiers digne de confiance est chargé de surveiller la réalisation (vente de biens
litigieux, vente dont la perfection est subordonnée à une autorisation administrative).

Le rôle de la fiducie est également évoqué comme mode de gestion de patrimoine (V. R. Dammann et G. Podeur, Fiducie-sûreté – fiducie-gestion, Les
applications pratiques : Revue Banque 2009, n° 713, p. 59 s., spéc. p. 61), même si le mandat a vocation à demeurer le principal instrument de gestion de fonds
ou de valeurs mobilières (V. la levée récente de l'un des inconvénients traditionnels de la fiducie, celui de la restriction des personnes pouvant représenter les
actionnaires aux assemblées générales, par Ord. n° 2010-1511, 9 déc. 2010 modifiant C. com., art. L. 225-106).

38. – Fiducie au service de personnes vulnérables –


La fiducie est également envisageable lorsqu'un particulier souhaite se voir décharger entièrement de la gestion de tout ou partie de ses biens, en raison de sa
vulnérabilité présente ou prévisible (V. de manière générale, F. Mettetal-Fresnel, La fiducie comme technique de protection des majeurs en difficulté : Thèse Paris
2, 1995). En effet, on peut imaginer qu'une personne affaiblie souhaite se décharger de la gestion de ses biens en les transférant à un établissement de crédit ou
à un avocat, surveillé par un tiers protecteur, notamment pour éviter qu'en cas de dégradation de ses facultés l'ouverture d'un régime d'incapacité ne perturbe la
gestion de ses biens. Encore faut-il que la personne affaiblie constitue la fiducie à temps. Le recours à la fiducie après le placement de la personne vulnérable en
tutelle est exclu, le tuteur ne pouvant, même avec autorisation, « transférer dans un patrimoine fiduciaire les biens au droit d'un majeur protégé » (C. civ., art. 509,
5°. – V. les regrets exprimés à cet égard par J. Massip, Le contrat de fiducie, les mineurs et les majeurs protégés : Defrénois 2009, p. 1549 s., n° 4 in fine. –
V. aussi, N. Peterka, La fiducie-gestion, un outil de protection de la personne vulnérable ? : JCP N 2022, n° 44, 1253). En revanche, la fiducie peut être conclue,
non sans paradoxe, lorsque le constituant est en curatelle, celui-ci devant alors agir avec l'assistance du curateur.

Lors de l'examen du projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs (L. n° 2007-308, 5 mars 2007 : JO 7 mars 2007, texte n° 12), le Sénat
avait adopté un amendement (C. civ., projet d'art. 500-1) ouvrant la possibilité au tuteur de saisir le juge en vue de l'autoriser à conclure un contrat de fiducie pour
la gestion de tout ou partie du patrimoine de la personne protégée, selon les articles 2011 à 2031 du Code civil, amendés toutefois sur divers points (V.,
principalement l'exclusion des transferts à titre de garantie, la résiliation à tout moment par le juge à la demande de tout intéressé, l'ouverture de la qualité de
fiduciaire aux membres des professions juridiques réglementées sous certaines conditions). Cet amendement devait être écarté par la commission mixte
paritaire, au motif essentiel qu'il convenait de réexaminer la question de l'extension de la fiducie aux personnes physiques dans un contexte plus général que
celui d'un projet de loi limité à la protection des majeurs (V. Rapp. M. E. Blessig et M. H. de Richemont au nom de la Commission mixte paritaire, Sénat, session
2006-2007, doc. n° 253, annexe au procès-verbal, séance 21 févr. 2007, p. 9 s.). Ce qui est interdit dans le cadre d'une tutelle des majeurs, l'est aussi pour la
tutelle et l'administration légale des mineurs (V. C. civ., art. 408-1, issu de L. n° 2008-776, 4 août 2008, art. 18-1. – Sur cette méfiance du législateur, V.
N. Peterka, Le droit des incapacités à l'épreuve du contrat de fiducie, in La fiducie dans tous ses états, Journées nationales de l'Association Henri Capitant, t. XV,
Paris-Est Créteil : Dalloz, 2011, p. 15, spéc. n° 3 à 12). Même dans les espaces où elle peut se mouvoir comme mode de gestion du patrimoine d'une personne
physique, la fiducie risque d'être entravée par la prohibition de la fiducie-libéralité. En effet, les effets du transfert fiduciaire ne peuvent être prolongés au-delà du
décès du constituant, ce qui empêche la mise en place d'une gestion patrimoniale fiduciaire transgénérationnelle.
c) Prohibition de la fiducie-libéralité

39. – Origines et critiques de la prohibition –


Alors que le projet de loi de 1992 avait accueilli la fiducie-libéralité entre vifs, les avant-projets ou propositions ultérieurs devaient tous la prohiber, de manière
directe ou indirecte. L'interdiction de la fiducie-libéralité a souvent suscité de sévères critiques en doctrine (V., par ex., Fr. Tripet, La prohibition de la fiducie-
libéralité, Pourquoi une telle démesure ? : Gaz. Pal. Rec. 2006, n° 3092 s.). La crainte d'évasions fiscales et d'entorses au droit des successions avait conduit les
auteurs de l'avant-projet de 1995 à réserver la qualité de constituant aux personnes morales, lesquelles ne peuvent, en principe, effectuer des libéralités. La
proposition de loi instituant la fiducie du 8 février 2005 (V., C. civ., projet d'art. 2063, n° 9) n'entendait autoriser, elle aussi, que la transmission à titre onéreux.
Puis la loi de 2007, tout en réservant la qualité de constituant aux personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés, ce qui fermait déjà suffisamment la voie
aux libéralités en raison de l'interdiction pour celles-ci d'effectuer des actes à titre gratuit, a renforcé la prohibition en frappant la fiducie de nullité lorsque celle-ci
« procède d'une intention libérale au profit du bénéficiaire. Cette nullité est d'ordre public » (C. civ., art. 2013). La nullité est doublée d'une sanction fiscale (CGI,
art. 792 bis. – V. n° 40 ).

La réforme de 2008 élargissant le cercle des constituants aux personnes physiques aurait été l'occasion pour le législateur de lever cette prohibition totalement
ou partiellement, en la limitant à la réserve héréditaire. Tel n'a pas été le cas. L'assouplissement du droit des successions par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 (
JO 24 juin 2006, texte n° 1), notamment par l'accueil du mandat à titre posthume (C. civ., art. 812 à 812-7), « variété de fiducie-gestion à cause de mort »
(M. Grimaldi, Présentation de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités : D. 2006, p. 2551 s., spéc. n° 4 in fine), la libéralisation des
conditions d'admission des libéralités graduelles (C. civ., art. 1048 à 1056), nouvelle appellation des substitutions fidéicommissaires, et la codification des
libéralités résiduelles (C. civ., art. 1057 à 1061) ont joué en faveur du maintien de la prohibition (V., lors de l'adoption de la loi de 2007, X. de Roux, Rapport au
nom de la commission des lois : Doc. n° 3655, séance 1er févr. 2007, p. 35. – P. Clément, Sénat, séance 17 oct. 2006 : JO Sénat 18 oct. 2006, p. 6694). À cette
considération s'est ajoutée la crainte d'un contournement des règles d'ordre public des successions, notamment de celles de la réserve (P. Clément, Sénat,
séance 17 oct. 2006 : JO Sénat 18 oct. 2006, p. 6694).

La levée de la prohibition de la fiducie-libéralité n'en aurait pas moins été souhaitable (L. Aynès, Fiducie et trust : le droit français est-il à la hauteur : JCP N 2022,
n° 45, 1266). En effet, la fiducie-libéralité apparaît, en dépit de techniques concurrentielles au sein du Code civil (V., sur leurs limites, D. Louis-Caporal, La fiducie-
libéralité, réflexion sur une opération prohibée : RTD civ. 2016, p. 49 s. – Plus particulièrement sur la société civile, n° 38. – C. Berger-Tarare, « Ouvrir la fiducie
aux libéralités : pour une fiducie-gestion fonctionnelle dans le cadre familial » in Genre, famille, vulnérabilité, Mél. en l'honneur de Catherine Philippe : éd.
L'Harmattan, 2017), comme un instrument de transmission ultérieure d'un patrimoine dont la gestion implique de l'expérience, comme celle d'une entreprise, alors
que les héritiers en sont dépourvus en raison de leur âge ou de leur inaptitude. Elle aurait également été utile pour préserver un patrimoine menacé par des
dissensions familiales. La fiducie-libéralité aurait pu servir également de structure souple à des fondations, notamment de petite ou de moyenne importance
(contra, X. de Roux, selon lequel la législation française sur les fondations et le mécénat est suffisante, Rapport au nom de la commission des lois : Doc. n° 3655,
séance 1er févr. 2007, p. 3), même si la palette des instruments disponibles s'est élargie (V. les fondations abritées, n° 42 ; les fonds de dotation, dotés de la
personnalité juridique, consacrés par l'article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008. – Sur cette réforme, V. L. Ricco, Les fonds de dotation : un nouveau
financement d'intérêt général : Defrénois 2010, art. 39099 et les fonds de pérennité, dotés de la personnalité juridique, consacrés par l'article 177 de la loi n° 2019-
486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, constitués par l'apport gratuit et irrévocable de titres de capital ou de parts
sociales en vue de la gestion de ces titres, la finalité de la gestion étant de contribuer à la pérennité économique des sociétés émettrices ou de réaliser ou de
financer des œuvres ou des missions d'intérêt général).

40. – Portée de la prohibition des fiducies-libéralités entre vifs –


Selon l'article 2013 du Code civil, « le contrat de fiducie est nul s'il procède d'une intention libérale au profit du bénéficiaire. Cette nullité est d'ordre public ». Ce
texte appelle trois séries de précisions.

Tout d'abord, quant au champ d'application de la prohibition. Celle-ci s'applique dans les hypothèses où le constituant entend, par la transmission progressive ou
finale de biens placés en fiducie, gratifier un tiers bénéficiaire, entre vifs ou à cause de mort. Le bénéficiaire de la fiducie pouvant également être, selon
l'article 2013, le fiduciaire lui-même, le contrat de fiducie encourt aussi la nullité si le constituant d'une fiducie-gestion prévue principalement pour son compte
gratifie partiellement le fiduciaire. Cette hypothèse marginale n'est guère concevable, en pratique, que dans l'hypothèse où le fiduciaire est une personne
physique, celle-ci ne pouvant être à ce jour qu'un avocat.

La seconde précision nécessaire a trait à la notion de libéralité. En visant l'intention libérale, l'article 2013 mentionne uniquement le second élément constitutif
traditionnel de la libéralité, sans viser expressément l'élément matériel de l'acte à titre gratuit, à savoir le dépouillement actuel et irrévocable du disposant (C. civ.,
art. 894), ce qui est justifié puisque cette condition est déjà satisfaite par le transfert des biens placés en fiducie par le constituant au fiduciaire dans la perspective
d'une transmission au tiers bénéficiaire. L'intention libérale visée par l'article 2013 ne saurait être présumée par l'obligation à la charge du fiduciaire de
transmettre des biens à un ou à plusieurs tiers bénéficiaires. En effet, pareille transmission peut avoir une nature onéreuse (V., à titre d'exemple, n° 31).
Observons in fine que le CGI pose une définition autonome et plus large du contrat de fiducie procédant d'une intention libérale, pour les besoins de l'application
des lourdes sanctions fiscales prévues par la loi, en énonçant que « l'intention libérale est notamment caractérisée lorsque la transmission est dénuée de
contrepartie réelle ou lorsqu'un avantage en nature ou résultant d'une minoration du prix de cession est accordé à un tiers par le fiduciaire dans le cadre de la
gestion du patrimoine fiduciaire » (V. CGI, art. 792 bis. – Dossiers pratiques Francis Lefebvre, La fiducie, mode d'emploi : 2e éd., 2009, n° 6033 s.).

La troisième précision a trait à la sanction. Il s'agit d'une nullité d'ordre public, en d'autres termes d'une nullité absolue pouvant être soulevée par tout intéressé
(V. en ce sens, H. de Richemont : « la nullité doit pouvoir être invoquée par tout intéressé, à commencer par le ministère public », Rapport de la Commission des
lois du Sénat, séance 11 oct. 2006, p. 49. – Sur la sanction fiscale, V. S. Prigent, Premiers pas en fiducie dans le Code civil : AJDI 2007, p. 280 s., spéc. p. 283. –
Dossiers pratiques Francis Lefebvre, n° 6031 s.).
41. – Cas particulier d'une fiducie-gestion, charge ou condition d'une libéralité –
Si le contrat de fiducie ne peut pas être lui-même l'instrument d'une libéralité, rien ne s'oppose, semble-t-il, à ce qu'un contrat de donation ou un legs prévoient
une charge ou soient soumis à une condition contraignant le gratifié à conclure un contrat de fiducie-gestion relatif aux biens transférés à titre gratuit selon des
modalités prévues dans la libéralité (V., en ce sens également, Fr. Sauvage, Réflexions sur les opportunités offertes par la fiducie aux fins de gestion du
patrimoine de la personne vulnérable : RJPF 2009, p. 8 s., spéc. p. 11 s. – D. Parent, « La fiducie, outil patrimonial de gestion et de transmission », in Colloque
de Dijon : RLDC 2019, p. 51 s., spéc. p. 52 et 53). En effet, le contrat de fiducie appelé à être conclu postérieurement à l'acte à titre gratuit s'analyse en une
charge. Le contrat de fiducie ne « procède » donc pas lui-même « d'une intention libérale » (C. civ., art. 2013). Seule une conception extensive et critiquable de la
fraude pourrait conduire les juges à condamner ce montage, les parties se voyant reprocher d'avoir contourné une prohibition légale.

Le recours à un contrat de fiducie qui serait adossé à une libéralité faite au profit d'un mineur appelle quant à lui des observations particulières, eu égard à
l'interdiction faite à l'administrateur légal et au tuteur de transférer les biens ou droits du mineur dans un patrimoine fiduciaire (C. civ., art. 387-2, 4° et 408-1). Un
tel montage devrait néanmoins être admissible grâce à l'interposition d'un tiers administrateur (en ce sens, V., M. Grimaldi, L'article 384 du Code civil permet-il de
confier à un fiduciaire la gestion des biens donnés ou légués à un mineur ? : Defrénois 2020, n° 166e7, p. 27. – C. Farge, Des techniques fiduciaires au service
de la gestion du patrimoine du mineur : JCP N 2020, n° 19, étude 1105). Selon l'article 384 du Code civil, l'auteur de la libéralité peut en effet soustraire à
l'administration légale des père et mère les biens donnés ou légués, et ce au profit d'un tiers (C. civ., art. 384, al. 1er). Aux termes de l'article 384, alinéa 2, « le
tiers administrateur a les pouvoirs qui lui sont conférés par la donation, le testament ou, à défaut, ceux d'un administrateur ». L'auteur de la libéralité dispose ainsi
de toute latitude pour définir les pouvoirs accordés au tiers sur les biens transmis au mineur. Il en résulte que le disposant devrait pouvoir imposer au tiers
administrateur l'obligation de confier les biens donnés ou légués à la gestion d'un fiduciaire (V., M. Grimaldi, L'article 384 du Code civil permet-il de confier à un
fiduciaire la gestion des biens donnés ou légués à un mineur ? : Defrénois 2020, n° 166e7, p. 27, n° 7 et 8).

42. – Legs avec charge et fondations abritées, fiducies-libéralités innommées –


La question du sort des fiducies innommées, souvent évoquées à propos de la fiducie-sûreté, se pose également dans le contexte des fiducies-libéralités. C'est
ainsi que la prohibition de l'article 2013 du Code civil ne devrait pas remettre en cause la licéité des legs avec charges lorsque celles-ci absorbent l'intégralité de
l'émolument. Observons au passage que ce détour n'est plus nécessaire pour la constitution de fondations post-mortem (V. L. n° 87-571, 23 juill. 1987 [JO 24 juill.
1987], art. 18-2 sur le développement du mécénat, tel que mod. par L. n° 90-559, 4 juill. 1990 [JO 6 juill. 1990]. – V. aussi, pour les fonds de dotation, L. n° 2008-
776, 4 août 2008, art. 140, IV). Le mode de transmission à cause de mort qu'est le legs doit logiquement le mettre à l'abri d'une norme visant exclusivement le
contrat qui est, par définition, un acte entre vifs. Par ailleurs, le legs avec charge n'entraîne pas la constitution d'un patrimoine d'affectation, seconde raison pour
le distinguer nettement de la fiducie, en dépit de la mission comparable assumée par le fiduciaire et le légataire débiteur de charges absorbant l'intégralité de
l'émolument. Enfin, le légataire avec charges garde la vocation de recueillir tout ou partie des biens légués lorsque l'exécution des charges est impossible, à la
différence du fiduciaire qui ne peut conserver, à son profit, les biens constitués en fiducie. Ces diverses raisons devraient avoir suffisamment de poids pour faire
barrage au raisonnement selon lequel le refus du législateur d'accueillir la constitution de la fiducie par voie testamentaire devrait s'étendre aux figures juridiques
qui s'en approchent, principalement le legs avec charges. Un raisonnement analogue peut être suivi pour la constitution de fondations abritées par des fondations
reconnues d'utilité publique (V., à titre d'exemple, la Fondation de France ou la Fondation du patrimoine. – Sur ces exemples, V. Cl. Witz, JCl. Civil Code,
Art. 2284 et 2285 ou Notarial Répertoire, V° Gage, fasc. 10).

d) Fiducie-sûreté

43. – Évolution –
La consécration de la fiducie-sûreté par la loi de 2007, utilement complétée et amendée par diverses lois et ordonnances est le couronnement d'une évolution
jalonnée par de multiples applications particulières de la propriété utilisée comme sûreté depuis le dernier tiers du vingtième siècle. L'entrée de la fiducie-sûreté
dans le Code civil opère une césure entre la fiducie-sûreté que le code consacre et celles spécifiques, reconnues par divers textes de loi.

1) Renaissance de la fiducie-sûreté

44. – Consécrations législatives ponctuelles –


Alors que les applications traditionnelles de la fiducie-sûreté étaient limitées à divers mécanismes bancaires ou boursiers, telles les opérations de pension et de
couverture, en raison du refus de la jurisprudence d'accueillir plus largement les aliénations fiduciaires à titre de garantie, d'importantes interventions législatives
ont contribué au renouveau de la fiducie-sûreté (V., sur la condamnation des aliénations fiduciaires de meubles corporels conclues sous l'empire de lois
étrangères qui en admettent l'efficacité, M. Cabrillac, La reconnaissance en France des sûretés réelles sans dépossession constituées à l'étranger : Rev. crit. DIP
1979, p. 487 s. – G. Khairallah, Les sûretés mobilières en droit international privé français : Economica 1984, n° 122 s. – M. Attal, La reconnaissance des sûretés
mobilières conventionnelles dans l'ordre juridique français, préf. S. Poillot-Peruzetto : Defrénois 2005, n° 244 s.). Les grandes étapes du renouveau législatif de la
fiducie-sûreté sont constituées par les dispositions de l'ordonnance du 28 septembre 1967 relatives aux opérations de mobilisation de crédits à moyen terme
(art. 25 s. devenus C. mon. fin., art. L. 432-12, al. 1er, aujourd'hui abrogé), la fameuse loi du 2 janvier 1981 dite loi Dailly qui accueille la cession de créance à
titre de garantie par un professionnel à son banquier, par voie de remise d'un bordereau et sa modification par la loi du 24 janvier 1984, levant toute ambiguïté
quant à l'effectivité du transfert de propriété de la créance cédée lorsqu'elle est effectuée à titre de garantie et sans stipulation d'un prix (L. n° 81-1, 2 janv. 1981,
art. 1-1, désormais C. mon. fin., art. L. 313-24), enfin, par une série de lois ayant accompagné le développement des marchés financiers, dans un souci de
sécurisation des marchés : loi n° 87-416 du 17 juin 1987 (JO 18 juin 1987) relative au prêt de titres (C. mon. fin., art. L. 211-22 à L. 211-26) ; loi du 31 décembre
1993 relative aux opérations de pension sur titres (ou pension livrée) (C. mon. fin., art. L. 211-27 à L. 211-34) ; loi du 2 juillet 1996 de modernisation des activités
financières permettant la remise en propriété « d'instruments financiers, effets, créances, contrats ou sommes d'argent » en garantie du solde des opérations sur
instruments financiers à terme (C. mon. fin., art. L. 211-38 à L. 211-39) ou de couverture d'opérations de bourse (C. mon. fin., art. L. 440-7) ; loi du 2 juillet 1998
concernant la garantie des systèmes de paiement interbancaire (C. mon. fin., art. L. 330-2) ; ordonnance n° 2005-171 du 24 février 2005 transposant la directive
européenne du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière, consécration éclatante de la fiducie-sûreté dans les domaines qu'elle couvre (C. mon.
fin., art. L. 211-38 à L. 211-39) (sur ces diverses fiducies, V. L. Aynès, P. Crocq et A. Aynès, Droit des sûretés : LGDJ, 14e éd., 2020, n° 434. – Ph. Simler et
Ph. Delebecque, Droit civil : les sûretés, la publicité foncière : Dalloz, 7e éd., 2016, n° 678 s. – Ch. Gijsbers, Sûretés réelles et droit des biens : Economica, 2016,
n° 84-86. – A. Arsac, La propriété fiduciaire : nature et régime : LGDJ, Droit des Affaires, 2015, n° 144-172). Dans le prolongement de la crise financière de 2008,
l'essor des cessions à titre de garantie a néanmoins été freiné par l'ordonnance du 23 juin 2016 transposant la directive 2014/65/UE du 15 mai 2014 concernant
les marchés d'instruments financiers. Les entreprises d'investissement prestataires de service autres que les sociétés de gestion de portefeuille se voient
désormais interdire de recourir à des contrats de garantie financière avec transfert de propriété en vue de couvrir les obligations de leurs clients non
professionnels (C. mon. fin., art. L. 533-10, II. – V. L. Aynès, P. Crocq et A. Aynès, Droit des sûretés : LGDJ, 14e éd., 2020, n° 434).

45. – Engouement pour la fiducie-sûreté et sa non-consécration par la réforme de 2006 –


De l'ensemble des textes de loi précités, la loi Dailly est celle qui, par son large domaine d'application, a préparé le mieux les esprits à l'accueil généralisé de la
fiducie-sûreté. Dès l'avant-projet de loi sur la fiducie de 1990, les praticiens ont appelé de leurs vœux la consécration de la fiducie-sûreté, qui puisse porter sur les
biens les plus divers, corporels ou incorporels. Beaucoup d'espoir était placé dans « la reine des sûretés » pour obvier aux insuffisances des sûretés
traditionnelles, mises à mal par le droit des procédures collectives (V. not., A. Cerles, Le point de vue du banquier sur la fiducie : RD bancaire et bourse 1990,
p. 117 s., spéc. p. 118 s.). Si l'ordonnance du 23 mars 2006 portant réforme du droit des sûretés a accueilli la propriété-sûreté au sein du Code civil, elle s'en est
toutefois tenue à la propriété réservée. La raison n'en était point une hostilité de principe de la Commission ayant inspiré l'ordonnance de 2006 à l'encontre de la
propriété transférée à titre de garantie, mais résidait dans le souhait de la Chancellerie de préparer un projet de loi sur la fiducie (L. Aynès et P. Crocq, Les
sûretés, La publicité foncière. : Defrénois, 5e éd., 2011, n° 751 in fine. – Pour une critique de cette démarche, V. D. Legeais, La réforme du droit des garanties ou
l'art de mal légiférer, Études offertes au Doyen Ph. Simler : Dalloz et Litec 2006, p. 367 s., spéc. n° 7 s.).

2) Fiducie-sûreté du Code civil

46. – Loi du 19 février 2007 –


La consécration de la fiducie-sûreté par la loi de 2007 frappe par son extrême discrétion (D. Legeais, Droit des sûretés et garanties du crédit : LGDJ, 15e éd.,
2022, n° 749) La principale raison réside dans le refus du législateur de préciser les finalités de la fiducie. L'assignation d'une fonction de garantie au transfert de
biens au fiduciaire relève du « but déterminé au profit d'un ou de plusieurs bénéficiaires » pour lequel le fiduciaire doit agir (C. civ., art. 2011). Par ailleurs, la
volonté d'accueillir la fiducie-sûreté a été maintes fois affirmée au cours des travaux préparatoires (V. not., X. de Richemont, Rapport de la Commission des lois
du Sénat, séance 11 oct. 2006, p. 46. – P. Clément, Sénat, séance 17 oct. 2006 : JO Sénat 18 oct. 2006, p. 6694). Enfin et surtout, l'article 2016 du Code civil
lève tout obstacle à l'admission de la fiducie-sûreté dans l'hypothèse classique où le créancier est lui-même l'acquéreur fiduciaire, en précisant que le fiduciaire
peut, lui aussi, être le bénéficiaire du contrat de fiducie (V. déjà, projet de loi de 1992, art. 2062, al. 3). Cette occultation de la fiducie-sûreté par la loi de 2007 n'en
est pas moins critiquable, pour des raisons évidentes de clarté et d'accessibilité du droit. En jetant ainsi dans l'ombre la fiducie-sûreté, les articles 2011 et
suivants du Code civil apparaissaient étrangement lacunaires : point de mention obligatoire de la dette garantie, point d'encadrement du dénouement de la fiducie
pour éviter toute spoliation du débiteur, mise à néant de la sûreté au cas où la personne morale soumise à l'impôt sur la société quitte ce régime fiscal, point de
précision sur le traitement de la fiducie-sûreté dans les procédures collectives (pour une critique en règle, V. P. Crocq, Lacunes et limites de la loi au regard du
droit des sûretés : D. 2007, p. 1354 s.).

47. – Réformes ultérieures –


Les textes successifs de réforme de la fiducie, tout en élargissant le champ d'application de la fiducie, et par là même les applications potentielles de la fiducie-
sûreté (L. n° 2008-776, 4 août 2008), ont progressivement renforcé l'ossature juridique de la fiducie-sûreté, répondant ainsi aux appels de la doctrine. En effet, l'
ordonnance du 30 janvier 2009 dote la propriété cédée à titre de garantie d'un corps de règles propres (C. civ., art. 2372-1 à 2372-6 relatifs aux biens mobiliers,
formant une nouvelle section « De la propriété cédée à titre de garantie » dans le cadre du chapitre IV du livre quatrième du Code civil, le chapitre étant
nouvellement intitulé « De la propriété retenue ou cédée à titre de garantie », et les articles 2488-1 et suivants du Code civil relatifs aux biens immobiliers, formant
un nouveau chapitre VIII, intitulé « De la propriété cédée à titre de garantie »). La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 admet que le constituant puisse se réserver
l'usage ou la jouissance d'un fonds de commerce ou d'un immeuble à usage professionnel affecté en garantie ; une condition souvent jugée indispensable pour
les donner en garantie (C. civ., art. 2018-1. – A. Hinfray, La fiducie et le bail commercial : AJDI 2012, p. 85 s.). Par ailleurs, il résulte de la loi du 12 mai 2009 de
simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures que les nouveaux articles 2372-1 et suivants et 2488-1 et suivants du Code civil sont aussi
applicables aux sûretés constituées par les personnes morales (C. civ., art. 2372-6 et 2488-6) et que le décès du constituant personne physique ne met plus fin
au contrat de fiducie-sûreté (C. civ., art. 2372, al. 2 et 2488-1, al. 2). Quant à l'ajustement de la fiducie-sûreté au droit des procédures collectives, il a été opéré de
manière salutaire par l'ordonnance n° 2008-1345 du 10 décembre 2008 qui, d'une part, met fin à la nullité de plein droit des fiducies constituées en période
suspecte, par un alignement sur le régime des autres sûretés – seul le transfert intervenu à titre de garantie d'une dette concomitamment contractée est frappé
de nullité (C. com., art. L. 632-1, 9° et 10°) – et, d'autre part, module l'efficacité de la fiducie-sûreté selon les finalités des diverses procédures collectives
(V. n° 12. – Ph. Pétel, Le nouveau droit des entreprises en difficulté : acte II ; Commentaire de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 : JCP N 2009,
1054, n° 41 à 48. – S. Farhi, Fiducie-sûreté et droit des entreprises en difficulté, Bib. de droit des entreprises en difficulté, t. 6 : LGDJ, 2016. – M. Houssin, Une
nouvelle utilisation des mécanismes fiduciaires dans la procédure collective : LPA 16 avr. 2018, n° 76, p. 7. – Ph. Roussel Galle, L'attraction du droit spécial :
l'exemple du droit des sûretés et des procédures collectives : JCP E 2018, n° 25, 1332. – V. les propositions doctrinales ayant facilité la réforme, R. Dammann,
G. Podeur, Fiducie et procédure de sauvegarde, un nouvel équilibre : RLDC 2008, n° 49, p. 33 s.).

L'ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 a donné un cadre à l'agent des sûretés dans une logique fiduciaire au travers notamment de l'isolement des biens
affectés dans un patrimoine d'affectation (C. civ., art. 2488-6 à 2488-12. – V. aussi n° 33. – Et not. P. Crocq, « L'agent des sûretés et la dissociation des qualités
de titulaire de la sûreté et de titulaire de la créance garantie », Mél. L. Aynès : LGDJ 2019, p. 113. – M. Julienne, L'agent des sûretés : portée pratique et
théorique d'une réforme : RDC 2017, n° 3, p. 461. – D. Legeais, Publication de l'ordonnance relative à l'agent des sûretés : JCP E 2017, act. 391. – D. Robine, Le
nouvel agent des sûretés français : une attrayante figure en clair-obscur : RD bancaire et fin. 2017, étude 12. – B. Mallet-Bricourt, Un agent très spécial : RTD civ.
2017, p. 740. – G.-A. Likillimba, L'agent des sûretés et des garanties en droit français : RTD com. 2019, p. 533).

Enfin, l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés est venue tant élargir le champ d'application qu'assouplir le régime
des fiducies-sûretés. Le nouvel article 2372-1 du Code civil reconnaît explicitement que tout bien mobilier ainsi que tout droit puissent être cédés à titre de
garantie en vertu d'un contrat de fiducie, solution que l'article 2488-1 élargit aux biens immobiliers. De même, le nouvel article 2373 du Code civil dispose que « la
propriété d'une créance peut être cédée à titre de garantie d'une obligation par l'effet d'un contrat » de cession de créance. Dans un souci d'attractivité du droit
français, le législateur est venu ainsi clore le débat sur l'admission des transferts de créances à titre de garantie que la Cour de cassation disqualifiait en
nantissements de créances (Cass. com., 19 déc. 2006, n° 05-16.395 : JurisData n° 2006-036663 ; Bull. civ. IV, n° 250 ; JCP E 2007, II, 1131, rapp. M. Cohen-
Branche, note D. Legeais. – Sur cet arrêt, V. L. Aynès, La cession de créances à titre de garantie : quel avenir ?, loc. cit. – Cass. com., 26 mai 2010, n° 09-13.388
: JurisData n° 2010-007246 ; Bull. civ. IV, n° 94 ; JCP G 2011, 226, n° 19, obs. Ph. Delebecque ; RTD civ. 2010, p. 597, obs. P. Crocq. – Et sur le débat doctrinal
V. L. Aynès, La cession de créance à titre de garantie : quel avenir ? : D. 2007, p. 961 s., spéc. n° 11, l'auteur envisageant la cession de créance à titre de
garantie et le gage-espèce, qualifiés de fiducies-innommées à effets restreints. – C. Larroumet, La cession de créance de droit commun à titre de garantie :
D. 2007, p. 344 s., spéc. n° 6. – D'autres les condamnent fermement V. D. Legeais, Sûretés et garanties du crédit : 8e éd., 2011, n° 771 ; La réforme des sûretés,
la fiducie et les procédures collectives : Rev. sociétés 2007, p. 687 s., spéc. n° 17. – Ph. Van Steenlandt, La généralisation de la cession fiduciaire de créance,
t. 7 : LGDJ, Bib. Dr. ent. en difficultés, 2017). Finalement, « la propriété d'une somme d'argent, soit en euro soit en une autre monnaie, peut être cédée à titre de
garantie d'une ou de plusieurs créances, présentes ou futures. » (C. civ., art. 2374). Désormais, non seulement les créances, mais également tout bien corporel,
mobilier ou immobilier, une somme d'argent ainsi que tout droit peuvent être affectés en garantie au moyen d'un contrat de fiducie (sur la discussion quant au
point de savoir si après l'ordonnance du 15 septembre 2021 le nantissement d'une créance constitue encore une sûreté réelle traditionnelle ou prend la forme
d'une fiducie V. M. Mignot, Le nantissement de créance : JCP G 2021, suppl. au n° 43-44, p. 46).

L’ordonnance du 15 septembre 2021 a également levé une série d'obstacles qui, en pratique, dissuadaient de recourir à la fiducie comme technique de sûreté. La
solution anachronique que le contrat de fiducie expire automatiquement en cas de décès du constituant est écartée pour toute fiducie-sûreté. L'exigence, jugée
très gênante, d'une évaluation a priori du bien ou du droit transféré dans le patrimoine fiduciaire est supprimée, seule l'indication de la dette garantie restant
exigée (C. civ., art. 2372-2 pour les fiducies-sûretés mobilières et 2488-2 pour les fiducies-sûretés immobilières). Il est reconnu que « l'obligation garantie (par
une fiducie-sûreté) peut être présente ou future » et que « dans ce dernier cas, elle doit (simplement) être déterminable. » (C. civ., art. 2372-1 et 2488-1). Les
modes de réalisation de la fiducie-sûreté sont précisés en retenant que le fiduciaire-créancier acquiert la libre disposition du bien à défaut de paiement de la dette
garantie. Pour le cas où le bien doit être vendu par un fiduciaire qui n'est pas créancier, une échappatoire est prévue lorsque fiduciaire ne trouve pas l'acquéreur
au prix fixé par expert (C. civ., art. 2472-3 et 2488-3 : ajout d'un 4e alinéa) (pour de plus amples précisions V. S. Fahri, La fiduciesûreté dans l'ordonnance de
réforme du droit des sûretés du 15 septembre 2021 : RLDC 2022, n° 199. – F.-X. Licari, JCl. Civil Code, Art. 2372-1 à 2372-5 : Fiducie-Sûreté mobilière. – J.-
D. Pellier, La propriété retenue ou cédée à titre de garantie : JCP G 2021, suppl. au n° 43-44. – S. Farhi, Les évolutions du régime de la fiducie-sûreté dans le
projet de réforme du droit des sûretés : RLDC, n° 194, 1er juillet 2021. – A. Bordenave, B. Fournier, La modernisation du droit français des sûretés : retour sur
l'avant-projet de la Chancellerie : Option fin. 15 mars 2021). Enfin, le transfert de créances à titre de garantie est dorénavant opposable aux tiers dès l'acte de
cession (C. civ., art. 1323). Son régime se trouve ainsi aligné sur ce point sur celui de la cession des créances professionnelles (C. mon. fin., art. L. 313-27, al. 1er
). Gageons qu'à travers ces assouplissements, l'utilisation de la fiducie à titre de garantie puisse prendre son envol. La possibilité de créer de fiducies-sûretés
innomées ne présentera alors plus le même enjeu.

48. – Atouts –
Souvent qualifiée de « reine des sûretés » par ses promoteurs, la fiducie-sûreté présente d'incontestables atouts (V. not., B. Mallet-Bricourt, Quelle efficacité pour
la nouvelle fiducie-sûreté ? : Dr. & patr. oct. 2009, p. 79 s. – Ph. Dupichot, La fiducie-sûreté en pleine lumière, À propos de l'ordonnance du 30 janvier 2009 : JCP
G 2009, I, 132. – M. Grimaldi, La fiducie-sûreté : JCP N 2022, n° 44, 125). Celui, d'abord, d'être une sûreté polyvalente ou « passe-partout » pouvant porter
indifféremment sur tout bien, corporel ou incorporel, mobilier ou immobilier, présent ou futur et garantir n'importe quelle créance. Sans doute, la qualité de
fiduciaire est-elle limitée à un certain nombre d'intervenants du secteur bancaire ou financier, ainsi qu'aux membres de la profession d'avocat (C. civ., art. 2015).
Mais cette contrainte peut être levée par la mise en place d'une fiducie-sûreté triangulaire, communément dénommée fiducie-sûreté avec entiercement, lorsque le
créancier ne répond pas aux exigences de l'article 2015 du Code civil ; les qualités de fiduciaire et de créancier sont alors dissociées (V. C. civ., art. 2372-3, al. 2
et 2488-3, al. 2 visant l'hypothèse où « le fiduciaire n'est pas le créancier »). Le large domaine d'application de la fiducie-sûreté est renforcé par l'accueil de la
fiducie-sûreté sans dépossession dont la consécration est, en demi-teinte : celle-ci ne transparaît qu'à l'occasion du « transfert du fonds de commerce ou d'un
immeuble à usage professionnel » dont « le constituant conserve l'usage ou la jouissance » (C. civ., art. 2018-1, issu L. n° 2008-776, 4 août 2008) ou des
dispositions du droit des procédures collectives distinguant selon qu'une convention de mise à disposition au profit du constituant a été ou non conclue (V.
C. com., art. L. 622-23-1, L. 624-16, L. 631-14, L. 641-11-1, VI et L. 642-7). Dès lors que le constituant peut garder la possession des biens affectés en garantie,
la voie est réellement ouverte, en pratique, aux aliénations fiduciaires de biens corporels, meubles ou immeubles.

Le second atout est celui de l'efficacité de la sûreté. Celle-ci protège, de manière quasi optimale, les créanciers, sans que soit sacrifiée la nécessaire protection
du débiteur. En effet, le bénéficiaire d'une fiducie-sûreté ne risque pas d'être confronté à des créanciers d'un rang préférable puisque le bien affecté est sorti du
patrimoine du constituant, sous réserve de tempéraments de portée pratique limitée, dont le bénéficiaire de la sûreté peut parfaitement mesurer la portée :
sauvegarde des droits des créanciers du constituant titulaires d'un droit de suite attaché à une sûreté publiée antérieurement, fraude aux droits des créanciers du
constituant, saisie possible des biens figurant dans le patrimoine fiduciaire par les titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion du patrimoine,
alors que les biens érigés en sûreté n'appellent, en principe, que des mesures conservatoires au coût limité (sur ces trois cas, V. C. civ., art. 2025).

Bien entendu, lorsque le débiteur fait l'objet d'une procédure collective la protection du créancier doit être conjuguée avec les impératifs de cette procédure. Ce
n'est qu'en présence d'une liquidation judiciaire (V. C. com., art. L. 641-11-1 et L. 642-6, al. 5) que le créancier peut pleinement compter sur l'efficacité de la
fiducie-sûreté. En cas de procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire, il se trouve empêché de réaliser sa sûreté dès lors que le débiteur a conservé
l'usage ou la jouissance des biens transférés dans le patrimoine fiduciaire, pendant la période d'observation et tant que le plan est correctement exécuté (V.,
C. com., art. L. 622-23-1 et L. 622-13, VI. – Sur ces différents aspects, V. L. Aynès, P. Crocq et A. Aynès, Droit des sûretés : LGDJ, 14e éd., 2020, n° 451 et s. –
P. Crocq, La fiducie, reine des sûretés, in La fiducie : assise théorique et applications pratiques : colloque Lyon 2, 29 sept. 2017, p. 107, spéc., p. 111 s.
– S. Farhi, Fiducie-sûreté et droit des entreprises en difficulté, Étude de l'efficacité du mécanisme, préf. P.-M. Le Corre : LGDJ 2016. – F. Pérochon, Entreprises
en difficulté : LGDJ, 11e éd., 2022, en particulier n° 973 s., 1030, 1541, 2049 et 2249).

Comme dernier atout, on signale qu'en matière immobilière, le transfert du bien à un fiduciaire serait souvent moins cher que la constitution d'une hypothèque
(interview D. Kotzeva, Revue Banque, juillet-août 2021, n° 858, p. 65).
49. – Inconvénients –
La fiducie-sûreté n'est pas parée de toutes les vertus. On lui reproche traditionnellement d'être source de gaspillage du crédit. Cette critique perd beaucoup de sa
force depuis la consécration de la fiducie rechargeable (C. civ., art. 2372-5, al. 2 et 2488-5, al. 2. – Pour un examen approfondi de ces dispositions, V. JCl. Civil
Code, Art. 2372-1 à 2373-5 et 2488-1 à 2488-5), même si, dès avant cette réforme, une fiducie non accessoire, susceptible de garantir de nouvelles créances,
était en mesure de se déployer (Cl. Witz, Réflexions sur la fiducie-sûreté : JCP E 1993, p. 231 s., spéc. n° 7. – Rappr., l'utilisation du droit à restitution comme
support d'une nouvelle garantie P. Crocq, Sûretés et proportionnalité, Études offertes au Doyen P. Simler : Litec et Dalloz 2006, p. 291 s., spéc. p. 299 s.). Un
autre inconvénient de la fiducie-sûreté est celui de la relative lourdeur caractérisant la mise en place de la sûreté, même en matière mobilière, eu égard aux
exigences de forme et d'enregistrement requises par la loi (V. n° 68 ). Malgré les précisions apportées par l'ordonnance du 15 septembre 2021 au régime
supplétif de réalisation d'une fiducie-sûreté, celui-ci s'avérera souvent insuffisant et oblige ainsi les parties à s'entendre sur des règles plus détaillées. Portant sur
des biens corporels, la fiducie souffre enfin de l'absence d'un système de publicité pouvant mettre en échec le principe « en matière de meuble, possession vaut
titre » (L. Aynès, Fiducie : analyse et applications pratiques de la loi : Rev. Lamy dr. civ. 2008, suppl., p. 5 s., spéc. p. 7). Toutefois, la publicité rudimentaire
constituée par l'apposition d'une plaque sur le bien transféré, sur le modèle de celle consacrée par la loi n° 51-59 du 18 janvier 1951 relative au nantissement de
l'outillage et du matériel d'équipement (L. n° 51-59, 18 janv. 1951 [JO 19 janv. 1951], art. 4, puis, C. com., art. L. 525-4, cette sûreté ayant été abrogée par l'
ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés), peut limiter ce risque lorsque l'aliénation est celle d'un bien se prêtant à
une pareille mesure.

50. – Application. –
En raison de son efficacité en cas de défaillance du débiteur et de son adaptabilité aux besoins spécifiques des parties, la fiducie-sûreté connaît un succès
certain (V., M. Waechter, La pratique de la fiducie-sûreté : Actes prat. ing. immobilière 2020, n° 1, p. 35). Diverses opérations de fiducie à titre de garantie de haut
de gamme ont même fait l'objet d'une certaine publicité (V., l'exemple d'une fiducie-sûreté immobilière entre une entreprise en difficultés, constituant, Natixis,
fiduciaire et l'État français, titulaire de créances fiscales et sociales : G. Bremond, Fiducie, Coup d'envoi pour les trusts à la française : Option fin. 18 févr. 2008,
p. 5 ; l'exemple du contrat de fiducie-sûreté entre Gaz de France, constituant, la Caisse des dépôts et consignations, fiduciaire, diverses catégories de salariés de
GDF, bénéficiaires ; l'exemple d'une fiducie-sûreté portant sur des stocks par une entreprise placée en période d'observation, au profit d'une banque portugaise.
– Sur ces deux exemples : F. Anselmi, La fiducie-sûreté pourrait faciliter les restructurations d'entreprises : Agefi Hebdo 20 oct. 2009. – L'exemple d'une fiducie-
sûreté constituée par un repreneur pour garantir la perception des droits pécuniaires des salariés quelle que soit l'évolution financière de leur nouvel employeur,
le fiduciaire étant la Caisse des Dépôts et consignations : A. Simonet, Création de la première fiducie-sûreté : Agefi Hebdo 30 avr. 2010. – Adde, à propos d'une
fiducie-sûreté portant sur des titres de sociétés civiles dans le cadre d'un sauvetage d'un groupe, combinée avec une fiducie-gestion : R. Dammann et
D. Valdman, loc. cit., et n° 32. – Et d'une fiducie-sûreté mise en place lors de la conversion d'un prêt garanti par l'État en actions de la société
soutenue : F. Barrière, Fiducie et restructuration : JCP N 2022, n° 45, 1263, p. 40).

Malgré ses atouts sur d'autres sûretés – la fiducie ne connaît pas encore le succès escompté, mais se développerait avant tout pour des opérations d'envergure à
l'exclusion des crédits aux particuliers ou aux PME (Ravet Y.-M. et Andreani M., La fiducie : sûreté d'élite ou produit de masse ? : Dr. & patr. sept. 2013, n° 228. –
V. cependant Interview D. Kotzeva : Revue Banque, juillet-août 2021, n° 858, p. 65 faisant état de fiducies-sûretés constituées par des PME pour quelques
milliers d'euros). Hormis celles-ci, la pratique recourt à la fiducie-sûreté principalement dans le cadre de la restructuration de dettes d'un emprunteur emprise à
des difficultés financières laissant entrevoir une éventuelle cessation des paiements (Fiducie et restructuration : LGDJ, Grands colloques, 2015. – A. Arsac, La
propriété fiduciaire : nature et régime : LGDJ, Droit des Affaires, 2015, n° 250. – E. Serrano, La fiducie : un outil précieux dans le cadre d'une restructuration :
Option fin. 22 juill. 2021). Pour autant qu'elle garantit un financement nouveau du débiteur et non une dette préexistante, la fiducie permet au prêteur de deniers
de se ménager une sûreté solide et efficace (R. Damman, L'utilisation de la fiducie comme technique : Rev. proc. coll. 2013, dossier 20, n° 3). Elle présente
l'avantage de pouvoir servir comme garantie à un pool de prêteurs (N. Borga, E. Merly, Les nouveaux moyens financiers : Rev. proc. coll. 2017, dossier 10, n° 4).
La technique est aussi appréciée par les créanciers obligataires puisqu'elle leur permet d'échapper au risque d'une réduction de leurs créances ou de leur
conversion en titres de capital lors d'une assemblée des obligataires à laquelle ils n'ont pas à participer (A. Arsac, La propriété fiduciaire : nature et régime :
LGDJ, Droit des Affaires, 2015, n° 250).

Dans ces différentes opérations, ce sont la plupart du temps des actions ou d'autres titres financiers qui sont donnés en garantie, en particulier, les actions ou
parts sociales d'une société holding ou de filiales de l'emprunteur. Le créancier bénéficiaire veillera à se ménager le droit de donner des instructions de vote au
fiduciaire sur les actions données en garantie dès lors que le débiteur constituant est en défaut ou risque de l'être (S. Golshani, A. Loric, Fiducies et
restructurations : principales caractéristiques et études de cas : RLDA n° 154, 1er décembre 2019. – B. Lafaye, N. Borga, Fiducie sur titres sociaux : incidences
juridiques et fiscales des instructions de vote : Option fin. 23 avr. 2019, n° 1507, p. 56). En lieu et place de sûretés portant directement sur les biens immobiliers,
la pratique recourt également à des cessions fiduciaires de titres de sociétés filiales propriétaires d'actifs immobiliers de valeur pour garantir des prêts accordés
aux sociétés mères (V. M. Waechter, La pratique de la fiducie-sûreté : Actes prat. ing. immobilière 2020, n° 6-7).

La fiducie-sûreté se développerait plus largement dans les financements immobiliers, notamment à cause de son coût moins élevé que celui d'une hypothèque
(interview D. Kotzeva : Revue Banque, juillet-août 2021, n° 858, p. 65). De même elle constituerait une solution appréciée pour constituer une garantie sur des
stocks de marchandises (B. Berger-Perrin, La fiducie-sûreté sur stocks : Option fin. 12 oct. 2015, n° 1336) ou sur des infrastructures d'énergie renouvelables (M.
Blanck-Dap, C. Jacomin, Les développements récents de la fiducie : nouvel outil innovant de sécurité juridique et financière : Option fin. 27 mai 2013, n° 1223,
p. 32. – Jacomin Ch., Projets photovoltaïques : des financements sûrs et attractifs : Revue Banque 2014, n° 776, p. 75. – C. Jacomin, La fiducie-sûreté au service
des financements des projets d'ENR : Revue Banque, n° 835, sept. 2019, p. 60).

Son utilisation est envisagée aussi pour sécuriser des garanties de passif données à l'occasion de cessions d'entreprises (F. Bailly, I. Binet, Les modes alternatifs
de la garantie de passif : RLDC, n° 111, 1er janv. 2014) ou pour garantir un plan de sauvegarde de l'emploi (F. Bourgeois, S. Catoire, La fiducie en tant
qu'instrument facilitant la cession d'entreprises en difficulté : Option fin. 17 févr. 2014, n° 1257, p. 34). Elle permettrait encore à l'exploitant ou au propriétaire d'un
fonds pollué de constituer une garantie pour assurer les risques de dommages résultant d'une pollution dans des projets de longue durée ou la gestion de
déchets à long terme (B. Wertenschlag, B. Bacrit et J. Moreau, La fiducie en matière environnementale : AJDI 2015, p. 748).
51. – Fiducies-sûretés spécifiques : cas légaux –
La loi de 2007 et les réformes subséquentes ont laissé intacts les textes ayant accueilli et réglementé les transferts à titre de garantie dans des domaines
déterminés. Ainsi, la fiducie-sûreté des articles 2011 et suivants est entourée de satellites que sont les diverses fiducies-sûretés spécifiques, souvent qualifiées
d'innommées, les divers textes les accueillant s'étant abstenus de les rattacher à la fiducie (sur le qualificatif de fiducies innommées, V. Fr. Barrière, La réception
de la fiducie au travers du trust, préf. Grimaldi : Litec 2004, n° 265. – Rappr. Fiducies-sûretés inavouées, ss la plume de M. Cabrillac, C. Mouly, S. Cabrillac,
P. Pétel, Droit des sûretés : Litec, 10 éd., 2015, n° 594). Ces diverses fiducies s'opposent à la fiducie-sûreté des articles 2011 et suivants par les conditions de
constitution plus souples ainsi que par l'absence de création d'un patrimoine fiduciaire, de sorte que les biens transférés à titre de garantie se fondent dans le
patrimoine commun de l'acquéreur fiduciaire (sur l'importance du pouvoir du fiduciaire de disposer des biens remis à titre de garantie dans le cadre des fiducies
spécifiques des secteurs bancaire et financier, V. H. de Vauplane, La fiducie avant la fiducie : le cas du droit bancaire et financier : JCP E 2007, 2051, n° 9).

5° Acteurs

52. – Comme cela ressort de l'article 2011 du Code civil, la fiducie fait intervenir en principe trois acteurs, le constituant, le fiduciaire et un bénéficiaire. Par
ailleurs, le constituant peut recourir, s'il le souhaite, à un tiers protecteur. Mais notons d'emblée qu'en dépit des apparences, la fiducie ne réunira souvent, comme
tout contrat, que deux acteurs, le constituant et le fiduciaire.

a) Constituant

53. – Définition –
Le constituant est celui qui transfère des « biens, des droits ou des sûretés » à un fiduciaire, à charge pour ce dernier de réaliser l'objet de la fiducie. L'
article 2011 du Code civil précise qu'il peut s'agir d'un ou de plusieurs constituants, sans que le législateur n'ait envisagé davantage la fiducie plurale, à la suite
d'une pluralité de constituants, de bénéficiaires ou de fiduciaires (V., F. Masson, La fiducie plurale : Dr. & patr. 2017, n° 265, p. 40). Observons que le législateur
français a préféré le concept large de constituant, sans doute inspiré par le Code civil québécois, à celui de fiduciant utilisé généralement par la doctrine française
contemporaine ainsi qu'en Suisse et au Luxembourg.

54. – Élargissement du cercle des constituants –


Rappelons que selon l'article 2014 du Code civil, issu de la loi du 19 février 2007, seules pouvaient être « constituants les personnes morales soumises de plein
droit ou sur option à l'impôt sur les sociétés ». Cette restriction surprenante, qui ne figurait pas dans la proposition Marini, avait été insérée à la suite d'un
amendement déposé au cours des débats parlementaires par le Gouvernement, reprenant ainsi, mais tout en la renforçant, une solution comparable consacrée
par l'avant – projet de 1995 (V. n° 8 ). Le garde des Sceaux justifia l'amendement par des considérations peu convaincantes de nature fiscale (« la fiducie ne
saurait constituer un outil d'optimisation fiscale pour les personnes physiques ») et de nature civile, à savoir le souci « d'éviter une remise en cause des règles
protectrices du droit des sûretés » (V. obs. crit. F. Barrière, La fiducie, Commentaire de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007, 1re partie : Bull. Joly Sociétés 2007,
p. 440 s., n° 13).

L'on sait que cette restriction a été levée, de manière heureuse, par la loi LME du 4 août 2008 (L. n° 2008-776, 4 août 2008, art. 18-1, applicable à compter du
1er févr. 2009), même si la raison invoquée au cours des travaux préparatoires est peu convaincante, la mesure ayant été présentée « comme l'une des
“réponses” du Gouvernement à la question du patrimoine d'affectation de l'entrepreneur individuel », alors que la fiducie implique un dessaisissement de
l'entrepreneur et que le constituant est tenu, en seconde ligne, du passif du patrimoine fiduciaire (C. civ., art. 2025. – V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 20
ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 20 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 786. – Sur ce motif, V. Rapp. L. Béteille, E. Lamure, P. Marini au nom de la
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi, Sénat, session 2007-2008, doc. n° 413, annexe au procès-verbal, séance 24 juin 2008, p. 111). Feu
l'article 2014 qui aura vécu moins de 16 mois ! De par l'abrogation de l'article 2014, il est mis fin à l'incongruité de voir dans le Code civil une figure contractuelle
interdite aux destinataires naturels du code. La discontinuité dans la numérotation des normes résultant de cette abrogation (C. civ., art. 2013 et 2015) n'est qu'un
moindre mal. Depuis le 1er février 2009, la qualité du constituant est désormais ouverte à toute personne physique ou morale, indépendamment du régime fiscal
auquel celle-ci est soumise (sur la condition relative à la résidence du constituant, V. n° 56 ).

55. – Conséquences de l'élargissement aux personnes physiques –


La levée de l'interdiction frappant les personnes physiques a été accompagnée par la loi LME du 4 août 2008 de diverses mesures complémentaires relatives aux
époux communs en biens ainsi qu'aux personnes placées sous un régime d'incapacité.

Partant du principe que le contrat de fiducie est en soi un acte grave, la loi complète l'article 1424 du Code civil par un alinéa second selon lequel les époux « ne
peuvent, l'un sans l'autre, transférer un bien de la communauté dans un patrimoine fiduciaire ». Ainsi, la mise en fiducie d'un modeste portefeuille de valeurs
mobilières nécessite l'accord des époux, alors que l'article 1424, alinéa 1er, du Code civil, ne soumet à cogestion que les aliénations des biens jugés les plus
importants, notamment les immeubles, les fonds de commerce, et les meubles faisant l'objet d'une publicité (V. F. Vauville, Communauté : la conclusion d'un
contrat de fiducie est soumise à cogestion : RJPF oct. 2008, p. 20).

Le second volet introduit par la loi LME du 4 août 2008 a trait à la gestion des biens des incapables. Selon l'article 408-1 du Code civil, « les biens ou droits d'un
mineur ne peuvent être transférés dans un patrimoine fiduciaire ». Il en résulte que l'administrateur légal ou le tuteur d'un mineur ne peuvent confier à un
fiduciaire le soin de gérer les biens du mineur, même s'il s'agit de valeurs mobilières, alors qu'il leur est permis de conclure un contrat traditionnel de gestion de
valeurs mobilières et d'instruments financiers (V. C. civ., art. 500, al. 3). La même interdiction frappe le tuteur d'un majeur protégé (V. C. civ., art. 509, 5°). Par
ailleurs, l'article 445 du Code civil a été complété par un troisième alinéa interdisant au fiduciaire d'« exercer une charge curatélaire ou tutélaire à l'égard du
constituant », dans le souci de prévention d'éventuels conflits d'intérêts entre les deux types de fonctions. Cette norme a vocation à s'appliquer lorsqu'un contrat
de fiducie a été conclu par un majeur en curatelle avec l'assistance du curateur ou qu'un contrat de fiducie a été conclu avant l'ouverture d'une curatelle ou d'une
tutelle (sur la fiducie, comme mode de protection de personnes vulnérables, V. n° 38. – Sur les autres mesures consécutives à l'ouverture de la fiducie aux
personnes physiques prises par l'ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009 [JO 31 janv. 2009] dans le cadre de l'habilitation donnée au Gouvernement par l'
article 18, V, 1° de la loi LME du 4 août 2008, V. n° 70 ).
56. – Condition de résidence –
En vue de prévenir l'utilisation frauduleuse de la fiducie (financement d'activités illicites, blanchiment de capitaux, évasion fiscale), la loi du 19 février 2007 requiert
que le constituant, tout comme le fiduciaire (V. n° 61 ) soit résident d'un « État de la Communauté européenne ou d'un État ou territoire ayant conclu avec la
France une convention fiscale en vue d'éliminer les doubles impositions qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou
l'évasion fiscale » (L. n° 2007-211, 19 févr. 2007, art. 13). Une centaine d'États parties à une telle convention fiscale sont ainsi concernés (V. H. de Richemont,
Rapport de la Commission des lois du Sénat, séance 11 oct. 2006, p. 99. – Ce mouvement s'est amplifié depuis, V. sur l'impact de cette condition, M. Dubertret,
« Les parties au contrat de fiducie » : D. 2022, p. 716, spéc., n° 2 s.). Si les motifs de cette condition sont louables, il n'en est pas moins paradoxal d'observer que
la conclusion d'un contrat nommé du Code civil soit subordonnée, pour son efficacité juridique, à une condition de résidence des contractants.

b) Fiduciaire

57. – Limitation à des professionnels déterminés –


Rappelons que la loi du 19 février 2007 s'est refusée d'ouvrir la qualité de fiduciaire à toute personne physique ou morale, réservant la fonction de fiduciaire à des
professionnels des secteurs bancaire, financier et d'assurance (C. civ., art. 2015). L'idée d'une pareille restriction se trouvait déjà dans l'avant-projet de 1995 et
elle a été reprise par la proposition Marini. Alors que le trust et les fiducies allemande et suisse ignorent ce type de restriction, la législation luxembourgeoise
prévoit une limitation comparable (V. Règl. Grand-ducal, 19 juin 1983 et L. 27 juill. 2003, in Trust et fiducie, ss dir. A. Prüm et Cl. Witz : Montchrestien 2005, spéc.
p. 68 s.). L'on sait que la loi LME du 4 août 2008 a élargi le cercle des professionnels pouvant avoir la qualité de fiduciaire aux avocats (C. civ., art. 2015, al. 2).
La limitation des professionnels aux fonctions de fiduciaires est importante au regard de leur capacité juridique. En effet, ils ne sauraient agir en tant que
fiduciaires que dans la limite des activités réglementées pour lesquelles ils ont été agréés (V. M. Dubertret, Les parties au contrat de fiducie : D. 2022, p. 716,
spéc. n° 7 à 10).

58. – Secteurs bancaire, financier et d'assurance –


L'article 2015, alinéa 1er, du Code civil, énumère les différentes catégories de professionnels de ces secteurs pouvant avoir la qualité de fiduciaire : les
établissements de crédit mentionnés au I de l'article L. 511-1 (réd. Ord. n° 2013-544, 27 juin 2013, art. 18), du Code monétaire et financier ; les institutions et
services énumérés à l'article L. 518-1 et les entreprises d'investissement de l'article L. 531-4 du même code ; les sociétés de gestion de portefeuille (rajout de
Ord. n° 2017-1107 du 22 juin 2017, art. 17) ; enfin les entreprises d'assurance de l'article L. 310-1 du Code des assurances. Les professionnels ainsi visés ont
pour caractéristiques communes d'être des personnes morales, placées sous le contrôle d'une autorité administrative (Autorité des marchés financiers, Autorité
de contrôle prudentiel et de résolution), qui étendent bien évidemment leur surveillance aux activités fiduciaires.

59. – Avocats –
Depuis le 1er février 2009, date d'entrée en vigueur de l'article 18-1 de la loi LME du 4 août 2008, « les membres de la profession d'avocat peuvent également
avoir la qualité de fiduciaire » (C. civ., art. 2015, al. 2). L'extension de la mission traditionnelle de l'avocat aux fonctions de fiduciaire, et par là même à celles de
gestionnaire d'un patrimoine dont il est titulaire pour autrui, a nécessité de substantielles mesures d'adaptation des règles régissant la profession d'avocat,
lesquelles ont été arrêtées par l'ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009 (Ord. n° 2009-112, 30 janv. 2009, art. 8 et 9), par le décret n° 2009-1627 du
23 décembre 2009 (JO 26 déc. 2009, p. 22310) relatif à l'exercice de la fiducie par les avocats, ainsi que par la décision du Conseil national des barreaux du
24 avril 2009 portant réforme du règlement intérieur national de la profession d'avocat (JO 12 mai 2009, p. 7875). Ce dispositif législatif, réglementaire et
déontologique s'ordonne autour des points suivants : les éléments des patrimoines confiés à l'avocat fiduciaire ne peuvent pas transiter par la CARPA (Ord.
n° 2009-112, 30 janv. 2009, art. 8) ; des règles spécifiques s'appliquent en matière de secret professionnel (Ord. n° 2009-112, 30 janv. 2009, art. 9) ; il incombe à
l'avocat l'obligation d'effectuer préalablement une déclaration de son activité de fiduciaire au Conseil de l'ordre, celle de souscrire une assurance propre à cette
activité, celle enfin de tenir une comptabilité séparée et un compte spécialement affecté à chaque fiducie (V. D. n° 2009-1627, 23 déc. 2009). La décision du
Conseil national des barreaux rappelle notamment l'interdiction pour l'avocat d'exercer, dans le cadre de sa mission fiduciaire, une activité incompatible avec sa
profession d'avocat au sens des articles 111 et suivants du décret du 27 novembre 1991, précise les règles à observer dans le cadre des correspondances ainsi
que celles destinées à préserver le secret professionnel, pose les directives appelées à prévenir des conflits d'intérêts et impose à l'avocat de suivre une
formation spécifique dans les matières liées à l'exécution de ses missions fiduciaires (V. S. Bortoluzzi, Fiducie et ventes judiciaires : le règlement intérieur national
des avocats modifié : JCP G 2009, n° 25, art. 33, p. 66 s. – S. Tandeau de Marsac, L'avocat et la fiducie : Gaz. Pal. Rec. 2009, p. 2405 s. ; AFIDU (Association
des Avocats Fiduciaires, site internet) et notamment le code de bonne conduite).

60. – Professions exclues –


On peut être surpris que les fonctions de fiduciaire n'aient pas été élargies aux notaires. Un manque d'intérêt de la profession notariale serait à l'origine de
l'exclusion des notaires (H. de Richemont, Rapport de la Commission des lois du Sénat, séance 11 oct. 2006, p. 53). Ceux-ci ne resteront toutefois pas à l'écart
de la fiducie, en raison de leurs activités de conseil et de rédacteur d'actes (V. n° 69 ). De même, ils pourront être désignés comme tiers chargés de s'assurer de
la préservation des intérêts des constituants dans le cadre de l'exécution des contrats de fiducie (V. n° 64 ). Parmi les professions exclues, figurent aussi les
conseils en gestion de patrimoine et les gestionnaires de patrimoine ou de portefeuille, lesquels auraient eu également vocation à endosser les fonctions de
fiduciaire, en raison de la nature de leurs activités professionnelles.

61. – Condition de résidence –


Le fiduciaire doit être résident, comme le constituant et pour les mêmes raisons, soit d'un État membre de la Communauté européenne, soit d'un État ayant
conclu avec la France une convention fiscale en vue d'éliminer les doubles impositions qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre
la fraude ou l'évasion fiscale (L. n° 2007-211, 19 févr. 2007, art. 13. – Sur les difficultés pour les fiduciaires non-résidents de France d'agir comme fiduciaires,
V. Dossiers pratiques Francis Lefebvre, n° 726).

c) Bénéficiaire

62. – Tiers bénéficiaire, constituant ou fiduciaire –


Selon l'article 2011 du Code civil, le fiduciaire est appelé à agir dans un but déterminé « au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires ». En dépit de l'impression
donnée par la norme, l'opération de fiducie n'est pas nécessairement triangulaire. En effet, « le constituant ou le fiduciaire peut être le bénéficiaire ou l'un des
bénéficiaires du contrat de fiducie » (C. civ., art. 2016). Le plus souvent, l'opération de fiducie ne réunira que deux acteurs, le constituant et le fiduciaire. Tel sera
le cas des fiducies-gestions exercées au profit du constituant ou des fiducies-sûretés auxquelles sont parties le débiteur constituant et le créancier fiduciaire.
L'interdiction de la fiducie-libéralité réduit d'autant le champ des opérations fiduciaires triangulaires (sur cette interdiction, V. n° 39 ).

La fonction complémentaire que le constituant endosse dans le cadre d'une fiducie-gestion exercée à son profit est source de difficultés lorsque la loi reconnaît
des pouvoirs spécifiques à la fois au constituant et au bénéficiaire, mais selon des modalités différentes (sur ces difficultés, V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030,
fasc. 20 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 20 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 786). En faisant du bénéficiaire un acteur obligé, la loi semble s'être trop
inspirée du trust, sans se rendre compte qu'en common law le constituant (settlor) quitte nécessairement la scène juridique après la naissance du trust exercé à
son profit, pour endosser la qualité de bénéficiaire (beneficiary. – V. M.-F. Papandréou-Deterville, Le droit anglais des biens, préf. G. Samuel : LGDJ 2004,
n° 703 s.).

63. – Cas particulier du tiers bénéficiaire –


Lorsque le contrat de fiducie est conclu au profit d'un tiers bénéficiaire, l'acceptation de ce dernier n'est pas une condition de formation du contrat. Toutefois, « le
contrat de fiducie peut être révoqué par le constituant tant qu'il n'a pas été accepté par le bénéficiaire » (C. civ., art. 2028). Cette norme illustre l'un des effets
néfastes de la conception trop extensive de la position de bénéficiaire (V. n° 43 ). En effet, le constituant ou le fiduciaire pouvant être « le bénéficiaire » du contrat
de fiducie (C. civ., art. 2016), dont la formation implique, est-il besoin de le préciser, le consentement du constituant et du fiduciaire, l'acceptation par le
bénéficiaire visée par l'article 2028 ne peut être que celle d'un tiers. La règle de fond posée par l'article 2028 du Code civil rappelle le droit commun de la
stipulation pour autrui, tout en s'en distinguant par la révocabilité du contrat de fiducie lui-même, et non de la seule stipulation en faveur du tiers bénéficiaire. Une
fois l'acceptation intervenue, « le contrat ne peut être modifié ou révoqué qu'avec son accord ou par décision de justice » (C. civ., art. 2028, al. 2. – JCl. Civil
Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 20 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 20 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 786).

d) Tiers chargé de veiller aux intérêts du constituant

64. – Nomination facultative –


Selon l'article 2017 du Code civil, redevable à la Commission des lois du Sénat (V. H. de Richemont, Rapport de la Commission des lois du Sénat, séance 11 oct.
2006, p. 55), « sauf stipulation contraire du contrat, le constituant, peut, à tout moment, désigner un tiers chargé de s'assurer de la préservation de ses intérêts
dans le cadre de l'exécution du contrat et qui peut disposer des pouvoirs que la loi accorde au constituant" (désormais, al. 1er, en raison de l'adjonction de deux
alinéas, V. n° 76 ). La nomination de ce tiers, qui rappelle le protector appelé à surveiller la gestion du trustee, est facultative pour le constituant. De plus, le
contrat de fiducie peut exclure la faculté du constituant de désigner un tiers chargé de cette mission, sauf dans l'hypothèse où le constituant est une personne
physique, comme le prévoit opportunément l'article 2017, alinéa 2, issu de l'ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009. On peut en effet aisément imaginer que
le fiduciaire, qui est nécessairement un professionnel, impose au constituant la renonciation à la faculté de désigner une personne chargée de surveiller sa
gestion. Par l'effet d'un ajout effectué par l'ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 (art. 12) renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de
capitaux et le financement du terrorisme, « Le constituant doit informer le fiduciaire de la désignation de ce tiers » (V. n° 82 ). Au-delà des intérêts d'ordre public
dont s'inspire la mesure, l'obligation d'information est opportune en substance. Elle est en effet de nature à renforcer la vigilance du fiduciaire dans l'exercice de
sa mission. Par ailleurs, une coopération informelle pourrait s'établir lors d'arbitrages dans la gestion du patrimoine qui s'avéreraient délicats. L'article 12 de
l'ordonnance précitée soumet la désignation du tiers à l'exigence d'un écrit, à peine de nullité, ainsi qu'à la formalité de l'enregistrement (V. C. civ., art. 2019, al. 4.
– V. n° 16 ).

Personnage insolite en droit français, ce tiers est en quête d'une appellation adéquate. Celle de « protecteur » retenue par la commission des lois du Sénat a été
rejetée pour faire place au terme neutre de « tiers », à la suite d'un amendement parlementaire (R. Badinter et a., Sénat, séance 17 oct. 2006 : JO Sénat 18 oct.
2006, p. 6694). Pour éviter une périphrase éclairant la mission du tiers, l'usage s'est instauré, très rapidement, de le désigner par « tiers protecteur » (V. déjà,
X. de Roux, Rapport au nom de la commission des lois : Doc. n° 3655, séance 1er févr. 2007, p. 42). Celui-ci aurait été appelé à jouer un grand rôle si le
législateur avait consacré la fiducie-libéralité, que ce soit à des fins privées ou philanthropiques, à l'image du rôle joué par le protector.

65. – Compétences et pouvoirs –


Les fonctions de tiers protecteur sont ouvertes à toute personne juridiquement capable, sans être subordonnées à des compétences professionnelles
particulières (Fr. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens : PUF, 3e éd., 2008, n° 273). Quant aux pouvoirs du tiers protecteur, celui-ci dispose, en premier lieu, de
ceux qui lui sont attribués de manière spécifique par la loi (faculté de demander au fiduciaire de rendre compte de sa mission, C. civ., art. 2022, al. 3. – Faculté de
saisir le juge en vue du remplacement du fiduciaire, C. civ., art. 2027. – V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 20 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 20
ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 786). En second lieu, le contrat pourra investir le tiers protecteur de prérogatives déterminées, telles la consultation
périodique de la comptabilité, la communication des contrats conclus par le fiduciaire ou encore le contrôle de la bonne conservation des biens par le fiduciaire
(V. Dossiers Pratiques Francis Lefebvre, n° 802). Enfin, il résulte de l'article 2017 du Code civil que le tiers protecteur peut se voir confier l'ensemble des pouvoirs
que la loi accorde au constituant, sauf stipulation contraire du contrat de fiducie (sur la mise en œuvre de cette faculté, V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030,
fasc. 20 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 20 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 786).

6° Conditions de fond spécifiques

66. – Conditions propres à certains biens transférés –


La fiducie se caractérisant par un transfert de biens, de droits ou de sûretés, la question se pose de savoir si la nature des biens transférés appelle, le cas
échéant, le respect de conditions de fond particulières.

67. – Fonds de commerce ou immeuble à usage professionnel laissés à l'usage du constituant –


Lorsque le contrat de fiducie, conclu notamment à des fins de garantie, porte sur un fonds de commerce ou un immeuble à usage professionnel, il est fréquent
que le constituant conserve l'usage ou la jouissance de ces biens. La loi LME du 4 août 2008 a levé toute incertitude quant à l'éventuelle application, dans ces
cas, de la législation sur la location-gérance et de celle régissant le bail commercial. De manière salutaire, l'article 2018-1 soustrait la convention de mise à
disposition de ces biens « aux chapitres IV et V du titre IV du livre Ier du Code de commerce, sauf stipulation contraire » (rappr., la mise à l'écart par la
jurisprudence de la législation sur les baux commerciaux en matière de crédit-bail immobilier, Cass. 3e civ., 10 juin 1980 : D. 1980, jurispr. p. 566, note Y. Guyon).

68. – Droits de préemption –


Les articles 2011 et suivants du Code civil restent silencieux sur la question de l'éventuelle application au transfert de propriété des dispositions légales
consacrant un droit de préemption, telles les normes du Code de l'urbanisme relatives au droit de préemption urbain (C. urb., art. L. 211-1 à L. 211-7) et des
zones d'aménagement différé et des périmètres provisoires (C. urb., art. L. 212-1 à L. 212-5), ou encore celles du même code applicables aux fonds artisanaux,
aux fonds de commerce, aux baux commerciaux et aux terrains faisant l'objet de projets d'aménagement commercial (C. urb., art. L. 214-1 à L. 214-3).
Mentionnons aussi le droit de préemption accordé au preneur en matière de baux d'habitation (L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 15, II) ou de baux ruraux (C. rur.,
art. L. 412-1), ainsi qu'au locataire d'un local à usage commercial ou artisanal (C. com., art. L. 145-46-1). Plusieurs raisons militent en faveur de l'inapplicabilité de
ces droits de préemption aux transferts d'immeubles ou de fonds de commerce ou artisanaux opérés par le constituant au fiduciaire. En effet, pareils transferts
n'entraînent pas la sortie définitive de ces biens du patrimoine du constituant, celui-ci ayant vocation à les récupérer lors du dénouement de la fiducie (V.
L. Aynès, Le régime juridique de la fiducie : Rev. Lamy dr. civ. 2009, n° 60, p. 67 s., spéc. p. 67 et 68). Par ailleurs, les transferts au fiduciaire s'opèrent sans
stipulation de prix, alors que le Code de l'urbanisme par exemple impose aux propriétaires l'indication du prix, lors de la déclaration préalable (C. urb., art. L. 213-2
) ou lors de l'offre d'acquisition de l'immeuble au titulaire du droit de préemption (C. urb., art. L. 211-5. – V. R. Dammann et G. Podeur, Fiducie et procédure de
sauvegarde, un nouvel équilibre : Rev. Lamy dr. civ. 2008, n° 49, p. 33 s., spéc. p. 35). De manière subsidiaire, il a été également avancé que la commune
exerçant le droit de préemption ne pourrait se substituer au fiduciaire, faute de remplir les conditions posées par l'article 2015 du Code civil (R. Dammann et
G. Podeur, Fiducie et procédure de sauvegarde, un nouvel équilibre : Rev. Lamy dr. civ. 2008, n° 49, p. 33 s., spéc. p. 35), sauf à admettre que l'exercice du droit
de préemption entraînerait la caducité de tout ou partie du contrat de fiducie. Un raisonnement comparable peut être suivi à propos du droit de préemption du
locataire de bail d'habitation (L. 6 juill. 1989, art. 15, II). Dans ces différents cas de figure, le constituant doit pouvoir échapper aux obligations de déclaration
préalable de l'aliénation envisagée auprès des titulaires des droits de préemption (V., aussi, dans le cadre d'une analyse renouvelée de la fiducie conçue comme
contrat d'affectation temporaire et non plus comme opération doublement translative de propriété, C. Gouret, L'administration fiduciaire, Contribution à l'étude de
la fiducie, avant-propos M.-L. Mathieu, préf. Ch. Albiges et Fr. Pérochon : Defrénois, 2022, n° 611 s.).

En revanche, les transferts effectués au moment du dénouement de la fiducie, à l'exception de ceux opérant le retour des biens dans le patrimoine du constituant,
donneront prise aux droits légaux de préemption (liquidation par un fiduciaire-gestionnaire des biens au profit d'un pool de créanciers, vente de gré à gré ou vente
aux enchères opérées lors du dénouement de la fiducie-sûreté et, sans doute aussi, conservation du bien par le bénéficiaire de la fiducie-sûreté).

B. - Conditions de forme

69. – Lourd formalisme –


Le contrat de fiducie est soumis à d'importantes conditions de forme. Diverses raisons tenant à la protection du constituant et à celle de ses créanciers, à la
réglementation légale légère du régime de la fiducie appelant en contrepartie de nombreuses prévisions contractuelles ainsi qu'à la sauvegarde de l'intérêt
général, face aux risques d'évasions fiscales et d'applications frauduleuses de la fiducie, éclairent les divers aspects du formalisme requis par le législateur. Mais
ce faisant, la loi réserve de facto la fiducie aux opérations qui, par leur importance économique, justifie la mise en place d'un dispositif aussi lourd.

1° Écrit

a) Exigence et nature de l'écrit

70. – Règle de principe –


À la différence de la proposition Marini (C. civ., art. 2064. – V. n° 9 ), le législateur s'est abstenu de poser, de manière formelle, l'exigence générale d'un écrit.
Toutefois, la condition d'un écrit requis ad validitatem se déduit aisément de trois séries d'exigences. D'une part, l'article 2018 du Code civil, impose, à peine de
nullité, diverses mentions obligatoires du contrat de fiducie (V. aussi, les mentions spécifiques requises en matière de fiducie-sûreté, C. civ., art. 2372-2 et 2488-3)
, lesquelles nécessitent un support écrit. D'autre part, le contrat de fiducie doit faire l'objet d'un enregistrement (C. civ., art. 2019, al. 1er et 2). Par ailleurs, le
transfert des droits résultant du contrat de fiducie ainsi que la désignation ultérieure du bénéficiaire non désigné initialement doivent donner lieu à un acte écrit (C.
civ., art. 2019, al. 3). Il est logique d'en déduire que le contrat portant désignation initiale du bénéficiaire doit, lui aussi, être établi par écrit.

Le formalisme entourant la fiducie a été récemment renforcé par l'exigence d'un écrit, à peine de nullité, doublée d'un enregistrement, à la charge du fiduciaire, en
cas de désignation par le constituant d'un tiers protecteur (V. n° 64 ), selon une réforme introduite par l'article 12 de l'ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020
renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. À cet effet, l'article 2019 a été complété par un nouvel
alinéa (al. 4). L'article 2019, alinéa 4 soumet au même formalisme « l'information sur l'identité du ou des bénéficiaires effectifs de la fiducie mentionnés à l'
article L. 561-2-2 du Code monétaire et financier ».

71. – Acte authentique en cas de biens indivis ou de biens communs aux époux –
Selon une réforme introduite par l'ordonnance du 30 janvier 2009 prise en vertu de l'habilitation donnée au Gouvernement par la loi du 4 août 2008 (V. n° 11 ), le
contrat de fiducie doit être établi par un écrit notarié, à peine de nullité, lorsque les biens transférés dans le patrimoine fiduciaire dépendent d'une communauté
existant entre les époux ou d'une indivision (C. civ., art. 2012, al. 2). Ce régime dérogatoire appelle une double remarque. L'exigence d'un acte authentique vaut
pour toute indivision, même celle existant entre des personnes morales, le Gouvernement ayant ainsi dépassé, semble-t-il, les limites de l'habilitation qui lui a été
donnée. Par ailleurs, la nécessité d'un acte authentique en cas de transfert de biens communs dans le patrimoine fiduciaire contraste avec le régime applicable
aux autres aliénations à titre onéreux de biens communs, et l'on peut s'interroger sur la pertinence de cette exception (V. aussi les réserves de F. Vauvillé,
Régimes matrimoniaux : RJPF avr. 2009, p. 22. – M. Grimaldi et R. Dammann, La fiducie sur ordonnances : D. 2009, p. 670 s., spéc. n° 4).

b) Mentions requises
72. – Caractère exprès de la fiducie –
Selon l'article 2012, alinéa 1er, in fine, la fiducie « doit être expresse ». Cette disposition a pour origine une proposition de la Commission des lois du Sénat qui
souhaitait que la fiducie ne pût « être reconnue sur le plan juridique qu'à partir du moment où les parties ont entendu expressément s'engager dans une telle
opération » (H. de Richemont, Rapport de la Commission des lois du Sénat, séance 11 oct. 2006, p. 46). Ainsi, le juge ne saurait déduire l'existence d'un contrat
de fiducie relevant des articles 2011 et suivants du Code civil, de la seule économie du contrat. Si la fiducie doit être expresse, l'article 2012, alinéa 1er n'exige
pas pour autant une formule sacramentelle, ce qui laisse tout de même au juge une marge d'appréciation dans le cadre de l'interprétation du contrat qui lui est
soumis. La sanction du défaut de mention expresse n'est pas la nullité du contrat de fiducie, mais l'application d'une qualification différente si l'économie du
contrat le permet (par ex. mandat, vente, paiement, V. F. Zenati-Castaing et Th. Revet, Les biens : PUF, 3e éd., 2008, n° 267).

73. – Mentions requises à des fins de validité pour tout contrat de fiducie –
L'article 2018 du Code civil donne la liste des mentions que tout contrat de fiducie doit contenir, à peine de nullité. La norme mentionne, en premier lieu, « les
biens, droits ou sûretés transférés » et précise, à propos des biens futurs, qu'« ils doivent être déterminables ». Il suffit, semble-t-il, qu'ils le soient par leur objet
(V. toutefois, R. Libchaber, loc. cit., 1re partie, n° 12, selon lequel le contrat devra également déterminer la date à laquelle ils doivent rejoindre le patrimoine
fiduciaire). Tout doute sur la composition du patrimoine fiduciaire devrait conduire à l'exclusion de l'élément incertain du transfert, et non à la nullité du contrat.

La seconde mention requise est celle de la durée, qui ne peut excéder 99 ans à compter de la signature du contrat (C. civ., art. 2018, 2°). Cette limite est le
résultat d'une valse-hésitation du législateur. Alors que la proposition de loi prévoyait déjà cette durée, similaire à celle des sociétés (C. civ., art. 1838), des baux
emphytéotiques (C. rur., art. L. 451-1, al. 2) ou du bail à construction (CCH, art. L. 251-1, al. 3), la durée du transfert a été réduite au cours des débats
parlementaires à 33 ans, à la suite d'un amendement déposé au motif qu'il ne faut pas favoriser le gel des patrimoines pendant une durée excessive (R. Badinter
et a., Sénat, séance 17 oct. 2006 : JO Sénat 18 oct. 2006, p. 6694 s.). La durée de 99 ans a été restaurée par la loi LME du 4 août 2008 (L. n° 2008-776, 4 août
2008, art. 18-1), à la suite d'un amendement déposé au motif que la durée de 33 ans peut « se révéler pénalisante dans certains cas », ainsi dans l'hypothèse
d'une fiducie constituée par une entreprise qui affecterait des actifs au dédommagement futur des victimes de la pollution créée par son activité (F. Truci et a.,
Sénat, séance 1er juill. 2008 : JO Sénat 2 juill. 2008, p. 3744). En exigeant des parties qu'elles précisent la durée du transfert, la loi semble n'autoriser que les
contrats de fiducie à durée déterminée. Néanmoins, une interprétation souple des textes, faite à la lumière des besoins de la pratique, devrait conduire à
l'admission de la fiducie à durée indéterminée, assortie d'une clause prévoyant un terme maximum. En effet, pareille stipulation contractuelle respecte la règle
d'ordre public qui prohibe le dépassement du plafond de 99 ans (en ce sens, V. F. Zenati-Castaing et Th. Revet, Les biens : PUF, 3e éd., 2008, n° 267, note 1).
On pourrait toutefois objecter qu'une clause prévoyant une durée indéterminée introduit un facteur d'instabilité dans le régime de la fiducie par la faculté de
résiliation unilatérale inhérente aux contrats à durée indéterminée, et qu'en conséquence une telle clause serait illicite. Mais cette objection n'est pas décisive, le
législateur autorisant largement la révocation de la fiducie ou la faculté d'y renoncer (V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 20 ou Notarial Répertoire, V°
Fiducie, fasc. 20 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 786).

Les troisième et quatrième mentions requises se rapportent à l'identité du ou des constituants et à celle du ou des fiduciaires. Toutefois, l'identité des personnes
visées pourra se déduire, en l'absence de mention spécifique, de la qualité de parties au contrat de fiducie.

La quatrième mention est celle de l'identité du ou des bénéficiaires ou, à défaut, des règles permettant leur désignation. Si une mention expresse relative au
bénéficiaire est indispensable lorsque le contrat de fiducie a été conclu au profit d'un ou de plusieurs tiers bénéficiaires, l'identité du ou des bénéficiaires
signataires du contrat de fiducie ressortira aisément du type de fiducie mise en place par les contractants (fiducie-gestion ou fiducie-sûreté). Mais pour éviter
toute source de contentieux sur ce point, les parties ont intérêt à rappeler expressément l'identité du ou des contractants ayant la qualité de bénéficiaires.

Enfin, la loi requiert la détermination de « la mission du ou des fiduciaires et l'étendue de leurs pouvoirs d'administration et de disposition » (C. civ., art. 2018, 6°).
La mission ainsi visée se rapporte à la finalité de la fiducie (fiducie-gestion ou fiducie-sûreté, V. n° 29 ). Que la loi requière des parties la détermination de
l'étendue des pouvoirs d'administration et de disposition du fiduciaire (C. civ., art. 2018, 6°) s'explique d'autant plus que le législateur n'a prévu, à cet égard,
aucune disposition supplétive.

74. – Mentions requises à des fins de validité propres aux contrats de fiducie-sûreté –
On avait pu légitimement critiquer le législateur de 2007 d'avoir omis d'imposer aux parties la mention de la dette garantie lorsque la fiducie est conclue à des fins
de garantie (V. not. P. Crocq, Lacune et limite de la loi au regard du droit des sûretés : D. 2008, p. 1354 s., spéc. n° 15). Cet oubli a été réparé par l'ordonnance
n° 2009-112 du 30 janvier 2009 (Ord. n° 2009-112, 30 janv. 2009, art. 5). Depuis l'ordonnance du 15 septembre 2021, l'exigence de la mention de « la valeur
estimée du bien ou du droit transféré dans le patrimoine fiduciaire » a heureusement été supprimée. Elle n'est plus que facultative. Les parties pourraient
notamment y trouver un intérêt pour faciliter la démonstration d'une éventuelle faute par le fiduciaire dans son obligation de conservation des biens qui lui ont été
transmis (S. Fahri, La fiduciesûreté dans l'ordonnance de réforme du droit des sûretés du 15 septembre 2021 : Revue Lamy Droit civil, n° 199, 1er janv. 2022). Si
une évaluation du bien est nécessaire en matière de fiducie-sûreté, c'est celle appelée à être effectuée lors du dénouement de la fiducie, lorsque le contrat
prévoit l'attribution définitive du bien au créancier, en règlement de la créance, et ce à des fins de protection du débiteur (V. C. civ., art. 2373-3, al. 3 et 2488-3,
al. 3, ces normes exigeant l'évaluation du bien, quel que soit le mode de réalisation de la sûreté, attribution définitive ou vente).

75. – Nature de la nullité encourue –


Une distinction doit être faite selon qu'aucun écrit n'a été dressé ou qu'un écrit a été établi, mais dépourvu de tout ou partie des mentions requises à des fins de
validité.

L'absence d'écrit encourt assurément la nullité absolue. Mais encore faut-il que puisse être rapportée la preuve de la volonté des parties de conclure un contrat
de fiducie destiné à produire les effets prévus la loi, notamment la constitution d'un patrimoine fiduciaire. Cette observation soulève indirectement la question de
l'admission des fiducies innommées (V. n° 42. – [fiducie-libéralité]). En effet, l'exigence d'un écrit répond à une finalité d'intérêt général suffisamment forte pour
dicter cette sanction, même si le formalisme édicté protège également le constituant ou le bénéficiaire, l'écrit devant permettre à l'administration fiscale et aux
autorités de lutte contre le blanchiment de capitaux d'exercer leur contrôle. Cette finalité ressort clairement de l'ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020
renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, dont l'article 12 a étendu l'exigence d'un écrit et d'un
enregistrement à la désignation du tiers protecteur ainsi qu'à l'information sur l'identité du ou des bénéficiaires effectifs de la fiducie, au sens de l'article L. 561-2-2
du Code monétaire et financier (C. civ., art. 2019, al. 4). Par ailleurs, le défaut d'écrit rend impossible l'enregistrement, dont l'inobservation justifie, à elle seule, la
nullité absolue du contrat (V. n° 77 ).

La détermination de la nature de la nullité sanctionnant l'absence de tout ou partie des mentions requises impose de vérifier la finalité de la ou des mentions
omises. Certaines d'entre elles ont pour principal objet de protéger le constituant, auquel cas la nullité devrait être relative. Tel est le cas des mentions spécifiques
requises en matière de fiducie-sûreté (V. C. civ., art. 2372-2 et 2488-2) et de celle précisant l'étendue des pouvoirs d'administration et de disposition du fiduciaire
(V. C. civ., art. 2018, 6°). En revanche, l'ordre public de direction imprègne suffisamment les autres mentions dont le contenu permettra à l'administration fiscale
et aux autorités de lutte contre le blanchiment de capitaux d'exercer leur contrôle, pour que leur absence soit sanctionnée par la nullité absolue. Enfin, le défaut
d'acte notarié requis en raison de la nature des biens transférés (biens indivis, biens communs aux époux) devrait encourir la nullité absolue, si l'on s'en tient à la
position dominante de la jurisprudence qui, en cas d'enchevêtrement d'intérêts de protection et de l'intérêt général poursuivis par la forme solennelle requise, fait
prévaloir la nullité absolue (V. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, F. Chénedé, Droit civil, Les Obligations : Dalloz, 13e éd., 2022, n° 211).

76. – Mentions requises non sanctionnées –


Le législateur impose certaines mentions sans que leur absence soit sanctionnée par la nullité. Tout d'abord, le contrat doit définir les conditions dans lesquelles
le fiduciaire rend compte de sa mission au constituant (C. civ., art. 2022, al. 1er et 2). Par ailleurs, le contrat doit prévoir la périodicité avec laquelle « le
bénéficiaire » (il s'agit nécessairement d'un tiers bénéficiaire) et le tiers protecteur peuvent demander au fiduciaire de rendre compte de sa mission (C. civ.,
art. 2022, al. 3). Le défaut de ces mentions n'est pas sanctionné par la nullité du contrat. En cas de contestation, le juge devra être saisi pour suppléer la carence
des parties (V. F. Zenati-Castaing et Th. Revet, Les biens : PUF, 3e éd., 2008, n° 267 in fine).

77. – Mentions facultatives –


Il s'agira, tout d'abord, de celles découlant de la nature supplétive de certaines dispositions de la loi (V. C. civ., art. 2017, permettant aux parties d'écarter le droit
du constituant de nommer un tiers protecteur, sauf dans l'hypothèse d'un constituant personne physique, et de confier au tiers protecteur les pouvoirs que la loi
accorde au constituant, V. n° 63. – C. civ., art. 2025, al. 2, autorisant une stipulation du contrat mettant tout ou partie du passif à la charge du fiduciaire. – C. civ.,
art. 2025, al. 3, permettant la limitation, par le contrat de fiducie, du passif fiduciaire au seul patrimoine fiduciaire. – C. civ., art. 2027, relatif à la nomination d'un
fiduciaire provisoire ou de remplacement, en l'absence de stipulations contractuelles particulières. – C. civ., art. 2029, al. 2, relatif à l'extinction du contrat de
fiducie en cas de renonciation à la fiducie par la totalité des bénéficiaires, sauf stipulations contraires du contrat. – Sur la mise en œuvre de ces différentes
normes, V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 20 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 20 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 786). Il s'agira, en second
lieu, de la mention du caractère rechargeable de la fiducie-sûreté, si les parties décident de la rendre rechargeable (V. C. civ., art. 2372-5, al. 1er et 2488-5, al. 2).
Il s'agira, en troisième lieu, de celles que les parties sont avisées d'insérer dans le contrat, le bon déroulement de la fiducie dépendant largement du soin avec
lequel les parties ont rédigé leur contrat. Ainsi, les contractants ont notamment intérêt à prévoir le mode de rémunération du fiduciaire, à envisager les divers
événements rendant difficile ou impossible la mission du fiduciaire, particulièrement dans les contrats de longue durée (V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030,
fasc. 20 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 20 ou Banque – Crédit – Bourse, fasc. 786, n° 58 et 59) et à régler les modalités de dévolution du patrimoine
fiduciaire des éléments d'actifs à l'issue de la fiducie (V. JCl. Civil Code, Art. 2011 à 2030, fasc. 20 ou Notarial Répertoire, V° Fiducie, fasc. 20 ou Banque – Crédit
– Bourse, fasc. 786, n° 72 à 78).

2° Enregistrement

78. – Objet, délai et lieu –


L'article 2019 du Code civil soumet le contrat de fiducie et ses avenants à la formalité de l'enregistrement, à peine de nullité, « dans le délai d'un mois à compter
de leur date au service des impôts du siège du fiduciaire ou au service des impôts des non-résidents si ce dernier n'est pas domicilié en France » (C. civ.,
art. 2019, al. 1er). La même obligation, sanctionnée de la même manière, s'applique aussi lorsque les droits résultant du contrat de fiducie ont fait l'objet d'une
transmission ou que le bénéficiaire a été désigné postérieurement à la conclusion du contrat de fiducie (C. civ., art. 2019, al. 3). Depuis l'entrée en vigueur de
l'ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 (art. 12), elle s'applique également à la désignation du tiers au sens de l'article 2017 (tiers protecteur) ainsi qu'à
l'information se rapportant à l'identité du ou des bénéficiaires effectifs de la fiducie (C. civ., art. 2019, al. 4). La loi du 19 février 2007 ne précise pas à qui incombe
la démarche, au motif contestable qu'il faut laisser aux parties le soin « de désigner qui, du constituant ou du fiduciaire, devra procéder à cette formalité » (H. de
Richemont, Rapport de la Commission des lois du Sénat, séance 11 oct. 2006, p. 58). En l'absence de prévisions contractuelles, la charge de la formalité devrait
incomber au fiduciaire, qui est nécessairement un professionnel. On peut invoquer, en renfort, la compétence locale du service des impôts retenue par le
législateur (siège du fiduciaire ou service des impôts des non-résidents en l'absence de domicile en France, V. C. civ., art. 2019. – Sur cet argument, X. de Roux,
Rapport au nom de la commission des lois : Doc. n° 3655, séance 1er févr. 2007, p. 44) ainsi que la réforme introduite par l'ordonnance du 12 février 2020 qui
vise, à l'article 2019, alinéa 4, précité l'« acte écrit établi par le fiduciaire et enregistré dans les mêmes conditions » que celles énoncées par l'article 2019, alinéa
1er, à propos de la désignation du tiers protecteur et de l'information se rapportant à l'identité du ou des bénéficiaires effectifs de la fiducie.

Le texte soulève des difficultés d'application en cas de pluralité de fiduciaires relevant de services des impôts territorialement différents (X. de Roux, Rapport au
nom de la commission des lois : Doc. n° 3655, séance 1er févr. 2007, p. 44. – En faveur du choix par les parties du service compétent, Dossiers pratiques Francis
Lefebvre, n° 2005). La formalité visant la sauvegarde de l'ordre public (lutte contre la fraude fiscale et le blanchiment d'argent, risques d'antidate), la nullité doit
être considérée comme absolue.

79. – Contrat portant sur des immeubles ou des droits réels immobiliers –
Selon l'article 2019, alinéa 2, du Code civil, pareil contrat doit être publié, à peine de nullité, « dans les conditions prévues aux articles 647 et 657 du Code
général des impôts ». En d'autres termes, le contrat est soumis à la formalité fusionnée de l'enregistrement et de la publicité foncière. Le délai applicable est de 2
mois. La sanction de la nullité contraste avec la simple inopposabilité des mutations immobilières non publiées découlant de l'application de droit commun des
règles régissant la publicité foncière. La crainte d'applications frauduleuses explique cette sanction renforcée (V. Fr. Barrière : Rép. civ. Dalloz, V° Fiducie, n° 60).

3° Déclaration d'existence de la fiducie


80. – Obligation de nature fiscale –
Selon une formalité issue de l'ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009 (art. 10. – Sur cette ordonnance, V. n° 13 ), la fiducie fait l'objet d'une déclaration
d'existence par le fiduciaire (CGI, art. 238 quater L), dans les conditions précisées par l'article 344 M du CGI, annexe 3. La déclaration d'existence de la fiducie
signée par le fiduciaire doit être déposée dans les 15 jours de sa création auprès du service des impôts des entreprises du siège ou du lieu d'établissement du
fiduciaire, selon un formulaire homologué (CGI, ann. II, art. 371 AL et 371 AM).

4° Registre national des fiducies

81. – Registre au service de l'intérêt général –


Le registre national des fiducies, appelé à être constitué selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État (C. civ., art. 2020), s'est fait attendre plus de 3
ans. Le décret n° 2010-219 du 2 mars 2010 (JO 4 mars 2010, p. 4442) confirme l'objectif du traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé
« Registre national des fiducies » (D. n° 2010-219, 2 mars 2010, art. 1er, al. 1er), tel qu'il ressortait déjà des travaux préparatoires de la loi du 19 février 2007. Le
registre, tenu par le ministère du Budget (direction générale des finances publiques), a « pour finalité de centraliser les informations relatives aux contrats de
fiducie nécessaires pour faciliter les contrôles permettant de lutter contre l'évasion fiscale, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme » (D.
n° 2010-219, 2 mars 2010, art. 1er, al. 2). Le décret du 2 mars 2010 précité contenait une liste des destinataires des informations contenues dans le fichier pour
l'exercice des missions qui leur sont confiées (le juge d'instruction, le procureur de la République, les officiers de police judiciaire, les agents des douanes
mentionnés à l'article 28-1 du Code de procédure pénale, les agents du service Tracfin et les agents habilités de la direction générale des finances publiques
chargés du contrôle et du recouvrement en matière fiscale, D. n° 2010-219, 2 mars 2010, art. 5). Dans le prolongement de l'ordonnance n° 2020-115 du 12 février
2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, le décret d'application n° 2020-118 du 12 février
2020 (art. 16) a abrogé l'article 5 du décret du 2 mars 2010. Une liste élargie des autorités et des personnes ayant accès au registre national des fiducies se
trouve désormais au sein du LPF (LPF, art. L. 167), cet élargissement répondant aux objectifs poursuivis par l'ordonnance du 12 février 2020 de transposition de
la cinquième directive anti-blanchiment 2018/843. Les règles posées par l'article L. 167 du LPF sont communes au registre national des fiducies et au registre
public des trusts, tel que visé par l'article 1649-II AB du CGI (D. n° 2016-656, 10 mai 2016 ; arrêté du 21 juin 2016 relatif aux conditions d'accès et d'utilisation des
informations contenues dans le registre public des trusts).

82. – Teneur des informations –


Les informations figurant dans le registre national des fiducies ne se limitent pas aux renseignements permettant d'identifier le constituant, le fiduciaire et, le cas
échéant, les personnes physiques ou morales désignées dans le contrat de fiducie comme bénéficiaires – sont ainsi visés les éventuels tiers-bénéficiaires (on
retrouve l'ambiguïté de la notion de bénéficiaires) – mais se rapportent aussi à la date, au numéro de l'enregistrement du contrat de fiducie et à l'identification du
service des impôts auquel la formalité a été accomplie, ainsi que, le cas échéant, à la date d'accomplissement des formalités de la publicité foncière, au numéro
de publication et d'identification du service auprès duquel les formalités ont été accomplies (D. n° 2010-219, 2 mars 2010, art. 2). Le décret n° 2020-118 du
12 février 2020 a complété la liste des informations en y ajoutant celles relatives au tiers au sens de l'article 2017 du Code civil ainsi que les informations se
rapportant aux bénéficiaires effectifs au sens de l'article L. 561-2-2 du Code monétaire et financier (D. 2 mars 2010, art. 2 mod. – LPF, art. L. 167). Les
informations sont conservées 10 ans après l'extinction du contrat de fiducie (D. n° 2010-219, 2 mars 2010, art. 3).

Les informations relatives aux bénéficiaires effectifs d'une fiducie obéissent à un régime particulier. En effet, leur accès est doublement élargi. Elles sont
également accessibles à toute personne justifiant, au regard de l'objet ou de la nature de son activité, d'un intérêt légitime dans la prévention ou la lutte contre le
blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme (LPF, art. L. 167, II, 2°). Bien plus, elles le sont également à toute personne, dès lors que la fiducie ou le
trust détient une participation de contrôle dans une société ou dans une autre entité juridique établie dans un pays tiers par propriété directe ou indirecte (LPF,
art. L. 167, II, 1°).

Les modalités de consultation des informations contenues dans le registre national des fiducies et le registre du trust ont été précisées par le décret n° 2021-1127
du 27 août 2021, pris en application de l'ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020 (LPF, art. R. 167 à R. 167-3. –V. X. Delpech, Précisions réglementaires sur
la consultation des informations contenues dans les registres des trusts et des fiducies : Dalloz actualité, 21 mars 2022).

83. – Assujettis et sanctions –


Pas plus que l'article 2020 du Code civil, le décret du 5 mars 2010 dans sa version initiale et dans celle modifiée par le décret du 12 février 2020 ne précise à qui
incombe le respect de cette formalité. En dépit du silence des textes, il ne fait pas de doute que celle-ci doit être opérée par le fiduciaire, lui-même en charge de
l'enregistrement du contrat (V. n° 78 ) et de la déclaration d'existence de la fiducie (V. n° 79 ). Pas davantage les textes n'indiquent la sanction du non-respect de
la formalité. Une partie de la doctrine opte en faveur de la nullité, qui serait absolue en raison de l'ordre public de direction dont relève la norme violée (en ce
sens, F. Barrière, La fiducie, Commentaire de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 (deuxième partie) : Bull. Joly Sociétés, p. 556, spéc., n° 40. – A. Lienhard,
Registre national des fiducies : parution du décret : D. 2010, p. 571). On peut objecter, à l'encontre d'une sanction aussi radicale, que le législateur s'est abstenu
de consacrer la nullité, alors qu'il a eu recours à cette sanction pour le non-respect de la formalité de l'enregistrement (V. n° 77 ), et qu'il s'est abstenu de
subordonner l'entrée en vigueur de la loi à la parution du décret précisant les modalités du registre, ce qui a d'ailleurs rendu possible la constitution de l'une des
premières fiducies-sûretés au profit de l'État lui-même (V. n° 50 ). La seule sanction envisageable serait, dès lors, la mise en jeu de la responsabilité du fiduciaire
négligent.

5° Formalités attachées aux transferts des biens ou droits mis en fiducie

84. – Respect des formalités de publicité –


Lorsque le contrat de fiducie porte sur des biens ou droits dont la mutation est soumise à publicité, les contractants devront veiller aux formalités de publicité
propres à chacune de ces mutations. La règle est indirectement rappelée par l'article 2021, alinéa 2, du Code civil, lequel prévoit la mention obligatoire du nom du
fiduciaire ès qualités « lorsque le patrimoine fiduciaire comprend des biens ou des droits dont la mutation est soumise à publicité ». Par ailleurs, le législateur
renforce, en matière immobilière, la sanction de l'absence des formalités de la publicité foncière, en édictant la nullité du contrat de fiducie (C. civ., art. 2019, al. 2.
– V. n° 78 ). Les formalités applicables aux transferts de certains biens mobiliers corporels (navires, bateaux et aéronefs) ou incorporels (par exemple, titres
nominatifs, brevets d'invention) devront être respectées par les contractants pour que soit assurée l'opposabilité de la mutation aux tiers. Faute d'un système
général de publicité à destination des tiers, le principe « en matière de meuble, possession vaut titre » fragilise la fiducie en cas d'aliénation du meuble mis en
fiducie par un fiduciaire ou un constituant indélicats (V., toutefois, l'apposition de plaques sur certains meubles, n° 49).

85. – Cas particulier des cessions de créances –


La loi LME du 4 août 2008 a dérogé, de manière heureuse, aux lourdes formalités d'opposabilité des cessions de créances de l'article 1690 du Code civil alors
applicable, en s'inspirant partiellement des conditions d'opposabilité simplifiées de la loi Dailly (C. mon. fin., art. L. 313-27). Selon l'article 2018-2 du Code civil,
« la cession de créances réalisée dans le cadre d'une fiducie est opposable aux tiers à la date du contrat de fiducie ou de l'avenant qui la constate. Elle ne
devient opposable au débiteur de la créance cédée que par la notification qui lui en est faite par le cédant ou le fiduciaire ». Une solution plus simple aurait été de
consacrer l'opposabilité de la cession au débiteur cédé dès la conclusion du contrat de fiducie, sauf à lui permettre de continuer à se libérer valablement entre
les mains du créancier originaire tant qu'il n'en a pas connaissance (V. C. mon. fin., art. L. 313-28 relatif aux cessions Dailly. – En faveur de cette solution, V. J.-
P. Mattout et A. Prüm, Chronique de droit bancaire : Dr. & patr. mars 2009, p. 94 s., spéc. p. 96). La notification de la cession de créances au débiteur n'est
soumise à aucune condition de forme. La réforme ainsi introduite facilite le recours de la fiducie dans les opérations impliquant des transferts de portefeuille de
créances (V. J.-P. Mattout et A. Prüm, Chronique de droit bancaire : Dr. & patr. mars 2009, p. 94 s., spéc. p. 96).

Si l'article 2018-2 du Code civil tranchait par rapport à l'article 1690 du Code civil lors de son adoption, tel n'est plus le cas depuis la réforme du droit des contrats
et des obligations (2016/2018), laquelle a libéralisé les règles de droit commun régissant la cession de créance. Il en résulte une forte convergence entre l'
article 2018-2 du Code civil et les nouveaux articles 1323, alinéas 1 et 2, et 1324, alinéa 1er du Code civil, et au-delà, avec le régime applicable à la cession de
créance à titre de garantie, consacrée par l'ordonnance n° 2021-1192 portant réforme du droit des sûretés (V. C. civ., art. 2373 qui renvoie aux articles 1321 à
1326).

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