Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
SOUS-TITRE 2
Si la loi laisse une certaine place à la volonté du défunt pour régler la transmission du patrimoine,
les règles gouvernant les libéralités (forme comme fond) encadrent déjà fortement sa liberté, afin de
le protéger lui-même autant que sa famille. Au-delà, l’incidence de cette volonté sur la dévolution
successorale conduit à en limiter les champs d’intervention, d’une part pour éviter que l’expression
de la volonté ne « favorise le souhait du décès d’autrui » ; d’autre part pour éviter que la famille ne
souffre de la volonté du disposant.
En découlent les deux principes de l’ordre public successoral, auxquels les réformes récentes ont
porté d’importantes atteintes :
→ la prohibition des pactes sur succession future, qui conduit à interdire de modifier les
lois successorales par convention, donc à conclure un contrat portant sur une succession non encore
ouverte (Chapitre 1).
→ la réserve héréditaire, qui conduit à ne pas laisser le défunt disposer en toute liberté de
son patrimoine à titre gratuit, en prévoyant qu’une fraction intangible de son patrimoine échappe au
pouvoir de sa volonté, en ce qu’elle sera « réservée » au proche parent (Chapitre 2).
Notion. On entend par pacte sur succession future (ou contrat successoral) tout contrat portant sur
une succession non encore ouverte, c’est-à-dire sur la succession d’une personne vivante.
Cela vise donc une convention par laquelle, de son vivant, le défunt règle le sort de sa succession
(pacte sur sa propre succession) ou par laquelle un héritier présomptif contracte sur ses droits
successoraux à venir avec un tiers (pacte sur succession d’autrui).
Le Code civil n’emploie pas lui-même le terme de pacte sur succession future et n’en donne pas de
définition précise, même divers textes posent sa nullité de principe :
→ ancien article 1130 alinéa 2 (antérieur à l’Ord du 10 fév 2016) : « on ne peut renoncer à
une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le
consentement de celui de la succession duquel il s’agit, que dans les conditions prévues par la loi ».
→ article 722 introduit par la loi du 3 décembre 2001 prévoyant que « les cv° qui ont pour
objet de créer des droits ou de renoncer à des droits sur tout ou partie d’une succession non encore
ouverte ou d’un bien en dépendant ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par
la loi ».
On notera le changement de perspective : de la nullité on tend à la validité limitée de ces pactes.
2
D’où ce sont avant tout ces deux dernières justifications qui fondent la prohibition des contrats
successoraux : protection du consentement de l’héritier ; protection de la liberté de tester. Tout
dépend du type de pacte, selon qu’il porte sur sa propre succession ou sur la succession d’autrui.
Mais, sous l’impulsion de la pratique notamment notariale, la tendance est à un certain déclin de ces
fondements, notamment pour favoriser les pactes par lesquels l’héritier traite sur ses propres droits
dans une succession future. De tels pactes sont admis en droit comparé (ex. droits allemand, suisse).
pactes, not. en faveur du conjoint survivant (par ex. clause commerciale ; renonciation au droit de
retour légal), pour lesquels pourtant les deux fondements de la prohibition ne se retrouvaient pas
nécessairement. L’approche des pactes étaient donc avant tout technique, au regard de ‘objet du
pacte, à savoir qu’il doit conférer des droits sur une succession non encore ouverte. Mais par la
suite, à partir des années 1960, jurisprudence et loi adoptent une approche plus casuistique, fonction
notamment de l’utilité sociale des pactes permettant la validation de pactes jusque là prohibés.
En découle une interprétation fluctuante, et parfois validante, des trois éléments nécessaires à la
caractérisation d’un pacte sur succession future prohibé.
Comme le pacte porte sur des droits relevant d’une succession à venir, le droit qu’il crée n’est
qu’éventuel car il dépendra de la succession. En ce sens, il y aurait pacte sur successions future
prohibé lorsque le pacte confère un droit simplement éventuel, donc « en suspens ».
Ex : héritier qui renonce à ses droits sur la succession d’autrui renonce à simple expectative
de ce qu’il pense recevoir plus tard dans cette succession.
Ex : défunt dispose de son patrimoine envers autrui ne peut céder que des expectatives, car
son patrimoine est incessible entre vifs.
L’idée est donc que le droit porte sur une simple expectative.
→ Evident lorsque le pacte porte sur tout ou partie de la succession : le patrimoine étant
indisponible entre vifs, le bénéficiaire ne peut être titulaire d’un droit actuel. L’acte a manifestement
un caractère successoral.
→ Plus compliqué quand le pacte porte sur un bien ou un droit déterminé, lorsque l’on
prévoit que la transmission doit se faire au décès. Par ex. la vente d’un bien précisant que le
transfert de propriété se fera au décès. La convention est conclue au regard du décès de l’auteur.,
donc elle apparaît comme liée à la succession, mais est-ce pour autant un part prohibé ? Deux
approches concevables, permettant de distinguer le pacte prohibé d’autres conventions permises :
- soit il s’agit d’un droit éventuel qui porte sur la succession → bénéficiaire n’aurait alors
qu’un droit en suspens et restant dans la dépendance du défunt qui peut tjs l’anéantir, not
en disposant entre vifs de ce même bien.
- soit il s’agit d’un droit actuel affecté d’un terme → le bien est vendu actuellement, et
seule l’exigibilité du prix et du bien est remise au décès. Le défunt ne peut ensuite
disposer du bien entre vifs : le bénéficiaire a droit actuel et né sur le bien.
Donc ce qui caractérise le pacte est qu’il porte sur un droit dans ou sur (art 722) la succession qu’il
vise et qui en est l’objet, à la différence du pacte qui ne prend la succession que comme terme d’un
droit qui lui serait extérieur.
existe déjà, mais ne sera exigible qu’au jour de l’ouverture de la succession. Le promettant est tenu
dès la promesse d’une obligation dont seule l’exécution est différée au jours de son décès (il n’est
pas tenu seulement sur sa succession) ; le bénéficiaire a dès la promesse un droit né et actuel.
→ Ex vente post mortem : contrat de vente, dont transfert de propriété et paiement du prix sont
différés au décès. Dès conclusion de la vente, le vendeur perd le droit de disposer de son bien et
l’acquéreur a droit né et actuel, dont seule l’exécution est différée au décès : le vendeur/défunt est
déjà tenu et sa succession sera tenue par voie de conséquence.
→ Parfois la qualification est plus délicate, not. quand promesse de vente, dont l’exécution, càd
levée de l’option, est différée au décès du promettant ; pour vente à exécuter au décès.
v. pour vente au décès : Civ 1re, 30 mai 1985 (Bull civ I n°173 ; D 1986, 65 Najjar ; RTDCiv
1986, 391 Patarin)
v. pour promesse Civ 1re, 5 mai 1986 (Bull I n°114 ; JCP 1987 II 20851 Barret).
→ Ex reconnaissance de dette du défunt envers un héritier payable au décès
- pacte sur succession future prohibé si n’oblige le défunt que sur ce qu’il laissera à sa mort,
car il promet de payer s’il laisse quelque chose, donc cela ne crée obligation qu’à la charge de la
succession (v. Civ 1re, 4 octobre 2005, n°02-13395)
- acte valable si l’engagement pris est ferme, mais que le créancier doit attendre le décès
pour être payé, car seule l’exigibilité des différée dans ce cas (v. Civ 1re 11mars 2009 n°07-16087).
→ le pacte conditionnel.
Il s’agit des conventions qui accordent un droit à l’un sous condition suspensive du prédécès de
l’autre. Un tel pacte est valable, car il ne donne pas un droit dans la succession, mais crée un droit
actuel affecté d’une simple condition liée au décès.
Par exemple : clause d’accroissement = clause de tontine. C’est la clause par laquelle plusieurs
personnes (souvent mari et femme) achètent en commun un bien et stipulent que ce bien qu’elles
acquièrent ensemble sera réputé avoir été acquis uniquement par le survivant des deux. Elles ont
ensemble la jouissance du bien leur vie durant et prévoient que le survivant sera le seul propriétaire,
sans que l’autre l’ait jamais été. Chacune des parties est titulaire de ses propres droits sur le bien,
sous condition résolutoire de son prédécès ; et elle est titulaire des droits de l’autre sous condition
suspensive du prédécès de l’autre.
La Cour de cassation a depuis longtemps considéré que la clause de tontine est un pacte
conditionnel, donc valable, et non un pacte sur successions future prohibé
Ch mixte 27 nov 1970 (Bull ch mixte n°3 ; D 1971, 81 concl contraire Lindon ; RTDCiv
1971, 400 Savatier ; Grands arrêts n°136) : en l’espèce l’acte prévoit que le premier mourant sera
réputé n’avoir jamais eu de droit à la propriété de l’immeuble qui appartiendra en totalité au
survivant, considéré comme unique propriétaire, comme s’il l’avait toujours été. La Cour estime
que cela ne crée pas de droit privatif sur la succession du prémourant, mais un droit actuel au jour
de l’acquisition, sous condition du prédécès de son cocontractant.
Il faut correctement rédiger sa clause de tontine, not. ne pas dire que les parts du prédécédé doivent
« revenir au survivant » par ex. Mais il faut dire que sera seul acquéreur celui qui survit à l’autre.
6
On l’appelle clause « commerciale » car en pratique elle était avant tout stipulée pour le fonds de
commerce, qui appartient à un seul époux mais est exploité par les deux : elle permet au CS de
conserver le fonds, moyennant paiement de son prix aux héritiers.
Lorsqu’une telle clause porte sur un bien commun, c’est une cv° de partage de la communauté
(valable) ; lorsqu’il s’agit d’une acquisition à titre gratuit, c’est une institution contractuelle
(donation de biens à venir, valable car entre époux). Mais lorsqu’elle est prévue à titre onéreux et
porte sur un bien propre du conjoint prédécédé, la clause confère un droit sur le bien au CS, droit
qui ne s’ouvrira qu’au décès : d’où interrogation quant à sa validité.
Malgré l’utilité de la clause et contre la pratique courante, la Cour de cassation avait annulé cette
clause commerciale comme constituant un pacte sur succession future prohibé :
Civ 11 janvier 1933 Crémieux (GA n°134) : « toute stipulation ayant pour objet d’attribuer
un droit privatif sur tout ou partie d’une succession non ouverte constitue un pacte sur succession
future prohibé par la loi, encore que celui de la succession duquel il s’agit y ait consenti ; que cette
prohibition est formelle et d’ordre public, et ne comporte d’autres dérogations que celles qui sont
limitativement déterminées par la loi ».
L'analyse technique est exacte en ce que droit reste éventuel. Mais la solution est contestable car le
pacte est utile ; et interroge car il est curieux que le pacte soit nul quand prévu à titre onéreux, mais
valable quand à titre gratuit en tant qu’institution contractuelle admise entre époux.
D’où loi du 13 juillet 1965 a contré cette jp en admettant la validité de la clause commerciale à
l’article 1390 Code civil, et ce rétroactivement.
La loi du 23 juin 2006 est venu renforcer cette solution en ajoutant un alinéa 2 à l’article 1390
permettant à l’époux qui exerce cette faculté reconnue par la clause d’exiger des héritiers qu’ils lui
concèdent un bail sur l’immeuble dans lequel le fonds de commerce est exploité.
Notion générale. La réserve héréditaire peut être définie comme une fraction de la succession
soustraite à la libre disposition du défunt ; ou comme une « portion de ses biens dont une personne
ne peut disposer à titre gratuit » (M. Grimaldi). Cette fraction est alors réservée à certains héritiers,
appelés héritiers réservataires.
La réserve constitue en cela une part irréductible de la succession réservée à certains héritiers, qui
échappe à la libre volonté du défunt. Le reste de la succession, laissé à la libre disposition du défunt,
est appelé la quotité disponible (QD) : voir article 912 issu de la Loi de 2006
La réserve constitue une manifestation de l’OP successoral, puisqu’elle fixe une limite quantitative
à la liberté de disposer à titre gratuit. Si le défunt outrepasse cette limite, les héritiers réservataires
pourront protéger leur réserve en demandant la réduction des libéralités excessives.
→ Le Code civil de 1804 adopte un droit successoral qui mêle succession légale et succession
volontaire. Dès lors la réserve apparaît de nature plus ambiguë : elle remplit la fonction d’un devoir
de famille (comme la légitime), mais elle est vue comme une part de la succession (comme la
réserve coutumière). D’où :
10
économiques se traduisant par renforcement de la volonté du défunt1. Et ce alors même que la loi de
2006 a affirmé avec force l’existence de la réserve à l’art 912.
→ modification des bénéficiaires de la réserve : traduction du changement du sens familial
du droit des successions. La loi de 2001 a accordé le bénéfice de la réserve au conjoint survivant
dans certains cas. La loi de 2006 a supprimé la traditionnelle réserve des ascendants, leur accordant
simplement compensation alimentaire ou droit de retour légal.
→ modification de la nature réelle de la réserve : le dépassement de la QD n’est plus
sanctionné par une réduction en nature des libéralités, mais par une réduction en valeur. Dès lors, la
réserve apparaît moins comme une pars hereditatis, que comme un droit de créance contre la
succession. Sauf cas spécifique not de l’insolvabilité du gratifié.
→ diminution du caractère d’OP de la réserve : la loi de 2006 admet que l’héritier
présomptif puisse renoncer par anticipation à l’action en réduction, avec le consentement du défunt
et si au profit de personnes déterminées.
→ la QD devient variable, en ce que l’enfant renonçant n’est pas compris dans le calcul de
la réserve, sauf si représenté. La réserve dépend du nombre d’enfants acceptant de la succession.
D’où fort changement du sens même de la réserve héréditaire qui n’apparaît plus comme un
instrument de cohésion de famille et l’expression d’un réel devoir de famille, mais davantage
comme un droit individuel de créance de l’héritier contre la succession. D’où conception plus
économique de la réserve, qui va de pair avec l’accroissement de la liberté reconnue au défunt pour
aménager la transmission de son patrimoine.
Actuellement, réflexions quant à de nouveaux aménagements de la réserve,
v. le rapport du groupée travail sur la réserve héréditaire (sous a direction de C. Pérès), remis
à la Ministre de la Justice le 13 décembre 2019
Pour exposer le régime actuel de la réserve héréditaire, il convient de voir quels sont les
bénéficiaires de la réserve (Section 1), quel est la taux de la réserve, à savoir déterminer la QD
ordinaire, la QD spéciale entre époux, et voir comment se combinent les deux quotités (Section 2).
1v. P. Catala : « La réserve héréditaire française a rompu le 1er janvier 2007, avec mille ans de réserve coutumière et
deux siècles de Code civil ».
12
D’où depuis 2006, resserrement des bénéficiaires de la réserve autour de la famille ménage. Mais
pour faire valoir leur réserve, encore faut-il que les bénéficiaires viennent à la succession.
a) Le montant de la réserve
Le taux de la réserve est déterminé par l’article 913 et varie selon le nombre d’enfant :
- si défunt laisse un enfant → la QD est de ½ ; donc réserve de ½
- si défunt laisse 2 enfants → la QD est de 1/3 ; donc réserve des 2/3
- si défunt laisse 3 enfants ou plus → la QD est de ¼ ; donc réserve des ¾
15
Donc d’une façon générale on peut dire que la QD est égale à une part d’enfant.
Si le défunt a plus de 3 enfants, la QD reste invariable, afin qu’il puisse toujours disposer d’une
partie de son patrimoine, même dans les familles nombreuses.
restreindre droits que le défunt pouvait exercer de son vivant (discutable). On peut avancer raison
théorique qui serait de dire que la réserve est une part successorale, qu’il faut donc traiter comme la
succession. Or dans la succession, la part du renonçant accroît celle des cohéritiers ; donc même
chose pour la réserve : la part du renonçant doit accroître celle des co-réservataires.
Raison pragmatique : renonciation souvent due au fait que le renonçant veut garder le bénéfice
d’une libéralité rapportable. Il la garde dans la limite de la QD. Donc si sa renonciation devait
augmenter la QD, il gagnerait doublement.
→ Loi de 2006 introduit une distinction selon que l’enfant renonçant est ou non représenté.
En cas de renonciation d’un enfant qui est représenté à la succession : il sera compté dans le calcul
de la réserve (comme avant).
En revanche, le renonçant non représenté (car n’a pas de descendants) n’est pas pris en compte dans
le calcul de la réserve, sauf s’il est tenu au rapport selon l’article 845 c’est-à-dire si le défunt a
expressément imposé le rapport en cas de renonciation (art 913 alinéa 2). L’exception se justifie car
sinon la QD augmente à son profit.
D’où depuis 2006, le renonçant n’est compté dans le calcul de la réserve que s’il est représenté ; ou
s’il est expressément assujetti au rapport en cas de renonciation.
Ex : si sur les 3 enfants, l’un renonce sans être représenté, sans être assujetti au rapport→ il
ne compte plus dans le calcul de la réserve → 2 enfants → QD du 1/3. D’où cela déjoue les
prévisions du DC puisque la QD plus importante que ce qu’il a prévu.
Ex : si l’enfant renonçant est représenté, il est pris en compte dans le calcul de la réserve →
3 enfants : QD de ¼ ; réserve des ¾.
Ex : si enfant renonçant assujetti au rapport car a reçu libéralité rapportable → on le compte
dans la réserve → 3 enfants : QD de ¼.
D’où pour le renonçant, depuis la loi de 2006 les choses changent en ce que d’une part, le
renonçant peut être représenté : il est pris en compte pour le calcul de la réserve comme avant, mais
sa part de réserve ne revient plus aux autres réservataires, mais à sa souche, donc à ses représentants
(enfants) ; d’autre part, le renonçant non assujetti au rapport ne compte plus dans la réserve : toute
la réserve va aux autres, mais comme s’ils étaient seuls (donc plus petite réserve).
A noter dans ces cas de renonciation ou indignité, que si tous les réservataires enfants renoncent, il
n’y a plus de réservataire et le défunt peut disposer de toute sa succession. La part de réserve ne
peut donc pas profiter aux autres héritiers.
17
A noter : avant la loi de 2001, l’enfant adultérin voyait sa part de réserve réduite quand en concours avec des
enfants légitimes, selon l’article 915 : sa réserve était la moitié de celle qu’il aurait eu s’il avait été légitime.
L’autre moitié accroît la part de réserve des enfants légitimes (ainsi dédommagés). Par ailleurs, il ne pouvait
recevoir toute la QD comme le pourrait une personne quelconque. L’article 908 prévoyait que quand en
concours avec des légitimes, il ne peut recevoir au-delà de sa part successorale.
D’où la QD ordinaire est celle qui s’applique en cas de libéralités faites à des tiers, afin de réserver
une part intangible de la succession aux descendants ou au conjoint survivant → protection des
réservataires contre des libéralités excessives.
Plusieurs remarques :
→ QDS est toujours plus favorable au conjoint survivant que le disponible ordinaire.
Il peut toujours au minimum recevoir autant qu’un étranger, à savoir ¼ PP (QD ordinaire minimum
en présence de 3 enfants ou plus, à savoir 1/4 de la succession).
En pratique, cette faveur au CS se manifeste différemment, en ce qu’elle sera plus ou moins
étendue, selon le nombre d’enfants présents :
19
Si 3 enfants ou plus, la QDS dans certaines de ses branches est plus importante que la QD
ordinaire, qui dans ce cas est de ¼ PP. En particulier, la 2e branche (1/4 PP et ¾ en U) est plus large
que la QD ordinaire, puisqu’elle englobe la QD ordinaire.
Quand 1 ou 2 enfants, la QDS permet au conjoint de recevoir autre chose que le pourrait un
étranger par le biais de la QD ordinaire. Cette dernière est alors de 1/3 ou ½ en PP, alors que la 2e
branche permet de recevoir moins de pleine-propriété mais davantage d’Usufruit.
D’où la spécificité de cette faveur au conjoint que constitue la QDS : elle ne lui permet pas de
recevoir systématiquement plus qu’un tiers, mais elle lui permet de recevoir autre chose qu’un tiers,
en particulier l’usufruit sur toute la succession.
Auj : intérêt quand en présence d’enfants non communs, puisque si enfants communs, c’est déjà
l’une des branches de l’option du conjoint au titre de la dévolution légale
→ Pourquoi ces 3 branches de l’option ?
Le choix donné au conjoint peut apparaître curieux, en ce que en particulier les 2 dernières branches
semblent un peu contradictoires : la 3e est incluse dans la 2e qui = la 3e + ¼ NP.
A quoi cela sert, puisque « qui peut le plus peut le moins » ? Peut s’expliquer (Grimaldi) par l’idée
que le maxi en PP reste toujours égal à la QD ordinaire ; simplement, le conjoint peut recevoir
davantage qu’un tiers, mais sous une autre forme.
→ Régime de l’option.
L’option entre les divers disponibles appartient au disposant (défunt), qui va donc choisir la branche
qui convient le mieux à son intention libérale à l’égard de son conjoint. En particulier, la choix
pourra être dicté par la qualité des enfants, not. si communs ou non. Le choix n’appartient donc pas
aux héritiers réservataires, qui pourraient préférer telle branche plutôt que telle autre.
Mais le disposant peut également déléguer ce choix au conjoint, qui au moment de l’ouverture de la
succession indiquera pour quelle QDS il opte. Clause fréquente et usuelle. Le plus souvent, le
conjoint opte dans ce cas pour l’usufruit universel (le plus rarement pour la QD ordinaire).
L’option est dans ce cas personnelle au conjoint, qui doit l’exercer dans un certain délai. S’il décède
avant d’avoir exprimé son choix, la jp considère que l’option passe à ses héritiers en considérant
qu’elle a un caractère patrimonial (à la différence de l’option du conjoint ab intestat). Les héritiers
du conjoint survivant l’exercent dans ce cas selon leur propre intérêt.
1°) Protection de tous les descendants contre les libéralités en usufruit : conversion de l’U en
rente viagère et garanties de l’U
→ Conversion de l’U en rente viagère : élimination de l’usufruit
L’ancien article 1094-2 prévoyait des règles spécifiques de conversion de l’U en rente viagère,
lorsque cet U résultait d’une libéralité not. d’un testament – par opp° à l’U légal dont peut
bénéficier le CS. La loi de 2001 a abrogé l’article 1094-2 : les mêmes règles s’appliquent donc à la
conversion de l’U en rente qu’il soit d’origine légale ou issue d’une libéralité. On retrouve donc ici
les règles prévues à l’article 759 et s.
v. supra droits ab intestat en usufruit du conjoint en présence d’enfants communs
L’intérêt de cette conversion est que les enfants peuvent ainsi éliminer l’U, et n’ont pas à attendre le
décès du conjoint pour recouvrer la pleine propriété des biens.
→ Mesures conservatoires : protection de l’usufruit maintenu
Par ailleurs, afin de se prémunir contre une mauvaise gestion du bien par le conjoint usufruitier,
l’article 1094-3 donne aux descendants des garanties pour conserver leurs droits. Ils peuvent not.
demander à ce que soit dressé un inventaire des meubles et un état descriptif des immeubles ; ainsi
qu’exiger du conjoint l’emploi des sommes, voire leur conversion en titres nominatifs. D’où peut
venir restreindre les droits d’usufruitier du conjoint survivant.
v. par ex. Paris, 19 déc. 2007, RTDCiv 2008, 340 obs. M. Grimaldi
Ces protections valent « nonobstant toute stipulation contraire du disposant » qui ne peut donc en
priver ses enfants.
2°) Protection des enfants non communs contre libéralités en propriété (article 1098).
En présence d’enfants non communs, en particulier d’enfants du 1er lit, la loi a toujours vu avec
défaveur les libéralités faites au conjoint survivant : on craint que celui-ci ne capte la succession au
détriment de ces enfants qui n’hériteront pas de lui, donc pourraient être spoliés de leur héritage.
Par ailleurs, même dans le cadre de sa vocation ab intestat, le droits du CS sont différents en
présence d’enfants non communs, puisqu’il ne dispose que de droits en PP dans ce cas.
Sur le terrain des libéralités, ces considérations expliquaient que jusqu’en 1972, la loi protégeait
également ces enfants d’un 1er lit contre les libéralités en U, puisqu’on refusait au CS tout
supplément de disponible en U. La loi du 3 janv. 1972 a consacré l’égalité entre enfants légitimes et
naturels et a abrogé cette disposition. Mais l’article 1098 prévoyait alors une protection des enfants
du 1er lit : en présence d’une libéralité faite en PP au conjoint, ils pouvaient demander que soit
21
substitué à cette libéralité en PP, l’abandon de l’U de la part de succession qu’ils auraient recueillie
en l’absence de conjoint.
La loi du 23 juin 2006 a élargi l’application de ce texte à l’ensemble des enfants « qui ne sont pas
issus des deux époux » (donc d’un précédent mariage ou non). Donc pour se protéger contre
libéralité en PP que disposant aurait fait au conjoint, chaque enfant non commun peut demander
l’abandon de l’usufruit de la part de succession qu’il eût recueillie en l’absence de conjoint.
Ainsi l’enfant non commun a une option : soit il se contente de ce qu’il a en PP immédiatement et
ce que reçoit le conjoint lui échappe définitivement ; soit il préfère une nue-propriété plus étendue
en abandonnant l’usufruit au conjoint, mais qui ne débouchera que plus tard sur une PP
Exemple : défunt laisse outre le conjoint, un enfant issu du mariage et un enfant non commun. Il
lègue à son conjoint la QDO, soit 1/3 en PP. → chacun aurait donc 1/3 en PP. Mais à terme, l’enfant issu du
mariage récupère le 1/3 du conjoint, mais pas l’enfant non commun.
L’enfant non commun peut demander la substitution à ce 1/3 en PP de l’abandon de l’U de ce qu’il aurait eu
en l’absence de conjoint, soit ici :
Sans conjoint → 2 enfants → il aurait eu ½ en PP
Donc il peut abandonner au conjoint ½ en U.
Donc enfant non commun garde ½ NP ; conjoint a ½ U et 1/6 PP ; enfant commun 1/3 en PP
A la mort du conjoint → l’enfant légitime recueille sa part de PP, l’U revenant à l’enfant non
commun → chacun aura ½ en PP.
Alors que sinon, l’enfant légitime aurait eu 2/3 en PP ; l’autre slt 1/3.
1re règle : plafond assigné à chaque libéralité : chaque gratifié ne peut recevoir plus que sa
propre QD.
La première chose à déterminer est de savoir ce que chaque gratifié peut au maximum recevoir.
Sur ce point la jp n’a jamais varié : chaque gratifié peut au maximum recevoir ce que permet sa
propre QD. Donc le tiers dans la limite de la QDO ; le conjoint dans la limite de la QDS.
Raison : bon sens, en ce que la loi a fixé cette limite à la QD que chacun doit respecter s’il est le
seul gratifié ; donc normal que aussi le cas si conjoint et tiers sont gratifiés en même temps.
D’où cela signifie que tant en quotité qu’en nature, chacun ne peut recevoir au maximum que ce que
prévoit son propre disponible :
- le tiers ce que prévoit la QDO, donc ne peut pas prétendre au bénéficie du QDS de
l’article 1094-1. Par ex., si 3 enfants, il ne peut avoir que ¼ en PP, mais pas ¼ PP et ¾ U
qui serait le disponible spécial plus important que QDO.
- le conjoint ne peut recevoir autre chose que la QDO ou QDS de l’article 1094-1. Donc ¼
PP et ¾ en U.
2e règle : plafond assigné à l’ensemble des libéralités : toutes les libéralités en doivent pas
dépasser la QD ordinaire, majoré de l’usufruit de la réserve
La deuxième question à sa poser est de déterminer le maximum dont en totalité le défunt peut
disposer, sans porter atteinte à la réserve des descendants. C’est sur ce point qu’il faut donc
procéder à une combinaison des 2 QD. La jp a évolué, avant et après 1984 :
→ avant 1984 : le total des libéralités ne doit pas dépasser la quotité la plus forte.
La Cour de cassation a considéré que l’ensemble des libéralités ne devait en aucun cas dépasser la
mesure de la quotité la plus étendue. D’où il fallait comparer les deux disponibles, pour savoir
lequel est le plus étendu.
Facile quand l’une des QD est contenue dans l’autre, not. en présence de 3 enfants ou plus (la QDO
est toujours moindre que la QDS).
Plus délicat quand les deux quotités se recoupent, not. en présence de 1 ou 2 enfants : la QDO
dépasse la QDS en pleine propriété ; mais la DQS dépasse la QDO en usufruit. D’où pour faire cette
comparaison entre « des pommes et des poires », la jp convertissait l’usufruit en pleine propriété
(selon l’âge et l’état de santé du CS), d’où comparaison de 2 QD en PP.
Critique : solution classique méconnait la réelle nature du disponible spécial → différence entre les
deux QD n’est pas une différence de quantité, mais avant tout différence de nature, en ce qu’il ne
s’agit pas de donner plus au conjoint mais de lui donner autrement, not. en usufruit. D’où quand
QDS est autre chose que QDO, not. quand on donne au conjoint des droits en usufruit, on ne peut
pas dire que l’un est plus étendu que l’autre.
23
→ depuis la jp de 1984 : règle nouvelle : le total des libéralités ne doit pas excéder le disponible
ordinaire, majoré de ce que lui ajoute le disponible spécial (cf. M.Grimaldi).
L’idée est d’admettre l’autonomie des deux QD. Donc dans le respect de cette autonomie, on peut
admettre un certain cumul des deux QD.
Le défunt doit pouvoir donner à un tiers la QD ordinaire et à son conjoint autre chose, à savoir ce
que lui ajoute la QDS. Or ce qu’ajoute la QDS est toujours des droits en usufruit, comme il apparaît
clairement dans hypothèse où le défunt laisse 3 enfants ou plus.
Donc l’idée est de permettre au défunt de combiner les deux, dès lors qu’il ne cumule pas de droits
identiques au profit de tiers et du conjoint. Mais quand les droits sont de nature différente, cela
respecte la teneur autant que la nature des deux QD.
Il ne peut donner deux fois la même « chose », car dans ce cas cumul de QD identiques.
Donc on ne peut donner au conjoint des droits en pleine propriété si le défunt a déjà épuisé le
disponible ordinaire en pleine propriété
Mais on peut donner deux « choses » différentes, not. de la pleine propriété et de l’usufruit.
D’où même si QDO est épuisée en propriété, on pourra faire bénéficier le conjoint de l’usufruit sur
la succession, car droits de nature différentes, qui n’empiètent pas l’un sur l’autre.
Exemple 1 :
Défunt a 3 enfants ; donne à son conjoint par contrat de mariage ½ en U et à un tiers ½ en PP.
→ donation s’impute en 1er. Elle est en U donc sur l’U de la réserve, qu’elle n’excède pas puisque
réserve est de ¾ en PP en présence de 3 enfants
→ legs s’impute sur la QDO qui est de ¼ en PP → réduction du legs à ¼ en PP.
D’où respect du maximum que chacun peut avoir ; et du plafond global.
Exemple 2 :
DC laisse 3 enfants ; legs à son CS ¼ PP et à un tiers ½ en PP
→ les deux libéralités s’imputent concurremment sur la QDO car sont en PP. Or QDO est de ¼ en
PP en présence de 3 enfants. D’où ¼ + ½ = ¾ → excédent de ½ → réduction
réduction proportionnelle → CS peut prétendre à ¼ sur ¾, d’où 1/3 de la QDO = 1/12 et le tiers peut
prétendre à 2/3 de la QDO soit 2/12 = 1/6
→ mais le CS peut bénéficier de l’U de la réserve, d’où aura le restant de son legs en U. → soit ¼ =
3/12 moins 1/12 = 1/6 en U.
D’où : le tiers a 1/6 en PP → pas de dépassement de la QDO ;
le CS a 1/12 PP et 1/6 en U → pas de dépassement de la QDS de ¼ PP et 3/4 en U