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PARTAGE DU PETIT HÉRITAGE EN DROIT CONGOLAIS

HEUR ET MALHEUR DES HÉRITIERS

William Kabeya Badiambuji 1


Professeur associé à la Faculté de Droit
Université officielle de Mbujimayi
Avocat au Barreau du Kasaï-Oriental

Introduction
La naissance favorise l’urgence d’investir dans le nouvel arrivant ;
le décès provoque une réaction de regroupement autour du défunt et
de sa famille pour lutter contre la rupture de la continuité qui attaque
l’illusion groupale d’éternité 2. Nul ne pouvant aller toujours et toujours
à l’enterrement des autres 3, la mort impose aux familiers du défunt de
se serrer les coudes dans le chagrin, pour sortir de la vallée de larmes 4.
Aussitôt ce moment de recueillement passé, il n’existe probable-
ment pas un autre meilleur moment pour découvrir la famille du défunt
que le partage de la succession. Cet instant révèle la manière dont le
défunt a vécu sa vie, ainsi que la nature et l’intensité des liens unissant
tous les membres de sa famille 5, indépendamment de l’opulence de la
succession.
Sur terrain, ce moment crucial du partage de l’héritage laissé par le
de cujus pose souvent, mais pas toujours des problèmes pouvant amener à
des situations concrètes heurtant tant la raison, le bon sens que l’équité.

1.  williamkabeyabadiambuji@gmail.com.
2.  P. Cuynet, « La reconnaissance dans l’héritage », in Revue le divan familial,
n° 20 (2008), pp. 48-50.
3.  H. F. Mupila Ndjike Kawende, Les successions en droit congolais, Kinshasa, Édi-
tions Pax-Congo, 2000, p. 28.
4.  Cette mobilisation autour de la famille éprouvée et les formalités qu’elle im-
pose sont qualifiées par Kouassi Kouakou, de deuil social, d’état affectif vécu par les
endeuillés ou de travail de deuil. Cf. K. Kouassi, « La mort en Afrique : entre tradi-
tion et modernité », in Revue étude sur la mort, vol. 2, n° 128 (2005), p. 147. Lire aussi
L. Ndiaye, Parenté et mort chez les Wolof, tradition et modernité au Sénégal, Paris, L’Harmattan,
2009, pp. 237-260.
5.  D. A. Popescu, Guide de Droit international privé des successions, Roumanie, Édi-
tions Magic Print Oneşti, 2014, p. 5.

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Cette situation risque d’être encore dramatique lorsque le défunt n’avait


pas une fortune d’éclats, et que ses héritiers ne font pas preuve d’une
certaine aisance financière, comme c’est souvent le cas.
Pour aider les héritiers des parents pauvres, le législateur a mis sur
pied des règles dérogatoires, applicables dans le partage des petits héri-
tages. Ces règles initialement prévues pour le bien des héritiers des pa-
rents pauvres, se retournent contre la volonté proclamée du législateur
et ne manquent pas d’étioler son image.
En quoi consiste ce retournement de la situation contre la volonté
affirmée du législateur congolais au sujet du partage du petit héritage ?
Quelles sont les conséquences si l’on applique jusqu’au bout la logique
législative ? Comment y pallier ? À ces questions, cet article donne des
réponses.

1. Distinction entre grand et petit héritages en Droit


congolais
Le jeu successoral congolais tout entier repose sur cette distinction.

1.1. Critère de distinction


Bien qu’ayant différencié le petit et le grand héritages, le Code de
la famille ne s’est pas montré explicite à ce sujet. Dans son livre IV inti-
tulé « des successions et des libéralités », au chapitre V titré « des règles
spéciales régissant les petits héritages », il est disposé à l’article 786 ali-
néa 1er que « Tout héritage qui ne dépasse pas 1.250.000 francs congo-
lais est attribué exclusivement aux enfants et à leurs descendants par
voie de représentation… ».
Partant de la localisation de cette disposition dans le Code de la
famille, il va sans dire que le petit héritage est celui dont la valeur ne
dépasse pas 1.250.00 0Fc (Un million deux cent cinquante mille francs
congolais).
Ce seul critère est à retenir pour différencier petit et grand héri-
tages 6. Cette valeur est à fixer, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 817
du même Code, sur base de l’actif brut de la succession.

6.  Lire utilement les articles 786, 787, 789,792, 795, 807, 808, 813,814 et 817
du Code de la famille qui y sont consacrés.

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Partage du petit héritage en Droit congolais. Heur et malheur des héritiers

1.2. Intérêt de la distinction


La distinction entre le petit et le grand héritages n’est pas gratuite.
Elle a des conséquences juridiques de forme et de fond.

1.2.1. Du point de vue de la forme


La compétence matérielle en matière successorale oscille entre
deux juridictions, et la production législative est abondante et décevante
à son sujet.
L’article 110 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013,
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions
de l’ordre judiciaire dispose : « Les tribunaux de paix connaissent de
toute contestation portant sur le Droit de la famille, les successions, les
libéralités et les conflits fonciers collectifs ou individuels régis par la cou-
tume ».
La lecture de cet article laisserait penser que les contestations por-
tant sur les successions sont de la compétence exclusive du tribunal
de paix. Loin s’en faut, car, l’article 817 du C.F. qui dispose au pre-
mier alinéa que « Toutes les contestations d’ordre successoral sont de
la compétence du tribunal de paix lorsque l’héritage ne dépasse pas
1.250.000 francs congolais et de celle du tribunal de grande instance
lorsque celui-ci dépasse ce montant » divise la compétence matérielle
entre deux tribunaux, tenant compte du montant brut de la succession.
À ce propos, Ilunga Kakenke 7 écrit, le tribunal de paix a la compé-
tence de principe et exclusive limitée 8 ; tandis que le tribunal de grande
instance a la compétence transitoire et dérogatoire 9.

7. R. Ilunga Kakenke, « La compét ence mat ér iel l e en mat ièr e successo-
rale », in La complexité du droit judiciaire congolais, Bukavu, Éditions du Centre de re-
cherche universitaire du Kivu, 2015, p. 65.
8.  Compétence de principe sur base de l’article 110 de la loi organique
n° 13/011-B du 11 avril 2013, portant OFCJOJ, limitée par le Code de la famille à un
montant et/ou pour certaines matières exclusivement à lui réservées.
9.  Transitoire conformément à l’article 151 de la loi organique n° 13/011-B du
11 avril 2013, portant OFCJOJ qui dispose que « Là où ne sont pas encore installés les
tribunaux de paix, les tribunaux de commerce et les tribunaux du travail, les tribunaux
de grande instance sont compétents pour connaître en premier ressort des matières qui
relèvent normalement de la compétence de ces juridictions. » Et dérogatoire à double
titre : soit avec l’accord de l’une des parties en référence à l’article 112 de la même loi
qui dispose : « Les tribunaux de grande instance connaissent de toutes les contestations
qui ne sont pas de la compétence des tribunaux de paix. Toutefois, saisi d’une action
de la compétence des tribunaux de paix, le tribunal de grande instance statue au fond

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Cette production législative contradictoire a semé la confusion


jusqu’à la défunte Cour suprême de justice qui, dans une affaire inscrite
sous RC. 1519 jugée le 28 avril 1994, soit sept ans après le Code de la
famille, continuait à faire recours à l’article 110 du Code d’organisation
et compétence judicaires de 1982 10, pourtant abrogé en 1987 par le
Code de la famille, prétextant que tout litige successoral est, au premier
degré, de la compétence du tribunal de paix 11.
Alors que les acteurs judiciaires commençaient à s’accommoder
difficilement à la nouvelle loi créant une compétence bipartite, le légis-
lateur a, comme s’il avait oublié qu’en 1987 il avait abrogé l’article 110
du Code d’organisation et de compétence judiciaires qui accordait la
compétence successorale exclusivement au tribunal de paix, réattribué
la même compétence à ce tribunal unique en 2013.
Cette nouvelle disposition de 2013 a semblé refaire croire que la
détermination de la compétence en tenant compte de l’opulence de la
succession venait à être abrogée et qu’était de nouveau consacré le re-
tour à la version originale de 1982 abandonnée en 1987.
C’était sans compter avec la loi n° 16/008 du 15 juillet 2016 mo-
difiant et complétant le Code de la famille de 1987 qui, consacre de
nouveau la compétence bipartite entre les deux tribunaux compte tenu
de l’opulence successorale.
Ces hiatus législatifs consacrent une insécurité juridique, fruit
semble-t-il d’une surlégifération 12 ou d’une surjuridicisation.

et en dernier ressort si le défendeur fait acter son accord exprès par le greffier. » Soit de
par la volonté de la loi conformément à l’article 817 du Code de la famille.
10.  Article 110 du Code d’organisation et compétence judiciaires de 1982 est
l’équivalent de l’article 110 de la loi n° 13/011-B, du 11 avril 2013 portant organisa-
tion, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire. C’est d’ail-
leurs cette loi organique de 2013 qui a abrogé le Code d’OCJ de 1982.
11.  C.S.J., RC. 1519, 28 avril 1994. Cf. O. Nsumbu Kabu, Cour suprême de justice.
Héritage de demi-siècle de jurisprudence, Kinshasa, Les analyses juridiques, 2015, p. 824.
12.  J. P. Henri utilise les termes prolifération des textes législatifs ou inflation
juridique, alors que Matadi Nenga qui le cite préfère le terme surlégislation qu’il décrit
en ces termes : « Quel est le juriste congolais, magistrat, avocat ou professeur de Droit,
capable d’identifier toutes les lois et tous les règlements en vigueur dans son propre
champ d’activités ? Plus est, il y a des lois abolies par d’autres et des nouvelles lois qui
se réfèrent aux lois pourtant déjà abolies, des arrêtés ministériels (actes réglementaires)
qui modifient des lois… ! » Cf. Matadi Nenga Gamanda, La question du pouvoir judiciaire
en République démocratique du Congo. Contribution à la théorie de réforme, Kinshasa, Éd. Droit
et idées nouvelles, 2001, pp. 167-274.

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Il s’agit en réalité d’une situation anormale qui ne doit être ni jus-


tifiée, ni encouragée en dépit de l’existence du principe « la loi spéciale
déroge à la loi générale », qui nous permet entre temps de faire préva-
loir les prescriptions du Code de la famille à ce sujet.

1.2.2. Du point de vue du fond


À l’analyse du Droit congolais, une différence de fond est à faire
entre le petit et le grand héritages au niveau du nombre de successibles
appelés à l’un et à l’autre, et au niveau de leurs modalités du partage.
Aux termes de l’article 786 alinéa 1er du Code de la famille, tout
héritage qui ne dépasse pas 1.250.000 francs congolais est attribué ex-
clusivement aux enfants et à leurs descendants par voie de représen-
tation, en cas de concours éventuel de ceux-ci avec les héritiers de la
deuxième catégorie ou les légataires. Par ailleurs, à tout autre héritage
à valeur supérieure à ce seuil, les enfants (héritiers de la première caté-
gorie) concourent avec les héritiers de la deuxième catégorie (le conjoint
survivant, les père et mère, ainsi que les frères et sœurs du défunt) res-
pectivement à raison de trois quarts et un quart 13.
Quant aux modalités du partage successoral, il y a une différence
notable liée au fait que le petit héritage, bien qu’attribué aux enfants du
de cujus, ne fait pas en principe objet du partage entre eux, car la reprise
successorale est organisée pour sa fructification, alors que le grand hé-
ritage, dans les proportions fixées par la loi, se partage entre héritiers
présents ou représentés sans qu’aucune reprise ne soit nécessaire.

2. Heur des héritiers congolais dans le partage du petit


héritage
Le partage immédiat entre héritiers du petit héritage, au regard de
sa modicité, serait un geste banal. Les héritiers copartageants n’en gar-
deront qu’un piètre souvenir, car en dernière analyse, chacun recevra
un lot insignifiant ; il ne fera que consacrer la disparition brutale des for-
tunes modestes laissées par les de cujus pauvres, et l’effacement éventuel
de leurs mémoires.
Pour éviter cela, le législateur plaide pour sa conservation entre les
mains d’un seul d’entre les héritiers, qui le gérera au grand profit de
tous. De lui on dit qu’il a exercé le droit de reprise.

13.  Articles 759 et 760 du Code de la famille.

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Selon le commentaire analytique du Code de la famille, le droit de


reprise n’est pas une obligation mais une faculté qui sera surtout utile
dans l’hypothèse où, le patrimoine successoral est constitué d’un seul
immeuble 14. Ainsi, si de l’aîné au cadet personne ne l’exerce, le partage
s’impose, sauf présence des héritiers incapables à la succession.
Le droit dit de reprise est prévu, à en croire les explications de la
Commission de réforme du Droit congolais, dans le but de maintenir
l’unité du patrimoine conformément aux droits traditionnels ; d’éviter
la division et l’éparpillement du bien afin de ne pas nuire au développe-
ment de la petite et moyenne propriété (E.G.C.A.C.F., p. 397) 15.

2.1. Mécanisme de reprise du petit héritage


Le droit de reprise n’est pas défini par le Code de la famille. Il peut
néanmoins être entendu comme le droit en vertu duquel l’enfant aîné(e)
du défunt ayant laissé un petit héritage, ou son puîné suivant l’ordre de
primogéniture, le prend pour gestion et administration, en entier ou
pour une partie supérieure à celle à laquelle il aurait eu droit en cas de
partage, à condition de remplir vis-à-vis de ses frères et sœurs, les de-
voirs tant coutumiers que légaux et judiciaires.
Contrairement à la loi belge du 16 mai 1900 sur le régime successo-
ral des petits héritages qui, lorsque plusieurs héritiers voulaient exercer
le droit de reprise préférait le conjoint survivant ou celui que le de cujus
avait désigné 16, le Droit congolais privilégie, sauf dispositions testamen-
taires contraires, l’aîné d’entre les enfants du de cujus, conformément à
l’article 787 al. 1er du C.F. y consacré et qui dispose :
« À défaut de dispositions testamentaires contraires attribuant
l’hérédité en tout ou en partie à l’un des enfants, chacun de ceux-
ci, par ordre de primogéniture, a la faculté, lorsque les héritages ne
dépassent pas 1.250.000 francs congolais, de la reprendre en tout
ou pour une part supérieure à sa quote-part légale » 17.

14.  H. F. Mupila Ndjike Kawende et C. Wasenda N’songo, Code de la famille


modifié, complété et annoté, Kinshasa, Pax-Congo, 2017, p. 498.
15.  E. L. Ndomba Kabeya, De l’égalité des enfants en Droit civil congolais, Thèse de
doctorat, Droit, UCL, Louvain-la-Neuve, 2005, p. 360, Inédite.
16.  L. LEVAUX (dir.), Intérêts familiaux, Bruxelles, Ligue des familles nombreuses
de Belgique, 1944, p. 65.
17.  La loi n’impose pas au testateur de conférer le droit de reprise à l’aîné.
L’ordre de primogéniture ne doit être respecté que si le de cujus n’a pas testé. Ce qui
n’est pas logique du tout, car, il n’y a aucune raison plausible qui justifie le choix du

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En préférant l’aîné ou à son défaut son puîné selon l’ordre de primo-


géniture, le Droit congolais réinstaure en partie les privilèges d’aînesse
ou de primogéniture, mais pas forcément dans son contexte traditionnel
où l’aîné devait avoir plus de droits que ses frères et sœurs. Car, ici, sans
avoir plus de droits que ses cohéritiers, l’héritier repreneur contracte,
pour le bien du groupe, une obligation d’assurer l’unité de l’héritage
et partant, d’éviter son émiettement tout en maintenant la survie du
groupe familial.
Est-ce que la condition de se référer au droit d’aînesse pour déter-
miner l’héritier qui reprend vaut son pesant d’or ? À notre sens non.
Car, il n’est pas dit que le de cujus pauvre mourra nécessairement après
la majorité de l’un de ses enfants pour le voir reprendre l’héritage d’une
part, et d’autre part, que même alors, l’aîné présentera des garanties
suffisantes pour la bonne gestion du patrimoine repris. Johnson ne di-
sait-il pas, bien qu’avec raillerie, que « le droit d’aînesse a l’avantage de
ne faire qu’un sot par famille » ? 18
L’idéal aurait été de privilégier l’héritier le plus méritant d’entre
tous, c’est-à-dire compétent du point de vue professionnel, du point de
vue de la transmission des valeurs et jouissant de la confiance de ses
cohéritiers.

2.1.1. Reprise en tout


Lorsque la reprise est faite pour le tout, l’héritier repreneur reprend
le petit héritage en entier ; aucun partage n’est concevable entre héri-
tiers 19. Tout est concentré entre ses mains, quitte à lui d’accomplir les
charges qui lui incombent.

2.1.2. Reprise en partie


Bien que d’importance modeste, les contraintes auxquelles font
face les héritiers peuvent exiger un partage si pas partiel définitif, mais à
la limite provisionnel entre héritiers.

législateur de donner la chance au de cujus de choisir un de ses enfants, parfois sur base
de la méritocratie sans suivre l’ordre de primogéniture, tout en refusant cela en cas de
succession ab intestat.
18.  Johnson cité par M. Planiol, Traité élémentaire du droit civil, t. III, Paris,
L.G.D.J., 1959, p. 789.
19.  Ce défaut de partage n’exclut pas que les biens de moindre valeur comme les
habits et autres effets soient partagés.

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En cas de partage partiel définitif, la loi exige que le repreneur re-


çoive une part supérieure à sa quote-part. Qu’est-ce que cela veut dire et
comment les choses devraient-elles se passer concrètement ? Procède-t-on
à un partage complet mais inégal de tout l’héritage en donnant au repre-
neur plus que ses cohéritiers ? Procède-t-on plutôt à un partage partiel au
cours duquel chacun des enfants du de cujus reçoit sa part légale, le repre-
neur y compris, quitte à lui de reprendre le reste de l’héritage ?
Les réponses réservées à ces questions apparemment triviales en-
traînent des conséquences juridiques différentes.
Adopter la première hypothèse amènerait à conclure que le petit
héritage se partage définitivement entre cohéritiers, chacun recevant sa
part égale à celles des autres à l’exception de l’héritier repreneur qui lui,
reçoit plus que ses consorts, parce que grevé de l’obligation de remplir
un certain nombre de devoirs en leur faveur.
Par ailleurs, se prononcer en faveur de la deuxième acception crée-
ra une confusion entre les mains du repreneur où se trouveront les biens
d’un même héritage, détenus à double titre : une partie détenue à titre
de propriété exclusive obtenue à l’issue d’un partage successoral par-
tiel définitif, une autre indivise détenue comme gérant et comptable à
l’égard de ses cohéritiers.
Toutes les deux acceptions sont lourdes de conséquences et inad-
missibles. Car, procéder à un seul partage définitif à l’issu duquel l’hé-
ritier repreneur, en contre partie des devoirs coutumiers à accomplir au
profit de ses frères et sœurs, reçoit plus qu’eux, brise l’égalité successo-
rale, remet sur pied le privilège de primogéniture et aboutit à l’émiette-
ment évité.
Par contre, procéder à un partage partiel définitif quitte à faire gé-
rer la partie indivise restante par l’héritier repreneur, outre le fait qu’il
aboutit à l’émiettement du petit héritage qui est pourtant à éviter, amène
en plus à l’existence d’une masse résiduelle de moindre importance déli-
catement gérable par le repreneur.
L’idéal aurait été de réglementer la reprise de l’héritage en tout,
quitte à mieux réglementer le mécanisme de contrôle de la gestion et
de l’accomplissement des devoirs coutumiers, légaux et judiciaires par
le repreneur.

2.2. Attributions de l’héritier repreneur


Sauf disposition testamentaire contraire, l’héritier repreneur doit,
d’une part, assurer les charges prévues par la coutume, d’autre part,

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remplir les devoirs d’aide et d’entretien éventuellement fixés par le tri-


bunal de paix en faveur des autres enfants.
À ces devoirs il faut ajouter l’obligation légale sous entendue, de
fructifier les biens successoraux repris.
Les devoirs coutumiers et légaux sont à remplir nécessairement,
alors que ceux judiciaires ne s’imposent qu’à condition qu’ils aient été
fixés par tribunal de paix qui n’y est pas obligé.
Mais en quoi consistent les uns et les autres ?
Le devoir légal de faire fructifier les biens repris va de soi. Il né-
cessite néanmoins que l’héritier repreneur informe et laisse la chance
d’appréciation au conseil de famille qui devra évaluer le risque pour lui
de s’engager dans telle ou telle autre activité de fructification des biens
successoraux recueillis.
La loi ne fixe pas la consistance des obligations coutumières ; nous
sommes d’avis qu’elles doivent être recherchées dans les coutumes
congolaises. Dans ces coutumes, l’aîné de la famille, surtout le mâle,
jouissait d’un véritable privilège et bénéficiait de l’obéissance et de la
soumission des autres. En contrepartie, il assurait la direction de la fa-
mille et remplissait les exigences que la société lui imposait par rapport
à tous ses puînés, notamment l’obligation alimentaire et le devoir de
solidarité à l’égard des membres jeunes de la lignée 20.
Parmi les obligations coutumières à charge de l’héritier privilégié fi-
gurent aussi l’obligation de marier les enfants du défunt en payant leurs
dots ; celle d’assurer l’éducation des enfants lorsqu’ils sont mineurs : il
doit en conséquence entretenir ses frères et sœurs jusqu’à leur mariage.
Bref, il doit s’occuper de tous les membres de la famille comme le ferait
le de cujus 21. Ce qui le « parentifie » par la force de chose, pour emprun-
ter cette expression de Uwera Kanyamanza 22.
Quant aux obligations judicaires, il a été impossible de les imaginer,
car, cette procédure d’homologation du droit de reprise n’est pas menée
devant les tribunaux de paix de la R.D. Congo, en dépit de plusieurs

20.  E. L. Ndomba Kabeya, Op. cit., p. 180.


21. P. Munene Yamba Yamba, Accès de la femme à la terre en Droit congolais, Thèse de
doctorat, Droit, Universiteit Gent, 2014, pp. 81-88.
22.  C. Uwera Kanyamanza et alii, « La fratrie dans les ménages d’enfants sans
parents au Rwanda… après le génocide », in Revue Dialogue, 2-196 (2012), p. 8.

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petits héritages qui s’y ouvrent car, il s’agit en réalité d’une procédure
utopique inutilement onéreuse qu’il faut remettre en question 23.

2.3. État de la question sur la reprise et l’héritier repreneur


En R.D. Congo, le droit de reprise et son organisation ont été criti-
qués en sens divers. Un auteur a même écrit :
« L’exercice du droit de reprise se justifiait dans le cadre de la
conception globale de la famille et à l’époque de la stabilité écono-
mique. Aujourd’hui, notre pays connaît une crise économique ag-
gravée par l’instabilité politique qui empêche les aînés des enfants
d’assurer leurs responsabilités coutumières à l’égard des autres en-
fants. Ils ont tendance à détourner à leur profit, le patrimoine fami-
lial et rendent ainsi inutile l’exercice du droit de reprise. Le meilleur
régime serait de confier à l’aîné la gestion des parts successorales
individualisées des autres enfants, à charge d’en rendre compte à la
majorité de ces derniers, sans considération des fruits consommés
qui n’ont rien à avoir avec les droits des héritiers » 24.
La pertinence de l’argument qui précède peut être discutée, parce
que confier à l’aîné la gestion des parts successorales individualisées
des autres enfants, à charge d’en rendre compte à leur majorité, laisse
croire que la reprise n’est possible que si certains d’entre les enfants sont
mineurs, avec comme conséquence que si tous les héritiers d’un petit
héritage sont majeurs, le partage est la solution en lieu et place de la
reprise, ce qui accréditerait l’émiettement et l’éparpillement du modeste
héritage que le législateur a pourtant voulu éviter.
Critiquant, à son tour, la proposition précédente, Ndomba Kabeya
radicalise et écrit :« …ce droit brise le principe d’égalité des enfants du
de cujus. En fait, aucune raison ne peut justifier la gestion de parts suc-
cessorales des enfants adultes par un autre enfant, même s’il est aîné » 25.
Quoi de plus normal pour lui de suggérer l’abrogation de ces disposi-
tions particulières relatives aux petits héritages pour deux raisons : pre-
mièrement parce que la situation patrimoniale des Congolais a évolué ;

23.  Au sujet de l’inutilité de la longue et pénible procédure de liquidation du


petit héritage en Droit congolais, lire W. Kabeya Badiambuji, « Liquidat ion du pet it hé-
ritage en Droit congolais : chimère périlleux », in Pistes Africaines, 9-3, 2019, pp. 21-39.
24. F. Tshibangu Tshiasu Kal al a, Droit civil. Régimes matrimoniaux, successions, libé-
ralités, Kinshasa, 2e éd., CADICEC., 2006, p. 113.
25.  E. L. Ndomba Kabeya, Op. cit., p. 361.

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ils ont en général accès à des biens qui ne sont plus limités à la valeur de
100.000 zaïres 26 ; deuxièmement, parce que le maintien en copropriété
forcée du patrimoine successoral placé sous la gestion d’un seul aîné
paraît susceptible de troubler l’entente familiale pourtant recherchée 27.
Si le premier argument, qui fonde l’auteur à proposer l’abrogation
de la reprise en Droit congolais est devenu sans objet après fixation du
seuil du petit héritage en monnaie ayant cours légal en R.D. Congo,
il faut reconnaître que jusqu’à ce jour, nombre de congolais meurent
sans fortune conséquente. Ainsi, les soumettre sans réserve aux règles
de Droit commun du partage successoral serait les acculer à la ruine.
À notre sens, pour éviter premièrement le risque du détournement
du petit héritage dicté par la crise économique qui frappe de plein fouet
plusieurs poches ; pour éviter au même moment l’émiettement que cau-
serait son partage, il faut reconnaître le droit de reprise à l’héritier le
plus méritant qui bénéficie de la confiance unanime, sinon majoritaire
de ses cohéritiers, tout en le rendant comptable des frais dont l’usage ne
sera pas convaincant.
Cette démarche proposée rencontre aussi en partie la pratique tra-
ditionnelle en vertu de laquelle, pour la survie de la lignée, un fils aîné
sans maturité ou irresponsable pouvait se voir déchargé de son droit
d’aînesse au profit d’un cadet ou d’un puîné. À cet égard, l’adage luba
suivant en fait foi : « Mukulu kutumba mmulele wa mwabi » ce qui signifie :
Un aîné qui a de la gloire doit être né chanceux 28.
Faisant cet emprunt de la coutume, il serait convenable de lege lata
que le tribunal de paix qui constate que l’aîné ne saura pas s’en sortir,
confère la charge de reprendre la succession au puîné,voire au benja-
min, qui pourra faire si pas l’unanimité, mais du moins qui sera soutenu
par la majorité des cohéritiers.
Cela exige ainsi que soit menée une enquête préalable devant,
outre le procès-verbal du Conseil de famille, faire intervenir les concer-
nés directs à la succession en chambre du conseil et parfois en dehors de
la présence du candidat à la reprise, et de ses conseils éventuels.
Une fois l’héritier repreneur nommé, il peut être pourvu à son rem-
placement en cas de mauvaise gestion avérée, si les héritiers tiennent

26.  Cette valeur de 100.000 zaïres a été refixée par la réforme du Code de la
famille du 15 juillet 2016 à 1.250.000 Fc.
27.  E. L. Ndomba Kabeya, Op. cit., p. 361.
28.  E. L. Ndomba Kabeya, Op. cit., p. 77.

Droit  Lubilanji
93
William Kabeya Badiambuji

encore à la copropriété successorale. Au cas contraire, la sortie de l’indi-


vision par un partage définitif sera préférée.
Quant à la crainte de trouble de la quiétude familiale par le jeu de
la copropriété forcée du patrimoine successoral placé sous la gestion du
seul aîné, nous proposons, étant donné que cette copropriété successo-
rale n’a pas, à l’instar de toutes les autres, vocation à trop durer, qu’elle
ne puisse être susceptible de dissolution qu’à la majorité de l’enfant le
moins âgé du de cujus, sans que cette majorité du dernier enfant ne soit
une condition résolutoire de plein droit.
En effet, la majorité de l’héritier le moins âgé sera juste le fait juri-
dique déclencheur du changement de la nature juridique de la copro-
priété qui cesse d’être forcée et devient ordinaire et partant susceptible
de supporter l’application du principe « nul ne peut être contraint de
demeurer dans l’indivision » consacré par la loi, avec égard à l’article 38
de la loi portant régime général des biens, régime foncier et immobilier
et régime de sûretés où l’on lit :« Les règles particulières à la copropriété
entre héritiers, entre époux et entre associés sont établies aux autres
livres du Code civil. »
Dès que la nature juridique de la copropriété entre héritiers du petit
héritage aura changé, nous sommes d’avis qu’assignés en licitation par
l’héritier le plus diligent, un droit de préemption 29 devait être reconnu
aux cohéritiers défendeurs, si la licitation est susceptible de leur causer
d’ennuis, sous réserve du retrait successoral 30 au cas où l’héritier diligent
ne les aura pas avertis avant la cession de sa part au tiers.
Ces différentes craintes élaguées, signalons que la reprise successo-
rale ne se fait pas de plein droit ; il n’est pas autorisé au pressenti héritier
repreneur, de prendre possession de tout ou partie de l’héritage et de se

29.  Le droit de préemption est traditionnellement défini comme « la faculté


conférée par la loi ou par la convention à une personne d’acquérir, de préférence à
toute autre, un bien que son propriétaire se propose de céder, en se portant acquéreur
aux prix et conditions de la cession projetée ».
30.  Le retrait successoral est le droit qui appartient à tous les cohéritiers, ou à
l’un d’eux, d’écarter du partage, toute personne non successible à qui un cohéritier
aurait cédé son droit à la succession, en lui remboursant le prix de la cession. Il a pour
but de mettre obstacle à ce qu’un tiers, étranger à la famille, ne vienne à l’occasion des
opérations de partage, pénétrer les secrets de celle-ci. C’est aussi un moyen d’éviter la
multiplication des litiges susceptibles d’être amenés par le tiers ayant acquis une part
indivise, dans la mesure où, poursuivant un but purement spéculatif, il sera enclin de
susciter les difficultés pour obtenir le plus grand profit.

Lubilanji  Revue interdisciplinaire de l’U.O.M. - 2023 [1]


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Partage du petit héritage en Droit congolais. Heur et malheur des héritiers

comporter de plano en cette qualité, cette reprise doit être homologuée


par le tribunal de paix.

3. Malheur des héritiers congolais dans le partage du


petit héritage
Il peut arriver qu’un petit héritage ne soit pas repris soit parce que
les enfants du de cujus sont tous majeurs et préoccupés à autre chose
au point que, de l’aîné au cadet, personne n’accepte cette charge ; soit
parce que celui qui avait exercé le droit de reprise en a abusé ; soit parce
que le de cujus n’a laissé aucun héritier de la première catégorie. Dans ces
différents cas de figure, le partage définitif du petit héritage s’impose.

3.1. Modalités du partage en présence des enfants du de cujus


Aux termes de l’article 786, alinéa 1er du Code de la famille, tout
héritage qui ne dépasse pas 1.250.000 francs congolais (petit héritage)
est attribué exclusivement aux enfants et à leurs descendants par voie de
représentation, en cas de concours éventuel de ceux-ci avec les héritiers
de la deuxième catégorie ou les légataires.
En vertu de cette disposition, lorsque sont présents ou représentés
les enfants du défunt pauvre, ils se partagent seuls toute la succession.

3.1.1. Problématique du partage du petit héritage entre seuls enfants du


défunt
Kabula Lamina Jean-Luc, dans sa thèse de doctorat, trouve anor-
mal le fait que les enfants du défunt se partagent seuls toute la succes-
sion et écrit :
« L’attribution exclusive de l’héritage peu important aux en-
fants et à leurs descendants suscite des problèmes sérieux qui af-
fectent la famille congolaise dans son fondement même ; la loi est,
à ce point, individualiste : elle mise sur une famille de type sociétaire
et non de type communautaire. Elle vise surtout à protéger l’indi-
vidu, la personne, au risque de le désolidariser de sa communauté.
Or, il n’est un secret pour personne que la majorité des popu-
lations congolaises sont pauvres. Par conséquent, dans ces familles
pauvres, les autres héritiers, à savoir ceux de deuxième et de troi-
sième catégories, n’hériteront jamais.

Droit  Lubilanji
95
William Kabeya Badiambuji

Le peu de biens que les enfants auront à se partager ne tardera


pas à s’épuiser. Dès lors, qui prendra en charge ces pauvres enfants ?
Le de cujus ne leur a pas laissé grand-chose, et les responsables tradi-
tionnels n’y ont pas trouvé leur compte. S’occuper de ces orphelins
signifierait sacrifier ses propres enfants par une spoliation de ce qui
constituera leur héritage, modique s’il en est.
Dans ce contexte de pauvreté, la solidarité familiale est l’élé-
ment sur lequel il faut compter. Le partage dans lequel chaque ca-
tégorie d’héritiers se retrouve évite des jaloux (…)
Les héritiers exclus de l’héritage, petit fût-il, n’acceptent pas de
s’occuper des enfants du défunt, toutes les fois qu’un problème qui
les concerne surgit. » 31.
Il propose en conséquence qu’on approche et amadoue l’un des
frères et sœurs du de cujus, responsable et de bonne foi, en lui donnant la
totalité de cet héritage, quitte à lui de prendre officiellement en charge
les enfants en âge scolaire que le de cujus pauvre aura laissés 32, d’autant
plus qu’une enquête a démontré qu’en R.D. Congo, 55 % de personnes
meurent en laissant tous ou certains de leurs enfants mineurs 33.

3.1.2. Notre position


Séduisante à première vue, l’analyse qui précède pose mal les pré-
mices. L’auteur estime que le peu de biens que les enfants auront à se
partager ne tardera pas à s’épuiser, au point de replonger ceux-ci dans
une grande vulnérabilité, à la grande indifférence des autres membres
de la famille qui n’auraient rien reçu du partage du modeste héritage.
Or, la loi en toute prévoyance s’est opposée au partage du petit héritage
entre enfants en instituant la reprise.
En outre, il est certes vrai que la loi a déjà reconnu à un des héritiers
(enfants majeurs du de cujus) de reprendre la succession. Proposer que le

31.  J. L. Kabula Lamina, De la gestion de la succession au regard du code congolais de


la famille, Thèse de doctorat, Droit, Université de Lubumbashi, Lubumbashi, 2018,
pp. 254-255, Inédite.
32.  Ibid., pp. 272-273.
33.  Selon une enquête menée en R.D. Congo il ressort que 55 % des de cujus
meurent en laissant tous ou certains de leurs enfants mineurs ; que seuls 36 % dé-
cèdent après la majorité de tous leurs enfants et que 8 % meurent sans enfants. Lire
W. Kabeya Badiambuji, Résistance sociale à l’inadéquation du Droit successoral congolais. Re-
pères pour une alternative équitable, Thèse de Doctorat, Droit, Université de Lubumbashi,
Lubumbashi, 2020, pp. 231-234, Inédite.

Lubilanji  Revue interdisciplinaire de l’U.O.M. - 2023 [1]


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Partage du petit héritage en Droit congolais. Heur et malheur des héritiers

repreneur soit un non enfant du de cujus mais plutôt son frère ou sa sœur
ne change pas grand-chose dans l’encadrement des enfants orphelins
mais, par contre risque d’aggraver leur vulnérabilité.
Car, le constat général est que, même lorsque les frères et sœurs des
défunts prennent tout l’héritage grand ou petit, ils oublient fréquem-
ment qu’ils ont des devoirs envers les enfants du défunt qu’ils ont dé-
pouillés, allant jusqu’à les chasser. Malemba N’Sakila, dans son ouvrage
Les Enfants dans la rue. Le sans et hors famille, écrit : « Les orphelins, aban-
donnés à leur triste sort ou jetés dans la nature, deviennent sans doute
des vagabonds qui errent, d’abord çà et là, chez les parents qui avaient
séjourné chez eux du vivant de leur père, et enfin, après que ceux-ci les
auront chassés proprement ou brutalement, regagnent, dans la rue, les
hordes des enfants sans ou hors la famille 34. Pour sa part, Yav Katshung
constate que le conjoint survivant, généralement la veuve, chargée d’en-
fants, est souvent dépouillée par les parents de son défunt mari, dépouil-
lement après lequel, lui (elle) qui était épanoui du vivant de son époux,
broiera du noir au risque de plonger dans l`alcoolisme, la débauche,
etc., au grand étonnement de tous 35.
Qui a dit que la situation changera lorsqu’un de ces spoliateurs
connus et reconnus reprendra tout le petit héritage ? Combien de fois
n’avons pas vu les frères et sœurs d’un de cujus mort pauvre s’en prendre
parfois violemment à sa femme et à ses enfants, prétextant qu’ils ne l’ont
pas aidé à amasser des richesses ou l’auront carrément ensorcelé ? Qui a
dit que repris par un frère du de cujus, le petit héritage peut aider à l’en-
tretien des enfants orphelins plus que lorsqu’il est repris par un de ces
derniers ? Y a –t-il une grande affection entre oncles ou tantes et neuves
ou nièces qu’entre frères et sœurs ? Loin s’en faut.
Toutefois, bien que les enfants du défunt doivent être les grands
bénéficiaires du petit héritage, l’exclusion totale des héritiers de la deu-
xième catégorie (conjoint survivant, père et mère, frères et sœurs du
défunt) n’est pas une solution à encourager globalement dans le cadre
de la consolidation des liens familiaux. Les père et mère et parfois les
frères et sœurs du de cujus s’ils existent, ne devront pas se sentir complè-
tement ignorés au partage du modeste héritage, surtout si celui-ci se fait

34. G. Malemba N’sakil a, Enfant dans la rue. Les sans et hors famille, Lubumbashi,
PUL., 2002, pp. 28-29.
35.  J. YAV Katshung, « Conflits successoraux et protection des enfants et du
conjoint survivant en Droit congolais » [en ligne] mis en ligne le 1er avril 2012. Consul-
té le 10-01-2022. URL : http://www.legavox.fr/blog/yav-associate, p. 5.

Droit  Lubilanji
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William Kabeya Badiambuji

sans reprise. Car, selon la tradition, ils sont héritiers incontournables de


certains biens à signification symbolique, à l’instar des objets personnels
du défunt, comme les habits et autres de ses effets personnels ou intimes.
Ces biens que nous qualifions de symboliques se rapprochent sans
se confondre avec ceux que Cuynet qualifient d’« objets mémoires, fé-
tiches, reliques ou mythifiés » 36 ou que Grimaldi appellent « les souve-
nirs de famille » 37.
Bon gré mal gré, il ne doit pas s’agir de biens à valeur marchande
suffisante pouvant être capitalisés par l’héritier repreneur au profit de
ses consorts.
Le Conseil de famille doit jouer en cette phase un rôle important
pour faire comprendre aux autres prétendants successoraux que, s’ils
ne reçoivent pas grand-chose, c’est simplement parce que leur fils ou
fille, frère ou sœur n’a rien laissé de consistant comme biens. Il devra les
interpeller sur le fait que les enfants laissés par le défunt ainsi que son
conjoint survivant qui lui est resté fidèle jusqu’au décès en dépit de la
précarité de sa situation méritent un traitement honorable.
L’essentiel serait de remettre aux père et mère, ainsi qu’aux frères
et sœurs du de cujus certains biens symboliques, à l’instar des habits et
autres effets personnels ou intimes du défunt.
La situation du conjoint survivant du de cujus pauvre est assez pré-
occupante et mérite attention particulière.

3.1.3. Particularité de la situation du conjoint survivant


Le conjoint survivant joue un rôle déterminant dans la vie du de
cujus. Ainsi, indépendamment de l’opulence de la succession, il bénéficie

36.  P. Cuynet, Op. cit., p. 54.


37.  Par souvenir de famille, il faut comprendre les biens chargés d’une valeur
morale qui éclipse leur valeur patrimoniale, même si celle-ci peut être importante […]
Leur trait commun est de témoigner de l’histoire familiale. La jurisprudence décide
qu’ils échappent aux règles de dévolution successorale et de partage établies par le
Code, et qu’ils peuvent être confiés à titre de dépôt à celui des membres de la famille
que les tribunaux estiment le plus qualifié. Cf. M. Grimaldi, Droit civil. Successions, Paris,
6e éd., Litec, 2001, pp. 258-259. Ces souvenirs de famille comprennent souvent les
biens, papiers de famille, décoration, armes, portraits…, qui ont sans doute appartenu
dans le passé à tel ou tel membre de la famille, mais qui, en raison de l’idée d’héritage
moral et même plus précisément familial qui leur est attachée, ne sont pas malgré leur
valeur patrimoniale élevée, dévolus et partagés comme les autres. Cf. H. Capitant et
alii, Les grands arrêts de la jurisprudence civile. Introduction - Personnes - Famille - Biens - Régimes
matrimoniaux - Successions, t. I, 11e éd., Paris, Dalloz, 2000, pp. 425-426.

Lubilanji  Revue interdisciplinaire de l’U.O.M. - 2023 [1]


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Partage du petit héritage en Droit congolais. Heur et malheur des héritiers

de l’usufruit légal sur la maison qu’il habitait avec son défunt conjoint et
sur les meubles meublants aux termes de l’article 785 al. 1 qui dispose :
« Le conjoint survivant a l’usufruit de la maison habitée par les époux
et des meubles meublants. » Ce droit est maintenu jusque dans le petit
héritage aux termes de l’article 786, al. 1 et 2 qui disposent :
« Tout héritage qui ne dépasse pas 1.250.000 francs congolais
est attribué exclusivement aux enfants et à leurs descendants par
voie de représentation, en cas de concours éventuel de ceux-ci avec
les héritiers de la deuxième catégorie ou les légataires.
Toutefois, le droit d’usufruit tel que prévu à l’article 785
ci-dessus au profit du conjoint survivant est maintenu. »
Par cette disposition, le législateur marque sa volonté de voir le petit
héritage advenir à la famille conjugale du défunt : en pleine propriété
aux enfants et en usufruit au conjoint survivant.
Or, il est difficile de trouver un petit héritage comportant une mai-
son pouvant supporter l’usufruit du conjoint survivant et être repris pour
le reste. Car, depuis un temps, les concessions foncières s’acquièrent gé-
néralement à plus cher, sauf dans les milieux les plus reculés.
De deux choses l’une : soit le petit héritage comporte une mai-
son (unique bien à valeur marchande) sur laquelle s’exercera le droit
usufructuaire du conjoint survivant et, dans ce cas les enfants du de cujus
doivent en souffrir jusqu’à la fin de l’usufruit ; soit le de cujus ne laisse pas
de maison et dans ce cas, quelle que soit la durée du mariage, le conjoint
survivant s’en tire mains bredouilles, ayant construit ce modeste héri-
tage avec le défunt pour enfin de course être laissé pour compte : exposé
à la ruine et aux remords, ce qui lui laisse l’impression que, le fait d’avoir
accepté de se marier et de maintenir le lien conjugal avec un époux in-
digent était une erreur qui finit par le rattraper, peut être au soir de sa
vie, surtout si les enfants qui se partagent la succession ne sont pas ses
enfants communs avec le de cujus.
Cette dévolution du petit héritage ne protège ni les enfants du de
cujus, ni le conjoint survivant qui peuvent dans tous les cas se trouver
soit temporairement, soit définitivement pénalisés. Ce qui risque de dé-
générer dans tous les deux cas : soit le conjoint survivant diffère la suc-
cessibilité des enfants du défunt jusqu’à la fin de son usufruit, soit ces
derniers l’excluent de la succession, alors que dans cette occurrence, la
liquidation du régime matrimonial ne lui apportera rien de consistant.

Droit  Lubilanji
99
William Kabeya Badiambuji

Comment imaginer que le conjoint survivant mérite une si margi-


nale position en dépit de ce qu’il peut avoir enduré à côté du de cujus ?
Comment croire que les enfants parfois majeurs et désintéressés mé-
ritent mieux que lui ? Alors que, naturellement, les deux époux, à la dé-
cohabitation de leurs enfants, se nourrissent mutuellement une grande
affection, à tel enseigne que, s’il était demandé à l’un d’entre eux de
tester, il le ferait plus au profit de son conjoint qu’en faveur des enfants
qui sont occupés chacun à rechercher sa vie et son bonheur 38.
Entre époux restés seuls, le conjoint est la seule personne à vivre,
supporter et peut-être endurer les dernières souffrances au moment où,
les enfants qui viendront les brimer dans l’héritage modeste que laissera
son conjoint, sont parfois loin de lui.
On nous rétorquerait qu’il n’a pas à s’en faire car, la reprise ayant
vocation à durer longtemps, il reste créancier d’aliments de la succes-
sion et de ses enfants. Même alors, il faut reconnaître que cette pension
est un droit qui menace à son tour les intérêts des enfants du défunt et
s’avère, au regard de la modicité de l’héritage, incompatible avec le ratio
legis des règles sur le petit héritage. Dans la mesure où, elle est à perce-
voir selon une périodicité fixée ou selon les besoins réels du survivant sur
la succession du prédécédé qui, pourtant n’est pas de grande envergure.
La conséquence la plus attendue est qu’au cas où le conjoint survi-
vant multiplie des demandes, celles-ci indisposeront les enfants héritiers,
ce qui peut dégénérer si ceux-ci ne sont pas ses enfants communs avec
le de cujus.
Pire encore, au cas où les enfants du de cujus décident de se partager
le petit héritage sans reprise, le sort du conjoint survivant est définitive-
ment scellé. D’où, la nécessité de revoir cette situation. Parce qu’après
tout, ainsi que le fait observer le sociologue Laroussi El-Amri à par-
tir d’une enquête, partout dans les campagnes, les femmes bêchent,
sarclent, irriguent, cueillent à mains nues, rampent dans les sillons, ra-
massent les légumes, les lavent à l’eau du puits, les mettent en bottes,
font la corvée de bois et d’eau, traient les vaches, en plus du travail
domestique habituel, invisible, non comptabilisé. Elles tissent la nuit et

38.  Au sujet de l’impact de la décohabitation des enfants sur leurs relations,


contacts ou rencontres avec les parents, lire Bonvalet et Lelievre qui confirment que
la décohabitation influence les contacts entre enfants et parents. Ils estiment qu’un
enfant célibataire reste plus attaché aux parents dans la mesure où, il n’a pas créé sa
propre famille et, il les prend facilement en charge. Cf. C. Bonvalet et E. Lelievre,
« Relations familiales des personnes âgées », in Retraite et société, 45 (2005), pp. 43-67.

Lubilanji  Revue interdisciplinaire de l’U.O.M. - 2023 [1]


100
Partage du petit héritage en Droit congolais. Heur et malheur des héritiers

décorent leurs poteries « près de 12 heures de travail journalier ». Elles


font fructifier un patrimoine dont elles seront exclues plus tard. C’est
injuste et choquant 39.
L’idéal est de mettre le conjoint survivant à l’abri de tel revire-
ment de situations, en le rendant bénéficiaire en pleine propriété,
concurremment avec les enfants du défunt pauvre. Pour cela, il est pré-
férable de l’insérer dans la première catégorie des héritiers du petit hé-
ritage, le laisser jouir conjointement des fruits de la succession reprise
avec les enfants du défunt même si cela ne serait pas suffisant pour sa-
tisfaire à se besoins.
Ainsi, cette catégorie sera celle de la famille nucléaire comprenant
les enfants et le conjoint du défunt, surtout que la solidarité clanique est
en train de s’émousser partout même en milieu rural.
La promotion successorale du conjoint survivant est justifiée par le
triple fait que d’abord dans l’ordre présumé des affections du de cujus,
son conjoint tient une place de choix ; ensuite, durant leur vie com-
mune, les conjoints ont ensemble constitué le patrimoine familial soit
par des apports, soit par des facilités ou des interventions d’ordre moral
ou psychologique pendant que les parents par le sang vaguaient à leurs
propres activités loin d’eux ; enfin, entre époux, il existe un devoir d’as-
sistance qui ne permet pas de laisser au décès de l’un, le survivant dans
le besoin et la gêne 40.
Cette proposition se justifie aussi car, quand un homme moyen tra-
vaille, c’est d’abord pour ses plus proches à savoir ses enfants et son
conjoint. Ainsi, il est hors de question que cette donne soit bouleversée à
sa mort, rendant cette dernière, l’élément déclencheur des circonstances
détestées par le de cujus de son vivant.
En renforçant sa vocation héréditaire, les bénéficiaires familiaux
prioritaires des efforts du de cujus de son vivant, le resteront après sa
mort. On aura réduit la vulnérabilité du conjoint survivant du de cujus
indigent ; diminué la dépendance des enfants à son usufruit et, sauve-
gardé le petit héritage de l’émiettement.
Moyennant cette proposition, les héritiers prioritaires du petit héri-
tage seront : les enfants et le conjoint survivant du de cujus.
Par ailleurs, pour se rapprocher du souhait populaire, le conjoint
survivant qui se remarie pendant la durée de la reprise et avant le par-

39.  N. Omrane, « Héritage inachevé de Bourguiba. Femmes tunisiennes et par-


tage successoral », in Confluences Méditerranée, 38 (2001), pp. 87-93.
40. L. Julliot de Lamorandiere, Droit civil, t. IV, Paris, Dalloz, 1965, p. 444.

Droit  Lubilanji
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William Kabeya Badiambuji

tage définitif de l’hérédité perdra son droit à la succession et, sera pré-
sumé y avoir tacitement renoncé. Car, ce qui justifie sa présence dans
cette catégorie c’est uniquement les besoins de sa survie aux frais de la
succession. De même, lorsqu’elle mène une vie de dévergondage d’une
notoriété publique, le Conseil de famille, d’office ou saisi par toute per-
sonne intéressée, demandera au liquidateur ou à l’héritier repreneur de
suspendre la prise en charge du conjoint survivant dévergondé. Si c’est
ce conjoint survivant qui était le liquidateur ou l’héritier repreneur, il
démissionnera de ce poste. Au cas où il voudra s’y accrocher, il sera dé-
chu par décision du Conseil de famille, qui pourvoira comme de Droit
à son remplacement.
Sa déchéance pour dévergondage, sa perte de qualité pour convole
en autre noce ne peuvent être des causes de cessation de l’indivision
successorale sauf décision contraire du Conseil de famille.
Conformément à ce qui précède, de lege ferenda, l’article 786 du
Code de la famille sera ainsi libellé :
« Tout petit héritage est attribué prioritairement aux enfants ou
à leurs représentants et, au conjoint survivant en cas de concours
éventuel de ceux-ci avec les héritiers de la deuxième catégorie ou
les légataires.
Toutefois, les héritiers de la deuxième catégorie bénéficieront
des biens familiaux symboliques et à usage exclusif du défunt.
La clé de répartition prévue à l’alinéa premier ne jouera pas
si la première catégorie n’est composée que du conjoint survivant.
De même, ce dernier perdra son droit successoral s’il se remarie
durant la reprise ou s’adonne à la débauche outrageante à l’égard
de la mémoire du défunt.
Les règles successorales ordinaires restent d’application dans
les cas où il n’y a pas d’héritiers de la première catégorie. »

3.2. Droits des héritiers du petit héritage en l’absence des enfants


du de cujus
Comme il ressort de la formulation de la disposition qui précède,
en l’absence des héritiers de la première catégorie, le petit héritage est
dévolu en vertu des règles ordinaires. C’est-à-dire sans reprise succes-
sorale, les héritiers de la deuxième catégorie se le partageront selon le
nombre de leurs groupes.

Lubilanji  Revue interdisciplinaire de l’U.O.M. - 2023 [1]


102
Partage du petit héritage en Droit congolais. Heur et malheur des héritiers

Toutefois, une réserve est émise lorsque la première catégorie ne


comprend que le conjoint survivant, en face des héritiers de la deuxième
catégorie.
Étant donné que, dans la mentalité congolaise, lorsqu’un conjoint
survivant n’a pas eu d’enfants avec le prédécédé, cela est une raison
pour l’ignorer sauf lévirat 41, nous plaidons pour son maintien en pre-
mière catégorie. Dans ce cas, il ne sera pas convenable qu’il prime les
ascendants et collatéraux du défunt. Ainsi, il est préférable de lui attri-
buer la moitié du petit héritage, l’autre moitié revenant aux héritiers
de la deuxième catégorie quel que soit le nombre de groupes présents
ou représentés, avec cette réserve que, si le de cujus laisse une maison, le
conjoint survivant aura un choix entre succéder en usufruit viager ou en
propriété et perdre son usufruit.
Pour matérialiser cette exception il est préférable d’insérer un ar-
ticle 786bis dans le Code de la famille ainsi libellé :
« Lorsque la première catégorie d’un petit héritage ne com-
prend que le conjoint survivant, celui-ci se partagera par moitié
entre lui et les héritiers de la deuxième catégorie quel que soit leur
nombre.
Toutefois, le conjoint survivant a, au cas où le de cujus a laissé
une maison, un choix entre succéder en usufruit ou en propriété. »
Le fondement de la succession en usufruit du conjoint survivant
dans ce cas, est le souci de lui assurer un logis au cas où, il ne peut s’en
procurer après partage par moitié avec la deuxième catégorie des héri-
tiers de son défunt conjoint.

41.  Se fondant sur le droit traditionnel des successions, Musangamwenya


Walyanga soutient que pour bénéficier de l’usufruit du conjoint survivant, ce dernier
doit avoir au moins mis au monde avec le défunt. De même, dit-il, pour justifier sa
vocation héréditaire ordinaire, le conjoint survivant doit en plus des conditions posées
par le Code de la famille, avoir eu avec le de cujus au moins un enfant ou alors le ma-
riage doit être antérieur au décès d’au moins deux ans en cas de maladie ou d’un an
en cas d’accident. Cf. G. Musangamwenya Wal yanga, De la succession en droit congolais :
problématique de la survivance des coutumes. Thèse de Doctorat, Droit, Université de Lubu-
mbashi, Lubumbashi, 2009, pp. 217-220, inédite.

Droit  Lubilanji
103
William Kabeya Badiambuji

Conclusion
Le partage du petit héritage ne doit pas être une occasion d’as-
phyxier et acculer à la ruine certains héritiers qui vivaient épanouis et
aux frais du défunt comme son conjoint qui lui survit.
D’où, le plaidoyer en faveur de la révision du Droit congolais sur
la question, en privilégiant la reprise du petit héritage par l’héritier le
plus méritant et bénéficiant de la confiance unanime sinon majoritaire
de ses cohéritiers ; d’encourager la reprise pour le tout en imposant au
repreneur une ligne de conduite à tenir et éventuellement une activité
lucrative à entreprendre au moyen de la succession reprise pour sa fruc-
tification, question de lui permettre au moyen de revenus de la succes-
sion reprise, de subvenir aux besoins de ses cohéritiers.
Comme la reprise ne peut durer éternellement, la majorité du der-
nier d’entre les enfants du de cujus, peut sans être la cause résolutoire
de la reprise, être une cause de demande de sortie de l’indivision par
l’héritier diligent.
En cas de partage sans reprise, il ne doit pas être question de res-
pecter aveuglement la loi actuelle qui, soit fragilise les enfants du dé-
funt pauvre en leur imposant de respecter l’usufruit du conjoint survi-
vant sur une modique succession ; soit déshérite le conjoint survivant
lorsque le petit héritage ne comporte aucune maison devant supporter
son usufruit, alors que, malgré la précarité des conditions de vie de son
partenaire, il lui était resté fidèle jusqu’à la mort.
Pour parer à toute éventualité, dans le partage du petit héritage, la
famille nucléaire du défunt doit être privilégiée avec cette conséquence
qu’outre ses enfants, son conjoint survivant, pour lui éviter la solitude
meurtrière et le revirement préjudiciable de la situation, doit voir sa
vocation héréditaire renforcée par sa promotion successorale.
Cette promotion successorale signe son entrée dans la première
catégorie des héritiers, bien que doublement encadrée pour rester en
adéquation avec la mentalité sociale qui veut que, le conjoint survivant
qui se remarie avant le partage définitif ou qui mène une vie de déver-
gondage outrancière soit déchu des avantages héréditaires qu’il était en
droit d’attendre ou attendait de son conjoint prédécédé.
Néanmoins, pour ne pas donner l’impression aux autres membres
de la famille qu’ils ont été complètement oubliés lors du partage au nom
de la modicité de l’héritage, ils doivent, sous l’œil regardant du conseil
de famille, bénéficier des biens à signification symbolique, à l’instar des

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Partage du petit héritage en Droit congolais. Heur et malheur des héritiers

objets personnels du défunt, comme les habits et autres de ses effets


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ciate.

Résumé — La mort, surtout celle du pilier de la famille, ne doit nullement être le


fait juridique déclencheur de la situation meurtrière pour ceux qui vivaient à ses dé-
pens, ni être l’occasion pour ses proches de vivre les circonstances qu’il avait détestées
de son vivant. Ainsi, si le défunt est pauvre et laisse trop peu de biens, ces derniers
doivent être mieux gérés et dévolus avec souplesse pour qu’ils profitent principalement
à ses proches, sans exclusion injustifiable et suicidaire de ceux dont la charité serait
nécessaire par la suite pour la cohésion familiale et la conservation des intérêts de
l’ensemble.
Pour cela, le partage du petit héritage en Droit congolais doit être repensé pour
qu’au-delà du petit bonheur qu’il assure actuellement aux héritiers de la première
catégorie (par la reprise et leur vocation exclusive), il leur évite le cortège de malheurs
que la cupidité apparente dont il fait preuve peut créer dans le mental familial (la
dislocation des liens familiaux avec le reste du groupe et l’individualisme grandissant
qui ira avec).
Mots clés : Partage successoral - Petit héritage - Héritier - Reprise successorale.

Abstract — Death, especially that of the pillar of the family, should in no way be
the legal fact triggering the murderous situation for those who lived at his expense,
nor be the occasion for his relatives to experience the circumstances he had hated
from his alive. Thus, if the deceased is poor and leaves too few assets, these should be
better managed and flexibly devolved so that they primarily benefit their loved ones,
without unjustifiable and suicidal exclusion of those whose charity would subsequently
be needed to family cohesion and the preservation of the interests of the whole.
For this, the sharing of the small inheritance in Congolese law must be rethought
so that beyond the small happiness that it currently provides to the heirs of the first
category (by the recovery and their exclusive vocation), it avoids them the procession

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Partage du petit héritage en Droit congolais. Heur et malheur des héritiers

of misfortunes that the apparent greed he shows can create in the family mind (the
dislocation of family ties with the rest of the group and the growing individualism that
will go with it).
Keywords : Inheritance sharing - Small inheritance - Heir - Inheritance takeover.

Cikosu — Lufu, nangananga lwa cihanda cya diiku kalwena na cya kushaala mpun-
ga wa kasuba ka badi bashala ni moyi, peshi ka bonsu bavuyi mwambwila bujitu to.
Nunku hikala mufwa kavu ni makuta abungi to, peshi mushiya tuntu tukesa, mbimpa
kutulubulula ni kutwabanya bimpa bwa se benda ba ha bilamba bamwana bwa ku-
sanka naatu, hamwa ni banga beena diiku badi mwa kwambulwisha nshiya yenda.
Nunku, kwabanya kwa bumpyanyi bukesa bushiya kudi mufwa, kudi kulomba ne
bakwelwilwila menji mu meeyi ni mikandu ya ditunga dya Congo bwa se nansha
mudiku kwambwilwisha kakesa baana ba nshiya (badi babulubuluja ni babwabanyan-
gana nkayabu), kubehwila maalu mabi adi bwa kulwa, bwalu bidimba bikwambu bya
diiku, mbifwana kubangata bu beena citu (cintu cidi bwa kwenza ne mu diiku mulwa
lungenyi lwa kaditanta kadyambika) ni kukosolola diiku dijima.
Bishimbi meeyi : Kwabanyangana kwa bumpyanyi - Bumpianyi bukesa - Muhianyi
- Kwangata bintu bya mufwa bwa kubilubuluja.

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