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SESSION 2016

UE 111 – INTRODUCTION AU DROIT

Durée de l’épreuve : 3 heures

Le corrigé comporte : 6 pages

CORRIGÉ

I – ÉTUDE DE SITUATION PRATIQUE :

1) Les parents d’Axel vous demandent comment faire pour récupérer, au nom de leur fils, ce timbre
de collection de très grande valeur.

Faits :
Axel, âgé de 17 ans et demi et atteint d’un trouble mental, a procédé, avec un camarade du même âge et
atteint du même handicap, à un échange : un CD de peu d’intérêt contre un timbre de collection de grande
valeur qui avait été légué à Axel par son grand-père. Madame et Monsieur DUPONT, les parents attentifs
d’Axel, souhaitent, au nom de leur fils, récupérer ledit timbre.

Problème juridique :
Un contrat passé par un mineur non émancipé peut-il être annulé à la demande de ses parents ? Plus
généralement, quel est le sort d’un contrat passé sans la capacité juridique d’un cocontractant ?

Droit applicable :
Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent envers une autre ou
plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose (art. 1101 C. civ.).

L’une des conditions de fond de validité des contrats (outre, selon l’article 1108 du Code civil, le
consentement libre et non vicié des parties, l’objet et la cause licites) est la capacité juridique des personnes
qui contractent.

La capacité juridique d’une personne, physique (être humain) ou morale (groupement doté de la
personnalité juridique), est l’aptitude de cette personne à être titulaire de droits et obligations (capacité de
jouissance) et l’aptitude à exercer soi-même et pour soi-même les droits et obligations que l’on a (capacité
d’exercice).

En ce qui concerne les personnes physiques, si les mineurs (individus qui n’ont pas encore dix-huit ans
révolus) sont bien des sujets de droit ayant une assez grande capacité juridique de jouissance ; et ce depuis
leur naissance vivante et viable, ils n’ont pas en principe l’aptitude juridique à exercer les droits qu’ils
détiennent : ils n’ont pas la pleine capacité d’exercice de leurs droits. Ainsi, les mineurs non émancipés
(cas de la plupart des mineurs), même s’ils peuvent faire seuls certains actes de la vie civile que la loi ou

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l’usage autorise, sont par principe incapables de contracter ; spécialement en ce qui concerne les actes de
disposition (actes graves susceptibles de compromettre de manière significative la composition du
patrimoine : vente ou échange d’un bien de valeur,…). En effet, ces actes ne peuvent être valablement
accomplis que par les représentants légaux de la personne juridiquement incapable.

Pour un mineur non émancipé, ses représentants légaux sont soit ses mère et mère s’ils exercent l’autorité
parentale (ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant), soit son tuteur. Dans le
premier cas, le mineur est placé sous le régime de protection de l’administration légale (administration
légale pure et simple si les deux parents exercent l’autorité parentale, administration légale sous contrôle
judiciaire si un seul des deux parents exerce l’autorité parentale). Dans le second cas, le mineur est placé
sous le régime de protection de la tutelle.

Le contrat qui ne satisfait pas aux conditions énoncées par la loi (art. 1108 C. civ.) pour qu’il soit
valablement formé (dont la capacité juridique de tous les cocontractants) encourt la nullité (anéantissement
rétroactif du contrat, remise des choses en l’état antérieur) ; laquelle doit être prononcée en justice.
Notamment en cas d’incapacité d’exercice d’un cocontractant, c’est la nullité relative (la règle qui a été
violée vise à la sauvegarde d’un intérêt privé, celui de la personne juridiquement incapable) qui peut être
invoquée par la personne que la loi entend protéger ou ses représentants légaux ou ses ayants cause
universels.

Solution :
En l’espèce, les parents d’Axel, ayant manifestement l’autorité parentale, sont en charge de
l’administration légale pure et simple des biens de leur fils, mineur non émancipé. Eu égard à la valeur
marchande du timbre échangé par Axel, qui a ainsi effectué un acte contractuel de disposition pour lequel il
n’avait pas la capacité juridique, Madame et Monsieur DUPONT peuvent demander en justice la nullité du
contrat d’échange. Il s’agit en effet d’une nullité relative qui peut être demandée entre autres par les
représentants légaux de la personne juridiquement incapable, en l’occurrence les parents d’Axel. Le
prononcé judiciaire de la nullité conduira à la restitution réciproque du CD et du timbre de collection.

2) En outre, les parents d’Axel vous demandent que faire pour éviter qu’une telle mésaventure se
reproduise à l’avenir, étant entendu qu’Axel sera bientôt majeur.

Faits :
Axel sera bientôt majeur. Cependant, du fait de son handicap mental, susceptible d’évoluer, mais qui fait
actuellement l’objet d’une reconnaissance d’invalidité à 50 %, il n’aura pas suffisamment de discernement
pour apprécier la juste valeur des choses. Aussi, ses parents, inquiets, se demandent comment le protéger
dès sa majorité.

Problème juridique :
Quels sont les régimes juridiques de protection applicables à un majeur dont le discernement est altéré ?

Droit applicable :
On est majeur à partir de 18 ans accomplis et, en principe, doté d’une pleine capacité juridique.

Cependant, le majeur peut être reconnu incapable en raison de l’altération de ses facultés mentales et/ou
physiques. Il est alors placé, sur avis médical, par le juge compétent (juge des tutelles) sous un régime de
protection. Il existe trois régimes de protection des majeurs incapables ; le choix par le juge des tutelles de
l’un de ces régimes se fait en fonction de la plus ou moins grande gravité de l’altération des facultés de la
personne à protéger.

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La sauvegarde de justice convient pour le degré le plus faible d’altération des facultés et ne nécessite pas de
la part du juge la nomination d’une personne devant assister ou représenter le majeur.

La curatelle est une mesure judiciaire destinée à protéger une personne majeure qui, sans être hors d’état
d’agir elle-même, a besoin d’être conseillée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants
de la vie civile ; par exemple lorsqu’il s’agit de consentir à des contrats importants. Le juge des tutelles
nomme un curateur qui assiste le majeur pour les actes de disposition. Il s’agit donc d’un régime
d’assistance.

La tutelle est un régime de représentation qui s’applique au majeur dont les facultés sont les plus fortement
altérées. Le majeur sous tutelle ne peut agir ; il est frappé d’une incapacité absolue. Tous les actes passés
postérieurement au jugement d’ouverture de la tutelle par la personne protégée sont nuls de droit. Le juge
des tutelles désigne différents organes dont le tuteur (chargé de représenter le majeur incapable, de passer
des actes au nom de ce dernier) et le conseil de famille (assemblée de membres de la famille, d’alliés ou
d’amis de la personne incapable, chargés notamment de donner leur accord au tuteur pour
l’accomplissement des actes de disposition).

Solution :
En l’espèce, pour la protection d’Axel au moment où il deviendra majeur, au vu de son handicap et de ses
difficultés de discernement, après avis d’un médecin expert, le juge des tutelles placera probablement Axel
sous un régime de tutelle ; la charge de tuteur pouvant être exercée par l’un de ses parents ou les deux. Les
actes de disposition (consentir à un échange d’un bien de valeur,…) passés au nom d’Axel ne pourront
l’être que par son ou ses tuteurs, avec l’accord du conseil de famille.

II – COMMENTAIRE DE DOCUMENT :

1) Quand et par quelle juridiction la décision reproduite dans le sujet est-elle rendue ?

La décision reproduite dans le sujet est un arrêt rendu le 1er octobre 2014 par la première chambre civile de
la Cour de cassation qui est, on le sait, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français (« Cass. 1ère
civ., 1er octobre 2014 »).

2) Qui sont les parties demanderesse et défenderesse à ce stade de la procédure ?

Devant la Cour de cassation, c’est ici la société Quito, une société civile immobilière, dont le siège est à
Lorgues, qui est la partie demanderesse, autrement dit celle qui a formé pourvoi (« pourvoi formé par la
société Quito, société civile immobilière, dont le siège est 722 traverse de la Douce, 83510 Lorgues » ;
« La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi ») ; tandis que c’est la société SPA Chebanca,
auparavant Micos Banca SPA, dont le siège est à Lyon, qui est la partie défenderesse, autrement dit la
partie assignée (« dans le litige l'opposant à la société SPA Chebanca, anciennement Micos Banca SPA
exerçant sous l'enseigne Micos crédit immobilier, dont le siège est 43-47 rue Waldeck Rousseau, 69006
Lyon, défenderesse à la cassation »).

3) Quels sont les faits ayant, à l’origine, donné naissance au litige ?

À l’origine du litige entre la société Quito et la société SPA Chebanca se trouve un contrat de prêt
immobilier accordé par la société Micos Banca, devenue SPA Chebanca, à la société Quito ; prêt dont le
remboursement n’a pas été correctement effectué par cette dernière (« la SCI Quito n'ayant pas honoré les

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échéances d'un prêt immobilier que lui avait consenti la société Micos Banca aux droits de laquelle se
trouve la société Chebanca »).

4) Quel était le juge de première instance et quelle mesure était sollicitée devant lui ?

Le juge de première instance, saisi par la société SPA Chebanca, était le juge de l’exécution ; juge chargé
du prononcé des voies d’exécution, c’est-à-dire des mesures judiciaires destinées à obliger un débiteur
récalcitrant à exécuter son obligation envers son créancier.

La mesure plus précisément sollicitée par la société SPA Chebanca contre la société Quito était une saisie
immobilière (« la SCI Quito n'ayant pas honoré les échéances d'un prêt immobilier que lui avait consenti
la société Micos Banca aux droits de laquelle se trouve la société Chebanca, celle-ci l'a assignée devant le
juge de l'exécution, après lui avoir délivré un commandement aux fins de saisie immobilière ») ; le
commandement étant un acte d’huissier signifié au débiteur et invitant celui-ci à exécuter son obligation
sous peine d’être saisi de ses biens.

5) Quelle est la clause qui est ici au cœur du débat juridique et a-t-elle trait aux MARC ?

La clause qui est ici au cœur du débat juridique est une clause de conciliation (« la clause de
conciliation »), clause en vertu de laquelle, dans un contrat, il est prévu qu’en cas de litige, une tierce
personne, le conciliateur tentera d’amener les parties à un accord amiable afin d’éviter le déroulement d’un
procès.

La clause de conciliation, qui dépend de la volonté des parties (elle ne figure pas systématiquement dans
tous les contrats), prévoit donc une conciliation conventionnelle, laquelle est effectivement l’un des MARC
(Modes Alternatifs de Règlement des Conflits), et plus particulièrement l’un des modes privés de
résolution des litiges (outre, par exemple, l’arbitrage). À noter que la conciliation peut être judiciaire
lorsque c’est le juge qui la met en place.

6) Qu’a décidé la juridiction dont la décision est attaquée devant la juridiction qui rend la décision
reproduite dans le sujet ?

C’est un arrêt rendu le 15 mars 2013 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui est ici attaqué devant la
Cour de cassation (« le pourvoi […] contre l'arrêt rendu le 15 mars 2013 par la cour d'appel d'Aix-en-
Provence »). La cour d’appel a décidé qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte de la clause de conciliation
préalable convenue entre les parties au contrat de prêt immobilier puisque cette clause ne mentionnait pas
spécialement qu’elle devait s’appliquer à un litige inhérent à l’exécution forcée dudit contrat.

Selon la juridiction du second degré, la procédure de saisie immobilière devait donc être mise en œuvre
d’emblée (« Attendu que pour dire que la procédure de saisie immobilière sera poursuivie dans ses
derniers errements et ordonner la vente forcée de l'immeuble, l'arrêt retient que la clause de conciliation
préalable ne comportait aucune disposition relative aux contestations ayant trait à l'exécution forcée de
l'acte de prêt »).

7) Que décide la juridiction qui rend la décision reproduite dans le sujet et cela est-il conforme au
droit en vigueur en la matière ?

Le 1er octobre 2014, la Cour de cassation décide qu’une clause de conciliation préalable et non facultative
(obligatoire) doit être appliquée avant toute instance judiciaire (« la clause d'un contrat instituant une

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procédure de conciliation obligatoire et préalable à toute instance judiciaire s'impose au juge, quelle que
soit la nature de celle-ci »).

En respect de la force obligatoire des contrats, la conciliation prévue doit être d’abord tentée et ce n’est que
si elle échoue, que les juridictions peuvent être saisies. On observe d’ailleurs que l’arrêt rendu le 1er octobre
2014 par la Cour de cassation est placé sous le visa le l’article 1134 du code civil relatif à la force
obligatoire des contrats entre les cocontractants et qui oblige ceux-ci à exécuter les contrats qu’ils ont
passés comme il en a été convenu (« Vu l'article 1134 du code civil »). Par conséquent, la décision
reproduite dans le sujet est conforme au droit en vigueur en la matière ainsi qu’on l’a appris.

8) Quelle est la suite du procès décidée par la juridiction qui rend la décision reproduite dans le sujet
et cela est-il conforme au droit processuel ?

La Cour de cassation, n’approuvant pas l’arrêt rendu le 15 mars 2013 par la cour d’appel d’Aix-en-
Provence (« la cour d'appel a violé par refus d'application le texte susvisé »), décide logiquement de casser
cet arrêt (« CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2013, entre les
parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ») et de renvoyer l’affaire devant la cour d’appel de
Montpellier (« remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit
arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier »).

La suite du procès décidée en l’espèce par la Cour de cassation est parfaitement conforme au droit
processuel car, lorsque la Haute juridiction casse la décision attaquée devant elle, elle renvoie généralement
l’affaire ; et ce, devant une juridiction de même nature et de même degré que celle dont la décision est
cassée (ici, cour d’appel), mais située ailleurs (ici Montpellier et non Aix-en-Provence). La Cour de
cassation aurait aussi pu choisir de renvoyer l’affaire devant la juridiction qui a rendu la décision cassée
(ici, cour d’appel d’Aix-en-Provence) mais composée d’autres magistrats que précédemment.

III – QUESTIONS DE COURS :

1) Quelles sont la condition d’existence et la nature juridique du fonds de commerce ?

Le fonds de commerce est lié à une activité, une exploitation commerciale. Il existe à la condition que le
commerçant exploitant parvienne à fidéliser une clientèle qui lui est propre ; la clientèle étant l’ensemble
des personnes qui ont l’habitude de s’adresser au commerçant en raison de la qualité de son savoir-faire, de
ses produits, de son accueil. La clientèle est un élément incorporel (immatériel, impalpable) dont la valeur
contribue, avec d’autres éléments corporels (marchandises,…) ou incorporels (achalandage,…) pouvant
également faire partie du fonds de commerce, à la valeur de celui-ci.

Quant à sa nature juridique, le fonds de commerce est un bien (chose ayant une valeur pécuniaire,
susceptible d’appropriation privée), meuble (et plus particulièrement un meuble par détermination de la loi)
incorporel. Le fonds de commerce, universalité de fait, entité incorporelle distincte des éléments qui la
composent (le seul élément indispensable à son existence étant, on vient de le rappeler, la clientèle), est
donc inclus dans le patrimoine de celui qui en est le propriétaire.

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2) En quoi la force majeure et la légitime défense se distinguent-elles ?

La force majeure et la légitime défense sont deux des causes possibles d’exonération de responsabilité.
Mais elles se distinguent au moins d’une part, par la nature de la responsabilité à laquelle elles peuvent
permettre d’échapper ne serait-ce que partiellement et, d’autre part, par leurs définitions respectives.

La force majeure est une cause d’exonération de la responsabilité civile (que celle-ci soit d’ailleurs
contractuelle ou délictuelle ou quasi-délictuelle). La force majeure se définit comme un évènement
imprévisible (rien de permettait de l’envisager), irrésistible (rien ne pouvait être fait pour l’empêcher) et
extérieur à la personne du débiteur (celui qui a failli n’a pas concouru à la survenance de la force majeure).
La force majeure justifie la défaillance du débiteur et donc l’exonération de sa responsabilité. Le cas de
force majeure peut provenir d’un fait de la nature (tremblement de terre,…), d’un fait de la victime elle-
même (la personne qui demande réparation de son préjudice est à l’origine de la défaillance du débiteur) ou
d’un fait d’un tiers (une personne qui n’est ni la victime ni le débiteur).

La légitime défense est une cause d’exonération de responsabilité pénale (responsabilité encourue en raison
d’une infraction). En effet, la légitime défense conduit à commettre une infraction dont on n’est cependant
pas tenu pour responsable en ce qu’il s’agit de se protéger contre une agression. Plus précisément, la
légitime défense se définit comme le fait, face à une atteinte injustifiée envers soi-même ou autrui, ou face
au commencement d’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, d’accomplir dans le même temps
un acte de défense nécessaire proportionné à la gravité de l’atteinte.

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