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2 L’organisation du commerce

Sur la validité des clauses attributives de compétence en matière territoriale


– Paris, 27 nov. 1991, D. 1992. IR 264.
– Aix en Provence, 22 janv. 1992, D. 1993. 26, note B. Beignier.
– Com. 8 nov. 1994, D. 1994. IR 264.

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Sur l’autonomie de la clause compromissoire
– Civ. 1 re, 7 mai 1963, D. 1963. 545, note J. Robert.
– Civ. 2e, 4 avr. 2002 et Com. 9 avr. 2002, D. 2002. IR 1402 ; D. 2003. 1117, note L. Degos ;
Rev. arb. 2003. 103, note P. Didier.

Sur l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre


– Civ. 1 re, 16 mars 1999, D. 1999. 497, note P. Courbe.

Quiz
1) Sujet corrigé
Dissertation
Énoncé
Déontologie et droit commercial.
Voir le corrigé en fin de rubrique.

2) Corrigé
Dissertation
Le droit commercial est à l’origine un droit fait par les commerçants pour les commer-
çants. C’est un droit fondé sur l’autorégulation : le corps produit ses propres règles pour
assurer la sécurité nécessaire à la vie des affaires et pour éviter une intervention
extérieure. Cette définition rejoint d’une certaine façon celle de la déontologie, qui
peut être définie comme « l’ensemble des devoirs inhérents à l’exercice d’une activité
professionnelle ». Pour autant, ce rapprochement n’illustre pas toutes les facettes des
rapports entre déontologie et droit commercial. En effet, ce dernier a évolué. Malgré le
libéralisme affiché, l’état intervient de façon importante dans l’élaboration et la sanction
des règles du droit commercial. C’est ce double point de vue qui doit être envisagé.

I. Déontologie et droit commercial associés


A. Le droit commercial assimilé à un droit déontologique
B. Le droit commercial modèle de la création d’un droit déontologique

II. Déontologie et droit commercial dissociés


A. Le droit déontologique : une origine spontanée
B. Le droit commercial : une origine imposée

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Droit commercial

Débats
Les autorités administratives indépendantes respectent-elles les garanties des libertés

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fondamentales ?
Le Conseil économique et social est-il utile ?
Faut-il supprimer les tribunaux de commerce ?
La régulation internationale de l’Internet est-elle la forme moderne du droit professionnel ?
L’arbitrage est-il la juridiction de droit commun d’une économie mondialisée ?
L’État peut-il être partie à un arbitrage ?

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c h a p i t r e

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La notion d’acte de commerce
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Plan analytique

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section 1

La définition objective des actes de commerce


§ 1 Les actes de commerce par nature
A. Les opérations de circulation et de transformation des richesses
B. Les opérations financières
C. Les opérations d’intermédiaire
D. Les opérations maritimes
§ 2 Les actes de commerce par la forme
A. La lettre de change
B. Les sociétés commerciales par la forme
§ 3 Les actes de commerce accessoires d’un acte de commerce ou d’une opération
commerciale

section 2

La définition subjective des actes de commerce


§ 1 Les actes des entreprises commerciales
A. Les entreprises proposant des biens et des services
B. Les activités d’intermédiaire
§ 2 Les actes de commerce accessoires à l’activité commerciale

section 3

Les critères doctrinaux destinés à identifier les actes de commerce


§ 1 Le critère de l’entremise
§ 2 Le critère de la spéculation
§ 3 Le critère de l’entreprise

Compléments pédagogiques

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3

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La notion d’acte de commerce

Les textes du Code de commerce se contentent d’énumérer les actes de commerce et 89


les activités commerciales, sans donner de définition susceptible d’appréhender
l’ensemble des actes de commerce. Cette catégorie hétérogène semble particulière-
ment rétive à toute forme de systématisation et toute classification de ces actes
présente nécessairement un caractère un peu artificiel. La lecture de la loi permet
cependant de dégager deux catégories d’actes de commerce. Certains sont commer-
ciaux indépendamment de leur répétition ou de la qualité de la personne qui les
accomplit et sont ainsi objectivement commerciaux (section 1), tandis que d’autres
doivent nécessairement être accomplis dans le cadre d’une entreprise pour être
réputés commerciaux, la commercialité ici mise en avant étant alors subjective
(section 2). L’étude de ces deux catégories d’actes de commerce montre que l’énumé-
ration des actes de commerce telle qu’elle résulte des dispositions du Code n’est pas
limitative et qu’elle n’est pas toujours adaptée aux formes modernes d’activités
commerciales. La doctrine a donc tenté de fournir des critères permettant l’identifi-
cation des actes de commerce. Ils éclairent la notion d’acte de commerce, sans pour
autant permettre une délimitation précise de cette catégorie d'acte ni une présenta-
tion exhaustive de son contenu (section 3).

section 1

La définition objective des actes


de commerce
Il s’agit ici de passer en revue les actes qualifiés de commerciaux indépendamment 90
de la personne qui les effectue. Ici la qualité de commerçant ne constitue pas une
condition nécessaire à la reconnaissance de la commercialité de ces actes, même s’il
faut reconnaître qu’en pratique, ces actes sont le plus souvent accomplis par des
commerçants dans l’exercice de leur activité.
La qualification de ces actes ne devant être déterminée qu’au regard du seul objet
de l’opération, on dit qu’ils sont objectivement commerciaux. Relèvent de cette
catégorie les actes de commerce par nature (§ 1), les actes de commerce par la
forme (§ 2) et certains actes de commerce par accessoire (§ 3).

§ 1 Les actes de commerce par nature


Les articles L. 110-1 et L. 110-2 du Code de commerce se contentent d’énumérer les 91
actes devant être qualifiés de commerciaux en raison de leur objet. Ces actes sont

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Droit commercial

commerciaux par détermination de la loi. Ils peuvent être classés en quatre catégo-
ries selon la finalité de l’opération visée par ces textes. Sont ainsi réputées commer-
ciales les opérations de circulation et de transformation des richesses (A), les
opérations financières (B), les opérations d’intermédiation (C) et les opérations

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maritimes (D).

A. Les opérations de circulation et de transformation


des richesses
92 L’article L. 110-1, alinéa 1er et 2o du Code de commerce répute actes de commerce
« tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir
travaillés et mis en œuvre » et « tout achat de biens immeubles aux fins de les
revendre, à moins que l’acquéreur n’ait agi en vue d’édifier un ou plusieurs bâti-
ments et de les vendre en bloc ou par locaux ». Ils supposent la réunion de trois
éléments, un achat, ayant pour objet un bien meuble ou immeuble, avec intention de
le revendre dans le but de réaliser un profit.

93 En premier lieu, le bien dont la revente est envisagée doit avoir été acquis conven-
tionnellement à titre onéreux (vente, échange…). Celui qui revend un bien qui n’a pas
été acquis conventionnellement (reçu par succession ab intestat, résultant d’une
occupation ou grâce à un délai de prescription…) ou qui a été acquis à titre gratuit
(par testament ou par donation) n’accomplit pas un acte de commerce. Toutes les
ventes qui n’ont pas été précédées d’un achat doivent être exclues. Ainsi, les activités
d’exploitation de la nature (activités agricoles, pêche…) dont la production est
destinée à être vendue ne sont pas commerciales. De même, les opérations d’extrac-
tion (carrières, marais salants, sources minérales) ne sont pas commerciales, sauf
lorsque la loi en décide expressément autrement. C’est ainsi que l’exploitation des
mines qui ne devrait pas être commerciale car il s’agit d’une activité extractive est
qualifiée d’acte de commerce par l’article L. 131-3 du nouveau Code minier, le
législateur ayant considéré que les modes d’exploitation des productions minières
se rapprochent en pratique des grandes entreprises industrielles et commerciales et
qu’elles doivent par conséquent être soumises aux règles du droit commercial. Enfin,
la vente des productions intellectuelles (écrivains, artistes…), celle des produits
agricoles et celle des productions manuelles des artisans ne constituent pas des
actes de commerce car ces professionnels n’ont pas acheté ce qu’ils vendent. La
frontière n’est pas toujours facile à tracer, car les activités manuelles ou intellec-
tuelles supposent parfois l’acquisition de biens destinés à cette production : une toile
et de la peinture par un peintre, l’achat d’engrais ou de graines par un agriculteur,
ou de matières premières pour un artisan. Les difficultés essentielles en pratique
concernaient les activités agricoles et artisanales. Pour les premières, le législateur
(C. rur., art. L 311-1) a résolu ces difficultés par l’adoption d’une définition extensive
des activités agricoles qui échappent en principe à l’application du droit commercial
(v. ss 212). Pour les secondes, la jurisprudence a précisé les critères de distinction
(v. ss 202).
En revanche, celui qui acquiert à titre onéreux le produit de ces activités
agricoles, intellectuelles ou manuelles pour les revendre accomplit sans aucun
doute un acte de commerce : tel est le cas de l’éditeur, du producteur d’œuvres
audiovisuelles ou encore du pharmacien.

56
3 La notion d’acte de commerce

Le moment de l’acquisition de la propriété par le revendeur importe peu. Il n’est


pas nécessaire que la propriété du bien soit acquise avant sa revente. Ainsi, il est
possible que l’achat intervienne postérieurement à la revente, par exemple lorsqu’un
commerçant ne s’approvisionne auprès de son fournisseur qu’après avoir reçu les

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commandes de ses clients.

L’opération peut indifféremment porter sur des meubles corporels (denrées et 94


marchandises), sur des meubles incorporels (créances, droits de propriété intellec-
tuelle ou industrielle, valeurs mobilières…) ou sur des immeubles.
L’opération portant sur un meuble est commerciale lorsque ce dernier est
revendu en l’état mais aussi lorsqu’il a été transformé. Ainsi, l’activité qui consiste à
acquérir des biens pour les vendre après transformation est commerciale. C’est ici
essentiellement l’activité industrielle qui est visée (sidérurgie, chimie, textile, agroa-
limentaire…). Toutefois, toute revente d’un produit transformé n’est pas commer-
ciale : lorsque la transformation résulte d’une profession civile, et notamment
agricole ou artisanale, l’acte d’achat pour revendre conserve en principe un caractère
civil lorsque le professionnel tire l’essentiel de son profit de son activité manuelle
(v. ss 202).
Initialement seuls les biens meubles étaient visés par ce texte puisqu’il n’existait
pas, à proprement parler, de marché de l’immobilier. Ce n’est qu’à compter de la
seconde moitié du XIX e siècle, avec le développement des villes, que l’activité de
marchand d’immeubles s’est développée. Désormais, l’article L. 110-1, 2 o du Code de
commerce issu de la loi no 67-563 du 13 juillet 1967 répute actes de commerces toute
opération d’intermédiaire pour l’achat, la souscription ou la vente d’immeubles, de
fonds de commerce, d’actions ou parts de sociétés immobilières. Toutefois, la loi
interprétative du 9 juillet 1970 a admis une exception à ce principe : les opérations
d’achat d’un immeuble « en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre
en bloc ou par locaux » (art. L 110-1, 2 o C. com.) sont en principe des actes civils. Il
s’agit d’une faveur assez discutable faite aux promoteurs immobiliers. S’agissant
d’une exception au principe, elle doit normalement être interprétée strictement.
Toute personne physique ou morale qui achète des immeubles et les revend en l’état
ou après rénovation, mais sans avoir édifié de bâtiments, accomplit donc bien des
actes de commerce.

L’acquisition doit être conclue dans l’intention de revendre le bien acquis. L’intention 95
est si importante que c’est elle seule qui doit être prise en considération et non la
revente effective. Ainsi, l’acte est commercial même s’il n’a pas été suivi d’une vente
effective dès lors que l’acquéreur avait l’intention de revendre. En revanche, l’achat
réalisé pour utiliser le bien, l’affecter à un besoin de production ou le consommer,
c’est‑à-dire l’achat dans l’intention de profiter de l’usage du bien, même s’il est suivi
d’une revente, ne constitue pas un acte de commerce. L’intention de revendre doit
ainsi être à l’origine de l’achat du bien.
Encore convient-il de préciser comment la preuve de cette intention est établie. La
preuve de l’intention de revendre incombe à celui qui se prévaut de la commercialité
de l’acte. Elle ne sera pas toujours facile à rapporter. En pratique, elle peut être
déduite du nombre et de la fréquence des achats et reventes effectués, de la qualité
de commerçant, etc. Ainsi, il a été admis que devait être qualifiées de commerçantes
des personnes au domicile desquelles avaient été trouvés de très nombreux objets,
tels que des vêtements, pièces informatiques ou téléphones portables, et qui avaient

57
Droit commercial

reconnu les avoir achetés pour les revendre à des particuliers et des commerçants
spécialisés dans l'achat de matériel d'occasion, en France ou à l’étranger. Par cet
arrêt, la Cour de cassation a rappelé qu’acquiert la qualité de commerçant « qui-
conque, agissant en son nom et pour son propre compte, se livre de manière

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habituelle et professionnelle à des achats de biens meubles en vue de les revendre,
que ces reventes aient lieu en France ou à l'étranger » (Crim. 30 mars 2016, n o 15-
81.478, Publié au Bull. ; JCP 2016. 1190, obs. Detraz ; RSC 2016. 342, obs. A. Cerf-
Hollender). De cet arrêt il résulte que la démonstration d’une activité d’achat pour
revendre pourra conduire, au-delà de la qualification d’acte de commerce, à retenir
la qualité de commerçant de l’auteur. Tel sera le cas, notamment, lorsque les achats
pour revendre seront faits de manière régulière, en toute indépendance et à des fins
professionnelles, i.e pour en tirer un profit. Ce dernier point, est essentiel (v. ss 175).
La preuve de l’intention est plus difficile à établir à l’égard d’un non-commerçant
qui accomplit un acte isolé d’achat pour revendre. Il n’en demeure pas moins qu’un
tel acte peut, en théorie du moins, entrer dans les prévisions de l’article L. 110-1 du
Code de commerce.

B. Les opérations financières


96 L’article L. 110-1, al. 7 et 8 du Code de commerce répute acte de commerce « toute
opération de change, banque, courtage, activité d'émission et de gestion de monnaie
électronique et tout service de paiement » et « toutes les opérations de banques
publiques ». À partir des opérations de banque et de change, la jurisprudence a
estimé, par analogie, que toutes les activités financières devaient être considérées
comme commerciales lorsqu’elles étaient exercées dans un but spéculatif.

97 Les opérations de banque qui ont pour objet le commerce de l’argent constituent
sans doute une des activités commerciales les plus anciennes.
Elles comportent trois catégories énumérées par l’article L. 311-1 du Code moné-
taire et financier. Ce texte qualifie tout d’abord d’opérations de banque la réception
de « fonds remboursable du public ». Il s’agit des opérations par lesquelles un tiers, le
banquier, recueille des sommes d’argent en ayant le droit d’en disposer pour son
propre compte mais à charge de les restituer. Ce même article vise « les opérations de
crédit », qui supposent une avance de fonds immédiate, future ou éventuelle contre
rémunération au profit de son client ou dans l’intérêt de celui-ci, l’opération de crédit
bénéficiant dans cette dernière hypothèse à un tiers (cautionnement, garantie
autonome…). Enfin, la dernière catégorie d’opération de banque était constituée par
la mise à disposition de moyens de paiement (chèque, carte de paiement et de crédit,
etc.) et la gestion de ces moyens de paiement. Elle a été rebaptisée « services bancaires
de paiement » par l’ordonnance du 15 juillet 2009 transposant la directive 2007/64/
CE du 13 novembre 2007. Il s’agit, pour l’essentiel, d’opérations de virements et
de prélèvements, de transmission de fonds, de services permettant de verser ou de
retirer des espèces, de la gestion d’un compte de paiement. Il s’agit également
désormais des services d’émission et de gestion de monnaie électronique.
Les activités bancaires font l’objet d’une réglementation minutieuse par le Code
monétaire et financier. Ainsi, l’article L. 511-5 interdit à toute personne, autre qu'un
établissement de crédit ou une société de financement, d'effectuer des opérations de
crédit à titre habituel et réserve aux seuls établissements de crédit la possibilité de
recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services

58
3 La notion d’acte de commerce

bancaires de paiement. Ces interdictions de principe connaissent toutefois un


nombre significatif d’exceptions, justifiées par des considérations diverses (art. L. 511-
6 et L. 511-7 C. mon. fin.). Toute personne qui accomplit une opération de banque,
qu’elle soit licite ou illicite, effectue un acte de commerce. La Cour de cassation a, par

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exemple, eu l’occasion d’appliquer les règles du droit commercial à un professionnel
libéral – en l’espèce un notaire – qui effectuait en marge de son activité des
opérations de banque (Com. 2 févr. 1970, JCP 1970. II. 16313, obs. J. A.).

Les contrats de change, qui sont des opérations connexes aux opérations de banque, 98
sont expressément visés par l’article L. 110-1 7o du Code de commerce comme des
actes de commerce. Cette qualification doit être étendue à toutes les opérations
connexes aux opérations de banque visées par l’article L. 311-2 du Code monétaire et
financier, telles que les opérations sur or, métaux précieux et pièces ; le placement, la
souscription, l’achat, la gestion, la garde et la vente de valeurs mobilières ou de tout
produit financier ; ou encore les opérations de location simple de biens mobiliers ou
immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-
bail. Sont également visés par ce texte, de manière plus générale, le conseil et
l’assistance en matière de gestion de patrimoine ou en matière de gestion financière.
Tous les services destinés à faciliter la création et le développement d’entreprises
doivent également être considérés comme des actes de commerce. L’exercice de
telles activités à titre habituel est (comme les opérations de banque) réservé à des
professionnels bénéficiant d’un agrément qui doivent se conformer à un statut légal
et réglementaire impératif.

Les opérations de bourse ne sont pas mentionnées par l’article L. 110-1 du Code de 99
commerce. Cependant, la doctrine admet que les opérations de bourse ont un
caractère commercial. Le placement, la souscription, l'achat, la gestion, la garde et
la vente de valeurs mobilières et de tout produit financier sont des opérations
connexes à l’activité bancaire (art. L. 311-2, 3 o, C. mon. fin.). Les intervenants sur les
marchés financiers fournissant aux tiers des services d’investissements (définis par
l’art. L. 321-1 C. mon. fin.) sont des établissements de crédit ou des prestataires de
services d’investissements qui doivent bénéficier d’un agrément et sont soumis à un
statut légal et réglementaire. Les actes qu’ils effectuent sont commerciaux ne serait-
ce que parce qu’ils agissent comme intermédiaires (v. ss 102). En outre, les opérations
de bourse effectuées par des non-professionnels remplissent généralement les condi-
tions de l’achat pour revente et peuvent être, à ce titre, qualifiés d’actes de
commerce. Ici encore, il a été retenu que la seule réalisation d’une telle opération
d’achat de titres en vue de leur revente – fût-elle réalisée de manière isolée – justifie
la qualification d’acte de commerce et la soumission de son auteur aux contraintes
du droit commercial (Colmar, 16 juin 1982, Gaz. Pal. 1983. Somm. 114).

L’opération d’assurance consiste à recueillir des primes et à les redistribuer sous 100
forme d’indemnités après avoir réalisé un bénéfice. L’article L. 110-2 du Code de
commerce répute expressément les opérations d’assurances maritimes comme actes
de commerce, mais le Code reste muet sur les contrats d’assurance ayant un autre
objet. Cependant, la jurisprudence a depuis fort longtemps procédé par analogie
avec la règle spécifique applicable aux assurances maritimes pour décider que les
assurances à prime fixe sont commerciales (Req. 8 nov. 1892, DP 1893. 1. 79).

59
Droit commercial

101 Le caractère commercial de toutes ces activités financières dépend en principe de


leur caractère spéculatif (v. ss 138). Un certain nombre de personnes ont tenté
d’échapper aux règles rigoureuses du droit commercial en invoquant l’absence de
toute intention spéculative. La jurisprudence a parfois admis cet argument pour

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écarter le caractère commercial de certaines opérations financières réalisées dans un
contexte particulier. Ainsi la jurisprudence considère que les opérations d’assurance
proposées par des mutuelles d’assurance sont civiles parce qu’elles n’ont pas de
caractère spéculatif (Civ. 8 févr. 1860, DP 1860. 1. 83 ; Civ. 1 re, 22 oct. 1996, RTD com.
1997. 85, obs. J. Derruppé). En revanche, après avoir admis que certains établisse-
ments de crédit à statuts spéciaux qui ne poursuivent pas un but lucratif (Caisses de
crédit agricole ou de Crédit mutuel) n’effectuaient pas d’actes de commerce, la Cour
de cassation a finalement tranché en faveur de la commercialité des opérations de
banque réalisées par ces établissements afin d’en déduire la compétence des tribu-
naux de commerce à leur égard (Com. 24 janv. 1984, Bull. civ. IV, no 27 ; RTD com.
1984. 471, obs. Derruppé ; ibid. 487, obs. Alfandari et Jeantin ; D. 1984. IR 262, obs.
M. Vasseur). Cette solution est opportune dans la mesure où elle assure la cohérence
du régime applicable à ces opérations particulières.

C. Les opérations d’intermédiaire


102 Les opérations d’intermédiaires peuvent être définies comme celles qui consistent à
mettre en relation ou servir de lien entre deux ou plusieurs personnes ou groupes de
personnes en vue de la conclusion d’un acte juridique.
Toutes les opérations d’intermédiaires ne sont pas commerciales par nature.
Celles, notamment, qui reposent sur le mécanisme du mandat, comme l’agence
commerciale (v. ss 681) sont civiles. Sont commerciales les opérations d’intermé-
diaires visées par le Code de commerce, à savoir les intermédiaires dans les ventes
d’immeubles et de fond de commerce, le courtage et la commission.
L’article L. 110-1, 3o du Code de commerce répute actes de commerce « toutes
opérations d’intermédiaire pour l’achat, la souscription, ou la vente d’immeubles, de
fonds de commerce, d’actions ou de parts de sociétés immobilières ». La loi du
13 juillet 1967 a ainsi confirmé une jurisprudence ancienne qui avait, dans certaines
hypothèses, reconnu la nature commerciale de l’activité des intermédiaires en
immobilier. Plus récemment, la Cour de cassation a retenu qu’une association qui
exploitait un site Internet ayant pour objet de favoriser les échanges d'immeubles
entre particuliers effectuait des opérations d'intermédiaire pour l'achat ou la vente
d'immeubles, justifiant l’application des règles du droit commercial (Com. 14 févr.
2006, Bull. civ. IV, n o 35 ; Gaz. Pal. 18 et 19 oct. 2006, p. 27, note PH. Ballet ; CCE 2006,
no 7-8, comm. no 112, p. 32, obs. L. Grymbaum ; CCE 2006, no 7-8, comm. no 113, p. 33,
obs. Lecuyer H ; RTD com. 2006. 564, note B. Saintourens ; v. ss 125).

103 Les différents statuts des intermédiaires du commerce seront présentés lors de l’étude
sur les contrats commerciaux (v. ss chap. 15). À ce stade, peuvent être distingués, en
ce qu’ils constituent des activités commerciales par nature, la commission et le
courtage.
L’article L. 110-1, 3 o vise les entreprises de commission, de transport par terre ou
par eau. Toutefois, cette activité s’est développée dans tous les domaines et il existe
désormais, outre les commissionnaires de transport, des commissionnaires de vente
et d’achat en toute matière, des comissionnaires en douane, etc. Le commissionnaire

60
3 La notion d’acte de commerce

agit pour le compte du commettant mais en son propre nom, ce qui assure à ce
dernier, en principe, toute discrétion (v. ss 679).
L’article L. 110-1, 7o répute commerciale « toute opération de (…) courtage ». Le
courtage peut être défini comme l’opération par laquelle un intermédiaire, le

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courtier, met en relations deux ou plusieurs personnes en vue de la conclusion d’un
contrat sans pour autant participer lui-même à la conclusion de l’acte. La loi vise les
« opérations » de courtage, de sorte que la commercialité de ces actes peut être
reconnue même lorsqu’ils sont accomplis à titre isolé. Toutefois, le plus souvent ils
sont effectués par des professionnels, dans le cadre de leur activité, ce qui fera d’eux
des commerçants soumis au droit commercial (Com. 3 avril 1984, Bull. civ. IV, n o 122).
À cet égard, on peut s’interroger sur la pertinence de la distinction établie par
l’article L. 110-1 du Code de commerce, puisqu’elle considère comme commerciale
toute opération de courtage, alors que les autres opérations réalisées par les inter-
médiaires ne sont visées par ce texte que lorsqu’elles sont exercées dans le cadre
d’une entreprise (v. ss 124).

D. Les opérations maritimes


L’article L. 110-2 du Code de commerce considère les activités maritimes comme des 104
actes de commerce. Tous les actes nécessaires à la marine marchande relèvent de
cette qualification, qu’il s’agisse du commerce maritime lui-même, mais aussi de la
construction de navires, les expéditions maritimes, le crédit et l’assurance maritime
ou l’organisation des navires et des équipages. En revanche, si les activités de pêche
industrielle relèvent également de cette qualification, les activités de pêche exercées
par des marins pêcheurs sont quant à elles assimilées aux activités agricoles
(v. ss 212). De même, les activités de plaisance, qu’il s’agisse de l’achat d’un navire
pour l’usage personnel de l’acquéreur ou la navigation de plaisance ne constituent
pas des opérations commerciales (Req. 23 janv. 1888, DP 1888. 1. 405 ; Com. 2 déc.
1965, D. 1966. 501, note R. Rodière).

§ 2 Les actes de commerce par la forme Q

La loi présume de manière irréfragable que certains actes sont toujours commerciaux 105
quel que soit leur objet ou la personne qui les accomplit, en raison du respect
d’exigences formelles particulières. Il s’agit de la lettre de change (A) et des sociétés
commerciales par la forme (B).

A. La lettre de change
L’article L. 110-1, 10o répute actes de commerce « entre toutes personnes, les lettres de 106
change ». Cette solution s’explique par l’histoire de ce mécanisme particulier, créé au
Moyen-Âge par les commerçants pour répondre aux besoins particuliers de leur
activité. La lettre de change est un instrument de crédit et de paiement régi par les
articles L. 511-1 et suivants du Code de commerce. C'est un écrit par lequel une
personne, appelée tireur, donne l’ordre à une autre personne, le tiré, de payer une
somme déterminée à l’ordre d’une tierce personne, le bénéficiaire. Le titre peut
ensuite circuler par voie d'endossement. Toutes les personnes qui apposent leur
signature sur la lettre de change, lors de son endossement ou au titre d'un autre

61
Droit commercial

engagement prévu par le Code de commerce, comme l'acceptation ou l'aval, vont en


principe être tenues solidairement du paiement de la lettre de change et se voir
appliquer les règles particulières du Code de commerce applicables à ce mécanisme.
En signant ainsi la lettre de change, chacun des signataires fait un acte de

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commerce et se retrouve soumis au régime spécial applicable à ce mécanisme.
Cette solution unitaire s’impose pour des raisons pratiques évidentes : la lettre de
change étant un titre qui a vocation à circuler et par conséquent à engager un
certain nombre de personnes, il est préférable que toutes les personnes concernées
soient soumises aux mêmes règles.
Certaines catégories de personnes sont exclues du champ d'application des lettres
de change. Ainsi l'article L. 511-1 du Code de commerce dispose-t‑il que les lettres de
change souscrites par des mineurs sont nulles à leur encontre. À cet égard, la loi
no 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité
limitée a conduit à une solution étonnante. Les dispositions précitées du Code de
commerce n'ayant pas été réformées par ce texte qui a autorisé le mineur émancipé,
sur autorisation judiciaire, à devenir commerçant et donc à réaliser des actes de
commerce (v. ss 144), il faut considérer, dans le silence des textes, qu'un mineur
émancipé commerçant ne peut, pour les besoins de son activité, souscrire de lettre de
change. Par ailleurs, l’article L. 313-13 du Code de la consommation interdit au
consommateur de souscrire une lettre de change pour des opérations de crédit à
peine de nullité.

107 L’article L. 110-1 du Code de commerce ne vise que la lettre de change. Par
conséquent, les autres effets de commerce, à savoir le billet à ordre et le warrant ne
sont pas des actes de commerce par la forme. Il en va de même du chèque que
d'aucuns ont pu qualifier d'effet de commerce. Ces différents actes ne sont commer-
ciaux qu’à l’égard des commerçants qui les utilisent pour les besoins de leur activité
et peuvent être qualifiés d'acte de commerce par accessoire s’ils sont utilisés à
l’occasion d’un acte de commerce.

B. Les sociétés commerciales par la forme


108 La commercialité par la forme de certaines sociétés résulte des termes de l’article
L. 210-1 du Code de commerce. Selon ce texte, les sociétés en nom collectif, les
sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés
par actions (société anonyme, société par actions simplifiée et société en comman-
dite par actions) sont des sociétés commerciales par la forme. Ces sociétés seront
présentées lors de l'étude de la notion de commerçant (v. ss 187). Il sera simplement
précisé que l’inscription au registre du commerce et des sociétés d’une telle société
lui confère automatiquement la personnalité morale et qu’en raison du choix de
forme sociale adopté par les fondateurs, en application du texte précité, cette
société aura nécessairement la qualité de commerçant, et ce quelle que soit la
nature de son activité (ex. : Com. 10 mars 1998, Bull. civ. IV, no 101 ; Bull. Joly Sociétés
1998, p. 665, note J. J. Daigre : compétence de la juridiction commerciale dès lors
que le contrat avait été conclu entre deux Sarl, nonobstant la nature civile du
contrat qui les liait).
Le cas particulier des sociétés commerciales par la forme ayant un objet civil
doit toutefois être relevé. La loi n o 90-1258 du 31 décembre 1990 ayant institué les
sociétés d’exercice libéral (v. ss 217) a en effet permis aux professionnels libéraux

62
3 La notion d’acte de commerce

d’exploiter leur entreprise sous la forme de sociétés commerciales par la forme.


Ces sociétés sont soumises à un régime hybride, empruntant tant aux règles de
droit civil, comme pour la compétence (art. L. 721-5 C. com.), qu’à celles du droit
commercial, pour l’organisation et le fonctionnement du groupement par

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exemple.

§ 3 Les actes de commerce accessoires d’un acte


de commerce ou d’une opération commerciale
Des actes civils peuvent devenir commerciaux lorsqu’ils sont accessoires à un acte de 109
commerce ou à une opération commerciale. Cette solution est fondée sur l’adage
accessorium sequitur principaleQ qui signifie que l’accessoire suit le principal. Cela
permet de soumettre au seul régime juridique de l’acte principal un ensemble
logique et cohérent d’actes de natures différentes. Les actes ici envisagés sont les
« actes de commerce objectifs accessoires » car la commercialité résulte, dans ces
hypothèses, de la nature de l’acte principal ou de l’objet sur lequel il porte et non de
la qualité de leur auteur (v. ss 130).

En premier lieu, indépendamment de la qualité de la personne qui les accomplit, les 110
actes relatifs à certaines opérations commerciales sont commerciaux par accessoire.
Il en est ainsi de tous les actes portant sur un fonds de commerce : cession, nantisse-
ment… Ce sont des actes de commerce alors même qu’ils sont effectués par un non-
commerçant, par exemple par l’héritier du propriétaire du fonds.

En second lieu, l’acte accessoire, civil par nature, peut emprunter sa commercialité à 111
l’acte de commerce qui se trouve accompli à titre principal. L’acte peut être rendu
commercial car il est accessoire à un acte de commerce. L’acte de commerce
principal et l’acte rendu commercial par accessoire peuvent être accomplis par les
mêmes personnes.
Ainsi, en application de l’article L. 521-1 du Code de commerce, le gage emprunte
son caractère civil ou commercial à celui de la dette garantie. Le gage constitué par
un individu non commerçant pour un acte de commerce est commercial. Il en est de
même en matière de chèque ou de billet à ordre : il est commercial lorsqu’il a été
émis en règlement d’une dette commerciale, même si le tireur ou le souscripteur n’a
pas la qualité de commerçant.
De même la mission confiée au conseiller financier pour assister le cédant dans la
cession de sa participation majoritaire dans le capital d’une société est commerciale
par accessoire. Il s’agit d’une mission préparatoire à la cession envisagée, exclusive-
ment affectée à cette convention principale constituant alors sa cause (Com. 15 janv.
2008, pourvoi no 07-12.102).

Tous les actes qui viennent d’être présentés ont pour particularité d’être commer- 112
ciaux même s’ils sont accomplis à titre isolé par un non-commerçant et sont ainsi
objectivement commerciaux. Il faut néanmoins reconnaître qu’en pratique, les actes
ainsi décrits sont généralement effectués à titre habituel par des commerçants, ce qui
les rapproche en réalité des actes de commerce subjectifs.

63
Droit commercial

section 2

La définition subjective des actes

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de commerce
113 La commercialité de certains actes ne découle pas de leur objet mais du contexte
dans lequel ils sont accomplis. Ce sont alors des critères subjectifs, tenant notamment
à la qualité de leur auteur ou aux circonstances de leur réalisation, qui justifient qu’ils
soient qualifiés d’actes de commerce. Ainsi, outre les actes de commerce isolés,
l’article L. 110-1 du Code de commerce dresse la liste des actes des entreprises
commerciales (§ 1). A cette liste déterminée par le législateur doivent être ajoutés,
en vertu de la jurisprudence, les actes civils qualifiés de commerciaux par accessoire
lorsqu’ils sont effectués par des commerçants pour les besoins de leur activité (§ 2).

§ 1 Les actes des entreprises commerciales


114 Certains actes ne présentent un caractère commercial que s’ils sont accomplis dans le
cadre d’une entreprise. Leur répétition, dans le cadre d’une organisation autonome
réunissant un certain nombre de moyens humains, matériels et financiers permet
de les considérer comme commerciaux. Leur caractère civil ou commercial dépend
ainsi de la personne qui les effectue. Les actes des entreprises commerciales peuvent
avoir pour objet de proposer des biens ou des services (A) ou des activités d’intermé-
diaires (B).

A. Les entreprises proposant des biens et des services


115 L’article L. 110-1 répute acte de commerce « toute entreprise de location de meubles ;
toute entreprise de manufactures (…), de transport par terre ou par eau ; toute
entreprise de fournitures, (…), établissements de ventes à l’encan, de spectacles
publics » ; énumération à laquelle l’article L. 110-2 du Code de commerce ajoute
« toute entreprise de construction (…) pour la navigation intérieure et extérieure ». Les
termes utilisés par cet article sont parfois anciens et ne correspondent pas toujours
aux entreprises commerciales actuelles. La doctrine et la jurisprudence se sont
chargées de préciser et d’étendre ces textes afin de les adapter aux diverses formes
d’entreprises commerciales modernes.

116 L’entreprise de location de meubles : la location est commerciale lorsqu’elle porte sur
des meubles, quels qu’ils soient (véhicules, matériels d’équipements tels que les
ordinateurs, mais aussi outils de bricolage, biens de consommation courante,
comme les téléviseurs, DVD…). En revanche, toute location de meuble à titre occa-
sionnel proposée par un non-commerçant reste civile.
A contrario, est en principe civile toute activité de location d’immeuble (apparte-
ment, parking…) quand bien même elle serait exercée à titre professionnel et alors
même que la location de l’immeuble est destinée à l’exercice d’une activité commer-
ciale. Cette exclusion révèle la persistance en droit positif de la réticence à considérer

64
3 La notion d’acte de commerce

l’immeuble comme un possible objet du droit commercial. Elle semble pourtant


anachronique dans la mesure où les opérations immobilières d’achat pour revendre
sont désormais réputées commerciales depuis la loi du 13 juillet 1967 (v. ss 93). Le
bail, dit « commercial », n’est alors pas un acte de commerce mais il est soumis au

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statut particulier des baux commerciaux (v. ss 506 s.). En pratique, la location
d’immeuble à titre professionnel est tout de même fréquemment commerciale.
C’est notamment le cas lorsque l’entreprise commerciale prend la forme d’une
société commerciale par la forme (Civ. 3e, 30 oct. 1984, Bull. civ. III, no 178 ; RTD
com. 1985. 505, obs. J. Derruppé), ou lorsqu’un loueur fournit principalement des
prestations de services et accessoirement la location d’un immeuble, qui est alors
commerciale par accessoire.

L’entreprise de manufacture : la manufacture était le terme qui correspondait au 117


début du XIX e siècle à l’expression moderne d’entreprise industrielle. La manufacture
est en principe un travail de transformation réalisé sur des biens grâce à des moyens
matériels et humains.
L’objet du travail peut être très varié : il peut s’agir d’une transformation de
matières premières mais aussi de fabrication, de construction, d’assemblage, de
réparation, de remise en état… La manufacture ne vise donc pas seulement à réaliser
des achats pour revendre. Très souvent, l’industriel achète des matières premières, les
transforme et les revend. Dans ce cas, il y a commercialité à deux titres, achat pour
revendre et manufacture. L’activité ici visée est cependant plus large car il peut y
avoir entreprise de manufacture alors qu’il n’y a pas achat pour revendre, lorsque
l’entreprise travaille sur des biens qu’elle n’a pas achetés : tel est le cas lorsque le
travail effectué porte sur des marchandises reçues du client.
Le simple travail d’un bien ne suffit pas à caractériser la manufacture : le
bricoleur qui met occasionnellement son art au service d’autrui n’est pas commer-
çant pour autant. La commercialité suppose que la manufacture soit accomplie dans
le cadre d’une entreprise.
Il faut enfin qu’il y ait une spéculation. Cette spéculation ne consiste pas
simplement à vouloir gagner de l’argent, auquel cas il ne serait pas possible de
distinguer l’entreprise de manufacture de l’activité agricole ou artisanale. La juris-
prudence a fourni les critères de distinction entre les activités artisanales ou agri-
coles, activités civiles, des entreprises de manufacture, activités commerciales.
L’activité devient commerciale lorsque le profit réalisé par l’entreprise ne provient
pas principalement du travail personnel de l’exploitant mais de la spéculation sur les
facteurs de production qu’il met en œuvre dans son entreprise (v. ss 202 et v. ss 214).
Il peut s’agir d’une spéculation qui porte sur le travail d’autrui (Req. 20 oct. 1908, DP
1909. 1. 246), sur le matériel et l’outillage (Req. 11 déc. 1944, D. 1945. 213, note
C. Gabolde) ou sur les matériaux (Com. 16 juill. 1982, Bull. civ. IV, n o 272).

L’entreprise de transport : les activités de transport consistent à assurer le déplace- 118


ment des voyageurs et des marchandises. L’article L. 110-1, al. 5 du Code de
commerce répute commerciale toute entreprise de transport par terre ou par eau,
tandis que l’article L. 110-2 répute commerciaux les transports par mer dénommés
affrètements. L’entreprise est commerciale quel que soit le moyen de transport
utilisé : route, rail, fluvial, maritime, aérien…
L’exigence d’une entreprise suppose ici aussi la spéculation sur le travail d’autrui.
Par conséquent, cette définition exclut le caractère commercial du transport

65
Droit commercial

bénévole ou du transport à titre onéreux exercé par une seule personne. Ainsi, le
covoiturage échappe à la qualification d’activité de transport (Com. 12 mars 2013,
Bull. civ. IV, n o 36). De même, la jurisprudence a considéré que les transports effectués
par un chauffeur de taxi individuel n’entraient pas dans la définition des entreprises

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de transport (Com. 4 déc. 1968, D. 1969. 200).
En revanche, une entreprise qui posséderait plusieurs véhicules et des chauffeurs
de taxi salariés répond à la définition de l’entreprise de transport au sens de l’article
L. 110-1 du Code de commerce car elle suppose une spéculation sur le travail
d’autrui. Par ailleurs, de plus en plus d’entreprises, dans des grandes villes, proposent
– via Internet notamment – de mettre en relation des véhicules de tourisme avec
chauffeur (VTC) avec des clients potentiels. Ces entreprises ont une activité commer-
ciale en ce que, si elles ne sont pas nécessairement elles-mêmes des entreprises de
transport, elles ont, à tout le moins, une activité d’intermédiaire au sens de l’article
L. 110-1 du Code de commerce.

119 Sont assimilées aux entreprises de transport des activités voisines : déménagements,
remorquages, téléphériques. En revanche, les activités fournissant essentiellement un
service d’enseignement comme les écoles de voile ou les auto-écoles ne sont pas
considérées comme commerçantes, le transport étant ici accessoire à une activité qui
tire essentiellement son profit d’une activité intellectuelle de nature civile (Com.
3 juin 1986, D. 1986. IR 307).

120 L’entreprise de fourniture : l’entreprise de fourniture est celle qui effectue des
livraisons de marchandises ou propose des services à termes périodiques ou d’une
façon continue. En réalité, cette activité se confond souvent avec des actes d’achat
pour revendre. Cette mention des entreprises de fourniture est donc essentiellement
utile pour incorporer dans le champ du droit commercial des activités de distribution
de produits non préalablement achetés (gaz, électricité, fourniture d’eau) ou les
entreprises qui fournissent des services de nature diverse : enlèvement des ordures
ménagères, pompes funèbres, cliniques, entreprises fournissant du travail tempo-
raire ou encore diagnostiqueur immobilier (Com. 5 déc. 2006, Bull. civ. IV, no 236,
p. 261). L’article 14 de la loi no 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans
l’économie numérique, définit le commerce électronique comme « l’activité écono-
mique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électro-
nique la fourniture de biens et de services ». Pour une partie de la doctrine ce texte
crée un nouvel acte de commerce par nature, englobant toutes « les activités écono-
miques » ayant une nature civile dans le monde physique. Pour d’autres mettant
l’accent sur le terme « fourniture », le texte ne ferait que transposer au monde virtuel
la disposition préexistante relative aux entreprises de fournitures.

121 Les établissements de vente à l’encan, terme désormais inusité, désignent les salles de
ventes publiques aux enchères. Ils constituent des intermédiaires dans la circulation
des richesses car ils fournissent le cadre dans lequel se réalisent les ventes aux
enchères (v. C. com., art. L. 320-1 s.). Par extension, on considère que les magasins
généraux, entrepôts ou docks sont des établissements commerciaux, ainsi que toutes
les entreprises de dépôt, comme, par exemple, les garde-meubles.

122 Les entreprises de spectacles sont réglementées par une ordonnance du 13 octobre
1945. Les établissements de spectacles publics assurent la diffusion des œuvres de
l’esprit avec l’intention de réaliser un profit. C’est notamment le cas des cinémas,

66
3 La notion d’acte de commerce

théâtres et plus généralement de toutes les représentations d’œuvres de l’esprit


offertes au public (ex. : Com. 7 mars 1972, Bull. civ. IV, n o 81 et Com. 11 juill. 1984,
Bull. civ. IV, no 229). En revanche, les spectacles montés par les artistes eux-mêmes, les
spectacles gratuits ou ceux qui sont organisés sans intention spéculative par les

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associations ou les œuvres caritatives ne sont en principe pas commerciaux. L’appli-
cation de cette distinction a suscité des difficultés à propos des spectacles publics
proposés par les clubs sportifs, souvent constitués sous formes d’associations. Le
caractère manifestement lucratif de ces activités a conduit le législateur à imposer
aux grands clubs sportifs de se constituer sous la forme de sociétés commerciales
(art. L. 122-1 du Code du sport ; sur le sujet, v. J. Mouly et Ch. Dudognon, Rép. droit
civil, V o « Sports », spéc. n o 33 s.).

Les entreprises de construction de navires ou dont l’activité consiste à acheter ou à 123


vendre des navires sont également commerciales aux termes de l’article L. 110-2 du
Code de commerce. Les spécificités du commerce maritime en font un droit spécial,
le droit maritime, régi par des textes internes et surtout internationaux qui lui sont
propres (J.-P. Beurier, Droits maritimes, 2e éd., Dalloz, coll. « Dalloz Action », 2008 ;
P. Bonassies, Droit maritime, 2e éd., LGDJ Lextenso, 2010 et J.-P. Pancracio, Droit de la
mer, Dalloz, coll. « Précis », 2010).

B. Les activités d’intermédiaire


Les intermédiaires du commerce peuvent être définis comme des professionnels dont 124
le seul rôle consiste à faciliter la conclusion de transactions entre des commerçants
ou des particuliers. La qualification des activités d’intermédiaires semble particuliè-
rement rétive à toute classification tant leur régime juridique est éclaté et ne semble
pas toujours répondre à des critères clairs et cohérents.

Si en vertu de l’article L 110-1, 7 o du Code de commerce l’acte de courtage est en principe 125
commercial même accompli isolément (v. ss 102), il est le plus souvent réalisé à titre
professionnel et habituel par une entreprise qui se voit, en conséquence, attribuer la
qualité de commerçant (Com. 14 févr. 2006, Bull. civ. IV, no 35 ; Gaz. Pal. 18 et 19 oct. 2006,
p. 27, note PH. Ballet ; CCE 2006, no 7-8, comm. no 112, p. 32, obs. L. Grymbaum ; CCE 2006,
no 7-8, comm. no 113, p. 33, obs. Lecuyer H ; RTD com. 2006. 564, note B. Saintourens).
En revanche, l’art. L. 110-1, 5 o du C. com. vise « l’entreprise de commission ». Cette
opération consiste à effectuer en son propre nom une opération juridique pour le
compte d’autrui. À la différence du courtier, le commissionnaire intervient dans
la formation du contrat pour le compte du commettant qu’il représente. Le com-
missionnaire agissant en son propre nom, il est personnellement engagé et ne révèle
pas l’identité de son commettant. Le contrat de commission n’est en principe un acte
de commerce que s’il est accompli dans le cadre d’une entreprise : un contrat de
commission conclu par un non-commerçant dont l’objet est civil n’est ainsi pas un
acte de commerce. Toutefois ces distinctions n’ont que peu de portée pratique dans
la mesure où les contrats de commissions sont toujours le fait de professionnels.

Les courtiers et les commissionnaires sont souvent soumis à un statut légal et 126
réglementaire spécial, notamment lorsqu’ils exercent certaines activités : c’est le cas
des commissionnaires en douane ou des courtiers en bourse, dénommés prestataires
d’investissement.

67
Droit commercial

127 L’article L. 110-1 répute également commerciales les activités des agents et des
bureaux d’affaires. Ces dénominations très vagues pourraient théoriquement s’appli-
quer à l’ensemble des activités d’intermédiaires. Le texte ne vise cependant que les
intermédiaires chargés de gérer et de prendre en charge les affaires d’autrui. Il s’agit

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d’une catégorie composée d’activités variées et hétéroclites. Elle comprend notam-
ment les cabinets de recouvrement de créances, les agences de renseignements
commerciaux, les généalogistes, les agents artistiques, les agences de voyages ou
encore les agences de publicité.

128 Ainsi, tous les intermédiaires ne sont pas commerçants. Doit être distingué du
commissionnaire et du courtier l’agent commercial qui est un mandataire profes-
sionnel, indépendant, chargé de prospecter, de négocier et éventuellement de
conclure des contrats de vente, d’achat ou de prestation de services au nom et pour
le compte de son mandant. Le mandat étant un contrat régit par le Code civil
(art. 1984 et s.), l’agent commercial ne peut pas être qualifié de commerçant (Com.
29 oct. 1979, D. 1980. 69 ; RTD com. 1980. 314, obs. J. Derruppé ; Com. 24 oct. 1995,
Bull. civ. IV, n o 248 et Com. 26 févr. 2008, D. 2008, 2907, note D. Ferrie et JCP G 2008,
II, 10094, note D. Mainguy et CCC 2008, n o 95, obs. P. Mathey), et ce malgré
l’appellation de son activité et bien que les textes régissant sont statut juridique
soient situés dans le code de commerce (art. L. 134-1 et s.). L’application du statut
d’agent commercial suppose que le mandataire puisse négocier dans l’intérêt du
mandant. Par un arrêt en date du 15 janv. 2008, la Cour de cassation a précisé le sens
du mot « négocier » en le définissant comme le pouvoir de modifier le contenu du
contrat. En conséquence elle a refusé qu’un distributeur d’abonnements de télépho-
nie mobile soit soumis au satut d’agent commercial, ce dernier s’étant contractuelle-
ment engagé à n’apporter aucune modification aux tarifs et conditions fixés par son
mandant (Com. 15 janv. 2008, SA RCE c/ SA SFR, no 06-14 698).
Ces intermédiaires se distinguent également du représentant de commerce
ou VRP. Cet acronyme désigne trois catégories d'intermédiaires visés par la loi du
18 juillet 1937 instituant le statut légal des voyageurs, représentants et placiers
du commerce et de l'industrie (DP 1938. 4. 185, comm. J. Doublet). Les VRP sont des
salariés relevant d’un statut légal spécial (art. L. 7311-1 et s. C. trav.). Ils ne bénéficient
pas, en tant que salariés, de l’« indépendance d'action » dont bénéficient les profes-
sionnels indépendants, qu’il s’agisse de l’agent commercial, du courtier ou du
commissionnaire (Soc. 30 janv. 1992, Bull. civ. V, n o 57).

129 Aux actes des entreprises commerciales réputés commerciaux en application des
articles L. 110-1 et L. 110-2 du Code de commerce, la jurisprudence a ajouté les actes
de nature civile accomplis par des commerçants dans l’exercice de leur activité. C’est
là une autre hypothèse d’application de la théorie de l’accessoire.

§ 2 Les actes de commerce accessoires


à l’activité commerciale
130 L'article L. 110-1, 9o répute acte de commerce « toutes obligations entre négociants,
marchands et banquiers ». Ainsi, des actes juridiques qui sont habituellement des
actes civils peuvent devenir commerciaux parce qu’ils sont effectués par des commer-
çants, pour les besoins de leur activité professionnelle, par application de l’adage

68
3 La notion d’acte de commerce

accessorium sequitur principaleQ. Il s’agit d’actes de commerce subjectifs accessoires,


car leur nature commerciale est la conséquence de la qualité de la personne qui les
accomplit. Il faut que les actes aient été accomplis par un commerçant personne
physique ou personne morale, la qualité de son cocontractant étant indifférente.

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Leur commercialité suppose également qu’ils soient rattachés à l’activité commer-
ciale principale de leur auteur, autrement dit qu’ils aient été accomplis par un
commerçant pour les besoins de son commerce (Com. 15 nov. 2005, Bull. civ. IV,
no 224). En revanche, les actes du commerçant destinés à sa vie privée demeurent
civils.
Il n’est pas toujours facile en pratique de déterminer parmi les actes accomplis
par un commerçant ceux qui sont spécifiquement accomplis pour les besoins de
son commerce. La jurisprudence (Req. 29 janv. 1883, DP 1883. 1. 314) a donc posé
une présomption simple en vertu de laquelle tous les actes accomplis par un
commerçant sont présumés commerciaux par accessoire, sauf preuve contraire,
laquelle peut être rapportée par tout moyen. Il en résulte que tous les actes d’un
commerçant sont en principe des actes de commerce, que leur nature soit contrac-
tuelle ou extracontractuelle.

Toutes les obligations contractuelles souscrites par un commerçant sont commer- 131
ciales. Les exemples en sont nombreux. L’achat de matériel mais aussi le louage
d’immeuble pour l’exploitation du commerce sont des actes de commerce. Le contrat
de travail est également un acte de commerce pour l’employeur commerçant même
s’il est aujourd'hui régi par un droit spécial, le droit du travail, contenu dans le Code
du travail. Tous les contrats du Code civil, prêt, vente, cautionnement, dépôt se
verront appliquer le régime applicable aux actes de commerce dès lors qu’ils ont été
souscrits par un commerçant pour les besoins de son activité commerciale. Les actes
à titre gratuit peuvent également être qualifiés d’actes de commerce lorsqu’ils sont
consentis dans l’exercice du commerce : cadeaux d’entreprises, mais aussi abandon
de créance ou encore acte de mécénat.

Il existe également des cas où les actes civils par nature vont devenir commerciaux en 132
tant qu’accessoires d’actes accomplis par une autre personne qui a agi en tant que
commerçant, pour les besoins de son activité.
Il en est ainsi en matière de contrat de transport. La Cour de cassation a ainsi
décidé que lorsque le contrat de transport est commercial pour l’expéditeur et le
transporteur, il a nécessairement la même nature commerciale à l’égard du destina-
taire non commerçant.
La même situation se présente à propos du cautionnement. Si le cautionnement
est en principe un acte civil, régi par le code civil, il peut néanmoins être qualifié de
commercial lorsqu’il est conclut par un commerçant pour les besoins de son activité
commercial (ex. : un établissement de crédit).
La jurisprudence est allée plus loin en admettant la commercialité du cautionne-
ment dès lors que la caution – par exemple le dirigeant d’une société commerciale –
a un intérêt patrimonial personnel « dans l'affaire à l'occasion de laquelle il est
intervenu » (Com. 7 juillet 1969, Bull. civ. II, no 262 ; D. 1970, 14). Les conséquences
de cette qualification seront toutefois limitées. Ainsi, la règle de la liberté de la
preuve édictée par l’art. L.110-3 C. com. ne s’appliquera pas car elle ne s’applique
qu’à l’égard des commerçants (v. ss 150).

69
Droit commercial

133 Enfin, la qualification d’acte de commerce par accessoire s’étend également aux
obligations extracontractuelles. Le terme « acte » semble, en principe, exclure les
obligations non-volontaires de la catégorie des actes de commerce par accessoire.
La solution s'impose toutefois au regard des termes de l’article L. 110-1, al. 9 du Code

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de commerce, qui vise les « obligations », sans préciser la nature de celles-ci. La
jurisprudence admet ainsi que tout engagement extracontractuel doit être présumé
rattaché à l’exercice du commerce (Req. 21 juill. 1936, Gaz. Pal. 1936. 2. 609). Tous les
engagements qui naissent des risques de l’exploitation sont commerciaux, qu’il
s’agisse de la responsabilité des commettants du fait de leurs préposés dès lors que
ces préposés ont agi dans l’exercice de leurs fonctions, de la responsabilité du fait des
choses ou du fait des produits défectueux (v. ss 601). Est également commerciale
toute créance ou dette née d’une action en concurrence déloyale (Req. 3 janv. 1872,
D. 1872. 1. 303 ; Com. 7 avr. 1967, D. 1968. 61, note J. Calais-Auloy, Grands arrêts de la
jurisprudence commerciale, n o 7). La jurisprudence reconnaît en outre le caractère
commercial des engagements quasi contractuels (gestion d’affaire, répétition de
l’indu ou enrichissement sans cause) se rapportant à l’exercice du commerce. Enfin,
après une longue hésitation, la jurisprudence a admis à propos des dettes de sécurité
sociale que des obligations légales pouvaient être commerciales par accessoire (Com.
27 mai 1957, D. 1957. 428).

134 Quelques exceptions à ce principe doivent être signalées. Certains actes mêmes
accomplis par les commerçants conservent toujours leur nature civile. Il est en
ainsi des dettes fiscales (Com. 17 mars 1958, JCP 1959. II. 10915) ainsi que de l’achat
ou de la vente d’un immeuble par un commerçant pour les besoins de son
commerce. Certaines obligations extracontractuelles ne sont pas non plus commer-
ciales. Par exemple, les accidents du travail dont sont victimes les ouvriers et les
employés sont soumis à des règles spéciales de fond et de compétence prévues par
le Code du travail. De plus, certaines actions sont soumises à des règles de
compétence particulières, qui les soustraient à la compétence des juridictions
consulaires, et ce quand bien même l'acte en cause pourrait être qualifié d'acte
de commerce par accessoire. Il en va ainsi, par exemple, des actions en contrefa-
çon, qui relèvent de la compétence exclusive des juridictions civiles (art. L. 211-10
CPI v. ss 423).

135 Par symétrie, certains actes de commerce accomplis par des non-commerçants pour
les besoins de leur activité peuvent être considérés comme civils par accessoire. C’est
par exemple le cas des actes conclus par un agriculteur qui transforme les produits de
son exploitation (Req. 4 févr. 1925, Grands arrêts de la jurisprudence commerciale,
no 27), ou de ceux du chirurgien-dentiste qui vend des prothèses à ses patients. Par
application de la théorie de l’accessoire, ces actes de commerce conclus par un
professionnel non-commerçant pour les besoins de son activité civile seront soumis
aux règles du droit civil.

70
3 La notion d’acte de commerce

section 3

Les critères doctrinaux destinés à identifier

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les actes de commerce
Il résulte de la méthode suivie par les rédacteurs du Code de commerce, consistant à 136
énumérer les actes de commerce, de sérieuses difficultés puisque cette énumération
s’avère souvent incomplète ou au contraire redondante et que les termes contenus
dans le Code ne répondent pas toujours aux formes modernes du commerce. La
doctrine et la jurisprudence se sont très rapidement prononcées en faveur du
caractère non limitatif de la liste légale, comme de nombreux exemples ont permis
de l’illustrer. Toutefois, admettre le caractère non limitatif de la liste légale sans
fournir de critères précis des actes ainsi qualifiés de commerciaux pourrait revêtir un
caractère arbitraire. La doctrine s’est par conséquent efforcée de dégager des critères
généraux permettant de distinguer les actes de commerce des actes civils. Trois
principaux critères ont ainsi été proposés par la doctrine pour analyser les actes qui
doivent être qualifiés de commerciaux, le critère de l’entremise (§ 1), le critère de la
spéculation (§ 2) et le critère de l’entreprise (§ 3). Si ces critères peuvent ponctuelle-
ment aider à la qualification d’acte de commerce de tel ou tel acte, ils ne permettent
pas de rendre compte de l’ensemble de la catégorie.

§ 1 Le critère de l’entremise
Le premier critère mis en avant (E. Thaller, Traité élémentaire de droit commercial, 137
1931, par J. Percerou) pour distinguer les actes de commerce des actes civils est celui
d’entremise dans la circulation des richesses. L’acte de commerce serait ainsi carac-
térisé par le fait qu’il se situe dans le processus économique entre l’acte de produc-
tion et l’acte de consommation. Ce critère permet d’exclure les actes de production
(agriculture ou industries extractives) et les actes de consommation. Ce critère est
pourtant à la fois trop large et trop étroit. Trop large, car tous les actes de commerce
ne sont pas des actes d’entremise : par exemple, la signature d’une lettre de change
ne constitue pas en elle-même un acte d’entremise. Ce critère est également trop
large car certains actes d’entremise ne sont pas commerciaux : c’est notamment le
cas du mandat et plus généralement des actes effectués par les agents commerciaux.
Trop étroit, parce que certains actes commerciaux ne sont pas, à titre principal, des
actes d’entremise : toutes les entreprises qualifiées de manufacture par l’article
L. 110-1 du Code de commerce qui visent à transformer des biens, ne sont pas à
proprement parler des actes d’entremise. En outre, certaines activités de production,
notamment les activités minières, ont expressément été intégrées dans le champ du
droit commercial par le législateur.

71
Droit commercial

§ 2 Le critère de la spéculation
138 L’acte de commerce est ici caractérisé par le but poursuivi : tout acte de commerce

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doit être accompli dans le but de rechercher un profit. En effet, les activités purement
désintéressées sont en principe exclues du champ d’application du droit commercial.
De plus, l’étude des actes de commerce objectifs a permis de montrer que ce
critère était en pratique fréquemment utilisé par la jurisprudence à l’appui de la liste
de l’article L. 110-1 du Code de commerce pour appliquer les règles du droit
commercial à un non-commerçant. L’absence d’intention spéculative a également
permis d’exclure la commercialité de certaines activités. C’est, ainsi, l’absence de
spéculation sur les marchandises ou la main d’œuvre qui permet de distinguer
l’artisan du commerçant (Com. 11 mars 2008, Bull. civ. IV, no 57 ; v. ss 202).
Plus récemment, ce critère a permis d’exclure la commercialité d’actes conclus
par des associations, des coopératives ou des personnes physiques qui n’ont pas
d’activité professionnelle commerciale. Ce critère permet d’expliquer un arrêt de la
Cour de cassation aux termes duquel une activité de covoiturage effectuée à titre
bénévole ne constitue pas une activité de transport illicite, constitutive d’un compor-
tement déloyal à l’égard d’une société de transport – l’activité de transport par terre,
visé par l’art. L. 110-1, 5 o C. com., étant une activité commerciale réglementée (Com.
12 mars 2013, Bull. civ. IV, n o 36). Dans un communiqué du 7 février 2014, la
Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des
fraudes (DGCCRF) a également énoncé que le covoiturage n’était licite que s’il était
gratuit ou que l’argent versé par les personnes transportées correspondait à un
partage des frais générés par l’utilisation du véhicule.
Est-ce à dire que toute activité qui suppose la recherche d’un profit est commer-
ciale ? Les transformations des activités agricoles, artisanales ou même des profes-
sions libérales suffisent à se convaincre du contraire. Toutes ces activités sont
aujourd'hui orientées vers la recherche du profit même si elles sont de nature civile
et que ce profit résulte en principe essentiellement d’un travail manuel ou intellec-
tuel. Elles n’en sont pas pour autant devenues des activités commerciales. Inverse-
ment, la jurisprudence a décidé de soumettre aux règles du droit commercial des
activités bancaires et financières pourtant parfois réalisées sans aucun but lucratif
(ex. : Com. 24 janv. 1984, Bull. civ. IV, n o 27 ; D. 1984. IR. 262, obs. Vasseur ; RTD com.
1984. 471, obs. Derrupé ; 487, obs. Alfabdari et Jeantin et 703, obs. Cabrillac).
Si, donc, la notion de spéculation peut parfois être utile à la distinction des actes
de commerce des actes civils, elle ne peut constituer un critère unique de la
commercialité.

§ 3 Le critère de l’entreprise
139 Le dernier critère proposé par la doctrine (et plus spécialement par J. Escarra, Cours de
droit commercial, Sirey, 1952) pour caractériser la commercialité est celui de l’entre-
prise. Il est vrai que ce critère tend à mettre en lumière le fait que l’acte de commerce
est en principe accomplit par des structures organisées nécessitant la réunion de
moyens humains, matériels et financiers. Ce critère est néanmoins impropre à servir
de critère général d’identification de l’activité commerciale pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, la notion d’entreprise est particulièrement fluctuante car elle n’a pas

72
3 La notion d’acte de commerce

fait l’objet d’une définition juridique unique, mais varie selon les conséquences
juridiques que le droit positif entend lui assigner. En outre, la notion d’entreprise est
à la fois plus large et plus étroite que celle des activités commerciales. Plus « large »,
car la notion d’entreprise englobe l’ensemble des activités économiques, qu’elles

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aient un caractère civil ou commercial ; les professions libérales ou agricoles peuvent
être exercées dans le cadre d’entreprises. Plus « étroite », car, la notion d’entreprise
n’est pas celle qui caractérise le mieux les activités exercées par un commerçant
personne physique. Enfin et surtout, l’entreprise n’est pas considérée en droit comme
une personne juridique, les droits et obligations qui lui sont propres ne pouvant en
pratique que bénéficier où être supportés par la personne physique ou morale dans
laquelle elle s’intègre.

Le bilan que l’on peut espérer tirer de la recherche d’un critère général de l’acte de 140
commerce est donc modeste. Aucun des principaux critères ne permet de rendre
compte de l’ensemble des actes de commerce, dont l’identification ne peut résulter
que des efforts d’interprétation de la liste dressée par les articles L. 110-1 et L. 110-2
du Code de commerce résultant de la doctrine et de la jurisprudence. Ces critères
peuvent néanmoins fournir des indications utiles lorsqu’il s’agit de qualifier de
commercial un acte qui n’est pas expressément visé par cette énumération.

73
Droit commercial

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Compléments pédagogiques

Mémo
La loi se contente d’énumérer les actes de commerce sans en donner de définition
précise et sans fournir de critères généraux permettant leur qualification. L’énuméra-
tion des actes de commerce par les articles L. 110-1 et L. 110-2 du Code de commerce
permet néanmoins d’identifier deux catégories d’actes de commerce.
En premier lieu, certains actes de commerce peuvent être qualifiés d’objectifs car leur
qualification juridique ne dépend pas de la personne qui les accomplit. Ils peuvent être
conclus par des non-commerçants ou à titre isolé.
Parmi ces actes figurent des actes qui sont qualifiés de commerciaux par nature car
c’est au regard de l’objet de l’opération qu’ils permettent de réaliser que la qualifica-
tion s’opère. Sont ainsi réputés actes de commerce les opérations d’achat pour
revendre, les opérations financières (banque, bourse, assurance), certaines opérations
d’intermédiation, en matière immobilière ou les opérations qui prennent la forme de
courtage, liste à laquelle doivent être ajoutées les opérations portant sur des activités
maritimes.
De ces actes doivent être distingués ceux qui sont commerciaux par la forme. La loi
prévoit ainsi que la lettre de change est un acte de commerce indépendamment de la
qualité des signataires. De même certaines sociétés sont commerciales par la forme.
Cela signifie que c’est la forme sociale choisie pour la constitution de la société qui
détermine la qualité de commerçante de cette dernière.
En second lieu, dans certains cas, la commercialité de l’acte suppose sa répétition dans
le cadre d’une entreprise réunissant des moyens matériels, humains et financiers. Ces
actes, dont la nature dépend de la personne qui les accomplit, peuvent être qualifiés
d’actes de commerce subjectifs. Les actes des entreprises commerciales peuvent
porter sur la vente de biens ou la fourniture de prestations de services dont le Code
de commerce dresse une liste qui a été précisée par la doctrine et la jurisprudence.
Ainsi, les actes des entreprises de location de meubles, des entreprises industrielles, de
transport, de fourniture, de vente à l’encan ou encore des établissements de spec-
tacles publics sont en principe des actes de commerce. Les actes de certaines
entreprises d’intermédiaires, ceux des commissionnaires et des agents et bureaux
d’affaires sont également réputés commerciaux, à la différence de ceux des agents
commerciaux.
Enfin, par extension, la plupart des obligations de nature civile, d’origine contractuelle
ou extracontractuelle qui résultent de l’activité commerciale sont commerciales par
accessoire. De tels actes constituant l’accessoire d’une opération commerciale, ils sont
soumis au même régime juridique que l’opération principale. C’est là la mise en œuvre
de la théorie de l’accessoire. Ainsi, la loi retient que le gage d’une dette commerciale

74
3 La notion d’acte de commerce

est commercial par accessoire. De même, la jurisprudence considère que tout acte
relatif au fonds de commerce est commercial par accessoire.
Cette énumération des actes de commerce, étendue par la doctrine et la jurisprudence
pour l’adapter aux formes modernes de commerce, semble difficile à systématiser. La

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doctrine a tenté de dégager des critères de l’acte de commerce afin d’en définir
précisément les contours. Trois critères, celui de l’entremise, autrement dit, la circula-
tion des richesses, celui de la spéculation, ou l’intention de réaliser un profit, et celui
de l’entreprise ont tour à tour été proposés. Aucun d’entre eux pris isolément ne
permet cependant d’appréhender l’ensemble des actes de commerce. Ils sont néan-
moins utiles car ils peuvent parfois aider à la qualification de certains actes.

Quid
n A c t e d e c o m m e r c e p a r l a f o r m e n o s 1 05 s .
Qualifié également d’acte de commerce objectif, l’acte de commerce par la forme est
commercial quel que soit son objet et la qualité juridique de la personne qui
l’accomplit. C’est le procédé employé, les formalités accomplies qui, en vertu de la
loi, justifient la qualification d’acte de commerce. Il n’existe que deux types d’actes de
commerce par la forme : la lettre de change (L. 110-1, 10o C. com.) et les sociétés
commerciales par la forme (art. L. 210-1 C. com.).
n A c c e s s or i u m se q u i t u r p r i n c i p a l e n o s 1 0 9 , 1 3 0
L’accessoire suit le principal : ce principe signifie que lorsque deux biens ou deux
obligations sont liés par un rapport de principal à accessoire, l’application du régime
juridique du bien ou de l’obligation principale s’applique également au bien ou à
l’obligation en est l’accessoire.

Biblio
1) Doctrine
– C. Amson, Droit du sport, Vuibert, coll. « Dyna’Sup Droit », 2010.
– J.-P.Beurier, Droits maritimes, Dalloz, coll. « Dalloz Action », 2015/2016.
– P. Bonassies, Droit maritime, 3e éd., LGDJ Lextenso, 2016.
– F. Buy, J.-M. Marmayou, D. Poracchia et F. Rizzo, Droit du sport, 4e éd., LGDJ, coll. « Manuel »,
2015.
– J. Calais-Auloy, « Grandeur et décadence de l’article 632 du Code de commerce », in
Mélanges H. Cabrillac, Librairie technique, 1968, p. 37.
– H. Causse, J.-C. Hallouin, Le contrat électronique, au cœur du commerce électronique. Le droit
de la distribution, droit commun ou droit spécial ?, Actes des journées d’études du 18 mars 2004
et du 10 mars 2005 à Poitiers, t. X, LGDJ, 2006.
– P. Delebecque, Droit maritime, 13 e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2016.
– D. Houtcieff, Rép. com. Dalloz, Vo « Actes de commerce ».
– J. Mouly et Ch. Dudognon, Rép. droit civil, Dalloz, V o « Sports ».
– A. Pirovano, « L’ambiguïté des actes de commerce par la forme », D. 1976. 249.

75
Droit commercial

– R. Roblot, « Le cautionnement des dettes d’une société commerciale par ses dirigeants », in
Mélanges J. Derruppé, Litec, 1991.
– F. Steinmetz, « Les ventes immobilières et le droit commercial », RTD com. 1973. 471.

international.scholarvox.com:UCAO Côte d'Ivoire:1072552606:88866183:160.154.157.247:1574650573


2) Jurisprudence
Sur l’application de la notion d’établissement de spectacles publics soumis aux
règles du droit commercial
– Com. 11 juill. 1984, Bull. civ. IV, n o 229 : application à une salle de cinéma.
– Com. 7 mars 1972, Bull. civ. IV, n o 81 : application à une salle de conférences.

Sur la commercialité des obligations nées des risques de l’entreprise


– Req. 21 juill. 1936, Gaz. Pal. 1936. 2. 609 ; Com. 3 juill. 1972, D. 1972. 189 : présomption de
commercialité des obligations nées des risques de l’entreprise.
– Com. 7 avr. 1967, D. 1968. 61 : application à une action en concurrence déloyale.

Sur la commercialité de l’activité d’intermédiaire exercée à titre permanent


– Com. 14 févr. 2006. Bull. civ. IV, n o 35 ; Gaz. Pal. 2006. 27, note PH. Ballet ; CCE 2006, no 7-8,
comm. n o 112, p. 32, obs. L. Grymbaum ; CCE 2006, n o 7-8, comm. n o 113, p. 33, obs. Lecuyer
H ; RTD com. 2006. 564, note B. Saintourens : une association qui offre de manière permanente
aux particuliers un site Internet dans le but de favoriser les échanges d’immeubles.

Sur la commercialité des cessions de droits sociaux entre associés non commer-
çants entraînant le transfert ou le maintien du contrôle de la société
– Com. 10 juill. 2007, Bull. civ. IV, n o 193.
– Com. 12 févr. 2008, Bull. civ. IV, n o 39.

Sur la non-commercialité du financement par une épouse commune en biens,


du fonds que exploité par son mari
– Com. 15 nov. 2005, Bull. civ. IV, n o 224.

Sur la prise en consideration du caractère non spéculatif du covoiturage pour


refuser la qualification d’activité commerciale illicite
– Com. 12 mars 2013, Bull. civ. IV, no 36.

Quiz
1) Sujets corrigés
Tests de compréhension
1. 1. Une opération de bourse accomplie par un particulier est-elle un acte de
commerce ?
2. 2. L’édition d’un manuscrit peut-elle être qualifiée d’acte de commerce ?
3. 3. L’activité d’une agence matrimoniale peut-elle être regardée comme
commerciale ?
Voir le corrigé en fin de rubrique.

76
3 La notion d’acte de commerce

2) Sujet d’examen
Dissertation

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Énoncé
L’immeuble et l’acte de commerce.

3) Corrigé
Tests de compréhension
1. Les opérations de bourse ne font pas partie, en tant que telles, des actes de
commerce énumérés par la loi. La jurisprudence considère néanmoins que les opéra-
tions de bourse sont en principe des actes de commerce lorsqu’elles sont effectuées
dans un but spéculatif. L’opération de bourse d’un non-commerçant pourra être
qualifiée d’acte de commerce si cette dernière a été réalisée dans un but spéculatif.
2. Le Code de commerce considère que tout achat pour revendre est réputé acte de
commerce. Le fait que l’achat porte sur une œuvre de l’esprit ne remet pas en cause
cette solution. L’éditeur qui achète un manuscrit afin de le revendre effectue bien un
acte de commerce, au sens de l’article L. 110-1, 1 o du Code de commerce.
3. L’article L. 110-1, 7o du Code de commerce qualifie d’acte de commerce « toute
opération de courtage ». Le courtier a une activité d’intermédiaire consistant à mettre
en relation deux ou plusieurs personnes qui cherchent à réaliser des opérations, sans
pour autant participer lui-même à conclusion des actes juridiques correspondant –
c’est ce qui le distingue notamment du mandataire ou du commissionnaire
(v. G. Cornu, Dictionnaire Juridique, Puf, V o Courtage). Or si une agence matrimoniale
a pour activité de rapprocher des personnes en vue du mariage, son activité répond à
la définition du courtage de sorte qu’elle doit être qualifiée de commerciale. A ainsi
été cassé un arrêt de cour d'appel qui avait estimé qu’une telle entreprise avait une
activité de nature civile, relevant de la catégorie des professions libérales (Com. 3 avr.
1984, Bull. civ. IV, no 122).

Débats
Faut-il revoir la liste des actes de commerce telle qu’elle est établie par l’article L. 110-1
du Code de commerce ?
Le commerce électronique abolit-il la distinction des activités civile et commerciale ?

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c h a p i t r e

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79
Le régime des actes de commerce
4
Plan analytique

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section 1

La formation des actes de commerce


§ 1 La capacité
A. Les mineurs
B. Les majeurs incapables
§ 2 Le consentement
§ 3 Les règles de forme
A. Les formes prescrites ad probationem
B. Les formes prescrites ad validitatem

section 2

Les effets des actes de commerce


§ 1 Le maintien d’un régime dérogatoire propre aux actes de commerce
A. En matière d’exécution des obligations
B. En matière d’extinction des obligations
§ 2 Le rapprochement du régime des actes civils et commerciaux

section 3

Le régime spécifique des actes mixtes


§ 1 Application distributive des règles civiles et commerciales
A. La compétence
B. L’exécution du contrat
§ 2 Application exclusive des règles du droit civil ou du droit commercial
A. Application du droit civil
B. Application du droit commercial

Compléments pédagogiques

80
4

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Le régime des actes de commerce

Il n’existe pas de corps de règles complet propre au régime des actes de commerce. 141
Des textes de loi ou la jurisprudence ont cependant élaboré des règles applicables à
tous les actes de commerce dont il convient de préciser la teneur.
Il s’agit de règles disparates spécifiquement applicables à ces actes par dérogation
au droit commun des obligations et des contrats et qui sont imposées par les
nécessités pratiques du commerce. Ces règles sont destinées à faciliter les transac-
tions commerciales et à assurer leur efficacité. Le régime des actes de commerce est
ainsi généralement soumis à des règles moins protectrices que celles du droit
commun, destinées à répondre aux besoins de rapidité, de simplicité et de souplesse
qui président aux relations commerciales, mais qui peuvent également être plus
rigoureuses que les règles du droit commun afin d’assurer la sécurité juridique des
transactions commerciales. Ces règles qui concernent la formation (section 1) comme
l’exécution (section 2) des actes de commerce ne s’appliquent pleinement que pour
les actes de commerce conclus entre commerçants. Elles n’interviennent, en
revanche, que partiellement pour les actes mixtes (section 3), commerciaux pour
une des parties et civils pour l’autre.

section 1

La formation des actes de commerce


En principe, les conditions de formation des actes de commerce obéissent aux règles 142
du droit commun des obligations des articles 1101 et suivants du Code civil.
Toutefois, qu’il s’agisse de la capacité (§ 1), du consentement (§ 2) et surtout des
règles de forme (§ 3), les actes de commerce font l’objet de dispositions qui leur
sont propres.

§ 1 La capacité
Ce sont les articles 1129 et 1145 et suivants du Code civil qui exige la capacité 143
juridique de ceux qui contractent des actes juridiques. Il existe deux causes d’incapa-
cité de conclure des actes juridiques et notamment des actes de commerce, la
minorité (A) et l’altération des facultés mentales de personnes majeures (B).

A. Les mineurs
Pour apprécier la capacité du mineur de se livrer à des actes de commerce et les 144
sanctions attachées aux actes de commerce effectués par un mineur, il convient de

81
Droit commercial

combiner les règles générales relatives aux incapacités contenues dans le Code civil
et les règles spéciales contenues dans le Code de commerce. L’incapacité à conclure
des actes de commerce a longtemps été liée à l’incapacité des mineurs à exercer une
profession commerciale. Jusqu’à la loi du 5 juillet 1974 qui a abaissé à dix-huit ans

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l’âge de la majorité, le mineur émancipé pouvait exercer une activité commerciale et
pouvait aux termes de l’article 3 du Code de commerce effectuer des actes de
commerce isolés dans les mêmes conditions que l’exercice d’une profession commer-
ciale, sans devoir s’inscrire au registre du commerce.
Avec l’abaissement de l’âge de la majorité à dix-huit ans, il n’apparaissait plus
opportun au législateur de permettre aux mineurs émancipés, qui avaient donc
moins de dix-huit ans, de se livrer à une activité commerciale. La loi n o 2010-658 du
15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée est toutefois
venue modifier les articles L. 121-2 du Code de commerce et 413-8 du Code civil.
Désormais « le mineur émancipé peut être commerçant sur autorisation du juge des
tutelles au moment de la décision d’émancipation ou du président du tribunal de
grande instance s’il formule sa demande après avoir été émancipé ». Un mineur
émancipé peut donc, sur autorisation judiciaire, acquérir la capacité commerciale et
conclure des actes de commerce. On est ainsi revenu à la situation antérieure à 1974.
Une exception à ce principe doit cependant être signalée : il résulte de l’article L. 511-
5 du Code de commerce qu’un mineur, même émancipé et ayant été autorisé à
devenir commerçant, ne peut être signataire d’une lettre de change.

145 En revanche, un mineur non émancipé, même représenté, ne peut exercer une
activité commerciale. En vertu de l’article 509 du Code civil, son représentant légal
ne peut, même avec autorisation, exercer le commerce au nom du mineur. Les actes
juridiques passés par le mineur incapable peuvent être annulés ou rescindés pour
cause de lésion dans les conditions prévues par l’article 1149 du Code civil.

B. Les majeurs incapables


146 Le Code de commerce ne contient pas de disposition dérogatoire relative au statut
des incapables majeurs, de sorte qu’il convient de se référer aux règles du droit civil.
Le Code civil envisage différentes mesures de protection juridique. Parmi ces
mesures, deux seulement emportent incapacité : la tutelle et la curatelle. Pour la
première mesure, aux termes de l’article 509 du Code civil. « Le tuteur ne peut, même
avec une autorisation : 3 o Exercer le commerce ou une profession libérale au nom de
la personne protégée ». Pour la seconde, si l’exercice d’une activité commerciale par
un majeur sous curatelle semble difficile en pratique car elle suppose que le curateur
assiste constamment le majeur (art. 467 C. civ.), il lui est possible de faire des actes de
commerce sans l’assistance de son curateur lorsqu’il y est autorisé par le juge (art. 471
C. civ.). Se référant à ces dispositions, l’article R. 123-46, 1 du Code de commerce
prévoit une mesure de publicité particulière en disposant que doivent faire l’objet
d’une mention au registre du commerce et des sociétés les « décisions définitives
plaçant un majeur sous tutelle ou sous curatelle au sens de l'article 440 du Code civil
et celles qui en donnent mainlevée ou qui les rapportent ».
Par ailleurs, le majeur sous sauvegarde de justice peut normalement faire seul
tous les actes de la vie civile et peut théoriquement effectuer tous les actes de
commerce sans restriction, sauf si le juge désigne un mandataire spécial à l’effet
d’accomplir certains actes (art. 437 C. civ.). Cette situation n’est cependant pas sans

82
4 Le régime des actes de commerce

danger pour ses cocontractants car les actes qu’il a passés peuvent être rescindés
pour lésion ou réduits en cas d’excès (art. 435 C. civ.).

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§ 2 Le consentement
Les actes de commerce, comme tout acte du droit civil, supposent pour leur validité 147
le consentement de la partie qui s’oblige. Il n’existe pas de règles légales particulières
régissant le consentement des parties aux actes de commerce. Si le législateur et la
jurisprudence sont intervenus ponctuellement dans les relations entre profession-
nels, ce sont, pour l’essentiel, les règles de droit commun qui s’appliquent.
En principe, la plupart des commerçants sont en état d’offre permanente vis‑à-vis
du public, proposant leurs biens et leurs services par le biais de catalogues ou de
publicité (1 ère civ. 6 mai 2010, JCP 2010, 38-922, note F. Labarthe : « les documents
publicitaires peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis
et détaillés, ils ont eu une influence sur le consentement du cocontractant »). Plus
généralement, selon la Cour de cassation une proposition de contracter ne constitue
une offre, au sens juridique du terme, que si elle indique la volonté de son auteur
« d’être lié en cas d’acceptation » (Com. 6 mars 1990, Bull. civ. IV, no 74).
Ces solutions issues du droit commun sont à concilier avec les règles de droit
spécial. Ainsi, lorsque l’acte de commerce envisagé prend la forme d’un contrat
électronique, des règles particulières édictées par la loi no 2004-575 du 21 juin 2004
pour la confiance dans l'économie numérique doivent être respectées. Celles-ci
imposent, notamment, au professionnel qui propose par voie électronique la fourni-
ture de biens ou la prestation de services, de mettre à disposition « les conditions
contractuelles applicables d'une manière qui permette leur conservation et leur
reproduction » (art. 1127-1 s. C. civ.). Un tel contrat n’est pas valablement conclu si
le destinataire de l'offre n’a pas eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande
et son prix total, et de corriger d'éventuelles erreurs, avant de confirmer celle-ci pour
exprimer son acceptation (art. 1127-1 C. civ.). En outres, les règles de forme encadrant
la conclusion du contrat sont aménagées (art. 1176 s. C. civ.). Par ailleurs, s’agissant
plus spécifiquement des contrats conclus entre professionnels, les négociations sont
encadrées par le droit des pratiques restrictives qui impose, à tout producteur,
prestataire de services, grossiste ou importateur de communiquer ses conditions
générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations
de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. La loi « Hamon »
no 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a voulu faire de ces
conditions générales un élément clef des négociations, le socle « unique » de celles-ci
(v. ss 623).
En outre, la jurisprudence et le législateur sanctionnaient le refus de vente opposé
par un commerçant à un professionnel comme à un consommateur. Si le délit civil de
refus de vente entre professionnels a été aboli par la loi du 1 er juillet 1996, le refus de
vente à un consommateur peut encore donner lieu à des sanctions (v. art. L. 122-1
C. consom.).
Les relations entre commerçants sont souvent des relations suivies et faites de
contrats successifs entre les mêmes parties. Dans ces circonstances, l’expression du
consentement des parties à l’acte peut être réduite à sa plus simple expression. Le
silence peut ainsi devenir source d’obligations et peut être considéré comme une
manifestation de volonté. Alors que le principe en droit civil est que le silence ne peut

83
Droit commercial

valoir acceptation (art. 1102 C. civ.) que si l’offre a été faite dans l’intérêt exclusif du
destinataire, ou si la loi le prévoit expressément, la jurisprudence admet plus
largement que le silence gardé par une partie traduit son acquiescement. Certains
arrêts admettent ainsi que le silence vaut acceptation lorsqu’il existe entre les parties

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des relations d’affaires suivies. Dans ces hypothèses, c’est au contraire le refus de
contracter qui doit être exprimé. La jurisprudence va plus loin et décide que, même
en l’absence de courant d’affaires entre les parties, le silence vaut acceptation dès lors
que les parties appartiennent toutes deux à un milieu professionnel où les usages
font du silence une acceptation sans équivoque (Com. 9 janv. 1956, Bull. civ. III, no 17).
Ainsi, entre commerçants, le silence gardé à la réception d’une lettre de confirmation
qui récapitule les propositions faites par le pollicitant peut valoir acceptation.

§ 3 Les règles de forme


148 Les règles de forme du droit commercial ont traditionnellement pour but d’assurer la
sécurité juridique des transactions commerciales et la connaissance par les tiers des
actes les plus importants de la vie commerciale. Le formalisme probatoire tradition-
nellement absent du droit commercial en application du principe de la liberté de la
preuve occupe toutefois une place de plus en plus importante qui remet en cause le
système souple et libéral mis en place par l’article L. 110-3 du Code de commerce (A)
et qui se double d’un formalisme exigé pour la validité de certaines catégories d’actes
de commerce (B).

A. Les formes prescrites ad probationem


149 Le principe réside dans l’absence de formalisme prescrit ad probationem. Alors que
l’article 1359 du Code civil retient pour les actes juridiques le système de la preuve
écrite et préconstituée pour tout acte juridique dont la valeur excède 1 500 euros,
l’article L. 110-3 du Code de commerce pose le principe que les actes de commerce
peuvent être prouvés par tous moyens à l’égard des commerçants, et ce quelle que
soit la valeur de l’acte. Si l’exigence d’un écrit à titre de preuve dans le Code civil a été
modernisée par la loi du 13 mars 2000 qui assimile à l’écrit sur support papier l’écrit
électronique dès lors que la personne dont il émane peut être identifiée et que
l’intégrité de ces écrits peut être préservée (art. 1366 C. civ.), le principe de l’exigence
d’un écrit n’a pas été remis en cause. Le Code civil admet cependant des exceptions
ainsi que la preuve par tout moyen lorsqu’il existe un commencement de preuve par
écrit (art. 1361 et 1362 C. civ.) ou qu’il est possible de démontrer l’impossibilité
matérielle de se procurer un écrit (art. 1360 C. civ.). Néanmoins, ces assouplissements
et ces exceptions ne remettent pas en cause le système de la preuve écrite et
préconstituée en matière civile.
La différence fondamentale entre les actes civils et les actes de commerce réside
dans le fait que la question de la recevabilité et de la hiérarchie des modes de preuve
ne se pose pas en matière commerciale. Ainsi, les factures, les correspondances, les
documents comptables, les témoignages et présomptions et même tout support
informatique ou électronique peuvent être reçus comme mode de preuve à l’égard
des commerçants, pour prouver l’existence d’un acte de commerce (Com. 21 juin
1994, Bull. civ. IV, n o 232 et Civ. 1re, 8 fév. 2000, Bull. civ. I, no 35). De plus, dans
l’hypothèse où un écrit a été dressé, l’absence de hiérarchie des modes de preuve

84
4 Le régime des actes de commerce

permet d’admettre la recevabilité de son mode de preuve contre le contenu de cet


écrit. Toutefois, en réalité, les commerçants sont particulièrement soucieux de se
ménager des preuves formelles des actes qu’ils accomplissent. Les usages et les
pratiques commerciales sont souvent caractérisés par un grand formalisme contrac-

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tuel, et exigent souvent des contrats écrits, des factures ou des bordereaux de
livraison afin de conserver des traces écrites de leurs engagements.

De même, les exigences des articles 1375, 1376 et 1378 du Code civil ne sont pas 150
applicables aux commerçants, pour apporter la preuve d’un acte de commerce.
Lorsqu’il s’agit de prouver l’existence d’un contrat synallagmatique autre qu’un
contrat conclu sous forme électronique, l’article 1375 du Code civil exige que l’acte
sous seing privé soit fait en autant d’originaux qu’il existe de parties au contrat,
alors que si un contrat commercial est rédigé par écrit, un seul exemplaire suffit.
L’article 1376 du Code civil qui impose dans les contrats unilatéraux la signature et
une mention manuscrite du souscripteur relative à la somme ou la quantité promise
ne s’applique pas non plus aux actes de commerce souscrits par un commerçant.
L’article 1378 du Code civil prévoit qu’un acte n’acquiert date certaine à l’égard
des tiers que lorsque l’acte est enregistré, que mention en est faite dans un acte
authentique ou au décès de l’un des signataires. Cette règle rigoureuse n’est pas
applicable aux commerçants pour la preuve d’actes de commerce. La preuve de la
date de l’acte pouvant être rapportée par tous moyens, la date indiquée dans l’acte
faisant foi à l’égard des tiers (Com. 17 mars 1992, Bull. civ. IV, no 121, RTD com. 1993.
147, note B. Bouloc).
Plus généralement, la preuve des actes de commerce étant libre à l’égard des
commerçants, la règle selon laquelle nul ne peut se constituer de titre à soi-même
n’est pas applicable. Les commerçants peuvent, notamment, produire leurs propres
livres comptables à titre de preuve d’un acte de commerce (art. 1378 C. civ.),
cependant qu’une telle preuve est irrecevable à l’égard d’un non commerçant
(même texte).

Toutefois, la jurisprudence n’admet la liberté de la preuve que si l’acte est pleinement 151
commercial. Cela implique, d’une part, que l’acte soit qualifié d’acte de commerce et,
d’autre part, que la partie à laquelle la preuve est opposée ait la qualité de
commerçant et qu’il ait agi dans l’exercice ou pour l’intérêt de son commerce.
En conséquence, la règle de la liberté de la preuve ne s’applique pas aux actes
mixtes, à l’égard du non-commerçant (v. ss 166), ni aux actes de commerce effectués
par des non-commerçants (cautionnement commercial consenti par un non-
commerçant, par exemple : Com. 2 avril 1996, Bull. Joly 1996, 665, Ph. Delebecque).

En vertu de l’article L. 110-3 du Code de commerce, la règle de la liberté de la preuve 152


ne s’applique qu’en l’absence de disposition spéciale contraire. Certains textes, en
effet, dérogent à ce principe et imposent la rédaction d’un écrit. Les articles L. 141-1
et L. 142-3 du Code de commerce exigent ainsi la rédaction d’un écrit pour la vente
et le nantissement du fonds de commerce. De même, le contrat de transport terrestre
de marchandises, les contrats relatifs à la navigation maritime ou encore le contrat
de société peuvent être soumis à certaines formalités.
Ces règles peuvent être d’autant plus importantes que pour certaines d’entre
elles, au-delà d’une question de preuve c’est la validité même de l’acte qui est
subordonnée à leur respect.

85
Droit commercial

B. Les formes prescrites ad validitatem


153 Le formalisme des actes de commerce est le plus souvent prescrit pour la validité
de ceux-ci. Il ne s’agit pas de règles communes applicables à l’ensemble des actes de

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commerce mais de dispositions éparses et diverses propres à chaque mécanisme.
Il est essentiellement imposé pour assurer la sécurité juridique des transactions
commerciales et permettre de les porter à la connaissance des tiers.
Le formalisme est d’abord imposé en raison de la nature même de certains actes
de commerce. Un exemple peut être donné avec la lettre de change, acte de
commerce par la forme qui suppose pour sa validité la présence d’un certain nombre
de mentions énumérées par l’article L. 511-1 du Code de commerce. Ce mécanisme
constituant tant un instrument de crédit qu’un instrument de paiement, le respect
du formalisme imposé par les textes est un gage de sécurité juridique et d’efficacité
de l’opération.
Certaines de ces règles sont également prescrites afin d’assurer la protection
de l’une des parties. Les exemples d’un tel formalisme sont multiples. Ainsi, en
matière de prêt, la règle selon laquelle le taux d’intérêt doit être fixé par écrit à
peine de nullité de la stipulation d’intérêt s’applique même dans les contrats conclus
entre banquiers et commerçants (Civ. 1 re, 9 févr. 1988 et Com. 12 avr. 1988, JCP 1988.
II. 21026, note C. Gavalda et J. Stoufflet). De même, les mentions obligatoires
imposées pour la vente du fonds de commerce (art. L. 141-1 C. com.) visent à garantir
à l’acquéreur une connaissance précise de ce qu’il achète.
Depuis une dizaine d’années, le législateur est venu renforcer les règles encadrant
la conclusion des contrats commerciaux, spécialement entre fournisseur et distribu-
teur ou prestataire de service. Il a notamment imposé, au titre de la transparence
tarifaire et de la loyauté des relations commerciales, certaines règles de forme (ex. :
art. L. 441-7 et L. 441-9 C. com. ; v. ss 623).

154 Enfin, bien souvent, les formalités imposées pour assurer l’information des tiers sont
en pratique indispensables à l’opposabilité de l’acte. Par exemple, tant qu’un contrat
de location-gérance de fonds de commerce n’a pas été publié, le bailleur du fonds de
commerce est solidairement responsable des dettes contractées par le locataire
gérant pour l’exploitation du fonds de commerce (art. L 144-7 C. com.). De même,
lorsqu’un contrat de crédit-bail n’est pas publié conformément aux formes imposées
par les articles R. 313-3 et suivants du Code de commerce, l’établissement de crédit
propriétaire des biens ne peut revendiquer son droit de propriété, ce qui ôte ainsi
une grande partie de son intérêt à l’opération. En pratique, les conséquences
particulièrement rigoureuses du défaut de publicité conduisent à faire de celle-ci
une condition d’efficacité de l’acte à l’égard des tiers.

section 2

Les effets des actes de commerce


155 Certains effets des actes de commerce, en pratique très importants, conservent des
spécificités marquées au regard du droit commun des obligations (§ 1). Toutefois, ces

86
4 Le régime des actes de commerce

particularités se sont estompées, le législateur ou la jurisprudence ayant unifié les


solutions du droit civil et du droit commercial (§ 2).

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§ 1 Le maintien d’un régime dérogatoire propre aux actes
de commerce
Les règles dérogatoires au droit commun applicables aux actes de commerce 156
concernent tant l’exécution (A) que l’extinction (B) des obligations contractées.

A. En matière d’exécution des obligations


1. Solidarité
L’article 1310 du Code civil dispose que la solidarité ne se présume pas. Au contraire, 157
la solidarité passiveQ est présumée dans les contrats commerciaux qui comportent
plusieurs codébiteurs en vertu d’une règle coutumière antérieure au Code de
commerce, confirmée par la jurisprudence (Req. 20 oct. 1920). La jurisprudence
applique même cette règle aux actes de commerce accomplis par des non-
commerçants qui ont un intérêt personnel à cet acte, et notamment aux cautionne-
ments fournis par des dirigeants de société commerciale n’ayant pas la qualité de
commerçant (Com. 29 janv. 1991, RJDA 1991 no 450).
Cette présomption de solidarité est particulièrement favorable au créancier
puisqu’elle lui permet de demander à l’un quelconque des débiteurs l’intégralité des
sommes qui lui sont dues. Elle est d’ailleurs souvent considérée comme une sûreté
personnelle car chaque débiteur se trouve ainsi dans l’obligation de garantir l’éven-
tuelle insolvabilité de ses codébiteurs. Le débiteur, quant à lui, y trouve également son
compte en ce qu’il accroît sa capacité de crédit : le créancier disposant d’une pluralité
de débiteurs potentiels, il accordera plus facilement son concours. La Cour de cassa-
tion a, d’ailleurs, confirmé cette coutume contra legem en estimant qu’elle se justifiait
« par l’intérêt commun des parties en cause » (Civ. 3e, 24 oct. 1968, Bull. civ. III, no 409).
La solidarité passive a également été expressément consacrée par un certain
nombre de textes. Elle est ainsi prévue entre les signataires d’une lettre de change
(art. L. 511-44 C. com.) ou entre les associés en nom collectif pour les dettes de la
société (art. L. 221-1 C. com.).

2. Délais de grâce
L’article 1343-5 du Code civil permet au juge d’accorder des délais de grâce au 158
débiteur. En vertu de ce texte « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur
et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite
de deux années, le paiement des sommes dues ». Ces délais peuvent éventuellement
être accordés au commerçant mais sont formellement exclus quand une dette résulte
d’un effet de commerce. En effet, aux termes de l’article L. 511-81 du Code de
commerce, aucun jour de grâce, ni légal ni judiciaire, ne peut être admis sauf cas de
force majeure pour le paiement d’une lettre de change.
De façon plus originale, le législateur a mis en place différentes procédures
permettant d’obtenir des délais de paiement d’une pluralité de créanciers, voire de
l’ensemble des créanciers d’un débiteur en difficulté. Ainsi, la procédure de

87
Droit commercial

conciliation permet à l’entrepreneur en difficulté, avec l’aide d’un conciliateur,


d’obtenir de ses créanciers des délais de paiement ou remises de dettes (art. L. 611-7
C. com.). De façon plus originale, la procédure de sauvegarde, qui pourra conduire
les créanciers de l’entrepreneur à lui accorder des remises et délais de paiement dans

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le cadre d’un « plan de sauvegarde », suppose le respect d’une période d’observation
au cours de laquelle tout paiement est interdit (art. L. 622-7 C. com.) et toute action
en paiement interrompue (art. L. 622-21 C. com.). Dans une telle procédure, les
créanciers de l’entrepreneur sont soumis à une discipline collective devant faciliter
le sauvetage de l’entreprise. Destiné à l’origine aux seules entreprises commerciales,
le dispositif s’applique désormais à toutes les entreprises, quel que soit leur domaine
d’activité (v., not., art. L.620-1 C. com).

3. Anatocisme
159 En droit civil, l’anatocisme, c’est‑à-dire la possibilité de faire produire intérêt aux
intérêts échus d’un capital est soumis à des règles restrictives. L’article 1343-2 du
Code civil n’admet cette capitalisation des intérêts que lorsque des intérêts sont dus
au moins pour une année entière. Ils ne peuvent être réclamés que par une
convention spéciale ou dans le cadre d’une demande en justice. En revanche, la
capitalisation des intérêts en droit commercial est licite en dehors de ces hypothèses
restrictives et peut s’effectuer à des échéances beaucoup plus brèves. Cette liberté de
l’anatocisme revêt une importance toute particulière en matière de compte courant.
Dans le cadre d’un compte courant, il est d’usage que les intérêts soient régulière-
ment capitalisés (tous les trimestres) et produisent à leur tour des intérêts. Cet usage,
contraire à l’article 1343-2 du Code civil et reconnu par la jurisprudence depuis le
e
XIX siècle, a été confirmé par la Cour de cassation lorsque le titulaire du compte est
un commerçant (Civ. 1re, 4 déc. 1990, Banque 1991. 428 obs. J.-L. Rives-Langes et Com.
22 mai 1991, D. 1991. 428, note C. Gavalda).

4. Sanctions de l’inexécution
160 En droit civil, jusqu’à l’ordonnance du 10 février 2016, l’inexécution par l’une des
parties de ses obligations était sanctionnée par la résolution judiciaire du contrat
(art. 1184, devenu 1227 C. civ.). Certains usages commerciaux consacrés par la
jurisprudence dérogaient à ce principe et cherchaient au contraire à maintenir le
contrat plutôt que de l’anéantir. Depuis l’ordonnance précitée du 10 février 2016,
le Code civil prévoit également des sanctions alternatives permettant de sauvegarder
le lien contractuel (art. 1217 C. civ.). C’est là une illustration de l’influence de la
pratique des affaires sur le droit civil.
Lorsque l’inexécution du contrat n’est que partielle, la jurisprudence admettait,
depuis longtemps déjà, en matière commerciale, la réfaction du contrat par le juge,
c’est‑à-dire la possibilité pour ce dernier de diminuer le prix de la vente ou de la
fourniture de prestation de service (Com. 23 mars 1971, D. 1974. 40, note M. Alter). Le
juge disposait, en la matière, d’un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer
la réduction du montant du paiement dû en vertu du contrat. L’ordonnance de 2016
a consacré cette sanction en droit commun, allant même plus loin que ce qu’autori-
sait la jurisprudence en droit commercial. Désormais, aux termes de l’article 1223 du
Code civil, la faculté de procéder à la réduction du prix appartient au créancier qui
n’a donc plus besoin de saisir le juge. Après une mise en demeure infructueuse, il
peut accepter l’exécution imparfaite du contrat et solliciter du débiteur une

88
4 Le régime des actes de commerce

réduction proportionnelle du prix. S’il n’a pas encore payé, sa décision doit être
notifiée au débiteur dans les meilleurs délais.
Par ailleurs, en matière commerciale, l’acheteur qui n’est pas livré dispose, après
mise en demeure restée infructueuse, d’une faculté de remplacement. Elle lui donne

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la possibilité de se procurer des marchandises de même qualité et en même quantité
que celles prévues au contrat auprès d’un tiers aux frais de son vendeur défaillant,
sans autorisation judiciaire préalable. Cette faculté de remplacement n’est cepen-
dant possible que pour les choses de genre. L’ordonnance de 2016 a facilité la
possibilité, pour le créancier, d’obtenir l’exécution en nature de l’obligation. Il peut
demander en justice que le débiteur soit forcé à exécuter son obligation (l’exécution
forcée étant désormais le principe et de droit si les conditions de son prononcé sont
réunies ; art. 1221 C. civ.). Il peut également, après mise en demeure, dans un délai
raisonnable et à un coût raisonnable, faire exécuter lui-même l’opération. Il n’a pas,
alors, à saisir le juge (art. 1222 C. civ.).

B. En matière d’extinction des obligations


La prescription extinctive permet au débiteur d’une obligation d’être libéré au bout 161
d’un certain laps de temps. L’article L. 110-4 du Code de commerce posait le principe
de la prescription décennale en matière commerciale. Sous l’empire du droit anté-
rieur, cette solution était particulièrement dérogatoire par rapport au droit commun,
qui prévoyait une prescription trentenaire. Ces règles ont été modifiées par la loi
no 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription civile. Le délai de
droit commun, identique en droit civil (art. 2224 C. civ.) et en droit commercial, est
alors passé à cinq ans. Ce texte a vocation à s’appliquer aux obligations nées à
l’occasion du commerce, que leur origine soit contractuelle, délictuelle ou légale. Ce
délai de prescription plus court permet de mieux répondre aux besoins de rapidité,
simplicité et sécurité juridique des relations commerciales. En raison du caractère
spéculatif qui préside aux relations commerciales, il appartient aux commerçants
d’être diligents dans le recouvrement de leurs créances.
Si l’article L. 110-4 du Code de commerce prévoit une prescription de droit commun
en matière commerciale, il réserve la possibilité d’édicter des prescriptions plus courtes.
Ainsi, les prescriptions abrégées du II de l’article L. 110-4 sont-elles maintenues. De
même, l’article L. 137-2 du Code de la consommation prévoit que « l’action des profes-
sionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit
par deux ans ». Ce texte reprend en substance les dispositions de l’ancien article 2272 du
Code civil, abrogé par la réforme de la prescription opérée par la loi du 17 juin 2008.
L’uniformisation des délais de prescription civile et commerciale participe au
rapprochement du régime des actes civils et commerciaux.

§ 2 Le rapprochement du régime des actes civils


et commerciaux
Si les particularités des actes de commerce demeurent importantes en pratique, les 162
différences de régimes entre les actes civils et commerciaux se sont estompées. Outre
les délais de prescription (v. ss 161), les règles concernant la mise en demeure,
l’imputation des paiements ou les taux d’intérêts s’appliquent de manière identique

89
Droit commercial

en matière civile et commerciale. L’ordonnance de 2016 a également marqué très


nettement l’influence du droit commercial sur le droit civil.
Les règles du Code civil relatives à l’imputation des paiements en vertu desquelles
il est permis au débiteur qui a plusieurs dettes de déclarer, lorsqu’il paie, quelle dette

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il entend acquitter n’ont pendant longtemps pas été applicables en matière commer-
ciale. Cette solution a toutefois été abandonnée par la jurisprudence (Com. 22 juill.
1986, Bull. civ. IV, n o 180). Les règles gouvernant l’imputation des paiements en
matière commerciale sont donc désormais celles du droit civil.
Au contraire, ce sont les règles applicables à la mise en demeure en matière
commerciale qui s’appliquent désormais à tous les actes juridiques. En effet, la loi du
9 juillet 1991 a simplifié les formes de la mise en demeure civile qui devait
auparavant résulter d’une citation judiciaire ou d’un acte d’huissier, tandis que la
mise en demeure en matière commerciale pouvait être faite par tous moyens. Depuis
la réforme des anciens articles 1139 et 1146 du Code civil (devenus 1344 du même
code), la mise en demeure peut résulter d’une sommation ou d’un acte portant
interpellation suffisante pouvant, par exemple, résulter d’une lettre missive.
Les règles concernant la stipulation d’intérêts sont, également, largement
communes aux actes civils et commerciaux. Si le taux de l’intérêt légal était tradition-
nellement plus élevé en matière commerciale qu’en matière civile, depuis une loi du
11 juillet 1975, le taux des intérêts légaux est devenu uniforme. En outre, le régime des
intérêts conventionnels est également largement commun aux obligations civiles et
commerciales. Ainsi, la mention du taux effectif global et celle du taux d’intérêt par
écrit s’imposent à tout contrat de crédit, indépendamment de sa nature civile ou
commerciale. Des différences subsistent néanmoins. Ainsi, s’agissant des relations
entre professionnels, l’article L. 441- 6, I du Code de commerce impose à tout produc-
teur, prestataire de services, grossiste ou importateur de communiquer ses conditions
générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de
services qui en fait la demande pour une activité professionnelle, ces conditions devant
comprendre les conditions de règlement. En outre, ce texte encadre strictement la
fixation du taux d’intérêt des pénalités de retard. De même, si la prohibition des taux
usurairesQ s’appliquait indépendamment de la nature civile ou commerciale de la
convention de crédit, une différence de régime a été instaurée par la loi du 1er août
2003. Désormais les dispositions du Code de la consommation relatives à la prohibition
des taux usuraires ne sont pas applicables aux personnes physiques agissant pour leurs
besoins professionnels, ni aux personnes morales (art. L. 313-3, al. 4 C. consom.).
De manière plus générale, l’importante réforme du droit des contrats opérée par
l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 illustre ce rapprochement du droit civil
et du droit commercial, un certain nombre de règles adoptées pouvant être regar-
dées comme inspirées de la pratique des affaires (v. supra).

section 3

Le régime spécifique des actes mixtes


163 Les actes mixtes sont les actes passés entre un commerçant et un non-commerçant,
qui présentent un caractère commercial pour l’une des parties et civil pour l’autre. Ils

90
4 Le régime des actes de commerce

sont soumis à un régime particulier, caractérisé par une application tantôt distribu-
tive (§ 1) et tantôt exclusive (§ 2) des règles du droit civil et du droit commercial.

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§ 1 Application distributive des règles civiles
et commerciales
En matière de compétence (A) comme pour certaines règles relatives à l’exécution du 164
contrat (B), la jurisprudence a posé le principe que les règles du droit commercial
s’appliquent à la partie au contrat ayant la qualité de commerçant tandis que le non-
commerçant peut invoquer le bénéfice des règles du droit civil.

A. La compétence
La compétence du tribunal sera déterminée en fonction de la qualité du défendeur. 165
Ainsi, le commerçant doit nécessairement assigner le non-commerçant devant les
juridictions civiles. En revanche, la jurisprudence accorde au non-commerçant le
bénéfice d’une option. Il peut choisir de citer le commerçant soit devant les juridic-
tions civiles, soit devant le tribunal de commerce.
La question s’est toutefois posée de la possibilité d’insérer dans les actes mixtes une
clause attributive de compétence ou de juridictionQ qui s’impose au commerçant comme au
non-commerçant. S’agissant d’abord de la compétence territoriale, les clauses attribu-
tives de compétence sont nulles dans les actes mixtes en vertu de l’article 48 du Code de
procédure civile (v. ss 168). S’agissant en revanche de la compétence matérielle, la Cour
de cassation a consacré une solution plus souple (Com. 10 juin 1997, JCP 1997. I. 4064,
no 9, obs. L. Cadiet, D. 1998. 2, note F. Labarthe et F. Jault-Seseke). La clause n’est pas
nulle mais elle est inopposable au non-commerçant. En cas de clause attributive de
juridiction au profit des tribunaux de commerce, le commerçant devra donc nécessaire-
ment assigner le non-commerçant devant les juridictions civiles. En revanche, si le non-
commerçant est à l’initiative du procès, il peut renoncer à l’option qui lui est en principe
offerte et mettre en œuvre la clause attributive de compétence.
Par ailleurs, si une clause compromissoire prévoit le recours à l’arbitrage en cas
d’éventuel litige, l’article 2061 du Code civil admet sa validité dans les contrats
conclus à raison d’une activité professionnelle. Ce n’est donc plus la qualité de
commerçant, ou non, qui sera utilisée comme critère mais le caractère professionnel
du contrat, la clause étant inopposable à la partie qui n'a pas contracté dans le cadre
de son activité professionnelle (v. ss 81).

B. L’exécution du contrat
Deux questions en pratique très importantes sont soumises à une application distri- 166
butive des règles du droit civil et du droit commercial selon la qualité des personnes
auxquelles elles sont opposées. Il s’agit des règles relatives à la solidarité des
codébiteurs et à la preuve des actes mixtes.
Comme en matière d’actes de commerce, la solidarité est présumée à l’encontre
de codébiteurs à l’égard desquels la dette a une nature commerciale, tandis que les
codébiteurs pour lesquels la dette a une nature civile peuvent se prévaloir de
l’article 1310 du Code civil qui dispose que la solidarité ne se présume pas.

91
Droit commercial

Il a déjà été souligné que le principe de la liberté de la preuve ne peut jouer


qu’à une double condition : il faut que l’on soit en présence d’un acte de commerce et
que la preuve soit opposée à un contractant ayant la qualité de commerçant. En
revanche, dès lors que l’acte est conclu entre un commerçant et un non-commerçant,

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le commerçant sera soumis aux règles de preuve du droit civil puisqu’il s’agit alors de
prouver un acte civil pour celui qui le conteste, tandis que le non-commerçant
bénéficiera à l’encontre du commerçant de la liberté de la preuve. Ce régime des
preuves est parfaitement indépendant de la juridiction saisie du litige. Ainsi, l’appli-
cation distributive de ces règles est valable devant les tribunaux civils comme devant
les tribunaux de commerce.
Cette application distributive du régime de la preuve a été critiquée (Ripert et
Roblot, t. I., n o 394) car elle impose aux commerçants de se préconstituer des preuves
écrites dans leurs rapports avec les non-commerçants, exigence peu compatible avec
les contraintes résultant de leur activité, et elle établit des régimes de preuve
différents pour un seul et unique contrat. Toutefois, cette rigueur est atténuée par
les assouplissements du régime de la preuve en droit civil. En effet, depuis la loi du
12 juillet 1980, le droit civil admet la liberté de la preuve pour les obligations d’un
montant inférieur à une somme fixée par décret, aujourd'hui de 1 500 euros et admet
la production d’une copie fidèle et durable en lieu et place de l’original pour les
obligations d’un montant supérieur à 1 500 euros. De plus, la loi du 13 mars 2000 a
consacré la possibilité que l’écrit préconstitué soit établi sous forme électronique.
Enfin, l’article 1360 du Code civil envisage une exception au principe de la preuve
écrite et préconstituée lorsque l’écrit a été perdu par force majeure ou lorsque l’une
des parties est dans l’impossibilité de se procurer un écrit (Com. 12 oct. 1982,
Bull. civ. IV, no 312 ; RTD com. 1984. 324, obs. J. Hémard et B. Bouloc). Il en va de
même de l’article 1361 du Code civil, qui admet la possibilité de présenter un
commencement de preuve par écrit complété par d’autres éléments de preuve. Cela
contribue également à atténuer la rigueur du système probatoire des obligations
civiles.

§ 2 Application exclusive des règles du droit civil


ou du droit commercial
167 Certains aspects du régime des actes mixtes sont soumis exclusivement aux règles du
droit civil (A) ou du droit commercial (B).

A. Application du droit civil


168 S’appliqueront, d’une part, des règles de compétence puisque l’article 48 du Code
de procédure civile interdit toute clause qui déroge directement ou indirectement
aux règles de compétence territoriale à l’égard des non-commerçants. La nullité
d’une telle clause peut être invoquée par le non-commerçant comme par le commer-
çant (Com. 11 mai 1993, Bull. civ. IV, n o 179). Une clause dérogatoire aux règles
de compétence territoriale, nulle dans les actes mixtes, serait également frappée de
nullité si elle était insérée dans un acte de commerce souscrit par un non-
commerçant ; une telle clause contenue dans le cautionnement commercial d’un
dirigeant social n’ayant pas la qualité de commerçant ne serait ainsi pas valable.

92
4 Le régime des actes de commerce

D’autre part, la validité d’une clause compromissoire sera déterminée par appli-
cation de l’article 2061 du Code civil et du critère imposé par ce texte, à savoir le
caractère professionnel du contrat (v. ss 81).

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B. Application du droit commercial
Aux termes de l’article L. 110-4 du Code de commerce, la prescription de cinq ans 169
applicable aux actes de commerce s’applique également aux actes mixtes. Ces
dispositions s’appliquent à toutes les obligations nées à l'occasion de leur commerce
entre commerçants et non commerçants, peu important leur fondement contractuel
ou délictuel. C’est là, toutefois, une règle de droit commun qui doit être écartée
en présence d’un régime spécial de prescription plus court (Com. 27 juin 2006,
Bull. civ. IV, no 325).

93
Droit commercial

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Compléments pédagogiques

Mémo
Le régime des actes de commerce est composé d’un ensemble de dispositions
hétérogènes qui doivent être combinées avec les règles du droit civil. Ces dispositions
concernent la formation comme les effets des actes de commerce.
La formation des actes de commerce revêt certaines particularités relatives à la
capacité, au consentement et à la forme. Seul le mineur émancipé ayant été
judiciairement autorisé à exercer le commerce peut effectuer des actes de commerce,
à l’exception de la signature d’une lettre de change. En revanche, le Code de
commerce ne contient pas de règles relatives au statut des incapables majeurs.
L’appréciation de leur capacité à effectuer des actes de commerce doit par consé-
quent être appréciée au regard des règles établies pour les actes civils. Les règles
relatives au consentement des parties sont assouplies. Mais c’est dans le domaine de
la forme des contrats, qu’il s’agisse de règles gouvernant la validité ou la preuve des
actes de commerce, que les règles dérogatoires au droit commun sont les plus
nombreuses. La preuve des actes de commerce est en principe libre en matière d’actes
de commerce lorsque les parties à l’acte ont la qualité de commerçant. Toutefois, en
raison de leur nature propre, des techniques employées ou de l’importance pour les
tiers d’être informés des actes les plus importants réalisés par les commerçants, la loi
exige parfois l’accomplissement de formalités qui seront nécessaires à la validité de
certaines catégories d’actes de commerce.
Les règles relatives aux actes de commerce sont généralement plus rigoureuses et
moins protectrices des contractants que les règles du droit civil. Ainsi, contrairement
au droit commun des obligations, la solidarité est présumée en matière commerciale,
des délais de grâce ne peuvent pas être accordés par le juge en matière d’effets de
commerce et de chèque et l’anatocisme y est admis de manière plus large qu’en
matière civile. De plus, la sauvegarde du contrat en cas d’inexécution est le plus
souvent assurée grâce à la faculté de remplacement accordée au débiteur ou à la
possibilité pour le juge de prononcer la réfaction du contrat en cas d’inexécution
partielle. Cependant, les règles relatives aux actes de commerce et aux actes civils
tendent à être rapprochées par la loi ou par la jurisprudence comme l’illustrent le
régime de la mise en demeure, celui de l’imputation des paiements ou les règles
relatives à la stipulation d’intérêts.
Les actes mixtes présentent un caractère commercial pour une des parties et civil pour
l’autre partie. En principe, le régime des actes mixtes se caractérise par une application
distributive des règles du droit civil et du droit commercial. Toutefois, il n’est pas
toujours possible ou souhaitable de scinder l’acte et d’appliquer un régime différent
aux obligations des parties en fonction de leur qualité. Pour cette raison, certaines

94
4 Le régime des actes de commerce

règles du droit civil ou du droit commercial peuvent s’appliquer de manière exclusive à


certains effets des actes mixtes.

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Quid
n Cl a us e a t t r i b u t i v e d e ju r i d i c t i o n n o 1 6 5
La clause attributive de juridiction est une stipulation contractuelle par laquelle les
parties conviennent de soumettre à une juridiction de leur choix les litiges qui
pourraient éventuellement survenir à l’occasion de leur contrat. Elle peut, dans
certaines conditions, déroger à la compétence d’attribution ou à la compétence
territoriale. Elle peut aussi permettre aux parties à un contrat international de désigner
les tribunaux de l’État auquel elles entendent soumettre leurs litiges.
n Soli dar ité acti ve et sol idarit é passi ve n o 1 5 7
Il s’agit d’une modalité de l’obligation qui empêche la division des créances ou des
dettes en cas de pluralité de débiteurs ou de créanciers. Il y a solidarité active lorsque
chacun des créanciers peut réclamer au débiteur la totalité de ce qui leur est dû. Il y a
solidarité passive lorsque le créancier peut réclamer à chacun des débiteurs l’intégra-
lité des sommes qui lui sont dues.
n Taux usuraires no 162
Un taux d’intérêt usuraire est un taux d’intérêt conventionnel stipulé dans un contrat
de prêt ou de vente à tempérament jugé excessif au regard du coût de l’argent. Le
caractère excessif du taux d’intérêt est fixé selon des critères établis par la loi.

Biblio
1) Doctrine
– Association Droit et Commerce, « L’échange des consentements », RJ com. no spécial nov.
1995.
– J.-B. Blaise et J. Huet, « Commerce électronique et Code de commerce », in Le Code de
commerce, 1807-2007, Livre du bicentenaire, Dalloz, 2007, p. 423.
– C. Brenner, « La prescription commerciale », in Le Code de commerce, 1807-2007, Livre du
bicentenaire, Dalloz, 2007, p. 501.
– P. Catala, « Écriture électronique et actes juridiques », in Mélanges M. Cabrillac, Dalloz-Litec,
1999, p. 91.
– H. Causse et J.-C. Hallouin, Le contrat électronique, au cœur du commerce électronique – Le
droit de la distribution, droit commun ou droit spécial ?, Actes des journées d’études du 18 mars
2004 et du 10 mars 2005 à Poitiers, Tome 10, LGDJ, 2006.
– F. Dekeuwer-Défossez, « Tendances contemporaines du formalisme en droit commercial », in
Mélanges C. Freyria, Ester, 1994.
– J. Devèze, « À propos de la réforme du droit de la preuve : observations tirées du droit des
instruments de paiement », in Mélanges M. Cabrillac, Litec, 1999, p. 449.
– B. Dondero « La présomption de solidarité en matière commerciale : une rigueur à modérer »,
D. 2009. 1097.

95
Droit commercial

– J. Hauser, « L’apport du droit économique à la théorie générale de l’acte juridique », in


Mélanges J. Derruppé, Joly-Litec, 1991, p. 1.
– P. Leclercq, « La dématérialisation des écrits cambiaires et des actes authentiques », in
Mélanges P. Bézard, Montchrestien, 2002, p. 185.

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– G. Parléani, « Un texte anachronique : le nouvel article 109 du Code de commerce », D. 1983.
65.
– M. Storck, « Prescription commerciale et réforme du 17 juin 2008 », LPA 2 avr. 2009, p. 37.

2) Jurisprudence
Sur la liberté de la preuve des actes de commerce
– Com. 21 juin 1994, Bull. civ. IV, no 232.
– Civ. 1 re, 8 févr. 2000, Bull. civ. I, n o 35.
– Com. 2 avr. 1996, Bull. Joly 1996. 665, obs. Ph. Delebecque.

Sur la présomption de solidarité en droit commercial


– Req. 20 oct. 1920, D. 1920. 1. 161, note P. Matter ; S. 1922, I, p. 201, note J. Hamel ; Les
grands arrêts de la jurisprudence commerciale, Sirey, p. 1, note M. Pedamon.

Sur l’admission de la réfaction du contrat


– Com. 23 mars 1971, D. 1974. 40, note Alter ; v. aussi pour son admission dans les ventes de
fonds de commerce, Com. 15 déc. 1992, JCP 1993. II. 22075, et dans les contrats de service,
Com. 2 mars 1993, Bull. civ. IV, no 83 ; RTD com. 1994. 346, obs. Mestre.

Sur la faculté de remplacement


– Com. 1 er juin 1959, JCP 1959. II. 11206.

Sur l’unification des solutions en matière d’imputation des paiements


– Com. 22 juill. 1986, Bull. civ. IV, n o 180.

Sur les clauses attributives de compétence dans les actes mixtes


– Com. 10 juin 1997, D. 1998. 2, note F. Labarthe et F. Jault-Seseke, JCP 1997. I. 4064, n o 9,
obs. L. Cadiet.
– Com. 4 juill. 2000, pourvoi n o 97-10.776, inédit.

Quiz
1) Sujets corrigés
A) Tests de compréhension
1. 1. Un mineur peut-il effectuer des actes de commerce ?
2. 2. Les coutumes contra legem propres aux actes de commerce.
Voir le corrigé en fin de rubrique.

B) Commentaire d’arrêt
Cet exercice est commun à ce chapitre et au précédent.

96
4 Le régime des actes de commerce

Com. 13 nov. 2007


(no 06-17.823, inédit)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société anonyme d'aménagement et de

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développement (la SAD), promoteur immobilier, a confié à la SCI Val vert tertiaire (la
SCI), propriétaire d'un terrain à Seynod, la réalisation et la commercialisation de deux
bâtiments à usage de bureaux, l'un destiné à la « CDG », l'autre à La Poste ; qu'une
convention de maîtrise d'œuvre a été signée pour la réalisation du bâtiment destiné à
la CDG avec la société Studio d'architecture Florent X… (la société X…) ; que, n'ayant
pu obtenir le règlement de ses honoraires pour les prestations relatives à l'immeuble
destiné à La Poste, la société X… a assigné la SAD et la SCI en paiement d'une
provision ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que la société X… fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande contre la SCI et
la SAD et d'avoir dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes en restitution de la
somme de 10 000 euros formée par ces sociétés, alors, selon le moyen :
1 / qu'un acte accompli par un non-commerçant devient un acte de commerce
lorsqu'il est passé dans le but d'exercer un commerce et qu'il est indispensable à
celui-ci ; que la SCI avait pour objet la réalisation et la commercialisation d'immeubles
sur la commune de Seynod ; que le contrat de maîtrise d’œuvre qu'elle a conclu avec
la société d'architecture Florent X… pour la réalisation des immeubles en question, en
vue de leur revente, était donc nécessairement commercial et pouvait se prouver par
tous moyens ; qu'en faisant application des règles de la preuve civile, la cour d'appel a
violé les articles 1315 du code civil et L. 110-3 du code de commerce ;
2 / que la demande de permis de construire pour un bâtiment signé du maître
d'ouvrage sur lequel figure le nom de l'architecte et le permis de construire pour
cette construction mentionnant le nom du maître de l'ouvrage valent commencement
de preuve par écrit d'un contrat de maîtrise d’œuvre entre le maître de l'ouvrage et
l'architecte concernant ce bâtiment ; qu'en l'espèce, la SAD et la SCI ont versé aux
débats leur demande de permis de construire pour les deux bâtiments, sur lequel
figure le nom de la société X… et l'architecte a produit le permis de construire obtenu
pour la construction des deux bâtiments qui mentionne comme pétitionnaire la SAD ;
que ces documents valaient commencement de preuve par écrit de l'existence d'un
contrat de maîtrise d'œuvre pour le bâtiment B ; qu'en affirmant qu'il n'existait aucun
écrit pouvant valoir commencement de preuve écrite émanant des sociétés appelants
par lequel celles-ci formeraient une demande relative à la construction du bâtiment B,
la cour d'appel a violé les articles 1341 et 1347 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la SCI a été constituée en vue d'acquérir un
terrain situé à Seynod et y édifier des immeubles en vue de leur revente, ce dont il
résultait que la SCI n'effectuant pas d'actes de commerce n'avait pas la qualité de
commerçant, la cour d'appel a, par une appréciation souveraine des éléments de
preuve qui lui étaient soumis, constaté que tous les écrits invoqués émanaient de la
société X… et qu'il n'existait aucun écrit pouvant valoir commencement de preuve par
lequel la SCI formerait une demande relative à la construction du bâtiment B ; que le
moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le moyen, pris en sa première branche, lequel est recevable, s'agissant d'un
moyen de pur droit :

97
Droit commercial

Vu les articles 1315 du code civil et L. 110-3 du code de commerce ;


Attendu que, pour rejeter la demande de la société X… contre la SAD, l'arrêt retient
qu'aux termes des articles 1341 et 1347 du code civil, il doit être passé acte devant
notaire ou sous signatures privées de toute chose excédant la valeur de 800 euros, sauf

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lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit émanant de celui contre lequel la
demande est formée ou de celui qu'il représente et qui rend vraisemblable le fait allégué ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la SAD, société anonyme, était commerciale
par sa forme et qu'à l'égard des commerçants, un acte de commerce peut être prouvé
par tous moyens, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par fausse
application et le second par refus d'application ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société
Studio d'architecture Florent X… de ses demandes contre la Société aménagement et
développement, l'arrêt rendu le 30 mai 2006, entre les parties, par la cour d'appel de
Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où
elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour
d'appel de Grenoble.
Voir le corrigé en fin de rubrique.

2) Corrigés
Test de compréhension
1. Après la réforme de 1975, le mineur même émancipé ne pouvait être ni commer-
çant ni associé dans une société conférant la commercialité à ses membres. La loi
no 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité
limitée a modifié les articles L. 121-2 du Code de commerce et 413-8 du Code civil qui
disposent désormais que « le mineur émancipé peut être commerçant sur autorisation
du juge des tutelles au moment de la décision d’émancipation ou du président du
tribunal de grande instance s’il formule sa demande après avoir été émancipé ». On
est alors revenu à la situation antérieure à 1975. Le mineur émancipé sous condition
d’autorisation peut être commerçant, le mineur non émancipé n’en a pas la capacité.
Une réserve s’impose toutefois s’agissant de la lettre de change puisque, en l’absence
de modification des dispositions de l’article L. 511-5 C. com., cet acte de commerce
par la forme reste interdit à tous les mineurs.
2. La coutume est un usage suffisamment régulier et constant pour que l’on en vienne
à considérer qu’il est obligatoire. Elle joue un rôle important en droit commercial. La
coutume contra legem est une coutume contraire à la loi. La jurisprudence admet
deux coutumes contra legem relatives au régime des actes de commerce. La première
est celle qui présume la solidarité en matière commerciale alors qu’il résulte des termes
de l’article 1202 du Code civil que la solidarité ne se présume pas. De même, la
jurisprudence commerciale admet plus largement l’anatocisme en droit commercial
contrairement aux dispositions de l’article 1154 du Code civil qui exige que certaines
conditions soient satisfaites.

Commentaire d’arrêt
Faits ; procédure ; enjeu pratique et intérêt théorique évidents de l’arrêt qui répond à
deux questions de droit tenant à la qualification juridiques des parties au litige, d’une
part, et aux règles probatoires applicables, d’autre part.

98
4 Le régime des actes de commerce

Ainsi, à l’occasion d’une question classique de preuve de l’existence d’une créance, la


Cour de cassation revient sur les critères de la commercialité et sur les règles
probatoires spéciales en matière commerciale. Cet arrêt est l’occasion ainsi d’illustrer
l’importance de la qualification juridique des faits, dont découle le choix des règles

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applicables.

I. Les critères de la commercialité


A. La commercialité par la forme
Rappel de la notion d’actes de commerce par la forme.
Certaines sociétés, en raison de leur forme sociale, sont commerciales (C. com.,
art. L. 210-1).
En l’espèce, si la Sci n’est pas une société commerciale par la forme, la SAD est une
société anonyme qui, du seul fait de sa forme juridique, est soumise au droit
commercial.

B. La commercialité par nature


Certains actes, en raison de leur objet, sont par nature commerciaux (C. com.,
art. L. 110-1 et L. 110-2).
Si en principe l’achat pour revendre est l’archétype de l’acte de commerce par nature,
l’art. L. 110-1 du Code de commerce énonce une exception (discutable) pour les
opérations de promotion immobilière.
En l’espèce (1er moyen), la Sci a été constituée pour acquérir un terrain, y édifier des
immeubles en vue de leur revente. La Cour de cassation approuve donc la cour
d'appel d’avoir retenu qu’elle n’effectuait pas d’actes de commerce. Cette qualifica-
tion juridique va avoir une incidence directe sur le régime applicable.

II. Les enjeux de la commercialité


A. L’admission de la liberté de la preuve
Les actes de commerce sont soumis à un régime juridique spécial. Présentation des
règles spéciales applicables en matière de preuve, et plus précisément de leur champ
d’application (C. com., art. L. 110-3).
Parce qu’elles ne sont applicables qu’entre commerçants pour la preuve d’opérations
commerciales, ces règles ne sont pas applicables entre des non-commerçants, fussent-
ils des professionnels intervenants dans une opération commerciale (1er moyen).
De même, et pour les mêmes raisons, un commerçant ne peut en bénéficier à l’égard
d’un non-commerçant.
En revanche, un non-commerçant (ici la société X) bénéficie de la règle de la liberté de
la preuve à l’égard d’un commerçant (ici la SAD ; 2nd moyen). C’est là l’application du
régime distributif propre aux actes mixtes.

B. La portée de la liberté de la preuve


Présentation du contenu de la règle, par comparaison avec les règles de droit civil
régissant la preuve de l’existence d’un acte juridique (et notamment art. 1359 s. C. civ.).
Si en droit civil nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, en droit commercial le
principe de liberté de la preuve permet de déroger à ce principe.

99
Droit commercial

En l’espèce, la société X ne dispose que d’éléments de preuve émanant d’elle-même.


Si ces éléments ont été à juste titre écartés par la cour d'appel à l’égard de la Sci,
également non commerçante (1 er moyen), l’arrêt de la cour d'appel est cassé pour
avoir appliqué les règles du droit civil à l’égard de la SAD, commerçante (2 nd moyen). Il

international.scholarvox.com:UCAO Côte d'Ivoire:1072552606:88866183:160.154.157.247:1574650573


convient dans cette partie de s’interroger sur la solution qui pourrait être adoptée par
la cour d'appel de renvoi.

Débats
Les intérêts pratiques de la distinction des actes de commerce et des actes civils.
Le commerce électronique va-t‑il remettre en cause les principes du droit de la preuve
commerciale ?
Les incertitudes résultant de l’incapacité civile des commerçants.
Le rôle du formalisme en droit commercial.
Peut-on parler d’autonomie du droit commercial ?

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