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2008-

2009

Droit du commerce
international
Cours à l’intention des étudiants de Master I et II des écoles de commerce et
des universités.

Ce cours est une introduction au droit du commerce international. Il fait


un amalgame entre la conception classique du commerce international, par la
présentation des méthodes du droit commercial international, et les
développements récents que connaît la notion de commercialité, par le rôle
croissant que jouent les organisations internationales et assimilées telles que
l’organisation mondiale du commerce, l’UNIDROIT etc. L’action de ces
organisations ayant pour effet de modifier la nature de l’intervention des acteurs
du commerce international.
En aucun cas cette introduction au droit du commerce international ne
saurait se substituer aux ouvrages et manuels plus exhaustifs traitant de la
matière.

J. Jean Louis Correa, Docteur en droit (Lausanne), LL.M.


(Lausanne, Genève)
Droit du commerce international

Introduction générale

I. Les méthodes du droit du commerce international


a. Les règles matérielles ou substantielles
b. La méthode conflictualiste

II. Les opérateurs du commerce international


a. Les opérateurs institutionnels
b. Les opérateurs non institutionnels

III. Les opérations du commerce international


a. La vente internationale
b. Les contrats liés à la vente internationale et au
financement

IV. Le règlement d’un différend du commerce international


a. Le recours au juge étatique
b. Le recours à l’arbitrage

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Introduction générale

Dans un monde largement dominé par les échanges, il n’est guère besoin
d’insister sur l’importance du commerce international. Echanges de
marchandises et de biens immatériels, mouvements de capitaux, délocalisations,
transnationalisation des entreprises et des activités sont devenus la toile de fond
de notre information quotidienne. Il n’est donc pas illogique de situer le droit du
commerce international dans la perspective unitaire imposée par la
mondialisation des échanges. Mais le seul droit qui corresponde à cette
perspective est un droit qui tend à traduire en obligations juridiques à la charge
des Etats les indications de la science économique. Ce droit, élaboré par et pour
les Etats, n’atteint que médiatement la société des marchands, ce droit est le
droit international économique. Il tend à assurer un plus grand degré d’efficacité
et, si possible, d’équité au système économique international.1
Dans sa sphère, le droit du commerce international, a pour objet de fournir
les règles applicables aux relations qui se nouent et aux opérations qui se
constituent entre les opérateurs économiques lorsque ces relations et ces
opérations impliquent des mouvements de produits, services ou valeurs
intéressant l’économie de plusieurs Etats. Le droit du commerce international est
un corps de règles régissant les relations commerciales qui ne se déroulent pas
entièrement dans la sphère économique d’un seul Etat. Il s’agit d’une situation
ou une relation juridique sera régie par un corps de règles spécifiques si elle
présente un double caractère commercial et international. Il s’agit de la branche
du droit qui a pour objet de fournir des règles aux activités économiques
internationales. Cette définition mérite d’être précisée à trois égards. L’activité
économique, les participants à celle-ci et l’élément d’internationalité.

1
Jean-Michel Jacquet ; Philippe Delebecque ; Sabine Corneloup, Droit du commerce international, Paris,
Dalloz, 2007, 1ère éd., 851 p. p. 2.

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a. L’activité économique ou commerciale
L’activité peut être juridique ou matérielle. Lorsqu’elle est juridique elle
prend la forme d’un contrat ou d’une figure sociétaire. Le caractère économique
de l’activité est essentiel. C’est bien de commerce dont il s’agit dans la mesure
ou les activités économiques sont avant tout relatives aux échanges et aux
mouvements de biens ou de services de nature à favoriser la création de
richesses. La commercialité est une notion difficile à cerner car si certains actes
sont absolument civils (donation) et d’autres toujours commerciaux (signature
d’une lettre de change), la plupart des actes peuvent être civils et commerciaux
(vente, dépôt, transport). La notion de commercialité et surtout la commercialité
internationale en particulier se sont transformées. Au sens classique c’était un
échange maintenant il s’agit d’une production.
Le commerce implique l’échange, la circulation. Le commerçant est un
médiateur intéressé. Il accomplit des actes d’entremise entre le producteur et le
consommateur. Il fait du trafic de marchandises, d’argent, d’intermédiaires.
-Trafic de marchandises : couvre l’achat de biens pour les revendre après leur
transformation
-Trafic d’argent : activité bancaire et d’assurance
-Trafic d’intermédiaire : activité de courtier et d’assurance
► Concessionnaire : pour le compte d’autrui et en son nom personnel
► Mandat : au nom et pour le compte
► Courtier : Met en relation deux personnes
Le droit du commerce international englobe toutes ces opérations d’échanges et
tous les services indispensables à la vente (le crédit c'est-à-dire financement et
moyen de paiement, l’assurance, le transport, les brevets et la propriété
intellectuelle)
Le commerce international a beaucoup évolué et le domaine de la
commercialité s’est également beaucoup élargit. Désormais le commerce
international ne concerne plus seulement les simples rapports d’exportation et

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d’importation. Il s’agit dorénavant de s’installer à l’étranger pour y produire et y
vendre les marchandises et services. On passe de l’échange classique à
l’investissement qui amène les opérateurs économiques à se déplacer pour
construire des usines, exploiter des mines, des champs pétroliers, à apporter de
l’aide sous forme de transfert de technologie. On constate donc un éclatement de
la commercialité qui englobe des domaines jadis exclus comme les professions
libérales, les activités culturelles et agricoles). C’est sous l’impulsion de l’OMC
que le champ de la commercialité classique a éclaté donnant lieu à un grand
débat sur ce qui compris ou hors du champ des négociations commerciales
internationales. Avec l’OMC, tous les biens et services susceptibles
d’appropriation individuelle et appréciables en monnaie font partie du champ
commercial. C’est en son sein que se déterminent le cadre et les limites des
biens et services susceptibles d’échange. Dès lors, pour déterminer le champ de
la commercialité il faut non seulement prendre en compte le champ classique
mais également les développements au sein de l’OMC. Nous présenterons plus
en détail le rôle et les travaux de l’OMC.

S’agissant des personnes actives dans le C.I, que l’on désigne


communément comme les opérateurs du commerce international, il s’agit par
excellence de ceux qui le réalisent. Ces opérateurs sont avant tout des personnes
privées, personnes physiques ayant le plus souvent la qualité de commerçant,
mais aussi le plus souvent des groupements reconnus par la loi et ayant la
personnalité morale. Les sociétés commerciales, qu’elles appartiennent ou non à
un groupe transnational de sociétés, sont les principaux acteurs du commerce
international.
Les Etats et les organismes publics qui dépendent d’eux peuvent aussi se
retrouver en situation d’opérateurs du commerce international. C’est souvent le
cas pour les Etats en développement qui assurent eux-mêmes la promotion et la
mise en valeur de leurs ressources minières, en contractant directement ou par le

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biais des établissements publics avec des sociétés commerciales étrangères
détentrices de la technologie requise. La participation de l’Etat peut prendre la
forme d’une joint venture, d’une société mixte etc. ceci appelle une précision sur
le troisième élément à savoir l’internationalité.

b. Le caractère international
Toutes les activités auxquelles nous venons de faire référence peuvent se
dérouler au sein d’un seul et même Etat. Dans ce cas, elles n’intéressent
nullement le droit du commerce international. Il est donc important de définir le
DCI. Une définition juridique et une définition économique peuvent coexister.
b.1. Le critère juridique
La définition la plus couramment retenue de l’internationalité consiste à
relever parmi les divers éléments d’un rapport juridique la présence d’un
« élément d’extranéité ». Les éléments significatifs de ce point de vue ne sont
pas nombreux. Il peut s’agir de la nationalité de la personne engagée dans le
rapport commercial, de leur domicile, résidence habituelle ou siège social s’il
s’agit d’une personne morale ou d’un être collectif. Il peut s’agir aussi du lieu de
conclusion ou d’exécution d’un acte juridique ou d’une obligation contractuelle,
du lieu de survenance d’un fait juridique, ou du lieu de situation d’un bien. Le
choix d’un élément d’extranéité montre que le point de vue utilisé pour
apprécier l’internationalité est toujours celui d’un Etat. C’est rapport à lui que
certains éléments du rapport sont considérés comme « étrangers ». La
qualification d’un rapport juridique comme international conduit donc à le
soumettre à une ou plusieurs lois, en fonction de ses aspects, les dispositions
déclarées applicables étant cependant les mêmes que celles qui sont appliquées
dans l’ordre interne aux relations purement internes. Pour exacte qu’elle soit,
cette conception de l’internationalité ne saurait être considérée comme seule
apte à rendre compte de la réalité profonde du DCI. L’observation a souvent été
faite que tous les éléments d’extranéité n’ont pas le même poids, ni la même

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signification. L’expérience démontre cependant que l’internationalité peut avoir
une signification propre en matière d’activités économiques.
La définition du caractère international ne dépend pas du critère juridique
c'est-à-dire la pluralité de liens juridiques avec différents pays. Si un malien
achète à un sénégalais un bien fabriqué, livré et payé au Sénégal, l’affaire sera
régit par le droit sénégalais. La nationalité n’a aucune incidence sur la loi
applicable. Le droit du commerce international n’est pas concerné.

b.2. Le critère économique ou matériel2


L’opération est internationale quand elle ne se déroule pas entièrement
dans la sphère économique d’un seul Etat. C’est le cas lorsqu’il y a mouvement
de biens, de services, par delà des frontières. Le critère économique a été adopté
par la jurisprudence française a travers une affaire Matter du 17 mai 1927 en ces
termes « pour être commercial le contrat doit produire un mouvement de flux et
de reflux au dessus des frontières, des conséquences réciproques dans un pays et
dans l’autre. » Il faut donc que l’opération intéresse par ses aspects économiques
plus d’un Etat et qu’elle implique un mouvement de biens, de services ou de
règlement à travers les frontières. L’opération doit donc mettre en cause les
intérêts du commerce international. Cela est le cas lorsque le contrat intéresse
l’économie de plusieurs pays. On voit apparaître des règles substantielles
propres aux opérations du CI conditionnées par la mise en cause des intérêts du
CI. Cependant, comme nous le verrons au cours de cet enseignement, selon que
ce soit du droit uniforme (comme la Convention de Vienne sur la vente
internationale de marchandises) ou les différentes règles de conflit nationales, le
critère juridique, matériel ou mixte peut être adopté.
Le droit du commerce international s’abreuvant à plusieurs sources, les
difficultés de l’appréhender n’en étant que plus grandes, son étude se fera
d’abord en essayant d’en saisir les méthodes (I), les acteurs (II) et leurs actions
2
Nous verrons que la CVIM utilise un autre critère pour déclarer une vente internationale à savoir
l’établissement des parties dans deux Etats différents au moment de la conclusion du contrat.

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(III), et les solutions apportées au règlement des différends nés de leurs activités
(IV).

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I. Les méthodes du droit du commerce international
Le droit du commerce international a des méthodes particulières qui
empruntent beaucoup au droit international privé (DIP). La principale méthode
empruntée au DIP est la méthode du conflit des lois. Le conflit de lois est la
partie du droit international privé qui permet de déterminer quelle loi va être
appliquée au cours d'un litige présentant des éléments d'extranéité. Ainsi, une
fois que le juge sénégalais est saisi du litige, il conviendra de trouver la loi
applicable aux questions de droit posées. Partant du principe que le juge
sénégalais peut appliquer une loi étrangère, et que les différentes lois étrangères
présentant des liens avec le litige ont une vocation théorique à s'appliquer, ont
été élaborées des règles de conflit de lois.
Elles présentent des caractères généraux. La règle de conflit de lois est
une règle abstraite, indirecte (elle ne permet pas de résoudre la question de fond
posée, mais uniquement de déterminer la loi compétente pour résoudre cette
question de droit substantiel), et neutre (la solution substantielle n'est pas prise
en compte dans la détermination de la loi applicable). Deux approches peuvent
être utilisées pour résoudre un conflit de lois. La première consiste, pour
diverses raisons, à appliquer directement une loi substantielle à une relation
privée présentant un élément d’extranéité et la seconde consiste dans l’édiction
de règles de conflit, c’est la méthode conflictualiste.

A. Les règles matérielles ou substantielles


Une distinction mérite d’être faite entre les règles d’origine nationale et
les règles nées des conventions internationales ou de la pratique du commerce
international.
1. Les règles matérielles nationales
Elles sont de création prétorienne c'est-à-dire jurisprudentielle ou même
étatique, comme en matière d’arbitrage internationale. Mais dans ce domaine
c’est l’action de la jurisprudence qui est la plus remarquée. Ces règles servent à

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donner une plus grande liberté aux opérateurs du commerce international. Elles
sont au nombre de trois.
- La validité des clauses or et des clauses monétaires dans les contrats
internationaux
- L’autonomie de la clause compromissoire dans l’arbitrage international
- L’aptitude de l’Etat et des établissements publics à soumettre leurs
litiges à l’arbitrage en cas de mise en jeu des intérêts du commerce
international.
2. Les règles matérielles nées principalement des conventions
internationales et d’autres instruments internationaux
Les règles du droit international privé sont des règles substantielles se
présentant souvent sous la forme de traités internationaux qui ont vocation à
s’appliquer dès lors qu’une situation, présentant des éléments d’extranéité, peut
ainsi être qualifiée de situation internationale et qu’elle entre dans le champs
d’application du traité.
Les règles matérielles de droit international privé sont l’une des
principales manifestations de la présence dans un ordre juridique étatique des
règles propres aux rapports internationaux. A ce titre, en matière de vente
internationale, il y a la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur laquelle nous
reviendrons plu loin.
3. Les règles issues du commerce international
En dehors de toute référence à une réglementation étatique, les
commerçants ont crée eux-mêmes un ensemble de règles organisant les
transactions commerciales internationales. C’est un droit spontané composé
d’usage appelés « lex mercatoria ». Quelques exemples suffisent pour vérifier
l’importance de ces règles. Il y a les contrats types que des entrepreneurs
regroupés en association élaborent pour servir de modèles à une catégorie
donnée d’opérations commerciales internationales. Il y a les conditions
générales qui des pratiques spontanée suivies par les opérateurs économiques et

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qui ont été codifiées pour chaque branche sous forme de conditions générales.
Les commerçants peuvent s’y référer dans les contrats qu’ils concluent. Il y a
enfin les incoterms qui sont un regroupement des principaux termes utilisés par
les commerçants dans les ventes internationales.

B. La méthode conflictuelle
C’est la situation dans laquelle le juge devra trancher le litige en
appliquant la loi désignée par une règle de conflit de lois. Ces règles de conflits
peuvent trouver leur source dans des conventions internationales (par exemple la
Convention de Rome en matière d'obligations contractuelles) ou dans le droit
interne. Il y a plusieurs méthodes de conflit dont certaines ne posent aucune
controverse. Il est admis que la procédure est soumise à la lex fori c'est-à-dire la
loi du juge saisi. Les biens relèvent de la loi du lieu de situation (lex rei sitae),
pour déterminer la capacité des parties, il faut se référer à la loi nationale de
chaque partie. Les conditions de forme du contrat sont soumises au droit du lieu
de conclusion. Les parties étant libres de déterminer la forme. Quant au fond du
contrat, la règle actuellement et universellement consacrée est celle de
l’autonomie. Cela signifie que le contrat sera soumis à la loi choisie par les
parties. Quelle est la portée de ce choix et que faire en cas d’absence de choix ?

1. La portée du choix des parties


Il y a deux courants que sont les objectivistes et les subjectivistes.

1.1. L’objectivisme
Pour ces derniers l’autonomie des parties est limitée en matière d’élection
de droit, les parties ne pouvant que localiser le contrat en choisissant son lieu de
conclusion et de formation. Il appartient au juge de déduire de cette localisation
le droit applicable au contrat. Pour les objectivistes, la loi ne peut être l’objet de
stipulations contractuelles. Les écueils de l’objectivisme tiennent à la limitation

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apportée à la liberté contractuelle et la méconnaissance des spécificités du
commerce international.
1.2. Le subjectivisme
Le subjectivisme défend la position contraire de l’objectivisme. Pour les
subjectivistes, les parties peuvent déterminer la loi applicable tout comme elles
peuvent fixer le contenu de leur accord. Il s’agit d’une mise en œuvre sans
concession de l’autonomie de la volonté et de la liberté contractuelle. Dès lors,
les parties peuvent :
¾ choisir une loi qui n’a pas aucun lien avec l’opération
¾ choisir la loi applicable en excluant toute disposition nouvelle cette
loi. Ce sont les clauses de stabilisation de la loi.
¾ Les parties peuvent exclure les dispositions impératives de la loi
applicable.
¾ Les parties peuvent soumettre leur contrat à plusieurs lois dont
chacune réglera une partie spéciale du contrat. C’est le dépeçage
du contrat.
¾ Les parties sont enfin libres de ne soumettre leur contrat à aucune
loi établissant ainsi un « contrat sans loi ».
Le subjectivisme, bien que séduisant, est généralement critiqué et a été
sévèrement condamné par la Cour de cassation française notamment à travers
son arrêt « Messageries maritimes » de 1950. Dans cette décision la Cour dit
pour droit que tout contrat international est nécessairement rattaché à la loi d’un
Etat. C’est une condamnation du contrat sans loi.
S’agissant des critiques, elles tournent généralement autour du « contrat sans
loi ». Pour ses détracteurs, aucun contrat ne peut se passer de loi dans la mesure
où celle-ci est nécessaire pour déterminer ce qu’est un contrat et aussi protéger
les tiers. Même dans les cas où les parties préfèrent régler leur litige par
arbitrage et se passer du juge étatique, il leur faut, pour s’assurer de l’exécution
de la sentence arbitrale, recourir à la loi notamment à l’exequatur.

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2. L’absence de choix
La loi applicable dépend en cas d’absence de choix des parties de la
localisation du contrat. Diverses solutions ont été proposées. Des solutions
abstraites adoptant des critères de rattachement général et des solutions
concrètes et analytiques qui adoptent le rattachement à chaque type contrat et é
chaque type de contrat. Il y a également la Convention de Rome de 1980 qui
adopte une présomption simple de rattachement.

2.1 Les solutions abstraites


Elles retiennent comme critère de rattachement la nationalité des parties,
le lieu de conclusion ou d’exécution du contrat. La nationalité commune comme
critère de rattachement a été contestée parce que la nationalité est étrangère à la
relation patrimoniale. A défaut de nationalité commune, le domicile commun
des parties n’échappe pas non plus à la critique. Les deux parties peuvent avoir
un domicile commun mais cela n’empêche que le contrat doit s’exécuter dans un
autre pays ou porte sur un bien immobilier qui est dans un autre pays. La
solution classique du lieu de conclusion (lex loci conclusionis) était très en
vogue autrefois et demeure jusqu’à présent en Italie. Mais ce lieu de conclusion
peut être fictif ou choisi arbitrairement. Que faire en cas de contrat entre absents
ou plus précisément entre personne non présentes? Le droit allemand retient le
lieu d’exécution mais ce lieu peut être indéterminé et peut également poser
problème quand l’exécution se déroule dans plusieurs pays.
Le droit sénégalais a retenu la très célèbre « fausse solution à un vrai
problème » à travers les dispositions de l’article 82 du COCC. « Entre absents, le
contrat se forme comme entre personnes présentes au moment et au lieu de l’acceptation.
Cependant, si l’offre est acceptée tacitement, le contrat se forme au moment où
l’acceptation tacite est réputée être intervenue ». Cette solution n’en est pas une.

D’abord, elle peut faire l’objet de critiques quant à la forme pour la maladresse
de rédaction. Le terme absent est impropre parce qu’il ne traduit pas la réalité
visée, l’absent étant en droit la personne dont on est resté longtemps sans

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nouvelles.
Mais, il s’agit là d’une critique vénielle. C’est au fond que l’article 82 est
surtout contestable. Le texte semble dire que le contrat entre personnes non
présentes se fait de la même façon qu’entre personnes présentes et que le contrat
est conclu au lieu et au moment où l’acceptation est intervenue. Il faut d’abord
remarquer que l’assimilation avec les personnes présentes est impossible parce
qu’objectivement les deux contractants sont éloignés l’un de l’autre. Par
définition, cela ne peut pas se passer comme entre personnes présentes. Il s’y
ajoute qu’entre personnes présentes le problème de la détermination du lieu et
du moment ne se pose pas parce que tout se fait en même temps. Chaque partie
sait que son contractant a dit Oui de façon instantanée. L’hésitation n’est pas
permise. Mais, si l’on s’en tient à la lettre de l’article 82, alinéa 1er on peut
estimer a priori qu’on a consacré la théorie de la réception si le contrat se forme
comme entre personnes présentes parce que dans ce cas l’offrant sait que
l’acceptant a dit Oui. Or, dans le même temps, l’alinéa 1er dispose que : « Le
contrat est formé au moment et au lieu de l’acceptation ». Si c’est le lieu de
l’acceptation qui détermine la formation du contrat, alors c’est la théorie de
l’émission. Il y a par conséquent dans le même alinéa deux solutions
contradictoires. C’est pourquoi l’article 82 n’apporte pas de solution au
problème posé. Mais il y a pire, parce que l’alinéa 2 semble apporté une solution
différente, or il dit la même chose.
Finalement, l’existence de texte ne règle pas le problème en droit
sénégalais et on peut même dire que l’opacité est plus grande qu’en droit
français. Nul ne peut affirmer quelle est la solution retenue par le droit
sénégalais en matière de contrats par correspondance. On peut tout au moins se
rassurer parce qu’il est possible aux parties de prévoir dans une clause quelle est
la date de formation de leur accord. La détermination de cette date n’étant pas
d’ordre public. Si on ne se réfère qu’à ce texte, la détermination du juge
compétent reste très problématique en droit sénégalais.

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2.2. Les solutions analytiques (The proper law of the contract)
Le critère de rattachement n’est pas fixé pour toutes. C’est au juge de
déterminer le centre de gravité du contrat en vue de fixer la loi qui convient le
mieux au contrat. Dans un arrêt du 6 juillet 1959 la Cour de cassation française
affirme que la loi applicable au contrat en ce qui concerne sa formation, sa
conclusion, ses effets est celle que les parties ont adoptées et qu’à défaut de
déclaration expresse de leur part, il appartient au juge du fond de rechercher,
d’après l’économie du contrat et les circonstances de la cause, quelle est la loi
qui doit régir les rapports des contractants. Certains indices sont jugés sans
valeur localisatrice, l’accent étant mis sur la prestation caractéristique sans que
celle-ci ne se transforme à son tour en un critère unique de rattachement.

-Les indices sans valeur localisatrice


o Le choix d’une langue ne signifie pas forcément que les
parties ont voulu faire un lien avec le pays ou la langue est
parlée. Ce choix pouvant servir à faciliter les négociations.
o Le choix d’une monnaie peut être dû à la confiance
qu’inspire cette monnaie d’où la possibilité d’appliquer la
législation de cette monnaie mais seulement à titre de « lex
pecuniae » sans soumettre le contrat dans son ensemble à
l’entièreté de la législation de ce pays.

-La prestation caractéristique ou la Convention de Rome3


La convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux
obligations contractuelles est un texte qui s’applique aux Etats membres de
l’Union européenne. Il appartient à la CJCE, selon la technique du renvoi
préjudiciel, de procéder à son interprétation.
La convention de Rome confie une très grande liberté aux parties dans la

33
Jean-Michel Jacquet, Philippe Delebecque ; Sabine Corneloup, Droit du commerce international, Paris,
Dalloz, 2007, 851 p., pp. 203 ss.

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désignation de la loi.4 D’abord :
Les parties ne sont pas tenues de désigner un droit en relation avec leur
opération
Ensuite :
Les parties peuvent choisir une loi étrangère pour un contrat purement
interne mais en limite la portée par le respect des règles impératives de la loi du
pays auquel le contrat appartient par tous ses éléments.
Cependant les parties ne peuvent choisir d’une loi étatique, ce qui exclut
le recours à la lex mercatoria.
Lorsque les parties ont choisi le droit applicable à leur contrat,
l’expression de cette volonté peut ne pas, selon la convention, être expresse. En
effet, le choix des parties peut résulter « de façon certaine du contrat ou des
circonstances de la cause ». Cela peut résulter d’indications suffisamment
fermes et concluantes dans contrat, montrant que les parties se sont référées à
une loi, qu’elles n’ont pas pourtant désignées expressément comme loi du
contrat. Le choix peut intervenir également soit au moment de la conclusion du
contrat, ce qui est le plus logique et le plus recommandable, il peut intervenir
aussi après y compris au cours d’un procès.5
Quelle est la solution à défaut de choix des parties d’un droit applicable à
leur contrat ? A défaut de loi choisie par les parties, le contrat est régit par la loi
du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits (art. 4, al. 1). Le
contrat présente le lien le plus étroit avec le pays où la partie qui doit fournir la
prestation la plus caractéristique a sa résidence habituelle ou son administration
centrale, s’il s’agit d’une société, association ou personne morale.
La notion de prestation caractéristique est empruntée du droit international
suisse et « repose sur la considération que, dans de nombreux contrats, l’une des
parties doit effectuer une prestation sous forme monétaire (prix, loyer,

4
Jacquet et alii, op. cit. p. 203
5
Jacquet et alii, op. cit. p. 205

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redevance, prime) tandis que l’autre est tenue à une prestation (comme celle du
vendeur dans la vente, u du bailleur dans le bail…) considérée comme
caractéristique du type de contrat, alors que la pure prestation monétaire ne l’est
pas. Il s’agit du centre de gravité du contrat qui est situé au lieu où doit être
exécuté la prestation caractéristique du contrat (celle qui différencie le contrat
d’un autre) Ex : la prestation du vendeur dans la vente. Ce n’est pas l’argent qui
se trouve au cœur de toutes les ventes.
Cependant, dans des cas ou l’on doit protéger une partie au contrat contre
une autre,6 ou en raison de la particularité de certains contrats, ce critère peut
être retiré au profit d’autres plus appropriés. C’est ce que l’on appelle la clause
d’exception. Il s’agit des contrats portant sur les immeubles, les contrats de
transport de marchandises, les contrats conclus par les consommateurs C’est le
cas en droit du travail ou en droit des assurances.

6
Ex1 : Le droit applicable à la prestation de travail est le droit du lieu d’exécution de la prestation de travail.
Ex2 : La loi applicable au contrat d’assurance est celle de l’assuré considéré comme la partie la plus défavorisée.

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Conclusion partielle
Le commerce international mettant également en jeu des intérêts
économiques importants et pas seulement un élément d’extranéité, la règle de
conflit des lois peut conduire à l’application d’une norme non souhaitée par les
parties. Pour éviter cela, les parties peuvent également utiliser des règles
spécifiques au commerce international, c’est la lex mercatoria ou la loi des
marchands. Dès lors, dans le commerce international deux méthodes subsistent.
Il y a la méthode conflictuelle et la méthode substantielle. Ces deux méthodes
appartiennent au DIP.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 18


II. Les opérateurs du commerce international

Le commerce international met en rapport plusieurs opérateurs agissant à


des niveaux et avec des moyens différents. Ces opérateurs peuvent être présents
au niveau national, régional ou international. Ils peuvent également être privés
ou publics. Avoir une action directe ou indirecte sur le commerce international.
Cependant, la classification qui permettrait d’étudier tous ces opérateurs du
commerce international serait de voir quels sont les opérateurs institutionnels et
les opérateurs non institutionnels. Les premiers ayant pris beaucoup de poids
depuis l’avènement de l’OMC notamment.

A. Les opérateurs institutionnels


L’étude des opérateurs institutionnels nous permettra de voir que non
seulement les organisations internationales et assimilées (1), mais encore l’Etat
et ses émanations (2) sont actives dans le commerce international.

1. Les organisations internationales et assimilées


Plusieurs organisations internationales ou assimilées seront étudiées ici
(1.2). L’une d’entre elles, l’OMC (1.1), a fondamentalement bouleversé les
pratiques du commerce international, même si le rôle des autres O.I n’est pas à
négliger.
1.1. L’organisation mondiale du commerce
La création du GATT en 1947, qui était plus un accord commercial
multilatéral voire un accord en forme simplifiée qu’une véritable organisation
internationale fruit d’un traité du même rang, a permis d’étendre les principes
structurants du commerce bilatéral au commerce multilatéral.
Avec l’entrée en vigueur de l’Accord de Marrakech portant création de
l’Organisation mondiale du Commerce, suite à l’Uruguay Round, le rôle et
l’importance des règles du commerce multilatéral vont se renforcer sous l’effet
de plusieurs facteurs dont les plus significatifs sont: la mise en place d’un

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 19


système de règlement des différends entre les Etats, talon d’Achille de l’ancien
système GATT, l’existence d’une véritable organisation internationale qui du
point de vue de son droit matériel, en plus d’intégrer l’Accord du GATT 1947 y
adjoint de nouveaux accords tels que l’Accord général sur le commerce des
services et l’Accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au
commerce. En plus de ces trois piliers, qui forment les Accords multilatéraux de
l’OMC, d’adhésion obligatoire; l’OMC compte aussi des accords dits
plurilatéraux dont l’adhésion est facultative. Cette nouvelle organisation issue de
l’Uruguay Round sert des principes bien définis, notamment celui de non-
discrimination, qui connaît des tempéraments prenant en compte les différences
de niveau de développement entre les Etats Membres.
1.1.1. Le principe de non-discrimination
La non-discrimination est la pierre angulaire du nouveau système de
l’OMC. Connue en premier dans les relations bilatérales entre Etats,
l’application et l’extension du principe dans le cadre du GATT-OMC se
manifeste essentiellement dans deux aspects que sont le traitement national et le
traitement de la nation la plus favorisée.

- Le traitement de la nation la plus favorisée


La clause de la nation la plus favorisée remonte à longtemps dans
l’histoire. Elle est définie comme étant «une stipulation par laquelle deux ou
plusieurs Etats se confèrent mutuellement les avantages qu’ils ont déjà accordés
et qu’ils viendront accorder à tout autre pays.» Très connue du droit
international, la clause permet d’assurer une égalité de traitement entre les Etats.
Son mécanisme, très simple, peut être décliné sous plusieurs formes dont l’une
d’elles est la suivante. Deux pays, le Japon et l’Allemagne signent une
convention dans laquelle est contenue une clause générale de la nation la plus
favorisée. En cas de reconnaissance d’un avantage particulier par le Japon à la
France, par exemple, cet avantage est automatiquement reconnu à l’Allemagne

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 20


par le fait de la clause de la nation la plus favorisée qu’elle a signée avec le
Japon. Dans un tel schéma, le Japon est le pays concédant, la France, le pays
favorisé et l’Allemagne, le pays bénéficiaire. Comme le dit Scelle, cette clause a
pour effet «d’unifier le droit positif conventionnel en élargissant
progressivement son aire territorial sans pour autant avoir comme autre effet de
le réviser. Les parties à l’accord de base -dans notre exemple le Japon et
l’Allemagne- profitant, tout comme le bénéficiaire de la clause, des avantages de
son extension à une tierce partie.
Le GATT de 1947 a joué un rôle essentiel dans la diffusion de la clause.
Précédemment limitée aux relations bilatérales, l’application de la clause au sein
du GATT a eu comme effet de rajeunir la clause et le recours qui pouvait y être
fait. Afin de montrer son importance dans le fonctionnement du GATT de 1947,
ce dernier y consacre son article premier. Selon cet article, la clause couvre des
domaines variés allant des avantages aux immunités en passant par les faveurs et
privilèges. Elle s’applique aux droits de douane, aux impositions, les droits
frappant les transferts de fonds, leur mode de perception, la fiscalité intérieure,
la commercialisation des produits.
Les dispositions de l’article 1er du GATT de 1947 peuvent avoir
beaucoup de conséquences. La première d’entre elles est la réduction voire la
soumission des accords bilatéraux au champ d’application du GATT. En effet,
tous les accords bilatéraux conclus entre Etats et portant sur le commerce sont
soumis au droit du GATT et les avantages mutuels consentis dans ce cadre
étendus aux membres de l’OMC. Par ailleurs, deux Etats peuvent aussi convenir
d’intensifier les avantages mutuels qu’ils se reconnaissent; dans ce cas de figure
également leurs concessions mutuelles sont attraits par l’article 1er du GATT
1947. Dans ces deux hypothèses la CNPF s’applique, à moins de stipulation
contraire expresse entre les parties. Comme le fait remarquer Imhoof, la clause,
dans le GATT de 1947, est l’expression positive du principe de non-
discrimination en ce sens que l’Accord général établit que chaque mesure qui

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 21


serait favorable à l’échange des produits entre deux Etats doit être étendue à
toute la communauté internationale.
La clause, combinée aux dispositions de l’article II, devrait avoir comme
effet une réduction des droits de douane entre les parties signataires du GATT
de 1947 dans la mesure où chaque partie dresse une liste de concessions
tarifaires au respect de laquelle elle s’engage. Celles-ci demeurent triennales,
l’Etat le souhaitant ne pouvant se retirer sans pour autant engager de
négociations préalables avec les autres membres de l’Organisation qui y ont
intérêt, à moins de circonstances spéciales de sous-développement économique
ou d’afflux important de produits étrangers.
Afin d’éviter le phénomène de «free ride» ou de GATT à la carte,
caractéristique du GATT 1947, les Etats ont prévu des mesures de défense
commerciale qui ne tiennent plus compte du principe du traitement national.

- Le traitement national
Le traitement national est une des modalités utilisées dans le commerce
entre Etats. Il est prévu par les dispositions de l’article III du GATT qui visent
un double objectif. D’une part, que les règles nationales en matière d’imposition
et de règlementations intérieures ne soient pas utilisées à des fins protectrices,
d’autre part, qu’un régime moins favorable que celui des produits nationaux ne
soit pas appliqué aux produits importés. Afin de mieux asseoir ces principes, la
réglementation se pose en trois étapes.
La première idée de la législation du GATT en la matière consiste, pour
les Membres, à reconnaître la nécessité de ne pas utiliser les règles en matière
d’imposition et les autres réglementations nationales à des fins protectrices de la
production nationale. Ensuite et pour mieux asseoir l’interdiction, les Membres
ont procédé à une double distinction entre les taxes et autres impositions, d’une
part, et les lois, règlements et autres prescriptions, d’autre part. S’agissant des
taxes et impositions, le texte de l’article III interdit aux Membres de frapper les

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 22


produits importés, directement ou indirectement, de mesures de cette catégorie
supérieures à celles appliquées aux produits nationaux similaires. Quant aux
lois, règlements et autres prescriptions, ils ne doivent pas induire un traitement
non moins favorable que celui accordé aux produits similaires d’origine
nationale.
Cette disposition peut paraître d’une évidente simplicité mais elle n’en
cache pas moins de nombreux problèmes de qualification. Les problèmes de
qualification les plus évidents surviennent avec des notions telles que
«production nationale» ou «produits similaires» et même le «traitement non
moins favorable ». Concernant les deux premières notions, la preuve que leur
entendement ne s’épuise pas dans les dispositions du GATT est rapportée par
l’existence d’accords spéciaux prévus par les Membres afin de mieux préciser la
portée de ces notions. En guise d’exemple, on peut citer l’accord sur les
sauvegardes et l’accord sur les règles d’origine qui déterminent des règles
relatives à ces deux notions.
Par ailleurs, plusieurs questions légitimes peuvent aussi être soulevées
concernant les dispositions de l’article III du GATT. On peut se demander si les
Membres ont toujours la possibilité d’introduire des droits de douane élevés afin
de protéger leurs industries nationales ou même s’ils ont le droit de les abaisser
pour des pays bien déterminés.

1.1.1. Les différents accords de l’OMC


L’organisation mondiale du commerce est organisée en piliers. Il en existe
trois. Le premier pilier est celui du GATT (General agreement on tarif and
trade) (3.2.1). Le deuxième pilier est l’accord général sur le commerce des
services (General agreement on trade in services ou GATS) et le troisième pilier
est l’accord sur les droits de propriété intellectuelle touchant au commerce
(3.2.3). Ces trois accords forment les accords multilatéraux de l’OMC. Ils sont

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 23


d’adhésion obligatoire. A côté, il y a les accords plurilatéraux dont l’adhésion
est facultative.

1.1.2. L’accord général sur le commerce des marchandises (GATT)


Ce premier pilier, comme nous l’avons vu existait déjà en 1947 et a été
intégré dans l’OMC après les accords de Marrakech. Cet accord porte sur les
marchandises et les droits de douane. Le rôle essentiel de cet accord est de
travailler à la réduction des droits de douane et des obstacles à la libre
circulation des marchandises. Le GATT est un accord obligatoire pour tous les
Etats membres de l’OMC. Cependant, certains aspects particuliers du commerce
des marchandises tels que le commerce des aéronefs civils et celui des textiles,
parce que problématiques, sont régis par des accords plurilatéraux.

1.1.3. L’accord général sur le commerce des services


Le GATS est une création de l’OMC. Il porte sur de nouveaux aspects du
commerce qui n’étaient pas pris en compte préalablement dans le commerce
mondial. Il porte sur tout ce que l’on appelait le commerce invisible. Le droit de
l’OMC définit le «commerce des services» comme étant «la fourniture d’un
service.» Cette dernière comprenant «la production, la distribution, la
commercialisation, la vente et la livraison d’un service.» Rappelons que
contrairement au GATT qui ne traite que des flux transfrontaliers de produits
comme mode unique de fourniture, l’AGCS, en tenant compte de la nature
différente des services, détermine quatre modes de fourniture de services qui
sont: le mode transfrontière,7 la consommation à l’étranger,8 la présence
commerciale,9 le mouvement temporaire de personnes physiques.10

7
Mode 1: C’est la situation où le service est fourni en provenance d’un Etat membre vers un autre Etat membre.
L’achat d’un logiciel informatique, la signature d’un contrat d’assurance, des conseils transmis par courrier
électronique des Etats-Unis vers l’Italie, par exemple.
8
Mode 2: Le consommateur se rend à l’étranger pour consommer auprès du fournisseur de services. C’est le cas
du tourisme, de l’éducation et de la formation et de soins de santé.
9
Mode 3: Le cas d’une entreprise étrangère qui ouvre une succursale sur le territoire d’un autre membre pour
vendre ses services dans le domaine bancassurance, par exemple.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 24


1.1.4. L’accord sur les droits de propriété intellectuelle touchant au
commerce
L’accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (en
anglais (TRIPS) se fonde sur les conventions de l’OMPI mais va au-delà. Il
s’applique notamment aux :
- Aux indications géographiques y compris les appellations d’origine ;
- Marques commerciales ;
- Dessins industriels ;
- Brevets ;
- Schémas de configuration de circuits intégrés et renseignements non
divulgués.
Les bénéficiaires de cet accord sont les ressortissants des Etats membres de
l’OMC. Il est donc doté à leur égard d’un effet direct. Il prévoit par exemple :
- La durée minimale de protection des droits d’auteur est fixée à 50 ans ;
- La nécessité de la lutte contre la contrefaçon ;
- Les programmes d’ordinateur doivent être protégés comme une œuvre
littéraire ;

1.1.5. Les investissements liés au commerce


Cet accord exclusivement lié au commerce transpose certains des
principes du GATT aux investissements liés au commerce, par exemple le
principe de la non-discrimination ou de l’interdiction des restrictions
quantitatives.
1.2. Les autres organisations internationales
L’action des ces organisations internationales concerne plusieurs niveaux
tels que le commerce international en général et les contrats du commerce
international (1.2.1), la finance (1.2.2), le transport international (1.2.3), la

10
Mode 4: Le cas de fournisseurs de services indépendants ou d’employés d’une entreprise multinationale
envoyés temporairement à l’étranger. Le consultant en informatique qui séjourne temporairement à l’étranger
pour une expertise. Voir Joseph Jean-Louis Correa, L’OMC à l’épreuve des accords de partenariat économique
et de l’intégration économique africaine, Genève, Bruylant, 2007, 304 p, pp. 145 et ss

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 25


propriété intellectuelle (1.2.4), le travail (1.2.5). Chaque continent ayant
également des instruments spécifiques reflétant cette l’importance des O.I dans
le C.I. (1.2.6).
1.2.1. Commerce international en général et contrats du commerce
international
Dans ce domaine plusieurs organisations sont actives telles que la
conférence des Nations-unies pour le commerce et le développement
(CNUCED), la commission des Nations-unies pour le droit du commerce
international (CNUDCI), l’institut international pour l’unification du droit privé
international (UNIDROIT), la conférence de la Haye du droit international
privé, la chambre de commerce internationale (CCI).

1.2.1.1. La CNUCED11
Il s’agit d’un organe appartenant au système des Nations-unies crée en
1964 par la conférence de Genève de 1964. La CNUCED a pour objectif
d’établir un régime général de commerce international intégrant les intérêts des
pays en développement. Elle compte 192 membres. Ses principales réalisations
sont
-avoir mis en place un système généralisé de préférence (1971) qui a pour
base d’accorder aux pays en développement des préférences tarifaires sans
réciprocité. Ex : accord ACP-CE ;
-avoir mis en place un système global de préférences commerciales entre
pays en développement (1989) ;
-les accords internationaux notamment sur le cacao, le sucre, le
caoutchouc naturel, les bois tropicaux, l’huile d’olive ou le blé.
La CNUCED publie un rapport annuel qui fait autorité portant sur le commerce
et le développement dans le monde.

11
Site internet www.unctad.org

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 26


12.1.2. La commission des Nations-unies pour le droit du commerce
international (CNUDCI)12
Créée par une résolution de l’Assemblée générale des Nations-unies du 17
décembre 1966, la CNUDCI est le principal organe juridique des Nations-unies
dans le domaine du droit du commerce international. Elle compte aujourd’hui 60
membres. Elle a pour objectif l’unification progressive des règles matérielles du
droit du commerce international. Ses textes ne sont certes pas imposés mais elle
a un rôle important et plusieurs de ses textes font autorité en matière de C.I.
Parmi ces textes le plus important est la convention des Nations-unies sur les
contrats de vente internationale de marchandises dite convention de Vienne du
11 avril 1980, entrée en vigueur le 1er janvier 1988.13 Les autres textes que l’on
peut citer sont :
- La convention de new York du 14 juin 1974 sur la prescription en
matière de vente internationale de marchandises ;
- La convention des Nations-unies sur le transport de marchandises par
mer de 1978 ;
- La loi type sur l’arbitrage commercial international de 1985 ;
- La loi type sur les virements internationaux de 1992 ;
- La loi type sur le commerce électronique de 1996 ; la loi type sur les
signatures électroniques de 2001.

1.2.1.3. L’Institut international pour l’unification du droit privé


(UNIDROIT)
Crée à Rome en 1926, l’UNIDROIT œuvre pour l’unification et
l’harmonisation du droit privé dans le domaine économique. C’est un institut
très actif dont l’activité est intense dans le domaine du droit du commerce

12
Site internet www.uncitral;org
13
Le Sénégal n’est pas signataire de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises
(CVIM).

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 27


international. Il est à l’origine des principes relatifs aux contrats du commerce
international en 1994.
1.2.1.4. La conférence de la Haye du droit international privé
Il s’agit d’une organisation intergouvernementale datant de 1951. Son
objectif est d’œuvrer à l’unification internationale en droit international privé.
Dans ce cadre, ses principales réalisations sont relatives au droit international
privé de la famille. Dans le domaine du commerce international, une de ses
principales réalisations est la convention de la Haye du 15 juin 1955 sur la loi
applicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels.

1.2.1.5. La chambre de commerce internationale


Elle symbolise les origines du C.I. Elle n’est pas une organisation
internationale mais une institution privée constituée d’acteurs privés du
commerce international. Créée en 1919 à l’initiative d’hommes d’affaires
américains, la CCI est une association de droit privé ayant son siège à Paris. Elle
a un rôle fondamental dans le domaine du commerce international. Trois aspects
seront relevés ici :
- l’aspect consultatif : la CCI a de nombreux contacts avec l’OCDE et
l’Union européenne et participe à l’élaboration de nombreuses conventions ;
- l’aspect normatif : c’est un des plus importants. Elle œuvre ainsi
directement à l’élaboration des règles matérielles du commerce international. On
peut citer notamment : les international commercial terms (INCOTERMS), les
règles et usances uniformes sur le crédit documentaire, les règles uniformes sur
les garanties autonomes.
- l’aspect quasi judiciaire. La Cour internationale d’arbitrage de la CCI
joue un rôle très important. Elle possède un centre international d’expertise.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 28


1.2.2. La finance
Deux organisations internationales, organes subsidiaires des Nations-
unies, jouent un rôle également important en matière de commerce international.
Il s’agit respectivement du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque
pour la Reconstruction et le Développement plus connue sous l’appellation
Banque Mondiale.
1.2.2.1. Le Fonds Monétaire International (FMI)14
Issu des accords de Bretton Woods de 1944, le FMI avait pour fonction
d’éviter les crises monétaires en organisant un système de parité fixe des
monnaies avec pour base le dollar. Le FMI compte 185 pays membres et se fixe,
aux termes de l’article 1er de ses statuts, plusieurs missions :
-promouvoir la coopération monétaire internationale
-faciliter l’expansion et la croissance équilibrée du commerce mondial
-œuvrer à la promotion de la stabilité des changes
-aider à l’établissement d’un système multilatéral de règlement des
transactions courantes entre les Etats membres et à éliminer les restrictions de
change qui nuisent au commerce international.

1.2.2.2. La Banque mondiale15


C’est également une institution des Nations-unies créée en même temps
que le FMI par l’accord de Bretton Woods. Elle compte 185 membres. Il s’agit
de la principale organisation de financement de des pays en voie de
développement.

1.2.3. Le transport international


Les principales organisations sont :
- Transport maritime

14
Site internet www.imf.org
15
Site internet www.worldbank.org

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 29


Il y a l’organisation maritime internationale,16 organisation spécialisée des
Nations-unies qui compte pas moins de 166 Etats membres et 2 Etats associés.
L’OMI a permis l’élaboration de plusieurs conventions internationales
notamment la convention de 1969 et 1971 sur la responsabilité du propriétaire
de navire en cas de pollution par les hydrocarbures ; la convention de 1974
relative au transport par mer des passagers et de leurs bagages.
-Transport terrestre
Dans le domaine du transport routier,17 on peut citer l’Union
internationale des transports routiers (IRU) fondée le 23 mars 1948 qui compte
pas moins de 180 membres. Il s’agit essentiellement d’un regroupement de
fédérations nationales des transports routiers.
Dans le domaine du transport ferroviaire, l’Organisation
intergouvernementale pour les transports inter ferroviaires (OTIF) existe depuis
le 1er mai 1985 et compte 42 membres. Elle est assistée par l’office central des
transports internationaux ferroviaires. Elle gère la convention internationale sur
le transport de marchandises par chemin de fer dite convention de Berne du 14
octobre 1890.
Dans le domaine du transport aérien, on peut citer l’organisation de
l’aviation civile internationale18 créée par le traité de Chicago de 1944. Organe
spécialisé des Nations-unies, l’OACI veille à l’application correcte du régime de
la navigation et du transport aérien établi par la convention de Chicago et ses
deux annexes.
1.2.4. La propriété intellectuelle
On peut citer l’organisation des Nations-unies dénommée organisation
mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)19 qui a pour objectif la promotion
de la propriété intellectuelle dans le monde. Son action est importante dans le

16
Site internet www.imo.org
17
Site internet www.iru.org
18
Site internet www.icao.org
19
Site internet www.wipo.org

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 30


domaine de l’information et de la coopération. Elle compte 183 membres. Elle
administre des conventions très anciennes telles que la convention de Paris de
1883, l’Arrangement de Madrid de 1891 pour l’enregistrement international des
marques ou encore la convention de Berne de 1886 pour la protection des
œuvres littéraires et artistiques. Elle a mis en place en 1994 un centre d’arbitrage
pour les litiges de propriété intellectuelle.
1.2.5. Le travail
On peut citer l’Organisation internationale du travail.20 Elle a pour
objectif l’amélioration des conditions de travail et le développement des règles
internationales de travail.
1.2.6. Les organisations régionales
On Afrique on peut citer l’OHADA, l’UEMOA, et la CEDEAO pour
l’Afrique de l’ouest. La CEMAC pour l’Afrique centrale et la SADC pour
l’Afrique australe. En Amérique, il y a l’accord de libre échange nord américain
(ALENA) entre le Canada, le Mexique et les Etats-Unis. En Asie on peut citer
l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande. Enfin en
Europe on peut citer l’Union européenne21 instituée par le traité de Rome de
1957.

2. L’Etat et ses émanations


L’activité de l’Etat dans le commerce international n’a cessé de croitre
depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Doté d’attributs que les personnes
privées n’ont pas, la participation de l’Etat au C.I peut dès lors poser des
problèmes relativement à deux points précis tels que, d’une part, le sort des
engagements pris par un Etat dans un contrat conclu avec des partenaires privés
étrangers. De tels contrats sont appelés contrat d’Etat. Le contrat peut il être

20
Site internet www.ilo.org
21
L’union européenne a été créée par le traité de Maastricht du 07 février 1992 qui a également transformé la
Communauté économique européenne (CEE) en Communauté européenne (CE) et adopté la monnaie unique.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 31


stable ou équilibré alors que l’Etat dispose de prérogatives de puissance
publique ?
D’autre part, la participation de l’Etat à une procédure de règlement des
litiges hors de son propre système judiciaire est-il possible ? L’Etat peut il être
partie à un arbitrage international ?
2.1. La notion de contrat d’Etat
Est appelé contrat d’Etat le contrat qui lie un Etat à une personne privée
étrangère.22 Il s’agit de contrats que l’on retrouve généralement dans le paysage
juridique des Etats en développement ou des Etats nouvellement industrialisés23
dans la mesure où ce type de contrat met en relation, généralement une
entreprise du nord à un Etat du Sud. Cependant, tous les contrats d’Etat ne
peuvent pas être rangés dans la même catégorie mais la plupart ont généralement
pour objectif la réalisation d’un projet qui mérité le qualificatif d’investissement.
Ce terme, malgré qu’il soit très usité, n’a pas reçu une véritable définition.
Cependant, la jurisprudence, qui en a une définition relativement stricte, exige
plusieurs critères qui sont : L’existence d’un apport, une certaine durée
d’exécution, une participation aux risques de l’opération, et dans une mesure
moindre, une contribution au développement économique de l’Etat
d’accueil. L’Etat agit en une double qualité, il est Etat souverain, récepteur d’un
investissement devant prendre place sur son territoire, et partie à un contrat
conclu avec l’investisseur étranger. Au Sénégal, les contrats conclus entre l’Etat
et des « partenaires stratégiques » dans le domaine des télécommunications sont
des contrats d’Etats.24
Les contrats d’Etat, de par leur spécificité, posent un sérieux problème de
sécurité juridique. En effet, l’Etat, de par ses attributs, peut prendre des mesures

22
Jean Michel Jacquet ; Philippe Delebecque ; Sabine Corneloup, Droit du commerce international, Paris,
Dalloz, 1ère édition, 851 p., pp. 546 et ss.
23
Les pays développés utilisent également ce type de contrats mais cela est moins fréquent du fait du transfert
de certaines activités jadis gérées par l’Etat aux entreprises privées.
24
Il en va également de même pour de nombreux contrats signés entre l’Etat et des sociétés étrangères actives
dans l’exploration minière dans la région est du Sénégal par exemple le contrat entre l’Etat et Arcelor Mittal.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 32


de puissance publique (a) qui peuvent autoriser un investisseur étranger à douter
de la bonne fin de son opération. Pour éviter cela, des remèdes juridiques à cette
insécurité juridique peuvent être posés par l’opérateur économique étranger (b).

a. Les causes d’insécurité juridique

Ces actes de puissance publique prennent souvent la forme d’une


expropriation, d’une nationalisation, d’une résiliation ou modification
unilatérale du contrat ou des autorisations d’investissement pour cause de
changement économique. Il a été dit pour droit déjà en 1876 « dans aucun cas, il
n’appartient aux tribunaux, quelque «équitable que puisse leur paraître leur
décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier
les conventions de parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été
librement acceptées par les contractants »25. Ceci en raison du principe de
l’intangibilité des contrats.
La situation de l’imprévision est à distinguer du cas de force majeure26 car
si dans le premier cas il s’agit d’une exécution rendue plus difficile voire plus
onéreuse par certaines conditions économiques, dans le second cas il s’agit
d’une impossibilité matérielle d’exécuter ce à quoi on s’était engagé.27
L’insécurité juridique est à son comble lorsque le règlement du litige est
soumis aux propres tribunaux de l’Etat d’accueil. Pour éviter les conséquences
dommageables de l’exercice par l’Etat de sa puissance publique des remèdes
juridiques existent.

25
C’est la théorie de l’imprévision condamnée par la jurisprudence française à travers l’arrêt communément
appelé Canal de Craponne du 06 mars 1876. Selon cette jurisprudence, toujours d’actualité bien que plus ou
moins atténuée pour certains types de contrats, il est impossible pour le juge de procéder à la révision du contrat
suite à un changement des circonstances économiques. Notons cependant qu’en Europe seuls la France, la
Belgique et le Luxembourg restent attachés à la théorie de l’imprévision. En Afrique, le Sénégal, et sans doute
les autres pays francophones, consacrent toujours cette théorie. Dans le monde, une grande majorité de codes
prévoient la possibilité de réviser le contrat par suite de modification des circonstances économiques.
26
Pour qu’un événement présente les caractères de la force majeure il faut qu’il soit extérieur à la volonté des
parties, irrésistible et imprévisible.
27
Philp Hujo, Force majeure et imprévision : Etude comparatiste entre le droit français, le droit anglais, le droit
allemand, Grin Verlag, 2008, 100 p., p. 16 et s.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 33


b. Les remèdes à l’insécurité juridique
Lorsque les circonstances ayant présidé à la conclusion du contrat ont
changé et que ce changement provoque un déséquilibre financier entre les droits
et les obligations des parties, le droit sénégalais n’autorise pas la partie lésée à
solliciter un réaménagement judiciaire du contrat. Cette condamnation judiciaire
de l’imprévision appelle la mise en place de corrections contractuelles. Les
différentes techniques contractuelles que les parties peuvent utiliser sont les
suivantes :
-Les parties peuvent prévoir des clauses d’adaptation. Les plus
célèbres sont les clauses d’adaptation de la force majeure et la clause expresse
dite rebus stic standibus dont la clause dite de hardship. Celle-ci très pratiquée
n’en pose pas moins problèmes. En effet, pour Jacquet et alii, « il n’est pas
interdit de penser qu’un conseil, rédacteur d’acte, engagerait sa responsabilité,
s’il n’indiquait pas aux parties la possibilité qu’elles ont de recourir à pareille
clause. »
Selon les principes UNIDROIT, il y a hardship lorsque surviennent des
événements qui altèrent fondamentalement l’équilibres des prestations, soit que
le coût de l’exécution des obligations ait augmenté, soit que la valeur de la
contreprestation ait diminué et
a) que ces événements sont survenus ou ont été connus de la partie lésée
après la conclusion du contrat ;
b) que la partie lésée n’a pu, lors de la conclusion du contrat,
raisonnablement prendre de tels événements en considération ;
c) que ces événements échappent au contrôle de la partie lésée ; et
d) que le risque de ces événements n’a pas été assumé par la partie lésée.
-Les parties peuvent prévoir des clauses de détermination du droit
applicable lors même qu’il s’agit d’un contrat d’Etat. Le problème est de savoir
si ces clauses ont la force de soustraire le contrat à l’ordre juridique de l’Etat
contractant pour l’inscrire dans l’ordre juridique international. Dans de

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 34


nombreuses sentences arbitrales ad hoc le droit international a été déclaré
applicable aux contrats d’Etat. Des principes tels que pacta sunt servanda,28 le
respect des droits acquis, la prise en compte du changement de circonstances, la
validité des clauses de stabilisation, le respect de l’équilibre financier du contrat,
l’obligation de négocier et de coopérer de bonne foi constituent les éléments
d’un droit international des contrats qui tend aujourd’hui de plus en plus à se
situer à l’intérieur du droit international de l’investissement.
D’autres clauses peuvent apparaître telles que les clauses de stabilisation
qui permettent de garantir au cocontractant de l’Etat la pérennité des
dispositions contractuelles, en dépit des modifications du droit de l’Etat
contractant. Il y a aussi les clauses d’intangibilité qui ont pour objet direct de
garantir au cocontractant de l’Etat le maintien des droits et avantages qui lui ont
été reconnus par le contrat.
Enfin l’aménagement des clauses de différend, les parties peuvent choisir
de soumettre leur litige à l’arbitrage plutôt que devant les juridictions de l’Etat
d’accueil. C’est généralement le cas dans le commerce international. Il est vrai
que les Etats ont cherché et cherchent toujours à se soustraire à la compétence
des tribunaux arbitraux mais il est constant maintenant que la clause d’arbitrage
une fois acceptée par l’Etat ne peut pas être rejetée plus tard. L’arbitrage d’un
différend d’investissement a acquis maintenant une grande autonomie.

28
Les accords conclus doivent être respectés.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 35


2.2. L’arbitrage d’un différend d’investissement
La forme d’arbitrage la plus utilisée dans les différends entre Etat et
investisseurs étrangers est l’arbitrage institutionnel abrité par le centre
international pour le règlement des différends relatifs aux investissements crée
par la Convention de Washington du 18 mars 1965. Cette convention met en
place un centre d’arbitrage dont elle fournit les règles de fonctionnement, « elle
institue également un mécanisme d’exécution des sentences arbitrales entre les
Etats membres plus efficace que celui qui résulte du droit commun de l’arbitrage
international.»
S’agissant des critères de compétence du CIRDI, il faut que l’Etat soit
signataire de la Convention de Washington.29 Cependant, si au départ il fallait
que les parties insèrent une clause d’arbitrage dans leur contrat, ce qui limitait la
compétence du centre à des litiges ne portant que sur les contrats d’Etat, la
nouvelle jurisprudence ouvre la compétence du centre à des litiges entre Etats et
investisseurs étrangers en dehors de tout rapport contractuel, dès lors que
l’investisseur étranger a manifesté par sa demande son accord écrit à la
compétence du centre.30 Ce qui sert de base au CIRDI n’est plus l’existence
d’une clause d’arbitrage mais dans bien des cas l’existence d’un traité bilatéral
de protection et de promotion des investissements.

29
Un mécanisme supplémentaire permet aux pays qui ne sont pas signataires de la Convention de Washington de
recourir à l’arbitrage CIRDI.
30
Jacquet et alii, op. cit. p. 553.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 36


Les opérateurs non institutionnels
Il s’agit de personnes physiques ou morales. La situation des personnes
physiques ne présentant pas trop de difficulté, nous allons nous limiter aux
personnes morales. Une distinction doit être opérée entre les sociétés
indépendantes ou isolées et les sociétés faisant partie d’un groupe.
1. Les sociétés indépendantes ou isolées
En principe toute société doit être soumise à une loi. Dans l’espace
OHADA, l’acte uniforme sur le droit des sociétés commerciales et le GIE
dispose que « toute société commerciale, y compris celle dans laquelle un Etat
ou une personne morale de droit public est associé, dont le siège social est situé
sur le territoire de l’un des Etats parties du Traité de l’OHADA est soumis aux
dispositions du présent acte uniforme. »31
En application de cette disposition, la lex societatis est la loi du pays ou la
société a son siège. En principe, il devrait s’agir de la loi du siège social effectif
c'est-à-dire le lieu ou se situe la direction supérieure et le contrôle de la société.
En effet, l’AUSCGIE dispose que « toute société a un siège qui doit être
mentionné dans ses statuts. Le siège doit être fixé par les associés soit au lieu du
principal établissement de la société, soit à son centre de direction
administrative et financière. Il ne peut être constitué uniquement par une
domiciliation à une boite postale. Il est en effet important que soit localisé
géographiquement le siège social d’une société commerciale »32 L’OHADA
prend plutôt le parti du siège réel mais laisse l’opportunité aux tiers de se
prévaloir du siège statutaire mais celui ne leur est pas opposable par la société si
le siège réel est situé en un autre lieu. En raison des limites de ce siège réel, le
siège statutaire est devenu le critère de rattachement principal.
La loi de rattachement de la société règle des questions aussi diverses
que :

31
Article 1er AUSCGIE.
32
Article 24 et 25 AUSCGIE.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 37


- La constitution de la société
- Le fonctionnement de la société
- La dissolution et la liquidation de la société

S’agissant de la question de la nationalité des sociétés indépendantes, il y


a deux courants qui s’opposent. Le premier est celui du contrôle qui signifie que
la société a la nationalité des personnes qui le contrôlent par exemple les
associés majoritaires ou les dirigeants sociaux. Le second est le critère de
l’incorporation qui signifie que la société a la nationalité de l’Etat du lieu ou
ont été accomplies ses principales formalités : constitution et immatriculation.

2. Les sociétés faisant partie d’un groupe


Il y a un principe de base qui le rejet d’une approche unitaire des groupes
de sociétés. Chaque entité étant considérée seule, abstraction étant faite de son
appartenance à un groupe. Cependant, pour certains aspects particuliers, le
groupe peut être pris en compte.

2.1. La nationalité des sociétés faisant partie d’un groupe


En principe, cette nationalité s’apprécie à l’égard de chacune des
entités du groupe. Chacune des entités voit sa nationalité déterminée
comme une société isolée.

2.2. L’exception : la prise en compte du groupe


Le groupe est parfois pris en compte par le droit fiscal international par
exemple en France le régime du bénéfice consolidé est propre aux groupes
placés sous contrôle de sociétés françaises.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 38


III. Les opérations du commerce international
Il faudra étudier dans cette partie les questions relatives au contrat
international et à la vente internationale de marchandises notamment la
convention de Vienne.
A. Le contrat international
Il faudra étudier la formation du contrat et les différentes clauses figurant
dans le contrat international ainsi que les questions spécifiques telles que les
incoterms.

Le CCI peut se former rapidement d’une manière instantanée, par télex,


téléphone, fax ou Internet avec de simples indications de prix, de qualité, de
quantité, la détermination de la loi applicable. Les parties pouvant se référer à
une loi nationale, à une convention internationale (contrat de Vienne) ou à un
contrat type élaboré par un organisme professionnel. Cette manière de procéder
permet de dépasser les difficultés linguistiques par des recours à des formules
dont le sens et la portée sont connus. Mais les contrats du CI deviennent de plus
en plus des contrats à formation progressive, des contrats complexes exigeant de
longs pourparlers, d’importantes négociations. Les parties doivent chercher dans
quelle mesure elles peuvent écarter certains aspects de la réglementation trop
rigides. Les parties peuvent introduire des clauses d’aménagement de la force
majeure ainsi que des clauses d’adaptation du contrat aux changements
imprévus de circonstances. C’est pourquoi on dit que les contrats du CI sont des
contrats de collaboration continue. Les parties collaborent également pour
déterminer dans quelle mesure elles doivent procéder au paiement de la
prestation.
A. La phase précontractuelle
On va s’interroger sur la diversité des documents précontractuelles et la
qualification à donner à ces diverses phases.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 39


A.1. La diversité des documents précontractuels
On peut distinguer la lettre d’intention (1) les documents précontractuels
(2) et les documents de préparation du futur contrat. (3)
1. La lettre d’intention
Pour s’expliquer sur leur projet, les parties s’échangent des documents
appelés lettre d’intention (letters of understanding). Elles sont appelées ainsi
parce qu’elles expriment un désir, une intention et surtout parce qu’elles
s’expriment de manière non formelle. Les lettres d’intention sont destinées soit à
organiser la négociation soit à préparer le futur contrat.
2. Les documents précontractuels
Ils portent sur les objectifs à atteindre, le calendrier, la procédure de
négociation, la prise en charge du coût des études ou la répartition de la prise en
charge, la communication de renseignements, de savoir-faire, l’exclusivité, ne
pas entamer des négociations avec un autre concurrent.
3. Les documents de préparation du futur contrat
Ces documents comportent de minis-accords qui sont de plusieurs formes.
¾ L’offre : Manifestation de volonté unilatérale qui ne se suffit pas à
elle-même. L’offre est une proposition simple et précise. Elle se
distingue de la simple invitation de pourparlers33 qui manque de
précision. Le destinataire peut la rejeter, l’accepter purement et
simplement ou l’accepter avec modification. Si les modifications
sont substantielles, elles constituent une contre offre.
¾ Le pacte de préférence : C’est une promesse de conclure le contrat,
si le promettant se décide un jour à contracter.

33
C’est une période dans laquelle les parties n’ont pas encore contracté. Elles viennent tout juste de débuter leur discussion. Le contrat est
simplement envisagé. Les pourparlers peuvent ou non décider les parties à s’engager définitivement. La question est de savoir si l’une
quelconque des parties peut se dégager en rompant les pourparlers sans aucune conséquence juridique. La réponse est positive, le principe
étant la liberté de rupture des pourparlers. Chaque partie peut s’en sortir sans que sa responsabilité soit engagée sauf, lorsque la rupture a été
brutale ou intempestive, ou marquée d’une légèreté blâmable. En d’autres termes, c’est lorsque celui qui prend l’initiative a abusé de sa
liberté de rompre les pourparlers.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 40


¾ L’accord de principe : Les parties peuvent se mettre d’accord de
contracter dès que la conjoncture économique le permettrait.
¾ L’accord partiel : Il porte sur des clauses accessoires du contrat ou
comporte le bilan des résultats déjà acquis au cours de la
négociation.
¾ Le projet de contrat : Il suppose que les négociations soient dans un
stade avancé. Il existe un accord sur les clauses essentielles du
contrat mais il reste à régler quelques détails ou à rédiger mais il
reste à soumettre le projet par ex. à l’agrément du conseil
d’administration.

Avant d'étudier de quelle manière se forme un contrat international et quelles


précautions sa conclusion implique de prendre, il convient de donner une
définition du contrat international afin de déterminer à quelle branche du droit il
est soumis et de donner un aperçu des particularités de cette matière, notamment
en ce qui concerne ses sources.

B. La Convention de Vienne

Cette convention est entrée en vigueur le 1er janvier 1988 après des
décennies de travaux préliminaires. Avant la CVIM il y eut plusieurs
balbutiements dans le sens de la proposition de lois uniformes régissant la vente
internationale des objets mobiliers corporels. Il s’agit des défuntes lois
uniformes du 25 avril 1964 sur la vente internationale des objets mobiliers
corporels et sur la formation des contrats de vente internationale des objets
mobiliers corporels. Ces deux instruments n’ont pas prospéré du fait de
l’opposition des pays en développement et des pays à économie étatique. Il est
revenu le soin à l’assemblée générale de l’ONU en 1967 de mettre en place la
Commission pour le droit commercial international (UNCITRAL) qui s’attaqua
à nouveau à l’unification du droit de la vente avec la participation de

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 41


représentants de toutes les parties du monde. Lors d’une conférence
diplomatique qui s’est tenue à Vienne au début de l’année 1980, 42 Etats se sont
prononcés pour la convention qui a été signée le 11 avril 1980 et entrée en
vigueur le 1er janvier 1988. Étudions le champ d’application de la CVIM et la
conclusion du contrat soumis à la CVIM.
Le champ d’application de la CVIM est déterminé de façon détaillée. Il a
un triple objectif de limiter la recherche du for le plus favorable à une à partie
(forum shopping), de réduire la nécessité de recourir aux règles de droit
international privé, fournir un droit de la vente moderne et approprié aux
transactions à caractère international. Le champ d’application de la CVIM se
subdivise en plusieurs aspects. Il y a le champ d’application rationae personae
(quant aux personnes), rationae loci (quant à l’espace), rationae materiae (quant
à la matière). Cette détermination précise permet de bien distinguer les éléments
n’en faisant pas partie.
La CVIM prend en compte l’établissement et non la nationalité. Aux
termes de l’article 1er al. 1 de la CVIM, « la convention s’applique aux contrats
de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des
Etats différents. » La Convention ne définit pas la notion d’établissement même
si en son article 10 elle énonce une règle permettant de déterminer
l’établissement à prendre en compte en cas de pluralité d’établissements.
L’établissement à considérer est celui qui a la relation la plus étroite avec la
vente : ce critère, qui est de nature objective, se réfère au contrat comme un tout
et renvoie aussi bien aux circonstances de l’offre et de l’acceptation qu’à
l’exécution proprement dite. Le lieu de situation du siège d’une société n’est
pertinent que dans la mesure où il est impliqué dans la transaction de telle façon
qu’il constitue l’établissement qui a la relation la plus étroite avec le contrat et
son exécution. (Art. 10 al. 2)
Cependant, pour la doctrine, la notion d’établissement renvoie à un lieu
permanent, stable et régulier de l’activité commerciale d’une partie, c'est-à-dire

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 42


l’endroit habituel de production de biens ou de services, muni d’une
organisation distincte, qui dure déjà depuis un certain temps, ce qui n’est pas
forcément le siège de la société mais peut être une agence ou une filiale. Un lien
réel doit exister entre la partie au contrat et ce lieu.
En conséquence, on peut retenir que les règles fondamentales et
cumulatives d’application de la CVIM sont :
- une vente internationale, c'est-à-dire que le vendeur et l’acheteur doivent
avoir leur établissement dans les Etats différents au moment de la conclusion du
contrat.
- la vente doit avoir une relation déterminée par l’article 1er al. 1avec un
ou plusieurs Etats contractants. Le critère de base est ainsi que l’établissement
de chacune des parties se situe dans des Etats différents lors de la conclusion de
la vente : dans cette mesure, le fait que les négociations, la formation et
l’exécution du contrat s’effectuent dans un seul pays, même non contractant, ne
porte pas atteinte à l’application de la Convention. De surcroît, il n’est pas
nécessaire que les marchandises franchissent une frontière. Inversement, le seul
transfert international des biens n’est pas suffisant pour que la CVIM régisse la
vente.
Le champ d’application quant à l’espace ou rationae loci, seul est
déterminant l’établissement des parties contractantes dans des Etats différents.
Un franchissement de la frontière par les marchandises ou la conclusion d’un
contrat en franchissement des frontières n’est pas nécessaire pour l’application
de la Convention. La Convention s’applique lorsque les deux Etats de situation
des établissements sont des Etats contractants, ou bien lorsque selon les règles
de droit international privé du for, le droit applicable est celui d’un Etat
contractant.
Le champ d’application quant à la matière est défini par la notion de
« marchandises ». Il s’agit d’un objet mobilier. Il pourrait s’agir d’éléments à
séparer d’un immeuble (ses tuiles, ses volets) ou d’une récolte future de

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 43


céréales qui se trouvent encore en terre. Ce qui est important c’est qu’au
moment de la livraison le bien immeuble par destination devienne meuble.
Plusieurs éléments sont exclus du champ d’application de la CVIM. Il
y a les biens de consommation. L’achat de consommation n’est pas concerné par
la CVIM. Il en est de même pour les ventes aux enchères, puisqu’il n’est
possible de déterminer l’identité de l’acheteur, et, par conséquent, de résoudre la
question de l’applicabilité de la CVIM, qu’au moment de l’adjudication. Sont
exclues également les procédures d’exécution forcée et d’adjudications
judiciaires. De telles ventes ne sont pas soumises aux règles de la vente. Sont
exclus également la vente des navires, bateaux, aéroglisseurs et aéronefs. Le
fondement de cette exclusion se trouve dans le fait que dans différents ordres
juridiques, il existe des registres distincts pour de telles ventes. L’achat
d’électricité est exclut de la CVIM. En fait, la CVIM s’applique aux contrats de
vente, lesquels sont définis de façon classique par les obligations de l’acheteur et
du vendeur. Dans la CVIM la vente est un contrat par lequel une partie s’engage
à livrer une chose, à en transférer la propriété et, le cas échéant, à remettre les
documents s’y rapportant alors que l’autre s’engage à en payer le prix et à en
prendre livraison. Cependant, la CVIM régit exclusivement la formation du
contrat de vente et les droits et obligations qu’un tel contrat fait naître entre le
vendeur et l’acheteur. La CVIM ne détermine pas la question de la validité du
contrat, question laissée au droit national.
Même si la CVIM peut se révéler être rigide parce que ne portant que sur
les marchandises, un élément de flexibilité apparaît dans le sens où la conclusion
du contrat est très souple. En effet, la CVIM a adopté le principe du
consensualisme au détriment du formalisme contractuel. La Convention ne
soumet la conclusion du contrat de vente à aucune forme particulière.
L’évolution actuelle vers la communication par messagerie rend très heureuse
la souplesse de l’article 11. Cette disposition stipule que le contrat de vente n’a
pas à être conclu ni constaté par écrit et n’est soumis à aucune autre condition de

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 44


forme. Il peut être prouvé par tous moyens, y compris par témoins. La CVIM
entend par « écrit » également des communications adressées par télégramme ou
par télex. (Art. 13). Il s’agit là d’une codification de la pratique commerciale
internationale bien que cela pose également par moment des problèmes
d’authenticité.
Cette disposition consacre la liberté de forme des contrats en considérant
qu’un grand nombre de transactions internationales sont conclues par des
moyens de communications modernes qui n’impliquent pas toujours l’écrit. Si
des dispositions nationales requièrent l’écrit, celles-ci s’effacent en application
du principe de la primauté du droit international sur le droit national, à moins
que l’Etat concerné n’ait émis de réserves en ce sens. Ainsi, lorsque le droit
national sanctionne de nullité le contrat de vente non écrit, une telle disposition
ne va pas s’appliquer lorsque la vente est soumise à la CVIM. Cependant, les
parties ont la possibilité de déroger à l’article 11 en se référant à des usages
commerciaux tels que prévus par les Incoterms.
La liberté de forme établie à l’article 11 vaut également pour la
modification, le complément ou la résolution de la vente. Concernant la
conclusion du contrat, la CVIM ne régit que l’offre et l’acceptation,
conformément au but de la CVIM. La désignation du for compétent ou une
clause d’arbitrage échappe à cette disposition. C’est la loi nationale du juge saisi
qui détermine si c’est le droit procédural du for ou la loi matérielle désignée par
ses règles de conflit qui s’applique à ces clauses. S’agissant de l’observation des
prescriptions impératives de droit public, administratif ou pénal, la convention
déploie ses effets entre le vendeur et l’acheteur, sans préjudice de ces sanctions.
L’exigence de l’écrit, on le sait bien, sert à protéger la partie faible mais
également à garantir la preuve de l’existence de l’acte. Dans un système qui a
adopté le principe du consensualisme cela peut poser de sérieuses difficultés.
Cependant, la CVIM maintien que lorsque la vente est soumise à la CVIM c’est
le principe de la liberté de la forme de la preuve qui prévaut. Les autres

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 45


prescriptions de procédures de droit national demeurent par ailleurs applicables,
par exemple le mode d’audition des témoins. Le juge saisi reste libre d’apprécier
les diverses preuves fournies et d’accorder plus de crédit à un document écrit
qu’à un témoignage. La CVIM fait preuve d’un certain libéralisme qui se
manifeste également d’un point de vue des mécanismes de conclusion du
contrat.
La CVIM retient le modèle de l’offre et de l’acceptation. Le pollicitant
(l’offrant) est celui qui a fait les dernières propositions, l’acceptant celui qui les
a acceptées par déclaration ou actes concluants. L’offre doit être assez précise au
sens de l’article 14, désigner les marchandises, fixer directement ou
indirectement la quantité et le prix, déterminer les personnes auxquelles l’offre
s’adresse. La CVIM, contrairement, au droit français et sénégalais, admet
difficilement l’offre faite au public. Pour prendre effet, l’offre doit parvenir au
destinataire sous certaines conditions. Pour que les parties aient la certitude
qu’un contrat a été conclu, il faut que l’offre ait été acceptée telle que formulée,
sans restrictions, ni adjonctions, ni modifications. A défaut, il n’y a pas d’accord
mais dissension. Il en découle que l’acceptation qui contient des additions,
limitations ou autres modifications est considérée comme un rejet de la
proposition et constitue une contre-offre : ce principe est consacré à l’article 19.
Cependant, ce principe doit pouvoir être nuancé puisque toute contre proposition
ne constitue pas en elle-même une modification substantielle de l’offre. Des
contre-offres peuvent porter sur le changement de navire, des contre-
propositions concernant la compagnie d’assurance ou de transport ou parfois
l’emballage des marchandises.
Nonobstant toutes ces difficultés, l’acceptation prend effet lorsque la
déclaration d’acceptation parvient à l’auteur de l’offre, exceptionnellement,
l’acceptation par actes concluants prend effet au moment de l’accomplissement

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 46


dudit acte.34 Il y a acceptation par actes concluants lorsque les usages entre les
parties laissent apparaître une exécution du contrat ou lorsque l’une des parties
exécute une obligation découlant d’une partie comme le versement du prix sur le
compte du vendeur lorsque cela est une condition de l’acceptation du contrat.
La CVIM règle dans les détails la question du délai d’acceptation. Le
point de départ dépend du mode de communication de l’offre. Pour un
télégramme, le délai commence à courir le jour ou le télégramme est remis pour
expédition (the moment the telegram is handed in for dispatch). Dans le cas
d’une lettre, le délai commence à courir à la date figurant sur le document, ou à
défaut, sur l’enveloppe (date du timbre postal). Cet ordre a été choisi pour éviter
que l’acceptant ne détruise l’enveloppe. Les jours fériés ou chômés (non-
business days ou Bank Holiday) ne sont pas pris en compte dans le calcul du
délai puisque les parties à un contrat international n’ont pas à connaître les
vacances ou congés nationaux, régionaux locaux et à s’y adapter.

34
En droit français, la doctrine a élaboré deux théories celle de l’émission qui veut dire que le contrat entre
absents est conclu à partir du moment où l’acceptant aura émis son intention d’accepter le contrat. Cette théorie
renferme elle-même deux sous variantes. La première on l’appelle la théorie de la déclaration : il suffit que le
destinataire ait émis son intention, son acceptation. La deuxième sous variante est appelée système de
l’expédition. C’est lorsque le destinataire se sera dessaisi de son acceptation, par exemple en expédiant sa
réponse. Cette théorie renferme elle-même deux sous variantes. La première on l’appelle la théorie de la
déclaration : il suffit que le destinataire ait émis son intention, son acceptation. La deuxième sous variante est
appelée système de l’expédition. C’est lorsque le destinataire se sera dessaisi de son acceptation, par exemple en
expédiant sa réponse. La deuxième théorie est celle de la réception à proprement parlée dans laquelle le contrat
est formé en lieu et au moment de l’arrivée de l’acceptation.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 47


IV. Le règlement d’un litige du commerce international

Le règlement d’un litige lié à une opération de commerce international


peut se faire selon deux recours. Il s’agit du recours à une juridiction étatique et
du recours à l’arbitrage.
A. Le recours à une juridiction étatique35
Les règles de compétence ont été étudiées mais notons un principe
fondamental lorsque les parties souhaitent soumettre un contrat à la compétence
du juge étatique le tribunal compétent est celui du domicile du défendeur. En
droit du travail, le tribunal compétent est celui du lieu d’accomplissement de la
prestation de travail.
B. Le recours à l’arbitrage
L’arbitrage est un mode de résolution des litiges très fréquent dans le
commerce international. Cependant, malgré sa fréquente utilisation et les
nombreux instruments internationaux s’y rapportant, il n’y a pas de définition
légale de la notion d’arbitrage. Il est revenu le soin à la doctrine d’en donner la
définition. En France, des auteurs comme Jarrosson définissent l’arbitrage
comme « l’institution par laquelle un tiers règle le différend qui oppose deux ou
plusieurs parties en exerçant la mission juridictionnelle qui lui a été confiée par
celles-ci. »36 En Belgique, Huys et Keutgen donnent de l’arbitrage la définition
suivante : « un mode de solution des conflits qui trouve son origine dans une
convention privée et qui aboutit à une décision revêtue de l’autorité de la chose
jugée. Cette décision est acquise à l’intervention d’un ou plusieurs particuliers
auxquels la volonté commune des parties donne pouvoir de trancher le litige. »
Les auteurs suisses Poudret et Besson37 donnent une définition plus large et
précise de l’arbitrage en le qualifiant de « mode conventionnel de règlement des
litiges par des particuliers choisis directement ou indirectement par les parties et
35
Vu la particularité de l’arbitrage dans l’espace OHADA, un plus grand espace sera réservé à l’arbitrage.
36
Charles Jarrosson, Les frontières de l’arbitrage, Revue arbitrage, 2001, pp. 5-41.
37
Jean-François Poudret ; Sébastien Besson, Droit comparé de l’arbitrage international, Bruxelles, Bruylant-
Schulthess, 2002, 350 p.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 48


investis du pouvoir de juger à la place des juridictions étatiques par une décision
ayant des effets analogues à ceux d’un jugement. » Ces différentes définitions de
l’arbitrage ont un point commun en ce qu’elles mettent toutes l’accent sur
l’intervention d’un tiers et le caractère non juridictionnel de cette intervention.
Cependant, un élément essentiel mérite d’être souligné en parlant
d’arbitrage nous nous intéressons uniquement à l’arbitrage international. En
effet, la législation française fait la distinction entre l’arbitrage interne et
l’arbitrage international. Ce dernier étant, selon la formule retenue par la Cour
de cassation celui qui met en cause des intérêts du commerce international.38 En
1968, un arrêt de la Cour d’appel de Colmar précise « qu’il y a arbitrage
international dès lors que le marché objet du litige met en jeu des intérêts du
commerce international, quelle que soit la nationalité des arbitres désignés. »
L’année suivante, dans la même affaire, la Cour d’appel de Paris précise que « le
caractère international ne dépend ni du lieu de l’arbitrage, ni de la nationalité des
arbitres mais du seul fait que la matière soumise aux arbitres est internationale ;
c'est-à-dire que le marché, objet du litige, met en jeu les intérêts du commerce39
international, telle que l’exportation par une société française domiciliée en
France de céréales à destination d’acheteurs italiens. »40
Le passage en revue de ces différentes conceptions de l’arbitrage dans un
monde dans lequel le commerce est mondialisé peut poser problème. Cela pose
d’autant plus problème lorsque l’on considère la situation des Etats parties à
l’OHADA. En effet, ces derniers ont une législation propre à l’arbitrage
différant quelque peu de la législation française dont on sait qu’elle est la grande
inspiratrice des AU de l’OHADA.
Pour les rédacteurs des AU, le grand encombrement dont souffrent les
juridictions des Etats parties dictait que des voies alternatives de règlement des

38
Cass. Civ., 17 mai 1927, DP 1928, I 25.
39
La notion de commerce n’est pas entendue ici au sens du droit interne mais englobe plutôt toute opération
économique internationale.
40
On verra que la perspective est quelque peu plus large concernant la réglementation de l’arbitrage dans
l’espace OHADA.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 49


conflits soient promues. C’est le cas notamment de l’arbitrage. L’intérêt de cette
procédure réside dans sa rapidité (les parties choisissent l’arbitrage pour gagner
du temps), sa confidentialité (les « audiences » ne sont pas publiques), et sa
sécurité (à la fois juridique et judiciaire).
D’après la définition de Poudret et Besson selon laquelle « l’arbitrage est
un mode conventionnel de règlement des litiges par des particuliers choisis
directement ou indirectement par les parties et investis du pouvoir de juger à la
place des juridictions étatiques par une décision ayant des effets analogues à
ceux d’un jugement », plusieurs précisions peuvent être faites :

1) L’arbitrage : un mode conventionnel de règlement d’un


différend
Parce que reposant sur l’accord des parties, l’expression du choix du
règlement du litige par la voie de l’arbitrage peut prendre deux formes : la clause
compromissoire et le compromis. S’agissant de la clause compromissoire, il
s’agit d’une clause contractuelle ayant pour objectif de soumettre le litige à
l’arbitrage (en amont). Quant au compromis, il existe lorsque les parties
s’entendent, après la naissance du litige, à la régler par la voie de l’arbitrage (en
aval).
2) Une juridiction privée investie d’un pouvoir juridictionnel
Le juge est investi par les parties, il ne détient pas son pouvoir ab initio.
Contrairement au juge étatique détenteur de l’impérium, l’arbitre lui a une
mission de trancher les litiges qui est limitée dans le temps et dans l’espace.
Cependant, cela n’enlève en rien le caractère obligatoire de la sentence arbitrale.
Une fois rendue par le ou les arbitres, les parties sont tenues de la respecter. Ce
caractère contraignant distingue l’arbitrage des institutions voisines telles
que l’amiable composition, la médiation et la conciliation qui sont des modes
alternatifs de règlement de conflit non contraignants.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 50


C. Les bases légales de l’arbitrage

Les bases légales de l’arbitrage ou les sources de l’arbitrage peuvent être


internes ou internationales. Une fois connues, elles permettent d’être édifiées sur
des questions importantes telles que le choix des arbitres, le litige arbitrable, la
composition du tribunal arbitral, la rémunération des arbitres etc.

1. Les sources internationales de l’arbitrage


Plusieurs instruments au niveau international portent sur l’organisation de
l’arbitrage. Nous ne citerons ici que les plus utilisées dans la pratique.
-La convention de Washington du 14 octobre 1965 relative aux différends entre
Etat et investisseur étranger. Cette convention met en place le CIRDI (Centre
international de règlement des différends relatifs à l’investissement).41
-La convention de New York de 1958 sur l’application et l’exécution des
sentences arbitrales réglées à la l’étranger.
-La loi type de la CNUDCI (commission des Nations Unies pour le droit du
commerce international).
-La loi type de la CCI (chambre de commerce internationale) sur l’arbitrage.
2. Les sources internes
Avec la naissance de l’OHADA, les textes nationaux organisant
l’arbitrage ont été abrogés et remplacés par deux séries de dispositions issues de
l’OHADA. Il s’agit du Titre IV du Traité de l’OHADA ainsi que de l’Acte
uniforme relatif au droit de l’arbitrage. Ainsi donc, nous avons dans le même
espace géographique et pour les mêmes pays deux bases légales réglementant le
même objet, à savoir l’arbitrage. Pourquoi cette situation existe-t-elle dans
l’espace OHADA ? Deux éléments de réponse existent.

41
Actuellement deux litiges intéressant l’Etat du Sénégal et l’opposant à deux opérateurs privés internationaux
(Tigo et Kumba Gold) sont pendants devant le CIRDI.

Droit du commerce international Dr Jean Louis CORREA 51


Le premier élément de réponse tient au fait qu’en consacrant l’arbitrage
dans le Traité ses rédacteurs ont voulu par là montrer l’importance qu’ils
attachaient à l’institution en tant que moyen de règlement de différends dans
l’espace OHADA.
En effet, le Traité a pour ambition de favoriser l’émergence d’un
environnement des affaires basé sur des règles modernes, souples et adaptées.
Pour ce faire, le règlement des différends devait être efficace et rapide,
privilégiant la sécurité juridique et judiciaire. Pour mieux atteindre ces objectifs,
le règlement des différends devait être confié à une institution propre à
l’OHADA et dotée de son propre règlement de procédure. Il s’agit de l’arbitrage
institutionnel.
Le deuxième élément de réponse tient dans le fait que les rédacteurs du
Traité n’ont pas voulu réduire les possibilités de recours à l’arbitrage dans
l’espace OHADA, ce qui serait le cas si seul l’arbitrage institutionnel était
consacré. Pour éviter cela, l’OHADA dispose d’une seconde base légale
règlementant l’arbitrage ad hoc ayant vocation à s’appliquer à tout arbitrage
lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l’un des Etats parties de
l’OHADA.
Pour mieux souligner la différence entre ces deux bases légales nous allons
étudier le Titre IV du Traité de l’OHADA avant d’en arriver à l’Acte uniforme
sur le droit de l’arbitrage.
2.1. Le titre IV du traité de l’OHADA
Il consacre ce que l’on appelle l’arbitrage institutionnel. Il s’agit d’un
arbitrage organisé et abrité par une institution. En effet, la Cour commune de
justice et d’arbitrage (CCJA) de l’OHADA en plus d’être une cour judiciaire est
également un centre international d’arbitrage. Cela signifie qu’autant que la CCI
ou le CIRDI des parties à un litige peuvent utiliser le règlement de procédure de
la CCJA. Pour cela certaines conditions doivent être remplies qui produiront le
cas échéant certains effets.

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2.1.1 Quelques considérations préalables sur l’arbitrage CCJA
Dans la procédure d’arbitrage, la CCJA a un rôle purement administratif
car elle ne tranche pas elle-même le litige. Son rôle se bornant à nommer ou
confirmer les arbitres choisis par les parties sur une liste dressée par la CCJA.
La CCJA a ensuite un rôle juridictionnel en matière d’autorité de la chose jugée
et d’exequatur. Les parties qui souhaitent soumettre leur litige à l’arbitrage
CCJA peuvent utiliser cette clause type : «tout différend découlant du présent
contrat sera tranché suivant le règlement d’arbitrage de la CCJA de
l’OHADA par un (1) ou plusieurs arbitres nommés conformément à ce
règlement. »
2.1.2. Les conditions de soumission d’un litige à la CCJA
Plusieurs conditions sont prévues par le Titre IV du Traité OHADA.
D’abord, il faut que le litige ou le différend soit d’ordre contractuel, ensuite que
les deux parties ou l’une d’entre elles ait son domicile ou sa résidence dans l’un
des Etats signataires de l’OHADA ou que le contrat s’exécute ou s’exécutera
dans ce même espace. Ces deux dernières conditions ne sont pas cumulatives.
En effet, pour que le litige soit arbitré selon le règlement de procédure de la
CCJA, il faut certes obligatoirement que le litige soit de nature contractuelle
mais l’existence de l’une seule des deux autres conditions rend la soumission du
litige à la CCJA possible. Cependant de telles conditions surtout celle relative au
domicile ou à la résidence des parties, rendent difficiles le choix de l’arbitrage
pour des parties ne résidant pas l’espace OHADA ou n’exécutant pas leur
contrat dans ce même espace. Pour renforcer l’attrait de l’arbitrage CCJA et le
hisser au niveau des autres instruments internationaux, il aurait été utile que les
pères fondateurs de l’OHADA eussent pensés à rendre possible la compétence
de la CCJA même lorsque les deux parties ne résident pas ou n’ont pas leur
domicile dans l’espace OHADA ou que les contrats ne s’exécutent en rien dans
ce même espace. En n’y procédant point, cela est limitatif de l’expansion de
l’arbitrage CCJA hors de l’espace OHADA.

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2.2. L’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage
Ce texte codifie ce que l’on appelle l’arbitrage ad hoc, c'est-à-dire qui se
déroule en dehors de toute institution telle que la CCJA ou le CCI. Ce texte à
vocation à s’appliquer toutes les fois lorsque le siège du tribunal arbitral se
trouve dans un Etat partie de l’OHADA, l’élément important étant donc ici la
notion de siège. Il y a deux conceptions de la notion de siège. La conception
autonomiste ou volontariste et la conception territoriale ou géographique.
Dans la conception autonomiste ou volontariste, le siège est choisi
conformément à la volonté des parties. Si le droit appliqué au fond du litige est
le droit japonais, le siège de l’arbitrage sera le Japon. Dans cette conception du
siège, il n’y a pas de correspondance entre le droit du fond et le siège de
l’arbitrage. S’agissant de la conception territoriale ou géographique, le siège
correspond au lieu où se tient l’instance arbitrale.
Il convient alors de se poser la question de savoir quelle est la conception
choisie par les rédacteurs de l’acte juridique ? Il semblerait que les rédacteurs de
l’AU aient choisi une conception territoriale ou géographique dans la mesure ou
l’AU dispose que le « siège du tribunal arbitral se trouve dans l’un des Etats
parties.» Ce faisant, et à l’identique du Traité, l’OHADA réduit le champ
d’application de l’acte uniforme excluant le choix volontariste du siège
OHADA. Par contre la perspective est plus large que dans le Traité puisse que
s’agissant du litige arbitrable on parle de tout arbitrage, c'est-à-dire civil ou
commercial.

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2.3. La composition du tribunal arbitral
Le différend peut être tranché par un (1) arbitre ou par trois (3) arbitres.
Mais il y’a lieu de distinguer selon que la composition du tribunal arbitral se
fasse devant la CCJA ou que la composition du tribunal arbitral se fasse selon
l’acte uniforme.
2.3.1. La composition du tribunal arbitral selon la CCJA
Chaque partie a le droit de choisir un arbitre sur la liste des arbitres tenue
par la CCJA, le troisième arbitre qui assumera la présidence du tribunal arbitral
étant choisi par la CCJA à moins que les parties en aient décidé autrement. En
cas de désaccord entre les parties tant sur le nombre des arbitres que sur leur
identité, la CCJA va se substituer aux parties.

2.3.2. La composition du tribunal arbitral selon l’acte uniforme


Les arbitres sont nommés, révoqués ou remplacés conformément à la
volonté des parties. En cas d’insuffisance ou à défaut d’une telle convention,
lorsque les arbitres sont trois (3) chaque partie nomme un arbitre et ces derniers
choisissent un troisième arbitre. Si une partie ne nomme pas un arbitre ou si les
deux (2) arbitres ne s’entendent pas sur le choix du troisième arbitre, sa
nomination est effectuée, à la demande de l’une des parties, par le juge
compétent dans l’Etat partie. En cas de juge unique, si les deux parties ne
s’entendent pas sur son choix, la même procédure est reprise.
2.3.3. La rémunération des arbitres
C’est une question bien réglementée par l’arbitrage CCJA avec un tableau
et un barème selon le montant du litige avec un minimum de 500000 francs CFA
(cinq cent milles francs CFA) et un maximum de 10% de la somme litigieuse si
cette dernière ne dépasse pas 25000000 F. CFA (vingt cinq millions de francs
CFA). Quant à l’acte uniforme il laisse aux parties le libre soin de déterminer le
taux de rémunération des arbitres.

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3. L’instance arbitrale
Il s’agit de la séance d’arbitrage. Le principe général est que son
organisation et son déroulement sont laissés à la libre appréciation des parties.
Cependant, elle reste soumise à des principes généraux.

3.1. Liberté des parties dans l’organisation de l’instance arbitrale.

Il faut faire une distinction entre loi d’arbitrage et loi applicable au fond
du litige. La loi d’arbitrage est la loi du siège du tribunal arbitral,42 il s’agit de la
loi applicable à l’instance arbitrale, la loi de procédure (durée, échange
d’information…). La loi d’arbitrage comprend l’ensemble des normes régissant
l’institution de l’arbitrage dans un pays donné, en particulier la validité formelle
de la convention d’arbitrage, l’arbitrabilité du litige, la composition du tribunal
arbitral, les garanties fondamentales de procédures, l’assistance du juge étatique
et le contrôle de la régularité de la sentence. La loi d’arbitrage doit également
être distinguée de la loi ou des règles arbitrales régissant l’instance arbitrale.
C'est-à-dire la marche de la procédure devant les arbitres. La distinction entre loi
d’arbitrage et règles gouvernant l’instance arbitrale est importance du point de
vue de l’autonomie des parties. Si les parties peuvent choisir librement les règles
définissant l’instance arbitrale, elles ne peuvent en revanche choisir leur loi
d’arbitrage ou plutôt ne peuvent écarter leur loi d’arbitrage. Dès lors, la loi
d’arbitrage renvoie aux éléments suivants :
- champ d’application de la loi
- la validité formelle de la convention d’arbitrage
- la nomination et la récusation des arbitres
- le rôle des juridictions étatiques dans la formation du tribunal étatique
- les règles fondamentales gouvernant l’instance arbitrale
- le contenu et les effets de la sentence arbitrale

42 Deux conceptions du siège existent : la conception territoriale ou géographique et la conception autonomiste


ou volontariste.

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- les voies de recours contre la sentence arbitrale
- la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales
Quant à la loi applicable au fond du litige, il s’agit de la loi choisie par les
parties ou proposée par le ou les arbitres pour régler le différend entre les
parties. Les parties, quel que soit le siège de l’arbitrage sont libres de choisir tout
droit pour le règlement de leur litige. Dans certains cas, elles peuvent même
choisir un droit non étatique comme la lex mercatoria.
3.1.2. Les principes fondamentaux applicables à l’instance
arbitrale

La consécration de droits procéduraux fondamentaux en matière


d’arbitrage est incontestée et figure dans toutes les lois d’arbitrage et
conventions internationales sur l’arbitrage. Les droits procéduraux
fondamentaux n’ont pas le même sens dans tous les pays. Ainsi, le rattachement
au siège a comme conséquence que l’arbitre devra se référer aux conceptions de
l’Etat de siège concernant les garanties fondamentales de procédure en matière
d’arbitrage, sous peine de voir sa sentence annulée. Le droit sénégalais adopte
comme principale garantie procédurale le principe du contradictoire. En vertu
de ce principe, « nul ne peut être jugé sans avoir été préalablement entendu ou
écouté ». C’est l’expression du principe du respect des droits de la défense du
droit pénal, appliqué au droit civil. Ce principe du contradictoire protège les
deux parties aussi bien le demandeur que le défendeur. C’est un principe moins
exigeant. Sa satisfaction implique que les parties aient été appelées à même de
présenter leur défense, peut importe qu’elles l’aient fait. Si elles ne se présentent
pas, elles peuvent user d’un recours extraordinaire, l’opposition. Le principe du
contradictoire a une double portée pour les parties et pour l’arbitre.

i. Le principe du contradictoire pour les parties


Pour les parties, le principe signifie tout d’abord qu’elles doivent être
informées du procès qui leur est fait et ceci clairement. Ce qui explique que soit

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exigé du demandeur, lorsqu’il présente sa demande non seulement qu’il en
indique l’objet mais, également qu’il présente sommairement les moyens. C’est
ce qui explique que la demande doit être portée à la connaissance du demandeur
suffisamment tôt pour qu’il lui soit possible d’organiser sa défense.
Les parties doivent se faire connaître mutuellement les éléments de fait et
de droit sur lesquels elles se fondent et les éléments de preuves dont elles
entendent se prévaloir devant le tribunal. Chaque fois que les parties entendent
saisir le juge d’un argument, elles doivent veiller à ce que l’autre partie en ait
connaissance. Toutes les pièces invoquées doivent être de la même façon
présentées à l’autre partie. Un délai de communication est aménagé. Si les
parties ont pris un avocat, la communication se fait par bordereau. Le risque est
alors grand si les parties ne sont pas représentées par un avocat.

ii. Le principe du contradictoire pour l’arbitre


Pour l’arbitre, le principe se traduit par une double obligation. D’abord, il
doit veiller au respect par les parties du principe et sanctionne toute violation, ce
qui signifie qu’il a l’obligation de refuser tout élément de discussion proposé par
une partie qui n’a été soumis à l’autre. Ensuite, l’arbitre a lui-même l’obligation
de respecter le principe du contradictoire, ce qui signifie qu’il ne peut lui-même
rien apporter à la cause sans avoir préalablement recueilli les observations des
parties.
L’application du principe du contradictoire appartient à l’arbitre. S’il ne le
fait pas, cela n’entraine pas nécessairement l’annulation de la sentence ou le
refus de son exequatur. En effet, la partie qui se prétend victime d’une
irrégularité procédurale doit l’invoquer in limine litis faute de quoi elle est
censée avoir renoncé à s’en prévaloir.Il s’agit du principe du contradictoire et
celui du respect des droits de la défense. Ces principes doivent se manifester dès
l’introduction d’une demande en arbitrage (l’acte uniforme).

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S’agissant du règlement CCJA, il prévoit l’organisation d’une réunion aussi
rapidement que possible entre les parties ou leurs représentants, avec pour
objectif de constater la saisine des arbitres et les prétentions sur lesquelles ils
doivent se pencher. L’application de la procédure civile à l’arbitrage conduit la
doctrine à parler de judiciarisation de l’arbitrage.
3.2. La sentence arbitrale
Selon l’acte uniforme, les parties sont libres de déterminer les règles de
procédure aboutissant au prononcé de la décision finale. A défaut d’accord entre
les parties, la sentence est rendue à la majorité des voies lorsque le tribunal est
composé de trois (3) arbitres.
Quant au règlement CCJA, en l’absence de majorité le président du tribunal agit
seul. La sentence est alors signée soit par les trois arbitres soit par le seul
président.
Il y a ensuite ce que l’on appelle les sentences d’accord parties. Il s’agit
d’accords trouvés entres les parties, méconnues de l’acte uniforme mais
consacrées par la CCJA. Lorsque les parties trouvent un accord pour régler leur
différend au cours d’une procédure d’arbitrage, les arbitres doivent en tenir
compte. La décision rendue prendra les formes d’une sentence arbitrale.
3.2.1. Les attributs de la sentence
La sentence arbitrale est revêtue de l’autorité de la chose jugée dès qu’elle
est rendue. Cette autorité de la chose jugée ne rend pas la sentence
automatiquement exécutoire. Pour cela, il faut qu’elle soit revêtue de l’exequatur
par le juge compétent de l’Etat partie (acte uniforme).
Le règlement CCJA pose un principe dérogatoire à l’acte uniforme. Il
prévoit que la sentence rendue peut faire l’objet d’une exécution forcée
puisqu‘elle a la même valeur que les décisions rendues par les juridictions des
Etats parties. L’exequatur d’une sentence arbitrale CCJA est accordé par la
CCJA elle-même.

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3.2.2. Les recours contre la sentence arbitrale
Il y a des voies de recours qui sont admises et d’autres qui sont exclues.

1. Les recours exclues


L’appel en tant que première voie de recours ordinaire est exclu puisque
l’admettre serait reconnaître la compétence du juge étatique pour réformer une
décision pour la prise de laquelle les parties n’avaient pas entendu l’associer au
départ (ab initio). L’opposition également qui est la possibilité reconnue à la
personne absente au procès de s’opposer à la sentence rendue et exclue pour les
mêmes raisons.

2. Les recours admis

On va faire la distinction selon qu’il s’agisse de l’acte uniforme ou du


règlement CCJA. L’acte uniforme admet le recours en annulation là où le
règlement CCJA parle de requête en contestation de validité. La révision et la
tierce opposition sont également admises.
3. Les motifs de l’annulation

-L’arbitre a statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention d’arbitrage


nulle ou expirée.

-Le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé

-L’arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée soit en
statuant ultra petita ou en statuant infra petita.

-Le principe du contradictoire (ou de la contradiction) n’a pas été respecté.

-La sentence arbitrale n’est pas motivée

4. Le juge de l’annulation
Le juge compétent pour prononcer l’annulation de la sentence arbitrale est le
juge de la cours d’appel dans le ressort de laquelle la sentence arbitrale a été

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rendue. Un pouvoir en cassation peut être formé mais uniquement devant la
CCJA.
5. La révision
La révision est une voie de recours exceptionnelle qui tient à rétracter un
jugement passé en force de chose jugée pour qu’il soit à nouveau statué en fait et
en droit. La rétraction sollicitée du juge se référant à un fait qui entache la
décision sans erreur de sa part. En effet, l’erreur dont on sollicite la réparation
est une erreur involontaire des arbitres trompés qu’ils ont été par l’une des
parties à l’arbitrage. Cette voie de recours extraordinaire permet de sanctionner
les diverses variétés de faits mensongers qui ont induit l’arbitre en erreur.
6. La tierce opposition

Une partie peut former tierce opposition à une sentence arbitrale qui
préjudicie à ses droits et lors duquel ni elle ni ses représentants n’ont été
appelés. Cependant, si le tiers a été appelé à intervenir dans la procédure et qu’il
ait refusé, la tierce opposition lui est fermée. Si le tribunal arbitral ne peut plus
se réunir pour examiner la tierce opposition ce recours devrait pouvoir être porté
devant les juridictions compétentes de l’Etat du siège arbitral. Il n’y a pas de
délai pour agir.

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Conclusion générale

Le droit du commerce international est un droit en perpétuelle mutation.


Préalablement connu paré des atours du droit international privé, le droit du
commerce international s’abreuve désormais à diverses sources qui ne sont plus
seulement celles du DIP. En effet, le rôle croissant de l’OMC en cette matière
conduit à un dépassement du monopole de l’étude de cette matière par les seuls
internationalistes, dans la mesure où leur optique est réductrice de la complexité
actuelle du droit du commerce international. Les profondes mutations de ce droit
ne permettraient plus de ne le saisir que sous l’angle du conflit des lois. Il y a
d’autres questions importantes telles que les mutations profondes de la
commercialité internationale qui dépassent largement le champ de perception du
DIP. La compréhension réelle du droit du commerce international mérite de
dépasser également la summa divisio classique en ayant recours aux instruments
et concepts d’autres disciplines juridiques telles que le droit international
économique.
Ces différents constats soulèvent en même temps celui de la nécessité de
travailler à l’émergence d’un droit du commerce international en tant que
discipline autonome qui s’affranchirait de tout lien restrictif et limitatif de son
champ d’investigation réel.

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Bibliographie sommaire

Correa, Joseph Jean-Louis, L’OMC à l’épreuve des accords de partenariat


économique et de l’intégration économique africaine, Genève, Bruylant, 2007,
304 p.
Hujo, Philp, Force majeure et imprévision : Etude comparatiste entre le droit
français, le droit anglais, le droit allemand, Grin Verlag, 2008, 100 p.
Jacquet, Jean Michel ; Delebecque, Philippe ; Corneloup, Sabine, Droit du
commerce international, Paris, Dalloz, 1ère édition, 851 p.
Jarrosson, Charles, Les frontières de l’arbitrage, Revue arbitrage, 2001, pp. 5-
41.
Kenfack Hughes, Droit du commerce international, Paris, Dalloz, 2006, 157 p.
Poudret, Jean-François ; Besson, Sébastien Droit comparé de l’arbitrage
international, Bruxelles, Bruylant-Schulthess, 2002, 350 p.

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