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Thomas d’Aquin
Vie, œuvre, héritage
Sources sur la vie de saint Thomas d’Aquin
Première biographie, écrite peu après la mort de
l’Aquinate, par Guillaume de Tocco. Il l’a révisée après
la canonisation. Il connaissait Raynald de Piperno
(connu comme Frère Réginald), le compagnon de
l’Angélique.
Deux autres biographes moins importants : Bernard
Gui et Pierre Calo.
Les dépositions des témoins du procès, les anciennes
chroniques et chartes au sujet du saint et de sa famille.
Les récits épisodiques de Thomas de Cantimpré,
Gérard de Frachet, Ptolémée de Lucques.
VIE DE SAINT THOMAS D’AQUIN
Thomas est né vers 1224 ou 1225, au château familial de
Roccasecca, dans le comté d’Aquino, qui faisait partie
du Royaume de Sicile, uni à l’Empire Romain
Germanique, sous le règne de Frédéric II (1198-1250).
Il était le plus jeune des fils de Landolphe et de
Théodora. On l’a destiné au service de l’Église. Il a été
envoyé d’abord à l’abbaye du Mont-Cassin, où il a été
oblat de 1230 à 1239.
En 1239, il est inscrit au studium regni de Naples, où il
étudie d’abord les arts libéraux et la philosophie. C’est
à Naples qu’il fait connaissance de Jean de San
Giuliano (responsable de sa vocation dominicaine) et
Thomas de Lentini (il lui a donné l’habit en 1244).
Entre 1244 et 1245, il est prisonnier dans le château
familial de Roccasecca, d’où il est libéré en automne
1245, donc après la déposition de Frédéric II, qui a eu
lieu le 17 juillet 1245 (cela influence sa vision dualiste
des rapports de l’Église et de l’État).
Les sept arts libéraux
Trivium :
la grammaire : la science des mécanismes du langage (le
savoir) ;
la dialectique : la science du mécanisme de la pensée et
de l’analyse (la compréhension) ;
la rhétorique : l’art de persuasion (la transmission du
savoir compris).
Quadrivium :
l’arithmétique ;
la musique ;
la géométrie ;
l’astronomie.
À l’école de saint Albert le Grand
Après un court séjour à Rome en 1245, Jean le
Teutonique, le maître général de l’Ordre, décide que
Thomas étudiera à Paris.
1245-1248 : Thomas est à Paris, au Couvent Saint-
Jacques, dit aujourd’hui, le Couvent de Jacobins. Il
fréquente la facultés des arts de l’Université de Paris,
où il achève sa formation philosophique, tout en
commençant la formation théologique. Il y fait
connaissance de saint Albert le Grand.
1248-1251/1252 : séjour à Cologne, en tant qu’étudiant et
assistant d’Albert.
1251/1252-1252/1253 : commentaires d’Isaïe et de Jérémie
(il devient bachelier biblique).
Premiers enseignements à Paris (1252-1259)
Le climat universitaire est difficile, en raison des
conflits entre les séculiers et les réguliers.
Saint Thomas est le bachelier sententiaire, il doit
commenter les Sentences de Pierre Lombard
(1252/1252-1254/1255) et mettre par écrit son
commentaire (1254/1255-1256).
Parmi les auteurs le plus souvent cités se trouvent
Aristote (plus de 2000 citations) et saint Augustin
(plus de 1500 citations).
Au printempts de 1256, Thomas est maître en
théologie.
De 1256 à 1259, il est maître-régent à Paris.
Sentences de Pierre Lombard (v. 1100-1160)
D’origine italienne, Pierre Lombard est devenu maître
de l’école de la cathédrale de Paris, puis évêque en 1159.
L’édition définitive a été publiée durant les années 1155-
1158. Son usage universitaire est dû à Alexandre de
Halès, qui les a enseignées entre 1223 et 1227.
L’ordre des IV Livres, « à la fois historique et logique » :
I – Dieu Trinité, son essence, ses Personnes, sa présence
dans le monde et dans la vie chrétienne ;
II – Dieu créateur et son œuvre : création en général, les
anges, les hommes, la grâce, le péché originel et actuel ;
III – Incarnation du Verbe et la Rédemption ; les vertus
et les dons du Saint-Esprit, les dix commandements ;
IV – Sacrements et fins dernières.
Legere, disputare, prædicare
Trois grandes fonctions du maître en théologie :
LIRE la Bible et la commenter – saint Thomas a
commenté un peu plus de la moitié du Nouveau
Testament et plusieurs livres de l’Ancien ; il privilégie le
sens littéral, le seul adapté aux besoins de
l’argumentation théologique.
DISPUTER, soit de manière privée (à l’intérieur de
l’école, avec la participation du maître, son bachelier et
ses étudiants) ou publique (avec la participation des
autres étudiants, voire des maîtres).
PRÊCHER ce qu’on a lu, compris et enseigné, car
l’enseignement théologique imposait au maître le devoir
de prêcher ; saint Thomas prêchait simplement, sans les
subtilités scholasitque et le langage technique.
Œuvres écrites à la même époque
1252-1253 : De ente et essentia, De principiis
naturæ.
1256-1259 : Quæstiones disputatæ de veritate.
1256-1259 : Quæstiones de quodlibet VII-XI.
Mai-septembre 1256 : Contra impugnantes Dei
cultum et religionem – défense de la vie religieuse
des mendiants.
1257-1258 : Super Boetium De Trinitate.
1258-1259 : première rédaction de la Summa
Contra Gentiles, Liber I, c. 1-53.
Retour en Italie (1259-1268)
En juin 1259, Thomas participe au Chapitre Général de
Valenciennes, en tant que membre de la commission
chargée d’études, composée de cinq frères.
En 1259 il finit sa régence parisienne et passe la
succession à son bachelier sententiaire, Guillaume
d’Alton. Cette même année, Thomas part à Naples. Il y
finit le Liber I de la SCG (c. 53-102).
De 1261 à 1265, il est lecteur conventuel à Orvieto. Il est
très réputé à cette époque et il écrit beaucoup à la
demande des autres, y compris du pape Urbain IV, qui
le charge de la composition de l’office de la Fête-Dieu
(l’office Sacerdos in æternum, la Messe Cibavit,
promulgués le 11 août 1264.).
Summa Contra Gentiles
C’est une œuvre écrite avec une intention de sagesse à
portée apostolique universelle. Elle est centrée autour de
la question de la double vérité, des rapports entre la
raison et la révélation.
« Ayant puisé dans la miséricorde divine la confiance de
pouvoir assumer la tâche du sage, bien que cela dépasse
nos propres forces, notre intention est d’exposer, selon
notre mesure, la vérité que professe la foi catholique,
tout en réfutant les erreures contraires. » (SCG I, c. 2, 2.)
Dates de composition et contenu :
SCG I – 1258-1261 (Dieu) ;
SCG II – 1261-1262 (Création) ;
SCG III – 1263-1264 (Providence) ;
SCG IV – 1264-1265 (Révélation).
Autres écrits de la période d’Orvieto
1263-1264 : Catena aurea in Matthæum – commentaire
de l’Évangile par une suite de citations de Pères de
l’Église ; écrit demandé par Urbain IV.
1263-1264 : Contra errores Græcorum.
1263-1265 : Expositio super Iob – un livre qui
commente Job, autour des thèmes de la Providence et
de l’homme, étudié du point de vue philosophique et
théologique, et de sa condition.
1263-1265 : Lectura prior in epistolas Pauli.
Commentaires du Firmiter (sur Dieu et la Trinité) et
du Damnamus (contre Joachim de Flore) de Latran IV.
De emptione.
Maître-régent à Rome (1265-1268)
Le chapitre de 1265 charge Thomas d’organiser un
studium personale à Rome, afin d’avancer les études
chez les dominicains en Italie, où la situation était très
précaire. On lui a donné la main libre.
1265-1267 : Compendium theologiæ I (la foi).
1265-1268 : Catena aurea in Marcum, Lucam et
Iohannem, pour le cardinal Annibald de Annibaldis.
1265-1266 : De potentia, De rationibus fidei.
1266-1268 : In divinis nominibus.
1266-1267 : QD de Anima.
1267-1268 : QD de spiritualibus creaturis ; De anima.
Summa Theologiæ - Prologue
Celui qui est docteur de la vérité catholique doit non seulement
enseigner ceux qui sont les plus avancés, mais il doit aussi instruire ceux
qui commencent, selon ces mots de l’Apôtre (1 Co 3, 1-2) : « Comme à de
petits enfants dans le Christ, c’est du lait que je vous ai donné à boire,
non de la nourriture solide. » Notre intention est donc, dans cet ouvrage,
d’exposer ce qui concerne la religion chrétienne de la façon la plus
convenable à la formation des débutants.
Nous avons observé en effet que, dans l’emploi des écrits des
différents auteurs, les novices en cette matière sont fort empêchés, soit
par la multiplication des questions inutiles, des articles et des preuves ;
soit parce que ce qu’il leur convient d’apprendre n’est pas traité selon
l’ordre même de la discipline, mais selon que le requiert l’explication des
livres, ou l’occasion des disputes ; soit enfin que la répétition fréquente
des mêmes choses engendre dans l’esprit des auditeurs lassitude et
confusion.
Désirant éviter ces inconvénients et d’autres semblables, nous
tenterons, confiants dans le pouvoir divin, de présenter la doctrine sacrée
brièvement et clairement, autant que la matière le permettra.
Plan de la Somme de Théologie
Le plan général est basé sur le schéma exitus-reditus,
d’origine chrétienne chez saint Thomas (en non
néoplatonicienne).
D’abord, saint Thomas, à la suite des Pères parle de la
théologie, pour parler ensuite de l’économie, c’est-à-
dire de l’action de Dieu dans le monde.
Théologie : Ia, q. 2-43 (Dieu en lui-même, dans son
unité et dans sa Trinité.)
Économie :
Exitus : Ia, q. 44-119 – création ;
Reditus : IIa, IIIa – le retour de l’homme créé à l’image de
Dieu. Ce retour s’opère par la médiation du Christ.
Toutes les œuvres théologiques de l’Angélique sont
structurées par la foi et le Credo. On part de Dieu, de
la Trinité, de son action créatrice, pour arriver à Dieu
qui vient dans le Christ, afin de prendre l’homme avec
lui dans la gloire du ciel.
« La totalité de l’œuvre divine trouve son achèvement
en ceci que l’homme, dernière créature créée, revient à
sa source par une espèce de cercle, lorsque par l’œuvre
de l’incarnation il se trouve uni à la source des choses
elle-même. » (CT, I, c. 201)
C’est la foi qui tient la place principale dans la
théologie thomasienne. S’il y a une touche
néoplatonicienne, il faut l’attribuer à l’influence du
Pseudo-Denys (De divinis nominibus).
Nouveau séjour parisien
Dates les plus probables : 1268-1272.
Raisons de ce retour à Paris :
défense de l’œuvre d’Aristote ;
combat contre l’averroïsme latin ;
apologie de la vie religieuse mendiante.
Parmi les écrits de cette période, il faut mentioner De
æternitate mundi, qui s’engage dans le débat
académique au sujet de l’éternité du monde. Saint
Bonaventure et John Peckham (les deux franciscains)
soutiennent que l’on peut prouver avec la raison seule
que le monde n’est pas éternel. Pour saint Thomas,
cette question est insoluble avec la raison seule.
Quelques autres disputes de la même période
L’unicité de la forme substantielle chez l’homme, avec
deux thèses qui s’affronent :
pluralité – les formes substantielles changent en
fonction du niveau de la vie du composé : âme végétale,
âme sensible, âme intellectuelle ;
unité – il n’y a qu’une seule forme, l’âme et les niveaux de
la vie du composé sont dépendants de ses facultés.
L’unité de l’intellect est cette question ou s’affrontent
les courants qui se disent fonder sur Aristote, Avicenne
et Averroès. Pour Avicenne, l’intellect agent serait une
puissance séparée, commune à tous les hommes. Pour
ceux qui disent suivre Averroès, il n’y a qu’une âme
intellectuelle pour tous les hommes.
Deux grands penseurs musulmans :
Avicenne : 980-1037, un penseur perse, écrivant en
arabe, l’un des commentateurs d’Aristote les plus connus
au Moyen-Âge.
Averroès : 1126-1198, un penseur andalou de langue
arabe, le Commentateur d’Aristote.