Morphologie lexicale Chapitre 1 : La formation du lexique français
1.1. Approche diachronique
1.1.1. Les mots transposés 1.1.2. Les mots de formation française 1.2. Approche synchronique 1.2.1. Les mots simples 1.2.2. Les mots construits La morpholexicologie s’occupe de l’étude de la formation des mots.
On distinguera deux approches :
• une approche diachronique (une approche qui s’intéresse à « l’évolution des faits de langue dans le temps ».) • une approche synchronique (une approche qui privilégie les « relations instituées entre les unités dans un état de langue donné à un moment du temps ».) 1.1. Approche diachronique
L’approche diachronique distingue : les mots transposés et
les mots de formation française.
1.1.1. Les mots transposés :
a. Les mots hérités
b. Les mots empruntés a. Les mots hérités
Il s’agit des mots que le français a hérités d’une langue
ancienne : • soit le gaulois, • soit le latin (via la conquête romaine de la Gaule). Ex ferum > fier. • soit le francique (importé sur le territoire avec les invasions germaniques du Ve siècle après Jésus Christ).
L’étymologie étudie leur histoire phonétique et sémantique
en remontant jusqu’à leur forme la plus ancienne, qui est leur étymon. Ex. : le produit français « chétif » est un mot hérité qui vient du latin populaire cactivus lui-même issu de l’étymon latin captivus, qui signifie « prisonnier ».
Autrefois utilisé sur un plan moral pour qualifier l’homme
prisonnier d’une passion, et par les auteurs chrétiens pour l’homme captif du péché, cet étymon a donné lieu au produit français chétif qui, du sens étymologique de « prisonnier, misérable », est passé par transposition sur le plan physique à celui de « malingre, de faible consistance ». b. Les mots empruntés
Il s’agit de mots que le français a empruntés aux langues
modernes ou anciennes après la naissance institutionnelle du français, c’est-à-dire après le IXe siècle
Ex. de mots empruntés (après le IXe siècle, donc) aux langues
anciennes : euphorie, chlore <du grec ; fragile <du latin. L’opposition mots hérités vs mots empruntés aux langues anciennes appelle au moins trois remarques :
• Les mots hérités ont suivi les lois de l’évolution
phonétique (dont rend compte la phonétique historique). De ce fait, leur forme est souvent très éloignée de celle de leur étymon de départ. Les mots empruntés, introduits à date variable dans le français, n’ont subi que partiellement l’évolution phonétique. Formellement, ils sont restés plus proches de leur étymon. • Concernant le latin, un même étymon a pu donner lieu : o à un mot français hérité, attesté dès la naissance du français : captivum > chétif o à un mot français emprunté, introduit dans la langue à une date ultérieure : captivum > captif (fin XVe siècle)
Dans ce cas, on parle de doublet comprenant une forme
populaire (la forme héritée, qui a suivi les lois de l’évolution phonétique) et une forme savante (la forme empruntée, qui n’a subi que partiellement l’évolution phonétique et est formellement proche de l’étymon) Les doublets formels ont le plus souvent des sens différents : chétif signifie « malingre » et captif signifie « prisonnier ». Bref, « ils ne sont pas des clones » (selon l’heureuse expression d’Henriette Walter dans Le français dans tous les sens). Les doublets constitués d’une forme héritée et d’une forme empruntée ne concernent pas seulement les mots du français. Ils peuvent concerner des unités inférieures au mot, comme les morphèmes suffixaux. • Ex. On opposera ainsi –el (forme suffixale populaire issue du suffixe latin –alis et ayant subi les lois de l’évolution phonétique) à –al (forme empruntée après la naissance du français au suffixe latin –alis, qui n’a subi que partiellement les lois de l’évolution phonétique) : originel vs original Les mots empruntés aux langues modernes sont plus ou moins bien « francisés ». Parmi les critères formels permettant d’évaluer le degré de francisation d’un mot emprunt à une langue moderne, on retiendra : • la marque d’accord en nombre (en français, pour le pluriel du mot concerto emprunté à l’italien, on hésite encore entre une marque de pluriel « à l’itialienne », concerti, ou une marque de pluriel française : concertos) • la possibilité d’une dérivation : volley > volleyeur (c’est la base qui est empruntée à l’anglais) // self > self- contrôle (c’est le préfixe qui est emprunté à l’anglais) • la possibilité d’une troncation : tramway > tram 1.1.2. Les mots de formation française
Il s’agit de mots fabriqués en français même, la plupart du
temps : • à partir des mots appartenant à l’une ou l’autre des deux catégories précédentes (les mots hérités ou les mots empruntés) : ex. gendarme, abat-jour, cordon bleu • à partir d’un mot appartenant à l’une ou l’autre des deux catégories précédentes et d’un morphème lié (d’un morphème non autonome, en l’occurrence d’un affixe.) : ex. insupportable < in- + supportable < supporter + -able. 1.2. Approche synchronique
Elle oppose, d’un point de vue formel :
• les mots simples • les mots construits
Cette opposition permet de regrouper « bijou », « maison » et
« monde » dans l’ensemble des mots simples, indépendamment de leur origine diverse, du point de vue diachronique, et de penser « aimable » et « supportable » comme des mots construits, indépendamment de l’époque à laquelle s’est effectuée cette construction (époque latine pour aimable < amabilis < amare + - abilis ; époque française pour supportable > supporter + -able). Bref, l’approche synchronique neutralise les distinctions qui, pour être repérées comme telles, nécessitent un savoir. 1.2.1. Les mots simples Ce sont ceux dont la structure interne n’est constituée que d’un seul élément (ie, d’un seul morphème) : « bijou » , « maison », « monde ».
1.2.2. Les mots construits
Ce sont ceux dont la structure interne comprend plusieurs éléments (ie, plusieurs morphèmes). Ils sont susceptibles d’être mis en relation avec un ou plusieurs autres mots de la langue. Ex : poirier peut être mis en relation avec poire Ex : dix-neuf peut être mis en relation avec dix et neuf.