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LE THÉÂTRE AU MOYEN ÂGE

THÉÂTRE AU MOYEN ÂGE


Au début du Moyen Âge les spectacles sont
proposés dans les châteaux, ou les villages,
et sont plus modestes. Ils sont le fait de
bateleurs, jongleurs, mimes, montreurs
d’animaux, et troubadours ambulants qui
travaillent avec peu de moyens.
Pour que le peuple comprenne mieux le
contenu des livres saints qui étaient rédigés
en latin, les églises demandent à ce que la
Bible et le nouveau testament soient
mis en scène à l’intérieur même des
églises, dans le chœur ou dans la nef, par
extraits, : c’est la naissance du drame
liturgique, qui sera remplacé plus tard par
le jeu, au XIIIe siècle, plus long mais
toujours sur les mêmes thèmes.
LE JEU D’ADAM (vers 1150)
LE JEU D’ADAM (vers 1150) – autre extrait

• Le diable : Je vous préviens d' un • Eve : En moi aie foi .


grand engin • Le diable : Tiens-le secret .
• Qui vous est fait en ce jardin : • Eve : Qui le saurait ?
• Le fruit que Dieu vous a donné • Le diable : Pas même Adam !
• En soi a bien peu de bonté ; • Eve : Oh ! non , de vrai .
• Le diable : Je vais te dire , écoute
• Celui qu' il vous a défendu bien ;
• Possède très grande vertu : • Nul n' assiste à notre
• En lui est la grâce de vie , entretien ,
• De puissance et de • Adam , là-bas , point
seigneurerie , n' entendra .
• De bien et mal la connaissance. • Eve : Parle bien haut , rien ne
saura .
• Eve : Quel est son goût ?
• Le diable Céleste essence .
Miniature illustrant le Miracle de
Théophile
• Puis, au XVe siècle,
devant l’église, sur le
parvis, on représente le
miracle, un épisode
édifiant de la vie d’un
saint, puis un siècle plus
tard, les mystères, qui
représentent des extraits
illustrés des livres saints.
La place publique accueille
aussi des mystères.
• En même temps que le théâtre religieux qui se joue
en ville, on joue du théâtre profane, non religieux:
la farce, en particulier. Ce théâtre profane se joue
plutôt à la campagne mais se développe également en
ville où l’on représente des jeux profanes, des
moralités, des sotties qui ont souvent un caractère
satirique et exemplaire.
Les personnages et les thèmes des
pièces au Moyen Âge
Le théâtre religieux met en scène des personnages issus
de la Bible et du nouveau testament, ou bien inspirés de
la vie des saints.

On représente ainsi les Rois Mages, la résurrection de


Lazare, la conversion de Saint Paul, la passion du
Christ, les miracles de Notre Dame… Au fur et à
mesure que les années passent, on trouve de plus en plus
de personnages sur scène, des décors plus élaborés, et les
représentations s’allongent.
Le théâtre profane
Le théâtre profane est en général satirique, et
parfois exemplaire. EXEMPLES :

La sottie

met en scène exclusivement des fous, habillés


bizarrement, mais qui ont parfois une place
importante dans la société : juge, moine, noble.
On se moque des puissants comme au carnaval.
La sottie
Les "sots" fondent leur système de satire sur cette hypothèse que
la société toute entière est composée de fous. Ajoutant à leur
costume quelques éléments significatifs, ils deviennent juge,
soldat, moine, noble, homme du peuple... Tous entraînés dans
des sketches relevant de la folie générale.
« Elle doit son nom aux Sots qui l’interprètent, revêtus d’un
costume particulier : une simple robe grise, dont l’élément
essentiel est un capuchon à oreilles d’âne. Son intention est
primordialement comique : elle est à considérer comme une sorte
de « lever de rideau », destiné à mettre le public dans une
ambiance d’euphorie, notamment par le rire. » (RUS, 2004)

Source : https://www.cairn.info/revue-poetique-2004-4-page-429.htm
Extrait d’une sottie
Citons, à titre d’illustration, le cri par lequel débute le Jeu du Prince des Sotz et de Mère
Sotte (1511) :

« Sotz lunatiques, sotz estourdiz, sotz sages,


Sotz de villes, de chasteaulx, de villages,
Sotz rassotez [radoteurs], sotz nyais, sotz subtilz,
Sotz amoureux, sotz privez, sotz sauvages,
Sotz vieux, nouveaux, et sotz de toutes ages,
Sotz barbares, estranges et gentilz,
Sotz raisonnables, sotz pervers, sotz retifz [réticents] […],
Sottes dames et sottes damoiselles,
Sottes vieilles, sottes jeunes, nouvelles ;
Toutes sottes aymant le masculin,
Sottes hardies, conardes, laides, belles,
Sottes frisques [gaillardes], sottes doulces, rebelles […],
Sottes rouges, masgres [maigres], grasses et palles », etc.

Source : https://www.cairn.info/revue-poetique-2004-4-page-429.htm
Fêtes - Carnaval
« les dates de représentation des sotties (celles, du
moins, qui se laissent repérer) coïncident avec cette
période de réjouissances populaires, collectives, qui est
celle du Carnaval : le Jeu du Prince des Sotz et de Mère
Sotte, pour prendre un exemple, a été joué le Mardi gras
de l’année 1512 . » (RUS, 2004)
“Carnavalisation” selon Bakhtine
« Grâce à Bakhtine, nous savons que le Carnaval implique un
renversement, c’est-à-dire un rabaissement du monde officiel, une
abolition de tous les rapports hiérarchiques, des privilèges, des règles et
tabous qui structurent la vie de tous les jours. (...) [Cependant] tout dans
l’univers carnavalesque est-il foncièrement ambivalent : tout tourne et
retourne dans une ronde effrénée, le haut et le bas, le sacré et le profane, la
vie et la mort, comme le beau temps et la pluie, l’été et l’hiver. Or, c’est
cette ambivalence, on l’oublie trop souvent, qui est le principe sous-jacent
à la vision carnavalesque du monde, « idéologie non officielle », au dire de
Bakhtine – et qui explique la joie, le rire de la foule en fête (...) » (RUS,
2004, p. 20)

RUS, Martijn. La sottie : une divina commedia. In: Revue Poétique, vol. 140, no. 4, 2004, pp. 429-
441.
La moralité

met en scène des allégories qui représentent


certains vices des hommes ou défauts de la société.
Richesse y est punie par Sobriété. Foi résiste à
Péché.
La Moralité : C'est une allégorie à caractère satirique,
généralement éducatif. C'est l'ancêtre de tout théâtre
didactique. C'était une pièce ennuyeuse, difficile à
comprendre et à suivre, surtout lorsqu'elle était jouée sur
une place publique, car il y avait de mauvaises conditions
d'acoustique.
Dario Fo écrit, dans Le Gai savoir de l’acteur :

« … Il n’y a pas, dans le théâtre ancien, profane ou


religieux, un texte qui ne contienne ce présupposé
fondamental : l’enseignement d’un principe à la
fois moral et civique. » (1990, p. 207)

FO, Dario. Le Gai Savoir de l’acteur. (Traduit de l’italien par Valeria Tasca). Paris: L’Arche Éditeur,
1990.
La Farce
La farce
La farce
• La préférée du public car elle met en scène
l’homme du peuple aux prises avec ses tracas
quotidiens caricaturés et exagérés. Escrocs,
menteurs, voleurs, femmes volages, maris faibles,
belles-mères abusives, soldats brutaux, moines
paillards y sont moqués.
• Les farces se développent à partir de deux
traditions, celles des fabliaux (1) et des
mystères (2).
1) Les fabliaux sont des contes, caractérisés, en
général, par sa brièveté, sa grossièreté et sa volonté de
produire un effet comique.

(Exemple : “A donzela que não podia ouvir falar de...”


In:
https://www.ricardocosta.com/artigo/donzela-que-nao-p
odia-ouvir-falar-de-foder-e-da-mulher-quem-arrancara
m-os-colhoes-dois
2) Les mystères sont des spectacles au caractère
religieux, “qui représentent l’histoire entière de la chute
et du salut de l’homme ; on monte d’immenses
machines, qui durent plusieurs jours et nécessitent
l’intervention de centaines de figurants. (...) les plus
intéressants de l’Histoire Sainte sont ceux de la Passion
du Christ.”

Source: BERTHELOT, Anne ; CORNILLIAT, François. Littérature – textes et documents. Moyen Âge. Paris : Nathan, 1988.
p.148
« Toute la communauté participait à ce genre de
‘représentations’ : ainsi les forgerons, concernés par
la fabrication des clous qui fixent le Christ sur la
Croix, avaient droit à des petites scènes boufonnes à
l’intérieur de la scène liturgique. Ces farces, aux deux
sens du terme (d’origine du bas latin farsa, et du
verbe farcir : bourrer, remplir les interstices),
apaisaient la tension provoquée par le déroulement
des épisodes tragiques de la mise en croix. »

Source: BERTHELOT, Anne ; CORNILLIAT, François. Littérature – textes et documents. Moyen Âge. Paris
: Nathan, 1988. p.148
À partir, donc, de ces deux traditions (fabliaux et mystères), les
FARCES se développent : « petits textes d’abord, puis véritables
pièces de théâtres ancêtres des comédies modernes. (...) Rien de
sérieux dans la farce, aucune volonté d’édification du lecteur. Il
s’agit simplement de faire rire le public, qui n’est pas très
élaboré. »

Source: BERTHELOT, Anne ; CORNILLIAT, François. Littérature – textes et documents. Moyen Âge. Paris : Nathan, 1988.
p.155
David Vinckboons (1576-1629), Kermesse
Farce du Maître Pathelin

Cest l’une des plus connues des farces médiévales. Elle


est bien plus longue que les autres, avec 1470 vers,
tandis que la majorité compte vers 400 ou 500 vers.
L’auteur n’est pas connu et cette pièce date des environs
de 1465.
Résumé de la farce
Un avocat décrié et sans causes, Maître Pathelin, s’entretient avec son
épouse, dame Guillemette, des moyens de renouveler, sans bourse
délier, leur garde-robe qui s’en va en lambeaux. Il leurre avec de belles
paroles son voisin le drapier, et se fait donner, non sans peine, une
pièce de drap, en se promettant bien de ne pas la payer. De son côté, le
drapier s’applaudit de la lui vendre plus qu’elle ne vaut. Ce même
drapier a un berger, Agnelet, qui le vole et qui a recours à l’avocat pour
se défendre en justice contre son maître. Sur les conseils de Pathelin, le
gardeur de moutons gagne son procès en faisant l’imbécile devant ses
juges et en répondant à toutes les questions par le cri de ses bêtes. Pour
couronner le tout, il ne fait pas d’autre réponse à maître Pathelin
luimême, quand celui-ci lui réclame ses honoraires.
Farce du Maître Pathelin
• Ses personnages peuvent être considérés comme des symboles
de son époque : l’avocat Pathelin, un avocat sans clients,
malgré ses connaissances rhétoriques ; Guillaume, le riche
commerçant, représentant la bourgeoisie florissante qui
“remplace” les professions “intellectuelles”.
Farce du Maître Pathelin - extrait
Pathelin feint d’être à l’agonie lorsque le drapier vient réclamer l’argent pour les draps
dont il lui a fait crédit :

Guillemette : Hélas ! Venez le voir, cher monsieur : il est si souffrant !


Le drapier : Est-il malade pour de bon, depuis tout à l’heure qu’il est revenu de
la foire ?
Guillemette : De la foire ?
Le drapier : Par saint Jean, oui. Je crois qu’il y est allé. Il me faut l’argent du
drap dont je vous ai fait crédit, maître Pierre.
Pathelin : Ah ! Maître Jean, j’ai chié deux petites crottes plus dures que la
pierre, noires, et rondes comme des pelotes. Prendrai-je un autre clystère ?
Le drapier : Et qu’est-ce que j’en sais ? Qu’est-ce que j’en ai à faire ? Il me faut
neuf francs ou six écus.
Pathelin : Ces trois morceaux noirs et pointus, les appelez-vous des pilules ?
Ils m’ont abîmé les mâchoires ! De grâce, ne m’en faites plus prendre, maître
Jean ! Ils m’ont fait tout rendre. Ah ! Il n’y a pas de chose plus amère.
Le drapier : Non point, par l’âme de mon père : mes neuf francs ne me sont
point rendus.
Farce du Maître Pathelin - extraits
Guillemette : Par le cou soient pendus de tels gens si pénibles ! Allez-
vous-en, par tous les diables, puisque ce n’est par Dieu !
Le drapier : Par le Dieu qui me fit naître, j’aurai mon drap avant de
finir ou mes neuf francs !
Pathelin : Et mon urine, ne vous dit-elle point que je meurs ?
Hélas ! Par Dieu, faites que quoi qu’il arrive je ne trépasse pas !
Guillemette : Allez-vous-en ! Et n’est-ce pas honteux de lui casser
la tête ?
Le drapier : Dame ! Dieu en soit fâché ! Six aunes de drap...
maintenant ! Dites, est-ce concevable, sur votre foi, que je les
perde ?
Pathelin : Si vous pouviez amollir ma merde, maître Jean ! Elle est
si dure que je ne sais comment je résiste quand elle me sort du
fondement.
Le drapier : Il me faut neuf francs tout ronds, car, par saint Pierre
de Rome...
Guillemette : Hélas ! Vous tourmentez tellement cet homme !
Comment êtes-vous si dur ? Vous voyez clairement qu’il pense que
vous êtes médecin. Hélas ! Le pauvre chrétien a assez de malheur :
onze semaines sans relâche, il est resté là, le pauvre homme !

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