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Ê  



Ê  
 

   

          
I.1. Lexique: définition et exemples««««««««««««««««..6
I.2.Vocabulaire: définition et exemples«««««««««««««««.8

          !   "


II.1. L¶ancien français: quelques particularités«««««««««««...10
II.2. Repères historiques««««««««««««««««««.....«10
II.2.1. Les substrats«««««««««««««««««««...«..«10
II.2.2. Le fonds latin««««««««««««««««««««.......12
II.2.3. Le superstrat germanique«««««««««««««««««.14
II.3. Procédés d¶enrichissement«««««««««««««...«««...15
II.3.1. La dérivation««««««««««««««««««««...«.15
II.3.2. La composition«««««««««««««««««««««.18
II.3.3. Les emprunts«««««««««««««««««««««....19
II.3.4. Les influences savantes««««««««««««««««««20
 
    # $
 %
III.1. Aspects de la langue littéraire au XIIe siècle ««««««««««.21
III.2. Un nouvel idéal de la société: l¶idéal courtois««««««««««23
III.3. Le vocabulaire de l¶amour courtois dans les textes du XIIe siècle.........25‘

   & ' (˜ ˜ 


      ) 
Ê * 
IV.1. Fin¶amors dans ˜ «««««««««««««««««««.33

1
IV.2. Les protagonistes««««««««««««««««««««.........34
IV.2.1. La dame««««««««««««««««««««««««....34
IV.2.2. Le chevalier«««««««««««««««««««««.«.....37
IV.3.De la beauté naît l¶amour«..«««««««««««««««...........40
IV.4. L¶amour qui fait vivre et mourir«««««««««««««.............45 
+,   -
.  ,   -/
 "
 )   /






















2
  

L¶amour courtois désigne l¶amour profond et véritable que l¶on retrouve entre un
prétendant et sa dame. L¶amour courtois est l¶aboutissement d¶une conquête de soi-même,
menant le jeune homme, à travers la femme aimée, vers la découverte de ses qualités profondes.
La courtoisie est une éducation sentimentale  ‘ ‘, morale, sociale. L¶amour courtois est
l¶une des étiquettes qui caractérisent le Moyen Âge.
L¶intérêt des chercheurs pour les romans arthuriens et les légendes celtiques a été de plus
en plus grandissant, encouragé par le goût du public, de sorte qu¶on se retrouve aujourd¶hui
devant une production impressionnante d¶études, de monographies, de travaux, de traductions. Le
principal auteur qui suscite les préoccupations plus ou moins académiques des chercheurs reste
Chrétien de Troyes. Il suffit de mettre son nom comme recherche sur n¶importe quelle page
d¶internet, et les titres qui envahissent l¶écran dépassent toutes les attentes. Cette situation
bibliographique est due, partiellement, à l¶extension des champs interprétatifs, au courage parfois
d¶attaquer les textes directement en ancien français, pour une approche formelle tant soit peu
correcte, au besoin d¶appliquer toutes sortes de lectures critiques à titre d¶expérience ou de
revalorisation des textes anciens.
˜‘ 
 ‘ ‘  
 constitue l¶objet d¶étude de ce travail. L¶objectif est
d¶examiner le vocabulaire de l¶amour courtois dans les textes de XIIe siècle et de démontrer que
l¶homme de Moyen Âge a les possibilités linguistiques de communiquer ce qui se passe dans sa
pensée et dans son cœur, même si quelques mots sont employés dans le texte avec des valeurs
sémantiques différentes.
On part de la distinction que R.L.-Wagner établit entre lexique et vocabulaire, le premier
englobe le dernier, celui-ci étant plus restreint du point de vue de l¶inventaire et de la description.
Les difficultés qu¶une étude sur le lexique du Moyen Âge implique tiennent plutôt d¶une
analyse étymologique et fonctionnelle que de la réalisation d¶un inventaire. C¶est pour cela qu¶on
fait une petite présentation de l¶histoire de la langue française, mais seulement dans le domaine
du lexique: quelques repères historiques pour les substrats, pour le fonds latin et pour le
superstrat germanique, et aussi pour les procédés d¶enrichissement qui ont donné dans la langue
française un grand nombre de mots. Dans les chapitres III et IV on a fait l¶analyse étymologique

3
des termes qui s¶inscrivent dans le thème de l¶amour courtois. On a essayé de les illustrer en
fonction de ce que l¶amour peut atteindre (le bonheur, la souffrance, l¶accomplissement) et en
même temps on analyse les termes qui présentent plusieurs valeurs sémantiques. On fait la
précision que dans le chapitre III on commente les fragments des quelques textes du XIIe siècle
(Ê   de Thomas, ˜‘
 de Marie de France,  ‘‘  de Chrétien de Troyes)
pour démontrer que le nouvel idéal courtois est répandu à l¶aide de la littérature parmi les
hommes du Moyen Âge et que cet idéal est de plus en plus important dans le changement de leur
mentalité.‘
Dans le chapitre IV on procède à un examen approfondi sur le vocabulaire de l¶amour, on
suit les situations d¶amour tout au longue du roman ˜‘  ‘ ‘ ‘ ‘
‘‘‘  ‘
˜ ‘C¶est ce roman, et pas un autre, par la simple raison que le protagoniste, le chevalier
Lancelot, est un    ‘ exemplaire. Le roman a été écrit entre 1177-1181, il n¶est conservé
que sur deux manuscrits complets, l¶un de la BNF, 794, la copie de Guiot, (le texte de base de
l¶édition selon laquelle on a travaillé) et un autre, appartenant également à la BNF, 12560. Les
deux sont en champenois. La copie de Guiot a été imprimée en 1850 par W.J. Jonckbloet. Le
deuxième manuscrit mentionné a été édité par P. Tarbé en 1849.
Pour notre travail nous avons une variante faite d¶après le manuscrit de la BNF 794, la
copie Guiot, édition et traduction en français moderne par Charles Méla.
L¶exégèse de l¶œuvre de Chrétien de Troyes pourrait être jugée de la perspective des
livres écrits jusqu¶au présent et des articles publiés sur cet auteur.
On a trouvé des livres en Roumanie, mais ils appartiennent plutôt au domaine de la
littérature. On a deux études qui sont vraiment dédiées au Chrétien de Troyes:‘ 

‘ ‘
  ‘ ˜ ‘ ‘ ‘  ‘ ‘ Ê, 1996, de Maria Pavel et 
‘ ‘
 ‘‘ ‘ ‘Ê‘ ‘  
‘‘
‘ ‘   ‘2005, de Diana
Gradu.
Les autres pistes bibliographiques ont complété l¶image sur l¶ancien français et sur les
mentalités médiévales avec lesquelles on a essayé d¶établir des correspondances. Les lectures
principales ont été celles de Paul Zumthor, de Ferdinand Brunot, R.L.-Wagner. La partie
concernant l¶histoire des mentalités a été enrichie grâce aux lectures de Georges Duby, Jean

4
Verdon, Georges Matoré et Aaron J. Gourevitch. En ce qui concerne la littérature on a choisi
l¶étude de Sasu Voichiţa Maria.
Les dictionnaires utilisés sont :
- Frédéric Godefroy, ˜! 
‘ ‘   ‘  "  Paris, Honoré Champion Éditeur,
2000.
- A.J.Greimas,    ‘ ‘  ‘ "  ‘Larousse-Bordas, 1999.
-‘ ‘  ‘2000.
On a consulté une version électronique du Ê‘ ‘ ‘˜ 
‘# " ‘$  ‘et
une variante du    ‘% 
‘ ‘ ‘ ‘Ê.
Ce bref aperçu sur les recherches plus ou moins éloignées dans le temps a essayé de situer
dans le contexte critique le thème de recherche proposé dans le travail.

5
         

  # ()!   

Fig.1 Le lexique

Le terme ! 
 est attesté en français avec l¶an 1721 (! ‘ gr. lexikon, de ! &).
Dans son sens le plus général, le terme‘! 
 désigne l¶ensemble des mots au moyen desquels
les membres d¶une communauté linguistique communiquent entre eux.
Dans le  ‘  ‘2007, le terme ! 
‘est expliqué de la façon suivante:    ‘

  ‘  !
Dans le TLF informatisé, il y a les exemples: ! 
‘ ‘  ‘ 
 
 ‘! 

‘ ‘  ‘ ! 
‘ ‘   ‘  "  ‘ ! 
‘ ‘   ‘ ! 
‘ ‘ 
  ‘
! 
‘''
  ‘etc(‘
‘Le lexique, tel qu¶il a été défini, est une notion théorique. Aucun français ne connaît tous
les mots en usage de son vivant, sur le territoire de la France. En plus, n¶existe±t-il de
dictionnaire qui les enregistre tous, sans exception. Dans la réalité chaque individu ne se sert que
d¶une partie restreinte du lexique.‘

1
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=2155865625. Le Trésor de la Langue Française
Informatisé.

6
Les énoncés émanent de gens, conditionnés par leur milieu, leur profession, leur culture,
d¶individus dépendant aussi des circonstances dans lesquelles ils émettent leur message, ainsi que
des destinataires de celui-ci. La langue, qui préside aux emplois, est un instrument de
communication immédiate. On ne parle, on n¶écrit que pour l¶instant, même quand on nourrit
l¶illusion de le faire pour l¶éternité. Le lexique d¶une langue varie d¶une époque à l¶autre, il est,
comme les formes grammaticales, comme la prononciation, comme la langue toute entière, dans
un perpétuel devenir.
Les raisons de cette extrême mobilité sont faciles à comprendre, si l¶on réfléchit tout
d¶abord à la multiplication des mots, qui est une conséquence nécessaire de la multiplication des
idées, et il n¶est pas besoin de longs développements pour montrer comment l¶homme étend sans
cesse le champ de ses connaissances. Il découvre dans le monde extérieur des faits, des êtres,
dont il ne soupçonnait pas l¶existence. D¶autre part, il crée lui-même des corps, des appareils dont
le principe même était ignoré par ancêtres. Et à cette transformation du monde physique
correspond une révolution non moins rapide dans le monde des idées. Sur tous les points où s¶est
portée l¶activité humaine, on voit paraître de nouvelles conceptions.
Il est évident qu¶à ce développement de la pensée correspond un développement parallèle
du lexique. Les mouvements du lexique s¶expliquent par des raisons de nature psychologique. En
effet, d¶une part les mots s¶usent, et, d¶autre part, l¶homme a besoin non seulement d¶exprimer sa
pensée, mais de l¶exprimer avec le plus de vivacité et de variété possible. Ce n¶est pas, en effet,
seulement le lettré qui cherche à présenter une idée dans toute sa valeur, c¶est aussi l¶homme du
peuple qui aime les termes vigoureux et expressifs. Son esprit travaille sans cesse à lui fournir des
nouvelles images plus frappantes que les anciennes, surtout si celles-ci se sont un peu ternies par
l¶usage, comme des monnaies qui ont longtemps circulé. Diachroniquement, le lexique d'une
langue est en perpétuelle évolution: des lemmes apparaissent et disparaissent. Le lexique d'une
langue est donc un ensemble de lemmes aux dimensions floues et variables. On l'a dit, outre qu'il
est impossible de les recenser tous pour un état précis d'une langue, certains apparaissent ou
disparaissent, rendant les limites encore plus difficiles à cerner.
Par extension, un ! 
 est un ensemble de mots liés à un domaine (‘ ! 
‘ ‘
) ), à une personne (‘! 
‘ ‘*  ) ou à un ensemble de personnes (‘! 
‘ ‘

). Il faut dans ce cas le comprendre comme une liste de termes. Il sera alors synonyme de

7

 , ,  ,   , etc. En !   cette confusion des sens
courants n'est pas acceptable. L'objet du travail devant être un corpus d'unités attestées et
considérées avant toute lemmatisation, on traite du 
  de tel ou tel domaine.

 % &  ()!   


Le terme 
 ‘ attesté dans la langue française avec l¶an 1487 (lat. 
 
).
Dans le  ‘  , 1973, il est expliqué de la façon suivante: Ä   ‘ 
 ‘ 
‘ ‘
‘
‘‘‘ ‘
‘ 
 ‘  ‘! 
 ‘ ‘ ‘‘
‘ 
‘
‘
‘ ‘' +
Exemples: 
 ‘ "    ‘
 ‘ ‘ ‘   ‘
 ‘ ‘ ‘
 
 ‘
etc,
Ę‘ 
 ‘  ‘  ‘
‘  ‘
‘ ! 
‘ 
‘ ‘ '-‘ .‘

 ‘‘.‘
‘  ' 3

Fig.2 Le rapport lexique-vocabulaire


Quel que soit le vocabulaire envisagé, celui d¶un écrivain ou celui de techniciens, on a
affaire à un ensemble concret, délimité, analysable. Un vocabulaire n¶est jamais un système clos
et stable.
Les vocabulaires, dont chacun couvre un domaine et comporte des niveaux, représentent,
au contraire, une première structuration du lexique. Le vocabulaire commun d¶une collectivité se
2
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=2155865625. Le Trésor de la Langue Française
Informatisé.

3
R.-L. Wagner, ˜‘
 ‘ "  ‘Paris, Didier, tome I, 1967, p.34.
8
compose de 
 ‘   et de 
 ‘ '  . Le vocabulaire passif correspond aux
termes dont le locuteur connaît la définition, mais qu'il n'utilise pratiquement pas, comme par
exemple ! pour un non linguiste. Le vocabulaire actif correspond aux unités connues et
employées par le locuteur. Les vocabulaires sont utilisés dans un champ donné par un groupe
social particulier. Le lexème devient alors un marqueur sociolinguistique.
On considère que ces précisions sont nécessaires parce que notre travail fait un long retour et il
s¶arrête à l¶époque nommée Moyen Âge. Ce qui suscite notre intérêt c¶est   ‘ " ‰plus
exactement, le lexique du XIIe siècle.





9

   (      !  

  #  !  (   )


Le terme ± devenu usuel ± d¶  ‘ "  désigne un état de langue attesté par des textes
(œuvres littéraires, correspondances, document officiels), rédigés en  . Tel était le nom
qu¶on donnait au Moyen Âge aux idiomes vernaculaires en usage dans des régions qui
débordaient sensiblement les frontières politiques de la France actuelle. Chronologiquement, le
début de l¶ancien français coïncide donc avec un moment critique du gallo-roman: prise de
conscience aiguë par l¶Église des inconvénients qui résultaient d¶une audience restreinte du latin,
promotion des idiomes qui servaient aux actes de communication privés. Dans une perspective
historique, l¶ancien français se définit comme l¶une des formes prises par le latin parlé sur les
territoires où les conquêtes de Rome avaient propagé et implanté l¶usage de cette langue.
La durée assignée à l¶ancien français signifie que plusieurs états de langue se sont succédés
entre le IXe et la fin du XIIIe siècle. / ‘  "  constitue le premier terme d¶une série de
locutions où le mot de français » est assorti d¶épithètes. À l¶ancien français succède ‘‘
 "  lui-même suivi du  " ‘  
 qui précède ‘ " ‘ . L¶existence d¶une
entité, le français », repose sur la transmission ininterrompue de l¶idiome que les Romains
avaient implanté en Gaule. En ce qui concerne   ‘ "  la limite initiale est fournie, en
842, par les 0‘ ‘0  


 % 0
  
La démarche lexicale proposée par cette étude, centrée sur le XIIe siècle comporte
également une radiographie des textes selon le critère étymologique. C¶est pourquoi dans les
pages qui suivent nous donnerons quelques repères pour l¶histoire du français.

 %  # 
Faisant partie de la famille des  
‘  , ‘  "  est, implicitement, une
langue indo-européenne. Avant l¶arrivée des Grecs et des Celtes, qui ont introduit des langues
indo-européennes sur le territoire qui allait appartenir à la France, celui-ci était occupé par les
10
Ligures, les Ibères et les Aquitains, dont les langues n¶appartenaient pas à la même famille. Les
traces de la langue parlée par les Ligures se constituent du quelques toponymes: = 
 ‘
1 
 ‘ *
 ‘ Ê   ‘ etc. Bien que le français contemporain ait beaucoup de mots
d¶origine grecque, seuls quelques toponymes remontent à l¶époque ancienne 2 ‘ 3&2 45 ‘
/ ‘ 3&/ ' 5 ‘ / ‘ 3&/ -Ê
4-5 ‘ 1  ‘ 3&1   5‘ L¶arrivée des Grecs au
Midi coïncide, en grandes lignes avec l¶arrivée des Celtes au Nord, par l¶Alsace et la France-
Comté, / ‘ 3& ‘ ‘ / 5 ‘  ‘ 3& ‘ ‘ 5 ‘    ‘ 3& ‘ ‘    5 ‘
Ê‘3& ‘ ‘Ê  5 ‘ ‘3& ‘ ‘ 
5 ‘etc.
Le gaulois est un substrat du français. Des peuplades celtes, les Gaulois, vivaient dans
l'actuel territoire français avant l'arrivée des Romains. Étant donné le prestige culturel,
économique et politique que véhiculait le latin, les Gaulois finirent par abandonner leur langue
pour adopter le latin, qui évolua dans cette région pour donner le français. Le parler gaulois a
disparu mais il reste décelable dans quelques mots français (une centaine).
Du point de vue de la grammaire historique, nous retrouvons en ancien français quelques
traits spécifiques gaulois:
-l¶expression de la réciprocité par la structure ‘6‘  (<lat. );

Ex.1   (1204, Renclus de Moiliens,‘ ‘ ‘  )


ÄDe la ou il fu  '`¶ (#,6712).

Ex.2     


ÄLors a Deu qui onques ne mant
S¶    boenemant¶¶ (#, 6706-6707).

Ex.3   
(1155, Wace, lat. intervenire)
Ä Et li cheval tot de randon
S¶  ‘que front a front¶¶ (#, 3592-3593).

- l¶expression de l¶appartenance à l¶aide de la préposition ·, courante en ancien français, est


rencontrée de nos jours dans la langue populaire (‘ ‘.‘1  57

11
Dans le fonds lexical il y a des mots d¶origine supposée celtique ou, au contraire, mots celtes
sans aucun doute.
Ex.1 
 nf. (1080, Roland, lat. pop. *' d¶origine probablement celtique,
¶morceau¶, ¶fragment¶):
Ä Et des lances tex cos se donent
Qu¶elles ploient et arçonent
Et anbedeus an '  volent (#1 2683-2685)

Ex.2 ‘| |
n. f. (XIIe s. lat. pop. *   , d¶orig. gauloise, ¶ample culotte serrée aux
jambes par des lanières¶)
ÄGesqu¶al  ‘le purfendié
Que en pre en cheent les mertez (Ë, p.53)

Ex.3    


 v.(fin XIIe siècle, ˜‘
‘ ‘˜
 ‘bas lat.    ‘
d¶origine gauloise)
ÄPor neant volsissent   
Lor ostel por querre meillor¶¶ (#, 454-455).

 % % #!  
Le français, comme toutes les langues romanes, est issue du latin populaire, plus précisément.
Les mots du français proviennent essentiellement du latin.
Ę‘ ‘  ‘‘8

‘ 
‘ ‘
‘ ‘
‘ " 4. En effet, les
mots appartenant au latin parlé sont très nombreux en ancien français. Nous choisissons quelques
exemples:

Ex1 
  < requerre (XIIe s. Alexis) < lat. pop. *
‘pour 
 :
1. ¶prier¶

4
/'
Diana Gradu, ˜! 
‘ ‘  
‘ ‘
‘  ‘
‘ 9$$‘  , in / ‘ 0   
 de l¶Université
Alexandru Ioan Cuza» de Iasi, Roumanie, section Linguistique, 2006, tome LII, p. 73-90.
‘
‘
12
2.¶ réclamer par voie judiciare¶
3. ¶exiger¶
ÄReis Louis fud mut irrié
A juste mie nel 

(Ë, p.53)

Ex.2 
 <percier < lat. pop. *'
 ‘pour '
 , ¶percer¶, ¶trouer¶
ÄLi destriers droit sor lui envers
Si roidement que en travers
. L¶une des jambes li '"  (, 3455-3457)

Ex.3 :  ‘ <cohortem < curia par fausse étymologie.du lat. pop.*  < lat.  ‘
 ‘

ÄLi rois I vuelt sa ‘tenir (2, p.119)

Ex4: 
 , n.m. (1160, Eneas) < lat. pop.*   
, de  
 ¶propriété¶,
¶souveraineté¶, ¶puissance¶, ¶pouvoir¶, ¶empire¶, ¶libre arbitre¶
ÄEt molt se cuide bien venchier
Dou grant orgueil et dou  
Qu¶ele li a touz jorz mené (, 457-459)

Ex5 : | < 


 (pour '
) (XIe s., Alexis)
ÄTristrans murut pur sue amur
E la  Ysolt pur tendrur (Ê, p.116-117)

Ex.6 :  (Xe s. Eulalie, grant <   , pour  


)
ÄA la paine e la ‘  ‘dolur
Qui ad esté en nostre amur (Ê, p.116-117)


13
 %  #  ,   
Au Ve siècle, des peuplades germaniques, appelées Francs, pénètrent en Gaule et s¶y
installent. Le contact interrompu entre le latin vulgaire parlé en Gaule du Nord et la langue
germanique des envahisseurs a favorisé l¶introduction dans le latin vulgaire d¶un grand nombre
de mots d¶origine germanique. Ces mots se trouvent généralement dans tous les secteurs de la
vie:
-‘ la chasse, la pêche, la vie rurale: -&‘ ‘
&‘
 ‘etc.
-‘ les institutions politiques et judiciaires:   
&‘     ‘  &‘ :   ‘
 &‘  4 4 ‘etc.
-‘ la vie privée, la maison, la nourriture, le corps de l¶homme, l¶environnement:  &‘
; ‘ ‘& 4 ‘

&‘   ‘
&‘ ‘etc.
-‘ la vie morale: &‘ ‘
 &‘
< ‘
&‘  ‘etc.
-‘ le monde des couleurs:  &‘  4 ‘ 
&‘   ‘ &‘= ‘etc.

Le vocabulaire de la guerre est d¶origine germanique:


Ex.1 (TLF) ' , n. f. (Xe s, Eulalie) lat. impér. '  ‘d¶orig. germ.large
Ä Ne an m¶' n¶en ma lance
Quant je li lesserai m¶amie¶¶ (#, 1724-1725)

Ex.2   <   < 


 
Ä Qu¶il n¶i paroit se lances non
Et banieres  ¶¶ (#, 5601-5602).
‘
‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘Ex.3  
 (1080,‘  ) < : ‘‘
‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘ Ä S¶ont ja comanciee la‘
 ( #, 2292)

Ex.4   ‘(1175, Chrétien de Troyes) < >'' ‘


‘‘‘‘‘‘‘‘‘ ÄEt li sergent as   saillent¶¶ (#, 2229)
‘
‘‘‘‘‘‘‘

14
Ex.5   ‘
‰  (XIe siècle, ‘ ‘0 ‘/! 5‘
‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘Ä Cil venoit le 
 laci鵶 (#, 2018)‘

  3 ))   
Une vision sur le lexique doit englober les moyens d¶enrichissement de celui-ci. On se
rapporte à la )   , à la   , aux   et aux !   . Ainsi
poursuivra une ligne traditionnelle présente dans toutes les histoires du français. Et puisque ce n¶est pas
l¶objet de notre étude nous n¶y insisterons pas trop. C¶est un aperçu général sur le lexique du XII e siècle.

   # )   


En ancien français, la dérivation est une source inépuisable de création lexicale.
4# )     
L¶ancien français utilise pour dérivation plusieurs suffixes qui sont héritiés du latin. On
mentionne quelques exemples:
-‘ | (de ±    latin), qui élimine peu à peu ±  (de ±  ) et signifie
qu¶on est capable soit de faire une chose soit de la subir:    ‘‘  ‘
   ‘'  ‘'  
 , etc;
-‘ o±  
), qui fait des adjectifs (  ‘   ‘  ), et des substantifs
désignant les droits féodaux (  ‘ ' ), des substantifs à valeur
collective (    ‘ '
  ‘ '
 ), des noms d¶action (   ‘

 5 ‘etc.;
-‘ (de ± 
), suffixe du participe passé mais qui forme aussi des adjectifs
(  ‘ ‘  ) ;
-‘ 
, qui remplace ± ‘?‘   ‘   ‘ 
  ;
-‘ ‰ (de±  ), qui fait reculer ±  (de -  ), et ±  (de @@ ) :  ‘
 ‘
En ce qui concerne l¶influence germanique, on mentionne quelques suffixes: ‘
a)‘ 3±  5‘§‘
‘3±
5 : 
‘ 
‘
;

15
b)‘  (de ±  ?‘ ), employés d¶abord dans les noms propres d¶origine
germanique (*  ‘   ‘ ), ensuite dans des noms communs. Le
sens étymologique a fait place à une valeur augmentative (   ), ou
dépréciative (  &‘, poltron, qui porte la queue basse ; '   , qui
couche sur la paille, gueux).
c)‘ masculins   ‘ , ancien féminin  proviennent généralement du
francique  4 comme dans  "  <  "  <  4 4 ( all. A4 ,
angl.  4 ),   <   <  4 (cf. all.  , angl. B )
qu'on ne doit pas confondre avec le suffixe  C  (espagnol , italien 
) issu du latin 3 5.
Quant aux préfixes germanique, l¶un de plus usités a été le préfixe r, provenu du
francique   , à sens négatif et péjoratif. Les dictionnaires de l¶ancien français présentent un
grand nombre de formations de ce genre dont quelques-unes survivent encore:
-‘   ± s¶égarer
-‘  
± arriver par malheur et   :
Ex.1 Ä Que trop li fust  
¶¶ o#, 4435).
Ex.2 Ä Ha, Dex! Con grant  
e¶¶ (#, 2606)
-‘ 
± dire de mal
-‘  ± entendre mal
-‘   ± se tromper
-‘ 
 ± ne pas apprécier
-‘   ± ne pas se tenir sur ses gardes.
Les parasynthétiques verbaux obtenus par préfixation étaient très nombreux: 
 D‘

  ‘ D ‘  
D  
 ‘ 
D 
 ‘ 'D '
Beaucoup de verbes sont obtenus à l¶aide des préfixes:
-‘ ±  
-‘  ±    ‘   
-‘ ±   ‘ ‘  
-‘  ± '  
-‘  ± '   ‘'  

16
-‘  ± ' .

.4# )    ),  


‘‘‘ ‘˜ ‘    ‘ ‘
‘ ‘
‘ ‘ ‘     ‘ ‘ 
‘‘
‘
 ‘‘ ‘
    ‘
‘  ‘  ‘ 
‘!' 
‘ ''   ‘ ‘‘?‘ ' ‘  ‘
 ‘'  ‘ ‘‘+E‘
Ex.1 Ä Mes il voit bien a son '
Et a la pierre de l¶anel
Qu¶il n¶i a point d¶anchantement¶¶ (#, 2351-2353).

Ex.2 Ä Sanz‘  et sanz contredit¶¶ (#, 1187).

Ex.3 ÄDe mon nés fu, au mien '  (#, 4783)

Ex.4 Ä Je nel lerroie por mil livres


Que fors n¶an soiez ainz le jor
Lors vos metrai a grant 
A grant repos et a grant aise¶¶ (#, 6600-6603)



4# )      
5˜ ‘    ‘ ''‘ ‘ .‘   ‘
‘   ‘‘ '
‘'‘ ‘  ‘
 ‘
  ‘
‘ ‘'   '‘  +F‘‘
Dans cette catègorie on peut intégrer selon la théorie des certains lexicologues les mots
qu¶on a présentés ci-dessus‘ '' ‘  ‘ ‘.Ils sont déverbaux.
La présence de l¶article en ancien français facilite le changement de la catégorie
grammaticale:  ‘
 ‘ ‘  ‘ ‘  ‘ ‘
 ‘  ‘etc‘
Il y a aussi des adjectifs qui subissent la substantivation:‘
5
Maria Pavel, ˜‘ " ‘  ‘‘9$=‘  ‘Iaşi, Demiurg, 1997, p. 212.‘
6
Ferdinand Brunot, G  ‘ ‘ ‘ 
‘ " ‘ ‘  ‘.‘‘
 ‘Paris, A. Colin, 1966, p. 276.
17
Ex1: 3
5‘  
 > foie (d¶oie engraissée avec des figues)
Ex2: 3 
5‘  
 > formage (fromage) (moulé dans un moule)
On a mis entre parenthèses le nom déterminé disparu dans la variante attestée en ancien
français.
Ex3?‘ 
 (de lin) > linge (toile de lin)

  % #   

La composition existe, mais elle est restreinte aux sobriquets. Dans la   ‘ ‘
  
‘ ‘  ‘  "  d¶Albert Henri on a trouvé un texte composé vers 1180-1190
(auteur anonyme) qui donne quelques sobriquets formés par composition:
ÄDevant lui vient G
  
Et Jondoïn Ê
'
 
Et Bandonïn   
(Renart et Brun, vers 1180-11827)
À part ces sobriquets légèrement licencieux il y a un autre type de composés ± adverbe /
préposition +substantif:
 ' ‘
   ‘
'
 (puis, prép & adv. < lat. pop. '
,¶ '¶)
 (estre µhors de¶),  , µ 
 ¶, µ!¶

On peut citer parmi les composés les juxtaposés, selon la terminologie de Ferdinand
Brunot. Il partage ceux-ci en juxtaposés de subordination et juxtaposés de coordination.

De la première catégorie font partie les substantifs liés l¶un à l¶autre par un rapport de
possession sans que ce rapport soit exprimé par une préposition:
Ex: - *  ‘
‘‘‘‘‘‘‘‘*
  ‘
7
Exemple cité par Diana Gradu dans ˜! 
‘ ‘ 
‘‘
‘ ‘
‘9$$‘ , in / ‘0   
 de
l¶Université Alexandru Ioan Cuza» de Iasi, Roumanie, section Linguistique, 2006, tome LII, p. 73-90.
‘

18
Les juxtaposés de coordination sont plus nombreux et plus variés:
-adjectif +substantif: H‘‘‘‘
‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘ ‘
‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘' ‘‘
‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘
‘
- 2 substantifs en apposition: '
‘ 
- 2 adjectifs: ‘
-1 adj. + 1 adv. : 

‘
-1 adv. + 1 part.: ‘ 

   # 
Parmi les procédés des plus usuels de renouveler le vocabulaire, on compte les emprunts.
L¶influence scandinave se voit dans des toponymes: ˜‘ Ê'‘ 1  ‘ G
  ‘ G 
 ‘
G
 ‘* 
 ‘˜‘G
 ‘B
, etc. 
Les termes courants introduits par les Vikings se rapportent surtout à la navigation

‘  ‘  ‘  44  (navire orné d¶un dragon à la proue),   (aller ça et là), ,

 ‘ 
 ‘   ‘   ‘  
 ‘  ‘   ‘  (brise), 
 ( le poisson),  
 ‘
  ‘ 4  etc
L¶influence germanique donne en français les termes suivants:   ‘  ' ‘ '  ‘
  ‘  ‘

 ‘   ‘ ‘etc.
Le néerlandais donne quelques termes:   ‘  ‘ ‘   etc.
L¶anglo-saxon:  ‘
 ‘ ‘
‘  ‘
'‘
‘‘‘‘‘ Dès le XIe et le XIIe siècles, c¶est-à-dire dès l¶ancien français, les relations commerciales
établies avec l¶Afrique du Nord et le Proche-Orient, mais aussi avec les Pays-Bas, introduisent
des mots orientaux. Les plus anciens sont:  " ‘ 
 ‘    ‘
  ‘
  ‘

 ‘
   ‘   ‘ ‘  ‘' '  ‘  ‘‘
‘‘‘‘ Quelques mots grecs ont également pénétré, la plupart par l¶italien:   ‘   ‘  ‘


 ‘  ‘  ‘'  ‘   etc.
Il faut enfin ajouter des mots italiens et espagnols:   ‘  ‘   ‘ ‘
‘etc.
‘

19
  6 # !  
La réforme de Charlemagne jugée comme une Ière Renaissance rétablit le plein droit du
latin classique dans les écoles. Les lettrés, plus nombreux, commencent à influencer la langue
parlée.
De cette manière, le latin parlé récupère des mots par     .
Les domaines les plus productifs de ce point de vue sont:
- la religion :    ‘   ‘    ‘''  ‘  
 ‘ ‘I etc;
-la science: I ‘   I ‘  ‘
 ‘'  ‘ ‘
 ‘ ‘





















20
    # $



    , )  $

Presque toutes les histoires médiévales de la France parlent d¶une Renaissance
e
du XII siècle».
Que l¶emploi d¶une langue correcte, polie, dans les relations courantes ait été tenu au XIIe
siècle pour l¶indice d¶un comportement courtois», cela ressort d¶un passage du   ‘ ‘ ‘
 ‘de Chrétien de Troyes. L¶entourage d¶Arthur et de sa femme comporte:
1 ‘ ‘ ‘ ‘
‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘* ‘'  ‘ ‘
‘ "  (#, 41-42)

La tenue de ces femmes se définit par un trait: elles s¶expriment correctement en français.
L¶intérêt de ces vers tient à ce que Arthur, prince d¶un monde de féerie antique, tient sa cour en
Grande-Bretagne. ,,‘!‘‘.‘
‘‘ ‘ ‘ ‘' ‘ ‘  
!‘    
‘
‘' ‘
‘  ‘  
‘ .‘ ‘ 
‘
‘   
‘
‘ 9=$$‘   ‘   ‘  ‘  ‘
‘ ‘

 +8 Le vers de Chrétien atteste l¶existence d¶un bon français» oral. Ce bon français»
impliquait l¶observation de règles relatives à l¶ensemble de l¶idiome: articulation ou
prononciation, morphologie, syntaxe. Des énoncés informatifs aux énoncés narratifs, la distance y
demeurait sensible, mais les premiers se conformaient autant que possible au modèle des seconds.
Le lexique de l¶ancien français est considéré soit pauvre pour les uns, soit riche pour les
autres. Entre le IXe et la fin du XIIIe siècle, locuteurs, écrivains, rédacteurs d¶actes ont
successivement disposé, de tout ce qui leur était nécessaire pour exprimer, chacun selon sa
manière, ce qu¶ils avaient à dire. Là où l¶on trouve leur vocabulaire pauvre, c¶est que ces gens
n¶avaient pas encore formé des concepts qui, beaucoup plus tard, nous sont devenus familiers.
Avant de commencer l¶analyse proprement dite du vocabulaire de l¶amour, on croit qu¶il
est nécessaire une brève présentation des écrits du XIIe siècle.

8
R.-L. Wagner, ˜  ‘ " ‘ ‘ ‘
‘  ‘Librairie Larousse, 1974, p. 49.
21
Paul Zumthor, dans B ‘ ‘' 
‘   ‘caractérise le XIIe siècle en fonction de
siècles voisins?‘ Ę‘ 9$‘  ‘  ‘   ‘ ‘ ‘ 9$= ‘  
‘ ˜‘ 9$$ ‘  ‘ ‘  "‘
  ‘'   '‘ ‘‘ ‘‘ 
!‘ 
+‘J
Le caractère le plus pertinent peut-être de la poésie médiévale est son aspect dramatique.
Tout au long du Moyen Âge les textes semblent avoir été, sauf exceptions, destinés à fonctionner
dans des conditions théâtrales, à titre de communication entre un chanteur ou un récitant et entre
un lecteur et un auditoire. Le texte a, littéralement, un rôle à jouer» sur une scène. Parmi les
facteurs qui, entre le IXe et le XIIe siècles, déterminent l¶émergence des divers codes poétiques,
l¶importance de la mémoire et de la voix comme moyen principal de transmission a un rôle
différent. La voix engendrait une dimension particulière pour l¶espace d¶une société pratiquement
analphabète. La civilisation médiévale participe ainsi largement, durant ses premiers siècles, au
type de culture à dominante orale. Toutefois, la civilisation des pays français apparaît en pleine
vigueur, accordant harmonieusement une esthétique et une technique, des thèmes de spéculation
et un langage, à savoir une adéquation parfaite des formes et des contenus.
Avec les premières œuvres écrites en langue vulgaire ( roman») le XIIe siècle marque la
naissance d¶une littérature française.
Trois formes littéraires nouvelles marquent cette période: la chanson de geste (au début du
siècle), la poésie lyrique courtoise (sous l¶influence des troubadours). Associant vers et musique,
le troubadour célèbre l¶amour, vertu nouvelle du chevalier du XIIe siècle, selon la mode courtoise.
Le code courtois est calqué sur le code féodal, et le motif de la dame suzeraine, inaccessible est le
thème central des chansons de troubadours, le roman (dès la seconde moitié du XIIe siècle).
Ces récits ouvrent la voie à un type d¶écrit nouveau, le roman, qui ne constitue pas encore
un genre littéraire, mais signe un récit narratif créé de toutes pièces, sans être défini comme
traduction. Chrétien de Troyes, auteur d¶un cycle de cinq romans, en est le maître incontesté.
Même si Chrétien de Troyes est accepté en tant que le premier romancier français, il faut
dire que ses romans n¶ont pas la même forme et le même sens que ceux conventionnellement
admis. Il s¶agit des créations en vers tout comme les autres Ê  ‘ de Thomas (avant 1170),
8‘‘$ ‘(premier tiers du XIIe siècle), ˜‘Ê
 ‘ ‘
‘(1285), ˜‘  ‘
‘2=‘(XIIe siècle).

9
Paul Zumthor, B ‘ ‘' 
‘  ‘ ‘Paris, Seuil, 1972, p. 15.
22
On a déjà précisé que le XIIe siècle suscite l¶intérêt à cause du thème de l¶amour. Puisque à
l¶époque-le terme amour était associé à l¶adjectif courtois, on traitera dans le chapitre suivant le
concept de  
‘ 
  Le but de ces précisions sera une meilleure compréhension du
vocabulaire courtois du XIIe siècle.

 % 7 )  ))( )   
Au XIIe siècle, ce mouvement intellectuel et moral, déjà répandu dans le sud de la
France, gagne le Nord. Il instaure de nouvelles relations humaines, moins rudes, moins centrées
sur la passion guerrière. C¶est tout à la fois une mentalité et un mode de vie:   ‘ 
 ‘
associe raffinement des mœurs, souci de se cultiver et reconnaissance de la place de la femme
dans la société. Ę ‘
   ‘  ‘K

‘ ‘
L ‘ ‘.‘ ‘ ‘
‘ 
‘

!‘ 
‘  
‘ ˜‘ K
 L‘ ‘ ‘   ‘ 
 +(M Princes et seigneurs
encouragent les arts et notamment la lecture, invitant à leur cour poètes, clercs et lettrés. La cour
de Marie de Champagne, durant la deuxième moitié du siècle, est l¶une des plus illustres. C¶est à
la cour de la comtesse Marie de Champagne que le clerc André Le Chapelain entreprend de
codifier les lois de la doctrine courtoise. La courtoisie associe un art de vivre à une élégance
morale. Le roman de Chrétien de Troyes, ˜‘  ‘ ‘ ‘   illustre parfaitement ce
code de valeurs. On y reviendra dans un chapitre dédie au vocabulaire de l¶amour dans ce roman.
Cet idéal courtois donne une forme nouvelle à l¶amour, c'est-à-dire l¶amour courtois.
L¶expression 
‘ 
  a été proposée par l'historien de la poésie médiévale Gaston
Paris en 1883..La formule médiévale occitane est celle de   . Elle désigne de façon
générale l¶attitude à tenir en présence d¶une femme de la bonne société, l¶amour courtois étant ni
plus ni moins qu¶une relation vassalique entre homme et femme.
La tradition de l'amour courtois a été florissante en territoire occitan et en France à partir du
XIIe siècle, grâce à l'influence des protectrices comme Aliénor d'Aquitaine et la comtesse Marie
de Champagne, cette dernière ayant été la mécène de Chrétien de Troyes. L'amour courtois
trouverait, à en croire certains, ses origines au Levant et dans la littérature arabo-andalouse. Il
désigne l¶amour profond et véritable que l¶on retrouve entre un prétendant et sa dame.

10
Chrétien de Troyes, ˜‘  ‘ ‘˜ ‘ ‘˜  ‘2‘!'    ‘
   ‘   ‘ 
‘
‘' 
‘  
‘  ‘' ‘Christiane Vaissa de,Librairie Hachette, Paris, 1996, p. 229.
23
Fig.3 L¶amour courtois

Au Moyen Âge, on lui attribuait certaines particularités courantes: l'homme doit être au
service de sa dame, à l'affût de ses désirs et lui rester inébranlable en fidélité. L¶amoureux,
dévoué à sa dame était, normalement, d¶un rang social inférieur, c'est un noble de première
génération sur le point de conquérir ses titres de chevalerie. Apparemment, la vision de l¶amour
courtois s¶imposa progressivement dans les cœurs et permit de laisser une place à l¶amour dans la
vie quotidienne. L¶amour courtois n¶a rien à voir avec le mariage. Cette conception nouvelle
porte le nom de 
   (   en ancien français). Ce sentiment est ambivalent, car, d¶un
côté, il exprime la dévotion et la soumission à l¶être aimé (. les relations entre seigneur et
vassal), et, de l¶autre côté, la révolte contre la morale sexuelle de l¶âge féodal. C¶est toujours
l¶amour qui est en jeu. Paul Zumthor parle, à juste titre, de la différence de vision entre le Nord et
le Midi de la France: ,,/
‘ 2 ‘  
‘ ''  =‘ '
<‘ ‘  
  ‘
 ' 
‘ ‘ ‘
-‘ ‘ ‘
‘'‘ 
  ‘ ‘
 ‘
 N O‘

24
 ‘‘1 ‘‘ 
‘ ‘
‘‘ ‘ ! ‘
  ‘'‘
‘ ‘
  ‘
N O‘   ‘
‘ '‘ ‘   ‘   ‘ ‘  
‘ N O‘ ˜ ‘   ‘ ‘
‘ ‘
     ‘ ‘

‘‘ +((‘‘
Pour Georges Duby, il ne faut cependant pas voir dans l¶amour courtois une promotion de la
femme: c¶est un jeu masculin, éducatif, où les jeunes hommes, pas encore mariés, maîtrisent leurs
pulsions et leurs sentiments, comme ils apprennent à maîtriser leur corps, dans un tournoi. De
plus, la femme est une proie; celle qui est la cible de l¶amour courtois des jeunes est souvent
l¶épouse du suzerain, qui la donne en enjeu. Les jeunes cherchent à séduire la dame pour mieux
plaire à leur seigneur, mais aussi pour mieux se différencier du peuple vulgaire, et des bourgeois.
Une idéalisation extrême de l¶amour courtois c¶est la  ‘  qui se construit peu à peu. Les
traits de la  ‘ ‘ sont les suivants :
- un amour nécessairement secret ;
- un lien amoureux calqué sur la logique du lien féodal: la dame est suzeraine de son amant qui
doit tout entier se consacrer à son service ;
- un amour de loin qui, sans être platonique, tire son intensité de son insatisfaction: la dame est
inaccessible, les amants ne peuvent être durablement réunis.
On fait la précision que l¶amour de Lancelot et de Guenièvre s¶inscrit parfaitement dans les
traits qu¶on a mentionnés ci-dessus. De ce point de vue, le choix du corpus semble justifié.

  #       $




À partir de ce moment on peut passer sans hésitation à ce que constitue l¶objet de notre
travail, le vocabulaire de l¶amour.
Avant de commencer l¶analyse proprement dite de notre '
, on présentera quelques
textes du XIIe siècle où le thème de l¶amour est prédominante.
Le premier texte choisi par ordre chronologique est Ê   de Thomas et s¶inscrit dans la
thématique de l¶amour. Il est composé avant 1170. Dans Ê  de Thomas le fragment choisi
centré sur la plainte d¶Yseult à la mort de Tristan et sa propre mort. On a, d¶une part, la voix du
personnage, et puis la voix du narrateur en racontant le dénouement tragique.

11
Paul Zumthor, B ‘ ‘' 
‘   ‘Paris, Seuil, 1972, p. 555.
25
Le vocabulaire qui décrit cette circonstance est imprégné de tragique et de désespoir. Les
deux idées principales autour desquelles s¶organise le discours sont  
 et  ‘.
La répétition incessante de certains mots et/ou syntagmes transforme la plainte en chant
mortuaire.
Les mots sont presque tous d¶origine latine:‘  ‘ 3&  
5 ‘ 
3& 5 ‘

3& 
 5 ‘ 3& ‘ µencourager¶),‘ 
3& 
‘ µconduire¶5 ‘
 3&   5 ‘ 
3& 5 ‘  3&
5 ‘  3& 
5 ‘ 3&5 ‘
' 3&' 5 ‘  
3&  5 ‘  
3&5‘  ‘ µqualité de ce qui est tendre¶,‘
µtendresse¶,  3&  5‘
Les termes d¶origine germanique ont une faible fréquence:   ‘ 
 ‘ 3&francique‘
:   ‘P' 5‘
Le mot  présente le plus haute fréquence d¶emploi, sept occurrences, soit comme
invocation, soit comme simple formule d¶adresse :‘
Ex.1:Ä/  ‘  , pur vostre mort
N¶avrai jamais de rien confort

Ex.2: Ä/  Tristan, quant mort vus vei,


Par raisun vivre puis ne dei

L¶idée de mort est exprimée tout d¶abord par la répétition du terme proprement dit, soit-il
substantif ou verbe. Il a une fréquence très haute (dix occurrences), pour que Yseult puisse nous
convaincre à tout prix qu¶elle va mourir. L¶auteur associe à la mort d¶autres termes apparentés:
, ' ,  
,  . L¶antonyme ne fait qu¶accroître le regret et le désespoir:
Ex.4: ³Quant jo a tens ne poi venir
Pur e vostre mal 
 .

,,‘˜‘‘ ‘ 
‘‘  ‘
‘' ‘ ‘

‘ ‘ ‘' ‘‘ ‘ 

‘ ‘
  Q(,‘Du‘ ‘ ‘Ê  ‘on retient   ‘ 2 occurrences,   1 occurrence,
12
Diana Gradu, ˜! 
‘ ‘ 
‘‘
‘ ‘
‘9$$‘  in / ‘0   
 de l¶Université  Alexandru
Ioan Cuza» de Iaşi, Roumanie, section Linguistique, 2006, tome LII, p. 73-90.


26
‘ 1 occurrence et    2 occurrences. Tous sont circonscrits au thème de l¶amour et
remplacent le terme générique . D¶ailleurs le substantif 
 est présent 4 fois dans le
texte
La décision d¶Yseult de mettre fin à sa vie est exprimée par le verbe 
  au présent.
³Pur vos   murir ensement
‘B est un adverbe typique pour l¶ancien français, disparu du français moderne. Le
sens est de 
Le second texte est, ˜‘
 écrit par Marie de France ‘on a le même thème de
l¶amour et les mêmes héros: Tristan, Yseult (cette fois-ci elle n¶est pas nommée) et, en plus, le roi
Marc.
Avec plus de personnages et plus d¶action l¶auteur exprime l¶idée de  
 qui lie à
jamais les deux protagonistes.
De nouveau le vocabulaire est majoritairement latin. Il y a des termes qui reviennent d¶un
texte à l¶autre:‘  ‘  ‘ 
 ‘  ‘  ‘   ‘ 
Il y en a d¶autres, nécessaires à la construction du récit, toujours d¶origine latine:
 3&!5 ‘  3&  5 ‘ 
3&'5 ‘ 3&lat.pop‘ R ‘   5 ‘
3&
  5 ‘' I3&bas latin‘'  ‘µhabitant d¶un pays, canton¶5 ‘3&lat. pop‘
R 5 ‘'3&'5 3&5 ‘3&&
 ‘par fausse étymologie‘du lat.
pop‘  5 ‘ 3&

5 ‘  
3&bas latin‘  ' 
5  3&lat.pop‘
R
' 5 ‘  3&  5 '3& ‘  ‘' ‘6‘‘‘µméditer¶, µêtre plongé dans ses
pensées¶5 ' ‘. l¶étymologie précédente. ‘
Dans cet inventaire sélectif il y a plusieurs catégories de termes. Quelques-uns sont des
termes usuels ±   ‘  ‘  ‘  ‘  ‘ ‘'  ‘ ‘ ‘
 ‘' ‘  ‘  
-
d¶autres sont plutôt destinés à la vie affective: ' ‘'  ‘  ‘  ‘‘
Les termes qui n¶appartiennent pas au fonds latin sont aussi peu nombreux que pour le
texte antérieur. Nous retenons: 3&francique‘ R 5,  3&francique‘ R D  ‘
µcondamner à l¶exil¶, µexiler¶, µfaire appel à¶),  3&origine celtique ‘ par le lat.pop‘
R  
5,  3&  &germanique‘R  ‘‘µjuridiction¶5,  3&‘d¶un radical‘  ‘
&latin‘ 
 ‘origine germanique5

27
La fureur du roi Marc est exprimée par deux adjectifs et un verbe dès les trois premiers
vers:
ÄLi rois Mars estoit  ,
Vers Tristram,
son neveu,  ;
De sa terre le ; 
La même tendance vers la répétition, censée convaincre le public sur l¶intensité des
sentiments est à retrouver dans les vers concernant Tristan qui:

Ä«se mist en abandon


De ‘et de 
 .
1 et 
  sont mis en ordre inverse du point de vue de leur emprise sur
l¶individu.
³qui  molt loiaument
Molt est ‘et ' (formule répétée un vers plus loin ³Tristran est  et ' )
Le verbe  ‘le plus direct dans une situation pareille, n¶apparaît que deux fois (. 
' ):
³Por la roine qu¶il  
Qui aime la reine? Nous connaissons l¶histoire et il n¶y a pas de doute que le roi Marc et
Tristan aussi aiment la reine, la belle Yseult. Mais pour ce vers nous croyons déceler une certaine
ambiguïté.

Vers la fin du lai le verbe ‘est remplacé par une formule à titre de   :
³Por espïer et por savoir
Comment il la peüst vëoir
Car ne pooit vivre sans li:

Avec  ‘ on étudiera le vocabulaire amoureux chez Chrétien de Troyes, l¶auteur le


plus représentatif de l¶époque. On a choisi deux textes  ‘‘‘ .
Dans   nous avons le monologue de Soredamor précédé par la voix du narrateur qui
explique ce qui se passe dans l¶âme de l¶héroïne. Presque tout avec des mots latins, mais parce
qu¶il s¶agit aussi de sentiments opposés à l¶amour, la souche germanique intervient

28
3& 5 ‘  3&R   
&  
 ‘ P''  ‘ P'
  ‘ P'  5 ‘

3& ‘  5 ‘ 
3&

5
3&R   5 "3&  5 ‘ 
3& ‘   ‘
 &
5 ‘ 3&   5 ‘'3&'  ‘‘P  ‘P 
  ‘P  5 ‘

3&!  ‘ ‘ ! ‘  ‘ ‘  ‘ ‘ P-‘ 
5 ‘ 
3& ''R‘ 
 7‘
 ‘ ‘ 
 ‘ ‘ 
 5 ‘ 
3& 
 5 ‘  3& ''‘ R ‘ ‘ P  5 ‘
 3&  &  5‘ ‘  3& ''R‘   ‘ &‘   ‘   
‘  ' 5 ‘
 3& ‘‘P '  ‘
‘
 5 ‘ 3&‘ ''‘R
  ‘ '‘
‘‘P
 5‘
Les mots d¶origine germanique appartiennent plutôt à un monde masculin:

 3&
 5 3&  ‘‘µaiguillon¶5 ‘  3&  5‘  3&R:  <‘‘µveiller¶5
Avant le discours de l¶héroïne, le narrateur nous surprend par la force des images créées.
Ę /
‘ ‘‘' ‘‘
‘

‘ ‘
‘ ‘''‘ ‘2

 ‘.‘   ‘ ‘
 ‘ 

!‘' ‘ ‘ ‘''‘.‘

 ‘ 
‘
'
‘ 
!‘ ‘ '
‘  ‘ 1 ‘  

‘ 1‘ >‘  ‘   ‘ >  ‘ ‘ ‘  !' ‘‘

 ‘ ‘ 
‘'  ?"13
Ex.1: ³Or la fera Amors dolente
Et molt se cuide bien  
Dou grant 
 et dou  
Qu¶ele li a touz jorz mene.
Bien a Amors droit 
Qu¶au cuer l¶a de son ‘
. (, 456-461)
Soredamor est la malheureuse qui souffre du doux mal d¶amour:
Ex.3: ³Or li est  or li 
‘
Or le 
‘et or le 
.(, 472-473)
A remarquer le jeu des oppositions 
C‘ , 
C‘ 
‘ censées rendre un
sentiment encore indéfinissable et incertain. C¶est pourquoi Soredamor cherche une réponse avec
les instruments les plus proches: les sensations. Elle ne possède pas d¶autres moyens
d¶introspection. Elle accuse ses yeux de trahison, elle interroge incessamment son coeur:

13
Diana Gradu ˜! 
‘ ‘ 
‘‘
‘ ‘
‘9$$‘ , / ‘0   
 de l¶Université  Alexandru
Ioan Cuza» de Iasi, Roumanie, section Linguistique, 2006, tome LII, p. 73-90.


29
Ex.1: ÄOeil, vos m¶   !(, 475)

L¶état de l¶héroïne est dessiné par la force des répétitions ±  apparaît huit fois. Du
reste il est colloqué par ' ,   ‘ ‘

‘La douleur est décrite par une seule formule, répétée avec obstination, mais typique pour
l¶écriture de l¶époque  ‘6‘  C ‘:‘

Ex.1: ÄOr la  Amors (, 456)

Ex.2: ÄChose qui me  ‘ (, 508)


Le monologue de Soredamor présente la fréquence la plus haute du verbe‘ ; ce verbe
apparaît 8 fois ± infinitif, indicatif présent, futur; il est accompagné par d¶autres pris au sens
figuré, censés à exprimer le même état d¶âme: 
 ‘'   ‘ .

Le fragment extrait d¶ ‘ représente le monologue du personnage principal. C¶est un


mélange des deux sentiments contradictoires, espoir et désespoir à la fois. En fait, il s¶agit de la
naissance de l¶amour. Les éléments nouveaux tiennent de la présence moins évidente des
lamentations, quoique plus violentes, et de la description physique de l¶être aimé:
Ex.1: ³Grant duel ai de ses !‘ !
Qui  ‘ passent, tant reluisent;
D¶ ‘m¶' et 

Quant je li voi ' et  (11466-1469)

Ex.2: Ne de riens  ‘ ‘ ‘ ‘


Comme de son vis qu¶ele  ‘
Que ne l¶eust pas deservi,
C¶onques  ‘ ‘  ne vi(, 1477-1480)
Du point de vue étymologique on a à peu près la même situation que pour les textes
analysés jusqu¶à présent, la prédominance des mots d¶origine latine:
3&

5 ‘ ‘  !3& ' 
5 ‘ 3&  5 ‘ 3&   5 ‘  3& 
5 ‘ ' 3&'5

3& 5 ‘  3&lat.pop‘ R  ‘ pour‘   5 ‘  3& 
 ‘ p.passé‘ ‘  5 ‘
3&lat. pop‘ R &lat.‘ 
‘ ‘ µtourbillon¶5 3&  &lat.

30
popR   5 ' 3&'
5  3& 
5 
3&lat.popR 
 5 '3&
'5 
  3& 5  3&lat.popR   5
On a essayé d¶extraire du fragment les vocables nouveaux par rapport aux textes
antérieurs.
Pour l¶influence germanique dans les pages choisies d¶ ‘on signale:
(<germanique * 45
 (<francique *  4)
Beaucoup de chercheurs sont d¶accord que   est le meilleur texte de Chrétien de
Troyes.
Il y a, dans notre fragment, moins de répétitions et par conséquent, plus de diversité. La
seule exception c¶est l¶utilisation de   et de 35
Pour décrire la douleur et la révolte d¶Yvain, Chrétien de Troyes fait appel aux verbes
 ' , 
,  ‘  , , et aux expressions très fréquentes en ancien
français  ‘
 et  ‘  (éventuellement + C ):

Ex.1: ÄD¶ire m¶' et 


 (, 1468)
Ex.2 :ÄToutes ches choses me I (, 1472)
Ex.3: ÄDe che qu¶ele pleure me  (, 1476)
Ex.4: Ä Et che me par a 

Que je li voi sa gorge estraindre (, 1482-1483)
Ex.5: Ä8 ‘
‘ de ses biax chevax ( ,1466)
Ex.6: ÄNe de riens n¶‘ ‘ ‘ ‘ (, 1477)

La description de l¶objet amoureux est aussi équilibrée et réussie. La femme désirée,


même au comble de la douleur, a des beaux cheveux dorés, des yeux merveilleux, un visage
parfait par sa forme, sa couleur et sa fraîcheur, des mains fines et blanches, une gorge marbrée.
La violence de l¶émotion ne manque ni d¶un côté, ni de l¶autre. Sauf que, pour la femme,
les émotions sont le résultat d¶un sentiment contraire à l¶amour. Elle pleure son mari.
Le réseau lexical du thème de l¶amour courtois, tel qu¶il apparaît dans les configurations
syntaxiques et rhétoriques identifiées dans les textes qu¶on a utilisés comme exemples, reflète la

31
problématique des objets dans le sens attribué par Paul Zumthor. Ce sont Ä ‘ ‘
‘ ‘
   ‘
‘ ‘ ‘ ‘
‘‘ 
‘     ‘  ‘
‘‘
‘ ‘
' ‘ .‘  +(S‘ L¶objet chevalier est lié à la dame par le biais des thèmes conjugués de
l¶aventure et de l¶amour.
On a avancé plus tôt l¶idée que le vocabulaire médiéval n¶excelle pas en richesse et en
diversité. On peut observer son faible degré d¶abstraction dans la description des phénomènes de
la vie mentale et affective. Pour l¶homme médiéval tout se passe au niveau du physiologique: il
aime voir, toucher, entendre, et les écrivains veulent  ‘  ‘  ‘ Mais, il est difficile
d¶exprimer les sentiments de l¶homme médiéval et à cause de cela : ,, '
<‘
‘ ‘
‘‘

‘‘  ‘‘  ‘
‘'
Q(E‘‘
‘‘ ‘On ne peut pas dire que les termes qu¶on a précisés sont les seuls qui font partie de
vocabulaire de l¶amour et qui appartiennent au XIIe siècle. Le vocabulaire n¶est jamais un
système clos et stable, dans la réalité chaque individu ne se sert que d¶une partie restreinte du
lexique. On a voulu seulement prouver que le concept de l¶amour courtois se manifeste dans la
littérature et que les écrivains ont trouvé des termes pour l¶exprimer parce que: Ę) 
‘
 ‘

‘ )  ‘ ‘ ' 
‘ ‘  ‘   
 ‘ '
‘ ‘ '  ‘ ‘  ‘ ‘ ‘
 ‘  ‘' ‘‘ ‘ ‘ ‘ ‘)    +(F‘‘
‘
‘
‘
‘
‘

14
/'
‘ Maria Pavel,  

‘  ‘   ‘ ˜ ‘ QQ‘ ‘  ‘ ‘ Ê ‘ Editura Fundaţiei
Chemarea, Iaşi, 1996, p. 147.
15
Georges Matoré, ˜‘
 ‘‘ ‘ ‘   Presses Universitaires de France, Paris, 1985, p. 108.

16
http://expositions.bnf.fr/arthur/arret/06.htm, Michel Rousse.

32
   &(' (˜ ˜ 
     ‘

&  8    ˜ 


‘‘ ‘
Dans ce chapitre on fera l¶analyse proprement dite du vocabulaire de l¶amour. Ce dernier
paragraphe comprendra une étude de notre '
 ˜‘  ‘ ‘ ‘  ‘selon le critère
étymologique et thématique, conformément au projet initial. Notre démarche s¶avère être de plus
en plus restrictive car, on a étudie le lexique de l¶ancien français et puis le vocabulaire de l¶amour
dans quelques textes du XIIe siècle. Dernièrement, notre champ d¶analyse sera limité aux
étymologies et au début spécifique des vocabulaires ainsi constitués et on intégrera ces vocables
dans le motif de l¶amour courtois‘
Avant d¶attaquer le texte on croit indispensable de soumettre à l¶attention du lecteur
quelques précisions sur notre '
.‘
‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘˜‘   ‘ ‘  ‘   répond à une commande de la comtesse Marie de
Champagne, à qui l¶œuvre est dédiée. C¶'est un très bon exemple de la‘  )  ou 


  ou 
‘  , dans la littérature du Moyen Âge. Lancelot est amoureux de la femme
du roi et entreprend pour elle les plus folles aventures. Fasciné par la beauté de Guenièvre, il est
capable d'extase lorsqu'un objet vient raviver en lui le souvenir de celle qu'il aime. Dans l'action,
il peut accepter la honte et le déshonneur simplement pour prouver sa totale soumission au bon
vouloir de sa dame. L¶amour doit être absolu. Que la dame commande et Lancelot se laisse
vaincre et humilier aux yeux de tous, par le plus faible des combattants puisque Ä1
‘‘
‘
‘  I +‘ (#, 3816). Sa parfaite dévotion lui vaudra, mais après bien des épreuves,
d'accéder à la suprême récompense d'une nuit d'amour. Dans ce roman l'amour est folie, mais il
assure valeur et gloire au chevalier d'élite qui prend le risque de s'y engager.‘
‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘En tant que doctrine fortement nuancée, l¶amour courtois devient chez Chrétien un
principe d¶ordre, T
‘
 ‘.‘ ‘ ‘  
‘‘  ‘‘  +(U‘

17
/'
Maria Pavel,  

‘ ‘  ‘˜ ‘QQ‘‘ ‘ ‘Ê ‘Editura Fundaţiei
Chemarea, Iaşi, 1996, page 144.

33
Chez Chrétien de Troyes, le thème , en tant que combinatoire de motifs, inclut:‘ ‘

-‘ 
 ‘ ‘
  ‘‘ 
 ‘ 
'  ‘‘  ‘ 

! ‘‘ ‘ 


 ‘  ‘ '   ‘
‘ 
' ‘ ‘ '  ‘  
‘   ‘  ‘  ‘  
‘ 
 ‘ ‘  ‘
 ‘‘   ‘!'  ‘ 
‘'
‘ 

On fera une présentation des unités linguistiques, mots isolés ou syntagmes exprimant
les attitudes affectives impliquées par le thème de la   ‘
Tous les termes qu¶on a trouvés dans le texte et qu¶on peut les inscrire dans le vocabulaire
de l¶amour et aussi les termes nécessaires à la construction du récit seront inventoriés dans
l¶index alphabétique qu¶on ajoutera à la fin de ce travail.

& % #  , 

La   ‘ a besoin des protagonistes pour son accomplissement:  ‘ ‘ et 


   Pour les protagonistes femmes, il y a une distinction: Guenièvre, conformément au
statut que l¶époque et la doctrine amoureuse lui assurent, ne doit rien sacrifier, elle est reine et
amante. Les qualités des protagonistes sont extérieures, ce qui frappe les yeux et l¶imagination et
qui justifie la naissance de l¶amour. Ainsi Lancelot, Ä 
‘ ‘ ' ‘ ‘  ‘ ‘'
 ‘ ‘ 
se révèle surtout dans les rencontres guerrières, en action.
On illustrera ce qu¶on a dit dans les pages qui suivent.

& %  #  

Dans notre '


‘la femme est respectée et toute-puissante. La femme aimée, la dame
joue un rôle de premier plan.
La présence féminine est mise en évidence par les termes suivants:  ‘   ‘
 ‘  ‘'
‘‘‘V 

Ex.1 (1080, lat.‘   ‘) ± TLF: 

34
Le terme a 72 occurrences, l¶un des plus significatives dans le texte. Il signifie, en
général, titre de respect donné à une femme. Un mot utilisé en plusieurs contexte peut avoir des
valeurs sémantiques différentes:
a)‘ en parlant d¶une personne qui détient la pouvoir:
ÄPuis que ma  de Chanpaigne
Vialt que romans a feire anpraigne,
Je l¶anprendrai molt volontiers (#, 1-3)

Ä Ja Dex, quant de cest siegle irai,


Ne me face pardon a l¶ame
Se onques jui avoec ma !" (#, 4860-4862).

,,Sire, ma  la reïne
Par moivos mande, et jel vos di,
Que au noauz." (#, 5652-5654)

b)‘ en parlant d¶une femme noble:


,, Mainte bele ‘cortoise,
Bien parlant an lengue françoise" (#, 39-40).

c)‘ en parlant d¶une femme mariée:


,,Li vavasors avoit a fame
Une bien afeitiee " (#, 2045-2046).

d)‘ en parlant d¶une femme aimée, d¶une maîtresse:


,, A Lancelot vient la novele
Que morte est sa " (#, 4250-4251).

e)‘ en parlant d'une fée:


,,Cele ‘une fee estoit

35
Qui l'anel doné li avoit
Et si le norri an s'anfance "(#, 2345-2348).

Ex.2 
(Xe siècle, Eulalie, lat.   ), TLF:  ; occurrences 56
Le terme signifie jeune fille noble, jeune femme noble non mariée.
,, Les  , quant le sorent,
Asez plus grant pesance en orent,
Bt dïent que par saint Johan
Ne se marieront ouan "(#, 6049 -6052).

Mais ces six demoiselles sont vraiment importantes, mystérieuses, un peu femmes et un
peu fées, croisent à l¶aventure» le chemin du chevalier. Réplique ou annonce l¶une de l¶autre,
elles sont autant de signes qui ne peuvent se lire seuls. Leur succession guide les pas du chevalier
et, juxtaposant les indices, permet de construire les sens de la quête.

Ex.3  (1080, ˜ ‘ ‘ ‘  , lat.‘  ), TLF: ; occurrences 9


- vocable utilisée en parlant d¶épouse
,, Par ma foi, sire,
De la   le roi Artu" (#, 1422-1423).
,, A l¶issir une meison virent
A un chevalier, et sa  

Qui sanbloit estre boene dame,


Virent a la porte seoir" (#, 2510-2513).

Ex.4  ( bas lat.'


  ), TLF '
; occurrences 60
- jeune fille non mariée
On mentionne que le terme '
 est utilisé dans notre '
 avec valeur substantivale
et adjectivale.
,,Par mon conduit, bien le savroiz,

36
Est ci la '
 venue" (#, 1602-1603).

Ex.5 
( 1080, lat.  ), TLF:  ; occurrences 139
Dans le texte, la reine est une dame secrète dont l¶amour se découvre peu à peu. Elle
s¶appelle 8
  En dame courtoise, elle se plaît à se prouver qu¶elle a tout pouvoir sur son
amant. C¶est elle qui décide de leur devenir, c¶est elle qui chasse d¶abord Lancelot puis lui
accorde la merveille» de leur nuit d¶amour
,,Cist peignes, se j¶onques soi rien
Fut la I , jel sai bien"(#,1411-1412)

ÄMeüz sui por si grant afeire


Con por la reïne 8
 " (#, 1098-1099).



& % % #   

Le chevalier remplit une triple fonction sociale, secondant son seigneur, protégeant les
faibles et aidant à faire triompher la justice. Gauvain et Lancelot, les deux chevaliers arthuriens
du récit, cumulent ces rôles.
Le chevalier, attentif aux valeurs morales et spirituelles, fidèle et loyal, généreux envers
ses adversaires, tourné vers ceux qui peuvent avoir besoin de lui, n'est pas insensible à l'amour.
Au contraire, il ne peut se réaliser pleinement que s'il met sa valeur et ses qualités au service
d'une dame et de l'amour. La chevalerie arthurienne n'est pas seulement un ordre militaire, mais
traduit un idéal de vie hors du commun où le cœur a sa place. Le chevalier est aussi un seigneur
qui aime à se distinguer par la beauté et la puissance de ses armes, la robustesse et la rapidité de
son cheval. Sa vie se règle sur l¶errance de la mission de soldat: le récit abonde en rites d¶accueil,
le chevalier est toujours fêté et traité avec honneur. Repas, jeux d¶intérieur, joutes forment
l¶essentiel de ses loisirs.

37
Fig.4 Le Chevalier
Les romans de Chrétien sont peuplés de chevaliers qui libèrent, aident, luttent pour une
cause féminine, sans que l¶amour exclusif, donné et partagé, en soit l¶enjeu.
‘‘ ‘L¶étymologie de mot  
 est d¶origine latine:   
‘Il est enregistré dans le

TLF sous la forme:   7 244‘occurrences dans le texte.


A l¶origine il signifiait guerrier noble combattant à cheval, à qui a été conféré l'ordre de
chevalerie»
Ex.1 ,,Neïs  ‘   vermauz
Plot as dames et as puceles
Aus plus gentes et aus plus belles¶¶. (#, 5714-5716)
De cette histoire d¶amour on est plus intéressé par trois chevaliers Gauvain, Lancelot,
Méléagant.
Gauvain, le neveu d¶Arthur, est le chevalier courtois. Il incarne un type de chevalier idéal,
droit, qui n¶infléchit jamais sa route et ne risque pas d¶imprudence. Mais il échoue dans sa

38
mission; à la fin il ne reste qu¶un chevalier ordinaire. Il n¶aime pas et sa quête ne lui est dictée par
/. Doué d¶un très vif sentiment de l¶honneur, il rejette l¶idée de montrer dans la charrette:

Ex.1 ÄQuant mes sire Gauvains l¶oï,


Si li tint a molt grant folie
Et dit qu¶il n¶i montera mie. (#, 388-390)

Lancelot est l'un des plus grands et nobles chevaliers du cycle arthurien. Lancelot, par
contre, paraît invincible. Héros jusqu'à l¶ultime, il reste conforme à l¶idéal courtois tout en
assumant des comportements extrêmes. Mais, entre   qui s¶oppose à /
, il choisi ce qui
est enclos dans son cœur:
Ex.1 ÄMes /‘est el cuer anclose,
Qui li   ‘et semont
Que tost an la charrete mont
/ le  ‘et il i saut,
Que de la honte ne li chaut
Puis qu¶Amors le    et    (#, 372-377)
Lancelot se laisse conduire par /‘et il devient le    ‘exemplaire.
Méléagant est une sorte d¶anti-héros. Il présente toutes les qualités d¶un chevalier en ce
qui concerne les combats. Méléagant est une sorte d¶anti-héros, de faire-vouloir pour Lancelot. Il
représente l¶envers du héros: bavard, orgueilleux, insolent, excessif en tout et, surtout, félon, il
incarne les forces négatives du Mal:
Ex.1 ÄPlus 

 que n¶est uns tors,
Que c¶est molt 

 beste (#, 2568-2569)
Ex.1 ÄNe te fai tenir por anrievre
Ne por fol ne por 

! (#, 3208-3209)

On fait la précision que l¶adjectif   est d¶origine francique et que dans notre
'
‘il a trois 3 occurrences toutes pour la description des attitudes de l¶anti-héros, Méléagant.

39
&     ) 9:  ‘

Chrétien de Troyes répète après Ovide et les clercs du Moyen Âge que c¶est de la vue, de
la beauté que naît l¶amour : les yeux sont les messagers du cœur et le coup de foudre est
immédiat.
Il semble que Lancelot suit justement la définition qu¶André Le Chapelain donne de
l¶amour :‘T
‘'  ‘ 
‘
‘ =‘ ‘ ‘
‘ ‘ ‘ 
‘ ‘
‘!‘‘ ‘ ‘'‘
  ‘ ‘ ‘ 
+(W‘ L¶homme du Moyen Âge convertit immédiatement son émotion
esthétique en sentiment de piété et en joie de vivre le chevalier fait identiquement, il est fasciné
par la beauté de la jeune fille qu¶il rencontre et il la désire en faisant tout pour la   .
Apprécier la beauté est l¶une des qualités du chevalier courtois, savoir deviner sous
l¶apparence la réalité du monde et des êtres est la preuve d¶un profond raffinement.
Le terme qui désignait cette qualité physique c¶était presque le même qu¶aujourd¶hui:
 ) (< 
5, TLF: 
‘ On ne le rencontre que trois fois dans le texte. Deux fois en
caractérisant les demoiselles qui vont se marier:
Ex.1 ,, Car tant ne se s¶osoient fier‘
En lor‘
‘n¶an lor richesse+‘(#, 5996-5997).

Et une fois en parlant d¶autre chose, mais on traitera cet exemple dans un autre
paragraphe.
On commence par la beauté de la reine. La description des cheveux, en trois termes, fait
partie des rares indications concernant sa beauté:
Ex.1,, Oue les chevox que vos veez:
‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘‘Si‘ !, si  et si 
  (#, 1414-1415)

On fait la remarque que à cause de sa beauté, le peigne d¶ivoire de Guenièvre devient aux
yeux de son adorateur, ,,  ‘‘ 19

18
Apud Maria Pavel,  

‘ ‘  ‘˜ ‘QQ‘‘ ‘ ‘Ê ‘Editura Fundaţiei
Chemarea Iaşi 1996, page 145.
19
Diana Gradu, 
‘ ‘  ‘‘ ‘ ‘Ê‘ ‘  
‘‘
‘ ‘   ‘
Casa Editoriala 
 ‘Iasi, 2005, page 126.
40
Les adjectifs qui qualifient la beauté de la dame et du chevalier sont d¶origine latine:
}‘ |3XIe s./! ) < 
 ‘TLF: 
‘
L¶adjectif est utilisé jusqu¶à la saturation, 70 occurrences. Son sens le plus général est
quelque chose qui procure une satisfaction d'ordre esthétique, qui plaît en parlant d'une personne:
Ex.1 ,,Une dameisele ancontree,
N¶avoit si  an la contree (#, 431-432)

Même si dans ce paragraphe on traite les termes autour du thème de la beauté où le mot
‘ s¶inscrit parfaitement, on croit qu¶il est nécessaire de donner aussi les autres valeurs
sémantiques qu¶il puisse avoir dans notre '
?‘
 qui produit de l¶agrément, de la satisfaction
Ex.1: ÄAssez est qui novele porte
Einçois la leide que la  (#, 4248-4249)

termes qui sont en relation d¶antonymie

- en parlant d¶attitudes, de comportements:‘ ‘ :

Ex.1 ,, Lors li dit cele qu¶il li doint


Congié si s¶an ira arriere
Et il li done a ‘   (#, 2008-2010)

- certaines construction attributives: ‘ ‘ ‘‘ ‘6    ?‘


Ex.1 ÄTorne toi si que de ca
Et que adés ceste tor voie
Que ‘ ‘‘ ‘la  (#, 3701-3703)

-terme d¶affection, en apostrophe:


Ex.1 ,, Et Kex respont : * !‘ ‘ ‘(#, 97)

41
- adverbe: ‘  ‘   ‘:
Ex.1 ,, Cil l¶armerent  et si bien (#,6771)

D¶autres termes qui appartiennent au réseau lexical de la beauté:


}‘  (XIe s./! ) <  
 ‘le terme n¶est pas enregistré dans le TLF
Ses occurrences dans texte: 3.
Ex.1 ,, Une pucele   et sage (#, 5637)

}‘  (1080,   )<amalgame de ‘ ,TLF:   


Ex.1,,Or, douce amie    (#, 6692).

}‘ ;1<
 , TLF: 
!
Dans le texte avec le sens d¶  :
Ex.1,, Or an venez, biax  amis (#, 4000)

En grandes lignes on a présenté les adjectifs, il nous reste de mentionner que ceux-ci parfois se
combinent:,, Lancelot, !  amis   (#, 6696).
On a retenu dans la classe des verbes, le participe passé du verbe  (dont origine est
obscure).Dans notre texte le participe passé est utilisé avec valeur adjectivale pour compléter la
description que Chrétien de Troyes fait à l¶une des femmes belle de l¶époque:
Ex.1,,Une dameisele venant,
Mout tres bele et mout avenant,
Bien ‘et bien vestue. (#, 933- 935).

Pour que la beauté naît l¶amour on a besoin que celle-ci soit observée par le chevalier. Dans la
catégorie des sensoriels on considère les verbes suivants dont l¶origine est latine: '  ‘
  ‘    ‘   ‘ et‘ ; ‘ On peut dire que les verbes    ‘   ‘ et‘ ; ‘
sont presque synonymes. Le rôle du regard est très important. On donne deux exemples, une fois
le regard fait que les filles du cour de roi Arthur désirent se marier avec le même chevalier:

42
Ex.1 ,,Et les dameiseles disoient,
Qui a mervoilles l    
Que cil les tolt a marier (#, 5993-5995).
Ailleurs le manque du regard constitue la punition appliquée par la femme adorée au
chevalier à cause de la charrette :
Ex. 2 ,,Comant? Don n¶eüstes vos honte
De la charrete et si dotastes?
Molt a grant enviz i monastes,
Quand vos demorastes, il pas
Por ce, voir, ne vos vos je pas
Ne aresnier ne    (#, 4483-4489)

Du moment que la beauté a été ' H‘ par les protagonistes, on pourrait inscrire dans
notre vocabulaire d¶amour les termes suivants, qui font partie de la catégorie des  ‘ 
:
  ‘    ‘   ‘ ‘ ' , leur étymologie est latine. Les verbes sont en relation de
synonymie partielle.
En ce qui concerne le verbe   ‘ il n¶est utilisé qu¶une seule fois dans un syntagme
négatif:
Ex.1: ,, Et celui mie  
Qu¶il se soffrist mout bien de li (#, 1193-1194).
 ‘est le verbe avec une fréquence significative: 64 occurrences.
Ex.1,, Et s¶il vos ', jusqu'à demain
I serai por amor de vos (#, 4518-4519).

Ces  ‘ 


 changent le statut des personnages,  ‘ ‘ et  ‘   ‘ sont
maintenant les actants suivants:   ‘    ‘ , déterminés par la les adjectifs:  ‘
  ‘  ‘ 
 ‘ 
 ‘; , ,, '‘    ‘' ‘‘
 ‘
 .20

20
Maria Pavel,  

‘ ‘  ‘˜ ‘QQ‘‘ ‘ ‘Ê ‘Editura Fundaţiei Chemarea
Iaşi 1996, p. 154.

43
L¶    c¶est la première liaison d¶entre ceux-ci. La fréquence de ce terme est faible, 2
occurrrences. Une fois il est employé avec la variante‘   :

Ex.1 ÄQui m¶a mostré par sa pitié


Tant de dolçor et d'   ‘Ä(#,4021-4022)
L¶autre fois la variante c¶est   :
Ex.1,, Qu'il n'i a dolçor n'   ,
Li tuens cuers est trop sanz pitié µ¶ (#, 6312-6313)

On observe que l¶   ‘dans ces deux emplois est en couple avec  ‘'   et  ‘ "
En ce qui concerne la version moderne du texte, Charles Méla, renonce dans le deuxième
exemple à la traduction d¶   , il ne le mentionne point.
Le mot  ‘a plusieurs valeurs sémantiques. Ses occurrences sont: 5 pour  ‘16-   ‘
20-  ‘On donne quelques exemples pour les illustrer:
- personne liée d¶amitié avec une autre personne:
Ex.1 ÄEt mes sire Gauvains ausi
Com a seignor et a  ,
Et Kex ausi, tuit li prometent (#, 5292-5294)
-formule d¶adresse: Ä !‘ ‘  .
Ex.1 Ä Lancelot, !‘ ‘  ‘  (# 6696)

Quand on parle de l¶amitié médiévale, il s¶agit véritablement d¶amour, une forme


d¶amour particulière à la civilisation médiévale, tout comme les gestes qui la manifestent: les
baisers sur la bouche, mais aussi sur le menton, le nez, etc. C¶est pourquoi le terme  ‘ était
employé à l¶époque avec la valeur sémantique suivante:  .
Ex.1 Ä Malveise est qui mialz vialt morir
Que mal por son  ‘sofrir. (# 4239-4240).
La beauté a été aperçue, la relation d¶entre  ‘  et ‘    se change, ils sont
maintenant amis, c'est-à-dire la rencontre amoureuse a été réalisée. Ä‘‘ ‘ ‘‘


‘‘
‘ ‘
‘  ‘ 
 ‘
‘'‘
‘'
‘ 
‘
‘‘' ‘

44
‘ 
! ‘ ‘ ‘  ''‘ ! ‘ .‘  ‘ 
‘ ‘   ‘ ‘ ‘  '‘ 
‘ .‘  ‘  
 ‘
  ‘
‘'  +21. C¶est le temps pour un autre type de sentiment,  



& 6 #   !    

On a choisi le nom, ˜ 
‘
‘ ‘ ‘‘
  ‘pour ce chapitre parce dans la première
partie on fait une présentation des termes utilisés par Chrétien de Troyes dans la description de la
naissance de l¶amour, c'est-à-dire des sentiments beaux, puis, on continuera avec la souffrance
causée par l¶amour et qui se transforme dans un cri de mort.
L¶amour et la beauté forment le noyau du nouvel idéal courtois où la femme, de suzeraine
devient idole. L¶amour prend naissance dans le cœur par le regard et la pensée. Il est un sentiment
moral et par son pouvoir immense qui méprise la mort même, il est la source de toutes les vertus.
Au Moyen Âge, le terme ‘désignait une passion violente, condamnable. Aucun texte du
début du Moyen Âge n¶utilise le terme  dans un sens positif.
Grégoire de Tours dans ˜ G  ‘ ‘#  enregistre le terme avec 22 occurrences: 10
occurrences pour des liaisons sensuelles et irrationnelles, 3 occurrences pour des relations
affectives entre parents et enfants. Mais, jamais le terme ne fait référence à la liaison amoureuse
consentie par la religion.
Dans notre '
 l¶amour est adultère, mais c¶est un amour-passion éprouvé par
Lancelot, un amour qui le fait ignorer, même outrepasser, toute considération morale; le héros
arrache les barreaux de la chambre de Guenièvre et la rejoint dans son lit. Cet amour impérieux
fait oublier l¶honneur, Lancelot monte dans la charrette infamante, se laisse vaincre lorsque sa
dame le lui demande. Pour les protagonistes femmes, il y a une distinction: Guenièvre,
conformément au statut que l¶époque et la doctrine amoureuse lui assurent, ne doit rien sacrifier,
elle est reine et amante. Chez Chrétien de Troyes, les qualités privilégiées des amants sont la
fidélité, la loyauté et la quête éventuelle d¶un anéantissement héroïque, la mort au nom de
l¶amour. La dame possède des pouvoirs presque magiques, étant capable d¶accorder la victoire au
combat à son amant en lui insufflant le courage.
21
Voichita Maria Sasu, ‘ 
‘ ‘ 
‘.‘ 
‘ ‘ 
‘31‘X  5 ‘Casa Editorială
Demiurg, Iaşi, 2006, p. 11.
45
Dans la classe de mots qui caractérisent l¶amour qui fait vivre on peut inscrire:
‘
 &   , TLF:  
&    , TLF:‘>‘
&   , TLF: ‘
&  , TLF: 

&  
, TLF: 


 &   , TLF: ‘
&  , TLF: ‘
 &  , TLF: 
 
! 
‘
 & , TLF: 
  ‘ ‘
  &  ‘TLF, 
  ‘

& , TLF: 

 &    , TLF:  ‘
   &  ‘ ‘‘6‘  , TLF:   ‘
 &  , TLF:  ‘
&  
 ‘
‘ ‘ 
, TLF: ‘
 & 

, TLF:  ‘
;
&   , TLF: 
‘
 I&‘    , TLF:   
‘
On observe que les termes précisés sont d¶origine latine, fait qui s¶inscrit dans
l¶affirmation de Paul Guiraud : le fonds roman constitue la source essentielle du français.
Dans les pages qui suivent on illustrera quelques valeurs sémantiques des mots qu¶on a déjà
mentionnés.
On commence par le terme  qui, en effet, constitue l¶objet de notre travail. Il
enregistre 41 occurrences. Dans son sens le plus général le mot désigne l¶attachement affectif ou
physique pour ce qui est perçu comme bon. D¶autres valeurs qui le terme peut avoir dans notre
'
:

46
-l¶attachement pour des personnes sans caractère sexuel: bonté, gentillesse:
Ex.1 Ä Le chevalier et ranponé,
Si li dona cheval et lance
Par  et par acordance. (#, 588-590)
Ex.2 Ä Mes demander vos voel un don,
Que donner ne me devrïez
Se par  nel feisïez (#, 3772-3774)

-accompagnant la formulation d¶une demande:


Ex.1 Ä Or, douce amie debonaire,
Par  si vos prieroie
Congié d¶aller, et g¶i iroie (#, 6692-6694)

-considération affectueuse pour un supérieur:


Ex.1 Ä Vos estes tuit mi home a masse,
Si me devez  et foi.(#, 1778-1779).

-attachement à caractère sexuel désignant la personne aimée:


Ex.1 ÄNe je ne porrai avenir
A vos fors de boche ou de main,
Et s¶il vos plest, jusqu'à demain
I serai por  de vos (#, 4516-4519)

-comme force personnifiée:


Ex.1 Ä/ et haine mortex
Si granz qu¶ainz ne fu encor tex (#, 3725-3726)

-comme personne divine:


Ex.1 ÄTot le fet en i leu ester (le cœur de Lancelot)
/ le cuer celui pristoit

47
Si que sort oz le justisoit (#, 1233-1235)
Ex.2 Ä/ avers qu¶au suen ne fist,
Mes an son cuer tote reprist
/ et fu si anterine. (#, 4665-4667)

Il y a dans notre texte encore un type d¶amour, ceci ne constitue pas l¶objet de notre étude,
mais on croit nécessaire de le mentionner, il s¶agit de l¶amour pour Dieu. On fait la précision que
dans la variante ancienne le terme amour n¶est pas enregistré, il est traduit seulement dans la
variante moderne.
Ä ‘
et por moi l¶en aiez ,, 
‘  ‘ ‘ 
et pour moi, accordez-lui
La merci que je vos demant! la grâce que moi aussi je vous donne demande!
(#, 898-899)
Au Moyen Âge, la religion occupe une place importante, elle est le moteur de la vie
quotidienne. Elle encadre aussi la vie humaine par les sacrements: baptême à la naissance,
confirmation du jeune adulte, confession annuelles, mariage et enterrement. Elle a de plus une
fonction de protection. Cette chose se confirme aussi dans notre corpus. On donne comme
argument l¶emploi du terme 
, 107 occurrences.
On sait bien qu¶au Moyen Âge  
‘ était en relation d¶interdépendance avec  ‘

  .
Le terme est d¶origine latine,  
&, est il attesté dans la langue française
commençant avec ˜ ‘  ‘ ‘   . L¶adjectif a 11 occurrences et le substantif 4
occurrences. En ancien français   ‘ désigne, du XIIe au XIVe siècle, une attitude mentale
propre à un milieu social particulier, celui des 
‘
‘, marqué du signe d¶élitisme, et qui
se présente comme un nouveau modèle de civilisation. Dès le XIe siècle, dans ˜ ‘  ‘ ‘
  , l¶adjectif 
 ‘ (courtois) souligne à plusieurs reprises la qualité aristocratique et le
courage du héros. Le sens de   ‘est double, sociologique et moral: le mot qualifie à la fois
ce qui concerne le monde noble, et ce qui est d¶autre part lié aux qualités propres d¶un individu.
Dans ces deux acceptions, -‘
  s¶oppose à -‘  .
Dans notre corpus le terme  ‘accomplie les suivants valeurs sémantiques:

48
-courtois, dont l¶apparence ou le comportement correspond à l¶idéal de la courtoisie (dans le sens
le plus général):
Ex.1 ÄMainte bele dame  
Bien parlant an lengue françoise (#, 39-40)

Le mot est souvent en collocation avec un ou plusieurs adjectifs:    ‘ '  ‘  ‘  ‘


   ‘  ‘  ‘  ‘  ‘;  ‘  ‘' ‘ ‘
‘
le contexte semble indiquer que l¶accent est mis sur le charme physique:
Ex.1 ÄSes filz et ses filles apele
Et il vindrent tot maintenant,
Vaslet  ‘et avenant (#, 2526-2528)

-l¶accent semble mis sur les qualités morales: élévation des sentiments, noblesse, loyauté,
générosité:
Ex.1 ÄMolt me troveroiz debonaire
Vers vos et leal et   (#, 3338-3339)

-l¶accent est mis sur les relations sociales:


Ex.1ÄLi chevalier congié ont pris
Come  ‘et bien apris
A la dameisele, et si l¶ont
Saluee, puis si s¶an vont (#, 588-592)

-dans expression: ‘


‘  ± s¶exprimer de façon courtoise:
Ex.1 Ä-Ahi! biax niés, fet li rois
Molt avez or dit que   (#, 239-240)

-avec le sens d¶agréable quand désigne une chose:

49
Ex.1ÄN¶est pas la novele  
Qui la reïne cest duel porte,
Neporquant ele s¶an deporte
Au plus belemant qu¶ele puet.(#, 5190-5193)

On observe que l¶utilisation de terme   est très variée, le sens de ce mot n¶est jamais
facile à déterminer. On soutient notre affirmation avec l¶aide des exemples donnés et aussi avec
l¶aide de la définition que G.Burgess donne dans son %
‘
‘‘‘ ‘ ‘‘ " ‘

‘9$$‘ : ,,‘ ‘
‘' ‘
‘'‘‘  ‘  ‘ ‘'
‘   ‘‘ ‘
 '  ‘ ‘ ‘
‘ ‘   ‘  ‘ ‘  '    ‘ ‘ ‘ '‘
‘   ‘
 ‘ ‘  ‘ '
‘ ‘ '   ‘ ‘   ‘ ‘ 
 ‘ ‘    ‘

 ‘ ‘'  ‘ ‘   ‘.22
Chrétien de Troyes attribue ces qualités au Lancelot, car, à l¶époque, il fallait avoir de la
prouesse pour être aimé ou pour aimer. Arriver à l¶objet du désir était une question sérieuse, de
courage et de persévérance.
En ce qui concerne la catégorie de  ‘ 
 on ajoute:  et  ‘et dans la
catégorie des sensoriels:  ‘et‘   
Quand il sent l¶amour, son cœur et plein de joie, il accepte l¶aventure en partant dans la
quête de son amie. Des simples protagonistes qu¶on a présentés au début ils sont maintenant ( ‘
 et ‘  ) deux cœurs qui battent un pour l¶autre. Mais la situation change son statut,
l¶amour est vue comme souffrance suivie de la mort par ceux-ci.
Lancelot et Guenièvre forment un couple étrange. Car, en dépit de leur amour, ils
n¶arrivent pas, tout comme les autres, à remplir la fonction conjonctive, par le mariage.
Guenièvre est déjà la femme d¶une autre. Chrétien se fait ainsi messager de l¶étique des
troubadours qui sont en pleine vogue à l¶époque de la composition du roman : Bernard de
Ventadour, Raimbaut d¶Orange. ˜ ‘ ‘ ‘ ‘dont ils parlent est incarnée par Guenièvre,
au moment de son silence et de sa froideur envers son soupirant. En plus, elle reste inaccessible

22
/'
http://atilf.atilf.fr/gsouvay/scripts/dect.exe:    ‘ % 
‘ ‘  ‘ ‘ Ê ‘
˜! 
 ‘˜‘ ‘
 ‘,MMJ‘

50
autrement que par l¶adultère. Chrétien annule, d¶un seul trait, l¶idée avancée par les promoteurs
de la poésie lyrique du Midi de la France que l¶amour pour la dame noble, femme de l¶autre,
n¶est platonique. Elle devient presque un objet de l¶obsession du chevalier amoureux. La
définition de l¶amour donnée par André le Chapelain est donc justifiée: Ä
‘ '  ‘  
‘

‘ =‘ ‘ ‘
‘ ‘ ‘ 
‘ ‘
‘!‘‘ ‘ ‘'‘  ‘ ‘‘ 
+‘Notre
chevalier est si obsédé par son amour qu¶il est en train de tomber de son cheval, un effet comique
exploité avec ironie par Chrétien:
Ex.1 ÄCil ne l¶antant ne ne l¶oi,
Car ses pansers ne li leissa (#, 744-745)
Ex.2 ÄQuant cil sant l¶eve, si tressaut,
Toz estormiz an estant saut
Ausi come cil qui s¶esvoille (#, 767-769)

Le héros se trouve dans un état permanent de fougue, extérieur (lorsqu¶il combat) et


intérieur (lorsqu¶il pense à la femme de son cœur).
Cause des souffrances mentales et physique de l¶homme, l¶image érotique de la dame
s¶efface lorsque a lieu le baiser réel, voulu et craint à la fois. L¶accomplissement sexuel d¶une
liaison marque la fin du jeu, redoutée par les amants. Aussi la   ‘ tire le meilleur de son
dynamisme du fantasme et de l¶interdit. L¶amour de Lancelot et de Guenièvre, il est vrai, une
parfaite illustration de la    : Lancelot est tout entier dévoué au service de sa dame, lui
dédie toutes ses aventures, tire toute sa force de cet amour qui lui donne sa supériorité. Il aime
plus qu¶il n¶est aimé, sait que la nuit d¶amour ne peut se renouveler et obéit à toutes les exigences
de sa dame.
La nuit d¶amour représente l¶accomplissement des sentiments de Lancelot et de
Guenièvre. Dans le réseau lexical de cette partie de l¶amour on enregistre les termes suivants:
  ‘‘
'  ‘3‘  5‘
' ‘3 5‘‘
 ‘   ‘
‘'‘ ‘ ‘‘

51
'‘
‘' ‘
 ‘3‘  5‘
3
‘5‘ ‘
 
‘3 5‘
‘ ‘3 ‘ ‘ 5‘‘
3
5‘ ‘3 ‘I5‘
 ‘3 ‘‘  5‘
 C‘ ‘
‘ ‘
‘‘‘‘‘‘On a choisi ce type de présentation parce qu¶on n¶a voulu pas perdre l¶intensité des
sentiments des nos protagonistes. On observe que à l¶époque l¶auteur a trouvé des outils pour
exprimer leurs états affectifs.
Toute la nuit Lancelot partage ce sentiment:
Ex. 1 Ä Molt ot de  ‘‘ ‘ 

Lanceloz tote cele nuit (#, 4685-4686).

Fig. 5 L¶amour courtois passion

52
À la fin de la nuit d¶amour notre chevalier est triste il part avec le corps, mais le cœur
reste:
Ex.1 ÄMes li jorz vient, qui ‘ ‘ ,
Quant delez s¶amie se lieve (#, 4687-4688)
Ex.2 ÄMolt s¶an part Lanceloz   ‘
 ‘ ‘' ‘‘' ‘ ‘‘
Del rasenbler n¶est pas pris termes,
Ce poise lui, mes ne puet estre (#, 4701-4704)
On passe à la deuxième partie qui représente  ‘ 

‘‘‘  ‘ ‘ ‘.
Guenièvre et Lancelot, forment un couple unique du point de vue de la puissance de leur amour.
La nuit d¶amour commence par l¶élimination des barreaux d¶une fenêtre et finit par les démentis
de la reine, leur souffrance est également déchirante par intensité.
Les adjectifs qui qualifient cette instance de l¶amour sont:   ‘  ‘ ‘  ‘
  ‘  ‘'  ‘' ‘  Les occurrences des mots sont faibles:  , '  et   n¶ont
qu¶une seule occurrence.

Ex.1 Ä Molt s¶an part Lanceloz   (#, 4702)


Ex.2 Ä Molt en ai le cuer  ‘et noir,
Or en ai honte, or en ai duel (#, 1108-1109)
‘
  et  ‘ sont presqu¶à l¶égalité, 4-5 occurrences. Chrétien de Troyes fait de
Lancelot un chevalier qui est entièrement pris par sa passion pour la reine. Submergé par le désir,
il oublie à maintes reprises la réalité qui l¶entoure. Le chevalier de la charrette est plongé dans ses
pensées comme un être sans force ni défense devant Amour qui le domine. Et sa méditation est si
intense qu¶il s¶en oublie lui-même : il ne sait s¶il existe ou non; il ne sait quel est son nom; il ne
sait s¶il est armé ou non; il ne sait où il va; il ne sait d¶où il vient. Il ne se souvient de rien hormis
d¶une seule personne, et c¶est pour elle qu¶il a mis tout le reste en oubli; c¶est à elle seule qu¶il
songe si profondément qu¶il n¶entend, ne voit ni ne comprend rien.
L¶adjectif  enregistre 14 occurrences.
Ex.1 Ä  et '  ‘‘Lancelot (#, 5436)

53
L¶emploi d¶un adjectif de couleur, pour définir un état d¶âme, constitue une habitude au
Moyen Âge, transmise aussi à l¶époque moderne:
Ex.1 ÄMolt en ai le cuer   et  ,
Or en ai honte, or en ai duel (#, 1108-1109)

Dans la classe des noms on enregistre les vocables:   ‘


 ‘    ‘ ;
 ‘
  ‘  ‘
 ‘  ‘ 
‘   ‘   ‘   ‘  ;
 ‘ 
   ‘ '  ‘
' ‘ '  ‘  I ‘   ‘    ‘   Toutes sont d¶origine latine. Souffrir pour
Lancelot et le mal pour Guenièvre constituent un plaisir:
Ex.1 ÄMains et genolz et piez se blece,
Mes tot le rasoage et sainne
Amors qui le conduist et mainne
Si li estoit a  ‘  (#, 3112-3115).
Ex.2 ÄQuant après sa mort m¶i dedui,
Certes ‘
‘  a sa vie
Li max don j¶ai or grant anvie (#, 4237-4239)

Les verbes qu¶on mentionne dans le réseau lexical de‘  



 ‘ sont:  ‘
' ‘   ‘ 
 ‘   ‘   ‘   ‘ '   ‘ ' ‘ '  ‘   ‘ '  ‘
  ‘  On observe que l¶homme du Moyen Âge a des termes pour exprimer toutes ses
états affectifs, même une gradation de ceux-ci sur une échelle d¶intensité.
On doit faire la précision que la souffrance affecte aussi les états extérieurs des nos
protagonistes. On revient au terme beauté : à cause de la douleur provoquée par l¶amour la reine
perd sa beauté:
Ex.1 ÄTel duel a de sa crualté
Que ‘ ‘'‘ ‘ ‘
 (#, 4190-4191)
On croit que le désir de la mort est le point culminant de la souffrance des amants :
Ex.1 Ä Ha, vix Morz deputaire
1, por Deu, don n¶avoies tu

54
Tant de pooir et de vertu
Qu¶ainz que ma dame m¶oceïsses? (#, 4318-4321)
Ex.2 ÄMalveise est qui  ‘ ‘ 
Que mal por son ami sofrir (#, 4243-4244

On a illustré jusqu¶ici la naissance de l¶amour, l¶accomplissement de l¶amour, les


implications de l¶amour (le refus de l¶amie, la souffrance, le désir de la mort), c'est-à-dire tout ce
que l¶amour comporte.
L'homme du Moyen Âge a les termes nécessaires pour exprimer toutes les dispositions
affectives de son monde intérieur On a vu comment le nouvel idéal courtois impose des règles
nouvelles dans une société. L¶amour courtois, sous la plume de Chrétien, revêt toute sa
complexité: il apparaît à la fois comme un instrument de normalisation sociale, un
questionnement sur le mariage et les institutions officielles et une voie possible vers la perfection
intérieure. On s¶arrête ici, laissant la discussion ouverte et le plaisir de la lecture des textes pour
notre/nos lecteur(s).

55
+,  

Notre excursion, si éloignée dans le temps dans le temps et faite avec des moyens qui se
trouvent à la disposition d¶un chercheur moderne, essaye d¶être une démonstration de la diversité
et de la flexibilité du lexique.
Le choix des textes et des critères de jugement nous appartiennent entièrement, même si à
un moment donné on a utilisé comme direction d¶étude les théories de R.L. Wagner.
Une étude de linguistique moderne a besoin d¶un cadre chronologique. Le lexique d¶une
langue est difficile à fixer. C¶est pourquoi on a fait notre travail seulement sur une branche de
celui-ci, c'est-à-dire ‘
 ‘ ‘ 
‘
Il s'agit d'une coupe synchronique du français parlé et écrite entre le IX-éme et XIV-éme
siècles. Dans notre '
 on a observé une certaine stabilité en ce qui concerne l¶écriture, mais
on se rend compte que, en dehors du style formulaire que Chrétien utilise surtout à la commande
de Marie de Champaigne, cette stabilité n¶est qu¶une illusion. Car chaque auteur, question de
talent et de culture, a le droit, le pouvoir et la liberté d¶expression.
Le thème proposé nous a laissé la possibilité d¶étudier d¶une manière plus attentive les
instruments qui sont employés par Chrétien de Troyes pour décrire les sentiments. L¶accord de la
communauté concernant le nom des choses et des notions plus ou moins abstraites qui lui servent
d¶instruments et qui lui assurent l¶existence est aléatoire et temporaire. Nous sommes arrivée à
cette conclusion grâce aux mots qui ont été employés à l¶époque et qui aujourd¶hui n¶existent
plus ou ils ont une autre valeur sémantique.
Compte tenu du fait que le réel et son lexique représentent deux domaines où l¶homme est
le médiateur essentiel, cette variabilité qu¶on a essayée de surprendre au XIIe siècle est naturelle.
Même si l¶étude est fondée sur un '
 littéraire (le choix du corpus est assez limité, il faut le
dire)
D¶autre part, le thème choisi nous a fait comprendre que l¶amour courtois est une
véritable révolution idéologique, qui va s¶exprimer surtout dans la littérature, car l¶élément qui
catalyse des révolutions mentales du XIIe siècle c¶est l¶émancipation de la femme, public
prédilecte des romans de l'époque.

56
.  ,  


'  <  ) Ê *
}‘  ‘ ‘ Ê ‘ ˜‘   ‘ ‘  ‘  ‘ 
‘ ‘  ‘ ‘ ˜  ‘ %  ‘
  
‘ '‘ 
‘ ‘  
 ‘ !   ‘ 
  ‘ '  ‘ ‘ s de
Charles Méla, Librairie Générale Française, 1992
}‘   ‘
‘ ˜ ‘ 3˜5 ‘ 3 5, in Chrétien de Troyes,  , Librairie Générale
Française, 1994
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}‘ Ê   ( Thomas), in Maria Pavel, ˜‘ # " ‘  ‘ ‘ 9$=‘  , Iaşi, Casa
Editorialǎ Demiurg, 1997
}‘  ‘ ‘ Ê, ˜‘   ‘ ‘ ˜ ‘  ‘ ˜  ‘ 2‘ !'    ‘

   ‘   ‘ 
‘ ‘ ' 
‘   
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Vaissade,Librairie Hachette, Paris, 1996

3   ,  
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}‘ Brunot Ferdinand, G  ‘ ‘ ‘ 
‘ " ‘ ‘  ‘.‘(JMM, Paris, A. Collin,
1966
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}‘ Gourevitch Aaron, ˜‘  ‘ ‘ ‘

‘  , Paris, Gallimard, 1983
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‘ ‘  ‘‘ ‘ ‘Ê‘ ‘  
‘‘

‘ ‘   ‘Casa Editoriala 
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57
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‘ ‘ 
‘‘
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‘  , Bucureşti, Editura Meridiane (traduit du français
par A.Radulescu), 1981
}‘ Le Goff Jacques, 
‘
‘ ‘ B‘ 1
, Bucureşti, Editura Meridiane (traduit du
français par Maria Carpov), 1985
}‘ Le Goff Jacques, coord, *
‘ 1  , Iaşi, Polirom, (traduit du français par Ingrid
Ilinca et Dragoş Cojocaru), 1999
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‘ .‘  
‘ ‘  
, (Moyen Âge-
Renaissance), Iaşi, Casa Editorialǎ Demiurg, 2006
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‘ 1
‘ Ê
' ‘ !
  ‘ Y ‘  , Bucureşti,
Humanitas,(traduit du français par Dana Ligia Ilin), 2009
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‘  " ‘
‘ 1‘ X ‘ 99=‘  ‘   ‘ ‘
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 ‘  , Paris, Didier, tome II, 1970
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}‘ Zumthor Paul, B ‘ ‘' 
‘  , Paris, Seuil, 1972




58

   
}‘ Godefroi, F., ˜! 
‘ ‘  ‘ " ‰  , Honoré Champion Editeur, 2000
Greimas, A.J.,    ‘ ‘  ‘ " , Paris, Larousse-Bordas/HER, 1999
}‘ Le Nouveau Petit Robert Niveau 1,    ‘ '  
‘‘   
‘ ‘ ‘ 

 "  (Nouvelle Édition du Petit Robert de Paul Robert. Texte remanié et amplifié
sous la direction de Josette Rey-Debove et Allain Rey), Dictionnaires Le Robert Paris,
2000
   )  (
}‘ '?CC    C?‘˜‘Ê‘ ‘ ‘˜ 
‘# " ‘$  ‘
}‘ http://atilf.atilf.fr/gsouvay/scripts/dect.exe:    ‘ % 
‘ ‘
 ‘ ‘Ê

59

  , 1  )   )*,    *)    
           )                =  
      

>
acordance sf . (1)*23 < lat. accordare
amant sm. (1) < lat.amare
ame s. (3) < lat.anima
ami s. (5), amie (16) , amis (20) < lat.amicus
amor s. (13) < lat.amorem
angoisse sf (7) < lat.angustiare
aventure sf (14) < lat.adventura
biauté sf (3) < lat.bellus
bonëuré (1) < début du XIIe siècle de bon et heur
bonté (10) < lat.bonitas
charrete sf (38) <lat. carrus
chevalerie sf (1) < lat.caballarius
chevalier sm (244) < lat. caballarium
chiere sf (7) < lat.carum
corage sm (8) < lat.cor
cortoisie sf (4) < lat.cohors
cuer sm ( 52) < lat.cordis
dame sf (72) < lat.domina
damoisel sm (1) < version de ˜ ‘ ‘ ‘ 
damoisele sf ( 56) < lat. domnicella
desdeing (4) < lat.dignare
23
Entre paranthèses on a mentionné les occurrences des termes
60
deslëauté sf (4) < lat.legalis
despit sm (7) < lat. despicere
destrece sf (14) < lat. districtia
dieu sm (107) < lat.Deus
dolor s (6) < lat. dolor
douçor sf (4) < lat. dulcis
duel sm (33) < lat. dolus
enui sm (9) < lat. inodiare
envie sf (3) < lat. invidiare
feme sf (9) < lat. femina
fille sf (10) <lat. filia
grace sf ( 2) < lat. gratia
gré sm (26) < lat.gratum
jeu sm (13) < lat. jocus
joie sf (17) < lat.gaudium
largece sf (4) < lat. largus ,,abondante, généreux
larme sf lerme (3) < lat. lacrima
merci sf ( 43) < lat.merces
merveille sf (18) < lat. pop. miribilia
message (5) < lat. missus
novele ( 34) < lat. pop. novella
nuit sf (19) < lat. nox, noctis
orgueil sm (11) < francique urgôli
peigne sm (8) < lat. pecten, -isis
pensé sm (1) < lat. pensare
perte (1) < lat. pop. perdita
pitié sf (14) < lat.pietas, atis
plaisir sm (5) < lat. placere
promesse sf (1) < lat.promissa, participe passé de promittere
pucele sf (60) < lat.pop. pullicella, diminutif de pullus, petit d¶un animal

61
queste sf ( 1) < lat. participe passé de quere
raison sf reison (14) < lat. ratuenem
reproche sm ( 5) < lat. pop. repropiare
respons sm (1) < lat. responsum
response sf (1) < lat. responsum
röine ( 139) < lat. regina
sospir sm ( 1) < lat. suspirare
träison sf (8) < lat.pop. tradire
träitor sm (5) < lat.pop. tradire
tristece sf (1) <lat. voluntas
venjance sf (2) < lat. vindicare
verité sf (6) < lat.veritas

? !
amoros (1) < lat. amorem
bel (70) < lat. bellum
bon (59) < lat. bonum
chier (13) < lat.cara
cöart (2) < 1080, ˜ ‘ ‘ ‘  ‘
coi (26) < lat.pop.quetum
cointe (3) < lat. cognitum
corajos (1) < lat. cor
cortois (11) < lat. cohors
crüel (5) < lat. crudelis
debonaire (3) < lat. amalgame de bon aire
deliié (1) < lat. delicatus
destroit (1) < lat. districtum
dolent (14) < lat. dolere
douz, dolce (10) < lat.dulcem
gent (12) < lat. gentem

62
gentil (2) < lat. gentem
grant (236) < lat. grandem
grief (5) < lat.pop. grevem ou gravem
jalos (2) < lat.pop. zelosus, gr. zêlos
joiant (4) < lat. jocare
lait (1) < francique laid
malade (1) < lat. mal habitus
mauvais (9) < lat.pop. malifatium
mout (217) < lat. multum
noir (3) < lat.nigrum
onorable (1) < lat.honorem
orgoillos (3) < francique urgôli
pensif (4) < lat. pensare
pitos (1) < lat. pietatem
triste (1) < lat. tristem

& 
abandoner (1) < germanique, band, juridiction
abelir (2) < lat. bellum
acesmer (2) < origine obscure
acorder (10) < lat. accordare, avec influence de chorda
acreanter (9) < participe présent de credere
adoler (1) < lat. doler
agreer (1) < lat. gratum
amer (25) < lat. amare
angoissier (3) < lat. angustiare
apercevoir (5) < lat. adpercipere
baisier (6) < lat. baisier
blasmer (10) < lat. pop. blasphemare
celer (7) < lat. celare

63
comander (32) < lat. commendare
confesser (1) < lat.pop. confessare
couchier (22) < lat. collocare
cuidier ( 86) < lat. cogitare
delitier (4) < lat. delectare
desafubler (2) < lat.pop. affibulare
desconforter (1) < lat. confortare
desconseillier (2) < lat. consiliare
desdeignier (1) < lat.dignare
desdire (3) < lat. dicere
deshaitier (4) < germanique hait
desirrer (9) < lat. desiderrare
desperer (1) < lat. sperare
despire ( 9) < lat. despicere
desplaire (4) < lat. placere
doloir (9) < lat. dolere
embracier (5) < de en + bras
endurer (4) < lat. indurare
enoiier (11) < bas. lat. inodiare, de odium
esbäir (5) < origine obscure
entendre (10) < lat. intendere
esgarder (31) < francique wardon
esjöir (6) < lat. pop. gaudire
esperer (2) < lat. sperare
honir (6) < francique haunita
irier (10) < lat. irritare
jurer (14) < lat. jurare
malëir (4) < lat. pop. maldire
marïer (5) < lat. maritare
maudire (2) < lat. dicere + mal

64
mercïer (5) < lat. mercedem
merveillier (17) < lat. pop. mirabilia
mesfaire (5) < lat. facere
morir (46) < lat. pop. morireobëir (1) <
offrir (4) < lat.pop.offerire
otroiier (24) < lat. pop. auctoridiare
pardoner (3) < amalgame de par et donner
penser (37) < bas. lat. pensare
perir (2) < lat. perire
plaindre (3) < lat. plangere
plaire (64) < forme parallèle à plaisir
plorer (3) < lat. plorare
prometre (12) < lat. promittere
regarder (7) < francique wardôn
reprochier (4) < lat. pop. repropiare, rapprocher, mettre sous les yeux
rire (9) < lat.pop. ridere
salüer (16) < lat. salutem
sauver (4) < lat. salvare
sofrir (19) < lat. pop. sufferire
sospirer (3) < lat. suspirare
tochier (11) < lat. pop. toccare
torbler (3) < lat. pop. trubulum, croisement de turpidus, agité et de turbulentus
trembler (2) < lat. pop. tremulare
vëoir (15) < lat. videre

 

belement (3) < lat. bellum


bien (93) < lat. bene
bonement (3) < lat. bonum

65
celeement (2) < lat.celare
crüelement (6) <lat. crudum
debonairement (1) < amalgame de bon aire
doucement (1) < lat. dulcem
ensemble (adv/prep) (5) < lat.pop. insimul
lieement (4) < lat. ligare
mauvaisement (1) < lat.pop. malifatium
mout (214) < lat. multum
orgoillosement (1) < francique urgôli
volantiers (34) < lat.voluntas, -a
















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