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Ê
I.1. Lexique: définition et exemples««««««««««««««««..6
I.2.Vocabulaire: définition et exemples«««««««««««««««.8
1
IV.2. Les protagonistes««««««««««««««««««««.........34
IV.2.1. La dame««««««««««««««««««««««««....34
IV.2.2. Le chevalier«««««««««««««««««««««.«.....37
IV.3.De la beauté naît l¶amour«..«««««««««««««««...........40
IV.4. L¶amour qui fait vivre et mourir«««««««««««««.............45
+,
-
. ,
-/
"
)
/
2
L¶amour courtois désigne l¶amour profond et véritable que l¶on retrouve entre un
prétendant et sa dame. L¶amour courtois est l¶aboutissement d¶une conquête de soi-même,
menant le jeune homme, à travers la femme aimée, vers la découverte de ses qualités profondes.
La courtoisie est une éducation sentimentale , morale, sociale. L¶amour courtois est
l¶une des étiquettes qui caractérisent le Moyen Âge.
L¶intérêt des chercheurs pour les romans arthuriens et les légendes celtiques a été de plus
en plus grandissant, encouragé par le goût du public, de sorte qu¶on se retrouve aujourd¶hui
devant une production impressionnante d¶études, de monographies, de travaux, de traductions. Le
principal auteur qui suscite les préoccupations plus ou moins académiques des chercheurs reste
Chrétien de Troyes. Il suffit de mettre son nom comme recherche sur n¶importe quelle page
d¶internet, et les titres qui envahissent l¶écran dépassent toutes les attentes. Cette situation
bibliographique est due, partiellement, à l¶extension des champs interprétatifs, au courage parfois
d¶attaquer les textes directement en ancien français, pour une approche formelle tant soit peu
correcte, au besoin d¶appliquer toutes sortes de lectures critiques à titre d¶expérience ou de
revalorisation des textes anciens.
constitue l¶objet d¶étude de ce travail. L¶objectif est
d¶examiner le vocabulaire de l¶amour courtois dans les textes de XIIe siècle et de démontrer que
l¶homme de Moyen Âge a les possibilités linguistiques de communiquer ce qui se passe dans sa
pensée et dans son cœur, même si quelques mots sont employés dans le texte avec des valeurs
sémantiques différentes.
On part de la distinction que R.L.-Wagner établit entre lexique et vocabulaire, le premier
englobe le dernier, celui-ci étant plus restreint du point de vue de l¶inventaire et de la description.
Les difficultés qu¶une étude sur le lexique du Moyen Âge implique tiennent plutôt d¶une
analyse étymologique et fonctionnelle que de la réalisation d¶un inventaire. C¶est pour cela qu¶on
fait une petite présentation de l¶histoire de la langue française, mais seulement dans le domaine
du lexique: quelques repères historiques pour les substrats, pour le fonds latin et pour le
superstrat germanique, et aussi pour les procédés d¶enrichissement qui ont donné dans la langue
française un grand nombre de mots. Dans les chapitres III et IV on a fait l¶analyse étymologique
3
des termes qui s¶inscrivent dans le thème de l¶amour courtois. On a essayé de les illustrer en
fonction de ce que l¶amour peut atteindre (le bonheur, la souffrance, l¶accomplissement) et en
même temps on analyse les termes qui présentent plusieurs valeurs sémantiques. On fait la
précision que dans le chapitre III on commente les fragments des quelques textes du XIIe siècle
(Ê de Thomas,
de Marie de France, de Chrétien de Troyes)
pour démontrer que le nouvel idéal courtois est répandu à l¶aide de la littérature parmi les
hommes du Moyen Âge et que cet idéal est de plus en plus important dans le changement de leur
mentalité.
Dans le chapitre IV on procède à un examen approfondi sur le vocabulaire de l¶amour, on
suit les situations d¶amour tout au longue du roman
C¶est ce roman, et pas un autre, par la simple raison que le protagoniste, le chevalier
Lancelot, est un
exemplaire. Le roman a été écrit entre 1177-1181, il n¶est conservé
que sur deux manuscrits complets, l¶un de la BNF, 794, la copie de Guiot, (le texte de base de
l¶édition selon laquelle on a travaillé) et un autre, appartenant également à la BNF, 12560. Les
deux sont en champenois. La copie de Guiot a été imprimée en 1850 par W.J. Jonckbloet. Le
deuxième manuscrit mentionné a été édité par P. Tarbé en 1849.
Pour notre travail nous avons une variante faite d¶après le manuscrit de la BNF 794, la
copie Guiot, édition et traduction en français moderne par Charles Méla.
L¶exégèse de l¶œuvre de Chrétien de Troyes pourrait être jugée de la perspective des
livres écrits jusqu¶au présent et des articles publiés sur cet auteur.
On a trouvé des livres en Roumanie, mais ils appartiennent plutôt au domaine de la
littérature. On a deux études qui sont vraiment dédiées au Chrétien de Troyes:
Ê, 1996, de Maria Pavel et
Ê
2005, de Diana
Gradu.
Les autres pistes bibliographiques ont complété l¶image sur l¶ancien français et sur les
mentalités médiévales avec lesquelles on a essayé d¶établir des correspondances. Les lectures
principales ont été celles de Paul Zumthor, de Ferdinand Brunot, R.L.-Wagner. La partie
concernant l¶histoire des mentalités a été enrichie grâce aux lectures de Georges Duby, Jean
4
Verdon, Georges Matoré et Aaron J. Gourevitch. En ce qui concerne la littérature on a choisi
l¶étude de Sasu Voichiţa Maria.
Les dictionnaires utilisés sont :
- Frédéric Godefroy, !
" Paris, Honoré Champion Éditeur,
2000.
- A.J.Greimas,
" Larousse-Bordas, 1999.
- 2000.
On a consulté une version électronique du Ê
# " $ et
une variante du %
Ê.
Ce bref aperçu sur les recherches plus ou moins éloignées dans le temps a essayé de situer
dans le contexte critique le thème de recherche proposé dans le travail.
5
# ()!
Fig.1 Le lexique
Le terme !
est attesté en français avec l¶an 1721 (! gr. lexikon, de !&).
Dans son sens le plus général, le terme!
désigne l¶ensemble des mots au moyen desquels
les membres d¶une communauté linguistique communiquent entre eux.
Dans le 2007, le terme !
est expliqué de la façon suivante:
!
Dans le TLF informatisé, il y a les exemples: !
!
!
" !
!
!
''
etc(
Le lexique, tel qu¶il a été défini, est une notion théorique. Aucun français ne connaît tous
les mots en usage de son vivant, sur le territoire de la France. En plus, n¶existe±t-il de
dictionnaire qui les enregistre tous, sans exception. Dans la réalité chaque individu ne se sert que
d¶une partie restreinte du lexique.
1
http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=2155865625. Le Trésor de la Langue Française
Informatisé.
6
Les énoncés émanent de gens, conditionnés par leur milieu, leur profession, leur culture,
d¶individus dépendant aussi des circonstances dans lesquelles ils émettent leur message, ainsi que
des destinataires de celui-ci. La langue, qui préside aux emplois, est un instrument de
communication immédiate. On ne parle, on n¶écrit que pour l¶instant, même quand on nourrit
l¶illusion de le faire pour l¶éternité. Le lexique d¶une langue varie d¶une époque à l¶autre, il est,
comme les formes grammaticales, comme la prononciation, comme la langue toute entière, dans
un perpétuel devenir.
Les raisons de cette extrême mobilité sont faciles à comprendre, si l¶on réfléchit tout
d¶abord à la multiplication des mots, qui est une conséquence nécessaire de la multiplication des
idées, et il n¶est pas besoin de longs développements pour montrer comment l¶homme étend sans
cesse le champ de ses connaissances. Il découvre dans le monde extérieur des faits, des êtres,
dont il ne soupçonnait pas l¶existence. D¶autre part, il crée lui-même des corps, des appareils dont
le principe même était ignoré par ancêtres. Et à cette transformation du monde physique
correspond une révolution non moins rapide dans le monde des idées. Sur tous les points où s¶est
portée l¶activité humaine, on voit paraître de nouvelles conceptions.
Il est évident qu¶à ce développement de la pensée correspond un développement parallèle
du lexique. Les mouvements du lexique s¶expliquent par des raisons de nature psychologique. En
effet, d¶une part les mots s¶usent, et, d¶autre part, l¶homme a besoin non seulement d¶exprimer sa
pensée, mais de l¶exprimer avec le plus de vivacité et de variété possible. Ce n¶est pas, en effet,
seulement le lettré qui cherche à présenter une idée dans toute sa valeur, c¶est aussi l¶homme du
peuple qui aime les termes vigoureux et expressifs. Son esprit travaille sans cesse à lui fournir des
nouvelles images plus frappantes que les anciennes, surtout si celles-ci se sont un peu ternies par
l¶usage, comme des monnaies qui ont longtemps circulé. Diachroniquement, le lexique d'une
langue est en perpétuelle évolution: des lemmes apparaissent et disparaissent. Le lexique d'une
langue est donc un ensemble de lemmes aux dimensions floues et variables. On l'a dit, outre qu'il
est impossible de les recenser tous pour un état précis d'une langue, certains apparaissent ou
disparaissent, rendant les limites encore plus difficiles à cerner.
Par extension, un !
est un ensemble de mots liés à un domaine ( !
) ), à une personne (!
* ) ou à un ensemble de personnes (!
). Il faut dans ce cas le comprendre comme une liste de termes. Il sera alors synonyme de
7
, , , , etc. En ! cette confusion des sens
courants n'est pas acceptable. L'objet du travail devant être un corpus d'unités attestées et
considérées avant toute lemmatisation, on traite du
de tel ou tel domaine.
3
R.-L. Wagner,
" Paris, Didier, tome I, 1967, p.34.
8
compose de
et de
' . Le vocabulaire passif correspond aux
termes dont le locuteur connaît la définition, mais qu'il n'utilise pratiquement pas, comme par
exemple ! pour un non linguiste. Le vocabulaire actif correspond aux unités connues et
employées par le locuteur. Les vocabulaires sont utilisés dans un champ donné par un groupe
social particulier. Le lexème devient alors un marqueur sociolinguistique.
On considère que ces précisions sont nécessaires parce que notre travail fait un long retour et il
s¶arrête à l¶époque nommée Moyen Âge. Ce qui suscite notre intérêt c¶est
" plus
exactement, le lexique du XIIe siècle.
9
( !
%
0
La démarche lexicale proposée par cette étude, centrée sur le XIIe siècle comporte
également une radiographie des textes selon le critère étymologique. C¶est pourquoi dans les
pages qui suivent nous donnerons quelques repères pour l¶histoire du français.
%
#
Faisant partie de la famille des
, " est, implicitement, une
langue indo-européenne. Avant l¶arrivée des Grecs et des Celtes, qui ont introduit des langues
indo-européennes sur le territoire qui allait appartenir à la France, celui-ci était occupé par les
10
Ligures, les Ibères et les Aquitains, dont les langues n¶appartenaient pas à la même famille. Les
traces de la langue parlée par les Ligures se constituent du quelques toponymes: =
1
*
Ê etc. Bien que le français contemporain ait beaucoup de mots
d¶origine grecque, seuls quelques toponymes remontent à l¶époque ancienne 2 3&245
/ 3&/'5 / 3&/ -Ê
4-5 1 3&1 5 L¶arrivée des Grecs au
Midi coïncide, en grandes lignes avec l¶arrivée des Celtes au Nord, par l¶Alsace et la France-
Comté, / 3& / 5 3& 5 3& 5
Ê3&Ê 5 3&
5 etc.
Le gaulois est un substrat du français. Des peuplades celtes, les Gaulois, vivaient dans
l'actuel territoire français avant l'arrivée des Romains. Étant donné le prestige culturel,
économique et politique que véhiculait le latin, les Gaulois finirent par abandonner leur langue
pour adopter le latin, qui évolua dans cette région pour donner le français. Le parler gaulois a
disparu mais il reste décelable dans quelques mots français (une centaine).
Du point de vue de la grammaire historique, nous retrouvons en ancien français quelques
traits spécifiques gaulois:
-l¶expression de la réciprocité par la structure 6 (<lat. );
Ex.3
(1155, Wace, lat. intervenire)
Ä Et li cheval tot de randon
S¶ que front a front¶¶ (#, 3592-3593).
11
Dans le fonds lexical il y a des mots d¶origine supposée celtique ou, au contraire, mots celtes
sans aucun doute.
Ex.1
nf. (1080, Roland, lat. pop. *' d¶origine probablement celtique,
¶morceau¶, ¶fragment¶):
Ä Et des lances tex cos se donent
Qu¶elles ploient et arçonent
Et anbedeus an ' volent (#1 2683-2685)
Ex.2 | |
n. f. (XIIe s. lat. pop. * , d¶orig. gauloise, ¶ample culotte serrée aux
jambes par des lanières¶)
ÄGesqu¶al le purfendié
Que en pre en cheent les mertez (Ë, p.53)
%
%
#!
Le français, comme toutes les langues romanes, est issue du latin populaire, plus précisément.
Les mots du français proviennent essentiellement du latin.
Ä 8
" 4. En effet, les
mots appartenant au latin parlé sont très nombreux en ancien français. Nous choisissons quelques
exemples:
Ex1
< requerre (XIIe s. Alexis) < lat. pop. *
pour
:
1. ¶prier¶
4
/'
Diana Gradu, !
9$$ , in / 0
de l¶Université
Alexandru Ioan Cuza» de Iasi, Roumanie, section Linguistique, 2006, tome LII, p. 73-90.
12
2.¶ réclamer par voie judiciare¶
3. ¶exiger¶
ÄReis Louis fud mut irrié
A juste mie nel
(Ë, p.53)
Ex.2
<percier < lat. pop. *'
pour '
, ¶percer¶, ¶trouer¶
ÄLi destriers droit sor lui envers
Si roidement que en travers
. L¶une des jambes li '" (, 3455-3457)
Ex.3 : <cohortem < curia par fausse étymologie.du lat. pop.* < lat.
Ex4:
, n.m. (1160, Eneas) < lat. pop.*
, de
¶propriété¶,
¶souveraineté¶, ¶puissance¶, ¶pouvoir¶, ¶empire¶, ¶libre arbitre¶
ÄEt molt se cuide bien venchier
Dou grant orgueil et dou
Qu¶ele li a touz jorz mené (, 457-459)
13
%
# ,
Au Ve siècle, des peuplades germaniques, appelées Francs, pénètrent en Gaule et s¶y
installent. Le contact interrompu entre le latin vulgaire parlé en Gaule du Nord et la langue
germanique des envahisseurs a favorisé l¶introduction dans le latin vulgaire d¶un grand nombre
de mots d¶origine germanique. Ces mots se trouvent généralement dans tous les secteurs de la
vie:
- la chasse, la pêche, la vie rurale: -&
&
etc.
- les institutions politiques et judiciaires:
& & :
&4 4 etc.
- la vie privée, la maison, la nourriture, le corps de l¶homme, l¶environnement: &
; & 4
&
& etc.
- la vie morale: &
&
<
& etc.
- le monde des couleurs: & 4
& &= etc.
14
Ex.5
(XIe siècle, 0 /!5
Ä Cil venoit le
laci鵶 (#, 2018)
3))
Une vision sur le lexique doit englober les moyens d¶enrichissement de celui-ci. On se
rapporte à la ) , à la , aux et aux ! . Ainsi
poursuivra une ligne traditionnelle présente dans toutes les histoires du français. Et puisque ce n¶est pas
l¶objet de notre étude nous n¶y insisterons pas trop. C¶est un aperçu général sur le lexique du XII e siècle.
15
b) (de ± ? ), employés d¶abord dans les noms propres d¶origine
germanique (* ), ensuite dans des noms communs. Le
sens étymologique a fait place à une valeur augmentative ( ), ou
dépréciative ( &, poltron, qui porte la queue basse ; ' , qui
couche sur la paille, gueux).
c) masculins , ancien féminin proviennent généralement du
francique 4 comme dans " < " < 44 ( all. A4,
angl. 4), < < 4 (cf. all. , angl. B)
qu'on ne doit pas confondre avec le suffixe C (espagnol , italien
) issu du latin 35.
Quant aux préfixes germanique, l¶un de plus usités a été le préfixe r, provenu du
francique , à sens négatif et péjoratif. Les dictionnaires de l¶ancien français présentent un
grand nombre de formations de ce genre dont quelques-unes survivent encore:
- ± s¶égarer
-
± arriver par malheur et :
Ex.1 Ä Que trop li fust
¶¶ o#, 4435).
Ex.2 Ä Ha, Dex! Con grant
e¶¶ (#, 2606)
-
± dire de mal
- ± entendre mal
- ± se tromper
-
± ne pas apprécier
- ± ne pas se tenir sur ses gardes.
Les parasynthétiques verbaux obtenus par préfixation étaient très nombreux:
D
D
D
D
'D'
Beaucoup de verbes sont obtenus à l¶aide des préfixes:
- ±
- ±
- ±
- ± '
- ± ' '
16
- ± ' .
4# )
5 '' .
'
'
' ' +F
Dans cette catègorie on peut intégrer selon la théorie des certains lexicologues les mots
qu¶on a présentés ci-dessus '' .Ils sont déverbaux.
La présence de l¶article en ancien français facilite le changement de la catégorie
grammaticale:
etc
Il y a aussi des adjectifs qui subissent la substantivation:
5
Maria Pavel, " 9$= Iaşi, Demiurg, 1997, p. 212.
6
Ferdinand Brunot, G
" .
Paris, A. Colin, 1966, p. 276.
17
Ex1: 3
5
> foie (d¶oie engraissée avec des figues)
Ex2: 3
5
> formage (fromage) (moulé dans un moule)
On a mis entre parenthèses le nom déterminé disparu dans la variante attestée en ancien
français.
Ex3?
(de lin) > linge (toile de lin)
%
#
La composition existe, mais elle est restreinte aux sobriquets. Dans la
" d¶Albert Henri on a trouvé un texte composé vers 1180-1190
(auteur anonyme) qui donne quelques sobriquets formés par composition:
ÄDevant lui vient G
Et Jondoïn Ê
'
Et Bandonïn
(Renart et Brun, vers 1180-11827)
À part ces sobriquets légèrement licencieux il y a un autre type de composés ± adverbe /
préposition +substantif:
'
'
(puis, prép & adv. < lat. pop. '
,¶ '¶)
(estre µhors de¶), , µ
¶, µ!¶
On peut citer parmi les composés les juxtaposés, selon la terminologie de Ferdinand
Brunot. Il partage ceux-ci en juxtaposés de subordination et juxtaposés de coordination.
De la première catégorie font partie les substantifs liés l¶un à l¶autre par un rapport de
possession sans que ce rapport soit exprimé par une préposition:
Ex: - *
*
7
Exemple cité par Diana Gradu dans !
9$$, in / 0
de
l¶Université Alexandru Ioan Cuza» de Iasi, Roumanie, section Linguistique, 2006, tome LII, p. 73-90.
18
Les juxtaposés de coordination sont plus nombreux et plus variés:
-adjectif +substantif: H
'
- 2 substantifs en apposition: '
- 2 adjectifs:
-1 adj. + 1 adv. :
-1 adv. + 1 part.:
#
Parmi les procédés des plus usuels de renouveler le vocabulaire, on compte les emprunts.
L¶influence scandinave se voit dans des toponymes: Ê' 1 G
G
G
*
G
B
, etc.
Les termes courants introduits par les Vikings se rapportent surtout à la navigation
44 (navire orné d¶un dragon à la proue), (aller ça et là), ,
(brise),
( le poisson),
4 etc
L¶influence germanique donne en français les termes suivants: ' '
etc.
Le néerlandais donne quelques termes: etc.
L¶anglo-saxon:
'
Dès le XIe et le XIIe siècles, c¶est-à-dire dès l¶ancien français, les relations commerciales
établies avec l¶Afrique du Nord et le Proche-Orient, mais aussi avec les Pays-Bas, introduisent
des mots orientaux. Les plus anciens sont: "
' '
Quelques mots grecs ont également pénétré, la plupart par l¶italien:
' etc.
Il faut enfin ajouter des mots italiens et espagnols:
etc.
19
6
# !
La réforme de Charlemagne jugée comme une Ière Renaissance rétablit le plein droit du
latin classique dans les écoles. Les lettrés, plus nombreux, commencent à influencer la langue
parlée.
De cette manière, le latin parlé récupère des mots par .
Les domaines les plus productifs de ce point de vue sont:
- la religion : ''
I etc;
-la science: I I
'
20
# $
, ) $
Presque toutes les histoires médiévales de la France parlent d¶une Renaissance
e
du XII siècle».
Que l¶emploi d¶une langue correcte, polie, dans les relations courantes ait été tenu au XIIe
siècle pour l¶indice d¶un comportement courtois», cela ressort d¶un passage du
de Chrétien de Troyes. L¶entourage d¶Arthur et de sa femme comporte:
1
*'
" (#, 41-42)
La tenue de ces femmes se définit par un trait: elles s¶expriment correctement en français.
L¶intérêt de ces vers tient à ce que Arthur, prince d¶un monde de féerie antique, tient sa cour en
Grande-Bretagne. ,,!.
'
!
'
.
9=$$
+8 Le vers de Chrétien atteste l¶existence d¶un bon français» oral. Ce bon français»
impliquait l¶observation de règles relatives à l¶ensemble de l¶idiome: articulation ou
prononciation, morphologie, syntaxe. Des énoncés informatifs aux énoncés narratifs, la distance y
demeurait sensible, mais les premiers se conformaient autant que possible au modèle des seconds.
Le lexique de l¶ancien français est considéré soit pauvre pour les uns, soit riche pour les
autres. Entre le IXe et la fin du XIIIe siècle, locuteurs, écrivains, rédacteurs d¶actes ont
successivement disposé, de tout ce qui leur était nécessaire pour exprimer, chacun selon sa
manière, ce qu¶ils avaient à dire. Là où l¶on trouve leur vocabulaire pauvre, c¶est que ces gens
n¶avaient pas encore formé des concepts qui, beaucoup plus tard, nous sont devenus familiers.
Avant de commencer l¶analyse proprement dite du vocabulaire de l¶amour, on croit qu¶il
est nécessaire une brève présentation des écrits du XIIe siècle.
8
R.-L. Wagner,
"
Librairie Larousse, 1974, p. 49.
21
Paul Zumthor, dans B '
caractérise le XIIe siècle en fonction de
siècles voisins? Ä 9$ 9$=
9$$ "
' '
!
+J
Le caractère le plus pertinent peut-être de la poésie médiévale est son aspect dramatique.
Tout au long du Moyen Âge les textes semblent avoir été, sauf exceptions, destinés à fonctionner
dans des conditions théâtrales, à titre de communication entre un chanteur ou un récitant et entre
un lecteur et un auditoire. Le texte a, littéralement, un rôle à jouer» sur une scène. Parmi les
facteurs qui, entre le IXe et le XIIe siècles, déterminent l¶émergence des divers codes poétiques,
l¶importance de la mémoire et de la voix comme moyen principal de transmission a un rôle
différent. La voix engendrait une dimension particulière pour l¶espace d¶une société pratiquement
analphabète. La civilisation médiévale participe ainsi largement, durant ses premiers siècles, au
type de culture à dominante orale. Toutefois, la civilisation des pays français apparaît en pleine
vigueur, accordant harmonieusement une esthétique et une technique, des thèmes de spéculation
et un langage, à savoir une adéquation parfaite des formes et des contenus.
Avec les premières œuvres écrites en langue vulgaire ( roman») le XIIe siècle marque la
naissance d¶une littérature française.
Trois formes littéraires nouvelles marquent cette période: la chanson de geste (au début du
siècle), la poésie lyrique courtoise (sous l¶influence des troubadours). Associant vers et musique,
le troubadour célèbre l¶amour, vertu nouvelle du chevalier du XIIe siècle, selon la mode courtoise.
Le code courtois est calqué sur le code féodal, et le motif de la dame suzeraine, inaccessible est le
thème central des chansons de troubadours, le roman (dès la seconde moitié du XIIe siècle).
Ces récits ouvrent la voie à un type d¶écrit nouveau, le roman, qui ne constitue pas encore
un genre littéraire, mais signe un récit narratif créé de toutes pièces, sans être défini comme
traduction. Chrétien de Troyes, auteur d¶un cycle de cinq romans, en est le maître incontesté.
Même si Chrétien de Troyes est accepté en tant que le premier romancier français, il faut
dire que ses romans n¶ont pas la même forme et le même sens que ceux conventionnellement
admis. Il s¶agit des créations en vers tout comme les autres Ê de Thomas (avant 1170),
8$ (premier tiers du XIIe siècle), Ê
(1285),
2=(XIIe siècle).
9
Paul Zumthor, B '
Paris, Seuil, 1972, p. 15.
22
On a déjà précisé que le XIIe siècle suscite l¶intérêt à cause du thème de l¶amour. Puisque à
l¶époque-le terme amour était associé à l¶adjectif courtois, on traitera dans le chapitre suivant le
concept de
Le but de ces précisions sera une meilleure compréhension du
vocabulaire courtois du XIIe siècle.
%
7 ) ))( )
Au XIIe siècle, ce mouvement intellectuel et moral, déjà répandu dans le sud de la
France, gagne le Nord. Il instaure de nouvelles relations humaines, moins rudes, moins centrées
sur la passion guerrière. C¶est tout à la fois une mentalité et un mode de vie:
associe raffinement des mœurs, souci de se cultiver et reconnaissance de la place de la femme
dans la société. Ä
K
L .
!
K
L
+(M Princes et seigneurs
encouragent les arts et notamment la lecture, invitant à leur cour poètes, clercs et lettrés. La cour
de Marie de Champagne, durant la deuxième moitié du siècle, est l¶une des plus illustres. C¶est à
la cour de la comtesse Marie de Champagne que le clerc André Le Chapelain entreprend de
codifier les lois de la doctrine courtoise. La courtoisie associe un art de vivre à une élégance
morale. Le roman de Chrétien de Troyes, illustre parfaitement ce
code de valeurs. On y reviendra dans un chapitre dédie au vocabulaire de l¶amour dans ce roman.
Cet idéal courtois donne une forme nouvelle à l¶amour, c'est-à-dire l¶amour courtois.
L¶expression
a été proposée par l'historien de la poésie médiévale Gaston
Paris en 1883..La formule médiévale occitane est celle de
. Elle désigne de façon
générale l¶attitude à tenir en présence d¶une femme de la bonne société, l¶amour courtois étant ni
plus ni moins qu¶une relation vassalique entre homme et femme.
La tradition de l'amour courtois a été florissante en territoire occitan et en France à partir du
XIIe siècle, grâce à l'influence des protectrices comme Aliénor d'Aquitaine et la comtesse Marie
de Champagne, cette dernière ayant été la mécène de Chrétien de Troyes. L'amour courtois
trouverait, à en croire certains, ses origines au Levant et dans la littérature arabo-andalouse. Il
désigne l¶amour profond et véritable que l¶on retrouve entre un prétendant et sa dame.
10
Chrétien de Troyes, 2!'
'
' Christiane Vaissa de,Librairie Hachette, Paris, 1996, p. 229.
23
Fig.3 L¶amour courtois
Au Moyen Âge, on lui attribuait certaines particularités courantes: l'homme doit être au
service de sa dame, à l'affût de ses désirs et lui rester inébranlable en fidélité. L¶amoureux,
dévoué à sa dame était, normalement, d¶un rang social inférieur, c'est un noble de première
génération sur le point de conquérir ses titres de chevalerie. Apparemment, la vision de l¶amour
courtois s¶imposa progressivement dans les cœurs et permit de laisser une place à l¶amour dans la
vie quotidienne. L¶amour courtois n¶a rien à voir avec le mariage. Cette conception nouvelle
porte le nom de
( en ancien français). Ce sentiment est ambivalent, car, d¶un
côté, il exprime la dévotion et la soumission à l¶être aimé (. les relations entre seigneur et
vassal), et, de l¶autre côté, la révolte contre la morale sexuelle de l¶âge féodal. C¶est toujours
l¶amour qui est en jeu. Paul Zumthor parle, à juste titre, de la différence de vision entre le Nord et
le Midi de la France: ,,/
2
'' = '
<
'
-
'
N O
24
1
!
'
N O
'
N O
+((
Pour Georges Duby, il ne faut cependant pas voir dans l¶amour courtois une promotion de la
femme: c¶est un jeu masculin, éducatif, où les jeunes hommes, pas encore mariés, maîtrisent leurs
pulsions et leurs sentiments, comme ils apprennent à maîtriser leur corps, dans un tournoi. De
plus, la femme est une proie; celle qui est la cible de l¶amour courtois des jeunes est souvent
l¶épouse du suzerain, qui la donne en enjeu. Les jeunes cherchent à séduire la dame pour mieux
plaire à leur seigneur, mais aussi pour mieux se différencier du peuple vulgaire, et des bourgeois.
Une idéalisation extrême de l¶amour courtois c¶est la
qui se construit peu à peu. Les
traits de la
sont les suivants :
- un amour nécessairement secret ;
- un lien amoureux calqué sur la logique du lien féodal: la dame est suzeraine de son amant qui
doit tout entier se consacrer à son service ;
- un amour de loin qui, sans être platonique, tire son intensité de son insatisfaction: la dame est
inaccessible, les amants ne peuvent être durablement réunis.
On fait la précision que l¶amour de Lancelot et de Guenièvre s¶inscrit parfaitement dans les
traits qu¶on a mentionnés ci-dessus. De ce point de vue, le choix du corpus semble justifié.
11
Paul Zumthor, B '
Paris, Seuil, 1972, p. 555.
25
Le vocabulaire qui décrit cette circonstance est imprégné de tragique et de désespoir. Les
deux idées principales autour desquelles s¶organise le discours sont
et .
La répétition incessante de certains mots et/ou syntagmes transforme la plainte en chant
mortuaire.
Les mots sont presque tous d¶origine latine: 3&
5
3& 5
3&
5 3& µencourager¶),
3&
µconduire¶5
3& 5
3&5 3&
5 3&
5 3&5
' 3&' 5
3& 5
3&5 µqualité de ce qui est tendre¶,
µtendresse¶, 3& 5
Les termes d¶origine germanique ont une faible fréquence:
3&francique
: P'
5
Le mot présente le plus haute fréquence d¶emploi, sept occurrences, soit comme
invocation, soit comme simple formule d¶adresse :
Ex.1:Ä/ , pur vostre mort
N¶avrai jamais de rien confort
L¶idée de mort est exprimée tout d¶abord par la répétition du terme proprement dit, soit-il
substantif ou verbe. Il a une fréquence très haute (dix occurrences), pour que Yseult puisse nous
convaincre à tout prix qu¶elle va mourir. L¶auteur associe à la mort d¶autres termes apparentés:
, ' ,
, . L¶antonyme ne fait qu¶accroître le regret et le désespoir:
Ex.4: ³Quant jo a tens ne poi venir
Pur e vostre mal
.
,,
'
'
Q(,Du Ê on retient 2 occurrences, 1 occurrence,
12
Diana Gradu, !
9$$ in / 0
de l¶Université Alexandru
Ioan Cuza» de Iaşi, Roumanie, section Linguistique, 2006, tome LII, p. 73-90.
26
1 occurrence et 2 occurrences. Tous sont circonscrits au thème de l¶amour et
remplacent le terme générique . D¶ailleurs le substantif
est présent 4 fois dans le
texte
La décision d¶Yseult de mettre fin à sa vie est exprimée par le verbe
au présent.
³Pur vos murir ensement
B est un adverbe typique pour l¶ancien français, disparu du français moderne. Le
sens est de
Le second texte est,
écrit par Marie de France on a le même thème de
l¶amour et les mêmes héros: Tristan, Yseult (cette fois-ci elle n¶est pas nommée) et, en plus, le roi
Marc.
Avec plus de personnages et plus d¶action l¶auteur exprime l¶idée de
qui lie à
jamais les deux protagonistes.
De nouveau le vocabulaire est majoritairement latin. Il y a des termes qui reviennent d¶un
texte à l¶autre:
Il y en a d¶autres, nécessaires à la construction du récit, toujours d¶origine latine:
3&!5 3& 5
3&'5 3&lat.pop R 5
3&
5 ' I3&bas latin' µhabitant d¶un pays, canton¶5 3&lat. pop
R5 '3&'5 3&5 3&&
par fausse étymologiedu lat.
pop 5 3&
5
3&bas latin '
5 3&lat.pop
R
' 5 3& 5 '3& ' 6µméditer¶, µêtre plongé dans ses
pensées¶5 '. l¶étymologie précédente.
Dans cet inventaire sélectif il y a plusieurs catégories de termes. Quelques-uns sont des
termes usuels ± '
'
-
d¶autres sont plutôt destinés à la vie affective: ' '
Les termes qui n¶appartiennent pas au fonds latin sont aussi peu nombreux que pour le
texte antérieur. Nous retenons: 3&francique R 5, 3&francique R D
µcondamner à l¶exil¶, µexiler¶, µfaire appel à¶), 3&origine celtique par le lat.pop
R
5, 3& &germaniqueR µjuridiction¶5, 3&d¶un radical
&latin
origine germanique5
27
La fureur du roi Marc est exprimée par deux adjectifs et un verbe dès les trois premiers
vers:
ÄLi rois Mars estoit ,
Vers Tristram,
son neveu, ;
De sa terre le ;
La même tendance vers la répétition, censée convaincre le public sur l¶intensité des
sentiments est à retrouver dans les vers concernant Tristan qui:
Vers la fin du lai le verbe est remplacé par une formule à titre de :
³Por espïer et por savoir
Comment il la peüst vëoir
Car ne pooit vivre sans li:
28
3& 5 3&R
&
P''
P'
P'
5
3& 5
3&
5
3&R 5 "3&5
3&
&
5 3& 5 '3&' P
P
P
5
3&! ! P-
5
3& ''R
7
5
3&
5 3& '' R P
5
3& & 5 3& ''R &
' 5
3& P'
5 3& ''R
'
P
5
Les mots d¶origine germanique appartiennent plutôt à un monde masculin:
3&
5 3& µaiguillon¶5 3& 5 3&R: <µveiller¶5
Avant le discours de l¶héroïne, le narrateur nous surprend par la force des images créées.
Ä
/
'
''2
.
!' ''.
'
! '
1
1 >
>
!'
' ?"13
Ex.1: ³Or la fera Amors dolente
Et molt se cuide bien
Dou grant
et dou
Qu¶ele li a touz jorz mene.
Bien a Amors droit
Qu¶au cuer l¶a de son
. (, 456-461)
Soredamor est la malheureuse qui souffre du doux mal d¶amour:
Ex.3: ³Or li est or li
Or le
et or le
.(, 472-473)
A remarquer le jeu des oppositions
C ,
C
censées rendre un
sentiment encore indéfinissable et incertain. C¶est pourquoi Soredamor cherche une réponse avec
les instruments les plus proches: les sensations. Elle ne possède pas d¶autres moyens
d¶introspection. Elle accuse ses yeux de trahison, elle interroge incessamment son coeur:
13
Diana Gradu !
9$$, / 0
de l¶Université Alexandru
Ioan Cuza» de Iasi, Roumanie, section Linguistique, 2006, tome LII, p. 73-90.
29
Ex.1: ÄOeil, vos m¶ !(, 475)
L¶état de l¶héroïne est dessiné par la force des répétitions ± apparaît huit fois. Du
reste il est colloqué par ' ,
La douleur est décrite par une seule formule, répétée avec obstination, mais typique pour
l¶écriture de l¶époque 6 C :
30
popR 5 ' 3&'
5 3&
5
3&lat.popR
5 '3&
'5
3&5 3&lat.popR 5
On a essayé d¶extraire du fragment les vocables nouveaux par rapport aux textes
antérieurs.
Pour l¶influence germanique dans les pages choisies d¶ on signale:
(<germanique *45
(<francique * 4)
Beaucoup de chercheurs sont d¶accord que est le meilleur texte de Chrétien de
Troyes.
Il y a, dans notre fragment, moins de répétitions et par conséquent, plus de diversité. La
seule exception c¶est l¶utilisation de et de 35
Pour décrire la douleur et la révolte d¶Yvain, Chrétien de Troyes fait appel aux verbes
',
, , , et aux expressions très fréquentes en ancien
français
et (éventuellement + C):
31
problématique des objets dans le sens attribué par Paul Zumthor. Ce sont Ä
' .
+(S L¶objet chevalier est lié à la dame par le biais des thèmes conjugués de
l¶aventure et de l¶amour.
On a avancé plus tôt l¶idée que le vocabulaire médiéval n¶excelle pas en richesse et en
diversité. On peut observer son faible degré d¶abstraction dans la description des phénomènes de
la vie mentale et affective. Pour l¶homme médiéval tout se passe au niveau du physiologique: il
aime voir, toucher, entendre, et les écrivains veulent Mais, il est difficile
d¶exprimer les sentiments de l¶homme médiéval et à cause de cela : ,, '
<
'
Q(E
On ne peut pas dire que les termes qu¶on a précisés sont les seuls qui font partie de
vocabulaire de l¶amour et qui appartiennent au XIIe siècle. Le vocabulaire n¶est jamais un
système clos et stable, dans la réalité chaque individu ne se sert que d¶une partie restreinte du
lexique. On a voulu seulement prouver que le concept de l¶amour courtois se manifeste dans la
littérature et que les écrivains ont trouvé des termes pour l¶exprimer parce que: Ä)
) '
'
'
' ) +(F
14
/'
Maria Pavel,
QQ Ê Editura Fundaţiei
Chemarea, Iaşi, 1996, p. 147.
15
Georges Matoré,
Presses Universitaires de France, Paris, 1985, p. 108.
16
http://expositions.bnf.fr/arthur/arret/06.htm, Michel Rousse.
32
&(' (
17
/'
Maria Pavel,
QQÊ Editura Fundaţiei
Chemarea, Iaşi, 1996, page 144.
33
Chez Chrétien de Troyes, le thème , en tant que combinatoire de motifs, inclut:
-
'
!
'
' '
!'
'
On fera une présentation des unités linguistiques, mots isolés ou syntagmes exprimant
les attitudes affectives impliquées par le thème de la
Tous les termes qu¶on a trouvés dans le texte et qu¶on peut les inscrire dans le vocabulaire
de l¶amour et aussi les termes nécessaires à la construction du récit seront inventoriés dans
l¶index alphabétique qu¶on ajoutera à la fin de ce travail.
34
Le terme a 72 occurrences, l¶un des plus significatives dans le texte. Il signifie, en
général, titre de respect donné à une femme. Un mot utilisé en plusieurs contexte peut avoir des
valeurs sémantiques différentes:
a) en parlant d¶une personne qui détient la pouvoir:
ÄPuis que ma de Chanpaigne
Vialt que romans a feire anpraigne,
Je l¶anprendrai molt volontiers (#, 1-3)
,,Sire, ma la reïne
Par moivos mande, et jel vos di,
Que au noauz." (#, 5652-5654)
35
Qui l'anel doné li avoit
Et si le norri an s'anfance "(#, 2345-2348).
Ex.2
(Xe siècle, Eulalie, lat. ), TLF: ; occurrences 56
Le terme signifie jeune fille noble, jeune femme noble non mariée.
,, Les , quant le sorent,
Asez plus grant pesance en orent,
Bt dïent que par saint Johan
Ne se marieront ouan "(#, 6049 -6052).
Mais ces six demoiselles sont vraiment importantes, mystérieuses, un peu femmes et un
peu fées, croisent à l¶aventure» le chemin du chevalier. Réplique ou annonce l¶une de l¶autre,
elles sont autant de signes qui ne peuvent se lire seuls. Leur succession guide les pas du chevalier
et, juxtaposant les indices, permet de construire les sens de la quête.
36
Est ci la '
venue" (#, 1602-1603).
Ex.5
( 1080, lat. ), TLF: ; occurrences 139
Dans le texte, la reine est une dame secrète dont l¶amour se découvre peu à peu. Elle
s¶appelle 8
En dame courtoise, elle se plaît à se prouver qu¶elle a tout pouvoir sur son
amant. C¶est elle qui décide de leur devenir, c¶est elle qui chasse d¶abord Lancelot puis lui
accorde la merveille» de leur nuit d¶amour
,,Cist peignes, se j¶onques soi rien
Fut la I , jel sai bien"(#,1411-1412)
Le chevalier remplit une triple fonction sociale, secondant son seigneur, protégeant les
faibles et aidant à faire triompher la justice. Gauvain et Lancelot, les deux chevaliers arthuriens
du récit, cumulent ces rôles.
Le chevalier, attentif aux valeurs morales et spirituelles, fidèle et loyal, généreux envers
ses adversaires, tourné vers ceux qui peuvent avoir besoin de lui, n'est pas insensible à l'amour.
Au contraire, il ne peut se réaliser pleinement que s'il met sa valeur et ses qualités au service
d'une dame et de l'amour. La chevalerie arthurienne n'est pas seulement un ordre militaire, mais
traduit un idéal de vie hors du commun où le cœur a sa place. Le chevalier est aussi un seigneur
qui aime à se distinguer par la beauté et la puissance de ses armes, la robustesse et la rapidité de
son cheval. Sa vie se règle sur l¶errance de la mission de soldat: le récit abonde en rites d¶accueil,
le chevalier est toujours fêté et traité avec honneur. Repas, jeux d¶intérieur, joutes forment
l¶essentiel de ses loisirs.
37
Fig.4 Le Chevalier
Les romans de Chrétien sont peuplés de chevaliers qui libèrent, aident, luttent pour une
cause féminine, sans que l¶amour exclusif, donné et partagé, en soit l¶enjeu.
L¶étymologie de mot
est d¶origine latine:
Il est enregistré dans le
38
mission; à la fin il ne reste qu¶un chevalier ordinaire. Il n¶aime pas et sa quête ne lui est dictée par
/. Doué d¶un très vif sentiment de l¶honneur, il rejette l¶idée de montrer dans la charrette:
Lancelot est l'un des plus grands et nobles chevaliers du cycle arthurien. Lancelot, par
contre, paraît invincible. Héros jusqu'à l¶ultime, il reste conforme à l¶idéal courtois tout en
assumant des comportements extrêmes. Mais, entre qui s¶oppose à /
, il choisi ce qui
est enclos dans son cœur:
Ex.1 ÄMes /est el cuer anclose,
Qui li et semont
Que tost an la charrete mont
/ le et il i saut,
Que de la honte ne li chaut
Puis qu¶Amors le et (#, 372-377)
Lancelot se laisse conduire par /et il devient le
exemplaire.
Méléagant est une sorte d¶anti-héros. Il présente toutes les qualités d¶un chevalier en ce
qui concerne les combats. Méléagant est une sorte d¶anti-héros, de faire-vouloir pour Lancelot. Il
représente l¶envers du héros: bavard, orgueilleux, insolent, excessif en tout et, surtout, félon, il
incarne les forces négatives du Mal:
Ex.1 ÄPlus
que n¶est uns tors,
Que c¶est molt
beste (#, 2568-2569)
Ex.1 ÄNe te fai tenir por anrievre
Ne por fol ne por
! (#, 3208-3209)
On fait la précision que l¶adjectif est d¶origine francique et que dans notre
'
il a trois 3 occurrences toutes pour la description des attitudes de l¶anti-héros, Méléagant.
39
&
) 9:
Chrétien de Troyes répète après Ovide et les clercs du Moyen Âge que c¶est de la vue, de
la beauté que naît l¶amour : les yeux sont les messagers du cœur et le coup de foudre est
immédiat.
Il semble que Lancelot suit justement la définition qu¶André Le Chapelain donne de
l¶amour :T
'
=
! '
+(W L¶homme du Moyen Âge convertit immédiatement son émotion
esthétique en sentiment de piété et en joie de vivre le chevalier fait identiquement, il est fasciné
par la beauté de la jeune fille qu¶il rencontre et il la désire en faisant tout pour la
.
Apprécier la beauté est l¶une des qualités du chevalier courtois, savoir deviner sous
l¶apparence la réalité du monde et des êtres est la preuve d¶un profond raffinement.
Le terme qui désignait cette qualité physique c¶était presque le même qu¶aujourd¶hui:
) (<
5, TLF:
On ne le rencontre que trois fois dans le texte. Deux fois en
caractérisant les demoiselles qui vont se marier:
Ex.1 ,, Car tant ne se s¶osoient fier
En lor
n¶an lor richesse+(#, 5996-5997).
Et une fois en parlant d¶autre chose, mais on traitera cet exemple dans un autre
paragraphe.
On commence par la beauté de la reine. La description des cheveux, en trois termes, fait
partie des rares indications concernant sa beauté:
Ex.1,, Oue les chevox que vos veez:
Si !, si et si
(#, 1414-1415)
On fait la remarque que à cause de sa beauté, le peigne d¶ivoire de Guenièvre devient aux
yeux de son adorateur, ,, 19
18
Apud Maria Pavel,
QQÊ Editura Fundaţiei
Chemarea Iaşi 1996, page 145.
19
Diana Gradu,
Ê
Casa Editoriala
Iasi, 2005, page 126.
40
Les adjectifs qui qualifient la beauté de la dame et du chevalier sont d¶origine latine:
} |3XIe s./!) <
TLF:
L¶adjectif est utilisé jusqu¶à la saturation, 70 occurrences. Son sens le plus général est
quelque chose qui procure une satisfaction d'ordre esthétique, qui plaît en parlant d'une personne:
Ex.1 ,,Une dameisele ancontree,
N¶avoit si an la contree (#, 431-432)
Même si dans ce paragraphe on traite les termes autour du thème de la beauté où le mot
s¶inscrit parfaitement, on croit qu¶il est nécessaire de donner aussi les autres valeurs
sémantiques qu¶il puisse avoir dans notre '
?
qui produit de l¶agrément, de la satisfaction
Ex.1: ÄAssez est qui novele porte
Einçois la leide que la (#, 4248-4249)
41
- adverbe: :
Ex.1 ,, Cil l¶armerent et si bien (#,6771)
} ;1<
, TLF:
!
Dans le texte avec le sens d¶ :
Ex.1,, Or an venez, biax amis (#, 4000)
En grandes lignes on a présenté les adjectifs, il nous reste de mentionner que ceux-ci parfois se
combinent:,, Lancelot, ! amis (#, 6696).
On a retenu dans la classe des verbes, le participe passé du verbe (dont origine est
obscure).Dans notre texte le participe passé est utilisé avec valeur adjectivale pour compléter la
description que Chrétien de Troyes fait à l¶une des femmes belle de l¶époque:
Ex.1,,Une dameisele venant,
Mout tres bele et mout avenant,
Bien et bien vestue. (#, 933- 935).
Pour que la beauté naît l¶amour on a besoin que celle-ci soit observée par le chevalier. Dans la
catégorie des sensoriels on considère les verbes suivants dont l¶origine est latine: '
et ; On peut dire que les verbes et ;
sont presque synonymes. Le rôle du regard est très important. On donne deux exemples, une fois
le regard fait que les filles du cour de roi Arthur désirent se marier avec le même chevalier:
42
Ex.1 ,,Et les dameiseles disoient,
Qui a mervoilles l
Que cil les tolt a marier (#, 5993-5995).
Ailleurs le manque du regard constitue la punition appliquée par la femme adorée au
chevalier à cause de la charrette :
Ex. 2 ,,Comant? Don n¶eüstes vos honte
De la charrete et si dotastes?
Molt a grant enviz i monastes,
Quand vos demorastes, il pas
Por ce, voir, ne vos vos je pas
Ne aresnier ne (#, 4483-4489)
Du moment que la beauté a été ' H par les protagonistes, on pourrait inscrire dans
notre vocabulaire d¶amour les termes suivants, qui font partie de la catégorie des
:
' , leur étymologie est latine. Les verbes sont en relation de
synonymie partielle.
En ce qui concerne le verbe il n¶est utilisé qu¶une seule fois dans un syntagme
négatif:
Ex.1: ,, Et celui mie
Qu¶il se soffrist mout bien de li (#, 1193-1194).
est le verbe avec une fréquence significative: 64 occurrences.
Ex.1,, Et s¶il vos ', jusqu'à demain
I serai por amor de vos (#, 4518-4519).
20
Maria Pavel,
QQÊ Editura Fundaţiei Chemarea
Iaşi 1996, p. 154.
43
L¶ c¶est la première liaison d¶entre ceux-ci. La fréquence de ce terme est faible, 2
occurrrences. Une fois il est employé avec la variante :
On observe que l¶ dans ces deux emplois est en couple avec ' et "
En ce qui concerne la version moderne du texte, Charles Méla, renonce dans le deuxième
exemple à la traduction d¶ , il ne le mentionne point.
Le mot a plusieurs valeurs sémantiques. Ses occurrences sont: 5 pour 16-
20- On donne quelques exemples pour les illustrer:
- personne liée d¶amitié avec une autre personne:
Ex.1 ÄEt mes sire Gauvains ausi
Com a seignor et a ,
Et Kex ausi, tuit li prometent (#, 5292-5294)
-formule d¶adresse: Ä ! .
Ex.1 Ä Lancelot, ! (#
6696)
44
! ''
! .
'
.
' +21. C¶est le temps pour un autre type de sentiment,
&
6
# !
On a choisi le nom,
pour ce chapitre parce dans la première
partie on fait une présentation des termes utilisés par Chrétien de Troyes dans la description de la
naissance de l¶amour, c'est-à-dire des sentiments beaux, puis, on continuera avec la souffrance
causée par l¶amour et qui se transforme dans un cri de mort.
L¶amour et la beauté forment le noyau du nouvel idéal courtois où la femme, de suzeraine
devient idole. L¶amour prend naissance dans le cœur par le regard et la pensée. Il est un sentiment
moral et par son pouvoir immense qui méprise la mort même, il est la source de toutes les vertus.
Au Moyen Âge, le terme désignait une passion violente, condamnable. Aucun texte du
début du Moyen Âge n¶utilise le terme dans un sens positif.
Grégoire de Tours dans
G# enregistre le terme avec 22 occurrences: 10
occurrences pour des liaisons sensuelles et irrationnelles, 3 occurrences pour des relations
affectives entre parents et enfants. Mais, jamais le terme ne fait référence à la liaison amoureuse
consentie par la religion.
Dans notre '
l¶amour est adultère, mais c¶est un amour-passion éprouvé par
Lancelot, un amour qui le fait ignorer, même outrepasser, toute considération morale; le héros
arrache les barreaux de la chambre de Guenièvre et la rejoint dans son lit. Cet amour impérieux
fait oublier l¶honneur, Lancelot monte dans la charrette infamante, se laisse vaincre lorsque sa
dame le lui demande. Pour les protagonistes femmes, il y a une distinction: Guenièvre,
conformément au statut que l¶époque et la doctrine amoureuse lui assurent, ne doit rien sacrifier,
elle est reine et amante. Chez Chrétien de Troyes, les qualités privilégiées des amants sont la
fidélité, la loyauté et la quête éventuelle d¶un anéantissement héroïque, la mort au nom de
l¶amour. La dame possède des pouvoirs presque magiques, étant capable d¶accorder la victoire au
combat à son amant en lui insufflant le courage.
21
Voichita Maria Sasu,
.
31X 5 Casa Editorială
Demiurg, Iaşi, 2006, p. 11.
45
Dans la classe de mots qui caractérisent l¶amour qui fait vivre on peut inscrire:
& , TLF:
& , TLF:>
& , TLF:
& , TLF:
&
, TLF:
!
& , TLF:
& , TLF:
& , TLF:
!
& , TLF:
& TLF,
& , TLF:
& , TLF:
& 6 , TLF:
& , TLF:
&
, TLF:
&
, TLF:
;
& , TLF:
I& , TLF:
On observe que les termes précisés sont d¶origine latine, fait qui s¶inscrit dans
l¶affirmation de Paul Guiraud : le fonds roman constitue la source essentielle du français.
Dans les pages qui suivent on illustrera quelques valeurs sémantiques des mots qu¶on a déjà
mentionnés.
On commence par le terme qui, en effet, constitue l¶objet de notre travail. Il
enregistre 41 occurrences. Dans son sens le plus général le mot désigne l¶attachement affectif ou
physique pour ce qui est perçu comme bon. D¶autres valeurs qui le terme peut avoir dans notre
'
:
46
-l¶attachement pour des personnes sans caractère sexuel: bonté, gentillesse:
Ex.1 Ä Le chevalier et ranponé,
Si li dona cheval et lance
Par et par acordance. (#, 588-590)
Ex.2 Ä Mes demander vos voel un don,
Que donner ne me devrïez
Se par nel feisïez (#, 3772-3774)
47
Si que sort oz le justisoit (#, 1233-1235)
Ex.2 Ä/ avers qu¶au suen ne fist,
Mes an son cuer tote reprist
/ et fu si anterine. (#, 4665-4667)
Il y a dans notre texte encore un type d¶amour, ceci ne constitue pas l¶objet de notre étude,
mais on croit nécessaire de le mentionner, il s¶agit de l¶amour pour Dieu. On fait la précision que
dans la variante ancienne le terme amour n¶est pas enregistré, il est traduit seulement dans la
variante moderne.
Ä
et por moi l¶en aiez ,,
et pour moi, accordez-lui
La merci que je vos demant! la grâce que moi aussi je vous donne demande!
(#, 898-899)
Au Moyen Âge, la religion occupe une place importante, elle est le moteur de la vie
quotidienne. Elle encadre aussi la vie humaine par les sacrements: baptême à la naissance,
confirmation du jeune adulte, confession annuelles, mariage et enterrement. Elle a de plus une
fonction de protection. Cette chose se confirme aussi dans notre corpus. On donne comme
argument l¶emploi du terme
, 107 occurrences.
On sait bien qu¶au Moyen Âge
était en relation d¶interdépendance avec
.
Le terme est d¶origine latine,
&, est il attesté dans la langue française
commençant avec . L¶adjectif a 11 occurrences et le substantif 4
occurrences. En ancien français désigne, du XIIe au XIVe siècle, une attitude mentale
propre à un milieu social particulier, celui des
, marqué du signe d¶élitisme, et qui
se présente comme un nouveau modèle de civilisation. Dès le XIe siècle, dans
, l¶adjectif
(courtois) souligne à plusieurs reprises la qualité aristocratique et le
courage du héros. Le sens de est double, sociologique et moral: le mot qualifie à la fois
ce qui concerne le monde noble, et ce qui est d¶autre part lié aux qualités propres d¶un individu.
Dans ces deux acceptions, -
s¶oppose à - .
Dans notre corpus le terme accomplie les suivants valeurs sémantiques:
48
-courtois, dont l¶apparence ou le comportement correspond à l¶idéal de la courtoisie (dans le sens
le plus général):
Ex.1 ÄMainte bele dame
Bien parlant an lengue françoise (#, 39-40)
-l¶accent semble mis sur les qualités morales: élévation des sentiments, noblesse, loyauté,
générosité:
Ex.1 ÄMolt me troveroiz debonaire
Vers vos et leal et (#, 3338-3339)
49
Ex.1ÄN¶est pas la novele
Qui la reïne cest duel porte,
Neporquant ele s¶an deporte
Au plus belemant qu¶ele puet.(#, 5190-5193)
On observe que l¶utilisation de terme est très variée, le sens de ce mot n¶est jamais
facile à déterminer. On soutient notre affirmation avec l¶aide des exemples donnés et aussi avec
l¶aide de la définition que G.Burgess donne dans son %
"
9$$: ,,
'
' '
'
' '
'
'
' .22
Chrétien de Troyes attribue ces qualités au Lancelot, car, à l¶époque, il fallait avoir de la
prouesse pour être aimé ou pour aimer. Arriver à l¶objet du désir était une question sérieuse, de
courage et de persévérance.
En ce qui concerne la catégorie de
on ajoute: et et dans la
catégorie des sensoriels: et
Quand il sent l¶amour, son cœur et plein de joie, il accepte l¶aventure en partant dans la
quête de son amie. Des simples protagonistes qu¶on a présentés au début ils sont maintenant (
et ) deux cœurs qui battent un pour l¶autre. Mais la situation change son statut,
l¶amour est vue comme souffrance suivie de la mort par ceux-ci.
Lancelot et Guenièvre forment un couple étrange. Car, en dépit de leur amour, ils
n¶arrivent pas, tout comme les autres, à remplir la fonction conjonctive, par le mariage.
Guenièvre est déjà la femme d¶une autre. Chrétien se fait ainsi messager de l¶étique des
troubadours qui sont en pleine vogue à l¶époque de la composition du roman : Bernard de
Ventadour, Raimbaut d¶Orange. dont ils parlent est incarnée par Guenièvre,
au moment de son silence et de sa froideur envers son soupirant. En plus, elle reste inaccessible
22
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50
autrement que par l¶adultère. Chrétien annule, d¶un seul trait, l¶idée avancée par les promoteurs
de la poésie lyrique du Midi de la France que l¶amour pour la dame noble, femme de l¶autre,
n¶est platonique. Elle devient presque un objet de l¶obsession du chevalier amoureux. La
définition de l¶amour donnée par André le Chapelain est donc justifiée: Ä
'
=
! '
+Notre
chevalier est si obsédé par son amour qu¶il est en train de tomber de son cheval, un effet comique
exploité avec ironie par Chrétien:
Ex.1 ÄCil ne l¶antant ne ne l¶oi,
Car ses pansers ne li leissa (#, 744-745)
Ex.2 ÄQuant cil sant l¶eve, si tressaut,
Toz estormiz an estant saut
Ausi come cil qui s¶esvoille (#, 767-769)
51
'
'
3 5
3
5
35
3 5
3
53 I5
3 5
C
On a choisi ce type de présentation parce qu¶on n¶a voulu pas perdre l¶intensité des
sentiments des nos protagonistes. On observe que à l¶époque l¶auteur a trouvé des outils pour
exprimer leurs états affectifs.
Toute la nuit Lancelot partage ce sentiment:
Ex. 1 Ä Molt ot de
Lanceloz tote cele nuit (#, 4685-4686).
52
À la fin de la nuit d¶amour notre chevalier est triste il part avec le corps, mais le cœur
reste:
Ex.1 ÄMes li jorz vient, qui ,
Quant delez s¶amie se lieve (#, 4687-4688)
Ex.2 ÄMolt s¶an part Lanceloz
''
Del rasenbler n¶est pas pris termes,
Ce poise lui, mes ne puet estre (#, 4701-4704)
On passe à la deuxième partie qui représente
.
Guenièvre et Lancelot, forment un couple unique du point de vue de la puissance de leur amour.
La nuit d¶amour commence par l¶élimination des barreaux d¶une fenêtre et finit par les démentis
de la reine, leur souffrance est également déchirante par intensité.
Les adjectifs qui qualifient cette instance de l¶amour sont:
' ' Les occurrences des mots sont faibles: , ' et n¶ont
qu¶une seule occurrence.
53
L¶emploi d¶un adjectif de couleur, pour définir un état d¶âme, constitue une habitude au
Moyen Âge, transmise aussi à l¶époque moderne:
Ex.1 ÄMolt en ai le cuer et ,
Or en ai honte, or en ai duel (#, 1108-1109)
54
Tant de pooir et de vertu
Qu¶ainz que ma dame m¶oceïsses? (#, 4318-4321)
Ex.2 ÄMalveise est qui
Que mal por son ami sofrir (#, 4243-4244
55
+,
Notre excursion, si éloignée dans le temps dans le temps et faite avec des moyens qui se
trouvent à la disposition d¶un chercheur moderne, essaye d¶être une démonstration de la diversité
et de la flexibilité du lexique.
Le choix des textes et des critères de jugement nous appartiennent entièrement, même si à
un moment donné on a utilisé comme direction d¶étude les théories de R.L. Wagner.
Une étude de linguistique moderne a besoin d¶un cadre chronologique. Le lexique d¶une
langue est difficile à fixer. C¶est pourquoi on a fait notre travail seulement sur une branche de
celui-ci, c'est-à-dire
Il s'agit d'une coupe synchronique du français parlé et écrite entre le IX-éme et XIV-éme
siècles. Dans notre '
on a observé une certaine stabilité en ce qui concerne l¶écriture, mais
on se rend compte que, en dehors du style formulaire que Chrétien utilise surtout à la commande
de Marie de Champaigne, cette stabilité n¶est qu¶une illusion. Car chaque auteur, question de
talent et de culture, a le droit, le pouvoir et la liberté d¶expression.
Le thème proposé nous a laissé la possibilité d¶étudier d¶une manière plus attentive les
instruments qui sont employés par Chrétien de Troyes pour décrire les sentiments. L¶accord de la
communauté concernant le nom des choses et des notions plus ou moins abstraites qui lui servent
d¶instruments et qui lui assurent l¶existence est aléatoire et temporaire. Nous sommes arrivée à
cette conclusion grâce aux mots qui ont été employés à l¶époque et qui aujourd¶hui n¶existent
plus ou ils ont une autre valeur sémantique.
Compte tenu du fait que le réel et son lexique représentent deux domaines où l¶homme est
le médiateur essentiel, cette variabilité qu¶on a essayée de surprendre au XIIe siècle est naturelle.
Même si l¶étude est fondée sur un '
littéraire (le choix du corpus est assez limité, il faut le
dire)
D¶autre part, le thème choisi nous a fait comprendre que l¶amour courtois est une
véritable révolution idéologique, qui va s¶exprimer surtout dans la littérature, car l¶élément qui
catalyse des révolutions mentales du XIIe siècle c¶est l¶émancipation de la femme, public
prédilecte des romans de l'époque.
56
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59
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acordance sf . (1)*23 < lat. accordare
amant sm. (1) < lat.amare
ame s. (3) < lat.anima
ami s. (5), amie (16) , amis (20) < lat.amicus
amor s. (13) < lat.amorem
angoisse sf (7) < lat.angustiare
aventure sf (14) < lat.adventura
biauté sf (3) < lat.bellus
bonëuré (1) < début du XIIe siècle de bon et heur
bonté (10) < lat.bonitas
charrete sf (38) <lat. carrus
chevalerie sf (1) < lat.caballarius
chevalier sm (244) < lat. caballarium
chiere sf (7) < lat.carum
corage sm (8) < lat.cor
cortoisie sf (4) < lat.cohors
cuer sm ( 52) < lat.cordis
dame sf (72) < lat.domina
damoisel sm (1) < version de
damoisele sf ( 56) < lat. domnicella
desdeing (4) < lat.dignare
23
Entre paranthèses on a mentionné les occurrences des termes
60
deslëauté sf (4) < lat.legalis
despit sm (7) < lat. despicere
destrece sf (14) < lat. districtia
dieu sm (107) < lat.Deus
dolor s (6) < lat. dolor
douçor sf (4) < lat. dulcis
duel sm (33) < lat. dolus
enui sm (9) < lat. inodiare
envie sf (3) < lat. invidiare
feme sf (9) < lat. femina
fille sf (10) <lat. filia
grace sf ( 2) < lat. gratia
gré sm (26) < lat.gratum
jeu sm (13) < lat. jocus
joie sf (17) < lat.gaudium
largece sf (4) < lat. largus ,,abondante, généreux
larme sf lerme (3) < lat. lacrima
merci sf ( 43) < lat.merces
merveille sf (18) < lat. pop. miribilia
message (5) < lat. missus
novele ( 34) < lat. pop. novella
nuit sf (19) < lat. nox, noctis
orgueil sm (11) < francique urgôli
peigne sm (8) < lat. pecten, -isis
pensé sm (1) < lat. pensare
perte (1) < lat. pop. perdita
pitié sf (14) < lat.pietas, atis
plaisir sm (5) < lat. placere
promesse sf (1) < lat.promissa, participe passé de promittere
pucele sf (60) < lat.pop. pullicella, diminutif de pullus, petit d¶un animal
61
queste sf ( 1) < lat. participe passé de quere
raison sf reison (14) < lat. ratuenem
reproche sm ( 5) < lat. pop. repropiare
respons sm (1) < lat. responsum
response sf (1) < lat. responsum
röine ( 139) < lat. regina
sospir sm ( 1) < lat. suspirare
träison sf (8) < lat.pop. tradire
träitor sm (5) < lat.pop. tradire
tristece sf (1) <lat. voluntas
venjance sf (2) < lat. vindicare
verité sf (6) < lat.veritas
? !
amoros (1) < lat. amorem
bel (70) < lat. bellum
bon (59) < lat. bonum
chier (13) < lat.cara
cöart (2) < 1080,
coi (26) < lat.pop.quetum
cointe (3) < lat. cognitum
corajos (1) < lat. cor
cortois (11) < lat. cohors
crüel (5) < lat. crudelis
debonaire (3) < lat. amalgame de bon aire
deliié (1) < lat. delicatus
destroit (1) < lat. districtum
dolent (14) < lat. dolere
douz, dolce (10) < lat.dulcem
gent (12) < lat. gentem
62
gentil (2) < lat. gentem
grant (236) < lat. grandem
grief (5) < lat.pop. grevem ou gravem
jalos (2) < lat.pop. zelosus, gr. zêlos
joiant (4) < lat. jocare
lait (1) < francique laid
malade (1) < lat. mal habitus
mauvais (9) < lat.pop. malifatium
mout (217) < lat. multum
noir (3) < lat.nigrum
onorable (1) < lat.honorem
orgoillos (3) < francique urgôli
pensif (4) < lat. pensare
pitos (1) < lat. pietatem
triste (1) < lat. tristem
&
abandoner (1) < germanique, band, juridiction
abelir (2) < lat. bellum
acesmer (2) < origine obscure
acorder (10) < lat. accordare, avec influence de chorda
acreanter (9) < participe présent de credere
adoler (1) < lat. doler
agreer (1) < lat. gratum
amer (25) < lat. amare
angoissier (3) < lat. angustiare
apercevoir (5) < lat. adpercipere
baisier (6) < lat. baisier
blasmer (10) < lat. pop. blasphemare
celer (7) < lat. celare
63
comander (32) < lat. commendare
confesser (1) < lat.pop. confessare
couchier (22) < lat. collocare
cuidier ( 86) < lat. cogitare
delitier (4) < lat. delectare
desafubler (2) < lat.pop. affibulare
desconforter (1) < lat. confortare
desconseillier (2) < lat. consiliare
desdeignier (1) < lat.dignare
desdire (3) < lat. dicere
deshaitier (4) < germanique hait
desirrer (9) < lat. desiderrare
desperer (1) < lat. sperare
despire ( 9) < lat. despicere
desplaire (4) < lat. placere
doloir (9) < lat. dolere
embracier (5) < de en + bras
endurer (4) < lat. indurare
enoiier (11) < bas. lat. inodiare, de odium
esbäir (5) < origine obscure
entendre (10) < lat. intendere
esgarder (31) < francique wardon
esjöir (6) < lat. pop. gaudire
esperer (2) < lat. sperare
honir (6) < francique haunita
irier (10) < lat. irritare
jurer (14) < lat. jurare
malëir (4) < lat. pop. maldire
marïer (5) < lat. maritare
maudire (2) < lat. dicere + mal
64
mercïer (5) < lat. mercedem
merveillier (17) < lat. pop. mirabilia
mesfaire (5) < lat. facere
morir (46) < lat. pop. morireobëir (1) <
offrir (4) < lat.pop.offerire
otroiier (24) < lat. pop. auctoridiare
pardoner (3) < amalgame de par et donner
penser (37) < bas. lat. pensare
perir (2) < lat. perire
plaindre (3) < lat. plangere
plaire (64) < forme parallèle à plaisir
plorer (3) < lat. plorare
prometre (12) < lat. promittere
regarder (7) < francique wardôn
reprochier (4) < lat. pop. repropiare, rapprocher, mettre sous les yeux
rire (9) < lat.pop. ridere
salüer (16) < lat. salutem
sauver (4) < lat. salvare
sofrir (19) < lat. pop. sufferire
sospirer (3) < lat. suspirare
tochier (11) < lat. pop. toccare
torbler (3) < lat. pop. trubulum, croisement de turpidus, agité et de turbulentus
trembler (2) < lat. pop. tremulare
vëoir (15) < lat. videre
65
celeement (2) < lat.celare
crüelement (6) <lat. crudum
debonairement (1) < amalgame de bon aire
doucement (1) < lat. dulcem
ensemble (adv/prep) (5) < lat.pop. insimul
lieement (4) < lat. ligare
mauvaisement (1) < lat.pop. malifatium
mout (214) < lat. multum
orgoillosement (1) < francique urgôli
volantiers (34) < lat.voluntas, -a
66
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